Sommaire
Présidence de M. Didier Guillaume
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
4. Communications du Conseil constitutionnel
5. Décisions du Conseil constitutionnel
Mme Nathalie Goulet, M. le président.
7. Assistance administrative mutuelle en matière fiscale. – Adoption définitive, en procédure d’examen simplifié après engagement de la procédure accélérée, d’une convention internationale dans le texte de la commission
Adoption de l'article unique du projet de loi.
8. Contentieux et procédures juridictionnelles. – Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois.
MM. Jacques Mézard, André Reichardt, Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Alain Anziani.
Clôture de la discussion générale.
M. le garde des sceaux.
Amendement n° 40 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Pierre Michel, Jean-Jacques Hyest. – Rejet.
Amendement n° 47 du Gouvernement. – MM. le garde des sceaux, le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 41 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard. – Devenu sans objet.
Rejet de l'article.
Articles 2 bis, 4, 6, 7 et 11. – Rejet.
Amendement n° 42 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux, Alain Anziani. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
9. Questions cribles thématiques
MM. Pierre Jarlier, Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
MM. François Marc, Philippe Richert, ministre ; François Patriat.
MM. Éric Bocquet, Philippe Richert, ministre.
MM. Alain Bertrand, Philippe Richert, ministre ; Christian Bourquin.
MM. Antoine Lefèvre, Philippe Richert, ministre.
MM. Pierre-Yves Collombat, Philippe Richert, ministre.
MM. Joël Billard, Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
MM. Martial Bourquin, Bruno Le Maire, ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
10. Communication du Conseil constitutionnel
11. Démission de membres de commissions et candidatures
12. Contentieux et procédures juridictionnelles – Suite de la discussion en nouvelle lecture et rejet d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendements identiques nos 17 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 43 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois ; Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; François Pillet. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article 15 bis A (suppression maintenue)
Article 15 quater A (pour coordination). – Adoption
Amendement n° 49 de la commission. – MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 18 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 2 de M. Jean-Pierre Michel, 19 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 44 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux. – Adoption, par scrutin public, des trois amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 3 de M. Jean-Pierre Michel, 20 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 45 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, le rapporteur, le garde des sceaux, François Pillet, François Zocchetto, Pierre-Yves Collombat, Jean Louis Masson. – Adoption, par scrutin public, des trois amendements supprimant l'article.
Amendement n° 4 de M. Jean-Pierre Michel. – M. Jean-Pierre Michel. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 5 de M. Jean-Pierre Michelet et 22 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Jacques Hyest. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 23 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article 22 quater (suppression maintenue)
Articles 23, 24 et 24 bis. – Adoption
Amendements identiques nos 7 de M. Jean-Pierre Michel et 24 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, François Zocchetto, Jean-Jacques Hyest, Jacques Mézard, Nicolas Alfonsi. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant la division et son intitulé.
Articles 24 quater et 24 quinquies (suppressions maintenues)
Amendements identiques nos 8 de M. Jean-Pierre Michel et 25 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – M. Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant l'article.
Articles 24 sexies et 24 nonies (suppressions maintenues)
Amendement n° 9 de M. Jean-Pierre Michel. – MM. Jean-Pierre Michel, le rapporteur, le garde des sceaux, André Reichardt. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendements identiques nos 10 de M. Jean-Pierre Michel et 26 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 11 de M. Jean-Pierre Michel et 27 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 12 de M. Jean-Pierre Michel et 28 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 13 de M. Jean-Pierre Michel et 29 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 24 quindecies (suppression maintenue)
Amendements identiques nos 14 de M. Jean-Pierre Michel et 30 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 15 de M. Jean-Pierre Michel et 31 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Article 24 octodecies (suppression maintenue)
Article 24 novodecies (supprimé)
Amendement n° 16 rectifié de M. Yves Détraigne et sous-amendement n° 48 de M. Nicolas Alfonsi. – MM. François Zocchetto, Nicolas Alfonsi, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; le garde des sceaux. – Retrait du sous-amendement et de l’amendement.
L’article demeure supprimé.
Article 24 vicies (suppression maintenue)
Articles 24 unvicies et 24 duovicies. – Adoption
Amendement n° 50 de la commission. – MM. le rapporteur, le président de la commission, le garde des sceaux. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 24 quatervicies et 24 quinvicies. – Adoption
Amendement n° 32 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article 24 septvicies. – Adoption
Article 25 A (suppression maintenue)
Amendement n° 33 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Jacques Hyest. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 34 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 35 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 25 quater A à 25 quater F et 25 quater à 25 octies. – Adoption
Amendement n° 37 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 38 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 39 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. – Retrait.
Adoption de l'article.
MM. André Reichardt, Jean-Pierre Michel, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jacques Mézard.
Rejet, par scrutin public, du projet de loi.
13. Nomination de membres de commissions
Suspension et reprise de la séance
14. Plan d’aménagement et de développement durable de Corse. – Adoption d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : MM. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration ; Alain Houpert, rapporteur de la commission de l’économie.
M. Marc Daunis, Mme Évelyne Didier, MM. Nicolas Alfonsi, Pierre Hérisson, Ronan Dantec.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 5 de Mme Évelyne Didier et sous-amendement no 10 du Gouvernement. – Mme Évelyne Didier, MM. le ministre, le rapporteur, Daniel Raoul, président de la commission de l'économie ; Nicolas Alfonsi, Thierry Repentin, Marc Daunis. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 3 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendements nos 8 rectifié bis et 9 rectifié bis de M. Nicolas Alfonsi. – MM. Nicolas Alfonsi, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendement n° 4 de Mme Évelyne Didier. – Mme Évelyne Didier, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendements nos 6 rectifié bis et 7 rectifié bis de M. Nicolas Alfonsi. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 1 rectifié de M. Thierry Repentin. – Mme Renée Nicoux, MM. le rapporteur, le ministre, Nicolas Alfonsi. – Adoption.
Amendement n° 2 rectifié de M. Thierry Repentin. – MM. Claude Bérit-Débat, le rapporteur, le ministre, Thierry Repentin. – Adoption.
M. Marc Daunis.
Adoption de l'article modifié.
MM. Nicolas Alfonsi, Thierry Repentin, Mme Évelyne Didier, M. Jean-Jacques Mirassou.
Adoption du projet de loi.
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le procès-verbal de la séance du mercredi 12 octobre a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie le mercredi 12 octobre 2011, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 18 octobre 2011
À 15 heures :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole d’amendement à la convention du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (texte de la commission n° 14, 2011-2012) ;
(Pour le projet de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;
Selon cette procédure simplifiée, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le vendredi 14 octobre, à dix-sept heures, qu’il soit débattu en séance selon la procédure habituelle) ;
2°) Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles (texte de la commission n° 25, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 17 octobre ;
- au lundi 17 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 18 octobre, le matin).
De 17 heures à 17 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur le malaise des territoires ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant douze heures trente) ;
À 18 heures et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Éventuellement, suite de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la répartition des contentieux ;
5°) Projet de loi relatif au plan d’aménagement et de développement durable de Corse (texte de la commission n° 16, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 17 octobre ;
- au lundi 17 octobre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mardi 18 octobre, l’après-midi).
Mercredi 19 octobre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 :
1°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de la veille ;
2°) Projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables (texte de la commission, n° 22, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 18 octobre ;
- au lundi 17 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de l’économie se réunira pour examiner les amendements le mercredi 19 octobre, le matin) ;
À 21 heures 30 :
3°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 18 octobre, après-midi.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 18 octobre ;
- au mercredi 19 octobre, à seize heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mercredi 19 octobre, à la suspension du soir).
Jeudi 20 octobre 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Mardi 25 octobre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1367 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;
(Durée d’engagement des abonnés de téléphonie mobile) ;
- n° 1375 de M. Roland Ries à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Droits des ressortissants français dans les cas de divorce dans les familles franco-allemandes) ;
- n° 1387 de M. Robert del Picchia à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Exit tax américaine) ;
- n° 1388 de M. Joël Bourdin à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(L’URSSAF et les exonérations de charges sociales des organismes d’aide à domicile) ;
- n° 1389 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Hausse du prix du tabac et marché parallèle du tabac dans les régions frontalières) ;
- n° 1390 de M. Martial Bourquin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Revalorisation et reconnaissance de l’activité des sages-femmes) ;
- n° 1391 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse) ;
- n° 1392 de M. François Patriat à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Modalités de calcul de la taxe foncière pour favoriser l’investissement et la modernisation de l’immobilier de production) ;
- n° 1393 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Avenir de la profession d’anesthésiste-réanimateur) ;
- n° 1394 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Difficultés d’accès à l’emprunt pour les collectivités locales) ;
- n° 1398 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Mise en place de la future carte nationale d’identité électronique) ;
- n° 1399 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Centrale nucléaire frontalière et information du pays limitrophe) ;
- n° 1400 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Sécurité routière) ;
- n° 1402 de M. Jean-Paul Fournier à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Découpage cantonal) ;
- n° 1403 de M. Alain Fauconnier à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Calcul de l’allocation aux adultes handicapés) ;
- n° 1405 de M. Jean-Etienne Antoinette à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation prévue à l’article 266 quater A du code des douanes) ;
- n° 1410 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Situation des salariés de Boulanger Tours Nord) ;
- n° 1412 de M. Jean Boyer à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
(Fusion des communautés de communes en zone de montagne) ;
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 26, 2011-2012) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre, le matin [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 17 octobre, à douze heures].
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 24 octobre ;
- au lundi 24 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 25 octobre, le matin).
Mercredi 26 octobre 2011
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (n° 5, 2011-2012) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre, le matin [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 17 octobre, à douze heures].
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mardi 25 octobre ;
- au lundi 24 octobre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 26 octobre, le matin).
Jeudi 27 octobre 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mercredi 2 novembre 2011
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe SOC – EELV :
1°) Proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (n° 793, 2010-2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 26 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 24 octobre, à douze heures.]
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 31 octobre ;
- au lundi 31 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
À 18 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires sociales ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le lundi 31 octobre).
Jeudi 3 novembre 2011
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, présentée par M. Raymond Couderc et plusieurs de ses collègues (n° 264 rectifié, 2009-2010) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 17 octobre, à douze heures].
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mercredi 2 novembre ;
- au jeudi 27 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (n° 744, 2010-2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 17 octobre, à douze heures].
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mercredi 2 novembre ;
- au jeudi 27 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre).
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UCR :
3°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 740, 2010-2011) ;
(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 19 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : le lundi 17 octobre, à douze heures].
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mercredi 2 novembre ;
- au vendredi 28 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre, le matin) ;
À 19 heures et le soir :
4°) Texte de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, présentée par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 447, 2010-2011) ;
(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 26 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : le lundi 24 octobre, à douze heures].
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant dix-sept heures, le mercredi 2 novembre ;
- au mercredi 2 novembre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le jeudi 3 novembre, le matin).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Du lundi 7 au jeudi 10 novembre 2011 et, éventuellement, lundi 14 novembre 2011
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (A.N., n° 3790) ;
Les modalités d’examen de ce texte seront fixées lors de la réunion de la conférence des présidents du mercredi 19 octobre 2011.
Par ailleurs, la conférence des présidents a décidé de prévoir une séance de questions d’actualité au Gouvernement supplémentaire le jeudi 10 novembre 2011, à quinze heures.
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
3
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur l’application de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale et est disponible au bureau de la distribution.
4
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel :
- le lundi 17 octobre 2011, deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-207 QPC et 2011-208 QPC) ;
- le mardi 18 octobre 2011, une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-209 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de ces communications.
5
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du jeudi 13 et du vendredi 14 octobre 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2011-180, 2011-181, 2011-182, 2011-183/184 QPC).
Acte est donné de ces communications.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, hier a eu lieu à Sanaa une manifestation de femmes, laquelle s’est soldée par plusieurs dizaines de morts. En Syrie, plus de 2 600 personnes sont mortes. La situation à Bahreïn est extrêmement préoccupante. Pourtant, nos groupes d’amitié demeurent silencieux.
Par conséquent, je souhaite que la conférence des présidents inscrive à l’ordre du jour de nos travaux un débat sur la diplomatie parlementaire. Il me semble dommageable et difficilement excusable que nous ne puissions pas nous exprimer sur ces questions relatives aux droits de l’homme, lesquelles sont très importantes pour le positionnement de la France à l’étranger.
M. le président. Madame Goulet, je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je transmettrai votre proposition à M. le président du Sénat.
7
Assistance administrative mutuelle en matière fiscale
Adoption définitive, en procédure d’examen simplifié après engagement de la procédure accélérée, d’une convention internationale dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole d’amendement à la convention du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (projet n° 2, texte de la commission n° 14, rapport n° 13).
Pour ce projet de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.
Article unique
Est autorisée l'approbation du protocole d'amendement à la convention du Conseil de l'Europe concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale, signé à Paris, le 27 mai 2010, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation du protocole d’amendement à la convention du Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.
(Le projet de loi est définitivement adopté.)
8
Contentieux et procédures juridictionnelles
Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles (projet n° 767 [2010-2011], texte de la commission n° 25, rapport n° 24).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles revient aujourd’hui devant la Haute Assemblée. La commission mixte paritaire qui s’est réunie cet été n’est en effet pas parvenue à établir un texte de compromis.
Ce texte est important : il s’inscrit dans un mouvement engagé en 2009 et destiné à simplifier, à alléger et à rendre plus efficace le traitement des procédures judiciaires au profit des justiciables. Il est inspiré des réflexions de la commission présidée par le recteur Serge Guinchard et vise également à améliorer la visibilité de l’organisation judiciaire.
Tant sur la répartition des contentieux que sur l’allégement des procédures, le travail parlementaire a permis de renforcer les objectifs de la réforme. Le Sénat a considérablement enrichi ce projet de loi, l'Assemblée nationale ayant d’ailleurs retenu, dans leur grande majorité, les avancées qui avaient été apportées au texte en première lecture, notamment en matière de procédure civile et pénale. Cette dernière a néanmoins ajouté deux volets visant à rationaliser l’organisation judiciaire et à alléger les procédures devant les juridictions financières et administratives.
J’évoquerai brièvement les grands axes de ce texte.
Tout d’abord, ce projet de loi clarifie la répartition des contentieux en matière civile et poursuit le mouvement de spécialisation en matière pénale.
En matière civile, le texte procède à des transferts de compétences entre tribunaux d’instance et tribunaux de grande instance, en vue d’une meilleure cohérence et d’une plus grande lisibilité dans les attributions de ces deux ordres de juridiction.
Cet effort de lisibilité conduit, comme le préconisait le rapport Guinchard, à supprimer les juridictions de proximité. Les juges de proximité seront donc désormais rattachés au tribunal de grande instance. Il s’agit non pas de supprimer les 581 juges de proximité, mais de redéfinir leur périmètre d’intervention : ils participeront désormais aux audiences collégiales, au pénal mais aussi au civil. Ils pourront en outre se voir confier la procédure non contradictoire d’injonction de payer.
La Haute Assemblée a souhaité revenir sur l’une des simplifications introduites par le texte en prévoyant que ces juges conservent leur compétence à juge unique pour les contentieux civils d’un montant inférieur à 4 000 euros. J’entends les craintes exprimées d’une surcharge d’activité pour les juges d’instance et je m’engage donc devant vous à ce que les situations fassent l’objet d’un examen attentif afin de renforcer, là où cela sera nécessaire, les effectifs des juridictions d’instance concernées par cette réforme.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens également à souligner que, en pratique, le maintien de cette compétence poserait des problèmes d’organisation certains et brouillerait la lisibilité justement recherchée par le texte, le juge d’instance pouvant être appelé, dans le dispositif adopté par votre commission, à suppléer l’absence du juge de proximité. C’est pour cette raison que les juges d’instance eux-mêmes, via leur organisation professionnelle, se sont prononcés contre le maintien de cette compétence.
Pour l’ensemble de ces raisons, et afin que le texte puisse atteindre pleinement l’objectif de simplification recherché, le Gouvernement vous soumettra un amendement tendant à revenir au texte initial.
En revanche, le regroupement de certains contentieux techniques et sensibles au sein de pôles spécialisés fait, pour sa part, consensus. Il constitue une réelle avancée pour le traitement d’affaires complexes. Ainsi un pôle compétent pour les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes de torture sera-t-il créé. De même, des pôles régionaux spécialement compétents pour les accidents collectifs permettront une meilleure prise en charge de ces dossiers, qui impliquent souvent de nombreuses parties civiles.
En outre, en supprimant le tribunal aux armées, dont les compétences seront confiées à un pôle spécialisé du tribunal de grande instance de Paris, le texte propose une solution équilibrée. Il parachève ainsi l’intégration de la justice miliaire à la justice de droit commun en temps de paix, tout en tenant compte de la spécificité de ce contentieux.
Ensuite, le texte procède à l’allègement de certaines procédures civiles et pénales.
En matière familiale, comme l’a relevé M. le rapporteur, le texte permet de simplifier véritablement la vie quotidienne de nos concitoyens.
Il apporte également de nouvelles garanties aux justiciables, en généralisant, par exemple, l’obligation pour l’avocat d’établir une convention d’honoraires dans tous les cas de divorce et en prévoyant la fixation de barèmes indicatifs par arrêté du garde des sceaux, après avis du Conseil national des barreaux. Le débat parlementaire a d’ailleurs permis, sur l’initiative de la Haute Assemblée, de renforcer le dispositif initialement proposé pour une plus grande transparence des honoraires.
En matière d’exercice de l’autorité parentale, le projet de loi introduit, à titre expérimental, une obligation de médiation préalable, avant toute saisine du juge.
En matière pénale, le texte vient élargir le champ des procédures simplifiées, qu’il s’agisse de l’ordonnance pénale, de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, de l’amende forfaitaire ou de la transaction pénale.
Enfin, j’en viens aux deux derniers volets du texte relatifs aux juridictions financières et administratives, ajoutés sur l’initiative de l’Assemblée nationale. Tous deux visent, conformément aux objectifs du projet de loi initial, à rationaliser l’organisation des juridictions et à alléger les procédures.
La réforme des juridictions financières fait l’objet d’une réflexion depuis plusieurs années déjà. Les dispositions introduites sont d’ailleurs largement inspirées du projet de loi déposé en 2009, qui reprenait des orientations proposées à l’époque par Philippe Séguin.
Je rappellerai que, après la concertation engagée par Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, le Gouvernement a souhaité approfondir la réflexion. Un certain nombre de dispositions relatives à la modernisation des juridictions financières ont été inscrites dans plusieurs textes ces derniers mois, tant pour renforcer les missions de certification de la Cour des comptes, en les élargissant notamment aux comptes des grands hôpitaux, que pour consolider ses compétences en matière d’évaluation des politiques publiques.
Le texte qui vous est soumis, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, poursuit ce mouvement. Il consacre ainsi la possibilité pour le Gouvernement de demander à la Cour des comptes la réalisation d’enquêtes afin de renforcer son rôle dans l’évaluation des politiques publiques. Il élargit le champ des collectivités et organismes soumis au régime d’apurement administratif. Enfin, il renforce les normes professionnelles de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Je conclurai en évoquant les dispositions relatives aux juridictions administratives introduites par l’Assemblée nationale afin de régler plus rapidement les litiges. Elles favorisent la conciliation administrative, assouplissent les conditions de recours à l’ordonnance de jugement et permettent, dans certains cas, la dispense de conclusions du rapporteur public.
Comme le rappelait le Conseil d’État dans son rapport pour 2011, « la qualité du service rendu par la justice administrative se mesure à l’efficacité avec laquelle elle remplit sa mission ». La protection des droits et libertés, le respect de l’intérêt général ne sont pleinement assurés que si le juge administratif peut maintenir les délais raisonnables de jugement qui sont aujourd’hui les siens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis à votre examen comprend des avancées significatives pour une meilleure organisation de notre justice civile, pénale, mais aussi administrative et financière. Son adoption favorisera l’efficacité de nos procédures et renforcera l’accessibilité de notre justice. Ce sont là des garanties essentielles pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis en nouvelle lecture aujourd’hui a été examiné pour la première fois par notre assemblée le 14 avril dernier. Il l’a été ensuite par l’Assemblée nationale le 4 juillet dans le cadre de la procédure accélérée. Il nous revient aujourd’hui après l’échec de la commission mixte paritaire du 6 juillet, après une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale le 12 du même mois.
Conformément à l’article 45 de la Constitution, après l’examen du texte auquel nous allons procéder aujourd’hui, le Gouvernement pourra demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, cette dernière ayant toute liberté de retenir ou non les amendements que nous aurons adoptés.
Nous sommes donc dans une situation exceptionnelle. À cet égard, nous devons avoir à l’esprit que c’est l’Assemblée nationale qui aura le dernier mot et qui décidera du sort qui sera réservé à ce texte.
Ce projet de loi, qui reprend notamment certaines recommandations du rapport sur la répartition des contentieux remis le 30 juin 2008 par le recteur Guinchard au garde des sceaux – plusieurs des autres propositions qu’il contenait ont d’ailleurs déjà été reprises dans divers textes législatifs ou réglementaires – porte sur des aspects assez variés de l’activité judiciaire. Je n’en citerai que quelques-uns.
Tout d’abord, ce texte supprime les juridictions de proximité. Les juges de proximité sont maintenus et rattachés au tribunal de grande instance.
Ensuite, il crée de nouvelles juridictions, à savoir un pôle judiciaire spécialisé en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre au sein du tribunal de grande instance de Paris, ainsi que des juridictions spécialisées en matière d’accidents collectifs, tels que les accidents industriels ou les catastrophes aériennes.
Par ailleurs, il prévoit une réforme de la justice militaire.
Ce texte modifie certaines règles de procédure en matière de divorce et de médiation familiale.
Enfin, il étend les domaines d’application de certaines procédures pénales simplifiées, telles que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou l’ordonnance pénale.
Sur ces dispositions, qui constituaient l’essentiel du projet de loi initial, un accord global avait pu être trouvé en commission mixte paritaire. La commission des lois, qui s’est réunie la semaine dernière, vous proposera donc, à quelques ajustements près, de reprendre les conclusions de la CMP.
La question est en revanche plus complexe s’agissant des articles additionnels de portée diverse introduits par l’Assemblée nationale sur l’initiative du président de sa commission des lois, M. Warsmann. Le Sénat n’a découvert l’existence de ces articles, qui portent notamment sur les juridictions financières et les juridictions administratives, qu’au moment de la réunion de la commission mixte paritaire. C’est parce que notre assemblée n’a pu examiner ces dispositions nouvelles avant cette réunion et parce qu’elle s’est trouvée mise devant le fait accompli qu’un accord global n’a pas pu être trouvé le 6 juillet.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
En nouvelle lecture, le 12 juillet, l’Assemblée nationale a apporté peu de modifications au texte qu’elle avait adopté en première lecture. Elle a pris en compte plusieurs des points d’accord de la CMP, en particulier le maintien de la multipostulation des avocats entre les barreaux de Bordeaux et de Libourne, d’une part, et ceux de Nîmes et d’Alès, d’autre part.
Outre le rétablissement de la compétence actuelle des juges de proximité pour connaître des contentieux civils d’une valeur n’excédant pas 4 000 euros – disposition adoptée au Sénat et confirmée en CMP, avant d’être supprimée par nos collègues députés –, je vous proposerai quelques ajustements afin de revenir au texte qui avait fait l’objet d’un accord en CMP et qui prenait en compte les apports de chacune des deux assemblées parlementaires.
Les dispositions nouvelles introduites par l’Assemblée nationale concernant les juridictions administratives sont d’ampleur limitée. Elles visent notamment à faciliter un règlement rapide du contentieux, lorsque l’affaire le justifie, grâce à l’amélioration du recours à la conciliation, à l’ordonnance de jugement ou à la dispense de conclusions du rapporteur public, d’une part, et à rapatrier dans le droit commun des juridictions administratives des procédures exceptionnelles qui ne se justifient plus aujourd’hui, telles que le contentieux de l’indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans d’anciennes colonies, d’autre part.
La commission des lois vous proposera donc d’adopter ces dispositions dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Les modifications introduites par nos collègues députés concernant les juridictions financières sont, elles, de plus grande ampleur puisqu’elles visent à permettre la mise en œuvre partielle d’une réforme de l’organisation des chambres régionales des comptes, laquelle est envisagée depuis plusieurs années.
Un premier schéma de réforme avait été conçu par Philippe Séguin. Il consistait en une fusion organique des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes, ce qui n’aurait laissé survivre que six à huit chambres de la Cour, chargées des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.
Le nouveau schéma retenu par l’Assemblée nationale consiste à renvoyer au pouvoir réglementaire la définition du siège et du ressort des chambres régionales des comptes et à limiter leur nombre à vingt, contre vingt-sept aujourd’hui.
Parmi les dispositions relatives aux juridictions financières, il faut également relever l’élaboration de normes professionnelles que devront respecter les magistrats financiers, ainsi que le relèvement des seuils de l’apurement administratif, lequel sera étendu aux communes dont la population est comprise entre 3 500 et 5 000 habitants et à leurs établissements publics, ainsi qu’à la plupart des établissements publics locaux d’enseignement.
En conséquence, les chambres régionales des comptes ne contrôleront plus directement et systématiquement que 3 606 communes, au lieu de 9 354 aujourd’hui, mais elles pourront toujours examiner la gestion des collectivités soumises à l’apurement administratif, comme elles l’ont fait, par exemple, pour une trentaine de communes et pour quatre établissements publics de coopération intercommunale au cours de l’année 2010.
J’ajoute que, comme aujourd’hui, seules les chambres régionales des comptes pourront mettre en jeu la responsabilité des comptables publics de façon définitive, y compris lorsque celle-ci est engagée au titre d’organismes dont les comptes seront soumis à l’apurement administratif.
Parmi les dispositions nouvelles relatives aux chambres régionales des comptes figure également la simplification du fonctionnement des formations inter-juridictions, qui devrait permettre de réduire les délais de réalisation des enquêtes et des contrôles relevant de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, ainsi que l’inscription dans la loi de la possibilité, pour le Premier ministre, de demander à la Cour de réaliser des enquêtes.
Au regard du développement des enquêtes menées conjointement par la Cour et par les chambres, la plupart de ces mesures paraissent utiles.
La disposition la plus sensible est donc bien celle qui concerne le nombre et le ressort des chambres régionales des comptes. L’article 24 novodecies, introduit par l’Assemblée nationale, fixe à vingt le nombre maximal de chambres régionales des comptes, ce qui pourrait conduire à la suppression de sept chambres en métropole.
Au cours de l’examen de ces dispositions le 12 octobre dernier, la commission des lois a, dans un premier temps, rejeté l’amendement que je lui proposais visant à fixer un nombre minimum de chambres et à permettre, le cas échéant, au pouvoir réglementaire de conserver dix-huit chambres en métropole sur les vingt que l’on y compte actuellement. Dans un second temps, elle a purement et simplement supprimé l’article 24 novodecies.
La discussion des articles nous donnera sans doute l’occasion de revenir sur cette importante question, mais nous ne devons pas oublier que ce sont les députés qui auront le dernier mot sur ce texte, comme je le rappelais au début de mon intervention.
Pour terminer, permettez-moi de revenir sur la nouvelle lecture du texte à l’Assemblée nationale, le 12 juillet dernier. Un député, par ailleurs bon connaisseur des juridictions financières, a cru utile – je pense que M. le garde des sceaux s’en souvient – de s’exprimer de la manière suivante : « Que souhaite donc le Sénat ? Veut-il enterrer cette réforme qui va dans le sens de l’amélioration de l’efficacité des juridictions financières ? [...] L’argument employé par les sénateurs pour bloquer la commission mixte paritaire n’est pas sérieux ! [...] Je saurai m’en souvenir lors de la discussion des lois de finances, monsieur le garde des sceaux, car c’est nous – les députés – qui sommes les représentants du peuple français, et personne d’autre dans ce pays ! ».
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Yves Détraigne, rapporteur. Vous aurez compris que je ne fais pas mienne cette citation ! Je souhaitais juste la porter à votre connaissance, mes chers collègues.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Effectivement !
Mme Nathalie Goulet. Elle est pétillante !
M. Yves Détraigne, rapporteur. Un certain nombre d’entre vous auront compris qui en est l’auteur… (Nouveaux sourires.)
Comme vous tous, je ne peux que regretter de tels propos, que je qualifierai d’outranciers. Permettez-moi, en réponse, de citer Talleyrand : « Tout ce qui est exagéré est insignifiant. »
Quelle que soit la décision que nous prendrons aujourd’hui, celle-ci sera, s’agissant d’une disposition qui concerne directement les territoires et les collectivités territoriales, dont nous sommes constitutionnellement les représentants, tout aussi légitime, pour ne pas dire plus, que celle qu’ont prise les députés.
À nous donc de faire en sorte que le Sénat joue pleinement son rôle cet après-midi et ce soir, pour que l’Assemblée nationale soit, bon gré mal gré, obligée de tenir compte de nos apports. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, de l’UMP, du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, apparentés, et groupe Europe écologie Les Verts rattaché, 18 minutes ;
Groupe Union pour un mouvement populaire, 17 minutes ;
Groupe Union centriste et républicaine, 8 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 7 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 3 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 14 avril dernier, soutenant devant cette assemblée une motion de renvoi à la commission, j’exposais l’opposition ferme de la majorité de notre groupe à ce texte de circonstance, dont l’objectif fondamental est de déjudiciariser à tout prix, au mépris du contradictoire, de la proximité et de l’intérêt du justiciable.
Ce même 14 avril 2011, avec le talent qui est le sien, notre ancien collègue Robert Badinter soutenait une motion tendant à opposer la question préalable, explicitant clairement les raisons pour lesquelles son groupe contestait ce projet de loi. Je le cite : « Monsieur le garde des sceaux, soyons clairs : ce qui est actuellement au cœur du débat en matière judiciaire, c’est la question majeure, première, de l’indépendance et des garanties statutaires qui doivent être données aux magistrats du parquet s’agissant de leur nomination, de leur promotion et de leurs responsabilités. »
Me souvenant de l’un des ultimes messages si forts de notre ancien collègue, quelle ne fut pas ma surprise de constater la semaine dernière, en commission des lois, l’évolution de quelques-uns de mes collègues socialistes sur ce sujet ! Certes, chacun est libre d’évoluer. C’est respectable. Peut-être est-ce là un avant-goût d’une gouvernance partagée ou, tout simplement, une perte passagère de mémoire ? En tout cas, nous, nous n’adorerons pas ce que nous avons brûlé !
En effet, ce texte est inacceptable, et d’abord en la forme : d’une part, l’utilisation de la procédure accélérée est totalement injustifiée, d’autre part, la tentative d’insérer à la hussarde, avant la réunion de commission mixte paritaire, non un cavalier mais un escadron législatif, à savoir un texte autonome sur les juridictions financières, est déplorable. Je remercie donc M. Hyest, l’ancien président de la commission des lois, et M. le rapporteur d’avoir résisté.
M. Jacques Mézard. Il convient de persévérer dans cette voie,…
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Jacques Mézard. … même si le député René Dosière a qualifié l’attitude du Sénat de « non admissible ».
Banaliser le recours à la procédure accélérée et le vote conforme, ce n’est respecter ni le Sénat ni la démocratie.
Certes, nous pouvons comprendre la volonté de réformer les juridictions financières. Achevant moi-même un rapport sur le contrôle de légalité et sur les chambres régionales des comptes, j’entends nombre d’arguments de la Cour des comptes sur l’insuffisante coordination en la matière, sur les thèmes de contrôle, sur les différences de traitement entre collectivités, sur les délais, sur le recrutement, sur les détachements, sur l’évolution du contrôle de légalité par les préfets, sur l’utilisation de leur réseau d’alerte, sur la mise en place de recommandations.
Mais une telle réforme ne peut être réalisée par le biais d’un texte voté à la sauvette, dont le contenu est à géométrie variable.
Monsieur le garde des sceaux, les griefs majeurs que nous vous adressons aujourd'hui concernant ce texte sont les mêmes que ceux que nous formulions en première lecture. La justice de ce pays est dans un état suffisamment grave pour ne pas être davantage encore déstabilisée par des textes traduisant une méfiance envers les magistrats et qui ne s’attaquent pas à ses véritables maux, lesquels nous inquiètent tous.
Ce que nous refusons, c’est l’incohérence des choix politiques effectués au détriment d’une justice accessible, efficace, transparente et respectueuse des principes de l’État de droit. Oui, j’ai bien dit « incohérence » ; et je dirai même « incohérence absolue ».
À cet égard, la justice de proximité est un exemple éclairant. En 2002, année de sa création, elle était censée, nous disait-on, « répondre aux besoins d’une justice plus accessible ». Or la suite, ce fut la réforme de la carte judiciaire et la destruction de centaines de tribunaux d’instance : quelle proximité ! Au 1er janvier 2011, vingt-neuf juridictions ne disposaient toujours d’aucun juge de proximité.
Au printemps, vous faisiez voter la loi créant les jurés populaires en correctionnelle, en indiquant, alors que vous nous disiez l’inverse quelques semaines auparavant, qu’avec la suppression de la juridiction de proximité les juges de proximité deviendraient des supplétifs des tribunaux correctionnels. Voilà la réalité des textes, monsieur le garde des sceaux : ils prévoient tout et son contraire.
La proximité consiste à rapprocher la justice du citoyen. Vous, vous faites tout pour l’en éloigner. Vous aviez la possibilité de développer la procédure de conciliation devant les tribunaux d’instance, prévue par l’article 830 du code de procédure civile, dont le fonctionnement donnait satisfaction. Vous ne l’avez pas fait, préférant éloigner le justiciable du palais de justice et des magistrats.
Un autre exemple de cette incohérence tient dans l’obligation de médiation préalable lors de la saisine du juge aux affaires familiales sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Voilà une proposition qui me paraît, même si elle ne sera mise en place qu’à titre expérimental, tout simplement aberrante, tant sur le fond qu’en ce qui concerne ses modalités d’application techniques ou financières. En effet, il n’y a pas suffisamment de médiateurs compétents et formés. En outre, leur rémunération est à la charge du justiciable, les moyens faisant défaut. L’obligation de passer devant le médiateur avant de saisir le juge est incongrue. En effet, la saisine du juge aux affaires familiales implique qu’il y a urgence à décider, même provisoirement.
Vouloir déjudiciariser à tout prix – telle est la philosophie même de ce texte – pour confier des responsabilités aussi graves à des intervenants extérieurs est contraire à l’intérêt de nos concitoyens.
Ainsi que Robert Badinter l’avait mis en exergue, le point le plus crucial de ce projet de loi, outre le problème des juridictions financières, sur lequel la position du Sénat a été peu respectée, est le développement des procédures pénales dites « simplifiées », avec un pouvoir quasi discrétionnaire confié à un parquet toujours dépendant, au mépris du droit européen.
Ces procédures pénales simplifiées ont le même objectif : pallier le manque de moyens et le délabrement de l’institution.
L’ordonnance pénale, dont vous étendez le champ d’application, c’est la grande distribution en matière de justice pénale. Ce virus, dont vous avez permis le développement, a atteint le tissu délictuel, alors qu’il s’agit d’une procédure écrite et non contradictoire. Le rapport Guinchard, dont vous n’avez retenu que les passages qui vous arrangeaient, préconisait de l’appliquer à tous les délits, ce qui est absolument effrayant. L’article 20 prévoit une large extension du champ de cette procédure, en particulier aux délits de vol, de recel, de destruction, de fuite, et même, ce qui est curieux au regard des objectifs de votre politique générale, au délit de port d’armes de la sixième catégorie, et vous l’assortissez d’un ticket de réduction de moitié de l’amende encourue.
À la page 111 du rapport de première lecture, M. le rapporteur écrivait qu’une telle disposition « est de nature à réduire davantage l’incitation du prévenu à former opposition ». Tout est dit. Est-ce là l’objectif de votre politique pénale, monsieur le garde des sceaux ? Certes, si la « pochette-surprise pénale », c’est « tout à un euro », même les innocents en redemanderont !
Aux mêmes fins, vous proposez l’extension du champ de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, laquelle peut se résumer ainsi : « Avouez, c’est moins cher ! » Le projet de loi prévoyait d’étendre cette procédure à tous les délits. Heureusement, la commission a joué un rôle modérateur, en excluant le nouveau dispositif pour certaines atteintes graves aux personnes.
Monsieur le garde des sceaux, je vous l’ai déjà dit, vous n’appliquez pas les directives du Président de la République. Celui-ci se réjouissait, lors de la réforme de la garde à vue, de la fin de la culture de l’aveu. Eh bien, vous faites le contraire ; il ne sera pas content !
Mes chers collègues, nous ne sommes pas dans un pays anglo-saxon. La CRPC élargie écartera des prétoires la quasi-totalité des délits financiers, ce qui n’est pas un hasard…
Nous subissons ces dernières années une avalanche de textes : leur fil conducteur est non pas la construction d’une justice efficace, proche des citoyens, mais l’utilisation de séquences médiatiques axées sur le message sécuritaire et un processus de déjudiciarisation constant, en harmonie avec la RGPP.
La justice de ce pays va mal, tout le monde le dit. Sa réforme est urgente. Encore faut-il la mener correctement.
Plutôt que de débattre de l’indépendance du parquet, du maintien d’une instruction indépendante, d’une justice des mineurs adaptée ou de la proximité, nous en sommes encore à discuter d’un texte inopportun et rejeté par l’immense majorité des professionnels.
De surcroît, vous le savez, monsieur le garde des sceaux, faute de moyens, la loi pénitentiaire est difficile à appliquer. Cette question devrait être une véritable priorité.
Il est aujourd'hui démontré que nombre de nos concitoyens ont perdu confiance dans cette institution qu’est la justice, ce qui n’est guère étonnant compte tenu de la méfiance dont les plus hauts responsables de l’État font preuve eux-mêmes envers les magistrats.
Voilà la réalité, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues. Ce projet de loi est un mauvais texte et, vous l’avez compris, notre groupe votera très majoritairement contre. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici de nouveau conduits à débattre du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles.
Que dire de cette nouvelle lecture, si ce n’est que si nous en sommes arrivés là, c’est peut-être à cause de l’excès de ferveur de certains, qui ont eu, certes, des idées intéressantes, mais peu opportunes en raison de la procédure adoptée.
De notre point de vue, il n’y a pas lieu de refaire entièrement le débat qui nous a déjà occupés de longues heures.
Néanmoins, je souhaiterais redire, au nom de mes collègues UMP, que nous soutenons les propositions de M. le rapporteur, Yves Détraigne, qui a fait un travail remarquable de concertation et de proposition.
Face à un système judiciaire de plus en plus incompréhensible et complexe pour nos concitoyens, il est nécessaire d’envisager une justice rénovée, plus lisible et plus proche des justiciables.
Penser une justice rénovée, c’est envisager une justice adaptée aux évolutions de la société, c’est aussi établir une justice porteuse de sens pour l’intervention du juge.
Tel est l’objet de ce texte, qui entend compléter la démarche de modernisation entreprise depuis 2009, en offrant, d’une part, une simplification et une clarification de l’institution judiciaire, et, d’autre part, un allègement et une rationalisation des procédures.
Le principal axe d’intervention est centré sur une certaine forme de confusion qu’a engendrée la création de la juridiction de proximité.
Aujourd’hui, trois juridictions interviennent dans le contentieux civil de première instance. Les critères de répartition entre celles-ci manquent à l’évidence de clarté.
Je tiens à redire ici notre attachement aux juges de proximité, lesquels ont su trouver une place légitime et singulière dans notre fonctionnement judiciaire.
C’est pourquoi, monsieur le garde des sceaux, nous soutenons de nouveau la proposition de M. le rapporteur de maintenir la compétence des juges de proximité pour connaître des petits litiges civils, d’une valeur n’excédant pas 4 000 euros. Cette proposition avait d’ailleurs fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire, mais nos collègues députés ont préféré la supprimer lors de l’examen du texte en nouvelle lecture.
Nous souhaitons maintenir les attributions des juges de proximité, en dépit du rattachement de ceux-ci aux tribunaux de grande instance. En effet, les tribunaux d’instance ne paraissent pas en mesure d’assumer le retour de près de 100 000 affaires civiles nouvelles chaque année, sans que leurs effectifs soient augmentés. À défaut d’une adaptation des effectifs à cette nouvelle charge, le jugement des contentieux civils relatifs aux petits litiges de la vie quotidienne risquerait d’intervenir dans des délais beaucoup plus longs qu’actuellement.
Nous avons bien entendu, monsieur le ministre, votre engagement personnel d’examiner avec attention les difficultés que pourraient connaître les tribunaux d’instance, engagement dont nous n’avons aucune raison de douter.
Pour autant, nous nous interrogeons : pourquoi engager des dépenses supplémentaires pour priver les juges de proximité de contentieux qu’ils connaissent bien, qu’ils tranchent avec une qualité massivement appréciée et qui leur confèrent une réelle légitimité ?
J’en viens à un autre sujet qui a fait couler beaucoup d’encre depuis le mois de juillet et qui a été évoqué cet après-midi à de nombreuses reprises, celui des juridictions financières.
Je rappelle à mon tour que les dispositions sur ce sujet ont toutes été introduites lors de la commission mixte paritaire, alors même que nous n’en avions jamais discuté au cours de l’examen de ce texte. Je ne reviendrai pas sur la méthode. Il n’empêche que le texte soumis en nouvelle lecture à la Haute Assemblée comportait ces mêmes dispositions, permettant notamment au pouvoir réglementaire de fixer le siège et le ressort des chambres régionales des comptes.
Comme nous l’a expliqué M. le rapporteur, le nouveau schéma retenu limite le nombre de chambres à vingt, alors que le territoire en compte aujourd’hui vingt-sept, dont vingt-deux en métropole et cinq outre-mer.
La commission des lois a décidé de supprimer purement et simplement l’article les concernant. Nous vous proposerons, conjointement avec nos collègues du groupe UCR, une nouvelle rédaction de cet article. Elle prévoit que le nombre de chambres ne peut être inférieur à quinze afin d’assurer un schéma territorial adapté aux exigences de contrôle des collectivités territoriales.
Par ailleurs, nous proposons de créer une chambre unique dans la zone Antilles-Guyane, laquelle regrouperait les trois chambres actuelles de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, et une chambre unique dans la zone Réunion-Mayotte, laquelle regrouperait alors les deux chambres actuelles de la Réunion et de Mayotte. En effet, ces chambres régionales fonctionnent déjà actuellement avec les mêmes personnels par zone. Une telle solution serait inodore, incolore et ne poserait aucune difficulté.
Les dispositions relatives aux juridictions financières comportent d’abord la définition de normes professionnelles que devront respecter les magistrats financiers.
Elles relèvent ensuite les seuils de l’apurement administratif des comptes, qui sera étendu aux communes dont la population est comprise entre 3 500 et 5 000 habitants et à leurs établissements publics, ainsi qu’à la plupart des établissements publics locaux d’enseignement.
Elles prévoient, enfin, l’inscription dans la loi de la possibilité pour le Premier ministre de demander à la Cour des comptes de réaliser des enquêtes.
Nous ne pouvons que nous réjouir de ces dispositions, comme de celles qui concernent les juridictions administratives, qui visent à faciliter un règlement rapide du contentieux.
Nous nous réjouissons, par ailleurs, que l’Assemblée nationale ait pris en compte un point d’accord, important pour nous, à savoir l’article 25 A, qui a trait à la multipostulation des avocats. Celle-ci est désormais possible, outre en région parisienne, entre les tribunaux de grande instance de Bordeaux et de Libourne d’une part, et ceux de Nîmes et d’Alès, d’autre part.
Je dirai un mot, monsieur le garde des sceaux, sur un sujet qui m’est particulièrement cher, ainsi qu’à ma collègue Catherine Troendle, celui de l’adaptation de la procédure de faillite civile, applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, au statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL. Cette disposition, que nous avions adoptée en première lecture, avec avis favorable de la commission et du Gouvernement, a été maintenue à l’Assemblée nationale.
Pour finir, j’évoquerai rapidement les dispositions faisant l’objet d’un accord entre les deux assemblées. Qu’il s’agisse de la création de nouvelles juridictions spécialisées en matière de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, de la réforme de la justice militaire, des dispositions relatives à la procédure de divorce et à la médiation familiale, de la création des pôles régionaux compétents pour les accidents collectifs ou de l’extension du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et de l’ordonnance pénale, nous nous réjouissons de la rédaction trouvée grâce au travail des deux assemblées.
La clarification de notre organisation judiciaire prévue dans ce texte s’accompagne d’un effort de clarification des procédures, effort auquel nous ne pouvons que souscrire, grâce à la rationalisation du traitement des contentieux et à la spécialisation des juridictions dans les contentieux les plus complexes et les plus techniques, afin de renforcer l’efficacité de notre justice pénale.
Monsieur le président, mes chers collègues, vous l’aurez compris, ce projet de loi permet de faire face, de manière efficace et maîtrisée, aux enjeux actuels auxquels est confrontée notre organisation judiciaire. Il s’inscrit dans la continuité des différentes réformes entreprises par le Gouvernement et la majorité afin de rendre notre justice plus lisible et plus compréhensible pour nos concitoyens.
En conclusion, il est important aujourd'hui que nous suivions les recommandations de M. le rapporteur. Vous l’aurez compris, le groupe UMP votera donc ce texte, pour une justice plus simple, plus équitable et plus accessible. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 14 avril dernier, je dénonçais déjà le recours à la procédure accélérée sur ce sujet particulièrement technique.
Permettez-moi aujourd'hui de rappeler quelques dates. Après avoir décidé d’engager la procédure accélérée sur ce projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat le 3 mars 2010 – peut-être sera-t-il promulgué deux ans après ? –, le Gouvernement ne l’a inscrit à l’ordre du jour de la Haute Assemblée qu’un an plus tard.
Ensuite, il a fallu attendre près de trois mois supplémentaires pour que l’Assemblée nationale s’en saisisse et y introduise une série de dispositions, lesquelles ont triplé le volume du texte. Deux jours après, en commission mixte paritaire, le Sénat a été mis devant le fait accompli. Mais comme le Sénat n’aime pas cela, ce que vous, monsieur le garde des sceaux, devez comprendre, il a fait échouer la CMP.
Le texte nous est aujourd'hui soumis en nouvelle lecture. Il ne faut donc pas se plaindre, comme j’ai entendu certains de nos collègues le faire en commission des lois ce matin, que nous revenions aujourd'hui sur des dispositions ayant été adoptées. C’est une nouvelle lecture : on peut donc tout supprimer, tout modifier.
Voilà où nous en sommes. À qui la faute, monsieur le garde des sceaux ?
Je me contenterai aujourd'hui d’aborder deux sujets.
En première lecture, nous avions voté contre le texte pour plusieurs raisons, notamment celles qui ont été évoquées par mon collègue et ami, M. Jacques Mézard. Notre opposition portait sur deux points de la procédure pénale : la disparition du procès contradictoire et l’extension de la compétence du parquet.
En effet, sous couvert de simplification, votre texte prévoit deux mesures totalement inacceptables de notre point de vue : l’extension du champ de l’ordonnance pénale et celle du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Il est vrai que, avec l’ordonnance pénale, les choses vont plus vite. Le justiciable est condamné sans avoir comparu. Il reçoit par La Poste un courrier, au dos duquel il est écrit – en tout petit ! – qu’il peut faire opposition, mais il ne sait évidemment pas ce que cela signifie. Il ne fait donc pas opposition et se voit condamné. Voilà exactement comment cela se passe !
Je suppose, mes chers collègues, notamment vous qui siégez à la commission des lois ou qui êtes juristes ou avocats, que vous devez recevoir dans vos permanences un grand nombre de gens étonnés d’avoir été condamnés et d’avoir à payer une amende sans jamais, disent-ils, en avoir été avertis. Or ils ont bien été prévenus, mais ils n’ont malheureusement pas bien lu le courrier qu’ils ont reçu.
Pour toutes ces raisons, nous pensons que l’audience contradictoire – un juge, des justiciables et, éventuellement, des avocats – est la seule façon de juger. Tout autre système est pervers. Le genre de procédure accélérée que vous nous proposez, monsieur le garde des sceaux, ne vise qu’à rationaliser les moyens, à pallier le manque de magistrats et de greffiers et à aller plus vite.
Plus grave encore est l’extension de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. On a beaucoup glosé, au moment où elle a été introduite, sur cette innovation procédurale, qui n’est pas dans notre tradition. Dans notre tradition, monsieur le garde des sceaux, c’est le juge qui juge, et non le procureur !
Si l’article que vous proposez est finalement voté et si l’Assemblée nationale a le malheur de vous suivre, monsieur le garde des sceaux – je dis bien « le malheur » ! –, les procureurs de la République, qui ne sont pas des juges, comme l’arrêt Moulin l’a encore redit fortement – jugeront à peu près 60 % du contentieux pénal.
Et ne me dites pas, monsieur le rapporteur, que le juge pourra ensuite contester. Ce dernier, compte tenu de la masse des affaires que lui transmettra le procureur, ne fera qu’apposer sa signature au bas d’un document. C’est tout juste s’il n’utilisera pas un tampon ! Voilà exactement comment cela va se passer.
Cette disposition est absolument inacceptable et justifie, aujourd'hui encore, notre opposition à ce texte.
Nous acceptons d’autant plus mal l’extension du champ de la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité que, aujourd’hui – grâce à vous, monsieur le garde des sceaux ! –, le statut des membres du parquet est au cœur de l’actualité.
Il est au cœur des discussions sur toutes les travées depuis la réforme de la garde à vue. Mon collègue Jean-René Lecerf et moi-même avons rédigé un rapport sur la réforme de la procédure pénale, dans lequel nous indiquions ce qui nous paraissait acceptable pour l’avant-projet de loi, lequel, au demeurant, est resté dans les cartons.
Nous y indiquions clairement que nous n’étions pas défavorables à la suppression du juge d’instruction, mais que, au préalable, nous souhaitions une modification des conditions statutaires des membres du parquet, en termes tant de nomination que de discipline. Nous ne parlions pas de l’indépendance fonctionnelle du parquet.
Aujourd’hui, la question se pose de nouveau, d’autant plus, monsieur le garde des sceaux, que, si l’on en croit la presse – je ne suis pas membre de votre cabinet, fort heureusement, d’ailleurs –, vous proposez la nomination de votre directeur de cabinet au poste de procureur de la République de Paris. Bien entendu, votre directeur de cabinet n’est nullement en cause en tant que personne. Vous aviez déjà proposé sa nomination au poste de procureur général à Lyon, ce qui était tout de même un peu gros ! Le Conseil supérieur de la magistrature l’ayant refusée, vous lui proposez aujourd'hui de le nommer à Paris. (M. le garde des sceaux fait un signe de protestation.)
Ce poste est le plus politique – on peut le dire – de tous les parquets de France, car de nombreuses affaires se passent à Paris, comme à Lyon du reste, monsieur le garde des sceaux, où il est question de collusion entre la police et les truands, peut-être même les milieux politiques.
On se croirait revenus quarante ans en arrière, au moment de l’affaire des Écuries du Roy,…
M. Jean-Pierre Michel. … lorsqu’un député de droite magouillait avec la police, plus précisément avec le commissaire Javilliey !
À Paris, on le voit, se traitent des affaires délicates. Je n’évoquerai pas les procès qui viennent d’avoir lieu. Votre directeur de cabinet est un personnage politique, monsieur le garde des sceaux. Le directeur de cabinet – tout le monde le sait – n’est pas un simple chef de cabinet tenant votre agenda. C’est lui qui veille à l’application et à la mise en œuvre de la politique que vous êtes chargé de conduire. Et c’est lui que vous voulez nommer au poste de procureur de la République à Paris !
Je vous mets solennellement en garde, monsieur le garde des sceaux, au nom du groupe socialiste du Sénat : ne commettez pas cette erreur ! Retirez cette candidature !
M. Jean-Pierre Michel. D’ailleurs, les associations syndicales de magistrats, y compris les plus modérées d’entre elles, comme on a tendance à les qualifier, bien qu’elles le soient un peu moins grâce au Président de la République, ce dont je me réjouis, vous ont mis en garde contre cette nomination.
Vous me direz que tous les gouvernements ont procédé à de telles nominations dans le passé. Certes, mais nous sommes tous d’accord ici pour lutter contre la récidive ! (Sourires.) Cette question me paraît très importante, beaucoup plus que vous ne semblez l’imaginer, même si j’en parle avec un trait d’humour.
J’ajoute que votre directeur de cabinet a été nommé pour ordre avocat général à la Cour de cassation, à un poste qui n’existe pas. Peut-être pourriez-vous lui trouver un poste vacant quelque part, monsieur le garde des sceaux ?
J’évoquerai maintenant les juridictions financières. Je ne retracerai pas tout l’historique de cette réforme. Je rappelle simplement que le Président de la République l’avait demandée lors de la rentrée de la Cour des comptes voilà quelques années et que Philippe Seguin s’y était attelé. Il avait alors proposé une réforme un peu hard, selon son caractère. On avait trouvé que c’était un peu trop.
Le Gouvernement a ensuite déposé un projet de loi. Ce texte mettant en jeu la responsabilité des ministres et des hommes politiques, il a été bloqué. M. Warsmann, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, a fait adopter quelques amendements qui ont conduit à ne laisser dans le texte que les dispositions relevant, il faut bien le dire, d’une application au rabais de la révision générale des politiques publiques.
Et la RGPP, monsieur le garde des sceaux, les élus, notamment les maires des communes rurales et des villes, savent ce que c’est. C’est vraisemblablement à cause d’elle, d’ailleurs, même si d’autres raisons ont joué, que le Sénat est passé à gauche !
Alors, s’il vous plaît, n’en rajoutez pas en ce qui concerne les chambres régionales des comptes !
En fait, il reste deux dispositions combinées : tout d’abord, la réduction par décret du nombre de chambres régionales des comptes, malgré les efforts notoires et méritoires de M. le rapporteur, qui n’a pas obtenu beaucoup de garanties sur celles qui seront supprimées et celles qui seront conservées ; ensuite, une diminution de la compétence des chambres régionales des comptes en raison d’une extension de la compétence des comptables publics. On sait très bien que les comptables publics ne feront pas tout ce que la loi les autorise à faire, de sorte que vont échapper aux contrôles des chambres régionales des comptes toute une série de comptes de communes et de communautés de communes…
Combinées, ces deux dispositions sont, on le voit bien, de la RGPP au rabais, ce que nous ne pouvons évidemment pas accepter !
Je le dis solennellement – à l’intention de l’extérieur, d’ailleurs – : nous ne sommes pas hostiles à une réforme de la juridiction financière, qu’il s’agisse de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes. Peut-être faut-il revoir leur statut ? Peut-être faut-il renforcer les liens organiques entre la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ? Peut-être faut-il revoir leur implantation ? Sans doute faut-il également s’interroger sur leurs compétences….
En tout cas, cette question ne saurait être traitée par le biais d’un amendement présenté à la sauvette par « l’excellent » M. Jean-Luc Warsmann.
Nous avons repoussé cet amendement en commission mixte paritaire, et c’est d’ailleurs essentiellement pour cette raison que celle-ci n’a pu parvenir à un accord, malgré les efforts de conciliation de M. le rapporteur. Nous proposerons donc des amendements visant à supprimer toutes les dispositions du texte relatives aux juridictions financières, car nous y sommes totalement opposés.
J’ajoute que si ces dispositions devaient être maintenues par l’Assemblée nationale, nous ne manquerions pas de saisir le Conseil constitutionnel, car il s’agit à l’évidence de cavaliers législatifs. Ces dispositions n’ont de rapport, ni de près ni de loin, avec le titre et l’objet de ce texte.
En première lecture, nous avions voté contre ce projet de loi. Notre vote aujourd’hui dépendra du sort qui sera réservé aux amendements que nous avons présentés, certains conjointement avec nos amis des groupes CRC et RDSE, lors de notre première réunion de commission ce matin.
Si le Sénat confirme le vote intervenu en commission, nous ne voterons vraisemblablement pas dans le même sens qu’au printemps. Or le texte n’aura alors évidemment plus rien à voir avec celui que vous aviez présenté, monsieur le garde des sceaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne peux que m’associer, monsieur le garde des sceaux, à la requête que vient de vous présenter Jean-Pierre Michel, au nom du groupe socialiste. À mon tour, je vous demande de vous abstenir de procéder à des nominations politiques, à l’instar de celle de votre directeur de cabinet au poste de procureur de la République à Paris.
J’en reviens au texte soumis à notre examen. Au terme de la première lecture, le 14 avril dernier, le groupe CRC avait voté contre ce projet de loi.
Si la commission mixte paritaire réunie le 6 juillet a échoué, c’est essentiellement en raison des ajouts introduits par l’Assemblée nationale, l’un réformant les juridictions administratives et l’autre les juridictions financières, sans que notre assemblée ait eu la possibilité de les examiner à l’époque.
L’échec des travaux de la commission mixte paritaire témoigne à l’évidence des dérives de la procédure accélérée, et des limites que celle-ci impose au travail parlementaire.
Les présidents des deux assemblées avaient d’ailleurs la possibilité d’en demander la mainlevée. Ils ne l’ont pas fait ; c’est pour le moins regrettable. Par voie de conséquence, la commission mixte paritaire a échoué.
À l’Assemblée nationale, saisie à nouveau du projet de loi le 12 juillet, une majorité s’est dégagée pour maintenir les dispositions litigieuses que nos collègues sénateurs membres de la commission mixte paritaire avaient refusé d’intégrer dans le texte. De la part des députés, c’était faire bien peu de cas du travail effectué ici. Nous ne pouvions l’accepter.
Pour notre part, nous avions voté contre le projet de loi en première lecture pour des raisons de forme et de fond.
Sur la forme, mêler dans un même texte des dispositions tout à fait disparates, dont certaines recouvrent des enjeux importants, n’est pas de bonne pratique parlementaire. C’est une manière de faire voter des mesures législatives en dehors, précisément, du cheminement législatif normal. Bien que nous l’ayons dénoncée à plusieurs reprises, cette pratique perdure...
La clarté et l’efficacité du débat parlementaire exigent, lorsque celui-ci porte sur des sujets spécifiques, des discussions spécifiques. Présenter des fourre-tout législatifs, ce n’est pas une bonne manière de faire la loi.
Vous aviez insisté sur le fait, monsieur le garde des sceaux, que ce projet de loi procédait à une « mise en forme législative » des propositions contenues dans le rapport Guinchard. Manifestement, avec cette nouvelle version, nous nous en sommes encore loin.
Vous aviez également affirmé que ce projet de loi était le « pendant » de la réforme de la carte judiciaire achevée en décembre 2010. Pour vous, moderniser la carte judiciaire revient à diminuer le nombre de tribunaux, de personnels, les moyens de fonctionnement, et donc à amoindrir le service public de la justice. Vous me permettrez de contester cette conception, et le projet de loi qui l’accompagne !
Sur la justice de proximité, dont vous dessinez pour la troisième fois les contours, sans jamais avoir établi de bilan, vous connaissez notre position depuis le début : pour nous, les juges de proximité, ce sont les juges d’instance, ceux-là mêmes auxquels vous avez retiré des compétences, ceux dont vous avez fermé des tribunaux.
Rattacher les juges de proximité au tribunal de grande instance ne réglera rien : c’est faire d’eux une variable d’ajustement pour faire face aux besoins en magistrats, compte tenu du nombre insuffisant de juges professionnels.
Outre une nouvelle répartition des compétences dans des domaines pour le moins éloignés les uns des autres, vous procédez à toute une série de spécialisations de contentieux, eux aussi très divers. Certains posent question.
Sommes-nous, mes chers collègues, allés au bout de notre réflexion sur l’utilité de mettre en place des juridictions spécialisées en matière d’accidents collectifs ? Pour ma part, je continue à m’interroger. Ne faut-il pas conserver une certaine proximité ?
Je me félicite qu’un pôle compétent en matière de crimes contre l’humanité voit le jour. Ce n’était pas évident après les années de tergiversations et de frilosité, de la part du Gouvernement et de la majorité, sur l’adoption et le contenu du deuxième projet de loi d’adaptation de notre législation au statut de Rome. Je continue néanmoins de regretter que cette disposition prenne place dans un texte ayant bien peu à voir avec elle, comme si on voulait non pas l’adopter de façon plénière, mais le faire passer « en douce ».
Je regrette également, une nouvelle fois, l’intégration dans ce texte du régime dérogatoire en matière de garde à vue.
Les problèmes demeurent concernant la médiation familiale, prévue à l’article 15 : problème du consentement, problème du financement en cas de généralisation ultérieure du dispositif, problème lié à l’insuffisance programmée du nombre des médiateurs familiaux et, par conséquent, risque de voir se développer un marché privé de la médiation.
Il est positif qu’une majorité se soit dégagée en commission ce matin en faveur de la suppression de cet article. Lors de cette même réunion, l’opposition s’est manifestée pour dénoncer l’extension et la banalisation des procédures simplifiées auxquelles ce texte procède. C’est de bon augure. Nous verrons bien si ces dispositions – l’ordonnance pénale, la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité et la transaction pénale –, auxquelles nous sommes totalement opposés, sont retirées. Certes, le tollé émanant des associations anti-tabac a été entendu, mais, pour le reste, vous avez maintenu l’essentiel des dispositions.
Or la multiplication des procédures simplifiées va à l’encontre des droits de la défense et des victimes, que vous oubliez lorsque cela vous arrange, monsieur le garde des sceaux. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2012, les crédits de l’aide aux victimes diminuent (M. le garde des sceaux fait un geste de dénégation). En outre, vous avez décidé de faire payer aux justiciables 35 euros le droit de se pourvoir en justice. C’est un comble !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La disposition, votée à l’Assemblée nationale, tendant à garantir à l’accusé le droit de faire opposition à l’ordonnance pénale en cas de jugement rendu par défaut ne suffira pas à contrebalancer les dangers inhérents à cette procédure.
J’évoquerai maintenant la réforme des juridictions financières. Nous nous réjouissons que la commission des lois ait souhaité supprimer l’article qui réduisait le nombre des cours régionales des comptes. L’article qui visait les juridictions financières a également été repoussé. C’est encore mieux ! Nous verrons, là encore, quel sera le vote du Sénat sur ce point.
Pour notre part, nous avons déposé des amendements visant à supprimer l’ensemble des dispositions réformant les juridictions financières.
Nous considérons qu’une telle réforme, qui est loin d’être anodine, n’a pas sa place dans le présent texte. Elle devrait faire l’objet d’un débat sérieux, à l’occasion de l’examen d’un texte spécifique. L’échec de la commission mixte paritaire aurait dû en convaincre tous nos collègues.
Ce projet de loi fourre-tout s’inscrit, je le répète, dans une logique de pénurie du service public de la justice, laquelle est appelée à s’aggraver. Nous ne pourrons donc pas le voter en l’état. Notre position finale dépendra, je le répète, du sort qui sera réservé aux amendements votés en commission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le garde de sceaux, mes chers collègues, j’ai écouté avec grand intérêt les propos de M. Jean-Pierre Michel. Je les ai trouvés si pertinents que je les reprendrai en grande partie. Vous méritez bien cette attention, monsieur le garde de sceaux ! (Sourires.)
Je poserai tout d’abord la question de la méthode, dont l’importance a été soulignée par de nombreux membres de cette assemblée. Pourquoi nous avoir imposé la procédure accélérée ? Jean-Pierre Michel a rappelé que ce projet de loi avait été déposé en 2010 ; or le rapport Guinchard date, lui, de 2008...
Voilà bien un mystère s’agissant d’un texte dont l’objet initial était de reprendre l’essentiel des propositions du rapport Guinchard. Alors que ce texte n’est soumis à notre examen en nouvelle lecture qu’en cette fin 2011, vous auriez pu nous épargner le ridicule d’une procédure accélérée, monsieur le garde des sceaux !
Le mystère s’épaissit lorsque l’on considère le cheminement législatif du projet de loi. Le texte s’est alourdi d’un volet sur la réforme des juridictions financières. Or, ces juridictions, si importantes pour le contrôle des deniers publics, méritent mieux, notamment un texte spécifique et un temps de débat qui lui soit propre.
À cet égard, je remercie M. Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois, car c’est en partie grâce à lui si ces égarements législatifs n’ont pu aller jusqu’à leur terme et si la commission mixte paritaire a échoué. Le Sénat, qui avait été ravalé au rang de chambre d’enregistrement par la majorité à l’Assemblée nationale, en est sorti grandi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
J’en viens à présent à ce qui constitue, selon moi, l’essentiel du texte, c’est-à-dire le chapitre 8, qui tend à modifier véritablement, même si c’est de façon discrète, la nature de notre système judiciaire. Or je considère que l’on n’y consacre pas suffisamment de temps.
Jusqu’à présent, notre système judiciaire plaçait au cœur du débat judiciaire le pouvoir du juge. Or ce texte introduit, une fois encore, plusieurs inflexions destinées à déposséder le juge de son pouvoir et à transférer celui-ci au procureur. Au prétexte d’alléger la procédure, vous allégez le pouvoir judiciaire lui-même.
M. André Reichardt se réjouissait de l’introduction de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Pour ma part, je m’en désole !
Vous avez le droit, monsieur le garde des sceaux, de changer de système judiciaire, mais votre devoir est alors d’organiser un véritable débat, car ce sujet le mérite.
Nous dirigeons-nous, oui ou non, vers le système anglo-saxon ou, plus exactement, « à l’américaine » ? Vous dites que non, mais c’est pourtant ce que prévoit votre texte.
Sommes-nous favorables, oui ou non, au plaider-coupable « à la française » ? Je comprends bien les raisons de cette évolution. Elles sont simples, et tiennent en quelques mots : la paupérisation de la justice.
Il est vrai que nos tribunaux sont encombrés et qu’ils manquent de moyens. Certains ne parviennent pas à payer leur facture d’électricité ou à régler les frais d’expertise. Mais pour pallier la paupérisation de l’institution judiciaire, devons-nous affaiblir le pouvoir judiciaire lui-même ? Je ne le pense pas.
La situation est d’ores déjà inquiétante. Aujourd’hui, 96 % des enquêtes s’effectuent sous le contrôle du parquet, et 4 % sous celui des juges d’instruction. Vous voulez aller encore plus loin.
En effet, jusqu’à présent, le plaider-coupable « à la française » concernait les seules infractions passibles d’une peine d’emprisonnement égale ou inférieure à cinq ans. Or vous proposez subitement de l’étendre à toutes les infractions, sans fixer de plafond.
La commission des lois a heureusement restreint cette possibilité en première lecture, en précisant que les atteintes à la personne, à l’instar des agressions sexuelles et des violences à la personne, ne pourront être concernées par le plaider coupable « à la française ». Une telle précision était nécessaire.
Donner du pouvoir au parquet, pourquoi pas ? Mais de quel parquet parlons-nous ? C’est un vieux débat, monsieur le garde des sceaux !
Nous étions en désaccord à propos de la garde à vue « à la française », non conforme, selon nous, et contrairement à votre avis, à la Convention européenne des droits de l’homme. Après plusieurs mois et de nombreux débats, vous avez finalement reconnu que tel était sans doute le cas.
En l’espèce, la situation est la même. Non, le parquet « à la française » n’est pas conforme à la définition du juge au sens européen, tout simplement parce que c’est un juge dont la carrière dépend étroitement du pouvoir, en particulier de celui du garde des sceaux.
Enfin, en conclusion, monsieur le garde des sceaux, comment la justice pourrait-elle être indépendante, alors que vous-même, qui devriez en être le garant, venez de proposer la nomination de votre directeur de cabinet au poste de procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris ? Nous aimerions vous éviter une telle erreur !
M. Alain Anziani. Ainsi, nous empêcherions, au sein de la République, un mélange des genres entre les fonctions de votre plus proche conseiller et celles de celui qui, selon les pouvoirs que vous allez lui conférer, sera en situation demain de décider si une enquête, y compris si elle est d’ordre politique ou financier, doit donner lieu à un procès public ou se terminer en toute discrétion dans le bureau d’un procureur de la République. De toute évidence, il y a là une atteinte directe à l’indépendance de la justice.
Monsieur le garde des sceaux, il est encore temps de vous ressaisir et de garantir une justice indépendante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Michel, vous avez sur les nominations d’anciens directeurs de cabinet au poste de procureur de la République de Paris des connaissances que je n’ai pas moi-même.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est sûr !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le ton vindicatif que vous avez employé tout à l’heure n’était peut-être pas très judicieux… Des directeurs de cabinet, que vous connaissez bien, ont déjà été nommés à cette fonction.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En l’occurrence, qu’est-ce qui a motivé ma décision ? Tout d’abord, je recherchais un bon professionnel, et la personne dont j’ai proposé la candidature a parfaitement réussi au parquet de Bobigny, qui n’est pourtant pas facile.
M. Jean-Pierre Michel. Ce n’est pas la question !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Mais pour moi, c’est la seule qui vaille !
Je rappelle que vous avez contribué, monsieur Michel, à la nomination du directeur de cabinet d’un ministre socialiste au poste de procureur de la République de Paris.
M. Jean-Pierre Michel. Mais après, un autre a suivi !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je vous ai laissé parler, alors laissez-moi à mon tour m’exprimer !
J’ai trouvé votre ton un peu excessif. Vous tentez de passer pour un saint, pour un ange, alors que tel n’est pas le cas !
Par ailleurs, aucune décision prise n’a passé outre un avis du CSM depuis que je suis garde des sceaux, contrairement à ce qui s’est fait auparavant à de multiples reprises. (Mme Virginie Klès proteste.) Pour ma part, avant toute nomination, j’examine le professionnalisme de la personne dont je propose la candidature.
Je le reconnais, je ne transigerai jamais sur un point, à savoir sur le droit de présentation des membres du parquet, qu’il s’agisse des procureurs ou des procureurs généraux. C’est la seule façon de mener une politique générale nationale.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En revanche, je suis extrêmement respectueux de l’avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Monsieur Anziani, madame Borvo Cohen-Seat, la meilleure façon de montrer que l’on aime la justice est de laisser les procédures suivre leur cours – pour ma part, je ne suis intervenu dans aucune procédure –, de respecter la justice et de ne pas l’instrumentaliser pour faire de la politique ! Bien d’autres outils existent à cette fin. Dans cette enceinte, nous sommes tous des élus politiques et nous savons fort bien présenter des arguments aux électeurs. Telle est notre grandeur ! Point n’est besoin pour faire valoir son point de vue d’instrumentaliser la justice, je le répète. Tous ceux qui, à longueur de discours, agissent ainsi sont les plus sûrs ennemis de l’indépendance de la justice. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Chapitre Ier
Suppression de la juridiction de proximité et maintien des juges de proximité
Article 1er
I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Après le chapitre Ier du titre II du livre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER BIS
« Les juges de proximité
« Art. L. 121-5. – Le service des juges de proximité mentionnés à l’article 41-17 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, appelés à exercer des fonctions de juge d’un tribunal de grande instance et à être chargés de fonctions juridictionnelles dans un tribunal d’instance, est fixé conformément aux dispositions du présent chapitre.
« Art. L. 121-6. – Chaque année, le président du tribunal de grande instance répartit les juges de proximité dans les différents services de la juridiction auxquels ils peuvent participer en tenant compte de leurs fonctions au tribunal d’instance à l’activité duquel ils concourent.
« Art. L. 121-7. – Chaque année, le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance organise par ordonnance le service dont les juges de proximité sont chargés au sein de ce tribunal, en tenant compte de celui auquel ils sont astreints au tribunal de grande instance.
« Art. L. 121-8. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent chapitre. Il précise les conditions dans lesquelles la répartition des juges de proximité peut être modifiée en cours d’année. » ;
2° Après l’article L. 212-3, il est inséré un article L. 212-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-3-1. – Les juges de proximité peuvent être appelés à siéger dans la formation mentionnée à l’article L. 212-3. Ils peuvent également :
« 1° Statuer sur requête en injonction de payer, sauf sur opposition ;
« 2° Procéder, dans les cas et conditions prévus par le sous-titre II du titre VII du livre Ier du code de procédure civile, aux mesures d’instruction suivantes :
« a) Se transporter sur les lieux à l’occasion des vérifications personnelles du juge ;
« b) Entendre les parties à l’occasion de leur comparution personnelle ;
« c) Entendre les témoins à l’occasion d’une enquête. » ;
3° Au second alinéa de l’article L. 212-4, les mots : «, en matière pénale, » sont supprimés ;
3° bis L’article L. 221-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il connaît des actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 4 000 € ou des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 4 000 €, sous réserve des dispositions légales ou réglementaires fixant la compétence des autres juridictions et à l’exception des compétences particulières visées par l’article L. 221-5, le tribunal d’instance est constitué par un juge de proximité et, à défaut, par un juge du tribunal d’instance. » ;
4° À l’article L. 221-10, les mots : « de la cinquième classe » sont supprimés ;
5° Après l’article L. 222-1, il est inséré un article L. 222-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-1-1. – Le juge de proximité peut statuer sur requête en injonction de payer, sauf sur opposition lorsque le montant de la demande excède 4 000 €. » ;
6° L’article L. 223-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 223-1. – Le tribunal d’instance connaît, de manière exclusive, en matière civile et commerciale, de toute action patrimoniale jusqu’à la valeur de 10 000 €.
« Il connaît aussi, dans les mêmes conditions, des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 €. » ;
7° Après l’article L. 532-15-1, il est inséré un article L. 532-15-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 532-15-2. – L’article L. 222-1-1 est applicable à Wallis-et-Futuna. » ;
8° L’article L. 552-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 552-8. – Les articles L. 212-4 et L. 222-1-1 sont applicables en Polynésie française. » ;
9° L’article L. 562-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 562-8. – Les articles L. 212-4 et L. 222-1-1 sont applicables en Nouvelle-Calédonie. »
II. – (Non modifié)
III. – (Non modifié) 1. Le titre III du livre II du code de l’organisation judiciaire, la section 2 du chapitre II du titre III du livre V du même code, la section 3 du chapitre II du titre V du même livre V et la section 3 du chapitre II du titre VI dudit livre V, les articles 522-1, 522-2 et 523-1 du code de procédure pénale et l’article 41-18 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature sont abrogés.
2. À l’intitulé du chapitre Ier du titre III du livre II du code de procédure pénale, les mots : « et de la juridiction de proximité » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement tend à abroger les dispositions relatives à la suppression de la juridiction de proximité.
J’ai déjà eu l’occasion de le rappeler, nous sommes face à des mesures dont l’accumulation démontre l’incohérence. En 2002 a été créée la juridiction de proximité. Quelques années après, le Gouvernement a supprimé des centaines de tribunaux d’instance, véritables lieux de proximité. Aujourd'hui, on assiste à la suppression de la juridiction de proximité et à la création de juges supplétifs des magistrats professionnels. Telle est la réalité. Qu’on le reconnaisse et qu’on le dise !
On essaie ainsi de mettre à disposition des magistrats professionnels de la main-d’œuvre peu coûteuse, disposant d’une certaine compétence et pouvant être affectée en différents lieux. Il s’agit non plus de proximité mais de RGPP judiciaire !
On peut considérer que c’est une bonne chose. D’ailleurs, ces dispositions ne sont plus si contestées que cela à la gauche de cet hémicycle. Mais c’est un mauvais signe.
Tout d’abord, l’immense majorité des juges de proximité conteste formellement ces modifications.
De plus, soit ils seront envoyés devant les tribunaux correctionnels, sauf si des jurés citoyens sont présents, soit ils seront appelés à connaître, selon la proposition de la commission et sauf compétence exclusive d’une autre juridiction, des litiges d’un montant inférieur à 4 000 euros, lesquels sont bien évidemment essentiellement traités par les tribunaux d’instance.
En bref, en introduisant une disposition qui contourne la philosophie générale du nouveau texte que nous examinons, on essaie artificiellement de recréer une juridiction de proximité. Cela ne correspond pas à une véritable politique. C’est contraire à l’intérêt du justiciable et, surtout, à la proximité.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. En commission mixte paritaire, députés et sénateurs s’étaient mis d’accord sur le rattachement des juges de proximité aux tribunaux de grande instance, mais avaient assorti cet accord du maintien de la compétence des juges de proximité pour les contentieux civils d’une valeur n’excédant pas 4 000 euros.
La semaine dernière, la commission des lois a confirmé cette position, qu’elle avait d’ailleurs fortement soutenue en première lecture.
Si nous ne maintenons pas aujourd'hui la compétence susvisée, je crains fort qu’elle ne soit pas reprise par nos collègues de l’Assemblée nationale.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 40 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Certes, la position de M. Mézard correspond à celle que les membres de mon groupe avaient adoptée en première lecture. Mais, mercredi dernier, la commission a repris l’un de nos amendements relatif à la compétence du juge de proximité, amendement qui, nous l’espérons, sera adopté par l’Assemblée nationale lorsqu’elle examinera le projet de loi issu de nos débats.
Dans ces conditions, nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 40 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Fluctuat, mais peut-être, en la circonstance, mergitur… (Sourires.)
En fait, la position de la commission démontre le caractère incohérent des propositions qui nous sont soumises. En effet, le paragraphe 18 de l’article 1er prévoit : « le tribunal d’instance est constitué par un juge de proximité et, à défaut, par un juge du tribunal d’instance » pour les litiges d’une valeur n’excédant pas 4 000 euros.
C’est exactement ce que j’indiquais en présentant l’amendement n° 40 rectifié : on essaie de rétablir d’une manière incorrecte juridiquement la juridiction de proximité. Le tribunal d’instance serait constitué par les juges de proximité. C’est antinomique avec le projet de loi. On cherche une chose et son contraire !
Certes, on peut très légitimement considérer que l’expérience de la juridiction de proximité a été un échec. Ce n’est cependant l’opinion ni des magistrats professionnels, qui, bien qu’étant réticents à l’origine, ont évolué, ni de ceux qui ont accepté de se lancer dans la fonction de juge de proximité.
Bien évidemment, je maintiens l’amendement n° 40 rectifié.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Les membres du groupe UMP voteront contre cet amendement.
Certes, l’institution des juridictions de proximité n’était pas forcément la meilleure idée qui fut. D’ailleurs, le Sénat n’avait pas fait preuve d’un grand enthousiasme à cet égard.
En revanche, les juges de proximité sont une conception très intéressante. Au regard du nombre de petits contentieux civils qu’ils ont réglés ces dernières années, il serait dommage de s’en priver. Ce système a bien fonctionné.
À l’époque, monsieur le garde des sceaux, la commission des lois avait rédigé un rapport sur cette question. Elle avait estimé souhaitable que les juges soient placés auprès du juge d’instance. C’était simple. En fonction des qualifications des uns et des autres, cela permettait de leur donner à traiter des petits contentieux. Voilà ce que nous avions voulu faire et ce que nous voulons maintenir.
Il serait dommage de supprimer les juges de proximité, qui, certes, peuvent remplir d’autres tâches, et de ne pas donner suite à une expérience que nombre de présidents de juridiction reconnaissent comme étant positive.
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 17 et 18
Supprimer ces alinéas.
II. - Alinéa 21
Après le mot :
opposition
Supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement vise à revenir au texte initial présenté par le Gouvernement en ce qui concerne les compétences du juge de proximité et donc à supprimer le maintien d’une compétence propre pour les litiges civils d’un montant inférieur à 4 000 euros. Nous avions déjà eu ce débat au Sénat voilà quelques semaines, ce qui montre bien qu’il n’est pas précipité…
Je prie la Haute Assemblée, que j’espère avoir convaincue, de bien vouloir modifier sa position.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je ne sais si M. le garde des sceaux aura convaincu le Sénat. En tout cas, il ne m’a pas convaincu, pas plus que la commission, qui émet un avis défavorable, par cohérence avec le précédent vote.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I à IV – (Non modifiés)
V. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 45, à la fin du premier alinéa de l’article 178, aux premier et dernier alinéas de l’article 213, au premier alinéa de l’article 528-2 et à la première phrase du troisième alinéa de l’article 706-71 du code de procédure pénale, les mots : « ou devant la juridiction de proximité » sont supprimés.
VI à XVI. – (Non modifiés)
XVII. – (Supprimé)
XVIII, XIX, XIX bis et XX. – (Non modifiés)
M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s'agissait d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 40 rectifié. Ce dernier ayant été rejeté, l’amendement n° 41 rectifié n’a plus d’objet.
M. le président. L’amendement n° 41 rectifié n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 2.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article 2.)
Chapitre Ier bis
Dispositions de simplification de la procédure de saisie des rémunérations
Article 2 bis
(Non modifié)
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À la fin du deuxième alinéa de l’article L. 3252-3, les mots : « au foyer du salarié » sont remplacés par les mots : « à un foyer composé d’une seule personne » ;
2° À la fin du second alinéa de l’article L. 3252-4, les mots : « le juge » sont remplacés par les mots : « décret en Conseil d’État » ;
3° L’article L. 3252-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les créances résiduelles les plus faibles, prises dans l’ordre croissant de leur montant, sans que celles-ci puissent excéder un montant fixé par décret, sont payées prioritairement dans les conditions fixées par ce décret. » ;
4° Le deuxième alinéa de l’article L. 3252-10 est ainsi rédigé :
« À défaut, le juge, même d’office, le déclare débiteur des retenues qui auraient dû être opérées. Il peut, pour déterminer le montant de ces retenues, s’adresser aux organismes fiscaux et sociaux dans les conditions prévues à l’article 39 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution pour obtenir les informations relatives au montant de la rémunération perçue par le débiteur ainsi qu’à la composition de sa famille. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis n’est pas adopté.)
Chapitre II
Extension au tribunal de grande instance de la procédure d’injonction de payer et institution d’une procédure européenne d’injonction de payer et d’une procédure européenne de règlement des petits litiges
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Chapitre III
Spécialisation des juges départiteurs
Article 4
(Non modifié)
L’article L. 1454-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « ou le juge d’instance désigné par le premier président en application du dernier alinéa » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de pluralité de conseils de prud’hommes dans le ressort d’un tribunal de grande instance, le premier président de la cour d’appel peut, si l’activité le justifie, désigner les juges du tribunal d’instance dans le ressort duquel est situé le siège du tribunal de grande instance. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article 4.)
Chapitre IV
Spécialisation des tribunaux de grande instance en matière de propriété intellectuelle
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Article 6
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle, les mots : «, dont le nombre ne peut être inférieur à dix, » sont supprimés.
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 n’est pas adopté.)
Chapitre V
Transfert de compétences entre le tribunal de grande instance et le tribunal d’instance
Article 7
(Non modifié)
Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Au 2 de l’article 103, à l’article 344 et au deuxième alinéa de l’article 468, les mots : « tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » ;
2° À l’article 185, à la fin du 2 de l’article 186, à la seconde phrase du 3 de l’article 188, aux 1 et 3 de l’article 389 et au dernier alinéa du 1 et à la première phrase du 3 de l’article 389 bis, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » ;
3° Au 2 de l’article 341 bis, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « juge de l’exécution » ;
4° À la fin de l’article 347, à l’article 357 bis, au 2 de l’article 358 et au 1 de l’article 375, les mots : « d’instance » sont remplacés par les mots : « de grande instance » ;
5° L’article 349 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, à la première phrase, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » et, aux deuxième et dernière phrases, le mot : « juge » est remplacé par le mot : « président » ;
b) Au deuxième alinéa, aux première et seconde phrases, les mots : « juge d’instance » sont remplacés par les mots : « président du tribunal de grande instance » et, à la seconde phrase, les mots : « du juge d’appel » sont remplacés par les mots : « de la cour d’appel » ;
6° Le paragraphe 3 de la section 2 du chapitre III du titre XII et son intitulé sont abrogés ;
7° Au 2 de l’article 390, les mots : « de l’auditoire du juge d’instance » sont remplacés par les mots : « du tribunal de grande instance ».
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 n’est pas adopté.)
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Article 11
(Non modifié)
I. – La loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d’un bien de famille insaisissable est abrogée.
Elle demeure applicable aux biens de famille ayant fait l’objet de la publication prévue à l’article 9 de ladite loi, avant la promulgation de la présente loi.
II. – 1. L’article L. 215-1 du code de l’action sociale et des familles est abrogé.
2. Le 2° de l’article 35 du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière est abrogé.
3. La seconde phrase du dernier alinéa de l’article 775 du code rural est supprimée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 n’est pas adopté.)
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Chapitre VI
Aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale
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Article 14
(Non modifié)
Avant le dernier alinéa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’avocat est tenu de conclure avec son client une convention d’honoraires pour les procédures de divorce. Des barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour ces procédures, établis à partir des usages observés dans la profession, sont publiés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis du Conseil national des barreaux. Ces barèmes sont révisés au moins tous les deux ans. »
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Au travers de cet amendement, nous souhaitons supprimer la disposition de l’article 14 relative au barème indicatif des honoraires pratiqués par les avocats pour les procédures de divorce.
Nous sommes tout à fait favorables à la disposition de l’article qui oblige les avocats à conclure une convention avec leurs clients. Celle-ci est absolument indispensable pour améliorer le conseil rendu aux clients et apporter plus de transparence.
En revanche, sur le point particulier des « barèmes indicatifs […] établis – en fonction de qui et de quoi ? – à partir des usages – lesquels ? – […], publiés par arrêté du garde des sceaux […] après avis du Conseil national des barreaux », nous sommes en désaccord. Cette disposition tout à fait atypique, nous semble-t-il, n’a pas lieu d’être.
Je sais que M. le rapporteur a tenté, conformément à sa pratique habituelle, de trouver une solution modérée et consensuelle (Sourires.), mais je ne crois pas que celle-ci soit réellement efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Lors de la première lecture de ce texte, je le rappelle, chacun trouvait très utile d’apporter un minimum d’information sur les coûts du divorce aux couples qui sont amenés à emprunter cette procédure et qui, en général, n’en ont pas l’habitude.
Beaucoup de gens doutaient que nous puissions trouver une solution qui convienne à tous. Or nous y sommes parvenus. J’y insiste : il s'agit de barèmes indicatifs, et nous ne tenons donc pas la plume des avocats.
Dans ces conditions, – vous le comprendrez, mes chers collègues – il ne me paraît pas souhaitable de revenir sur une disposition que nous avons votée, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 42 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Mézard, j’ai beaucoup de peine à comprendre le sens de votre amendement.
En effet, nous traitons ici de contentieux familial, et il s'agit simplement de donner quelques informations à des gens qui ont engagé une procédure de divorce ou qui doivent régler d’autres problèmes de famille devant le juge, mais qui ne sont pas des habitués de la justice.
En rendant obligatoire la conclusion d’une convention d’honoraires, nous faisons en sorte que les clients ne soient pas dans la main des avocats parce qu’ils ignorent ce qui se pratique en la matière.
Il s'agit d’information ! Cette disposition vise uniquement à créer un barème établi d’après les usages. Très honnêtement, il faut donc la maintenir en l’état, me semble-t-il. Nous ne pouvons pas refuser d’apporter une information supplémentaire à des gens qui ne sont pas des habitués des palais de justice. Ce texte n’empêchera pas les avocats de fixer leurs honoraires, mais au moins les clients sauront sur quelle base ils peuvent discuter avec eux.
Monsieur Mézard, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, car si vous souhaitez faciliter l’accès de tous à la justice, il faut aussi prendre en compte cette question.
M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je ne suivrai pas les recommandations de M. le garde des sceaux : s'agissant de l’accès à la justice, la priorité serait plutôt de renforcer l’aide juridictionnelle, en augmentant les moyens qui lui sont accordés.
M. Jacques Mézard. Pas suffisamment. En effet, le véritable problème est là : ce sont nos concitoyens les plus défavorisés qui éprouvent le plus de difficultés à accéder à la justice, dans tous les domaines et de plus en plus en matière pénale, ce qui est particulièrement regrettable.
Je comprends bien que cette disposition a surtout un usage médiatique. Il n’en reste pas moins qu’il n’y a guère de sens à viser uniquement les procédures de divorce, qui ne constituent qu’une minorité des cas dont sont saisis les juges aux affaires familiales, surtout au travers d’un barème indicatif, établi dans des conditions sur lesquelles nous n’avons guère de précisions. Tout cela ne signifie rien, sauf en termes de communication.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Pour ma part, je souscris tout à fait aux propos de M. Mézard sur l’insuffisant financement de la justice et la nécessité de réformer profondément l’aide juridictionnelle. Je partage également son sentiment lorsqu’il affirme que cette disposition devrait non pas s’appliquer uniquement aux procédures de divorce, mais être généralisée. Toutefois, je ne puis soutenir l’amendement qu’il a défendu.
En effet, cette disposition de l’article 14 constitue un progrès, et elle est fortement encadrée.
Ces barèmes indicatifs sont tout de même réclamés depuis des années par les barreaux et les associations de consommateurs.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Alain Anziani. Dans le passé, un dispositif similaire a d'ailleurs été annulé au motif qu’il n’était pas conforme à notre droit et en particulier au principe de la libre concurrence.
Ici, il s'agit de barèmes indicatifs, qui sont établis après avis du Conseil national des barreaux à partir des usages observés dans la profession et qui sont révisés tous les deux ans. Je le répète, il s'agit d’un progrès. Il me semble donc que nous sommes sur la bonne voie, même si nous devrions aller plus loin.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 1 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 301 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et par France 3, des questions cribles thématiques.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
9
Questions cribles thématiques
malaise des territoires
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le malaise des territoires.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été mis à la vue de tous.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis vingt ans, les lois de décentralisation successives et les progrès de l’intercommunalité ont engendré de réelles dynamiques territoriales en favorisant l’initiative et le développement local.
Elles ont placé les élus territoriaux au cœur de cette démarche qui, grâce à un partenariat souvent fructueux avec l’État, a porté ses fruits.
Aujourd’hui, plus de 70 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales. Elles exercent en effet de nombreuses compétences en matière d’aménagement du territoire et d’organisation des services de proximité.
Cette dynamique incontestable a également favorisé l’émergence d’une nouvelle attractivité des territoires. À cette dynamique s’ajoute l’aspiration croissante de la population à s’installer en milieu rural.
Toutefois, force est de constater qu’une inquiétude grandissante gagne actuellement nos collectivités en raison de l’affaiblissement considérable de leurs marges de manœuvre. Nos finances locales sont en effet particulièrement touchées par le gel des dotations de l’État et par les conséquences de la réforme de la fiscalité locale, et, de ce fait, se dessine une inadéquation entre les compétences des collectivités territoriales et les moyens dont elles disposent pour les exercer.
Dans le même temps, le maillage territorial des services publics est remis en cause par une diminution trop systématique du nombre des agents de l’État, à tel point que les possibilités de développement des collectivités sont parfois elles aussi remises en cause.
Cette situation provoque effectivement un malaise dans les territoires et, force est de le reconnaître, c’est le pacte de confiance entre les collectivités locales et l’État qui est mis à mal. Dans ce contexte, ce sont les collectivités et les territoires les plus fragiles qui souffrent le plus, ce qui rend la solidarité nationale plus que jamais nécessaire.
Aussi ai-je deux questions à vous poser, monsieur le ministre.
Tout d'abord, les dispositifs de péréquation verticale en faveur de ces territoires seront-ils maintenus et renforcés, et les mesures d’appui au développement des zones de revitalisation rurale, en cours d’expertise, seront-elles reconduites ?
Plus généralement, comment garantir demain aux collectivités des ressources propres suffisamment vigoureuses et pérennes afin que ne soit pas remise en cause leur forte implication dans l’investissement public, et que soit ainsi préservée une dynamique territoriale qui a fait ses preuves ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Pierre Jarlier, j’aurai sans doute l’occasion, cet après-midi, de revenir sur un certain nombre des points que vous avez évoqués, mais je répondrai tout d'abord de manière précise à vos questions.
Permettez-moi de vous rappeler que le développement de la péréquation est une préoccupation constante du Gouvernement ; nous travaillerons bientôt à nouveau sur ce sujet afin de formuler des propositions.
En 2012, si le Gouvernement maintiendra le gel des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales – je rappelle qu’ils se montent à 50,6 milliards d'euros sur plus de 100 milliards d'euros de reversements de l’État –, il a pour objectif d’augmenter la dotation de solidarité rurale, ou DSR, de près de 40 millions d'euros. Cette dernière atteindra ainsi 891 millions d'euros, alors qu’elle ne représentait que 420 millions d'euros en 2004.
Le dispositif de « DSR-cible » que vous avez proposé l’an dernier sera naturellement reconduit, afin que les communes les plus fragiles soient celles qui bénéficient du soutien le plus important.
Enfin, pour l’avenir, je présente, dans le projet de loi de finances pour 2012, un article sur le fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, le FPIC. La loi de finances pour 2011 avait instauré un fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, perçus par les départements. Nous souhaitons créer un système similaire pour les communes et intercommunalités. Le FPIC redistribuera environ 250 millions d'euros dès l’an prochain, et plus de 1 milliard d'euros à l’horizon 2015, afin que les communes, et notamment les plus petites d’entre elles, qui éprouvent des difficultés, puissent bénéficier des dynamiques existantes.
Grâce à ce système, les intercommunalités et communes isolées de moins de 10 000 habitants devraient recevoir 53,5 millions d'euros, pour un prélèvement de 35,9 millions d'euros, ce qui constitue là encore une possibilité de favoriser les petites communes. Les intercommunalités rurales seront donc bien le lieu privilégié de la péréquation et de la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour la réplique.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, j’aurais aimé obtenir une réponse à ma question sur le maintien des mesures d’appui au développement des zones de revitalisation rurale. En effet, ce sont des dispositifs très importants pour compenser les handicaps naturels de certains secteurs qui sont en difficulté. Ces mesures ont permis d’attirer des entreprises et ont contribué de manière notable au développement local. Dans les zones rurales, nous souhaitons donc vivement le maintien de ces dispositifs.
Concernant la péréquation, monsieur le ministre, je suis heureux d’apprendre qu’elle sera poursuivie l’an prochain. Je voudrais toutefois faire une remarque : nous passons tout de même d’un dispositif de péréquation verticale à un dispositif de péréquation horizontale, puisque l’enveloppe est fermée. Il faut donc trouver des moyens dans le complément de garantie ou dans les dotations de compensation pour alimenter la péréquation verticale, qui consiste donc désormais en une répartition à l’intérieur de l’enveloppe fermée.
En revanche, j’observe avec satisfaction que le principe de la péréquation horizontale, sur lequel nous avons travaillé, sera bien inscrit dans le projet de loi de finances pour 2012.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le malaise des territoires a donné lieu, voilà quelques semaines, à une expression démocratique des élus locaux.
À mon sens, la principale cause de ce malaise est la question des ressources des collectivités territoriales et des financements susceptibles d’être mobilisés pour l’investissement. Chacun le sait, en France, les collectivités territoriales assurent plus de 70 % de l’investissement public. Or il existe aujourd'hui des interrogations quant aux moyens dont elles disposent pour financer cet investissement.
Ces interrogations portent tout d'abord sur les ressources traditionnelles des collectivités territoriales, qui proviennent du budget de l’État : du fait de leur gel, la situation est inquiétante ; elle est d’ailleurs ressentie comme telle... En outre, les réformes mises en œuvre ces dernières années – je pense notamment à la réforme de la taxe professionnelle, mais ce n’est pas la seule – ont amenuisé l’autonomie et la capacité de prélèvement de ressources des collectivités.
S’ajoutent à cela les difficultés liées aux emprunts. Il n’est pas rare d’entendre dire, par certains élus territoriaux, qu’ils n’arrivent plus à trouver de banque pouvant apporter tous les financements nécessaires. De ce fait, certains projets sont à l’arrêt ou du moins retardés.
Enfin, messieurs les ministres, à en juger par ce qui s’est dit ces derniers jours, le Gouvernement a la volonté d’accentuer encore l’effort demandé aux collectivités territoriales, en leur réclamant 200 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Cela entraîne, pour les élus locaux, une totale incertitude quant à la capacité qu’ils auront demain de financer des projets d’investissement.
La question du maintien d’un service public de proximité est donc posée. De fait, si le Gouvernement ne prend pas conscience du besoin d’améliorer le financement des collectivités territoriales, je crains que nous n’allions au devant de très lourdes catastrophes, car de nombreux projets publics seront arrêtés, avec les conséquences que l’on sait sur notre économie, et plus encore sur notre service public de proximité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur François Marc, permettez-moi de vous répondre tout d'abord qu’il revient aux collectivités territoriales, comme à l’État, de participer à l’effort que la nation se doit de fournir pour stabiliser les finances publiques.
Si l’on ôte au budget de l’État les reversements aux collectivités territoriales, il lui reste environ 280 milliards d'euros ; si l’on fait le total de l’ensemble des budgets des collectivités territoriales, on obtient un budget de 220 à 230 milliards d'euros. Ces chiffres montrent que, si le budget de l’État est plus important que celui des collectivités, les ordres de grandeur sont désormais comparables. Il est donc évident que, si l’effort que doit fournir la nation inclut évidemment celui de l’État, qui s’est beaucoup plus endetté que les collectivités territoriales,…
M. Philippe Richert, ministre. … il nous faut également prendre en compte le budget des collectivités.
Permettez-moi maintenant de vous répondre, monsieur le sénateur, au sujet de la taxe professionnelle. Sa suppression, vous le savez, a été entièrement compensée ; c’est la réalité…
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
M. Roland Courteau. C’est faux !
M. Philippe Richert, ministre. … et personne ne peut dire le contraire.
Avant la réforme de la taxe professionnelle, le bloc communal – communes et intercommunalités – pouvait fixer ses recettes de manière autonome à hauteur de 47 % de son budget ; aujourd'hui, il le peut à hauteur de 41 %. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Permettez-moi enfin d’aborder l’importante question des emprunts. Nous le savons, certaines collectivités territoriales n’ont pas obtenu de réponse à leurs demandes de prêt. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de libérer 3 milliards d'euros, sur le modèle de ce qui avait été fait en 2008 : une moitié sera directement versée aux collectivités territoriales, et l’autre sera fournie aux banques afin de permettre les refinancements nécessaires.
J’ai rencontré les dirigeants des banques qui travaillent avec les collectivités territoriales : cette somme correspond aux besoins que nous avons identifiés. La décision du Premier ministre permettra aux collectivités territoriales de continuer à financer 70 % de l’investissement public.
M. Jean-Jacques Mirassou. On ne vous croit pas !
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour la réplique.
M. François Patriat. Monsieur le ministre, je comprends bien votre réponse, mais il n’en reste pas moins que les collectivités territoriales – vous le savez, étant vous-même président de région – se trouvent aujourd'hui dans un état de désarroi et d’inquiétude à cause des difficultés insurmontables auxquelles elles doivent faire face.
Preuve en a été donnée dans les urnes il y a quelques semaines. De fait, les résultats des élections sénatoriales s’expliquent à mon sens par le divorce entre les territoires et le pouvoir, par la colère montante des collectivités qui constatent que la manière dont on leur a présenté les trois réformes ne correspond absolument pas à la réalité…
M. Roland Courteau. On nous a trompés !
M. François Patriat. … puisque ces réformes ont entraîné une diminution de leurs ressources…
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. François Patriat. … et de leur autonomie, et n’ont pas dissipé le flou qui entoure leur avenir.
J’en veux pour preuve le fait que le rendement de la part de taxe intérieure sur les produits pétroliers, TIPP, qui a été attribuée aux régions baisse, alors même que cette ressource nous avait été présentée comme dynamique. En outre, les collectivités territoriales ignorent à deux mois de la fin de l’année le montant de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – promise. Elles savent bien que la diminution se poursuivra l’année prochaine.
En un mot, après leur avoir fait les poches, après avoir diminué leurs ressources, voici que l’État cloue les collectivités territoriales au pilori comme responsables des difficultés que connaît aujourd'hui notre pays.
M. Roland Courteau. Effectivement. C’est la vérité !
M. François Patriat. À la veille de leur débat d’orientation budgétaire, à la veille donc d’établir leur budget, les collectivités territoriales ne disposent plus des mêmes ressources que par le passé, leur perte n’ayant même pas été intégralement compensée si l’on tient compte de l’inflation. Celle-ci a, par exemple, déjà fait perdre plus de 2 millions d'euros à la région que je préside, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait !
Alors même qu’on transfère des compétences supplémentaires aux collectivités territoriales et qu’on leur demande d’assumer davantage de responsabilités, ces collectivités – en particulier les régions – n’ont plus la maîtrise de leur devenir. C'est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, nous ne pouvons pas accepter la réponse qui nous est donnée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le résultat historique des élections sénatoriales du 25 septembre dernier (Protestations sur les travées de l’UMP. – Eh oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV) traduit clairement le malaise des territoires ainsi que la défiance croissante des élus.
Réforme des collectivités territoriales, « casse » des services publics de proximité – la poste, l’école, l’énergie et j’en passe ! –, schémas départementaux de coopération intercommunale largement rejetés, réforme des finances locales et suppression de la taxe professionnelle, voici, très clairement, les causes du malaise !
Tout cela est vécu par les élus comme une rupture du pacte qui devrait réunir État et collectivités territoriales au service des populations, quand frappent durement la crise économique, la précarité de l’emploi, des conditions de vie difficiles et quand règne l’incertitude du lendemain.
Cette rupture est sensible quand on examine les relations financières entre l’État et les collectivités locales.
En 2012, comme cette année, les dotations budgétaires de l’État vont être gelées en euros courants, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas un euro supplémentaire confié aux élus locaux pour répondre aux besoins de la population,…
M. François-Noël Buffet. Il faut faire des économies !
M. Éric Bocquet. … pas un euro de plus pour la petite enfance, pour la santé, pour l’éducation, pour l’entretien du patrimoine, pour les travaux nécessaires à la qualité du service public local, à l’assainissement comme à la préservation de l’environnement, à la prévention des accidents routiers comme aux économies d’énergie !
Tout cela, pourquoi ? Tout simplement parce qu’il faut se plier aux injonctions des agences de notation et des marchés financiers et réduire le déficit de l’État, quitte à y faire contribuer, sans contrepartie, les élus locaux et les citoyens. Il est bien loin le temps où la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille !
Accorder les moyens nécessaires aux collectivités locales, on l’a rappelé, c’est soutenir plus de 70 % des investissements publics, irriguer le tissu économique et résister à la crise qui nous touche : les collectivités doivent être regardées par le Gouvernement comme un levier utile pour aider notre pays à sortir de cette crise.
Monsieur Richert, avez-vous l’intention de persévérer en 2012 dans la voie du rationnement des moyens financiers des collectivités locales, en gelant dotations et ressources fiscales et en organisant la péréquation de la pénurie au moment même où les attentes de nos citoyens sont particulièrement fortes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous avez raison de dire que les collectivités sont des outils au service de notre République, des leviers pour dynamiser les territoires et nous permettre d’être plus réactifs pour relever les grands enjeux face auxquels nous nous trouvons.
M. Yves Rome. Bravo ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Richert, ministre. Pour autant, permettez-moi de dire que nous ne pouvons pas faire comme si les contraintes budgétaires actuelles, tant internes qu’internationales, n’existaient pas. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Permettez-moi également de rappeler que lorsque la crise a frappé notre pays et que les recettes de l’État ont chuté de 20 %...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. À qui la faute ?
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs, c’est un peu trop facile : nous ne sommes tout de même pas le seul pays en ce monde qui ait vu la crise s’abattre sur lui en 2008 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Eh bien, avec 20 % de recettes en moins, le Gouvernement n’en a pas moins décidé de compenser intégralement la taxe professionnelle aux collectivités locales…
M. Bernard Piras. C’est faux !
M. Philippe Richert, ministre. … et de maintenir globalement leurs ressources au même niveau qu’avant. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Les reversements de l’État, qui ont été de 99 milliards d’euros cette année, atteindront sans doute au cours de l’année à venir 100 milliards d’euros, c’est-à-dire 1 milliard d’euros supplémentaires : voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Au cœur de cette crise, qui est la plus grave que nous ayons connue,…
M. Roland Courteau. Elle a bon dos, la crise !
M. Philippe Richert, ministre. … l’État reste donc au rendez-vous des collectivités, avec des moyens qui, certes, ne sont pas en expansion infinie mais qui permettent de faire face. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Enfin, nous ne sommes pas au garde-à-vous devant les agences de notation,…
M. Bernard Piras. Si !
M. Philippe Richert, ministre. … mais permettez-moi de rappeler que, si certains considèrent qu’il est possible de s’engager dans la « démondialisation » et de faire comme si la mondialisation n’existait pas, la France est bel et bien dans le monde et qu’elle ne peut s’exonérer de l’obligation de regarder en face les réalités de ce monde ! (M. Jackie Pierre applaudit.) Or, de ces réalités il découle que, si la notation de la France baisse, il sera plus cher demain d’emprunter…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce sont les marchés qui commandent !
M. Philippe Richert, ministre. … et ce sont nos collectivités, nos concitoyens et nos entreprises qui paieront le prix. Pour notre part, nous estimons qu’il est responsable de faire en sorte que ces dernières puissent continuer à tenir le haut du pavé dans le monde ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour la réplique.
M. Éric Bocquet. Monsieur le ministre, il va bien falloir un jour que le Gouvernement sorte de cet a priori qui voudrait que toute dépense publique soit considérée comme excessive et toute intervention publique comme inadaptée à la situation.
Nous voulons, clairement, que deux directions nouvelles soient prises pour les relations entre l’État et les collectivités locales.
La première direction, c’est l’abandon pur et simple de la réforme des collectivités territoriales,…
M. Roland Courteau. Bien !
M. Éric Bocquet. … largement rejetée par les élus locaux, quelle que soit d’ailleurs leur sensibilité, parce qu’elle traduit un recul par rapport aux lois de décentralisation des années quatre-vingt.
Seconde direction : sortons les finances locales du carcan du contrat de stabilité et de croissance, qui raréfie les ressources, pousse à la hausse des impositions locales et oppose les territoires, ce qui amène à tourner le dos à une nécessaire logique de solidarité entre eux, et cela sans permettre de répondre aux attentes de la population.
De ce point de vue, un outil de péréquation financière pertinent doit absolument être mis en place.
Nous réitérons pour notre part une proposition que nous avions formulée ici même voilà quelque temps et qui reste d’actualité, celle de mettre à contribution les actifs financiers pour l’action publique locale.
Nous avons à cela au moins un motif simple : comme vous l’avez vous-même rappelé, plus de ressources pour les collectivités locales, c’est plus d’investissements publics, donc plus d’activité et d’emplois, et, au final, plus de croissance ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je risque quelques redites puisque je compte moi aussi parler de la réforme des collectivités territoriales et des finances de celles-ci ; je tiens d’autant plus à le faire que les territoires ruraux souffrent encore plus que les autres.
On l’a vu à l’occasion des dernières élections, la réforme, en particulier celle de l’intercommunalité, brutale, sans préparation, sans écoute, menée à marche forcée, a mis contre elle les maires et l’ensemble des élus.
Les zones de revitalisation rurale sont amoindries, fragilisées, vidées ou pratiquement pillées.
La réforme de la taxe professionnelle met dans l’insécurité les finances d’une grande partie des communautés de communes. Pour la mienne, monsieur le ministre, je peux vous fournir les chiffres : cela représente moins 1,2 million d’euros entre 2010 et 2014.
Le gel des dotations des communes est inacceptable.
Le dynamisme fiscal des régions est mis à mal, celui des départements est amoindri de 50 %.
Cela fait beaucoup !
Les conseillers généraux vont disparaître – alors que, dans la ruralité, ils sont les capitaines de l’équipe locale, au côté des maires des petites communes alentour – pour être remplacés par le conseiller territorial, lequel siégera partout et nulle part : c’est illisible et ce sera inefficace.
Tout cela, messieurs les ministres, a pour résultat l’instauration d’un climat de défiance entre les maires et l’État. Report de nombreux projets, affaiblissement de nos finances, craintes quant à la disparition des financements croisés, éloignement entre les élus de la République et le Gouvernement, tout cela est inacceptable et il n’y a rien d’étonnant à ce que les maires, et les maires ruraux en particulier, éprouvent un sentiment de manque de confiance, à l’heure surtout du vaste redécoupage que vous vous apprêtez à faire des grands cantons, redécoupage qui va constituer un grand tripatouillage ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je me joins donc, messieurs les ministres, à mon collègue pour vous inviter à retirer la réforme pour redonner des moyens et leur place aux maires. C’est indispensable à la République et à ses territoires ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Alain Bertrand, vous avez évoqué tellement de sujets qu’il me serait difficile de les aborder tous dans le temps qui m’est imparti, mais je vais tenter de vous répondre sur plusieurs points.
M. Claude Bérit-Débat. Ciblés !
M. Philippe Richert, ministre. S’agissant d’abord de la compensation de la taxe professionnelle et de la perte de ressources due à la réforme de celle-ci, sujet que j’ai déjà évoqué, je ne prétends pas qu’il n’y a pas eu de conséquences. Permettez-moi cependant de rappeler, par exemple, qu’en 2010 la compensation « relais » de la taxe professionnelle a représenté 3,7 % de plus que le produit de cette taxe en 2009, soit 1,1 milliard d’euros supplémentaires en faveur des collectivités.
Je sais que cela peut en gêner certains, mais ce n’est pas en répétant sans cesse des choses inexactes que l’on en fait des vérités ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Ainsi, la réforme de l’intercommunalité serait menée à marche forcée…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous avons fait est tout simplement le résultat de ce que nous avions débattu ici ensemble ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je ne parle pas du conseiller territorial.
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Vous en avez été les victimes !
M. Philippe Richert, ministre. En ce qui concerne les structures intercommunales, les regroupements, les EPCI à fiscalité propre, nous avions décidé ensemble. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Nous avons demandé aux préfets de faire des projets de schéma, et c’est sur ces projets de schéma que portera le débat.
M. Bernard Piras. À la hussarde !
M. Philippe Richert, ministre. Le préfet mettra en œuvre ce que les élus proposeront dans le cadre de la commission départementale ; son rôle est de s’assurer que le débat permet de faire émerger une large convergence pour tenir compte des besoins réels.
M. Bernard Piras. Le préfet commande ! C’est dictatorial !
M. Philippe Richert, ministre. Si dans certains territoires il y a une marge, celle-ci devra être appréciée au bon niveau (M. Bernard Piras s’exclame.), et je serai là pour faire en sorte qu’il en aille ainsi.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure !
M. Philippe Richert, ministre. Permettez-moi seulement de dire encore qu’il est faux d’affirmer que les financements croisés ne seront plus possibles. Chacun sait très bien qu’ils sont possibles dans les petites communautés…
M. Claude Bérit-Débat. Les toutes petites !
M. Philippe Richert, ministre. … et dans les trois domaines du tourisme, du sport et de la culture, qu’elles sont possibles également pour les autres lorsqu’il y a un accord entre départements et région.
Il y a donc un grand écart entre ce qui est dit et la réalité telle qu’elle pourra être vécue demain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, pour la réplique.
M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre, vous ne parviendrez pas à nous convaincre ! Venez dans nos collectivités territoriales ! Regardez par la fenêtre et vous verrez qu’à la crise financière mondiale vous avez ajouté une crise des collectivités territoriales. Vous avez déstabilisé nos finances, vous nous avez complètement étranglés…
M. Éric Doligé. Cela ne se voit pas !
M. Christian Bourquin. … et, aujourd'hui, vous vous en prenez à la gouvernance locale.
Vous êtes convaincu que tout peut se diriger depuis l’Élysée, mais le pouvoir local, la démocratie locale sont nécessaires. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Vous avez d’ailleurs essuyé une tempête électorale à ce sujet le dimanche 25 septembre.
M. Roger Karoutchi. « Tempête », c’est un grand mot !
M. Christian Bourquin. Vous semblez l’ignorer, monsieur le ministre, et certains, ceux qui ont échappé aux hautes eaux semblent vous soutenir et vous applaudissent, mais pour combien de temps ? Pas beaucoup !
Vous feriez mieux, parce que vous ajoutez une crise à la crise,…
M. Christian Bourquin. … d’abandonner ces pratiques et d’abroger ces lois que vous avez fait voter à la hussarde ici – lois votées ici mais, en fait, décidées depuis l’Élysée – plutôt que de continuer à ne pas vouloir entendre ce que les grands électeurs, les très grands électeurs, vous ont signifié.
Vous avez donné ces derniers temps pour directive aux préfets de temporiser,…
M. Christian Bourquin. … par exemple à propos des commissions départementales de la coopération intercommunale, mais il ne s’agit pas de temporiser ! Il s’agit d’abroger ces lois (M. Jean-Luc Fichet applaudit.) et, si vous ne répondez pas à cette demande, c’est du peuple de France qu’elle viendra au printemps prochain ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Messieurs les ministres, le Gouvernement a lancé un grand mouvement de réforme avec pour objectif l’optimisation de notre organisation territoriale.
M. Roland Courteau. C’est raté ! Cela n’a pas très bien fonctionné !
M. Antoine Lefèvre. Vous avez engagé durant deux ans un grand débat sur le sujet, débat qui a conduit à l’adoption de la loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales.
Nous sommes convaincus que l’achèvement de l’intercommunalité est la condition de la pérennisation du maillage du territoire national par nos 36 682 communes, auxquelles nous sommes profondément attachés.
La loi de décembre 2010 définit les règles et fixe des délais. Les quatre grands principes adoptés sont clairs : ne pas constituer d’intercommunalité inférieure à 5 000 habitants, sauf exceptions ; couvrir 100 % du territoire par l’intercommunalité ; ne pas laisser des communes isolées ; réduire, quand cela est possible, le nombre des syndicats.
Monsieur le ministre, alors que les discussions avec les élus ont été lancées, nous constatons que l’esprit de la loi de réforme des collectivités territoriales, dans le volet relatif à l’intercommunalité, paraît dans certains départements dévoyé, ce qui n’est pas le cas dans mon département de l’Aisne, je tiens à le préciser ici.
Les situations trop maximalistes, notamment pour la suppression des syndicats, ne sont pas acceptables pour les élus qui se sont mis au travail, autour d’une table (Oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), afin de faire des propositions et trouver des solutions cohérentes aux territoires ; car seule l’intercommunalité d’adhésion est acceptable.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous expliquer le sens des instructions données aux préfets, que le Premier ministre a annoncées la semaine dernière. Nous souhaitons tous que les schémas soient élaborés de manière consensuelle et non par la contrainte. (Ah oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Antoine Lefèvre. Nous faisons confiance aux services de l’État pour accompagner les élus dans la nécessaire rationalisation de l’organisation de nos territoires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur de l’Aisne, je le répète une nouvelle fois, j’ai déjà eu l’occasion ici au Sénat de répondre à des questions d’actualité sur le même sujet : les préfets ont eu la mission de préparer un schéma sur lequel la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, travaille ensuite.
Je l’ai répété clairement aux préfets. Nous souhaitons que ce travail de l’organisation intercommunale dans un département soit une « coconstruction » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.), et, permettez-moi de le dire, cela se passe ainsi dans la plupart des départements.
M. Philippe Richert, ministre. Dans certains départements, – cela m’a été clairement expliqué – nous avons eu une organisation relevant du « gigantisme ».
Mme Françoise Cartron. Tout à fait !
M. Philippe Richert, ministre. J’ai repris ce mot pour bien préciser aux préfets que le temps doit être utilisé pour qu’un travail soit réalisé entre les élus de la CDCI et au-delà, afin de rendre compatible le projet, tel qu’il avait été établi, avec la réalité telle qu’elle est attendue et peut être construite sur le terrain.
M. Jean-Jacques Mirassou. À quelle échéance ?
M. Philippe Richert, ministre. Lorsque cela peut être fait pour le 31 décembre 2011, nous le faisons. Si ce n’est pas possible, c'est-à-dire si nous ne disposons pas d’une large majorité, nous repousserons les délais au-delà du 31 décembre 2011.
M. Claude Bérit-Débat. Et la loi ?
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, la semaine dernière, j’étais à l’assemblée générale de l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, présidée par Daniel Delaveau, et qui s’est tenue à Rennes, certains d’entre vous y étaient peut-être.
La demande formulée par l’Assemblée ainsi que par son président a été la suivante : ne reportez pas les délais, permettez à ceux qui le peuvent d’organiser l’intercommunalité ; lorsque vous le pouvez, respectez ces délais, mais faites en sorte de nous donner la flexibilité nécessaire. Cette flexibilité, je la demande aux préfets de façon très ferme. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement sur ce point et d’en débattre ensemble.
M. Claude Bérit-Débat. Et la loi ?
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse. Nous demeurerons vigilants et nous vous demandons de rester attentif au respect du principe d’intercommunalité d’adhésion.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre des collectivités territoriales, aux raisons structurelles du malaise des territoires – je pense en particulier au naufrage du service public en zones rurales – s’ajoute une raison plus conjoncturelle : la réforme des institutions territoriales – vous avez dû le constater aujourd'hui.
Le Gouvernement et sa majorité l’ont nié jusqu’aux dernières élections sénatoriales où ils ont découvert les effets du vote des élus locaux…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. … et, là encore, tout particulièrement des élus ruraux.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Pierre-Yves Collombat. Ils ne se contentaient plus de grogner, ils passaient à l’acte !
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Il en a donc immédiatement résulté une avalanche de commentaires et la mise en place de contre-feux.
Tout était par conséquent la faute des préfets, qui avaient fait du zèle, ou, je l’ai bien perçu, n’avaient pas bien compris.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Comme si les préfets sous Nicolas Sarkozy pouvaient faire autrement que d’appliquer scrupuleusement leurs instructions, j’ai failli dire « le doigt sur la couture du pantalon ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Au chapitre contre-feux : mesures dilatoires et rustines.
Ainsi le Premier ministre vient-il de décider le report de la date limite de publication des schémas départementaux de la coopération intercommunale, quoique l’interprétation soit difficile à faire.
Vous-même, monsieur le ministre, vous avez créé une « cellule dédiée au traitement des cas difficiles ». Vous nous direz peut-être si vous comptez leur adjoindre des psychologues, comme dans les cas de grandes catastrophes ! (Nouveaux sourires et exclamations sur les mêmes travées.)
Des propositions de loi préconisant reports, clauses de « revoyure », traitement spécifique des difficultés sont rédigées à la hâte.
Peine perdue car, on vous l’a dit voilà quelques instants, le problème est non pas l’application de la réforme, mais la réforme tout court, même dans ses aspects qui auraient pu être consensuels, comme l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, qui sera l’objet de ma question.
La loi de décembre 2010 disjoint en effet complètement la mise en place du schéma départemental de la coopération intercommunale de la réflexion sur les projets de développements communs et les compétences. On arrête des périmètres d’EPCI sans la moindre idée des raisons de leur création. On supprime des syndicats sans savoir par qui et comment seront remplies les fonctions qu’ils exerçaient.
Cela n’a pas de sens.
M. Roland Courteau. Effectivement !
M. Pierre-Yves Collombat. Aussi, monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir ce que vous envisagez pour nous sortir de ce non-sens, autrement dit si vous envisagez de modifier sur ce point au moins la loi du 16 décembre 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut abroger la loi !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Pierre-Yves Collombat, en ce qui concerne cette loi, je le répète, l’objectif est de faire en sorte que l’organisation territoriale des intercommunalités corresponde au mieux aux bassins de vie tels que nous les connaissons sur le terrain.
Ces bassins de vie changent bien sûr d’un territoire à l’autre. Ce ne sont pas les mêmes logiques qui prévalent dans un périmètre urbain et dans un territoire rural.
C’est pourquoi nous avions déjà prévu dans la loi, pour tous les territoires de montagne, la possibilité de dérogations à la taille minimale de 5 000 habitants. Mais lorsqu’il s’agit d’un territoire rural qui nécessite de déroger à la règle des 5 000 habitants, même s’il n’est pas situé en zone de montagne, on peut le faire, car ce chiffre – je l’avais précisé ici – est un objectif et non un impératif. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Nous avons essayé, dans la plupart des cas, d’apporter dans la loi des réponses permettant de prendre en compte la diversité des territoires.
Oui, notre objectif n’est pas d’avoir les mêmes réponses partout, car c’est ce qui permet d’avoir des intercommunalités de formes diverses. Nous prenons en compte les zones rurales et les zones urbaines dans leurs différentes formes d’expression et, bien entendu, cela nous permet aujourd’hui d’adapter nos réponses.
Le Premier ministre, avez-vous dit tout à l’heure, a indiqué que la date du 31 décembre 2011 ne compte plus.
Je rappelle que si la loi a prévu la date du 31 décembre 2011 pour tous les territoires où nous pourrons aboutir à un projet de schéma départemental, elle prévoit également, j’y insiste, que lorsque nous n’y parviendrons pas il sera possible de continuer à travailler au-delà de cette date. C’est prévu par la loi, ce n’est pas une invention de dernière minute !
Nous, nous tenons à ce dispositif qui permet, partout où cela peut être fait de façon consensuelle et largement convergente entre les élus et le projet initial tel qu’il est élaboré par le préfet, d’aller jusqu’au bout, parce que nous devons aujourd’hui trouver les ressources pour structurer les intercommunalités afin qu’elles puissent être efficaces face aux besoins du terrain et pas simplement aux besoins des collectivités tels qu’ils s’expriment au travers des élus.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour la réplique.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu pas à ma question. Comment se fait-il que vous commenciez par définir des périmètres sans vous demander ce que l’on mettra dedans ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Votre réponse est tout à fait conforme à la loi, mais il est aberrant de dire que l’on commence par faire un schéma de coopération intercommunale et, à partir du 31 décembre, on peut « s’asseoir dessus », le préfet peut faire exactement ce qu’il veut, il peut ne pas le respecter. À quoi cela sert-il ?
Vous faites des schémas qui ne tiennent compte ni des projets de développement ni des compétences qui seront exercées, qui suppriment des syndicats exerçant des compétences, et vous nous dites maintenant une fois qu’ils sont là on peut « s’asseoir dessus ». Cela n’a rigoureusement aucun sens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur plusieurs travées du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Billard.
M. Joël Billard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’Association des maires ruraux de France a récemment invité les sénateurs – par un communiqué – à mieux prendre en considération, dans leurs travaux parlementaires, les territoires à travers leurs potentiels humain et économique.
Permettez au sénateur qui est par ailleurs secrétaire national en charge de la valorisation des atouts des territoires ruraux à l’UMP (Oh ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) d’être surpris par de tels propos.
En effet, depuis 2005, avec la loi relative au développement des territoires ruraux, première loi consacrée exclusivement aux territoires ruraux, que nous avons particulièrement portée au Sénat, ensuite avec les Assises des territoires ruraux et les différents comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire, ou CIADT, nous n’avons eu de cesse de défendre les territoires ruraux…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela n’a pas été bien entendu !
M. Joël Billard. … en soutenant la politique du Gouvernement, avec un bilan en matière de développement des territoires ruraux dont nous n’avons absolument pas à rougir, bien au contraire. (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Si, vous pouvez en rougir !
M. Joël Billard. Lors du CIADT du 11 mai 2010, qui s’inscrit dans la continuité des Assises des territoires ruraux voulues par le Président de la République, le Gouvernement a mis en place un plan d’action en faveur des territoires ruraux s’articulant autour de quatre grands thèmes :…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’avez pas été convaincus !
M. Joël Billard. … améliorer l’accessibilité des territoires ruraux, favoriser le développement économique, améliorer la vie quotidienne des habitants et améliorer l’organisation et la gouvernance.
M. Roland Courteau. Ce sont des mots !
M. Joël Billard. Monsieur le ministre, où en sommes-nous aujourd’hui dans la mise en œuvre de ces décisions ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne vous croit pas !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur Joël Billard, comme vous le dites, les territoires ruraux sont une chance pour la France (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) et en même temps, nous le savons tous, ce sont eux qui sont le plus touchés par la crise, par les fermetures d’usines, par les délocalisations, par les difficultés liées aux complexités des finances publiques. C’est donc aussi à eux que nous devons apporter des solutions nouvelles et modernes. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Les décisions qui ont été prises lors du CIADT de mai 2010 tiennent en deux grandes orientations.
La première, c’est équilibrer les territoires, faire en sorte de rétablir de la solidarité entre les territoires,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est mal parti !
M. Bruno Le Maire, ministre. … par des conventions entre l’État et la SNCF afin de développer les lignes d’intérêt local et pas exclusivement les lignes à grande vitesse,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Jean-Jacques Mirassou. La poste !
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Les écoles !
M. Bruno Le Maire, ministre. … avec des conventions de service public qui ont été signées entre l’État et neuf opérateurs de service public…
M. Claude Bérit-Débat. Qui paie ?
M. Bruno Le Maire, ministre. … et, bien entendu, en assurant l’accès aux soins pour chacun de nos concitoyens…
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une blague !
M. Bruno Le Maire, ministre. … qu’ils habitent dans des départements comme l’Eure – département dont je suis l’élu – où l’accès aux soins reste difficile, ou qu’ils habitent en grande banlieue parisienne ou à Nice, où l’accès aux soins est beaucoup plus facile. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Nous voulons mettre toute notre énergie pour faciliter cet accès aux soins en construisant notamment les maisons de santé pluridisciplinaires : 250 ont été programmées, 200 ont été réalisées. Ce sont des réponses modernes et efficaces à la volonté de nos concitoyens d’avoir un accès plus facile aux soins.
L’autre grande orientation, c’est le développement de ces territoires ruraux. Il ne s’agit pas uniquement de penser rééquilibrage et solidarité. Il faut aussi penser ces territoires ruraux comme une chance pour notre pays, comme un moyen de développement économique. C’est l’objectif des zones de revitalisation rurale, avec un effort fiscal très important qui vise à installer des entreprises, de l’emploi, à garantir la pérennité des entreprises et leur transmission dans les territoires ruraux, car ces derniers n’ont pas vocation à devenir des…
M. Jean-Jacques Mirassou. Déserts !
M. Bruno Le Maire, ministre. … cités dortoirs pour des citoyens qui devraient parcourir chaque jour cent ou cent cinquante kilomètres pour se rendre à leur travail. Ils doivent trouver un emploi dans une zone d’activité à proximité de leur domicile. Le développement des pôles d’excellence rurale correspond également à cette volonté.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en est loin !
M. Bruno Le Maire, ministre. Enfin, les 2 milliards d’euros qui ont été investis dans le développement du numérique à très haut débit, notamment dans les territoires ruraux, correspondent aussi à cette volonté-là.
Si nous voulons créer des emplois, faire venir des entreprises, des médecins, il faut que tous nos concitoyens, y compris dans les zones rurales, aient accès rapidement au numérique à très haut débit. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Billard, pour la réplique.
M. Joël Billard. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces réponses, qui, j’en suis certain, ne pourront qu’éclairer l’Association des maires ruraux de France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous permettrez enfin au sénateur que je suis, qui est aussi l’auteur du rapport ayant encouragé le Président de la République à créer le premier ministère de l’espace rural en 2009, de formuler une simple remarque.
Les maires ruraux, dans leur communiqué, s’adressent aux sénateurs parce qu’ils considèrent que, en la matière, c’est le Sénat qui est le représentant des collectivités locales et le défenseur des territoires ruraux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne s’est pas vu avec vous !
M. Joël Billard. En cela, ils ont tout à fait raison. (M. Roland Courteau s’exclame.)
C’est pourquoi il me semble regrettable que la mission qui vient d’être créée sur l’ensemble des problèmes liés aux normes en milieu rural ne soit composée que de quatre députés, et ne comprenne aucun sénateur.
Permettez-moi de conclure mon propos en vous faisant part d’une réflexion personnelle.
Messieurs les ministres, confier la ruralité à des conseillers qui n’ont jamais été élus et n’ont jamais traversé le périphérique, c’est voué à l’échec ! (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Claude Bérit-Débat. Il faut supprimer le périphérique ! (Sourires.)
M. Joël Billard. Je vous demande tout simplement, au nom de mes collègues, d’utiliser les compétences du Sénat dans ce domaine ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Ma question porte sur une dimension importante de l’aménagement du territoire.
Avec la révision générale des politiques publiques, certains territoires connaissent aujourd'hui une situation très angoissante. Je parle certes de certains territoires ruraux, mais aussi de certaines cités.
En effet, dans ces territoires, avec la carte scolaire, de nombreux postes sont supprimés. Avec la nouvelle stratégie de La Poste, des bureaux de poste réduisent l’amplitude de leurs horaires et se préparent à fermer ou à passer le bébé, si je puis dire, aux collectivités. On y constate aussi une baisse impressionnante des effectifs de la police ou de la gendarmerie nationales lors de la signature de contrats locaux de sécurité. Et que dire de la politique de la forêt que nous essayons de mettre en place avec un Office national des forêts amputé d’une grande partie de ses effectifs !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, la question que je veux vous poser est simple : comment pouvons-nous mener une politique d’aménagement du territoire avec cette saignée dans les effectifs des services publics ?
Vous le savez, une politique d’aménagement du territoire requiert de la patience ; il faut des années pour la mettre en place, car il s’agit d’une question très difficile et très complexe. Or, chaque fois que l’on interroge les préfets, les sous-préfets ou les recteurs d’académie, ceux-ci nous font la même réponse : il faut rendre des postes ! Mais c’est une vision purement comptable de l’aménagement du territoire !
Mme Maryvonne Blondin. C’est exact !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, je vous le demande avec force et gravité : mettez un terme à cette politique aveugle de la révision générale des politiques publiques !
M. Roland Courteau. Et sans tarder !
M. Martial Bourquin. Il faut, au contraire, un État stratège ! Il faut mener une politique d’aménagement du territoire qui fasse en sorte que politiques publiques et investissements privés soient intimement liés, car nous sommes en train de déménager nos territoires ruraux, nos cités et nos villes. Cette situation est, je le dis avec une certaine solennité, très grave. (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
Il faut maintenant stopper cette politique pour que nos territoires retrouvent leur dynamisme ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur Martial Bourquin, je vous rejoins parfaitement, il faut un État stratège. Mais un État stratège, ce n’est pas un État qui pense le monde d’hier, c’est, au contraire, un État qui pense le monde de demain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Ce n’est pas un État qui estime qu’il faut systématiquement plus d’emplois publics, et donc plus de dépenses publiques, pour répondre aux besoins de nos concitoyens ! C’est un État qui essaie d’inventer des solutions nouvelles, plus économes et plus efficaces (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.),…
M. Pierre-Yves Collombat. Moins d’impôts et plus de chômage !
M. Bruno Le Maire, ministre. … pour à la fois offrir à nos concitoyens de meilleurs services publics et réduire notre endettement dont nous payons aujourd'hui la facture.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moins de milliardaires et plus de services publics !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ne maintiendrons pas – et ne le laissons pas croire aux Français ! – des classes uniques dans tous les villages de France parce que ce n’est ni efficace ni responsable du point de vue des finances publiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous ne maintiendrons pas des bureaux de poste ouverts dans tous les villages de France lorsque ceux-ci ne sont fréquentés que par un ou deux clients seulement par jour, parce que ce n’est ni responsable du point de vue des finances publiques ni responsable du point de vue du fonctionnement de ces services publics. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous avez évoqué la gestion de la forêt et l’ONF, mais c’est le meilleur exemple ! Quelles sont les raisons pour lesquelles la France ne profite pas suffisamment de l’exploitation de son bois ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la France n’exploite pas suffisamment le tiers de son territoire qui est composé de forêts ? Il ne s’agit pas d’un problème de recrutement, de nombre de personnels à l’ONF ! C’est une question de regroupement de l’offre, de valorisation de notre bois, de structuration de la filière, de compétitivité économique ! Voilà les vraies réponses à l’aménagement du territoire de demain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Que ne le faites-vous pas ?
M. Bruno Le Maire, ministre. En matière de fonds publics, il me semble préférable de consacrer 2 milliards d’euros à l’équipement numérique de notre territoire en très haut débit, comme l’ont voulu le Président de la République et le Premier ministre,…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela fait deux ans qu’on en parle !
M. Bruno Le Maire, ministre. … plutôt que de maintenir des services publics dans des endroits où nous n’avons plus les moyens de le faire ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, votre réponse est très idéologique ! (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.) En aucun cas, elle ne correspond à une vision d’avenir.
Avoir une vision d’avenir, c’est agir pour créer de la valeur, en faisant en sorte que nos territoires soient productifs, tant au niveau des usines que, plus généralement, au niveau des territoires ruraux. Or, pour que nos territoires continuent à produire, il faut trouver un mix très inédit entre les politiques publiques et les entreprises, qui créent aussi de la valeur. Ce n’est pas en supprimant les politiques publiques comme vous nous le proposez que nous y arriverons !
Il faut, au contraire, par exemple, mettre en œuvre une fiscalité beaucoup plus juste. Comment se fait-il que les groupes du CAC 40 paient environ 8 % d’impôt sur les sociétés, alors que les PME et les artisans paient 33 % ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Vous qui cherchez à faire des économies, il y a là des recettes à prendre, monsieur le ministre ! Pourquoi ne le proposez-vous pas ?
Il faut savoir que cette politique aveugle de la révision générale des politiques publiques, qui est profondément injuste, ampute durablement les territoires de leur dynamisme. Il leur faudra de nombreuses années pour être de nouveau au goût du jour. Le retour du dynamisme passe par une politique plus juste !
Pourquoi une famille habitant dans une vallée encaissée, qui souffre du verglas trois à quatre mois dans l’année, est-elle obligée de faire prendre le bus scolaire à ses enfants une heure avant le début des cours ? Parce qu’on a décidé de supprimer des postes ! (Murmures sur les travées de l’UMP.) Il existe d’autres sources d’économies que celle-ci ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le malaise des territoires.
Avant de reprendre la suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures dix, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 18 octobre 2011, qu'en application de l'article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité (2011–206 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
11
Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J’ai reçu avis de la démission :
- de M. François Rebsamen comme membre de la commission des finances ;
- et de M. Christian Bourquin comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Les groupes intéressés ont fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
12
Contentieux et procédures juridictionnelles
Suite de la discussion en nouvelle lecture et rejet d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre VI, à l’article 15.
Chapitre VI (suite)
Aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale
Article 15
(Non modifié)
À titre expérimental et jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la promulgation de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance désignés par un arrêté du garde des sceaux, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l’article 373-2-13 du code civil.
Les décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.
Toutefois, à peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d’une tentative de médiation familiale, sauf :
1° Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention selon les modalités fixées à l’article 373-2-7 du code civil ;
2° Si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;
3° Si cette tentative de médiation préalable risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation en vue de décider de sa généralisation, de son adaptation ou de son abandon.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 43 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 17.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Loin de moi l’idée de refuser la médiation, mais la mesure prévue à l’article 15 est contraignante.
En effet, elle oblige les parties à engager une tentative de médiation familiale, à peine de nullité de la procédure pouvant être soulevée d’office par le juge. Évidemment, les deux parties iront devant le médiateur, par crainte d’être sanctionnées par le juge.
Certes, seule une expérimentation est pour l’instant prévue à l’article 15. Mais toute expérimentation a vocation à être généralisée, en tout cas peut-on le supposer !
Autrement dit, de 6 271 mesures judiciaires de médiation familiale ordonnées en 2009, on passerait rapidement à 360 000 par an. C’est totalement irréaliste en l’état actuel des possibilités. Selon notre rapporteur, il faudrait multiplier par six le nombre des médiateurs ! Comment faire ? Où les trouver ?
Par conséquent, non seulement l’expérimentation est irréaliste dans les faits, mais on nous demande d’adopter une mesure pour la mise en œuvre de laquelle nous ne disposons d’aucun financement. Or, nous le savons bien, il n’est pas possible de proposer des mesures sans avoir les moyens de les appliquer !
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement de suppression de l’article 15.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous demandons également la suppression de l’article 15. En effet, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, cet article me paraît strictement inapplicable et dangereux.
En lui-même, le principe de la médiation n’est pas une mauvaise chose, comme l’a rappelé Mme Borvo Cohen-Seat. Mais, en l’occurrence, le système ne correspond pas à la réalité ! Il n’y aura pas suffisamment de médiateurs, personne ne nous dit qui va les payer et, surtout, cette expérimentation est impraticable sur le terrain.
En effet, normalement, lorsque des parents ou des conjoints saisissent le juge aux affaires familiales, c’est toujours pour une urgence. Prévoir dans le texte que la saisine du juge doit être systématiquement précédée d’une médiation, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office par le juge, avec des cas d’exceptions, c’est, encore une fois, je suis désolé de le dire au rapporteur, une mesure strictement inapplicable !
Selon l’article 15, la saisine du juge ne serait pas précédée d’une tentative de médiation familiale dans trois cas.
Premier cas : si la demande émane conjointement des deux parents pour solliciter l’homologation d’une convention. C’est tout de même la moindre des choses, car, s’ils sont d’accord, ils ne vont pas passer chez un médiateur ! Par conséquent, une telle précision dans l’article frise le ridicule.
Deuxième cas : si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime. C’est le juge qui va apprécier le motif légitime, c’est-à-dire que n’importe lequel des deux plaideurs pourra dire qu’il ne veut pas de la médiation en raison d’un motif légitime. C’est absurde !
Troisième cas : si cette tentative de médiation préalable risque de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
On fabrique là une disposition législative qui n’a aucun sens et il faut vraiment ne pas être allé souvent sur le terrain et ne pas avoir assisté à des audiences devant le juge aux affaires familiales pour en arriver à écrire ce type d’article, je le dis tel que je le pense ! Ce n’est pas raisonnable, même si ce n’est qu’une expérimentation, car elle ne peut pas fonctionner ainsi.
Par conséquent, je vous demande de répondre à nos questions. Où trouverez-vous les médiateurs nécessaires ? Qui les payera ? Comment éviter ces exceptions ridicules ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est précisément en raison des observations que viennent de formuler Mme Borvo Cohen-Seat et M. Mézard que la commission des lois, soutenue par le Sénat, et l’Assemblée nationale ont prévu, uniquement à titre expérimental, cette médiation. Trois cas de dérogation, sur lesquels M. Mézard vient d’ironiser, avaient toutefois été retenus.
L’expérimentation vise à tenir compte des réalités. Elle permettra de distinguer les cas où la médiation peut être généralisée de ceux pour lesquels il serait « ridicule », pour reprendre l’expression de notre collègue, d’y avoir recours.
Selon moi, l’obligation de médiation préalable est assortie des garde-fous nécessaires pour éviter tout excès. Nous pourrons tirer les conséquences, dans quelques années, de cette expérimentation.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Mézard, je rappelle à mon tour que cette médiation fera l’objet d’une expérimentation. J’ajoute que la discussion parlementaire a permis d’instaurer des garde-fous, pour les cas où celle-ci pourrait se révéler dangereuse.
L’expérimentation nous permettra de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qu’il faut changer et ce qu’il faut garder. Je le rappelle, le contentieux familial, qui ne relève pas forcément du contentieux au sens traditionnel, représente, dans de très nombreuses juridictions, plus de 60 % des affaires. On saisit le tribunal lorsque l’on est confronté à de vraies difficultés, alors que celles-ci ne nécessitent pas toujours l’intervention d’un juge, c'est-à-dire d’un magistrat doté d’une autorité particulière. Si d’autres méthodes permettaient de régler ces affaires, ce serait une bonne chose. Tel est le sens de l’article 15.
Doit-on décider une fois pour toutes que seul le juge est compétent, alors que la médiation en matière familiale est déjà utilisée, par exemple pour ce qui concerne les allocations familiales ? Le ministère entend faire en sorte que le tarif dégressif, calculé en fonction des ressources, qui est retenu en matière de médiation par les caisses d’allocations familiales ou les associations, soit également appliqué aux contentieux familiaux. Lorsque vos revenus sont supérieurs au RSA mais inférieurs au SMIC, la séance de médiation revient à cinq euros.
Dans la mesure où le Parlement a prévu des garde-fous, laissons vivre, sans a priori, une telle expérimentation. Nous verrons si elle donne de bons résultats. Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Mézard, je vous invite à être moins conservateurs et à vous ouvrir un peu au changement.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, que vous me traitiez de conservateur ne m’empêchera pas de dormir ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Vous l’avez dit maintes fois dans cette enceinte, il vaut mieux, parfois, conserver les choses de qualité, plutôt que de changer tout le temps pour faire n’importe quoi. Au demeurant, je préfère considérer votre remarque comme une boutade.
Vous l’avez indiqué, c’est le justiciable, même s’il bénéficie d’un tarif dégressif, qui devra payer. Ainsi, on s’efforce de priver les magistrats d’un certain nombre de compétences dans le domaine des affaires familiales. Il s’agit de rétribuer le médiateur par le biais du justiciable et de diminuer le rôle des juges aux affaires familiales.
Ce n’est pas, me semble-t-il, ce que demandent nos concitoyens, d’autant que la médiation existe d’ores et déjà. Elle est souvent ordonnée par le magistrat, qui apprécie avec sagesse les cas dans lesquels le recours à un médiateur peut permettre de trouver un consensus entre les deux parties, entre les deux parents.
L’expérimentation que vous proposez n’a donc guère de sens. Il s’agit simplement, comme pour les autres textes que vous nous avez déjà présentés, de déjudiciariser à tous crins.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.
M. François Pillet. Selon moi, l’adoption de ces amendements identiques enverrait un très vilain signe à la médiation et au traitement alternatif de certains conflits, en particulier en matière familiale.
On le sait bien, les contentieux les plus irrationnels sont l’apanage des conflits familiaux. Les enfants représentent traditionnellement les armes des deux parties en cause et le juge, même s’il prend la meilleure décision possible, ne peut traiter un conflit qui, se développant dans le temps, permet aux époux de se nuire l’un l’autre.
Ce serait desservir la médiation que d’adopter ces amendements, car celle-ci est peut-être, dans le domaine familial, la seule manière de gérer correctement un conflit que le juge ne peut éteindre par sa seule décision.
Ce serait donner une image très négative de ce mode alternatif de résolution des conflits, qui a fait ses preuves, en particulier pour ce qui concerne les plus durs d’entre eux.
Au surplus, je ne comprends pas le maintien de ces amendements, puisque les dérogations prévues, lesquelles permettent au juge de ne pas faire systématiquement appel à la médiation, ont été conservées dans le texte qui nous est soumis.
En outre, il s’agit, je le rappelle, d’une expérimentation. Je ne vois pas pour quelles raisons on se paierait le luxe de ne pas expérimenter une solution qui a déjà fait ses preuves dans notre droit, en particulier dans le règlement des conflits familiaux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 43 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 15 bis A
(Suppression maintenue)
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Article 15 quater A
[Pour coordination]
Le code civil est ainsi modifié :
1° À l'article 74, après les mots : « l'un des deux époux », sont insérés les mots : «, ou le père ou la mère de l'un d’eux, » ;
2° (nouveau) À l’article 165, après les mots : « de la commune où l’un des époux », sont insérés les mots : «, ou le père ou la mère de l’un d’eux, ». – (Adopté.)
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Article 15 quater C
Le code civil est ainsi modifié :
1° À l’article 361, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois » ;
2° L’article 370-2 est complété par les mots : «, à l’exception, à la demande de l’adopté, de la modification des prénoms ».
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
à la demande de l'adopté
par les mots :
si l'adopté le demande
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15 quater C, modifié.
(L'article 15 quater C est adopté.)
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Chapitre VII
Regroupement de certains contentieux en matière pénale au sein de juridictions spécialisées
Article 16
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’intitulé du titre Ier du livre IV est ainsi rédigé : « Des règles de procédure applicables aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre » ;
2° Avant le chapitre Ier du même titre Ier, il est ajouté un sous-titre Ier intitulé : « De la coopération avec la Cour pénale internationale » ;
3° Après le chapitre II du même titre Ier, il est inséré un sous-titre II ainsi rédigé :
« SOUS-TITRE II
« DES JURIDICTIONS COMPÉTENTES POUR LA POURSUITE, L’INSTRUCTION ET LE JUGEMENT DES CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ ET DES CRIMES ET DÉLITS DE GUERRE
« Art. 628. – Les crimes contre l’humanité et les crimes et délits de guerre sont poursuivis, instruits et jugés selon les règles du présent code sous réserve des dispositions du présent sous-titre.
« Art. 628-1. – Pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, le procureur de la République, le juge d’instruction et la cour d’assises de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43 et 52.
« En ce qui concerne les mineurs, le procureur de la République, le juge d’instruction, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite et l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, le procureur de la République et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« Art. 628-2. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction ; l’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« L’ordonnance par laquelle le juge d’instruction se dessaisit ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu à l’article 628-6 ; lorsqu’un recours est exercé en application de ce même article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation soit porté à sa connaissance.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République de Paris.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 628-3. – Lorsqu’il apparaît au juge d’instruction de Paris que les faits dont il a été saisi ne constituent pas une des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 628 et ne relèvent pas de sa compétence à un autre titre, ce magistrat se déclare incompétent soit sur requête du procureur de la République, soit, après avis de ce dernier, d’office ou sur requête des parties. Celles des parties qui n’ont pas présenté une requête sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations ; l’ordonnance est rendue au plus tôt huit jours après cet avis.
« Le deuxième alinéa de l’article 628-2 est applicable à l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction de Paris se déclare incompétent.
« Dès que l’ordonnance est devenue définitive, le procureur de la République de Paris adresse le dossier de la procédure au procureur de la République territorialement compétent.
« Le présent article est applicable lorsque la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris statue sur sa compétence.
« Art. 628-4. – Lorsque le tribunal correctionnel ou le tribunal pour enfants de Paris se déclare incompétent pour les motifs prévus à l’article 628-3, il renvoie le ministère public à se pourvoir ainsi qu’il avisera ; il peut, le ministère public entendu, décerner, par la même décision, mandat de dépôt ou d’arrêt contre le prévenu.
« Art. 628-5. – Dans les cas prévus aux articles 628-2 à 628-4, le mandat de dépôt ou d’arrêt conserve sa force exécutoire ; les actes de poursuite ou d’instruction et les formalités intervenus avant que la décision de dessaisissement ou d’incompétence soit devenue définitive n’ont pas à être renouvelés.
« Art. 628-6. – Toute ordonnance rendue sur le fondement des articles 628-2 ou 628-3 par laquelle un juge d’instruction statue sur son dessaisissement ou le juge d’instruction de Paris statue sur sa compétence peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du ministère public ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation qui désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, la juridiction chargée de poursuivre l’information. Le ministère public peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 628-2.
« La chambre criminelle qui constate que le juge d’instruction du tribunal de grande instance de Paris n’est pas compétent peut néanmoins, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, décider que l’information est poursuivie à ce tribunal.
« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction ainsi qu’à celle du ministère public et signifié aux parties.
« Le présent article est applicable à l’arrêt rendu sur le fondement du dernier alinéa des articles 628-2 et 628-3 par lequel une chambre de l’instruction statue sur son dessaisissement ou sa compétence.
« Art. 628-7. – Par dérogation à l’article 712-10, sont seuls compétents le juge de l’application des peines du tribunal de grande instance de Paris, le tribunal de l’application des peines de Paris et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées pour une infraction entrant dans le champ d’application de l’article 628, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.
« Ces décisions sont prises après avis du juge de l’application des peines compétent en application de l’article 712-10.
« Pour l’exercice de leurs attributions, les magistrats des juridictions mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent se déplacer sur l’ensemble du territoire national, sans préjudice de l’application de l’article 706-71 sur l’utilisation de moyens de télécommunication.
« Art. 628-8. – Le chapitre II du titre XXV du présent livre IV, à l’exception des articles 706-88-1 et 706-88-2, est applicable à l’enquête, la poursuite et l’instruction des crimes entrant dans le champ d’application de l’article 628.
« Pour l’application du sixième alinéa de l’article 706-88, l’intervention de l’avocat peut être différée pendant une durée maximale de soixante-douze heures.
« Art. 628-8-1. – Peuvent exercer les fonctions d’assistant spécialisé auprès des juridictions et magistrats mentionnés à l’article 628-1 les fonctionnaires de catégorie A et B ainsi que les personnes titulaires, dans des matières définies par décret, d’un diplôme national sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études supérieures après le baccalauréat qui remplissent les conditions d’accès à la fonction publique et justifient d’une expérience professionnelle minimale de quatre années.
« Les assistants spécialisés suivent une formation obligatoire préalable à leur entrée en fonction.
« Les assistants spécialisés participent aux procédures sous la responsabilité des magistrats, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature, sauf pour les réquisitions prévues aux articles 60-1, 60-2, 77-1-2, 99-3 et 99-4.
« Ils accomplissent toutes les tâches qui leur sont confiées par les magistrats et peuvent notamment :
« 1° Assister les juges d’instruction dans tous les actes d’information ;
« 2° Assister les magistrats du ministère public dans l’exercice de l’action publique ;
« 3° Assister les officiers de police judiciaire agissant sur délégation des magistrats ;
« 4° Remettre aux magistrats des documents de synthèse ou d’analyse qui peuvent être versés au dossier de la procédure ;
« 5° Mettre en œuvre le droit de communication reconnu aux magistrats en application de l’article 132-22 du code pénal.
« Le procureur général peut leur demander d’assister le ministère public devant la juridiction d’appel.
« Ils ont accès au dossier de la procédure pour l’exécution des tâches qui leur sont confiées et sont soumis au secret professionnel sous les peines prévues à l’article 226-13 du même code.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment la durée pour laquelle les assistants spécialisés sont nommés et les modalités selon lesquelles ils prêtent serment.
« Art. 628-9. – Le présent sous-titre est également applicable aux crimes de torture pour lesquels les juridictions françaises sont compétentes en application de l’article 689-2. » ;
4° Après le quatrième alinéa de l’article 41, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut se transporter dans toute l’étendue du territoire national. Il peut également, dans le cadre d’une demande d’entraide adressée à un État étranger et avec l’accord des autorités compétentes de l’État concerné, se transporter sur le territoire d’un État étranger aux fins de procéder à des auditions. » ;
5° Après l’article 93, il est inséré un article 93-1 ainsi rédigé :
« Art. 93-1. – Si les nécessités de l’instruction l’exigent, le juge d’instruction peut, dans le cadre d’une commission rogatoire adressée à un État étranger et avec l’accord des autorités compétentes de l’État concerné, se transporter avec son greffier sur le territoire de cet État aux fins de procéder à des auditions.
« Il en donne préalablement avis au procureur de la République de son tribunal. » ;
6° Au deuxième alinéa de l’article 396, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 28
Après les mots :
des articles
insérer la référence :
706-88,
II.- En conséquence, alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les alinéas 28 et 29 de l’article 16 sont relatifs à la durée de la garde à vue et au report de l’intervention de l’avocat.
Cet amendement traduit notre position de principe en la matière, qui s’appuie sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il participe de notre volonté de voir abrogées les dispositions exorbitantes du droit commun en matière de garde à vue, qu’il s’agisse de leur durée ou de la présence des avocats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’article 706–88 du code de procédure pénale dont il est question dans cet amendement définit les modalités de garde à vue applicables en matière de terrorisme et de criminalité organisée.
La loi du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a maintenu le régime dérogatoire applicable dans les cas très spécifiques de terrorisme et de criminalité organisée, qui permet une prolongation des gardes à vue de quarante-huit ou quatre-vingt-seize heures supplémentaires.
Le projet de loi, qui tend à créer une juridiction spécialisée compétente pour les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre, vise à étendre à celle-ci ce dispositif.
Il paraît en effet tout à fait justifié que ce nouveau cadre dispose du même arsenal que celui qui est prévu en matière de terrorisme.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 18.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Borvo Cohen-Seat, le Gouvernement ne peut que s’opposer à cet amendement.
Nous tenons au maintien de ces régimes dérogatoires qui permettent à l’État, dans les cas de criminalité les plus graves – terrorisme, criminalité en bande organisée, trafic international de stupéfiants, crimes contre l’humanité –, de ne pas baisser les bras.
C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je me verrais contraint d’émettre un avis très défavorable.
M. le président. Maintenez-vous votre amendement, madame Borvo Cohen-Seat ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
(Non modifié)
Le livre IV du code de procédure pénale est complété par un titre XXXIII ainsi rédigé :
« TITRE XXXIII
« DE LA PROCÉDURE APPLICABLE EN CAS D’ACCIDENT COLLECTIF
« Art. 706-176. – La compétence territoriale d’un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus aux articles 221-6, 221-6-1, 222-19, 222-19-1, 222-20 et 222-20-1 du code pénal, dans les affaires qui comportent une pluralité de victimes et sont ou apparaîtraient d’une grande complexité.
« Cette compétence s’étend aux infractions connexes.
« Un décret fixe la liste et le ressort de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions.
« Art. 706-177. – Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal de grande instance, désignent respectivement un ou plusieurs magistrats du parquet, juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’enquête, de la poursuite, de l’instruction et du jugement des infractions entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Au sein de chaque cour d’appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président et le procureur général désignent respectivement des magistrats du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des infractions et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Art. 706-178. – Le procureur de la République, le juge d’instruction et la formation correctionnelle spécialisée du tribunal de grande instance mentionnés à l’article 706-176 exercent, sur toute l’étendue du ressort fixé en application de ce même article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 382 et 706-42.
« La juridiction saisie demeure compétente, quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire. Toutefois, si les faits constituent une contravention, le juge d’instruction prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.
« Art. 706-179. – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que ceux mentionnés à l’article 706-176 peut, pour les infractions entrant dans le champ d’application du même article 706-176, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction compétente en application dudit article. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction. L’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« Lorsque le juge d’instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu à l’article 706-180 ; lorsqu’un recours est exercé en application de cet article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que soit porté à sa connaissance l’arrêt de la chambre de l’instruction passé en force de chose jugée ou celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
« Dès que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République adresse le dossier de la procédure au procureur de la République près le tribunal de grande instance compétent en application de l’article 706-178.
« Le présent article est applicable devant la chambre de l’instruction.
« Art. 706-180. – (Non modifié)
« Art. 706-181. – Les magistrats mentionnés à l’article 706-178 ainsi que le procureur général près la cour d’appel compétente peuvent demander à des assistants spécialisés, désignés dans les conditions prévues à l’article 706, de participer, selon les modalités prévues à ce même article 706, aux procédures concernant les délits entrant dans le champ d’application de l’article 706-176.
« Art. 706-182. – Le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve une juridiction compétente en application de l’article 706-176 anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux du ressort interrégional, la conduite de la politique d’action publique pour l’application de ce même article. » – (Adopté.)
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Article 19
(Non modifié)
L’article 693 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À la fin de la seconde phrase du premier alinéa, les références : « 697-3, 705, 706-1 et 706-17 » sont remplacées par les références : « 628-1, 697-3, 705, 706-1, 706-17, 706-75, 706-107, 706-108 et 706-176 » ;
2° Le second alinéa est ainsi rédigé :
« La juridiction de Paris exerce une compétence concurrente à celle qui résulte de la première phrase du premier alinéa. Lorsque le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris requiert le juge d’instruction saisi d’une infraction entrant dans le champ d’application du chapitre Ier du présent titre de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris, les articles 628-2 et 628-6 sont applicables. » – (Adopté.)
Chapitre VIII
Développement des procédures pénales simplifiées
Article 20
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° A Le 1° de l’article 398-1 est ainsi rédigé :
« 1° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ; »
1° L’article 495 est ainsi rédigé :
« Art. 495. – I. – Le procureur de la République peut décider de recourir à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale pour les délits mentionnés au II lorsqu’il résulte de l’enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont simples et établis, que les renseignements concernant la personnalité, les charges et les ressources de celui-ci sont suffisants pour permettre la détermination de la peine, qu’il n’apparaît pas nécessaire, compte tenu de la faible gravité des faits, de prononcer une peine d’emprisonnement ou une peine d’amende d’un montant supérieur à celui fixé à l’article 495-1 et que le recours à cette procédure n’est pas de nature à porter atteinte aux droits de la victime.
« II. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale est applicable aux délits suivants, ainsi qu’aux contraventions connexes :
« 1° Le délit de vol prévu à l’article 311-3 du code pénal ainsi que le recel de ce délit prévu à l’article 321-1 du même code ;
« 2° Le délit de filouterie prévu à l’article 313-5 du même code ;
« 3° Les délits de détournement de gage ou d’objet saisi prévus aux articles 314-5 et 314-6 du même code ;
« 4° Les délits de destructions, dégradations et détériorations d’un bien privé ou public prévus à l’article 322-1 et aux premier alinéa et 2° de l’article 322-2 du même code ;
« 5° Le délit de fuite prévu à l’article 434-10 du même code, lorsqu’il est commis à l’occasion de la conduite d’un véhicule ;
« 5° bis Le délit de vente à la sauvette prévu aux articles 446-1 et 446-2 du même code ;
« 6° Les délits prévus par le code de la route ;
« 7° Les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;
« 8° Les délits prévus au titre IV du livre IV du code de commerce pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue ;
« 9° Le délit d’usage de produits stupéfiants prévu au premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique ;
« 10° Le délit d’occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs d’habitation prévu à l’article L. 126-3 du code de la construction et de l’habitation ;
« 11° Les délits de contrefaçon prévus aux articles L. 335-2, L. 335-3 et L. 335-4 du code de la propriété intellectuelle, lorsqu’ils sont commis au moyen d’un service de communication au public en ligne ;
« 12° Les délits en matière de chèques prévus aux articles L. 163-2 et L. 163-7 du code monétaire et financier ;
« 13° Les délits de port ou transport d’armes de la 6e catégorie prévus à l’article L. 2339-9 du code de la défense.
« III. – La procédure simplifiée de l’ordonnance pénale n’est pas applicable :
« 1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l’infraction ;
« 2° Si la victime a fait directement citer le prévenu avant qu’ait été rendue l’ordonnance prévue à l’article 495-1 du présent code ;
« 3° Si le délit a été commis en même temps qu’un délit ou qu’une contravention pour lequel la procédure d’ordonnance pénale n’est pas prévue ;
« 4° Si les faits ont été commis en état de récidive légale. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article 495-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le montant maximal de l’amende pouvant être prononcée est de la moitié de celui de l’amende encourue sans pouvoir excéder 5 000 €. » ;
2° bis Au second alinéa de l’article 495-2, les mots : « dernier alinéa » sont remplacés par la référence : « I » ;
3° Après le même article 495-2, il est inséré un article 495-2-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-2-1. – Lorsque la victime des faits a formulé au cours de l’enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile conformément au deuxième alinéa de l’article 420-1, le président statue sur cette demande dans l’ordonnance pénale. S’il ne peut statuer sur cette demande pour l’une des raisons mentionnées au dernier alinéa du même article 420-1, il renvoie le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils. L’article 495-5-1 est alors applicable. » ;
4° À la première phrase du troisième alinéa de l’article 495-3, les mots : « et que cette opposition » sont remplacés par les mots : «, que cette opposition peut être limitée aux dispositions civiles ou pénales de l’ordonnance lorsqu’il a été statué sur une demande présentée par la victime et qu’elle » ;
5° Après l’article 495-3, il est inséré un article 495-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-3-1. – Lorsqu’il est statué sur les intérêts civils, l’ordonnance pénale est portée à la connaissance de la partie civile selon l’une des modalités prévues au deuxième alinéa de l’article 495-3. La partie civile est informée qu’elle dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de cette notification pour former opposition aux dispositions civiles de l’ordonnance. » ;
6° Après la première phrase du premier alinéa de l’article 495-4, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« En cas d’opposition formée par le prévenu sur les seules dispositions civiles ou par la partie civile, le tribunal statue conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article 464. » ;
6° bis À la fin de la seconde phrase du même premier alinéa, les mots : « n’est pas susceptible d’opposition » sont remplacés par les mots : « est susceptible d’opposition dans les conditions prévues aux articles 489 à 494-1 » ;
7° Le second alinéa de l’article 495-5 est ainsi rédigé :
« Cependant, l’ordonnance pénale statuant uniquement sur l’action publique n’a pas l’autorité de la chose jugée à l’égard de l’action civile en réparation des dommages causés par l’infraction. » ;
8° Après l’article 495-5, il est inséré un article 495-5-1 ainsi rédigé :
« Art. 495-5-1. – Lorsque la victime de l’infraction est identifiée et qu’elle n’a pu se constituer partie civile dans les conditions prévues à l’article 495-2-1 ou lorsqu’il n’a pas été statué sur sa demande formulée conformément à l’article 420-1, le procureur de la République doit l’informer de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du tribunal correctionnel statuant conformément à l’avant-dernier alinéa de l’article 464, dont elle est avisée de la date pour lui permettre de se constituer partie civile. Le tribunal statue alors sur les seuls intérêts civils, au vu du dossier de la procédure qui est versé au débat. » ;
9° Les articles 495-6-1 et 495-6-2 sont abrogés.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 19 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 44 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 2.
M. Jean-Pierre Michel. Comme M. Anziani et moi-même l’avons précisé lors de la discussion générale, nous demandons la suppression de l’article 20, qui vise à étendre le champ de l’ordonnance pénale.
Je signale, monsieur le président, que j’ai demandé, au nom de mon groupe, un scrutin public sur ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 19.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous l’avons dit et redit, nous sommes opposés aux procédures simplifiées.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je me suis expliqué au cours de la discussion générale sur cet amendement de suppression de l’article 20.
Contrairement à ce qu’on peut lire à la page 24 du rapport, cet article ne prévoit pas l’« extension [du champ de l’ordonnance pénale] à un faible nombre de délits précisément énumérés ». Il suffit en effet de reprendre le texte pour découvrir la liste très importante des délits visés par cette extension. Tous les domaines sont concernés : le vol, le recel, la contrefaçon et un certain nombre de délits en matière commerciale. Il s’agit vraiment de confier au parquet un pouvoir d’appréciation extrêmement important, dans des conditions que nous jugeons tout à fait dommageables, en particulier par rapport au statut actuel de ces magistrats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Par le passé, notre commission a eu l’occasion d’émettre des réserves sur l’extension du champ de l’ordonnance pénale.
Ces réserves ont été confirmées ce matin, puisque la commission des lois a émis un avis favorable sur ces trois amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour des raisons que j’ai déjà données à de nombreuses reprises et sur lesquelles je n’ai pas l’intention de revenir, le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 19 et 44 rectifié tendant à supprimer l’article 20.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 2 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 170 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 20 est supprimé.
M. Alain Anziani. Bravo !
Article 21
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 180, il est inséré un article 180-1 ainsi rédigé :
« Art. 180-1. – Si le juge d’instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu’elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l’accord du procureur de la République, du mis en examen et de la partie civile, prononcer par ordonnance le renvoi de l’affaire au procureur de la République aux fins de mise en œuvre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité conformément à la section 8 du chapitre Ier du titre II du livre II.
« La détention provisoire, l’assignation à résidence sous surveillance électronique ou le contrôle judiciaire de la personne prend fin sauf s’il est fait application du troisième alinéa de l’article 179.
« L’ordonnance de renvoi indique qu’en cas d’échec de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si, dans un délai de trois mois ou, lorsque la détention a été maintenue, dans un délai d’un mois à compter de celle-ci, aucune décision d’homologation n’est intervenue, le prévenu est de plein droit renvoyé devant le tribunal correctionnel. Si le prévenu a été maintenu en détention, les quatrième et cinquième alinéas du même article 179 sont applicables.
« Le procureur de la République peut, tout en mettant en œuvre la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, assigner le prévenu devant le tribunal correctionnel ; cette assignation est caduque si une ordonnance d’homologation intervient avant l’expiration du délai de trois mois ou d’un mois mentionné au troisième alinéa du présent article.
« La demande ou l’accord du ministère public et des parties prévus au premier alinéa, qui doivent faire l’objet d’un écrit ou être mentionnés par procès-verbal, peuvent être recueillis au cours de l’information ou à l’occasion de la procédure de règlement prévue à l’article 175 ; si ces demandes ou accords ont été recueillis au cours de l’information, le présent article peut être mis en œuvre sans qu’il soit nécessaire de faire application du même article 175. » ;
2° L’article 495-7 est ainsi modifié :
a) Au début, les mots : « Pour les délits punis à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans » sont remplacés par les mots : « Pour tous les délits, à l’exception de ceux mentionnés à l’article 495-16 et des délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles prévus aux articles 222-9 à 222-31-2 du code pénal lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans » ;
b) la référence : « des dispositions de l’article 393 » est remplacée par la référence : « de l’article 393 du présent code ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 20 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement tend à supprimer l’article 21, qui étend le champ d’application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, introduite par la loi Perben II.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, cette procédure donne au parquet des pouvoirs accrus ; dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons pas l’accepter.
Je vous indique, monsieur le président, que je demande un scrutin public sur cet amendement.
M. Joël Guerriau. Bien sûr, puisqu’ils ne sont pas là !
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui, ils ne sont pas là !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 20.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous sommes également exprimés sur cette question. Nous n’allons évidemment pas soutenir l’extension du « plaider-coupable », puisque nous sommes contre le principe même de cette procédure !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 45 rectifié.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même cause, mêmes effets !
Nous sommes tout à fait hostiles à l’extension de la CRPC, pour des raisons que j’ai plusieurs fois développées lors de l’examen en première lecture du projet de loi, le 14 avril dernier, dans la discussion générale comme dans la présentation de la motion tendant au renvoi à la commission.
Je rappelle que la modification de l’article 495-7 du code de procédure pénale ici proposée se traduirait par une extension extrêmement importante du champ d’application de la CRPC : celle-ci pourrait s’appliquer à pratiquement tous les délits pour lesquels une peine d’emprisonnement de cinq ans est encourue.
Cela permettrait en fait au parquet d’éviter dans nombre de cas, notamment pour les délits à caractère financier, la tenue d’une audience publique.
Pourtant, les conditions actuelles de recueil de l’aveu sont particulièrement discutables et la procédure française n’est absolument pas une copie conforme du plea bargaining américain.
Cette solution, à notre avis, met en danger l’équilibre de la procédure pénale.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de l’article 21.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces trois amendements identiques visent à supprimer les dispositions tendant à étendre le champ d’application de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
Ces dispositions résultaient des travaux de notre commission, qui les avait introduites dans le projet de loi.
Ces amendements ont donné lieu ce matin à de longs échanges au sein de la commission.
J’ai rappelé que les acteurs de la chaîne pénale tiraient un bilan plutôt positif de cette procédure, sept ans après sa création ; elle est par ailleurs entourée de garanties minimales, dans la mesure où la personne concernée est nécessairement assistée d’un avocat et que la sanction – proposée en effet par un membre du parquet – doit être homologuée par un juge du siège dont personne sur les travées de notre assemblée ne conteste la qualité de magistrat.
Toutefois, certains membres de la commission ont fait observer que l’article 21 permettrait que soit désormais jugés dans le bureau du procureur, avec pour toute publicité une rapide audience d’homologation, la totalité des délits en matière financière.
Au total, notre commission, partagée à parts égales, n’a pas émis d’avis sur ces trois amendements ; elle s’en remet donc à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est naturellement défavorable à ces amendements de suppression.
Je crois que la CRPC a fait ses preuves. Elle repose sur un partage des rôles. Le juge du siège détient un véritable pouvoir : c’est lui qui homologue, ou non. Quant aux parties, elles acceptent, ou non, de s’engager dans la procédure.
J’ajoute qu’une autre procédure existe, très proche de celle que vous condamnez aujourd’hui : la composition pénale, créée il y a quelques années – vous vous en souvenez certainement, monsieur Michel. (M. Jean-Pierre Michel s’exclame.)
Il ne faudrait pas que, tout d’un coup, à l’occasion de ce pauvre projet de loi, M. Michel vienne se faire pardonner tous les péchés qu’il a pu commettre dans le passé… Mais nous sommes sensibles aux nombreux efforts qu’il accomplit ce soir dans le sens de la rémission, et avec l’aide de Mme Borvo Cohen-Seat ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
L’avis du Gouvernement est en tout cas défavorable !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.
M. François Pillet. Je pense qu’un débat existe en toile de fond de ces amendements. Pour reconnaître leur insuffisance, replaçons-nous sur le plan de la technique : lorsqu’il est recouru à ce mode de traitement d’une infraction, le parquet reçoit l’auteur, nécessairement assisté d’un avocat ; lorsqu’un accord est intervenu sur la culpabilité et l’étendue de la peine, une audience publique – pas une audience de cabinet ! – est organisée pour que le juge homologue cet accord portant – je le répète – sur une mesure pénale, sur une sanction pénale ; au cours de l’audience publique, le juge, face à l’assistance, aux journalistes, explique à nouveau quelles sont la nature, l’étendue et la gravité de l’infraction, quelles en ont été les victimes et quelle sanction a été admise par le procureur.
Où la défense verrait-elle ses droits violés ? Où la puissance régalienne le verrait-elle ? En quoi la justice ne serait-elle pas rendue, dès lors qu’en dernier lieu c’est un juge qui homologue l’accord intervenu ? Je ne le vois pas.
J’ajoute – d’une manière certes un peu pragmatique et qui peut me valoir certaines critiques – que cette procédure présente l’avantage de faire adhérer le prévenu à la sanction qui lui est infligée. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) On évite ainsi quelquefois des appels totalement inutiles.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Mon excellent collègue François Pillet a une vision assez idyllique des audiences de CRPC, mais celle-ci ne me paraît pas correspondre à l’expérience que j’en ai…
Je rappelle que le projet de loi prévoit, selon les termes mêmes du rapport de la commission, d’« ouvrir au parquet la possibilité de recourir à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, CRPC, à l’ensemble des délits – à l’exception des délits commis par des mineurs, des délits de presse, des délits d’homicide involontaire, des délits politiques ainsi que des délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. »
Autrement dit, l’immense majorité des délits seraient concernés par la CRPC.
Quant à dire que la personne poursuivie adhérerait avec plaisir à la sanction proposée, c’est vraiment ne pas connaître la manière dont la procédure se déroule !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. Il arrive, c’est vrai, que des magistrats refusent d’homologuer, mais le cas est extrêmement rare, parce que la CRPC est surtout un moyen d’aller vite, en concluant un marchandage avec le prévenu dans des conditions qui ne sont, au reste, pas toujours les meilleures.
Il eût peut-être été plus sage de recourir davantage à cette procédure – à supposer qu’on la trouve excellente – pour les infractions qu’elle concerne déjà aujourd’hui.
Nous risquons, avec l’extension ici proposée, de voir apparaître une nouvelle fois des distorsions, selon les territoires, selon les parquets, dans la manière dont seront traités nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. N’en déplaise à ses détracteurs, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité fonctionne bien.
D’ailleurs le Sénat, s’interrogeant il y a quelque temps sur son bilan, a rendu des conclusions tout à fait favorables au nouveau dispositif ; aussi je pense qu’il y a lieu d’étendre son champ d’application.
Au risque de paraître insister, je rappelle à mon tour que la procédure est entourée de très sérieuses garanties.
Ainsi, la présence d’un avocat auprès du mis en cause est obligatoire, contrairement à ce qui prévaut dans la plupart des audiences correctionnelles, où les prévenus ne sont pas assistés. Par conséquent, j’y vois là un avantage.
Par ailleurs, c’est bien évidemment le juge qui a le dernier mot.
Tous les praticiens qui ont eu à participer à cette procédure ces dernières années, loin d’avoir eu l’impression de prendre part à un marchandage, ont plutôt eu le sentiment d’améliorer le fonctionnement de la justice.
On ne peut pas en même déplorer que la justice ne soit pas rendue et refuser des façons modernes et adaptées qui permettent de la rendre.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, que veut-on dire lorsque l’on affirme que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité « fonctionne » bien ? Que la procédure va plus vite ou que la justice rendue est meilleure ?
Ce débat me fait penser aux objectifs assignés à la justice par la loi organique relative aux lois de finances : une « justice de qualité » rendue dans des « délais raisonnables ». On doit pouvoir s’entendre sur ce qu’il faut comprendre par « délais raisonnables », mais on se demande bien, en revanche, ce que recouvre l’expression « justice de qualité » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat. Cette évolution, à savoir l’abandon de l’audience au profit, sinon d’un marchandage, à tout le moins d’un face-à-face entre le prévenu et le procureur, trahit un glissement dans la conception de la justice. C’est bien là le fond du débat.
Certes, il revient au juge du siège d’homologuer ou non la sentence, mais il n’a pas la possibilité de modifier celle-ci. Par conséquent, il ne peut pas véritablement exercer son pouvoir de juge. Je le répète, il s’agit là d’un glissement considérable.
Peut-être l’extension du champ de la CRPC permettra-t-elle de réaliser quelques économies, et il semble bien que ce soit le seul objectif visé par le Gouvernement ; en revanche, je ne suis pas persuadé qu’elle contribue à améliorer la qualité de la justice, bien au contraire.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je m’étais prononcé contre le principe même de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité lorsque celle-ci avait été créée ; aussi, je ne peux qu’être défavorable, aujourd’hui, à l’extension de son champ d’application.
Il convient de rester prudent, car ces nouvelles procédures rompent avec notre conception traditionnelle de la justice, une justice proche des gens et reposant sur le débat contradictoire.
Je le répète, je reste très réservé. Avant d’aller plus avant, je pense qu’il vaudrait mieux attendre quelques années afin de pouvoir dresser un bilan nourri par l’expérience.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 20 et 45 rectifié tendant à supprimer l’article 21.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat et que le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 3 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 21 est supprimé.
Article 21 bis
(Non modifié)
À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l’article 528 du code de procédure pénale, les mots : « ne sera pas susceptible d’opposition » sont remplacés par les mots : « est susceptible d’opposition dans les conditions prévues aux articles 489 à 494-1 ». – (Adopté.)
Article 22
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – Aux deux derniers alinéas de l’article 850 du même code, les mots : « des quatre premières classes » sont supprimés.
III. – Au deuxième alinéa des articles L. 216-14, L. 331-25 et L. 437-14 du code de l’environnement, les mots : « des quatre premières classes » sont supprimés.
IV. – Au premier alinéa de l’article L. 1721-2 du code des transports, les mots : « des quatre premières classes » sont supprimés.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. J.-P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Par nécessité, et avec regret, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Article 22 bis
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – Après l’article L. 310-6 du code de commerce, il est inséré un article L. 310-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 310-6-1. – Pour les infractions prévues au présent titre ou par les textes pris pour son application, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation a droit, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger, après accord du procureur de la République, dans les conditions prévues à l’article L. 470-4-1. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. J.-P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 22 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 5.
M. Jean-Pierre Michel. Je m’en remets aux explications que Mme Borvo Cohen-Seat va présenter pour défendre son amendement, identique au mien.
M. le président. La parole est donc à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 22.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Contrairement à ce que certains prétendent, l’argument de l’efficacité n’est pas forcément le bon : procédure expéditive ne rime pas forcément avec efficacité !
En outre, nous refusons que ce projet de loi serve de support à des évolutions juridiques aussi diverses que variées, ce « tout à 1 euro » qui a déjà été dénoncé.
C’est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L’article 22 bis du projet de loi vise à étendre les possibilités offertes à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de recourir à la transaction pénale pour un certain nombre d’infractions au code de la consommation et au code de commerce.
Au cours de sa réunion de ce matin, la commission a rejoint les auteurs de ces deux amendements dans leur opposition de principe à une telle extension du champ de la transaction pénale. Par conséquent, elle émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Personne ne sera étonné d’apprendre que le Gouvernement est tout à fait défavorable à ces deux amendements de suppression visant en réalité à restreindre le champ de la transaction pénale.
Sincèrement, je ne suis pas sûr qu’il soit très sain de porter systématiquement devant le juge les infractions visées dans cet article, de nature très diverse. Je suis convaincu que, en la matière, la transaction est parfaitement adaptée, d’autant que, je le rappelle, celle-ci se déroule sous le contrôle du juge.
Le Gouvernement émet donc un avis très défavorable, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Si l’objectif est de faire en sorte que certaines infractions dans les domaines de la consommation et du commerce ne fassent plus l’objet de poursuites du tout, alors, en effet, refusons d’étendre le champ de la transaction à ce type d’infractions. Car, mes chers collègues, soyez assurés qu’un bon nombre d’infractions commerciales ne seront tout simplement pas poursuivies ! En revanche, la possibilité de recourir à la transaction est le gage que ces infractions seront sanctionnées, ce qui fera réfléchir les auteurs potentiels !
Pour cette raison, il serait totalement irresponsable de supprimer cet article, d’autant que la procédure a donné jusqu’à présent de très bons résultats dans la poursuite des infractions commerciales.
Monsieur le président, vous me permettrez par ailleurs de formuler une remarque. Dans le passé, on nous a assez reproché de demander quelquefois des scrutins publics. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
Or j’observe que la majorité sénatoriale actuelle s’est à ce point effritée, et ce quasiment dès la première séance, qu’elle recourt systématiquement au scrutin public, rompant ainsi bien vite avec les principes qu’elle affichait naguère. C’est tout de même assez curieux…
M. le président. C’est la saison ! (Sourires.)
Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 22.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 bis.
(L'article 22 bis est adopté.)
Article 22 ter
I A. – (Non modifié) Au second alinéa du III de l’article 529-6 du code de procédure pénale, les mots : « deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « trois derniers ».
I. – (Non modifié) L’article 529-10 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « deuxième et troisième » sont remplacés par les mots : « trois derniers » ;
2° Le 1° est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Des copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d’enregistrement dans le système d’immatriculation des véhicules ; ».
II. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa de l’article L. 121-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le véhicule a été cédé, cette responsabilité pèse, avec les mêmes réserves, sur l’acquéreur du véhicule. » ;
2° L’article L. 121-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où le véhicule a été cédé, la responsabilité pécuniaire prévue au premier alinéa incombe, sous les réserves prévues au premier alinéa de l’article L. 121-2, à l’acquéreur du véhicule. » ;
3° Le chapitre II du titre II du livre III est complété par un article L. 322-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 322-3. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait, pour tout propriétaire, d’établir une déclaration mensongère certifiant la cession de son véhicule.
« La personne coupable du délit prévu au présent article encourt également la peine complémentaire de confiscation de son véhicule. » ;
4° L’article L. 325-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de relaxe, le propriétaire dont le véhicule a été mis en fourrière sur autorisation du procureur de la République peut, selon des modalités précisées par arrêté du ministre de la justice, demander à l’État le remboursement, au titre des frais de justice, des frais d’enlèvement et de garde en fourrière qu’il a dû acquitter pour récupérer son véhicule. » ;
5° Après le sixième alinéa du I de l’article L. 344-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« “En cas de relaxe, le propriétaire dont le véhicule a été mis en fourrière sur autorisation du procureur de la République peut, selon des modalités précisées par arrêté du ministre de la justice, demander à l’État le remboursement, au titre des frais de justice, des frais d’enlèvement et de garde en fourrière qu’il a dû acquitter pour récupérer son véhicule.”»
III. – (Non modifié) L’article 1018 A du code général des impôts est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du 3° est supprimée ;
b) Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne a été condamnée pour conduite sous l’influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants en application de l’article L. 235-1 du code de la route ou du 3° des articles 221-6-1, 222-19-1 ou 222-20-1 du code pénal, les droits fixes de procédure prévus au présent article sont augmentés d’une somme fixée par arrêté du ministre de la justice égale au montant, arrondi à la dizaine inférieure, des indemnités maximales prévues pour les différentes analyses toxicologiques permettant d’établir la présence de stupéfiants dans le sang. »
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Sans vouloir prolonger inutilement le débat, je voudrais expliciter l’objet de l’article 22 ter.
Cet article vise à clarifier les règles applicables en matière de responsabilités du vendeur et de l’acquéreur d’un véhicule d’occasion lorsque ce dernier n’a pas encore procédé au changement du certificat d’immatriculation.
Les dispositions visées à cet article sont donc bien différentes de celles que nous avons examinées précédemment.
L’article 22 ter vise d’abord à résoudre une difficulté pratique : lorsque l’acquéreur d’une voiture d’occasion se fait « flasher » alors même qu’il n’a pas encore procédé au changement du certificat d’immatriculation du véhicule, le procès-verbal d’infraction est adressé au précédent propriétaire du véhicule, lequel est alors obligé de consigner le montant de l’amende forfaitaire pour pouvoir contester les faits devant le juge.
En outre, l’Assemblée nationale a complété cet article – inséré par le Sénat – afin de préciser notamment qu’une personne dont le véhicule a été saisi et qui est relaxée par le tribunal correctionnel pourra obtenir le remboursement des frais d’enlèvement et de garde en fourrière.
À titre personnel, je considère que cet article a une portée avant tout pratique et qu’il n’a pas, par conséquent, la même symbolique que les articles précédents. Chacun d’entre nous peut être un jour confronté à cette situation, même s’il est probable que nous achetons majoritairement des véhicules neufs, et non des véhicules d’occasion. À titre personnel, je suis donc hostile à la suppression de cet article.
Toujours est-il que la commission, dans sa majorité, a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour les raisons que le rapporteur a très bien développées, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 22 ter.
(L'article 22 ter est adopté.)
Article 22 quater
(Suppression maintenue)
Chapitre IX
Aménagement des compétences juridictionnelles en matière militaire
Article 23
(Non modifié)
I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° À l’intitulé du titre XI du livre IV, les mots : « crimes et des délits en matière militaire » et, à l’intitulé du chapitre Ier de ce même titre, les mots : « crimes et délits en matière militaire » sont remplacés par les mots : « infractions en matière militaire » ;
2° Le même chapitre Ier est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa de l’article 697-1 est ainsi rédigé :
« Les juridictions mentionnées à l’article 697 connaissent des crimes et des délits commis sur le territoire de la République par les militaires dans l’exercice du service. » ;
b) La section 1 est complétée par des articles 697-4 et 697-5 ainsi rédigés :
« Art. 697-4. – Les juridictions mentionnées à l’article 697 ayant leur siège à Paris sont également compétentes pour connaître des crimes et des délits commis hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci dans les cas prévus au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de justice militaire. En outre, un ou plusieurs magistrats affectés aux formations du tribunal correctionnel de Paris spécialisées en matière militaire sont chargés, par ordonnance du président du tribunal de grande instance, du jugement des contraventions commises dans ces circonstances.
« Le président du tribunal de grande instance de Paris et le procureur de la République près ce tribunal désignent respectivement un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du parquet chargés spécialement de l’enquête, de la poursuite et de l’instruction des infractions mentionnées au premier alinéa.
« Art. 697-5. – Pour le jugement des délits et des contraventions mentionnés à l’article 697-4, une chambre détachée du tribunal de grande instance de Paris spécialisée en matière militaire peut être instituée à titre temporaire hors du territoire de la République par décret en Conseil d’État dans les conditions prévues par les traités et accords internationaux. » ;
c) Le premier alinéa de l’article 698 est ainsi rédigé :
« Les infractions relevant de la compétence des juridictions mentionnées aux articles 697 et 697-4 sont poursuivies, instruites et jugées selon les règles du présent code sous réserve des dispositions particulières des articles 698-1 à 698-9 et, s’agissant des infractions commises hors du territoire de la République, des dispositions particulières du code de justice militaire. » ;
c bis) L’article 698-5 est ainsi rédigé :
« Art. 698-5. – Les articles L. 123-1 à L. 123-5, L. 211-12, L. 211-13, L. 211-22, L. 221-3, L. 261-6, L. 262-2, L. 264-3, L. 264-5, L. 265-1, L. 265-3, L. 266-2, L. 267-1, L. 267-2, L. 268-2 et le second alinéa de l’article L. 311-2 du code de justice militaire sont applicables. Conformément à l’article L. 211-21 du même code, la personne mise en examen, le prévenu ou le condamné militaire doit être détenu dans des locaux séparés. » ;
d) À la première phrase du premier alinéa de l’article 698-6, la référence : « de l’article 697 » est remplacée par les références : « des articles 697 et 697-4 » ;
d bis) À la première phrase du premier alinéa de l’article 698-9, la référence : « à l’article 697 » est remplacée par les références : « aux articles 697 et 697-5 » ;
e) L’article 706-16 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elles sont également applicables à la poursuite, à l’instruction et au jugement des actes de terrorisme commis hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci dans les cas prévus au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de justice militaire. »
II. – Le code de justice militaire est ainsi modifié :
1° Le 1° de l’article L. 1 est abrogé et les 2° et 3° du même article deviennent, respectivement, les 1° et 2° ;
2° L’article L. 2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2. – En temps de paix, les infractions commises par les membres des forces armées ou à l’encontre de celles-ci relèvent des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire dans les cas prévus à l’article L. 111-1. Hors ces cas, elles relèvent des juridictions de droit commun.
« Les infractions relevant de la compétence des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire sont poursuivies, instruites et jugées selon les règles du code de procédure pénale, sous réserve des dispositions particulières des articles 698-1 à 698-9 du même code et, lorsqu’elles sont commises hors du territoire de la République, des dispositions particulières du présent code. » ;
3° Les trois premiers alinéas de l’article L. 3 sont supprimés ;
4° Le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier est ainsi rédigé :
« CHAPITRE IER
« Des juridictions compétentes en matière militaire en temps de paix
« Art. L. 111-1. – Les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire mentionnées à l’article 697 du code de procédure pénale sont compétentes pour le jugement des crimes et des délits commis en temps de paix sur le territoire de la République par des militaires dans l’exercice du service.
« Conformément à l’article 697-4 du même code, les juridictions mentionnées au premier alinéa du présent article ayant leur siège à Paris sont également compétentes pour le jugement des crimes, délits et contraventions commis en temps de paix hors du territoire de la République par les membres des forces armées françaises ou à l’encontre de celles-ci, conformément au chapitre Ier du titre II du livre Ier du présent code.
« Les règles relatives à l’institution, à l’organisation et au fonctionnement des juridictions mentionnées au présent article sont définies par le code de procédure pénale. » ;
5° Les articles L. 111-10 à L. 111-17 deviennent, respectivement, les articles L. 112-22-1 à L. 112-22-8 qui sont ainsi modifiés :
a) Le deuxième alinéa de l’article L. 112-22-2 est supprimé ;
b) Au premier alinéa de l’article L. 112-22-1, aux premier et second alinéas de l’article L. 112-22-3, au second alinéa de l’article L. 112-22-4, aux premier et dernier alinéas de l’article L. 112-22-6, à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 112-22-7 et à l’article L. 112-22-8, les mots : « tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « tribunal territorial des forces armées » ;
c) Aux premier et second alinéas de l’article L. 112-22-3, au second alinéa de l’article L. 112-22-4 et à la seconde phrase du second alinéa de l’article L. 112-22-7, les mots : « procureur de la République » sont remplacés par les mots : « commissaire du Gouvernement » ;
6° Les deux premiers alinéas de l’article L. 112-22 sont supprimés ;
7° À l’article L. 121-1, les mots : « le tribunal aux armées connaît » sont remplacés par les mots : « les juridictions de Paris spécialisées en matière militaire connaissent » ;
8° À l’article L. 121-6, au début de la première phrase, les mots : « Le tribunal aux armées est incompétent » sont remplacés par les mots : « Les juridictions mentionnées à l’article L. 121-1 sont incompétentes » et, au début de la seconde phrase, les mots : « Ce même tribunal est compétent » sont remplacés par les mots : « Ces mêmes juridictions sont compétentes » ;
9° À l’article L. 123-1, les mots : « les juridictions des forces armées sont compétentes » sont remplacés par les mots : « la juridiction saisie est compétente » ;
10° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 123-4, les mots : « une juridiction des forces armées » sont remplacés par les mots : « la juridiction de Paris spécialisée en matière militaire » et les mots : « deuxième, troisième et quatrième » sont remplacés par les mots : « quatre derniers » ;
11° Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article L. 211-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris reçoit les plaintes et les dénonciations. Il dirige l’activité des officiers de police judiciaire des forces armées conformément aux dispositions du code de procédure pénale. » ;
12° L’article L. 211-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-8. – Pour l’application des articles 63 à 64, 77 à 78 et 154 du code de procédure pénale, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris ou le juge d’instruction de ce tribunal spécialisé en matière militaire peuvent, le cas échéant, déléguer leurs pouvoirs, respectivement, au procureur de la République ou au juge d’instruction du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue est mise en œuvre. » ;
13° À l’article L. 211-10, les mots : « à laquelle il est attaché » sont remplacés par les mots : « spécialisée en matière militaire » ;
14° À l’article L. 211-12, les mots : « devant les juridictions des forces armées » sont supprimés ;
15° Le chapitre Ier du titre Ier du livre II est complété par une section 5 ainsi rédigée :
« Section 5
« De la défense
« Art. L. 211-25. – Les personnes mentionnées au chapitre Ier du titre II du livre Ier peuvent faire assurer leur défense par un avocat ou, si l’éloignement y fait obstacle, par un militaire qu’elles choisissent sur une liste établie par le président du tribunal de grande instance de Paris. » ;
16° Aux articles L. 121-7, L. 121-8, L. 211-11, L. 211-14 et L. 211-15, les mots : « du tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « des juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;
17° À l’article L. 211-17, le mot : « militaires » est supprimé ;
18° Aux sixième et huitième alinéas de l’article L. 211-3, au premier alinéa de l’article L. 211-4, aux articles L. 211-7 et L. 211-10 et au premier alinéa et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 211-24, les mots : « le tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « le tribunal de grande instance de Paris » ;
19° Les articles L. 221-1, L. 221-2 et L. 221-4 et la section 1 des chapitres Ier et III du titre III du livre II sont abrogés et l’intitulé de la section 2 des mêmes chapitres est supprimé ;
20° Au premier alinéa de l’article L. 241-1, les mots : « le tribunal aux armées » sont remplacés par les mots : « les juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;
21° Le premier alinéa de l’article L. 261-1 est supprimé ;
22° À l’article L. 262-1, après le mot : « armées », sont insérés les mots : « et des juridictions de Paris spécialisées en matière militaire » ;
23° L’article L. 262-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « tant par le tribunal aux armées que par les tribunaux de droit commun » sont supprimés ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
24° Au premier alinéa de l’article L. 265-1, les mots : « la juridiction des forces armées » sont remplacés par les mots : « la juridiction saisie » ;
25° Au début du second alinéa de l’article L. 265-3, les mots : « Les juridictions des forces armées appliquent » sont remplacés par les mots : « La juridiction saisie applique » ;
26° L’article L. 271-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 271-1. – En temps de guerre, seuls les premier et deuxième alinéas de l’article 11 du code de procédure pénale sont applicables. » – (Adopté.)
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Article 24
(Non modifié)
I. – L’article L. 311-7 du code de justice militaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-7. – Toute condamnation à une peine d’interdiction des droits civiques ou d’interdiction d’exercer une fonction publique, prononcée par quelque juridiction que ce soit contre tout militaire, entraîne perte du grade.
« Lorsque ce même militaire est commissionné, elle entraîne la révocation. »
II. – (Non modifié) – (Adopté.)
Article 24 bis
(Non modifié)
Le code de justice militaire est ainsi modifié :
1° Les cinq premiers alinéas de l’article L. 321-2 sont remplacés par huit alinéas ainsi rédigés :
« Est déclaré déserteur à l’intérieur, en temps de paix, tout militaire dont la formation de rattachement est située sur le territoire de la République et qui :
« 1° S’évade, s’absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s’y présente pas à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé ;
« 2° Mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située hors du territoire national, ne s’y présente pas ;
« 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire national du bâtiment ou de l’aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.
« Constituent une formation de rattachement : un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé en cas d’hospitalisation, un établissement pénitentiaire en cas de détention.
« Est compétente pour connaître des faits de désertion à l’intérieur la juridiction dans le ressort de laquelle est située la formation de rattachement de départ.
« Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l’expiration d’un délai de six jours à compter du lendemain du jour où l’absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé.
« Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire se trouvant dans les circonstances des 2° et 3°. » ;
2° L’article L. 321-3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le fait pour tout militaire de déserter à l’intérieur, en temps de paix, est puni de trois ans d’emprisonnement.
« Le fait de déserter à l’intérieur et de franchir les limites du territoire de la République ou de rester hors de ces limites est puni de cinq ans d’emprisonnement. » ;
b) Au dernier alinéa, le mot : « destitution » est remplacé par les mots : « perte du grade » ;
3° À la seconde phrase du 1° de l’article L. 321-4, le mot : « destitution » est remplacé par les mots : « perte du grade » ;
4° Les articles L. 321-5 à L. 321-7 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 321-5. – Est déclaré déserteur à l’étranger, en temps de paix, tout militaire qui, affecté dans une formation de rattachement située hors du territoire de la République :
« 1° S’évade, s’absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s’y présente pas à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé ;
« 2° Mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située sur tout territoire, y compris le territoire national, ne s’y présente pas ;
« 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ du bâtiment ou de l’aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.
« Constituent une formation de rattachement : un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé en cas d’hospitalisation, un établissement pénitentiaire en cas de détention.
« Est compétente pour connaître des faits de désertion à l’étranger la juridiction prévue à l’article 697-4 du code de procédure pénale.
« Dans les cas prévus au 1°, le militaire est déclaré déserteur à l’expiration d’un délai de trois jours à compter du lendemain du jour où l’absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé. Ce délai est réduit à un jour en temps de guerre.
« Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire se trouvant dans les circonstances des 2° et 3°.
« Art. L. 321-6. – Le fait pour tout militaire de déserter à l’étranger en temps de paix est puni de cinq ans d’emprisonnement. S’il est officier, il encourt une peine de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, lorsque le militaire déserte à l’étranger et se maintient ou revient sur le territoire de la République, la peine d’emprisonnement encourue est réduite à trois ans.
« Art. L. 321-7. – La peine d’emprisonnement encourue peut être portée à dix ans contre tout militaire qui a déserté à l’étranger :
« 1° En emportant une arme ou du matériel de l’État ;
« 2° En étant de service ;
« 3° Avec complot.
« Est réputée désertion avec complot toute désertion à l’étranger effectuée de concert par plus de deux individus. » ;
5° Les articles L. 321-8 à L. 321-10 sont abrogés. – (Adopté.)
Chapitre IX bis
Dispositions relatives aux experts judiciaires
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Chapitre IX ter
Dispositions relatives aux juridictions financières
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 24 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cette division et son intitulé.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Jean-Pierre Michel. Nous en arrivons au chapitre sur les juridictions financières, qui a provoqué l’échec de la commission mixte paritaire, d’où la nouvelle lecture de ce texte.
Nous souhaitons supprimer tous les articles, je dis bien « tous » les articles, qui se rapportent aux juridictions financières. L’amendement no 7 vise donc à supprimer le chapitre IX, intitulé « Dispositions relatives aux juridictions financières ».
Il semblerait toutefois, et je souhaite que vous nous confirmiez ce point, monsieur le président, que la suppression d’une division et de son intitulé, en l’occurrence le chapitre IX dont je viens de rappeler le libellé, ne vaille pas suppression des articles qui y figurent.
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Jean-Pierre Michel. Je considère pour ma part, et ce point de vue a été partagé en commission par Hugues Portelli, qui si une division et son intitulé sont supprimés, la matière n’existe plus : il n’y a donc plus à voter.
En d’autres termes, pour nous, si cet amendement est adopté, tous les articles traitant des juridictions financières disparaissent du texte en même temps que la division et son intitulé.
Monsieur le président, si cette interprétation n’était pas celle du Sénat, je demanderais immédiatement une suspension de séance assez longue afin de solliciter sur cette question l’avis juridique des plus hautes autorités de l’État, notamment du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État.
J’indique d’emblée que je demande un scrutin public sur l’amendement no 7.
M. Éric Doligé. Laissez-nous la majorité, nous réglerons cette question vite fait ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mon cher collègue, la suppression d’une division et de son intitulé ne fait pas tomber les articles qu’elle contient.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, c’est votre thèse et celle des services du Sénat, mais je considère que ce n’est pas la bonne juridiquement.
Le chapitre sur les juridictions financières a été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Si le Sénat le supprime, la matière de la juridiction financière n’existera plus dans ce texte.
Si vous considérez que tel n’est pas le cas, le groupe socialiste demandera un scrutin public sur la quinzaine d’articles qui composent ce chapitre.
M. le président. Monsieur Michel, le règlement du Sénat prévoit que le vote a lieu article par article.
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. le président. Si l’issue du vote sur la division « chapitre IX ter » et son intitulé est conforme à vos souhaits, on peut légitimement penser que la coordination prévaudra pour les articles suivants et que le vote s’en trouvera accéléré d’autant.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le scrutin public ne nous dérange pas !
M. le président. Rien ne nous dérange, en effet, ma chère collègue.
Mais veuillez poursuivre et achever votre présentation de l’amendement n° 7, monsieur Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je tiens à le réaffirmer, le groupe socialiste, le groupe CRC et le groupe du RDSE souhaitent que l’ensemble des dispositions relatives aux juridictions financières ne figurent plus dans le texte qui sera soumis au vote final de notre assemblée.
S’il faut demander un scrutin public sur tous les articles de ce chapitre, nous le ferons !
M. Joël Guerriau. Oh !
M. Jean-Pierre Michel. Oui, nous le ferons.
Je n’interprète pas le règlement du Sénat de la même façon que le président de séance. Nous votons chapitre par chapitre, mais, lorsqu’il n’y a plus de chapitre, il n’y a plus de matière : il n’y a donc pas lieu de continuer à voter. (Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Les scrutins publics nous donneront l’occasion d’approfondir cette question, mon cher collègue.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 24.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis bien évidemment d’accord avec M. Michel, l’interprétation du Sénat est totalement illogique.
Le règlement du Sénat précise que le vote a lieu article par article ? J’en prends acte. Mais si l’on supprime un titre, il paraît logique de considérer que l’on en supprime le contenu. Le raisonnement me semble d’une logique incontestable.
Cela dit, je ne vois aucun inconvénient à ce que le Sénat se prononce par scrutin public sur chaque article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Ces deux amendements sont les premiers d’une série qui nous a été présentée ce matin en commission et dont l’objet est de supprimer la totalité du chapitre sur les juridictions financières.
La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis à la disposition du Sénat, et, bien entendu, il n’appartient pas au Gouvernement de se risquer à interpréter le règlement du Sénat. C’est là l’affaire du seul Sénat, qui décide sous le contrôle du Conseil constitutionnel.
Les articles sur les juridictions financières ont été introduits par voie d’amendement à l’Assemblée nationale. Ils sont le fruit d’une large concertation, et notamment d’une demande du Premier président de la Cour des comptes.
Dans la mesure où il était impossible d’élaborer un seul projet sur l’ensemble des juridictions financières, il a été décidé d’insérer, en tant que de besoin, des dispositions relatives aux juridictions financières dans les textes en cours d’examen par le Parlement.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement, fidèle à sa parole, émet un avis défavorable sur ces deux amendements et sur tous ceux qui ont pour objet de supprimer les articles de ce chapitre.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Les dispositions relatives aux juridictions financières sont en effet à l’origine de l’échec de la commission mixte paritaire.
Si nous avons refusé ces dispositions – ceux qui ont participé aux travaux de la CMP s’en souviennent – c’était pour une question de principe. Nous estimions, sans préjuger du fond du dossier, que les sénateurs ne pouvaient pas se prononcer parce qu’ils n’avaient pas eu la possibilité d’étudier les dispositions en cause.
Aujourd’hui, la situation est tout autre. Le Sénat et la commission des lois, avec l’aide de son rapporteur, ont pu examiner au fond les termes du dossier. Nous sommes donc parfaitement en mesure de nous prononcer.
Par ailleurs, M. Détraigne, dont je salue le travail en tant que rapporteur, présentera tout à l’heure un important amendement, que nous sommes plusieurs à avoir cosigné et qui est particulièrement intéressant pour le Sénat. Cet amendement prévoit en effet que le nombre des chambres régionales des comptes ne pourra pas être inférieur à quinze, alors que, dans la version proposée par l’Assemblée nationale, il est simplement évoqué un maximum de vingt.
Refuser ces dispositions reviendrait donc à affaiblir non seulement le texte, mais aussi la position du Sénat, voire le rôle de la Haute Assemblée dans son ensemble.
Notre groupe ne suivra donc pas la commission et il rejoint la position prise voilà un instant par le rapporteur à titre personnel.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Nous ne pouvons en effet que regretter l’introduction dans le texte de dispositions relatives aux juridictions financières après la première lecture du texte par le Sénat, lequel n’a donc pas pu les examiner, et ainsi se prononcer sur le fond, du fait de la procédure accélérée.
Il s’agit là de procédés tout à fait détestables, monsieur le garde des sceaux.
Aujourd’hui, nous sommes saisis de ce projet de loi en nouvelle lecture. Nous avons donc pu examiner ces dispositions et elles nous paraissent tout à fait acceptables, à condition bien sûr que l’amendement d’Yves Détraigne soit adopté.
Si les regroupements sont utiles, parce qu’en dessous d’un certain seuil d’activité, les chambres régionales des comptes ne sont pas efficaces, il ne faut toutefois pas en supprimer un trop grand nombre.
J’observe enfin, monsieur le président, que, dans un souci de simplification, on pourrait considérer qu’il suffit de supprimer le titre d’un projet de loi pour ne pas avoir à en examiner les articles…
Mais il s’agit là d’un raisonnement par l’absurde que ne comprend pas forcément Jean-Pierre Michel !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Notre groupe maintient, sur ce sujet, sa position initiale.
Sur la forme, la méthode qui a été utilisée n’était pas la bonne, et nous n’avons pas été les seuls à le dire. Nous avons déjà assisté, voilà quelques mois, à une tentative pour faire passer ce texte, que je n’ose qualifier d’intrusion en force au sein de la commission des lois.
Je considère que les dispositions dont il s’agit sont soumises au Sénat non pas en nouvelle ni même en deuxième lecture, mais bien en première lecture. Nous aurions eu, nous dit-on, le temps d’étudier le texte. J’ai le rapport de la commission sous les yeux, mais passons, je n’entrerai pas dans le détail.
En tout état de cause, on ne peut que regretter la méthode utilisée. La concertation a incontestablement eu lieu. Ces dispositions répondent à une demande de la Cour des comptes et les raisons avancées par son Premier président sont tout à fait recevables.
Il est bien évident que des réformes sont possibles, que le fonctionnement des chambres régionales des comptes peut être modifié. Mais après avoir réalisé, ces dernières semaines, pour la délégation aux collectivités territoriales, un rapport sur le contrôle de légalité et sur les contrôles des chambres régionales des comptes, et après avoir entendu de nombreux professionnels et acteurs concernés – membres du secrétariat général de la Cour des comptes, présidents de chambre régionale des comptes, magistrats, élus – je me suis rendu compte que la concertation n’avait pas abouti à un consensus très large. Des discussions subsistent, notamment quant au nombre des chambres et à l’étendue de la réforme.
Sur le fond, certains objectifs sont louables, mais, sur la forme, nous considérons que la méthode qui a été utilisée ne peut pas et ne doit pas passer.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. S’il suffit de supprimer un titre pour que son contenu tombe, à quoi sert le Sénat ? Voilà la question. En agissant ainsi, nous laissons à l’Assemblée nationale le soin de décider. Quelle aura été notre mission ? Quel aura été notre rôle ? Tout cela, je l’avoue, me laisse perplexe.
M. François Zocchetto. Nous sommes en pleine improvisation !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 24 tendant à supprimer la division « Chapitre IX ter » et son intitulé.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste-EELV.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 4 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 169 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la division « Chapitre IX ter » et son intitulé sont supprimés.
Articles 24 quater et 24 quinquies
(Suppressions maintenues)
Article 24 sexies A
(Non modifié)
I. – L’article L. 112-8 du code des juridictions financières est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres de la Cour des comptes sont tenus de se conformer, dans l’exercice de leurs attributions, aux normes professionnelles fixées par le premier président, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes. »
II. – L’article L. 212-16 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres des chambres régionales des comptes sont tenus de se conformer, dans l’exercice de leurs attributions, aux normes professionnelles fixées par le premier président de la Cour des comptes, après avis du Conseil supérieur des chambres régionales des comptes. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 25 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Jean-Pierre Michel. J’indique d’emblée que je demande un scrutin public sur cet amendement, mais je ne m’expliquerai plus sur ces différents articles, car le Sénat ne veut pas entendre notre logique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 25.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre amendement va de soi, puisque, bien qu’ayant supprimé la division, ainsi que son intitulé, nous devons semble-t-il néanmoins supprimer tous les articles qu’elle contient.
Nous demandons donc également un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, car ils tendent à supprimer un article extrêmement pratique qui permet au Premier président de la Cour des comptes de consulter les conseils supérieurs des deux corps de magistrats des juridictions financières sur les normes professionnelles qu’il entend mettre en œuvre.
Je ne vois pas à quel titre on voudrait interdire au Premier président Didier Migaud de consulter le conseil supérieur de la Cour des comptes ou le conseil supérieur des chambres régionales des comptes sur les normes à appliquer. Cela relève du bon fonctionnement de la Cour des comptes, et je suis certain que le Sénat, dans sa sagesse habituelle, votera contre ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 25 tendant à supprimer l’article 24 sexies A.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste-EELV, l’autre, du groupe CRC.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 5 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 24 sexies A est supprimé.
Articles 24 sexies à 24 nonies
(Suppressions maintenues)
Article 24 decies
(Non modifié)
I. – L’article L. 211-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2. – Font l’objet d’un apurement administratif par les autorités compétentes de l’État désignées par arrêté du ministre chargé du budget :
« – les comptes des communes dont la population n’excède pas 3 500 habitants pour l’exercice 2012 et 5 000 habitants pour les exercices ultérieurs ou dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à un million d’euros pour l’exercice 2012 et à trois millions d’euros pour les exercices ultérieurs, ainsi que ceux de leurs établissements publics ;
« – les comptes des établissements publics de coopération intercommunale dont la population n’excède pas 5 000 habitants pour l’exercice 2012 et 10 000 habitants pour les exercices ultérieurs et dont le montant des recettes ordinaires figurant au dernier compte administratif est inférieur à deux millions d’euros pour l’exercice 2012 et cinq millions d’euros, pour les exercices ultérieurs ;
« – les comptes des associations syndicales autorisées et des associations de remembrement ;
« – les comptes des établissements publics locaux d’enseignement, à compter de l’exercice 2013, dont le montant des ressources de fonctionnement figurant au dernier compte financier est inférieur à trois millions d’euros.
« Le montant des recettes ordinaires pris en compte pour l’application du présent article est réévalué tous les cinq ans, à compter de 2013, en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac. »
II. – À la première phrase de l’article L. 231-7 du même code, les mots : « le comptable supérieur du Trésor » sont remplacés par les mots : « l’autorité compétente de l’État désignée par arrêté du ministre chargé du budget ».
III. – À l’article L. 231-8 du même code, les mots : « comptables supérieurs du Trésor » sont remplacés par les mots : « autorités compétentes de l’État désignées par arrêté du ministre chargé du budget ».
IV. – Au début du premier alinéa de l’article L. 231-9 du même code, les mots : « Le comptable supérieur du Trésor » sont remplacés par les mots : « L’autorité compétente de l’État désignée par arrêté du ministre chargé du budget ».
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il me revient de dire en deux mots de quoi il s’agit, puisque visiblement les amendements ne sont plus présentés.
Cet article 24 decies tend à relever le seuil de l’apurement administratif, de 3 500 habitants à 5 000 habitants par exemple pour les communes, afin de faciliter le travail des chambres régionales des comptes.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression.
À titre personnel, j’estime que cet article n’était pas mauvais.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je comprends très bien que l’on puisse être contre un certain nombre de mesures, mais comment le Sénat peut-il se prétendre défenseur des collectivités locales et dans le même temps refuser de voter une disposition qui vise à simplifier les procédures d’apurement des comptes pour les communes petites et moyennes ?
Le texte prévoit que l’administrateur des finances publiques, l’ancien trésorier-payeur général, effectuera l’apurement administratif des comptes des petites communes dont la population n’excède pas 5 000 habitants. Cela signifie que, jusqu’à ce seuil de 5 000 habitants, la chambre régionale des comptes n’interviendra pas.
Il s’agit d’une simplification pour les communes, d’une facilité qui leur est donnée et je n’imagine pas que le Sénat puisse voter contre.
Je comprends, je le répète, que certains soient contre un certain nombre de mesures par principe, mais ils ne peuvent pas s’opposer à ce texte qui est pratique, pragmatique et a vocation à faciliter la vie des maires.
C’est la raison pour laquelle le Sénat ne peut que voter contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. M. le garde des sceaux veut nous faire croire des choses qui ne sont pas !
Je l’ai dit tout à l’heure, nous sommes favorables à une réforme d’ensemble de la juridiction financière, mais nous ne sommes pas prêts à voter au coup par coup des dispositions éparses, quand bien même elles pourraient être satisfaisantes placées dans un cadre législatif plus global.
De quoi s’agit-il, en l’occurrence ? De restreindre les compétences des chambres régionales des comptes, puis, à l’occasion d’un autre article, de réduire cette fois le nombre des chambres régionales : moins compétentes, elles n’auront plus besoin d’être aussi nombreuses…
Entre 1981 et 1982, au moment de la décentralisation – député à cette époque, j’avais été rapporteur du projet sur le statut des membres des chambres régionales des comptes - pourquoi a-t-on créé les chambres régionales des comptes ? Parce que, avec la décentralisation, les élus locaux se sont vu confier des responsabilités très importantes : ils ne sont plus sous la tutelle des préfets et leurs budgets sont exécutoires. En outre, les recours des préfets devant les tribunaux administratifs sont de plus en plus rares faute de moyens, en secrétariat et en personnel.
Il me paraît donc indispensable, dans l’intérêt même des élus, y compris ceux des petites communes ou des petites collectivités territoriales, que les cours régionales des comptes puissent vérifier de loin en loin leurs comptes. Quant au comptable public, l’ancien trésorier-payeur général, il ne procédera pas à ces contrôles, tout le monde le sait.
C’est la raison pour laquelle nous sommes pour cet amendement, dans l’intérêt des élus. Un certain nombre d’entre nous sont maires, présidents de conseil général ou de conseil régional, et ont – c’est mon cas – fait l’expérience de ces contrôles des chambres régionales des comptes. Qu’en ont-ils tiré ? Que du bien ! Ces contrôles sont en effet l’occasion de discussions, les magistrats fournissant un certain nombre d’indications sur ce qu’il ne faut pas faire, ce qu’il ne faut plus faire ou sur ce qu’il faut mieux faire, ce qui est très utile aux élus locaux.
Monsieur le garde des sceaux, je regrette de devoir vous le dire, mais votre argumentation, au reste assez spécieuse, est totalement hors de propos !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je ne peux pas accepter de tels propos. M. Michel s’oppose à la réduction du nombre des chambres régionales et leur cherche du travail : il est tout à fait cohérent ! Il considère qu’il faut, pour cela, supprimer la possibilité de relever le seuil de l’apurement administratif à 5 000 habitants.
Mais, monsieur Michel, c’est l’inverse qu’il faut faire ! Il convient d’examiner quelle est la mesure la plus profitable aux collectivités locales. En augmentant le seuil démographique pour étendre le nombre des communes relevant de l’apurement administratif, on ne risque pas de passer à côté de situations extraordinaires, puisque les comptes des communes de moins de 3 500 habitants sont déjà apurés de cette manière, et, que je sache, ce n’est pas la bérézina !
Je le redis, si l’on fait profiter les collectivités locales d’un minimum de simplifications administratives, il faut aussi accepter, en aval, la réduction du nombre des chambres régionales des comptes. Je ne vois pas où est le péché capital à cet égard.
C’est votre interprétation qui est spécieuse, et pas celle de M. le garde des sceaux !
M. le président. En conséquence, l'article 24 decies est supprimé.
Article 24 undecies
Les trois dernières phrases du second alinéa de l’article L. 111-9-1 du code des juridictions financières sont remplacées par deux phrases ainsi rédigées :
« Elle statue sur les orientations de ces travaux, les conduit et délibère sur leurs résultats. Elle en adopte la synthèse ainsi que les suites à leur donner. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 26 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Jean-Pierre Michel. On peut considérer que ces amendements ont été défendus, monsieur le président.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 26.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je considère également que ces amendements de suppression sont défendus, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 26.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 undecies est supprimé.
Article 24 duodecies
(Non modifié)
L’intitulé du chapitre II du titre III du livre Ier du même code est complété par les mots : « et avec le Gouvernement ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 11 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 27 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 27, considérés comme défendus par leurs auteurs.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 duodecies est supprimé.
Article 24 terdecies
(Non modifié)
I. – À la fin de l’article L. 132-4 du même code, les mots : «, ainsi que des organismes et entreprises qu’elle contrôle en vertu des articles L. 133-1 et L. 133-2 » sont remplacés par les mots : « ou à celui des chambres régionales ou territoriales des comptes ».
II. – Après l’article L. 132-5 du même code, il est inséré un article L. 132-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 132-5-1. – Le Premier ministre peut demander à la Cour des comptes la réalisation de toute enquête relative à l’exécution des lois de finances, à l’application des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que de toute enquête sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle ou à celui des chambres régionales ou territoriales des comptes. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 28 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 28, considérés comme défendus par leurs auteurs.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 terdecies est supprimé.
Article 24 quaterdecies
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier du même code est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Règles générales de procédure » ;
2° Avant l’article L. 141-1, il est inséré un article L. 141-1 A ainsi rédigé :
« Art. L. 141-1 A. – Sous réserve des dispositions du présent code, les arrêts, avis, observations et opinions de la Cour des comptes sont délibérés et adoptés collégialement, après une procédure contradictoire. » ;
3° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 141-1, les mots : « magistrats, conseillers maîtres en service extraordinaire et rapporteurs de la Cour des comptes » sont remplacés par les mots : « membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du présent livre » ;
4° Après l’article L. 141-3, il est inséré un article L. 141-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 141-3-1. – Les membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du présent livre peuvent demander aux autorités administratives indépendantes et aux autorités de contrôle et de régulation tous renseignements utiles aux enquêtes qu’ils effectuent dans le cadre de leurs attributions, sans qu’un secret protégé par la loi puisse leur être opposé. » ;
5° L’article L. 141-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 141-4. – La Cour des comptes peut recourir, pour des enquêtes de caractère technique, à l’assistance d’experts désignés par son premier président. S’il s’agit d’agents publics, elle informe leur chef de service. Les experts ne peuvent être désignés pour une mission relative à une affaire dont ils ont eu à connaître, même indirectement, au titre de l’exercice de leurs fonctions. Les experts remplissent leur mission en liaison avec l’un des membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du présent livre, dans des conditions précisées par voie réglementaire.
« Les experts sont tenus à l’obligation du secret professionnel. » ;
6° L’article L. 141-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 141-5. – Les agents des services financiers ainsi que les commissaires aux comptes des organismes contrôlés sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du présent livre, à l’occasion des enquêtes que ceux-ci effectuent dans le cadre de leurs attributions.
« Pour les besoins des mêmes enquêtes, les membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux mêmes sections 1 à 4 peuvent exercer directement le droit de communication que les agents des services financiers tiennent de la loi. » ;
7° L’article L. 141-6 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « magistrats, conseillers maîtres en service extraordinaire et rapporteurs de celle-ci » sont remplacés par les mots : « membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du présent livre » ;
b) Au début du deuxième alinéa, les mots : « Un avis d’enquête doit être établi » sont remplacés par les mots : « Une notification du début de la vérification doit être établie » ;
c) À la fin du dernier alinéa, les mots : « à l’intéressé » sont remplacés par les mots : « au délégant et au délégataire » ;
8° À l’article L. 141-8, les mots : « conseillers maîtres en service extraordinaire et les rapporteurs » sont remplacés par les mots : « membres et personnels de la Cour des comptes mentionnés aux sections 1 à 4 du chapitre II du titre Ier du présent livre » ;
9° Le second alinéa de l’article L. 141-10 est supprimé ;
10° Au début du second alinéa des articles L. 262-45 et L. 272-43 et au début du premier alinéa de l’article L. 272-41-1, les mots : « L’avis d’enquête mentionné à l’article L. 141-6 est établi » sont remplacés par les mots : « La notification mentionnée à l’article L. 141-6 est établie ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 29 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 29, considérés comme défendus par leurs auteurs.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 quaterdecies est supprimé.
Article 24 quindecies
(Suppression maintenue)
Article 24 sexdecies
(Non modifié)
I. – Le même code est ainsi modifié :
1° Le titre IV du livre Ier est complété par un chapitre III intitulé : « Dispositions relatives aux procédures applicables en matière non juridictionnelle » et comprenant sept sections.
La section 1 est intitulée : « Communication des observations » et comprend les articles L. 143-1 à L. 143-5.
La section 2 est intitulée : « Rapports publics de la Cour des comptes » et comprend les articles L. 143-6 à L. 143-10-1.
La section 3 est intitulée : « Dispositions relatives aux procédures spécifiques au contrôle des établissements publics et des organismes bénéficiant de concours financiers publics » et comprend l’article L. 143-11.
La section 4 est intitulée : « Dispositions relatives aux procédures spécifiques au contrôle de la sécurité sociale » et ne comprend pas de disposition législative.
La section 5 est intitulée : « Dispositions relatives aux procédures spécifiques à l’assurance de la qualité des comptes des administrations publiques » et ne comprend pas de disposition législative.
La section 6 est intitulée : « Dispositions relatives aux procédures spécifiques à la contribution à l’évaluation des politiques publiques » et ne comprend pas de disposition législative.
La section 7 est intitulée : « Dispositions relatives aux procédures spécifiques à l’assistance au Gouvernement » et comprend l’article L. 143-14 ;
2° L’article L. 143-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 143-1. – Les observations et recommandations d’amélioration ou de réforme portant sur la gestion des services, organismes et entreprises mentionnés aux articles L. 111-3 à L. 111-7 font l’objet de communications de la Cour des comptes aux ministres, organismes et entreprises ainsi qu’aux autorités administratives compétentes, dans des conditions fixées par voie réglementaire.
« Sous réserve du respect des secrets protégés par la loi, la Cour des comptes peut rendre publiques ces observations et recommandations, selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État. » ;
3° L’article L. 135-2 devient l’article L. 143-2 ;
4° L’article L. 135-3 devient l’article L. 143-3 et, à la deuxième phrase du premier alinéa de ce même article, les mots : « ainsi que sur la régularité et la sincérité des comptes » sont supprimés ;
5° L’article L. 136-6 devient l’article L. 143-10-1 ;
6° L’article L. 135-4 devient l’article L. 143-4 ;
7° L’article L. 135-5 devient l’article L. 143-5 et, à la première phrase de ce même article, les références : « L. 135-2 et L. 135-3 » sont remplacées par les références : « L. 143-2 et L. 143-3 » ;
8° Les articles L. 136-1 à L. 136-5 deviennent, respectivement, les articles L. 143-6 à L. 143-10 ;
9° L’article L. 143-11 est ainsi rédigé :
« Art. L. 143-11. – Lorsque la Cour des comptes exerce la compétence définie au chapitre III du titre III du livre Ier, elle met en œuvre les procédures instituées par les articles L. 141-1 A à L. 141-10 et L. 143-2 à L. 143-4. » ;
10° À l’article L. 111-8-2, la référence : « L. 135-3 » est remplacée par la référence : « L. 143-3 » ;
11° À l’article L. 314-19, la référence : « L. 135-5 » est remplacée par la référence : « L. 143-5 » ;
12° L’article L. 251-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les références : « L. 136-2 à L. 136-4 » sont remplacées par les références : « L. 143-7 à L. 143-9 » ;
b) Au 2°, la référence : « L. 136-2 » est remplacée par la référence : « L. 143-7 » ;
13° L’article L. 135-1 est abrogé.
II. – Au premier alinéa du II de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la référence : « L. 135-5 » est remplacée par la référence : « L. 143-5 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 30 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 30, considérés comme défendus par leurs auteurs.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 sexdecies est supprimé.
Article 24 septdecies
(Non modifié)
L’article L. 143-14 du code des juridictions financières est ainsi rédigé :
« Art. L. 143-14. – Les conclusions des enquêtes que la Cour des comptes effectue en application de l’article L. 132-5-1 sont communiquées au Premier ministre dans un délai fixé après consultation du premier président de la Cour des comptes.
« Le Premier ministre peut décider de leur publication. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par MM. J.P. Michel et Anziani, Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
L'amendement n° 31 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 31, considérés comme défendus par leurs auteurs.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 24 septdecies est supprimé.
Article 24 octodecies
(Suppression maintenue)
Article 24 novodecies
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Zocchetto, Amoudry, Bas, Béchu, Buffet, Cointat, Courtois, Fleming, Frassa, Garrec, Gélard et Hyest, Mlle Joissains, MM. Lecerf, Lefèvre, Pillet, Portelli, Reichardt et Saugey, Mme Troendle et M. Vial, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - L'article L. 212-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-1. - Le siège et le ressort des chambres régionales des comptes sont fixés par décret en Conseil d'État. Leur nombre est compris entre quinze et vingt.
« Lorsque le ressort d'une chambre régionale des comptes est modifié, les procédures en cours devant cette chambre et qui relèvent du ressort concerné par la modification sont réglées selon les modalités définies aux trois derniers alinéas du présent article.
« Les procédures juridictionnelles engagées devant la chambre régionale des comptes et qui n'ont pas été inscrites au rôle de cette chambre sont transmises à la Cour des comptes, qui peut déléguer l'affaire à la chambre régionale de son choix.
« Les procédures administratives engagées devant la chambre régionale des comptes et sur lesquelles une délibération n'est pas encore intervenue sont, à cette date, transmises à la Cour des comptes, qui peut déléguer l'affaire à la chambre régionale de son choix.
« Il est délibéré sur les affaires qui ne sont pas transmises à la Cour des comptes en application des troisième et avant-dernier alinéas selon les dispositions du code des juridictions financières applicables aux chambres régionales des comptes avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° … du … relative à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles. »
II. - Le chapitre préliminaire du titre Ier de la première partie du livre II du même code est abrogé.
III. - L'article L. 212-12 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 212-12.- Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, les chambres régionales des comptes peuvent avoir le même président, les mêmes assesseurs et le ou les mêmes représentants du ministère public. »
IV. - Le I de l'article L. 212-12-1 du même code est abrogé.
V. - À l'article L. 212-13 et à la première phrase de l'article L. 212-14 du même code, les mots : « régions d'outre-mer » sont remplacés par les mots : « collectivités régies par l'article 73 de la Constitution ».
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Yves Détraigne et les cosignataires de cet amendement proposent de fixer un nombre minimal de quinze chambres régionales des comptes. En effet, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, il n’est question que d’un maximum de vingt.
On dénombre aujourd’hui vingt-sept chambres régionales des comptes – vingt-deux en métropole et cinq dans les régions d’outre-mer – auxquelles s’ajoutent cinq chambres territoriales des comptes dans les cinq collectivités d’outre-mer.
Précisons cependant que les cinq chambres régionales des comptes ultramarines ne correspondent pas à cinq formations : en effet, ce sont les mêmes magistrats qui siègent dans chacune des trois chambres des Antilles et de Guyane, et il en va de même, me semble-t-il, dans les deux chambres de la Réunion et de Mayotte.
Il est donc tout à fait possible de réduire le nombre de chambres sans toutefois descendre en deçà de quinze : de fait, pour avoir étudié cette question en profondeur, la commission des lois comme son rapporteur considèrent qu’en deçà de ce plancher de quinze chambres régionales des comptes, la couverture du territoire national risque de se révéler réellement insuffisante.
Cependant, il n’est pas moins nécessaire de réduire le nombre des chambres régionales des comptes : certaines d’entre elles ne comptent que quatre magistrats, alors qu’il en faudrait dix ou douze pour assurer un bon fonctionnement.
Telle est la logique d’un amendement qui permettrait au Sénat non seulement d’apporter sa valeur ajoutée, mais aussi d’exister dans ce débat : faute de quoi il disparaîtra purement et simplement sur ce texte, au profit de la seule Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Le sous-amendement n° 48, présenté par M. Alfonsi, est ainsi libellé :
Amendement n° 16 rectifié
Après le I, insérer un I bis ainsi rédigé :
I bis. - Après l’article L. 212-1 du même code, il est inséré un article L. 212-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 212-1-1. - Toute collectivité à statut particulier compte dans son ressort une chambre régionale des comptes. »
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, j’ai le sentiment que ce sous-amendement n’a plus guère sa place ici, compte tenu du débat qui s’est engagé sur la division.
Je considère certes, comme M. Jean-Pierre Michel, que les problèmes des chambres régionales des comptes ne devraient pas être évoqués aujourd’hui. Toutefois, je saisis cette opportunité pour interroger, même subrepticement, M. le garde des sceaux.
Toute collectivité à statut particulier doit disposer d’une chambre régionale des comptes dans son ressort. Or il n’existe qu’une seule collectivité de ce type : la Corse.
Ce sous-amendement nous invite à réfléchir aux dangers auxquels nous exposerait, demain, le transfert des comptes de la Corse à Marseille. J’évoquais en commission « une pluie de millions » ; l’image est peut-être excessive, mais il n’en est pas moins nécessaire de contrôler avec une grande efficacité tous les crédits qui sont consommés dans notre région.
Monsieur le ministre, j’accepterais de retirer ce sous-amendement si vous preniez l’engagement devant le Sénat – comme vous l’avez fait devant l’Assemblée nationale – de ne pas supprimer la chambre régionale des comptes de Corse, qui correspond à une collectivité à statut particulier régie par l’article 72 de la Constitution, et non par son article 73.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Mes chers collègues, notre rapporteur étant, en sa qualité de sénateur, le premier signataire de cet amendement, il m’incombe de donner l’avis de la commission.
La commission a émis un avis défavorable, pour la raison, logique, que nous avons demandé la suppression de la division et de son intitulé.
J’ajouterai deux remarques.
Premièrement, le débat auquel nous avons pris part tout à l’heure est quelque peu formel. Il faut reconnaître la bonne foi totale de Jean-Pierre Michel et de nos collègues, lorsqu’ils ont proposé de supprimer la division et son intitulé. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) Le mot « et » a toute son importance, car, dans l’esprit des auteurs des amendements, le titre va clairement de pair avec la substance.
Seul l’article 42 du règlement du Sénat vient contredire cette interprétation, pour des raisons formelles.
M. Jean-Jacques Hyest. C’est faux !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Notre règlement prévoit clairement que l’on vote article par article. C’est tout à fait clair. Mais, en toute bonne foi, nos collègues visaient la division et son contenu.
Deuxièmement, monsieur le ministre, si nous sommes aujourd’hui confrontés à ces difficultés, comme nous l’avons été hier à la suite de l’amendement déposé par le précédent président de la commission des finances, c’est parce que le Gouvernement n’a jamais clairement annoncé qu’il proposait au Parlement une réforme des juridictions financières, qu’il s’agisse de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes.
Chaque fois, cette question est venue par raccroc, comme si vous refusiez d’affronter ce débat. Or nous aurions été très heureux que la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes fassent l’objet d’un texte spécifique. C’est donc bien parce que vous avez choisi cette procédure bizarre, oblique et obscure - je rappelle à ce titre que le Sénat n’a pas eu à connaître de ces articles avant la réunion de la commission mixte paritaire -, que nous sommes aujourd’hui devant ces difficultés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, pour une raison très simple : dans sa décision n° 61-14 L, le Conseil constitutionnel a souligné qu’il entrait dans la compétence du pouvoir réglementaire de fixer le nombre, le siège et le ressort des tribunaux.
En d’autres termes, le Conseil constitutionnel a tranché : il s’agit d’une compétence réglementaire.
Par ailleurs, je rappelle que l’article 62 de la Constitution prévoit expressément que les décisions du Conseil constitutionnel s’imposent à tous, et donc à nous également ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Monsieur Alfonsi, je prends ici le même engagement qu’à l’Assemblée nationale : le Gouvernement n’a nullement l’intention de supprimer la chambre régionale des comptes de Corse.
M. le président. Monsieur Alfonsi, le sous-amendement n° 48 est-il maintenu ?
M. Nicolas Alfonsi. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 48 est retiré.
Monsieur Zocchetto, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
M. François Zocchetto. M. le garde des sceaux vient de livrer un élément très important : il revient au pouvoir réglementaire de fixer, par décret, le nombre de chambres régionales des comptes.
Dans ces conditions, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement 16 rectifié est retiré.
En conséquence, l’article 24 novodecies demeure supprimé.
Article 24 vicies
(Suppression maintenue)
Chapitre IX quater
Dispositions relatives aux juridictions administratives
Article 24 unvicies
(Non modifié)
Au second alinéa de l’article L. 122-1 du code de justice administrative, après le mot : « contentieux », sont insérés les mots : «, les présidents adjoints de la section du contentieux ». – (Adopté.)
Article 24 duovicies
(Non modifié)
I. – L’article L. 211-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-1. – Les tribunaux administratifs sont, en premier ressort et sous réserve des compétences attribuées aux autres juridictions administratives, juges de droit commun du contentieux administratif. »
II. – À la fin de l’article L. 311-1 du même code, les mots : « au Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « à une autre juridiction administrative ». – (Adopté.)
Article 24 tervicies
(Non modifié)
L’article L. 211-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 211-4. – Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, les chefs de juridiction peuvent, si les parties en sont d’accord, organiser une mission de conciliation et désigner à cet effet la ou les personnes qui en seront chargées. »
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Yves Détraigne, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article 24 tervicies, qui modifie la procédure de conciliation conduite par le juge administratif. Or une réforme de la médiation et de la conciliation administrative doit intervenir prochainement, dans le cadre de la transposition de la directive européenne relative à la médiation transfrontalière.
À mes yeux, il est inopportun de modifier l’état actuel du droit alors qu’une nouvelle modification sera nécessaire dans les prochains mois. Il serait de meilleure méthode de conserver le dispositif actuel et de renvoyer la réforme à l’examen prochain du projet de loi annoncé par le Gouvernement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le garde des sceaux, vous soulignez que, concernant le nombre des chambres régionales des comptes, tout seuil relève du pouvoir réglementaire. Pouvez-vous nous confirmer que cette règle s’applique également au plafond de vingt chambres qui a été adopté par l’Assemblée nationale ?
Si ce que vous dites sur le seuil de quinze que proposent ici un certain nombre de nos collègues est conforme à l’interprétation que tire le Gouvernement de la décision du Conseil constitutionnel, vous pourrez nous confirmer sans difficulté qu’il en va de même pour le plafond de vingt instauré par l’Assemblée nationale, qui doit relever donc du pouvoir réglementaire. À cet égard, votre déclaration suscitera un grand intérêt.
M. Nicolas Alfonsi. C’est exact !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le champ des compétences du pouvoir réglementaire ne varie pas d’une assemblée à l’autre, monsieur Sueur.
M. Jean-Jacques Hyest. Comme pour les tribunaux !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 50 ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet amendement tend à la suppression d’un article qui permet de faciliter le recours à la conciliation, notamment en étendant cette procédure aux cours administratives d’appel.
Par principe, le Gouvernement est favorable au développement de modes alternatifs de règlement des litiges ; en effet, une part significative des requérants qui saisissent le juge administratif recherchent avant tout une écoute et souhaitent que leur insatisfaction soit entendue, et cette attente peut être mieux prise en compte dans le cadre d’une procédure de conciliation, qui associe le requérant à la résolution du litige.
Par ailleurs, la directive relative à la médiation doit intervenir, dans les semaines à venir, par la voie d’une ordonnance qui est présentement devant le Conseil d’État. Certes, il n’y a pas à proprement parler de risque d’interférences avec la procédure de transposition : la directive ne traite que des litiges transfrontaliers, alors que la procédure de conciliation, telle qu’elle est organisée par l’article 24 tervicies, n’a vocation qu’à régir des litiges purement internes.
Le projet de loi de ratification de l’ordonnance transposant la directive relative à la médiation sera, le cas échéant, l’occasion d’apporter les aménagements nécessaires pour assurer un fonctionnement efficace et harmonisé des deux dispositifs en matière de médiation dans le contentieux administratif.
En conséquence, le Gouvernement vous invite à retirer cet amendement, monsieur le rapporteur. Vous pourrez éventuellement le représenter à l’occasion de l’examen du projet de loi de ratification.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l’amendement est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Sur ce sujet, il semblerait que la position du Gouvernement ne soit pas définitivement arrêtée et qu’elle ait quelque peu varié au cours des derniers jours. (M. le garde des sceaux s’exclame.)
Dans l’attente d’un examen plus approfondi de cette question, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Je mets aux voix l'article 24 tervicies.
(L'article 24 tervicies est adopté.)
Article 24 quatervicies
(Non modifié)
À la fin de l’article L. 221-2 du même code, les mots : «, à défaut d’un membre appartenant à un autre tribunal administratif, d’un avocat inscrit au barreau du siège en suivant l’ordre du tableau » sont remplacés par les mots : « d’un magistrat appartenant à un autre tribunal administratif ». – (Adopté.)
Article 24 quinvicies
(Non modifié)
I. – Le cinquième alinéa de l’article L. 552-1 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « ou l’expiration du délai laissé à ce dernier pour statuer » sont supprimés et les mots : « le tribunal administratif » sont remplacés par les mots : « le président de la cour administrative d’appel ou le magistrat qu’il désigne à cet effet » ;
2° À la fin de la seconde phrase, les mots : « ; à défaut de décision dans ce délai, la décision intervenue au premier degré est réputée confirmée » sont supprimés.
II. – Le quatrième alinéa de l’article L. 279 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « ou l’expiration du délai laissé à ce dernier pour statuer » sont supprimés et les mots : « le tribunal administratif » sont remplacés par les mots : « le président de la cour administrative d’appel ou le magistrat qu’il désigne à cet effet » ;
2° À la fin de la seconde phrase, les mots : « ; à défaut de décision dans ce délai, la décision intervenue au premier degré est réputée confirmée » sont supprimés.
III. – À la fin de l’article L. 552-3 du code de justice administrative, les références : « aux articles L. 201 A et L. 201 B du même livre » sont remplacées par la référence : « à ces articles ».
IV. – Les I et II s’appliquent aux requêtes en référé enregistrées postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)
Article 24 sexvicies
(Non modifié)
Le titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un chapitre IX ainsi rédigé :
« CHAPITRE IX
« Le contentieux du stationnement des résidences mobiles des gens du voyage
« Art. L. 779-1. – Les requêtes dirigées contre les décisions de mise en demeure de quitter les lieux mentionnées au II bis de l’article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage sont présentées, instruites et jugées dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Sauf renvoi à une formation collégiale, l’audience se déroule sans conclusions du rapporteur public. »
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Lors de l’examen du texte qui allait devenir la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011, nous avions déjà manifesté notre ferme opposition à la suppression des conclusions du rapporteur public dans certains contentieux, notamment parce que cela vise les étrangers, et les plus modestes d’entre eux.
En matière civile, le parquet est partie au procès et, en dehors des affaires relatives à l’état des personnes et de celles concernant l’ordre public, qui lui sont systématiquement communiquées, il peut toujours prendre des réquisitions dans les affaires portées devant la juridiction. On considère en effet qu’il est maître de la manière dont il entend défendre les intérêts qu’il représente.
Dans le contentieux administratif, le rôle exclusif du rapporteur public est de défendre l’application de la loi, et nous y tenons. Ce texte prévoit de supprimer ses conclusions en matière de contentieux des étrangers. Mais, sous prétexte de gagner du temps, on risque de porter un grave préjudice à ces justiciables.
Nous nous opposons donc résolument à cette suppression, qui, de surcroît, intervient au détour d’un texte fourre-tout et en l’absence de toute discussion approfondie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Je précise tout d’abord que l’article 24 sexvicies ne concerne pas le contentieux des étrangers en général, mais celui, bien spécifique, du stationnement des gens du voyage. (M. Jean-Jacques Hyest marque son approbation.)
Cet article vise simplement à dispenser les juridictions des conclusions du rapporteur public pour leur permettre de se prononcer sur le stationnement des gens du voyage dans le délai de soixante-douze heures imposé par la loi.
Cet article va plutôt dans le bon sens et c’est pourquoi la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24 sexvicies.
(L'article 24 sexvicies est adopté.)
Article 24 septvicies
(Non modifié)
I. – Les articles 62 à 65 de la loi n° 70-632 du 15 juillet 1970 relative à une contribution nationale à l’indemnisation des Français dépossédés de biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France sont abrogés.
II. – L’article L. 211-3 du code de justice administrative est abrogé. – (Adopté.)
Chapitre X
Dispositions diverses
Article 25 A
(Suppression maintenue)
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Article 25 bis A
(Non modifié)
Après l’article L. 233-17 du code de commerce, il est inséré un article L. 233-17-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-17-1. – Sous réserve d’en justifier dans l’annexe prévue à l’article L. 123-12, les sociétés mentionnées au I de l’article L. 233-16 sont exemptées de l’obligation d’établir et de publier des comptes consolidés et un rapport sur la gestion du groupe lorsque toutes les entreprises contrôlées de manière exclusive ou conjointe ou dans lesquelles elles exercent une influence notable, au sens du même article L. 233-16, présentent, tant individuellement que collectivement, un intérêt négligeable par rapport à l’objectif défini à l’article L. 233-21. »
M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous estimons que le fait d’exempter certaines sociétés commerciales de l’obligation d’établir des comptes consolidés n’a pas vocation à améliorer la répartition des contentieux et n’a rien à faire dans ce texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, considérant que l’article 25 bis A était un cavalier législatif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il est un peu tard pour faire preuve de purisme, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne, rapporteur. Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Comme son titre l’indique, ce texte est relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures. En l’occurrence, nous allégeons en transposant dans notre droit l’article 2 de la directive du 18 juin 2009 visant à simplifier les obligations comptables applicables à certaines sociétés.
J’ajoute que cette transposition est nécessaire et même urgente dans la mesure où une lettre de mise en demeure nous a été adressée le 15 mars 2011 par la Commission européenne pour défaut de transposition dans les délais et que nous pourrions très prochainement être condamnés à payer une forte somme à ce titre.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas prétendre lutter contre les déficits et être favorable à cet amendement.
Je ne doute pas que le Sénat, soucieux de préserver nos finances publiques, aura à cœur d’adopter cet article de transposition.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, il s’agit bien de cavaliers, et cette manière de faire est détestable.
Quand vous affirmez qu’il s’agit d’un texte de modification des procédures, vous omettez de préciser qu’il porte exclusivement sur les procédures judiciaires, à l’exclusion, du moins à l’origine, des procédures administratives ou financières.
Je voterai néanmoins contre cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous devriez plutôt voter pour !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous avons déjà, par le passé, adopté des dispositions similaires pour éviter d’être condamnés par la Commission, et il me semble aujourd’hui indispensable de voter cet article.
Mais, alors qu’un nouveau train de mesures de simplification du droit des sociétés, au demeurant assez baroques – nous commençons à avoir l’habitude, mais nous espérons que tout cela va bientôt cesser ! – nous est annoncé en provenance de l’Assemblée nationale, il est regrettable de procéder de la sorte.
Allons-nous, un jour, monsieur le garde de sceaux, prendre enfin le temps de mener à bien ces chantiers importants, au lieu de légiférer tous les six mois sur le même sujet ou d’habiliter le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 bis A.
(L'article 25 bis A est adopté.)
Article 25 bis B
(Non modifié)
Après l’article L. 670-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 670-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 670-1-1. – Le présent titre est également applicable aux personnes physiques domiciliées dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ayant déposé une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l’article L. 526-7 et dont l’activité agricole, commerciale, artisanale ou indépendante est exclusivement exercée avec affectation de patrimoine.
« Sauf dispositions contraires, les références faites à la personne, au débiteur, au contrat et au cocontractant s’entendent, respectivement :
« – de la personne en tant que titulaire d’un patrimoine non affecté ;
« – du débiteur en tant que titulaire d’un patrimoine non affecté ;
« – du contrat passé par le débiteur ainsi défini ;
« – du cocontractant ayant conclu avec lui un tel contrat.
« Les dispositions qui intéressent les biens, droits ou obligations des personnes mentionnées au premier alinéa doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine non affecté. Les dispositions qui intéressent les droits ou obligations des créanciers de ces personnes s’appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine non affecté. »
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même objet !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, la coordination prévue dans cet article lui semblant nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 bis B.
(L'article 25 bis B est adopté.)
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Article 25 ter A
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le VI de l’article 28-1 est ainsi rédigé :
« VI. – Lorsque, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, les agents des douanes mentionnés aux I et II procèdent à des enquêtes judiciaires, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire. » ;
2° Le IV de l’article 28-2 est ainsi rédigé :
« IV. – Lorsque, sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, les agents des services fiscaux habilités dans les conditions prévues au II procèdent à des enquêtes judiciaires, ils disposent des mêmes prérogatives et obligations que celles attribuées aux officiers de police judiciaire. »
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Même objet !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 25 ter A.
(L'article 25 ter A est adopté.)
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Article 25 quater A
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 85 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la plainte avec constitution de partie civile est formée par une personne morale à but lucratif, elle n’est recevable qu’à condition que la personne morale justifie de ses ressources en joignant son bilan et son compte de résultat. » ;
2° L’article 392-1 est ainsi modifié :
a) À la seconde phrase du premier alinéa, le mot : « second » est remplacé par le mot : « dernier » ;
b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la partie civile est une personne morale à but lucratif, elle doit, sous peine de non-recevabilité de la citation directe, produire au tribunal son bilan et son compte de résultat afin de permettre la détermination du montant de la consignation. » – (Adopté.)
Article 25 quater B
I. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 133 du même code, après le mot : « mandat », sont insérés les mots : « et qu’il n’est pas possible de la conduire dans un délai de vingt-quatre heures devant ce magistrat ».
II (nouveau). – Au deuxième alinéa de l'article L. 211-19 du code de justice militaire, après les mots : « est conduite » sont insérés les mots :
«, s'il n'est pas possible de la présenter dans un délai de vingt-quatre heures devant ce magistrat, ». – (Adopté.)
Article 25 quater C
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 142-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le juge statue après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure. » ;
2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 145, après le mot : « judiciaire », sont insérés les mots : « ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique » ;
3° À la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 706-53-19, après les mots : « du code de la santé publique et », sont insérés les mots : «, après vérification de la faisabilité technique de la mesure, » ;
3° bis Le début du 2° de l’article 723-30 est ainsi rédigé :
« 2° Après vérification de la faisabilité technique de la mesure, obligation… (le reste sans changement). » ;
4° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article 763-3, après la référence : « 763-10 » et, à la première phrase du troisième alinéa de l’article 763-10, après le mot : « examen », sont insérés les mots : « et après avoir fait vérifier la faisabilité technique de la mesure ». – (Adopté.)
Article 25 quater D
(Non modifié)
I. – Après le deuxième alinéa de l’article 194 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il en est de même en cas d’appel en matière de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique ; à défaut, en cas d’appel d’une ordonnance de placement sous contrôle judiciaire ou sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou de refus de mainlevée d’une de ces deux mesures, la mainlevée de celle-ci est acquise de plein droit, sauf si des vérifications concernant la demande de la personne ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l’affaire dans le délai prévu au présent article. »
II. – Au dernier alinéa de l’article 199 du même code, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « dernier ». – (Adopté.)
Article 25 quater E
(Non modifié)
Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 234, il est inséré un article 234-1 ainsi rédigé :
« Art. 234-1. – Lorsque le chef lieu du département où se tiennent les assises n’est pas le siège d’un tribunal de grande instance, le tribunal de grande instance mentionné aux articles 242, 249, 251, 261-1, 262, 263, 265, 266, 270, 271 et 289 est celui dans le ressort duquel se tiennent les assises. » ;
2° À la première phrase de l’article 884, après le mot : « Mamoudzou », sont insérés les mots : « ou sur une demande concernant une procédure suivie devant ce tribunal ». – (Adopté.)
Article 25 quater F
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article 417 du même code est ainsi rédigé :
« Si le prévenu n’a pas fait choix d’un défenseur avant l’audience, le président l’informe, s’il n’a pas reçu cette information avant l’audience, qu’il peut, à sa demande, bénéficier d’un avocat commis d’office. Si le prévenu formule cette demande, le président commet un défenseur d’office. » – (Adopté.)
Article 25 quater
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – L’article 618-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 618-1. – Lorsqu’une demande en cassation formée par la personne poursuivie ou par la partie civile a été rejetée, la cour peut condamner le demandeur à payer à l’autre partie la somme qu’elle détermine, au titre des frais non payés par l’État et exposés par celle-ci. La cour tient compte de l’équité ou de la situation économique du demandeur pour décider du prononcé de cette condamnation et en fixer le montant. »
III. – Après le deuxième alinéa de l’article 800-2 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions sont également applicables devant la Cour de cassation en cas de rejet d’un pourvoi portant sur une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement. » – (Adopté.)
Article 25 quinquies
(Non modifié)
Après le deuxième alinéa de l’article 665 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La requête mentionnée à l’alinéa précédent doit être signifiée à toutes les parties intéressées, qui ont un délai de huit jours pour déposer un mémoire au greffe de la Cour de cassation. » – (Adopté.)
Article 25 sexies
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Les articles L. 3413-1 à L. 3413-3 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 3413-1. – Chaque fois que l’autorité judiciaire enjoint à une personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants ou une consommation habituelle et excessive d’alcool de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique qui consiste en une mesure de soins ou de surveillance médicale, elle en informe le directeur général de l’agence régionale de santé.
« Celui-ci fait procéder dans les meilleurs délais à l’examen médical de l’intéressé par un médecin désigné en qualité de médecin relais ou, le cas échéant, à une évaluation socio-psychologique par un psychologue habilité ou tout professionnel de santé également habilité par le directeur général de l’agence régionale de santé. Cette habilitation doit notamment résulter de la justification d’une formation ou d’une expérience professionnelle dans le domaine de la prise en charge des addictions. Le directeur général de l’agence régionale de santé fait également procéder, s’il y a lieu, à une enquête sur la vie familiale, professionnelle et sociale de l’intéressé, le cas échéant à la demande du professionnel désigné. S’il n’est pas donné suite à cette demande, le professionnel désigné peut en aviser l’autorité judiciaire afin qu’elle se prononce sur l’opportunité de cette enquête.
« À l’issue de cette phase d’évaluation, le professionnel désigné fait connaître sans délai à l’autorité judiciaire son avis motivé sur l’opportunité de la mesure d’injonction thérapeutique.
« Art. L. 3413-2. – Si l’examen médical ou l’évaluation prévu à l’article L. 3413-1 confirme l’opportunité d’une mesure d’injonction thérapeutique, le professionnel désigné invite l’intéressé à se présenter auprès d’un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie ou d’un médecin de son choix ou, à défaut, désigné d’office, pour suivre un traitement médical ou faire l’objet d’une prise en charge socio-psychologique adaptée.
« Art. L. 3413-3. – Le médecin relais, le psychologue habilité ou le professionnel de santé habilité est chargé de la mise en œuvre de la mesure d’injonction thérapeutique, d’en proposer les modalités et d’en contrôler le suivi.
« Il informe l’autorité judiciaire de l’évolution de la situation de dépendance de l’intéressé.
« En cas d’interruption du suivi à l’initiative de l’intéressé ou de tout autre incident survenant au cours de la mesure, le professionnel désigné en informe sans délai l’autorité judiciaire. » ;
2° L’article L. 3423-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3423-1. – Le procureur de la République peut enjoindre à la personne ayant fait un usage illicite de stupéfiants ou une consommation habituelle et excessive d’alcool de se soumettre à une mesure d’injonction thérapeutique prenant la forme d’une mesure de soins ou de surveillance médicale dans des conditions prévues aux articles L. 3413-1 à L. 3413-4.
« La durée de la mesure est de six mois, renouvelable trois fois selon les mêmes modalités.
« L’action publique n’est pas exercée à l’encontre des personnes qui se soumettent à la mesure d’injonction thérapeutique qui leur est ordonnée et la suivent jusqu’à son terme.
« De même, l’action publique n’est pas exercée à l’égard des personnes ayant fait un usage illicite de stupéfiants lorsqu’il est établi qu’elles se sont soumises, depuis les faits qui leur sont reprochés, à une mesure de soins ou à une surveillance médicale adaptées dans les conditions prévues aux chapitres II et IV du titre Ier du présent livre. » – (Adopté.)
Article 25 septies
(Non modifié)
L’article L. 6132-3 du code des transports est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « un » ;
2° Au deuxième alinéa, la référence : « 87 » est remplacée par la référence : « 88 ». – (Adopté.)
Article 25 octies
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article 14-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le juge qui constate la résiliation du bail autorise, si nécessaire, la vente aux enchères des biens laissés sur place et peut déclarer abandonnés les biens non susceptibles d’être vendus.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. » – (Adopté.)
Article 26
(Non modifié)
I. – Les articles 1er à 14 de la présente loi entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant celui de sa promulgation.
II. – L’article 23 de la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2012. À cette date, les procédures en cours devant le tribunal aux armées sont transférées en l’état aux juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris, sans qu’il y ait lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement à la date de sa suppression, à l’exception des convocations et citations données aux parties et aux témoins qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction supprimée.
Les citations et convocations peuvent être délivrées avant l’entrée en vigueur du même article 23 pour une comparution devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris, à une date postérieure à cette entrée en vigueur.
Les parties ayant comparu devant la juridiction supprimée sont informées par l’une ou l’autre des juridictions qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant les juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris auxquelles les procédures sont transférées.
Les archives et les minutes du greffe du tribunal aux armées supprimé sont transférées au greffe des juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire ayant leur siège à Paris. Les frais de transfert de ces archives et minutes sont pris sur le crédit ouvert à cet effet au budget du ministère de la justice.
III et IV. – (Non modifiés)
IV bis. – (Supprimé)
V. – À compter de la date prévue à la première phrase du premier alinéa du II de l’article 30 de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Aux premier, deuxième et dernier alinéas de l’article 628-1, les mots : « juge d’instruction » sont remplacés par les mots : « pôle de l’instruction » ;
2° Aux première et seconde phrases du premier alinéa et au deuxième alinéa, deux fois, de l’article 628-2, à la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article 628-3, aux première et seconde phrases du premier alinéa et aux deuxième et troisième alinéas de l’article 628-6, les mots : « juge d’instruction » sont remplacés par les mots : « collège de l’instruction ».
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 26.
(L'article 26 est adopté.)
Article 26 bis
(Non modifié)
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d’ordonnances :
1° À la refonte du code de la consommation, afin d’y inclure les dispositions de nature législative qui n’ont pas été codifiées et d’aménager le plan du code.
Les dispositions ainsi codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l’ordonnance, sous la seule réserve de modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet ;
2° À l’extension de l’application des dispositions codifiées susmentionnées, avec les adaptations nécessaires, à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.
II. – L’ordonnance prévue au 1° du I est prise dans un délai de neuf mois suivant la publication de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.
III. – Les ordonnances permettant la mise en œuvre des dispositions prévues au 2° du I sont prises dans un délai de douze mois suivant la publication de l’ordonnance prévue au 1° du même I. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de chacune d’entre elles.
IV. – L’article 63 de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation est abrogé.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons pour position constante de dénoncer la fâcheuse propension du Gouvernement à abuser des ordonnances, sous couvert de recodification d’un nombre toujours croissant de champs législatifs.
Je demande en outre un scrutin public sur cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, considérant que l’article 26 bis ne présentait pas de lien avec le texte et qu’il trouverait certainement mieux sa place dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, qui doit être examiné prochainement par le Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet article vise simplement à étendre une habilitation qui avait été préalablement accordée par le Parlement.
Je suis assez sensible à votre argument, monsieur le rapporteur : il serait en effet plus opportun d’insérer cette disposition dans le texte que vous avez cité. Sauf qu’il n’y figure pas encore ! Il faudrait donc que vous vous engagiez expressément à inscrire une telle disposition dans ce projet de loi.
Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons pas interrompre le travail de recodification qui est en cours. Je veux bien prêter une oreille attentive aux souhaits du Sénat, mais nous ne pouvons pas rester au milieu du gué, sans code de la consommation ! Je rappelle d’ailleurs que nous en devons la création à votre ancien collègue Pierre Fauchon. Qui des amis de Pierre Fauchon voudrait voir disparaître son œuvre ?
En conséquence, faute de disposer aujourd’hui d’une autre solution, je vous demande de bien vouloir rejeter cet amendement de suppression, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38, tendant à supprimer l’article 26 bis.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que la commission a émis un avis favorable et le Gouvernement un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 26 bis est supprimé.
Article 27
(Non modifié)
Les articles 1er, 2, 5, 14 et 16 à 26 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
Le III de l’article 3 de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna.
L’article 6 de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s’agit d’un amendement de cohérence, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. L'article 27 prévoit l’application d’un certain nombre des dispositions que nous avons adoptées – certes, toutes ne l’ont pas été – dans les collectivités d'outre-mer.
Ce matin, dans son élan oserais-je dire, la commission des lois a émis un avis favorable sur cet amendement de suppression. À titre personnel, j’y suis défavorable, car son adoption suscitera outre-mer des difficultés d’application de dispositions qui ont été votées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je suis également défavorable à cet amendement pour les raisons que vient d’exposer M. le rapporteur : au regard des collectivités d’outre-mer, il est impossible d’adopter une telle position. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. Ainsi l'outre-mer sera-t-il traité comme l’ensemble du territoire français.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
Je mets aux voix l'article 27.
(L'article 27 est adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme nous le rappelons depuis le début de la discussion de ce texte, ce projet de loi permet de répondre de manière efficace et maîtrisée aux défis auxquels est actuellement confrontée notre organisation judiciaire.
Même s’il a été amputé d’une part non négligeable de sa substance, ce texte va dans le sens d’une justice plus simple, plus équitable et plus accessible. Il s’inscrit dans la continuité des différentes réformes entreprises par la majorité depuis plusieurs années, afin de rendre notre justice plus lisible et plus compréhensible par nos concitoyens.
Je tiens à remercier tout particulièrement notre rapporteur, Yves Détraigne, qui, au cours des différentes lectures, nous a proposé de suivre une position raisonnable et concertée sur les nombreux sujets abordés.
C’est pourquoi le groupe UMP votera ce projet de loi, en gardant notamment en mémoire, monsieur le garde des sceaux, les promesses que vous nous avez faites en matière financière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Je tiens tout d’abord à remercier au nom de mon groupe le rapporteur, M. Yves Détraigne, dont la tâche n’a pas été facile : de réunions de commission en débats en séance publique, il s’est trouvé quelquefois contredit, ce qui n’est pas l’usage. Pour autant, il est resté très fair-play et a accepté – il aurait pu refuser –d’assumer son rôle jusqu’au bout.
En première lecture, nous avons voté contre ce texte. Aujourd'hui, nous avons obtenu par voie d’amendements un certain nombre de suppressions – deux – concernant des dispositions relatives à la procédure pénale qui figuraient dans le texte initial. Je ne parle pas de la suppression des dispositions relatives aux juridictions financières, car elles n’existaient pas en première lecture au Sénat.
Ce projet de loi prévoit toute une série de dispositions auxquelles nous sommes opposés, mais nous sommes surtout opposés à la méthode. J’avais cru comprendre que les fameux textes portant diverses dispositions d’ordre social, juridique ou financier n’avaient plus cours. Or je constate qu’ils nous sont encore soumis, mais sous d’autres intitulés, ce qui revient exactement au même ! En cela, même si nous ne nous trouvons pas sur les mêmes travées, je rejoins l’opinion de notre très estimé ancien président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest.
Pour le dire très clairement au Gouvernement, c’est également pour cette raison que nous voterons contre ce texte, sur lequel mon groupe demande un scrutin public.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon groupe demande également un vote par scrutin public sur ce texte. Certes, un certain nombre de dispositions issues des travaux de l'Assemblée nationale et insérées par voie d’amendements, notamment les plus emblématiques, ont été supprimées, notre majorité ayant voté contre. Néanmoins, il nous faut donner un signal fort, puisque ce texte retournera à l'Assemblée nationale et que celle-ci ne manquera pas d’adopter de nouveau les mesures que nous avons, nous, supprimées.
Nous nous sommes par ailleurs clairement exprimés contre la méthode, notamment contre ces textes fourre-tout. C’est pourquoi nous voulons témoigner ici de notre forte opposition à ce projet de loi, contre lequel, logiquement, nous voterons.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. La majorité du groupe du RDSE votera contre ce texte, dans la suite logique des explications que nous avons développées depuis plusieurs mois. Certes, nous constatons avec plaisir que les éléments relatifs à la fois à la CRPC et aux ordonnances pénales ont disparu. Il n’en reste pas moins que, comme nous l’avons plusieurs fois souligné, la méthode utilisée n’est pas acceptable. Dois-je rappeler que ce projet de loi, qui prévoit « l’allégement de certaines procédures juridictionnelles », est un texte fourre-tout ? Il est nécessaire de marquer un temps d’arrêt à l’égard de ce type de pratiques.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste-EELV, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 170 |
Contre | 175 |
Le Sénat n'a pas adopté.
13
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste, apparentés, et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché a présenté une candidature pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, et le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, une candidature pour la commission des finances.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame M. François Rebsamen membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, à la place laissée vacante par M. Christian Bourquin, démissionnaire ; M. Christian Bourquin membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. François Rebsamen, démissionnaire.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
14
Plan d'aménagement et de développement durable de Corse
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif au plan d’aménagement et de développement durable de Corse (projet n° 688 [2010-2011], texte de la commission n° 16, rapport n° 15).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de présenter le projet de loi dont l’examen nous réunit ce soir, je voudrais tout d’abord remercier les membres de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, notamment son président, M. Daniel Raoul, et son rapporteur, M. Alain Houpert, du travail qu’ils ont réalisé pour la préparation de ce débat.
Le Gouvernement souscrit d’ailleurs aux modifications qu’ils ont utilement proposées, sur un texte qui peut paraître technique, mais qui comporte des principes et des enjeux importants pour la Corse.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la Corse a besoin d’orientations claires pour se projeter dans son avenir, à travers l’élaboration d’un plan d’aménagement et de développement durable.
Je vous rappelle que la Corse s’est vu reconnaître depuis près de trente ans le droit d’élaborer son schéma d’aménagement. La loi du 30 juillet 1982 donnait déjà compétence à la région Corse pour adopter un schéma d’aménagement fixant « les orientations fondamentales en matière de protection, de mise en valeur et de développement de son territoire […] la destination générale des différentes parties de l’île, l'implantation des grands équipements […] et la localisation préférentielle des activités […] ainsi que des extensions urbaines ».
Cependant, ce régime restait fortement encadré par l’État. L’avis conforme du préfet était exigé sur les dispositions valant schéma de mise en valeur de la mer, lequel était soumis à approbation par décret en Conseil d’État. L’État pouvait se substituer à la région en cas de carence de celle-ci.
Le nouveau statut particulier issu de la loi du 13 mai 1991 a institué un schéma d’aménagement de la Corse. Celui-ci a été élaboré par l’État et approuvé par décret du 7 février 1992. Il est toujours en vigueur aujourd’hui, presque vingt ans après son élaboration, et le constat qu’il n’est plus adapté aux enjeux actuels fait désormais consensus.
Enfin, la loi du 22 janvier 2002 a institué un document unique, le plan d’aménagement et de développement durable de Corse, dont la collectivité territoriale a dorénavant l’entière responsabilité, en ce qui concerne tant l’élaboration que l’adoption. Il n’est plus prévu de validation par l’État. Le PADDUC est donc déjà un cas unique, puisque les autres documents comparables relèvent d’une approbation par l’État, qu’il s’agisse du schéma directeur de la région d’Île-de-France ou des schémas d’aménagement des régions d’outre-mer.
Cette compétence, totalement décentralisée, d’élaboration d’un plan d’aménagement est majeure. Pour résumer les choses, je dirai que la collectivité de Corse est compétente pour définir un équilibre entre les objectifs du développement économique nécessaire de l’île et les impératifs de protection de son environnement exceptionnel.
Je l’affirme clairement, le Gouvernement n’entend apporter aucun changement à cette liberté d’élaboration, qui constitue l’un des éléments fondamentaux du statut particulier de la Corse.
Conformément aux engagements pris par le Président de la République, le projet de loi ne préjuge en rien les choix de développement, qui n’appartiennent qu’aux élus de l’île et qui sont au cœur de la vie politique locale.
Les cinq années d’un travail considérable de préparation du premier projet de PADDUC, qui ont suivi les élections territoriales de mars 2004, ont souligné toute la difficulté de définir ce point d’équilibre entre le développement et l’environnement, au point que le projet volumineux ainsi élaboré, après beaucoup de discussions et de modifications, n’a finalement été soumis ni à l’examen ni au vote des conseillers territoriaux, au mois de juin 2009.
À l’occasion de son déplacement à Ajaccio, le 2 février 2010, le Président de la République s’est ému de cette situation : presque dix ans après la loi de 2002, le PADDUC n’avait pas encore abouti. Il a donc souhaité faciliter l’adoption de ce plan, tout en respectant la compétence de la collectivité territoriale de Corse et en y intégrant très logiquement les prescriptions du Grenelle de l’environnement contenues dans la loi du 12 juillet 2010. À cet effet, le Président de la République a annoncé le dépôt du présent projet de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme le souligne fort bien votre rapporteur, Alain Houpert, dans son rapport très documenté, une autre spécificité corse est également à l’origine de la rédaction du texte qui vous est proposé : le statut de la collectivité territoriale de Corse prévoit la consultation de l’Assemblée de Corse sur les projets de loi et décrets qui concernent spécifiquement la Corse.
C’est donc très logiquement que le Gouvernement lui a soumis, à l’automne 2010, un avant-projet de loi tendant à faciliter l’adoption du PADDUC et son adaptation normale au Grenelle de l’environnement. C’est tout aussi logiquement que l’Assemblée de Corse a rendu son avis sur ce texte, le 17 décembre 2010.
Sur le plan strictement juridique, le Gouvernement n’est pas lié par cet avis. Toutefois, il est évident qu’il essaie de tenir, à chaque fois que cela est possible, le plus grand compte des avis de l’Assemblée de Corse, ce qui est parfaitement conforme à la lettre et à l’esprit de la loi du 22 janvier 2002.
En l’occurrence, l’assemblée territoriale a donné un avis à l’unanimité de ses membres, ce qui n’est pas habituel sur un sujet aussi sensible, essentiel pour la Corse. Cela signifie que les forces politiques sont tombées d’accord sur ce que devait être la configuration d’un futur PADDUC, même si, bien sûr, elles ne sont pas encore d’accord sur son contenu.
Il est évident pour le Gouvernement qu’il doit être tenu le plus grand compte de cet avis unanime de l’Assemblée de Corse, par principe, naturellement, mais aussi parce que le futur plan d’aménagement devra se construire sur des bases qui doivent être aussi consensuelles que possible.
Un plan d’aménagement et de développement durable est indispensable pour avancer, mais c’est un exercice difficile qui requiert beaucoup de volonté de rassemblement.
Le Gouvernement a donc délibérément retenu, à chaque fois qu’il le pouvait, les propositions de l’Assemblée de Corse. Elles sont parfois novatrices, notamment parce qu’elles donnent au PADDUC une place qu’aucun autre texte n’occupe dans notre droit de l’urbanisme.
Nous connaissons déjà d’autres documents comparables à ce plan, tels que le schéma directeur d’aménagement de la région d’Île-de-France ou les schémas d’aménagement régionaux outre-mer. Toutefois, nous ne pouvons pas nous y référer dans ce texte, car ils ne s’imposent pas directement aux actes individuels.
Or, et c’est l’innovation proposée par l’Assemblée de Corse qui a été reprise dans ce projet de loi, le PADDUC pourra, dans certains cas qui seront encadrés, s’imposer aux décisions individuelles d’urbanisme. Nous avons veillé strictement à ce que cette opposabilité respecte les principes de libre administration des collectivités territoriales et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.
Nous proposons, comme nous le verrons dans la discussion des articles, une solution qui préserve évidemment les libertés communales et qui exprime en même temps cette volonté de donner au PADDUC toute l’effectivité souhaitable.
Nous fixons notamment un degré de précision maximale à l’échelle qui sera adoptée pour la cartographie générale de plan. Nous réservons en outre les cartographies plus contraignantes aux espaces jugés stratégiques par l’Assemblée de Corse. Nous préservons aussi expressément la valeur des documents locaux d’urbanisme adoptés ou en cours d’adoption, qui continueront d’être opposables aux décisions individuelles.
M. le rapporteur a parfaitement analysé cette construction juridique minutieuse et je tiens à l’en remercier.
Je précise enfin que le projet de loi ne modifie en rien l’articulation du PADDUC avec la loi relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi Montagne », ni avec la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « loi Littoral », telle qu’elle a été définie par le législateur de 2002.
Le texte reprend strictement les termes de la loi du 22 janvier 2002, qui prévoit que le plan peut « préciser les modalités d’application » de ces deux lois. Il est normal que le futur plan ait à préciser, dans certaines situations géographiques, la façon dont s’articulent ces deux textes, puisque de nombreuses communes de Corse sont soumises aux deux à la fois. Mais la loi Littoral et la loi Montagne resteront strictement applicables à la Corse, comme le Gouvernement s’y est engagé à plusieurs reprises devant les élus locaux.
Tels sont donc les principes essentiels qui nous ont guidés dans l’élaboration de ce projet de loi. Je précise aussi que ce texte intègre les prescriptions du Grenelle de l’environnement, contenues dans la loi du 12 juillet 2010, comme le souhaitait le Président de la République, de façon tout à fait logique.
Il permet également une articulation avec les autres plans et schémas régionaux, ce qui nécessite plusieurs adaptations importantes de textes existants.
Ce projet de loi permet aussi de tenir un débat d’orientation préalable à la discussion et je note que la commission de l’économie a également ajouté des précisions utiles au cadrage de ce débat.
Le Gouvernement tient beaucoup à cet important débat d’orientation. L’Assemblée de Corse l’a approuvé. Il ne faut pas se lancer dans un travail technique aussi considérable qu’un PADDUC sans avoir débattu de ses orientations générales qui sont, à l’évidence, déterminantes.
Enfin, le projet de loi prévoit la mise en place d’une véritable procédure de révision partielle ou totale, là encore comme le Gouvernement le souhaitait.
Telles sont les précisions que je tenais à apporter au Sénat avant d’entrer plus avant dans le détail du texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Houpert, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au plan d’aménagement et de développement durable de Corse, dont le Sénat est saisi en première lecture, met aujourd’hui à l’honneur l’île de Beauté.
À cette occasion, je souhaite saluer chaleureusement nos collègues corses, ainsi que la population de l’île. Oui, la Corse porte bien son nom d’île de Beauté : y poser son regard ne procure que du bonheur ! (Sourires.)
La Corse a grandement contribué à l’histoire de notre pays. Comment ne pas évoquer Napoléon Bonaparte, dont l’héritage est encore vivant ici même, au Palais du Luxembourg ? De beaux esprits, comme Jean-Jacques Rousseau, ont exprimé l’intérêt et la solidarité du continent pour l’île. C’est donc sur le fond d’un héritage historique et culturel commun que nous engageons aujourd’hui l’examen du projet de loi relatif au PADDUC.
Belle, la Corse n’en est pas moins complexe. La République doit aujourd’hui l’aider à aller de l’avant tout en surmontant les tensions qui la traversent, à envisager son développement économique tout en préservant ses espaces naturels remarquables.
Tel est bien le sens de ce texte, qui a pour objectif de répondre à une situation de blocage politique et de vide juridique.
En effet, depuis le vote de la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, la collectivité territoriale de Corse a compétence pour élaborer un PADDUC, document-cadre d’aménagement et de planification spatiale du territoire qui est assimilable à une directive territoriale d’aménagement et de développement durable, ou DTADD. La différence principale réside dans le fait que, alors qu’une DTADD est élaborée par les services des ministères compétents et arrêtée par un décret en Conseil d’État, le PADDUC est, lui, élaboré et approuvé par la collectivité territoriale de Corse.
Toutefois, le conseil exécutif ne parvint pas à trouver de majorité au sein de l’Assemblée de Corse pour approuver le projet de PADDUC qu’il avait élaboré au cours des années suivant le vote de la loi de 2002. En conséquence, il dut le retirer de l’examen en séance, le 15 juin 2009.
Le projet de loi prévoit donc des modifications de la procédure d’élaboration du PADDUC, qui devraient rendre plus facile la recherche d’un consensus. Il tend également à intégrer dans ce document-cadre les apports du Grenelle de l’environnement et à en préciser la portée juridique.
Pour éclairer les enjeux de ce texte, j’ai souhaité effectuer un déplacement de trois jours dans l’île, au cours duquel j’ai rencontré des représentants de tous les groupes politiques de l’Assemblée de Corse, le président de celle-ci, des élus locaux, des représentants des services de l’État, des représentants des associations protectrices de l’environnement, le président du Conseil économique, social et culturel de Corse, ainsi que les présidents des chambres d’agriculture et des chambres de commerce et d’industrie. J’ai aussi eu des entretiens avec la quasi-totalité des élus nationaux représentant la Corse au Parlement, notamment avec le président de la collectivité territoriale, qui est également député, M. Paul Giacobbi.
Ces contacts multiples m’ont permis de bien saisir les besoins du développement économique de la Corse, mais aussi de prendre conscience des difficultés particulières de l’aménagement dans cette belle île.
En ce qui concerne les caractéristiques de l’économie corse, ce qui frappe d’abord, c’est une croissance démographique marquée. Depuis les années soixante-dix, l’île ne se dépeuple plus, mais gagne au contraire des habitants à un rythme plus rapide que l’ensemble de la France, avec une progression annuelle de 1,8 % entre 1975 et 1999, contre seulement 0,7 % à l’échelon national. Alors que la Corse compte aujourd’hui 294 000 habitants, la prolongation théorique de la tendance actuelle aboutirait à une population de 400 000 habitants en 2030. Ce dynamisme démographique s’explique plus par les apports extérieurs à l’île, venant soit de France continentale, soit de l’étranger, que par la croissance naturelle. Au total, c’est un flux de l’ordre de 3 000 personnes, qu’il faut bien loger, qui vient grossir chaque année la population de la Corse.
Sur le plan macroéconomique, cette base démographique explique en partie les bonnes performances de l’économie corse, qui a amorcé son rattrapage par rapport au continent. La croissance est tirée par le tourisme et par le secteur de la construction, et les performances de l’économie insulaire sont, sur la période récente, supérieures à la moyenne nationale. Entre 1996 et 2006, le produit intérieur brut de la Corse a augmenté au rythme de 3 % par an, alors que celui de l’ensemble de la France métropolitaine ne progressait, sur la même période, que de 2,3 % par an. Jusqu’en 2008, le taux de chômage a reculé, pour passer au-dessous du niveau national.
La croissance démographique et la bonne tenue de l’économie corse, ajoutées à une forte demande de résidences secondaires, expliquent que le marché immobilier de l’île ait connu une hausse constante au cours de la dernière décennie. On peut même parler de « bulle » immobilière, laquelle se traduit par une forte pression sur le marché du foncier et provoque également des tensions sur le marché du logement. Les résidents de l’île trouvent de plus en plus difficilement à se loger, y compris en location. En effet, la priorité des investisseurs va au logement locatif saisonnier, et non au logement locatif annuel. Les résidences secondaires représentent en Corse 35 % du parc de logements, contre 10 % en moyenne nationale. Le taux de logements sociaux n’est en Corse que de 10 % des résidences permanentes, contre 17 % en moyenne nationale.
Une démographie dynamique, une croissance économique plus forte qu’ailleurs et des besoins de logement non satisfaits expliquent que l’île ait de réels besoins en termes d’aménagements. Toutefois, l’aménagement présente en Corse des difficultés particulières, que nous devons avoir bien à l’esprit en examinant ce projet de loi.
Premièrement, la Corse est une « montagne dans la mer », avec près de 1 000 kilomètres de côtes, plus de 200 sommets de plus de 2 000 mètres d’altitude et une altitude moyenne de 568 mètres. Cette donnée naturelle constitue une contrainte pour l’aménagement de l’île : en dehors de la plaine orientale, les espaces plats sont rares, ce qui accentue inévitablement les conflits d’usage entre agriculture et développement urbain.
Deuxièmement, l’urbanisation en Corse est peu dense. La moitié de la population est concentrée dans les agglomérations d’Ajaccio et de Bastia, le reste résidant dans de petites villes, de gros bourgs et des villages. Cette faible urbanisation explique que les espaces artificialisés ne représentent qu’un peu plus de 3 % du territoire corse, contre environ 9 % en France continentale. Par ailleurs, même là où existe une urbanisation, celle-ci prend souvent des formes extensives. Certaines communes comportent non pas une agglomération bien identifiée, mais un ensemble de hameaux éparpillés sur leur territoire. Cet urbanisme traditionnellement diffus peut rendre très délicate l’application de la notion d’urbanisation en continuité avec les agglomérations existantes, qui vise à éviter le « mitage » du territoire.
Troisièmement, les espaces forestiers et les milieux semi-naturels représentent environ 85 % du territoire de l’île, dont une partie considérable fait l’objet d’une protection. Un parc naturel couvre la chaîne montagneuse centrale, les réserves naturelles marines sont au nombre de six, et les sites classés ou inscrits encore bien plus nombreux. Le Conservatoire du littoral a acquis 23 % du linéaire côtier de l’île, contre 11 % seulement sur le plan national.
Cette géographie particulière explique qu’un quart des communes corses soient soumises à la loi Littoral et la plupart d’entre elles à la loi Montagne, 20 % du total des communes étant concernées par ces deux textes à la fois.
Enfin, la planification de l’aménagement est pénalisée, en Corse, par les lacunes des documents locaux d’urbanisme.
D’une part, ceux-ci sont relativement rares : sur un total de 360 communes, 129 seulement, soit 35,8 % de l’ensemble, disposent d’un plan local d’urbanisme, d’un plan d’occupation des sols ou d’une carte communale.
D’autre part, lorsqu’ils existent, ces documents d’urbanisme souffrent d’une grande fragilité juridique. Dans la période récente, une série de jugements successifs du tribunal administratif de Bastia ont annulé, sur le fondement de la loi Littoral, les plans d’occupation des sols de plusieurs communes, dont ceux de Sartène et de Porto-Vecchio. Chaque fois, le juge administratif a relevé des extensions d’urbanisation qui n’étaient pas en continuité avec les agglomérations et villages existants, la difficulté étant de savoir si l’existant peut, ou non, être considéré comme urbanisé. La réponse n’est pas évidente lorsqu’il s’agit d’habitat diffus. À la suite de l’annulation de leur plan local d’urbanisme, les communes se retrouvent soumises au règlement national d’urbanisme, encore plus restrictif que la loi Littoral.
En bref, l’aménagement répond en Corse à de vrais besoins, mais se trouve soumis à de fortes contraintes.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, examinons maintenant les dispositions du projet de loi.
Comme je vous l’ai indiqué, ce texte est une réponse à l’échec du précédent PADDUC, retiré en séance le 15 juin 2009. Il était devenu nécessaire de revoir le cadre législatif d’élaboration du PADDUC avant de remettre celui-ci en chantier.
Conformément au statut, l’Assemblée de Corse a été consultée sur un avant-projet de loi le 8 novembre 2010. En réponse, elle a adopté à l’unanimité, le 17 décembre 2010, une délibération demandant des modifications de ce texte sur plusieurs points. L’ensemble de ces demandes ont été prises en compte par le Gouvernement et intégrées au projet de loi tel qu’issu de son examen par le Conseil d’État. L’Assemblée de Corse a été entendue, notamment lorsqu’elle a sollicité l’adjonction au PADDUC d’une cartographie dont elle pourra déterminer l’échelle, ainsi que l’opposabilité du PADDUC aux tiers dans le cadre des procédures d’autorisation d’urbanisme. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces deux points lors de l’examen des amendements présentés par notre collègue Nicolas Alfonsi.
Je tiens à souligner l’importance politique du vote unanime de l’Assemblée de Corse sur l’avant-projet de loi, qui augure favorablement de la possibilité de parvenir à un consensus, ou au moins à une majorité, sur l’adoption du prochain PADDUC.
Le projet de loi apporte des améliorations dans trois domaines.
Premièrement, il intègre les apports du Grenelle de l’environnement en prévoyant, à l’article 1er, que le PADDUC devra être compatible avec les plans de gestion des risques d’inondation, et, à l’article 3, qu’il vaudra schéma régional de cohérence écologique.
Deuxièmement, il consolide la valeur juridique du PADDUC. L’article 1er précise l’insertion de ce dernier dans la hiérarchie des documents locaux d’urbanisme, qui seront dans une relation de compatibilité par rapport à lui. Par ailleurs, les orientations fixées par le PADDUC seront assorties d’une cartographie adaptée. L’article 1er prévoit une carte générale au 1/100 000e, qui pourra être précisée par des cartes à plus petite échelle pour certaines zones prévues aux articles 3 et 4.
Troisièmement, l’article 5 améliore la procédure d’adoption et de modification du PADDUC, de manière à rendre plus facile la constitution d’une majorité pour l’approuver. Ainsi, un débat d’orientation préalable au sein de l’Assemblée de Corse permettra au conseil exécutif d’être éclairé sur les attentes de celle-ci avant de commencer le travail d’élaboration du projet de PADDUC. La liste des organismes associés à cette élaboration est complétée et les avis obligatoires devront être rendus dans des délais stricts. Notre collègue Thierry Repentin nous propose des amendements tendant à préciser encore davantage cette liste des organismes associés ou consultés.
M. Jean-Jacques Mirassou. Excellents amendements !
M. Alain Houpert, rapporteur. Par ailleurs, une procédure nouvelle de modification est instaurée, plus légère que la procédure de révision. Enfin, le délai au terme duquel le conseil exécutif doit procéder à une analyse globale des résultats de l’application du PADDUC, notamment du point de vue de l’environnement, est réduit de dix à six ans.
Sur ce texte qui suscite l’approbation de tous les acteurs concernés, je n’ai proposé à la commission de l’économie que des amendements rédactionnels ou visant à apporter des améliorations de détail sur les cinq points suivants.
À l’article 1er, la commission a précisé que la cartographie associée au PADDUC devra recenser les surfaces correspondant à la bande de cinq mètres le long de certains cours d’eau, qui doit désormais, en application du Grenelle de l’environnement, être laissée en végétation naturelle.
À l’article 4, la commission a maintenu inchangée la rédaction des dispositions du code général des collectivités territoriales prévoyant que le PADDUC peut préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales, des articles du code de l’urbanisme relatifs aux zones de montagne et aux zones littorales. Comme j’aurai l’occasion de le redire lors de l’examen d’un amendement de Mme Didier sur cet article, cela n’autorisera pas l’Assemblée de Corse à déroger à la loi Montagne, ni à la loi Littoral.
À l’article 5, la commission a prévu de donner à l’Assemblée de Corse la possibilité de recourir à une simple procédure de modification lorsqu’elle décide d’adapter le PADDUC au vu de l’analyse globale de ses résultats, que le conseil exécutif est tenu de faire six ans après son adoption.
À l’article 5 toujours, la commission a supprimé la clause prévoyant la caducité du PADDUC dès lors que l’Assemblée de Corse ne délibère pas sur le sort réservé à celui-ci dans le délai d’un an à compter de la transmission de l’analyse globale de ses résultats. En effet, cette clause lui a paru d’une sévérité excessive.
Enfin, à l’article 6, la commission a précisé l’articulation dans le temps entre le PADDUC et les plans de gestion des risques d’inondation qui pourraient être arrêtés peu de temps avant son approbation.
En conclusion, ce projet de loi appelle de ma part deux observations.
Première observation : ce texte comporte un risque d’inconstitutionnalité, mais celui-ci me paraît maîtrisé. En effet, la compétence donnée à la collectivité territoriale de Corse d’adopter des cartes à plus petite échelle que celle de la carte générale de destination du territoire de l’île au 1/100 000e pourrait conduire à placer les documents d’urbanisme de rang inférieur dans une relation de conformité, et non plus de compatibilité.
Or les principes constitutionnels s’opposent à ce que la collectivité territoriale exerce ainsi une forme de tutelle sur les communes. Toutefois, ce risque me paraît maîtrisé dans la mesure où ces cartes à plus petite échelle ne porteront que sur certains secteurs du territoire de l’île, pour lesquels un degré supérieur de précision se justifie spécifiquement. La collectivité territoriale de Corse devra néanmoins veiller, lorsqu’elle aura à déterminer l’échelle de ces cartes, à ne pas descendre à un trop grand degré de détail.
Seconde observation : le projet de loi est fondé sur la confiance qu’il accorde aux Corses pour prendre leur destin en mains. Dans la filiation des statuts de 1982, de 1991 et de 2002, ce texte affirme la capacité des Corses à déterminer eux-mêmes une stratégie de développement durable pour leur île, c’est-à-dire à fixer les objectifs de son développement économique, social, culturel et touristique, tout en préservant son environnement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis convaincu que les Corses sont les mieux à même de déterminer, dans le respect des lois nationales, la meilleure manière de concilier les aménagements rendus nécessaires par une croissance démographique marquée et une économie dynamique avec la préservation de cet environnement exceptionnel, à tous points de vue, qui fait de « l’Île de Beauté » une composante unique du patrimoine naturel et culturel de la France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV. – M. le président de la commission de l'économie applaudit également.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, apparentés, et groupe Europe écologie Les Verts rattaché, 30 minutes ;
Groupe Union pour un mouvement populaire, 29 minutes ;
Groupe de l’Union centriste et républicaine, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 3 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marc Daunis.
M. Marc Daunis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est bien naturel qu’un tel texte soit examiné en premier lieu par la Haute Assemblée, car il revient d’abord aux sénateurs de concilier lois de la République et spécificités des territoires.
La Corse nous invite souvent à ce délicat exercice, à ce passionnant débat, elle dont l’histoire, la culture, l’exceptionnelle beauté des paysages ont, au long des siècles, forgé une identité forte et singulière.
Ce débat se poursuit aujourd’hui au travers de l’examen d’un texte important pour l’avenir de l’un des territoires de la République, la Corse, qui doit permettre à celle-ci de lever les blocages de toutes sortes qui minent depuis trop longtemps son développement.
Ce projet de loi a trait à l’élaboration du futur plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, le PADDUC. Mesurons bien le fait, mes chers collègues, qu’il s’agit d’un document-cadre d’aménagement et de planification spatiale du territoire sans équivalent dans aucune autre région de France métropolitaine. Il a valeur de directive territoriale d’aménagement et de développement durable, de schéma de mise en valeur de la mer, de schéma régional d’aménagement du territoire et de schéma régional du territoire. Croyez-le bien, monsieur le ministre, les élus locaux que nous sommes aussi mesurent bien l’originalité et l’importance d’un tel document.
Dans cette perspective, permettez-moi, mes chers collègues, de regretter, au nom du groupe socialiste et apparentés, que nous n’ayons pas pu disposer de davantage de temps pour approfondir le sujet et examiner plus en détail un texte qui fera de la Corse la région de France métropolitaine la plus décentralisée.
Ce texte constitue une marque de confiance à l’égard des élus insulaires : cela est devenu si rare ces dernières années, monsieur le ministre, que je m’empresse de le souligner.
Les conditions d’élaboration du PADDUC méritent donc une attention toute particulière de la part de la représentation nationale.
Au cours des cinq ans qui ont suivi le vote de la loi, le conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse a tenté, en vain, de trouver une majorité au sein de l’Assemblée de Corse pour approuver le projet de PADDUC. Il a dû retirer le texte de l’ordre du jour des travaux de celle-ci, le 15 juin 2009.
Il y a des raisons de fond à cet échec ; M. le rapporteur, que je salue, les a rappelées à juste titre en commission.
Le projet, selon ses détracteurs, avait le tort d’orienter le développement de la Corse vers une économie presque exclusivement tournée vers le tourisme et, surtout, d’ouvrir trop largement le littoral et les terres agricoles à l’urbanisation, avec évidemment pour conséquence une demande d’assouplissement des conditions d’application des lois Littoral et Montagne.
C’est particulièrement ce point qui a suscité la polémique. Il faut aborder cette question, essentielle pour la Corse : elle sera, à n’en pas douter, le fil rouge de nos discussions sur ce projet de loi.
En tant qu’élu des Alpes-Maritimes, cette problématique m’est familière. Dans mon département aussi, les montagnes entrent dans la mer, ce qui a une forte incidence sur les possibilités d’aménagement. Notre département a d’ailleurs fait l’objet de la première directive territoriale d’aménagement appliquée sur le territoire national, et certaines de ses communes relèvent elles aussi à la fois de la loi Montagne et de la loi Littoral.
Quelle est la situation en Corse ?
L’évolution démographique de l’île, sa croissance économique et ses besoins insatisfaits en matière de logement induisent de réelles et profondes attentes en termes d’aménagement, lequel pose des difficultés tout à fait particulières.
La Corse est, en effet, il est banal de le dire, une « montagne dans la mer ». En dehors de la plaine orientale, rares sont les espaces facilement urbanisables ou pouvant accueillir des activités agricoles à caractère maraîcher.
Que l’on me permette de revenir sur quelques données essentielles rappelées par M. le rapporteur.
L’urbanisation est peu dense et prend souvent des formes extensives. Bon nombre de communes ne comportent pas d’agglomération bien identifiée, mais se composent d’un ensemble de hameaux éparpillés sur leur territoire. Cette situation, qui rend les choses très complexes, renvoie à la notion d’urbanisation en continuité avec les agglomérations existantes, à laquelle la loi Littoral fait référence.
Enfin, les espaces forestiers et les milieux semi-naturels représentent plus de 80 % du territoire de l’île, dont la majeure partie fait l’objet d’une protection. Le Conservatoire du littoral – je parle sous le contrôle de son premier vice-président – a acquis 23 % du linéaire côtier de l’île, alors que cette proportion ne s’élève qu’à 11 % sur le plan national. Pour bien fixer les enjeux, je soulignerai que le littoral de la Corse est aussi long que celui qui s’étend de Menton jusqu’à Collioure !
Sur un total de 360 communes, un tiers à peine disposent d’un plan local d’urbanisme, d’un plan d’occupation des sols ou d’une carte communale. Par ailleurs, il n’existe, à ma connaissance, aucun schéma de cohérence territoriale en Corse.
Je voudrais enfin insister sur un élément qui ne vaut pas pour d’autres régions et dont l’importance a souvent été sous-estimée : les lois Littoral et Montagne, au demeurant excellentes et dont il est heureux qu’elles aient été adoptées, sont antérieures au développement démographique de la Corse.
Le décor ayant ainsi été planté au travers de ces quelques constats, il faut donc sécuriser juridiquement le dispositif pour concilier efficacement développement et protection durable d’un territoire exceptionnel. Tel est bien l’enjeu de notre débat, tel est aussi le défi que doivent relever les Corses eux-mêmes.
Face à la complexité et à la multiplicité des enjeux, en Corse comme ailleurs, rien ne pourra se faire sans l’adhésion et l’engagement des élus et des populations concernés.
Rien n’a été facile. Une mandature de la collectivité territoriale de Corse s’est écoulée, à partir de 2002, sans qu’un consensus, ou au moins une majorité, ne se soit dégagé sur ce sujet. Il était donc urgent d’avancer.
Je veux saluer, à cet instant, le travail effectué par la nouvelle majorité…
M. Thierry Repentin. Du Sénat ? (Sourires.)
M. Marc Daunis. Non, de l’Assemblée de Corse !
Cette nouvelle majorité, installée depuis à peine dix-huit mois, et le président du conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse, Paul Giacobbi, sont parvenus à aller de l’avant. Conformément au statut, l’Assemblée de Corse a été consultée sur l’avant-projet de loi le 8 novembre 2010. Elle a adopté à l’unanimité – j’y insiste –, le 17 décembre 2010, la délibération évoquée précédemment par M. le rapporteur et M. le ministre.
Il y a donc, et c’est tout à fait remarquable, consensus sur cet avant- projet de loi. Cela représente l’espoir de voir le prochain PADDUC adopté à une forte majorité pour le moins.
Loin de moi, cependant, l’idée que le législateur doive se soumettre. Le débat doit avoir lieu, et il aura lieu.
Le texte contient bien plus encore que ce que j’ai souligné. Je pense notamment à l’intégration des conséquences de l’adoption de la loi portant engagement national pour l’environnement, qui constitue un autre objectif central, ainsi qu’à l’amélioration et à la simplification de la procédure d’élaboration et de modification du PADDUC prévues à l’article 5.
Le groupe socialiste a d’ailleurs déposé deux amendements importants à l’article 5 : le premier vise à intégrer dans le champ du débat public les dérogations accordées à l’Assemblée de Corse pour l’application des lois Montagne et Littoral ; le second tend à associer à l’élaboration du projet toutes les parties normalement prenantes à l’élaboration des directives territoriales d’aménagement et de développement durable, dans l’esprit de l’article L. 113-2 du code de l’urbanisme. Ces deux amendements, que nous avons présentés avec notre collègue Thierry Repentin, nous paraissent extrêmement importants. Ils constituent une garantie supplémentaire et exposent en toute transparence les éventuelles adaptations aux spécificités locales, particulièrement géographiques.
Nos collègues Nicolas Alfonsi et Évelyne Didier ont quant à eux déposé des amendements à l’article 4, portant sur le degré d’appréciation octroyé à l’Assemblée de Corse pour déterminer l’échelle des documents cartographiques, ainsi que sur les modalités d’application des lois Littoral et Montagne.
Le débat aura donc bien lieu dans l’hémicycle, mais, je le répète, le Sénat doit prêter une oreille attentive à ce qui s’est dit au sein de l’Assemblée de Corse : le consensus était recherché, l’unanimité a été obtenue.
Bien sûr, nous devons être vigilants. Le passé a montré, en Corse comme ailleurs, que les lois de la République pouvaient parfois être sinon bafouées, en tout cas contournées. Cela étant, je note que le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, ancien maire de Sartène et défenseur acharné de la loi Littoral, a exprimé sa confiance et voté la délibération.
Mes chers collègues, si les sénateurs ne font pas confiance aux élus locaux, qui le fera ? Vous l’avez compris, le groupe socialiste aborde l’examen de ce texte dans un tel esprit de confiance. Ce débat est très attendu par nos amis corses, ainsi que par toutes celles et tous ceux, dont je suis, qui croient aux vertus de la décentralisation et du débat citoyen, qui ont confiance en l’intelligence des territoires et au sens de la responsabilité des élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui tend à revoir la procédure d’élaboration et le contenu du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, cela pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, l’insécurité juridique est forte : en effet, l’absence de SCOT, combinée à l’échec du précédent PADDUC, a abouti à un vide juridique et à une absence d’articulation entre les documents d’aménagement, ce qui constitue un handicap pour le développement du territoire corse et sa compatibilité avec la protection de l’environnement.
Ce vide juridique est d’autant plus grand que bien peu de communes sont dotées de documents d’urbanisme, qu’il s’agisse de cartes communales, de plans d’occupation des sols ou de plans locaux d’urbanisme. Par ailleurs, plusieurs PLU ont été annulés par le tribunal administratif au cours des deux dernières années.
Rappelons que l’ancienne Assemblée de Corse n’était pas parvenue à un consensus et avait été critiquée en raison d’un manque de concertation, d’une part, et de sa volonté d’apporter des assouplissements à la loi Littoral, d’autre part.
La nouvelle Assemblée de Corse, élue en 2010, s’était alors vu soumettre par l’État une proposition de modification législative du cadre d’élaboration du PADDUC, qu’elle a examinée en décembre 2010 et sur laquelle elle a adopté, à l’unanimité, un certain nombre de propositions. Certaines d’entre elles ont été reprises par l’État et intégrées dans le texte qui a été discuté en commission.
La volonté du groupe CRC est double : assurer à la Corse la possibilité de se doter dans les meilleurs délais d’un PADDUC juridiquement renforcé et soutenu par les élus de l’Assemblée de Corse, tout en veillant à ce que ce texte n’altère pas l’esprit des grandes références législatives que sont les lois Montagne et Littoral.
D’emblée, je tiens à souligner la qualité du travail du rapporteur, qui est allé au fond des choses, même si certains choix peuvent être contestés et si certaines dispositions sont d’un maniement délicat. L’examen des amendements que nous avons déposés nous donnera l’occasion d’en débattre.
Auparavant, je souhaite revenir sur les motifs de satisfaction que nous offre ce texte : l’intégration d’un certain nombre d’apports de la loi Grenelle II, en particulier la compatibilité du PADDUC avec les objectifs des plans de prévention des risques d’inondation, les PPRI, et la mise en œuvre de la trame verte et bleue, sur laquelle je reviendrai plus en détail ultérieurement ; la référence aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l’urbanisme, qui s’inscrit dans la création d’un cadre juridique commun à l’ensemble des documents d’aménagement et d’urbanisme ; la tenue d’un débat au sein de l’Assemblée de Corse préalablement à l’élaboration du PADDUC, qui permettra de s’assurer des attentes des élus corses, avant même d’engager tout le travail d’élaboration de ce plan, la procédure permettant en outre d’associer un maximum d’acteurs ; la procédure de modification, plus souple que celle de la révision, destinée à permettre d’intégrer plus efficacement des modifications marginales et d’adapter le document aux évolutions de l’île ; la mise en cohérence du délai au terme duquel est menée l’évaluation environnementale avec celui qui est prévu pour les SCOT, soit six ans au lieu de dix ; la possibilité de tenir compte de cette évaluation par le biais de la procédure de modification, et non par la seule procédure de révision, ce qui permet aussi de justifier la suppression de la menace de caducité qui pesait, dans le texte initial, sur le PADDUC, en cas d’absence de délibération de l’Assemblée de Corse sur l’opportunité d’une révision, dans la mesure où, avec une procédure simplifiée, il est plus facile de tenir des délais raisonnables ; enfin, les mesures transitoires concernant la trame verte et bleue, ainsi que la mise en compatibilité avec le PPRI.
Quelques sujets de débat subsistent toutefois dans ce texte.
Le principal concerne l’application des lois Montagne et Littoral.
Si la possibilité de préciser dans le PADDUC les modalités d’application des lois Littoral et Montagne faisait en effet partie des demandes exprimées par les élus corses, il ne me semble pas que ces derniers aient jamais évoqué l’adaptation de ces lois aux particularités géographiques locales. L’Assemblée de Corse avait bien demandé que soit ouverte la possibilité de préciser la législation en vigueur dans les zones littorales et de montagne, mais jamais celle d’adapter cette législation ! À moins que l’on ne nous démontre le contraire, il s’agit bien là d’une porte ouverte à l’instauration de dispositions dérogatoires à ces deux textes de loi. Vous avez dit dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, qu’en aucun cas il ne pourrait être porté atteinte aux lois Littoral et Montagne ; nous espérons que vous nous apporterez, au cours de l’examen des amendements, des précisions susceptibles de nous rassurer sur ce point. D’ailleurs, n’évoquer que les particularités « géographiques » locales, c’est peut-être adopter une vision assez restrictive des choses.
Ce débat a déjà eu lieu devant le Parlement voilà précisément dix ans, à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à la Corse, qui intégrait la question du nouveau PADDUC. Le problème suivant s’était alors posé : la loi Montagne, et surtout la loi Littoral, pouvaient-elles éventuellement faire l’objet d’adaptations, afin de permettre une meilleure valorisation du littoral à des fins touristiques et de développement économique ? Plusieurs dispositions avaient fait l’objet de vifs débats, tant à l’Assemblée nationale, alors majoritairement de gauche, qu’au Sénat, alors majoritairement de droite…
Les choses ont bien changé depuis ! Le gouvernement de Lionel Jospin et les parlementaires socialistes cherchaient à satisfaire les revendications de certains élus corses, qui constataient que le littoral insulaire n’avait rien à voir avec le littoral continental et que des adaptations étaient nécessaires. La droite, alors qu’elle était farouchement opposée à toute dérogation à la loi Littoral à l’Assemblée nationale, en avait accepté le principe au Sénat, à la surprise générale. Plus compliquée était la situation au sein de la majorité de l’époque. Certains députés lui appartenant, après avoir cherché à renforcer les conditions de ces adaptations, avaient finalement considéré que celles-ci échapperaient rapidement au contrôle des élus, et demandé la suppression de cette possibilité. Les communistes défendaient déjà cette idée, et le député Michel Vaxès était parvenu à établir, avec la majorité plurielle, un compromis tendant à limiter considérablement les possibilités d’adaptation. Or il semble que notre rapporteur nous propose aujourd’hui d’ouvrir à nouveau la boîte de Pandore… Nous en discuterons.
Mes chers collègues, si les majorités se sont inversées depuis lors dans les deux chambres, nos convictions, quant à elles, sont restées les mêmes : nous demeurons opposés à toute dérogation à la loi Littoral et à la loi Montagne. Nous reviendrons sur ce sujet à l’occasion de l’examen des amendements.
Je souhaite à présent aborder une réflexion plus générale sur l’économie du texte qui nous est soumis.
Il est certain qu’il existe une tension forte entre la nécessité de pouvoir déterminer de façon lisible la destination générale des différentes parties du territoire et celle de ne pas imposer, pour autant, la tutelle d’une collectivité sur les niveaux de collectivités inférieurs. Si je reconnais que ce texte parvient à concilier ces deux impératifs de manière assez satisfaisante, certaines incohérences et certaines contradictions demeurent néanmoins. En particulier, le plafonnement de l’échelle de la carte associée au PADDUC peut sembler surprenant, dans la mesure où il reviendra à l’Assemblée de Corse de déterminer les échelles pour toutes les cartes précisant ce plan. La fixation de ce plafond relève-t-elle vraiment du domaine de la loi ? Je pense que les élus chargés de l’élaboration du PADDUC sauront montrer suffisamment de bon sens pour faire en sorte que leur plan ne soit pas entaché d’inconstitutionnalité, au motif qu’il présenterait un degré de précision excessif, transformant le rapport de compatibilité avec les documents de niveau inférieur en rapport de conformité. Cela correspond tout de même à une revendication des élus de l’Assemblée de Corse : ils veulent pouvoir s’emparer de cette question technique déterminante pour la qualité et la pertinence des documents d’aménagement. Il me semble que nous pouvons tous nous accorder sur le point que, en matière d’aménagement, un minimum de décentralisation est de mise.
À l’opposé, toutes les spécifications liées à la trame verte et bleue ne descendent-elles pas parfois à un degré de précision excessif ? Il est question d’une carte au 1/100 000e, précisée par des cartes plus détaillées encore pour certaines zones. Considérons les ordres de grandeur : avec une telle échelle, un centimètre sur la carte représente un kilomètre sur le terrain. La bande des 100 mètres de la loi Littoral tiendrait alors dans l’épaisseur du trait, et que dire de la bande des 5 mètres le long des cours d’eau ? Il faudrait retenir une échelle au 1/10 000e, voire moins, pour la faire apparaître dans l’épaisseur du trait ! Il me semble que l’on devrait réserver certains détails aux documents de rang inférieur, sauf à mettre à mal le difficile équilibre entre lisibilité des documents et libre administration des communes.
Bien entendu, nous n’avons pas l’intention d’entraver le cheminement de ce texte : j’ai dit combien il était urgent qu’il aboutisse. Toutefois, il me semble indispensable d’avoir une discussion permettant d’approfondir la réflexion menée par le rapporteur et d’amender ce projet de loi, pour garantir que les lois Montagne et Littoral ne seront pas écornées – les propos de M. le ministre seront importants à cet égard –, que la sécurité juridique ne sera pas amoindrie, que les élus corses s’y retrouveront ; il s’agit, en définitive, d’améliorer la qualité d’un texte dont l’équilibre, j’en conviens bien volontiers, est difficile à trouver. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’aborde l’examen de ce texte avec perplexité, lassé d’entendre vanter en permanence la beauté des paysages corses et le souci que nous avons, tous les quatre ou cinq ans, de prendre notre destin en main… Pour paraphraser Boileau, je dirai que le Gouvernement doit avoir l’âme bien chevillée au corps pour remettre ainsi, quatre fois, l’ouvrage sur le métier.
L’âge étant là, j’ai pour ma part connu pas moins de quatre textes sur le sujet. Celui de Gaston Defferre disposait, si ma mémoire est bonne, que la collectivité territoriale de Corse devait établir son plan d’aménagement dans un délai de dix-huit mois. Or, pendant dix ans, rien ne s’est passé. Puis, quand la majorité régionale a voulu procéder, dans un sursaut, à l’établissement de ce schéma, M. Joxe, alors ministre de l’intérieur, a dit qu’il était trop tard. Et alors que, pendant dix ans, personne n’avait protesté contre la carence de l’Assemblée de Corse, il a été subitement décidé, après avis du Conseil d’État, que l’État se chargerait d’établir le schéma d’aménagement !
Dans une deuxième période, nous avons eu le texte de Pierre Joxe, qui était un « copié-collé » de celui de Gaston Defferre, mais qui prévoyait, pour l’élaboration du schéma d’aménagement, un délai d’un an, et non plus de dix-huit mois. Puis, à nouveau, plus rien ne s’est passé pendant dix ans…
Sous le gouvernement Jospin sont intervenus les accords de Matignon, qui ont abouti à la loi relative à la Corse du 22 janvier 2002. Il ne s’agissait alors plus d’un schéma d’aménagement, mais d’un PADDUC, la terminologie ayant changé et la mode du développement durable étant apparue. Il n’était plus question de délai dans le nouveau texte, sans doute par prudence : ses auteurs estimaient probablement que l’échéance ne pourrait jamais être tenue.
Nous revenons aujourd’hui sur ce sujet à l’occasion de l’examen du présent projet de loi. Je sens bien, à cet instant, qu’il existe une contradiction très forte, s’agissant de l’échelle de la cartographie, entre l’avis unanime de l’Assemblée de Corse et celui du Conseil d’État.
Je vous demande, mes chers collègues, de ne pas accorder trop d’importance à l’avis de l’Assemblée de Corse, car celle-ci vote très souvent ses textes à l’unanimité, dans le cadre d’un consensus mou. Je vous mets au défi de me dire quels textes ont fait l’objet de discussions féroces au sein de cette assemblée : il n’y en a pas !
Il peut donc y avoir une contradiction, sur laquelle nous reviendrons dans un instant, entre l’avis de l’Assemblée de Corse et celui du Conseil d’État. Comment concilier les deux ? Toute la difficulté est là ! On ne peut y parvenir, car l’avis de la collectivité de Corse, je le souligne, c’est la « légitimité » de la Corse !
Un leader nationaliste a récemment déclaré dans la presse que la co-officialité ayant été votée par 70 % des élus, l’Assemblée de Corse représentait la légitimité de la Corse. Or, il y a dix ans, nous avons été deux élus, sur cinquante et un, à voter contre les accords de Matignon. À ce moment-là, la légitimité était de 90 % ! Mais lors du référendum de 2004 organisé par le Président de la République – j’évoque un souvenir douloureux ! –, le résultat fut : 51 % de voix contre, 49 % pour…
Méfiez-vous donc de ce concept de légitimité, selon lequel il faudrait, en permanence, considérer comme un avis définitif ce que peut dire l’Assemblée de Corse.
J’évoque ce problème d’entrée de jeu, afin d’aborder le texte non pas avec l’esprit chagrin, mais avec la sérénité nécessaire à nos travaux ! Il nous faudra, en effet, aboutir, même si la majorité sénatoriale a changé. Après tout, sur un texte d’une « telle importance », un consensus peut se faire jour dans cette assemblée, avec quelques nuances tout de même…
Nous devons garder à l’esprit cet aspect des choses. J’ai souvent eu l’occasion de dire que l’étalon du « temps corse » ressemble un peu à celui du temps judiciaire. (Sourires.) Il faut gravir toutes les étapes de la procédure, puis éventuellement redescendre : les choses se font lentement ! Le schéma d’aménagement, cela fait déjà trois décennies que nous en parlons !
Je ne m’épuiserai pas à énumérer toutes les difficultés qui peuvent se présenter, mais je reviendrai sur une observation dont j’avais fait part au rapporteur, concernant l’inconstitutionnalité du texte.
Le principe de l’autonomie des collectivités territoriales doit être respecté. Vous avez fort opportunément rappelé à l’instant, madame Didier, que, dans l’échelle fixée par le Conseil d’État, un centimètre sur la carte représente un kilomètre sur le terrain, et que la Corse compte de 900 à 1 000 kilomètres de côtes. Actuellement, le Conservatoire du littoral, dont je suis le premier vice-président, se fondant sur des techniques informatiques plus appropriées, considère d’ailleurs que le littoral corse s’étend en réalité sur 1 200 kilomètres. Vous imaginez ce que représente une échelle du 1/100 000e, très précise pour un document censé être le plan de développement de la Corse !
Quant à l’éventuelle anticonstitutionnalité du projet de loi, je ferai observer au passage que l’Assemblée de Corse ne se prive pas de voter des textes anticonstitutionnels : je pense à toute une série de sottises, dont la distinction entre deux catégories de citoyens sur le modèle calédonien…
Mais si le projet de loi que nous examinons est anticonstitutionnel, qui va soulever son anti-constitutionnalité ? Personne ! Que se passera-t-il alors ? Pendant deux ou trois ans, un texte anticonstitutionnel pourra être appliqué, jusqu’à ce qu’un jour soit posée une question prioritaire de constitutionnalité, par exemple sur l’initiative d’un propriétaire lassé de voir ses droits bridés.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Nicolas Alfonsi. Entre-temps, on aura accrédité l’idée, au sein de la population corse, qu’une fois encore des textes ayant été adoptés ne pourront pas être appliqués, ce dont il aurait fallu s’apercevoir plus tôt. Gardons cela à l’esprit. Il en ira ainsi, d’ailleurs, si est voté un jour, ce qu’à Dieu ne plaise, un texte relatif aux résidences corses, qu’elles soient secondaires ou principales, avant qu’il ne soit censuré par le Conseil constitutionnel.
Ces problèmes étant complexes, je ne m’y attarderai pas davantage. J’en reviens au texte.
L’article 1er, comme l’a souligné M. le rapporteur, soulève des problèmes de constitutionnalité. Je vous précise, mes chers collègues, qu’une décision du Conseil constitutionnel de 2002 et un avis du Conseil d’État de 1991 relatif à l’Île-de-France, tous deux visés par le rapport de la commission, prônent une extrême prudence.
En l’espèce, le texte respecte l’avis du Conseil d’État, mais pour tenir compte de l’avis de l’Assemblée de Corse, qui veut à tout prix gérer la cartographie à sa façon, en définissant les échelles, vous êtes obligés de concilier l’inconciliable : d’où l’article 4, qui permet au plan d’aménagement et de développement durable de Corse de statuer sur des espaces géographiques limités en raison de leur caractère stratégique. Mais qu’est-ce qu’un site stratégique ? Comment définir des espaces limités ? Ces derniers risquent d’être au texte que nous allons adopter ce que représentent les hameaux nouveaux, dont la définition n’est pas aisée, pour la loi Littoral. Il peut y avoir là une source de difficultés, c’est pourquoi je propose, par voie d’amendements, de faire simple en supprimant tout cela.
L’article 2 ne suscite aucune observation particulière de ma part.
L’article 3 et l’article 4 s’articulent de façon pyramidale. Au lieu de simplifier, je redoute que l’on ne charge la barque, d’autant que, au-dessus du schéma, s’appliqueront encore la loi Littoral et la loi Montagne.
M. le président. Mon cher collègue, je vous prie de bien vouloir vous acheminer vers votre conclusion…
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, ne pourrais-je pas emprunter les trois minutes allouées aux non-inscrits ? (Sourires.)
Des contradictions risquent de se faire jour. Qui dit que, à un moment donné, le document d’urbanisme lui-même ne sera pas illégal au regard de la loi Littoral ? La situation est très compliquée ; il faut y réfléchir à deux fois.
J’en viens à l’article 5. Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse serait élaboré par l’Assemblée de Corse. Pourquoi pas ? Une grande enquête devra toutefois être menée auparavant. Cela donnera lieu à un grand défoulement. Je n’aurai pas la cruauté de lire le rapport de la conseillère exécutive chargée de ce texte à l’Assemblée de Corse : une multitude de réunions devront être organisées. Il sera très difficile de respecter l’échéance rapprochée fixée pour l’élaboration du schéma, à savoir 2013.
Nous sommes en présence d’un texte surréaliste. Nous l’avons attendu pendant trente ans, mais il y est prévu que la révision interviendra dans un délai non plus de dix ans, mais de six ans. C’est un progrès considérable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je termine, mes chers collègues, car j’ai l’impression de vous ennuyer.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. Pas du tout !
M. Nicolas Alfonsi. Faut-il vraiment un schéma d’aménagement dans une île de 8 000 kilomètres carrés et de 300 000 habitants ?
M. Pierre Hérisson. Oui !
M. Nicolas Alfonsi. Il fut un temps où le président du conseil exécutif ne partageait pas nécessairement cette idée : la Corse n’est ni la Basse-Seine, ni la région Rhône-Alpes, ni l’Île-de-France. En réalité, les non-dits sont nombreux.
Mes chers collègues, je ne me suiciderai pas si vous n’adoptez pas les amendements que j’ai déposés (Sourires.), mais c’est une question de principe. Je considère pour ma part que le texte que nous allons voter porte atteinte à l’autonomie des collectivités et va créer des difficultés supplémentaires.
Je ne voudrais pas être pessimiste. Ainsi que je l’ai dit d’emblée, je n’ai pas l’esprit chagrin, mais si, comme je le pressens, la majorité sénatoriale s’associe à M. le ministre de l’intérieur sur un texte qui n’est pas anodin, que voulez-vous que je fasse ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Prendre le maquis ?
M. Nicolas Alfonsi. Je risque de voter comme vous !
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos sera probablement moins chantant et plus banal que celui de M. Alfonsi. Mais ceux d’entre nous qui, sans être corses comme lui, connaissent un peu les spécificités de son île, peuvent comprendre les observations qu’il a formulées, même si les lois de la République doivent s’appliquer dans ce territoire comme ailleurs.
Je voudrais tout d’abord rendre hommage au rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, notre collègue Alain Houpert, qui a su nous éclairer sur les enjeux du présent texte et a tenu à entendre les principaux acteurs, à savoir les membres de l’Assemblée de Corse, les élus locaux et nationaux de ce territoire, ainsi que les représentants des services de l’État, des associations protectrices de l’environnement ou encore des assemblées consulaires.
Aux termes de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002, la collectivité territoriale de Corse a compétence pour élaborer un plan d’aménagement et de développement durable de la Corse. Ce plan emporte les mêmes effets qu’une directive territoriale d’aménagement ; il constitue le document stratégique de la Corse.
Un premier projet de plan d’aménagement et de développement durable a été élaboré en 2008. Le moins que l’on puisse dire est qu’il a suscité, à l’époque, un débat passionné à l’Assemblée de Corse.
Dans une démocratie, le débat est naturel et nécessaire. Il doit surtout être fructueux, et pour cela il doit être sincère et objectif. En tout état de cause, le débat n’a pu s’engager dans la sérénité, le document ayant été « diabolisé » dès le départ.
L’examen de ce premier projet a donc été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée de Corse au bout de quelques mois, en 2009, et reporté.
Depuis 2003, ce plan a fait l’objet de toutes les discussions et de toutes les expertises ; il est aujourd’hui en panne. Ce sont donc les dispositions du schéma d’aménagement de la Corse approuvé par décret en Conseil d’État du 7 février 1992 – il y aura donc vingt ans l’année prochaine – qui sont toujours en vigueur à ce jour.
La crainte d’un développement touristique de l’île qui se ferait au détriment de son environnement littoral avait plané tout au long des débats. La peur du « tout-tourisme », de l’économie résidentielle, de la spéculation, de la dépossession et du bétonnage des côtes a abouti à la non-adoption du plan d’aménagement proposé.
Un nouveau projet a, en conséquence, été élaboré. L’Assemblée de Corse a donné son aval à l’avant-projet de loi et l’a fait compléter. Il n’y a aujourd’hui plus aucune ambiguïté sur le dessein de ce plan d’aménagement et de développement durable de la Corse.
Le nouveau projet affiche clairement une stratégie de développement durable et partagé, qui valorise les atouts propres et identitaires de la Corse.
Lors de son déplacement à Ajaccio, le 2 février 2010, le Président de la République a précisé qu’il souhaitait que soient intégrées dans le PADDUC les dispositions du Grenelle de l’environnement. Le nouveau plan d’aménagement et de développement durable de la Corse est donc la traduction d’orientations annoncées alors par le Président de la République. Il porte une vision de la Corse et de son avenir à moyen terme : un tourisme maîtrisé et équilibré en rapport avec la densité de la population résidente, un développement rural, agricole et forestier assaini financièrement, assis sur des projets collectifs et la recherche de la qualité, tel qu’il est défini dans le plan de développement rural de la Corse approuvé par l’Union européenne, un développement du tissu entrepreneurial fondé sur la responsabilisation du secteur privé, comme le prévoit le schéma directeur de développement économique, ainsi qu’une réelle valorisation du capital environnemental, inestimable richesse de la Corse.
Le nouveau PADDUC définit donc une véritable stratégie pour l’avenir de la Corse durant les quinze à vingt prochaines années, en synthétisant aussi harmonieusement que possible les grands objectifs du développement économique social et culturel, les principales orientations données à l’aménagement du territoire et surtout les préconisations faites pour assurer la protection de l’environnement.
Le projet de loi qui nous est soumis ce soir tend à modifier le contenu et la procédure d’élaboration du plan, jugée trop lourde et trop complexe. L’objectif est triple : préciser la vocation du plan en confortant son rôle de document structurant en matière d’aménagement ; intégrer les prescriptions du Grenelle de l’environnement et préciser la façon dont le plan s’inscrit dans la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme ; améliorer et simplifier la procédure d’élaboration, notamment en instaurant un débat sur les orientations fondamentales au sein de l’Assemblée de Corse.
Il importe d’insister sur le fait que, consultée sur l’avant-projet de loi, l’Assemblée de Corse, dans une délibération du 17 décembre 2010, a émis, à l’unanimité, un avis favorable, en demandant toutefois que soient pris en compte un certain nombre de modifications et d’ajouts, précisant notamment l’insertion du plan dans la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme.
Le présent projet de loi tient compte, pour l’essentiel, de ces souhaits, et il faut s’en féliciter. Il modifie le contenu du PADDUC. Il s’agit non pas de recentraliser cette démarche, mais plutôt de donner à la collectivité la possibilité d’élaborer une vision nouvelle, qui ne soit pas figée pour toujours et qui intègre la préoccupation nationale du développement durable, telle qu’elle ressort du Grenelle de l’environnement.
Les Corses souhaitent que ce plan soit le point de départ d’une nouvelle stratégie orientée vers un développement durable, la protection de l’environnement, particulièrement de l’environnement littoral, dans le respect de la loi Littoral et de la loi Montagne.
L’environnement est le ressort essentiel du développement de la Corse. Il est à la fois un atout qu’il faut préserver et un facteur de richesse. Tout découle de cette idée : les choix énergétiques, l’organisation des transports intérieurs, la conservation des terres à valeur agronomique, l’aménagement des espaces littoraux et de montagne, la préservation des sites, une bonne gestion de l’eau et du couvert végétal.
Cette stratégie doit permettre à la Corse de concilier de manière harmonieuse compétitivité, identité, aménagement et environnement.
Il est temps que la Corse prenne enfin pleinement confiance en elle-même et en ses potentialités. Elle se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire ; elle regarde vers l’avenir.
Monsieur le ministre, le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui ne peut que recueillir l’adhésion des sénateurs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est avec enthousiasme que nous voterons ce texte.
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, les continentaux qui ont la chance de découvrir la Corse éprouvent souvent un double sentiment : d’émerveillement, bien entendu, devant la beauté de ces paysages préservés, dont ils ne se lassent pas, mais aussi, presque au même degré, d’étonnement.
En effet, pour tous ceux qui connaissent les rivages bétonnés de la Méditerranée, de l’Espagne à l’Italie, découvrir des paysages aussi peu urbanisés est souvent source d’interrogations. Comment la Corse a-t-elle pu résister ainsi à l’appétit des promoteurs et aux tentations touristiques, dans une Méditerranée où un certain tourisme de masse à courte vue a pris possession de tant de rivages et de sites magnifiques ?
C’est une histoire bien complexe qui a conduit à cette situation. Je ne la détaillerai pas ici, car nous n’en n’avons pas le temps, mais elle nous a légué un patrimoine unique, que notre première responsabilité est de préserver.
L’important aujourd'hui est de nous concentrer sur l’enjeu qui se dessine : conserver sur l’Île de Beauté un équilibre entre tourisme de découverte et préservation des paysages et des cultures, assurer à la Corse un revenu touristique régulier et important tout en préservant ses attraits et ses équilibres démographiques, montrer la voie d’un tourisme soutenable et, finalement, chercher ainsi à établir un véritable « modèle corse », qui pourrait s’appliquer en d’autres lieux, en Méditerranée ou ailleurs.
La nouvelle démarche d’élaboration d’un PADDUC qui nous est proposée aujourd’hui peut répondre à ces défis. Telle est notre conviction.
Un premier projet de PADDUC, défendu par une autre majorité à l’Assemblée de Corse, a été fortement contesté par nombre d’élus et de représentants de la société civile pour sa conception centrée sur le tourisme, sacrifiant littoral et terres agricoles.
En effet, l’application de ce plan aurait supprimé 10 % des espaces naturels remarquables du littoral, soit 7 000 hectares. Les Corses ne pouvaient laisser faire cela, et ce projet a amené la constitution d’un véritable front anti-PADDUC, réunissant plusieurs dizaines d’associations, de syndicats et d’organisations politiques et culturelles appelant, au travers d’une pétition largement diffusée, à s’unir contre un modèle qui « mis[ait] sur un tourisme massif, un déséquilibre démographique et une bétonisation des côtes. […] Dans ce type de société, la démocratie régresse, le pouvoir des clans s’intensifie, les grandes multinationales et l’argent douteux gèrent l’économie et le politique. » Voilà qui était clairement énoncé !
L’adoption du présent projet de loi, alternatif à ce premier PADDUC, est donc extrêmement attendue en Corse. Arriver à un consensus sur un sujet aussi sensible que celui-ci n’était pas évident. Pourtant, l’Assemblée de Corse a adopté à l’unanimité le cadre juridique qui permettra aux habitants de l’île d’élaborer ce plan essentiel pour leur avenir. Nous nous félicitons donc de cette volonté politique, soutenue par un processus démocratique. Nous avons la conviction que notre responsabilité aujourd’hui est de prolonger cette volonté et d’aller vite, pour que la Corse puisse, enfin, assumer son rôle dans l’élaboration de son propre plan de développement.
Nombre de communes de l’île n’étant régies par aucun document d’urbanisme local, comme M. le rapporteur l’a souligné tout à l'heure, nous savons que ce cadre juridique a jusque-là cruellement fait défaut aux Corses, ce qui a conduit à des situations de grande tension et, parfois, à un non-respect pur et simple de la loi.
L’un des grands enjeux de ce prochain PADDUC sera effectivement de ne plus laisser les élus locaux seuls face aux décisions d’urbanisme, seuls face à ces appétits immobiliers parfois capables de toutes les intimidations, comme l’ont montré, malheureusement, cet été encore, plusieurs faits divers, seuls aussi face à un État qui n’agit pas toujours pour faire respecter la loi.
Cette incapacité de l’État à faire respecter le droit est l’un des graves problèmes qui se posent aujourd’hui sur l’île.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et pas seulement là !
M. Ronan Dantec. Comment demander à un maire de refuser un permis de construire s’il sait que l’État ne cherchera pas, de son côté, à faire démolir la construction illégale ? En soutenant les élus corses pour trouver, par le dialogue, les clefs du développement durable de l’île, nous devons aussi affirmer la volonté de la représentation nationale de faire respecter le droit en Corse. Dans ce cadre, la cartographie choisie est un élément central – on l’a vu au cours de ce débat –, en ce qu’elle garantit le caractère directif du PADDUC, qui doit s’imposer à tout autre document d’urbanisme et sera opposable à des initiatives individuelles.
Toujours dans cette perspective, le respect des lois Littoral et Montagne est une question majeure, et nous devons rester très vigilants sur les dérogations pouvant être accordées à l’Assemblée de Corse pour leur application. C’est en ce sens que nous avons cosigné, avec nos partenaires du groupe socialiste et apparentés, menés par Thierry Repentin, un amendement visant à inclure cette question dans le débat préalable obligatoire.
Soyons ici très clairs : pour nous, écologistes, l’autonomie donnée à l’Assemblée de Corse pour l’élaboration du PADDUC doit obligatoirement aller dans le sens du renforcement, et non pas de la fragilisation, de la loi Littoral.
Monsieur le ministre, c’est un point sur lequel nous souhaitons obtenir toutes garanties. J’ai bien noté d'ailleurs vos propos selon lesquels « les lois Littoral et Montagne resteront strictement applicables à la Corse ».
J’insisterai également sur la préservation des terres agricoles. Quand on sait que la Corse est obligée d’importer les tomates qu’elle consomme, on se rend compte à quel point la question de l’autonomie alimentaire de cette région est aujourd'hui centrale. La protection de ses terres nourricières doit être, pour la Corse, l’occasion de développer une agriculture de qualité, créatrice d’emplois et de richesses et, par conséquent, économe en carbone.
Rappelons en effet, après M. le rapporteur, que le présent texte entend intégrer les dispositions de la loi Grenelle II au PADDUC, notamment l’exigence de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À cet égard, monsieur le ministre, puisque nous évoquons le Grenelle de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, comment ne pas dire un mot du véritable scandale que constitue le projet de la centrale dite « au gaz », imposé par l’État contre l’avis des communes et contraire au PLU de la commune de Bastelicaccia ?
Ce dossier aberrant nécessiterait véritablement d’être remis à plat, sur la forme comme sur le fond.
Sur la forme, tout d’abord, car l’État, monsieur le ministre, ne peut à la fois inviter les Corses à prendre en main leur destin en matière d’urbanisme et imposer ses propres choix en termes d’infrastructures, au mépris des avis des élus locaux et des documents d’urbanisme, qui existent en l’occurrence.
Sur le fond, ensuite et surtout, car promouvoir le principe d’une centrale au gaz alors qu’il n’existe aucune garantie de connexion de cette installation au gazoduc GALSI est pour le moins cavalier et fait sérieusement craindre qu’il ne s’agisse au final d’une centrale au fioul lourd polluante, dont la mise en service serait une aberration en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
L’Assemblée de Corse s’est clairement prononcée contre ce type de centrales, et le présent débat est aussi pour moi l’occasion de souligner que l’autonomie énergétique de la Corse, grâce aux énergies renouvelables, doit faire partie des objectifs du PADDUC.
Je souhaite par ailleurs relever que l’une des modifications demandées par l’Assemblée de Corse lorsqu’elle s’est prononcée sur l’avant-projet de loi en décembre 2010 n’a pas été intégrée par le Gouvernement au présent projet de loi : celle qui porte sur la prise en compte des risques sanitaires d’origine environnementale, s’agissant particulièrement des terres amiantifères, qui sont une particularité corse. Ce point reste un sujet de préoccupation pour nous, et le dossier devra être rouvert.
Toutefois, le développement durable ne se limite pas à la protection de l’environnement : ne confondons pas les deux termes ! Parler d’urbanisation de la Corse suppose aussi d’évoquer l’accès au logement pour tous, alors que nous savons combien il est difficile, pour la population locale, de se loger, du fait de l’augmentation des prix dans les régions touristiques et, tout particulièrement, insulaires.
Le PADDUC devra être accompagné d’une véritable stratégie pour le logement, d’un plan de développement urbain des grandes villes corses, notamment en matière de logements sociaux. M. le rapporteur a rappelé tout à l'heure que le taux de logements sociaux n’était en Corse que de 10 %.
En ce sens, le PADDUC devra être enrichi des conclusions des assises du foncier et du logement menées en Corse durant plusieurs mois, avec l’ambition affichée de constituer une démarche déterminante pour le développement durable de l’île et « un préalable à l’élaboration du futur PADDUC ».
Présentées à l’Assemblée de Corse, les conclusions de ces neuf mois de débats, qui ont mobilisé plus de cinq cents personnes, insistent justement sur les outils dont aura besoin demain la Corse, en lien avec son PADDUC : un établissement public foncier, un établissement public d’aménagement et de construction de logements sociaux, une agence d’urbanisme… Il ne s'agit nullement d’une énumération à la Prévert, comme j’ai pu l’entendre dire. L’ensemble de ces outils existent déjà dans toute collectivité importante, et il est donc temps que la Corse s’en dote également.
Les perspectives sont nombreuses, et au travers de ce débat nous voyons que le PADDUC s’inscrit aujourd'hui dans une véritable logique de mobilisation de la société corse. Pour reprendre les propos de Maria Guidicelli, conseillère territoriale chargée du foncier et du logement, « pour la première fois, la Corse se dotera d’une politique du foncier et du logement. Ce sera la colonne vertébrale de notre PADDUC. Nous avons la responsabilité de lancer un processus de régulation sociale et de lutte contre la spéculation. Rien n’est pire que le statu quo. Nous sommes face à l’absolue nécessité de répondre à une urgence sociale. »
L’enjeu social de l’habitat ne doit donc pas être oublié quand on évoque le PADDUC, qui ne se limite pas aux enjeux touristiques et de la protection des paysages. Nous soutenons l’amendement de Thierry Repentin visant à ce que les organismes d’HLM puissent aussi être entendus, à leur demande, lors de l’élaboration du plan.
La Corse ne peut pas être aménagée sans que cela fasse l’objet d’un consensus entre les Corses eux-mêmes. Dotée d’une assemblée territoriale aux pouvoirs élargis, la société insulaire peut dorénavant s’appuyer sur un lieu de débat politique qui l’éloigne des pratiques clientélistes et des dérives violentes. Le consensus qu’elle a réussi à trouver sur la définition de la méthode d’élaboration de ce second PADDUC témoigne d’une maturité politique qui rompt avec les images d’Épinal.
Comme le disait le président de l’Assemblée de Corse, Dominique Bucchini, il y a quelques jours, ce projet « est une véritable rupture par rapport à ce qui avait été fait auparavant. [Ce premier PADDUC] avait été élaboré sans concertation, il va falloir aller plus loin et poser les bases d’une nouvelle politique territoriale. » Notre responsabilité est donc d’accompagner ce processus par un vote de confiance et un soutien sans ambiguïté. Les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
L’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 4424-9. – I. – La collectivité territoriale de Corse élabore le plan d’aménagement et de développement durable de Corse.
« Le plan définit une stratégie de développement durable du territoire en fixant les objectifs de la préservation de l’environnement de l’île et de son développement économique, social, culturel et touristique, qui garantit l’équilibre territorial et respecte les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l’urbanisme.
« Il fixe les orientations fondamentales en matière de protection et de mise en valeur du territoire, de développement agricole, rural et forestier, de pêche et d'aquaculture, d’habitat, de transports, d’infrastructures et de réseaux de communication et de développement touristique.
« Il définit les principes de l’aménagement de l’espace qui en résultent et il détermine notamment les espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que les sites et paysages à protéger ou à préserver, l’implantation des grandes infrastructures de transport et des grands équipements, la localisation préférentielle ou les principes de localisation des extensions urbaines, des activités industrielles, artisanales, commerciales, agricoles, forestières, touristiques, culturelles et sportives.
« La destination générale des différentes parties du territoire de l’île fait l’objet d’une carte, dont le degré de précision ne peut excéder 1/100 000e, et que précisent, le cas échéant, les documents cartographiques prévus à l’article L. 4424-10 et au II de l’article L. 4424-11.
« Le plan d’aménagement et de développement durable comporte les informations prévues par l’article L. 121-11 du code de l’urbanisme.
« Il prévoit des critères, indicateurs et modalités permettant à la collectivité territoriale de suivre l’application de ses dispositions et leurs incidences.
« II. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse prend en compte les projets d’intérêt général et les opérations d’intérêt national répondant aux conditions fixées par les articles L. 121-9 et L. 121-9-1 du code de l’urbanisme et comporte, le cas échéant, les dispositions nécessaires à leur réalisation.
« Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse prend en compte les risques naturels, sanitaires et technologiques. Il doit être compatible avec les objectifs et les orientations fondamentales des plans de gestion des risques d’inondation prévus par l’article L. 566-7 du code de l’environnement, lorsqu'ils existent, ainsi qu’avec les dispositions définies par les 1° et 3° de cet article.
« III. – Les schémas de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme, les schémas de secteur, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec le plan d’aménagement et de développement durable de Corse, notamment dans la délimitation à laquelle ils procèdent des zones situées sur leur territoire et dans l’affectation qu’ils décident de leur donner, compte tenu respectivement de la localisation indiquée par la carte de destination générale des différentes parties du territoire de l’île et de la vocation qui leur est assignée par le plan. »
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
, dont le degré de précision ne peut excéder 1/100 000e
par les mots :
, dont l’échelle est déterminée par délibération de l’Assemblée de Corse
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à supprimer la mention d’un plafond de l’échelle de la carte relative à la destination générale des différentes parties du territoire corse. Ce plafond, fixé au 1/100 000e, nous semble en effet poser problème, pour les raisons que j’ai déjà évoquées.
J’ai rappelé que, à cette échelle, un centimètre sur la carte équivaut à un kilomètre sur le terrain. La seule épaisseur d’un trait, fût-il fin, représenterait donc plusieurs dizaines de mètres dans la réalité. Il n'y a donc pas d’inquiétude à avoir sur une délimitation des zones qui se ferait parcelle par parcelle.
Au fond, je ne suis pas convaincue qu’un tel plafond soit pertinent. Retenir une échelle un peu plus élevée ne mettra pas davantage les communes sous tutelle de l’Assemblée de Corse.
Au-delà des chiffres, d’autres raisons nous ont incités à présenter cet amendement. En effet, nous ne nous contentons pas de demander la suppression de cette clause, nous suggérons de la remplacer par une mention laissant à l’Assemblée de Corse le soin de délibérer sur cette question des échelles.
En effet, une telle disposition est prévue pour toutes les autres cartographies instituées par ce texte afin de préciser le PADDUC. En outre, cela faisait partie des demandes initiales des Corses. Le débat de décembre 2010 à l’Assemblée de Corse a permis de faire ressortir la volonté de cette collectivité de s’emparer de la question de la définition des échelles ; je pense que, en effet, un tel sujet relève de sa compétence.
Certes, j’entends bien les raisons constitutionnelles qui ont poussé à préciser ainsi le texte, mais croit-on vraiment que l’Assemblée de Corse prendrait le risque d’établir un PADDUC trop précis, qui serait immédiatement frappé d’inconstitutionnalité, alors même qu’il est si nécessaire d’en instaurer un rapidement ? Nos débats et les différents rapports parus sur le sujet véhiculent tous ce message clair : le PADDUC ne doit pas descendre à un degré de précision excessif, afin que les collectivités de rang inférieur ne soient pas mises sous tutelle. Tout le monde s’accorde sur ce point. La doctrine me semble donc limpide, et nous pensons que les élus de Corse sont des gens responsables.
Soyons dès lors à notre tour raisonnables : si nous croyons véritablement en la décentralisation, la définition de l’échelle de la carte associée au PADDUC doit être laissée à l’Assemblée de Corse.
À mon sens, cette précision ne relève pas du domaine législatif, et c'est pourquoi je vous propose, mes chers collègues, cette mise en cohérence. Ma commune est dotée d’un PPRI : pour l’élaborer, nous avons été obligés de descendre à l’échelle du 1/2 000e, voire du 1/500e. Fixer un plafond au 1/100 000e ne me semble pas pertinent.
M. le président. Le sous-amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5 de l’amendement n° 5
Compléter cet alinéa par les mots :
dans le respect de la libre administration des communes et du principe de non tutelle d’une collectivité sur une autre
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Guéant, ministre. Le dépôt de ce sous-amendement est motivé par plusieurs arguments déjà exposés par les intervenants précédents, dont Mme Didier, qui soulignait à l’instant une convergence de vues sur la nécessité de concilier les larges pouvoirs conférés à l’assemblée territoriale dans l’élaboration du PADDUC avec le respect du principe de libre administration des collectivités territoriales et de celui de non-tutelle d’une collectivité sur une autre.
Je propose donc que l’amendement n° 5 soit complété par un membre de phrase rappelant la nécessité de respecter ces deux principes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur. S'agissant de l’amendement n° 5, la commission a jugé préférable de laisser à l’Assemblée de Corse la possibilité de fixer librement l’échelle de la carte générale, à charge pour elle de ne pas descendre à un degré de détail qui pourrait poser un problème de constitutionnalité. À titre personnel, je ne suis pas favorable à cet amendement, mais la commission a décidé d’y souscrire.
Concernant le sous-amendement n° 10, auquel je suis favorable à titre personnel, la commission, n’ayant pu l’étudier, s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 5 ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 10.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. La commission n’a pu analyser le sous-amendement déposé par le Gouvernement. Toutefois, considérant qu’il ne dénature nullement le texte – peut-être est-il même superfétatoire –, nous proposons au Sénat de l’adopter.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. J’ai beaucoup apprécié, madame Didier, votre lucidité à l’égard des membres de l’Assemblée de Corse : il va de soi que leur sens des responsabilités, qui est particulièrement aiguisé, ne manquera pas de s’exercer…
Cependant, à titre d’information, sachez que, sur les sept groupes que compte l’Assemblée de Corse, trois seulement étaient représentés à une réunion de la commission sur la loi Littoral qui s’est tenue cet après-midi…
Un tel comportement donne la mesure de ce qu’il en est, en réalité, du sens des responsabilités de ceux qui seront appelés demain à définir l’échelle pertinente pour la cartographie. Les échelles risquent même de varier de façon très importante selon les communes, au gré de circonstances sur lesquelles je ne m’étendrai pas…
En outre, compte tenu du poids dans l’élaboration des documents d’urbanisme des agriculteurs dont les terrains sont limitrophes de zones constructibles, on verra des terres agricoles devenir à leur tour constructibles.
Je suis contre l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Le groupe socialiste considère que la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse a conféré pleine et entière responsabilité à l’Assemblée de Corse pour élaborer le PADDUC. Nous serons donc favorables aux amendements présentés dès lors qu’ils confortent cette responsabilité et qu’ils renforcent la transparence de la procédure d’élaboration. De fait, il ne peut y avoir débat que dans la transparence : aucune décision ne doit être prise en catimini, sans que tous les acteurs ayant la légitimité nécessaire pour s’exprimer sur le contenu du PADDUC aient pu le faire. Tel est le principe qui dictera nos votes.
S'agissant de l'amendement n° 5, qui vise à donner à l’Assemblée de Corse la possibilité de définir l’échelle cartographique la plus pertinente, nous ne voyons aucun inconvénient à le voter. Nous voterons également le sous-amendement n° 10, qui tend en quelque sorte à écarter le risque d’inconstitutionnalité.
Cela étant, sur le continent, nous élaborons des documents opposables aux communes sous d’autres intitulés, par exemple les SCOT. Or le degré de précision de certains SCOT va jusqu’à l’hectare s’agissant de la destination des sols : agriculture, habitat, développement économique. Pourtant, à aucun moment, lors du débat sur le Grenelle de l’environnement, n’a été évoqué à ce propos un éventuel risque d’inconstitutionnalité au regard du principe de libre administration des communes, alors même qu’un PLU doit être totalement compatible avec un SCOT. Il apparaît donc que l’appréciation de la constitutionnalité d’une disposition peut varier selon les ministres…
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Le sous-amendement présenté par le Gouvernement précise notre amendement afin de lever toute ambiguïté. Nous le voterons donc.
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.
M. Marc Daunis. Pour information, j’indique que la première directive territoriale élaborée sur le territoire national, qui concerne les Alpes-Maritimes, est assortie d’une échelle cartographique au 1/100 000e pour la bande côtière et au 1/60 000e pour le littoral.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5, modifié.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
L’article L. 4424-12 du code général des collectivités territoriales est abrogé et l’article L. 4424-10 du même code devient l’article L. 4424-12. – (Adopté.)
Article 3
Après l’article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales, il est rétabli un article L. 4424-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 4424-10. – I. – Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse vaut schéma régional de cohérence écologique au sens de l’article L. 371-3 du code de l’environnement.
« À ce titre :
« - il recense les espaces protégés au titre du livre III et du titre Ier du livre IV du code de l’environnement, identifie les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité et définit des espaces naturels ou semi-naturels et des formations végétales linéaires ou ponctuelles qui permettent de les relier en constituant des continuités écologiques ;
« - il recense les cours d’eau, parties de cours d’eau, canaux, ou plans d'eau, figurant sur les listes établies en application des articles L. 211-14 et L. 214-17 du code de l’environnement, identifie tout ou partie des zones humides dont la préservation ou la remise en bon état contribue à la réalisation des objectifs de qualité et de quantité des eaux fixés par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux en application du IV de l’article L. 212-1 du même code, notamment les zones humides mentionnées à l’article L. 211-3 dudit code et définit les cours d’eau, parties de cours d’eau, canaux et zones humides importants pour la préservation de la biodiversité qui n’ont pas été ainsi recensés ou identifiés.
« Il prend en compte les orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques mentionnées à l’article L. 371-2 du même code.
« II. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse vaut schéma régional des infrastructures et des transports au sens de l’article L. 1213-1 du code des transports. À ce titre, il comprend tout ou partie des analyses, objectifs et actions prévus pour ce schéma par l'article L. 1213-3 du même code et par les dispositions réglementaires prises pour son application. Les dispositions du plan relatives aux services collectifs de transport s’imposent aux plans départementaux des transports.
« III. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse vaut, pour les secteurs qu’il détermine, schéma de mise en valeur de la mer au sens de l’article 57 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État. À ce titre, il définit pour lesdits secteurs les orientations, vocations, principes, mesures et sujétions particulières prévus par cet article. Les schémas de cohérence territoriale ne peuvent alors inclure ces secteurs dans le chapitre individualisé valant schéma de mise en valeur de la mer que, le cas échéant, ils comportent.
« IV. – Les dispositions prévues par les I à III du présent article sont regroupées dans des chapitres individualisés au sein du plan et sont, le cas échéant, assorties de documents cartographiques. Lorsque ces documents cartographiques ont une portée normative, leur objet et leur échelle sont déterminés par délibération de l’Assemblée de Corse. »
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
I. - Après le mot :
canaux
supprimer les mots :
, ou plans d’eau
II. - Remplacer les mots :
des articles L. 211-14 et L. 214-17
par les mots :
de l’article L. 214-17
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à supprimer l’obligation de recensement des bandes de cinq mètres longeant les cours d’eau, les canaux et les plans d’eau.
Je comprends bien entendu qu’il est important de prendre en compte les continuités écologiques qui forment la trame verte et bleue, afin de les préserver. J’y suis tout à fait favorable, comme l’ont montré mes prises de position lors du Grenelle de l’environnement.
Toutefois, il convient de ne pas oublier d’étudier les conséquences d’un tel ajout au texte. Deux arguments s’affrontent : d’un côté, il est vrai que le dispositif de l’article 6 devrait permettre de disposer de cinq ans pour élaborer et adopter le volet relatif à la protection des continuités écologiques, ce qui laisse du temps pour entrer dans le détail ; de l’autre, si nous n’étions pas favorables à la fixation d’un plafond pour l’échelle de la carte, il ne nous semble pas sage de demander l’intégration dans des documents précisant le PADDUC, qui doit demeurer un texte d’orientation, de détails dont l’ordre de grandeur est inférieur à la dizaine de mètres.
C’est à mes yeux une question de bon sens : pourquoi vouloir en même temps imposer une échelle maximale et contraindre à élaborer des cartes relatives à la trame verte et bleue d’une telle précision ? Pour faire figurer la largeur d’une bande de cinq mètres dans l’épaisseur d’un trait, il faudrait adopter une échelle de l’ordre du 1/10 000e, voire moins. À l’évidence, l’exercice n’aurait plus guère de sens…
Cela étant, si certains de nos collègues font une autre analyse, je les écouterai volontiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur. Le PADDUC vaut schéma de cohérence territoriale ou écologique et, à ce titre, il doit lister les corridors. Il s’agit non pas de dessiner des surfaces sur une carte, mais de lister les cours d’eau. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le point de vue du Gouvernement rejoint celui de la commission, qui a fort opportunément remédié à un oubli dans la rédaction du texte. Il faut effectivement prévoir, conformément au code de l’environnement, la liste des cours d’eau. En revanche, cette liste n’a pas de traduction cartographique, ni donc de conséquence en termes d’échelle.
M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Au vu de ces explications, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 8 rectifié bis, présenté par MM. Alfonsi, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collin, Mme Laborde, M. Vall et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. L’amendement n° 8 rectifié bis vise à supprimer la faculté accordée à l’Assemblée de Corse de fixer l’échelle des documents cartographiques ayant une portée normative.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Alfonsi, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collin, Mme Laborde, M. Vall et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéa 9, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et selon les modalités prévues au cinquième alinéa du I de l'article L. 4424-9.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Il s’agit d’un amendement de repli par rapport au précédent, prévoyant que lorsque les documents cartographiques ont une portée normative, leur objet et leur échelle seront fixés selon les dispositions de l’alinéa visé de l’article 1er du projet de loi. En particulier, le degré de précision ne pourra excéder 1/100 000e.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur. L’amendement n° 8 rectifié bis vise à supprimer purement et simplement la possibilité, pour l’Assemblée de Corse, de prévoir pour certaines zones couvertes par le PADDUC une cartographie plus précise que la carte générale au 1/100 000e.
L’article 3 traite des zones correspondant aux trois types de schémas auxquels le PADDUC sera équivalent : le schéma régional de cohérence écologique, le schéma régional des infrastructures et des transports, le schéma de mise en valeur de la mer.
Je rappelle que, dans sa délibération sur l’avant-projet de loi, l’Assemblée de Corse avait demandé que lui soit accordée la possibilité de déterminer librement l’échelle de toute la cartographie associée au PADDUC. Cela lui a été refusé par le Gouvernement, qui a décidé, après avis du Conseil d'État, de prévoir une échelle minimale de 1/100 000e pour la carte générale. La commission a décidé de supprimer ce seuil minimal à l’article 1er. Elle ne peut donc être que défavorable à cet amendement.
Concernant l'amendement n° 9 rectifié bis, il n’est pas plus acceptable aux yeux de la commission. En effet, il vise à imposer l’échelle de 1/100 000e pour toute la cartographie annexée au PADDUC, ce qui empêcherait que des cartes particulières limitées à certaines zones précisent la carte générale. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Je l’ai indiqué d’emblée : le Gouvernement a souhaité donner satisfaction à l’Assemblée de Corse dans toute la mesure où cela est compatible avec le respect des libertés communales. Il lui semble légitime que, pour certaines portions du territoire, l’échelle cartographique puisse être différente, afin d’obtenir un degré plus élevé de précision. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Il serait tout de même souhaitable, monsieur le ministre, que vous nous précisiez votre définition des « espaces géographiques limités » à caractère « stratégique » – la portée juridique de ces mots est extrêmement forte ! – visés dans le projet de loi. Il y a une cause à tout : quelle est celle qui justifie que, pour de tels espaces aussi mal définis, liberté soit donnée à l’Assemblée de Corse de déterminer l’échelle cartographique pertinente, alors que, à l’article 1er, il était initialement prévu que le degré de précision ne pourrait excéder 1/100 000e ?
La réponse, me dit mon petit doigt, est simple : il s’agissait de concilier la volonté exprimée par l’Assemblée de Corse de déterminer elle-même les échelles pertinentes et l’avis du Conseil d’État selon lequel il fallait retenir un degré de précision maximal de 1/100 000e.
Quant à votre sous-amendement, monsieur le ministre, il est évident que le principe de libre administration des communes doit être respecté ! Il est superflu de le préciser dans un texte de loi, sauf s’il y a une bonne raison à cela…
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 4424-11. – I. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut préciser les modalités d’application, adaptées aux particularités géographiques locales, des articles L. 145-1 et suivants du code de l’urbanisme sur les zones de montagne et des articles L. 146-1 et suivants du même code sur les zones littorales.
« Les dispositions du plan qui précisent ces modalités sont applicables aux personnes et opérations qui sont mentionnées respectivement aux articles L. 145-2 et L. 146-1 dudit code.
« II. – Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse peut, compte tenu du caractère stratégique au regard des enjeux de préservation ou de développement présentés par certains espaces géographiques limités, définir leur périmètre, fixer leur vocation et comporter des dispositions relatives à l’occupation du sol propres auxdits espaces, assorties le cas échéant de documents cartographiques dont l’objet et l’échelle sont déterminés par délibération de l’Assemblée de Corse.
« En l’absence de schéma de cohérence territoriale, de plan local d'urbanisme, de schéma de secteur, de carte communale ou de document en tenant lieu, les dispositions du plan relatives à ces espaces sont opposables aux tiers dans le cadre des procédures de déclaration et de demande d’autorisation prévues par le code de l’urbanisme. »
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Didier et Schurch, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
les modalités d’application
supprimer les mots :
, adaptées aux particularités géographiques locales,
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Cet amendement vise à faire préciser par M. le ministre la signification exacte, s’agissant des modalités d’application des lois Montagne et Littoral, des mots : « adaptées aux particularités géographiques locales », introduits par M. le rapporteur en commission.
Le rapporteur nous avait alors dit que cette expression se comprenait d’elle-même et relevait du simple bon sens, mais ne s’agit-il pas d’ouvrir la porte à des dérogations à ces deux lois ?
À ce stade, il convient de revenir sur un débat qui s’est tenu au Parlement en 2001. Il s’agissait alors de savoir comment concilier le développement d’une île qui accusait un retard économique important par rapport au continent avec la préservation d’un environnement exceptionnel.
À l’époque, si les parlementaires verts et communistes avaient accepté le transfert d’un certain nombre de compétences et la possibilité d’adapter certaines dispositions réglementaires et législatives sous le contrôle étroit du Parlement, ils avaient tenté de restreindre autant que possible la capacité donnée à la collectivité corse d’adapter les lois Littoral et Montagne aux particularités locales.
Il est en effet indispensable de disposer de suffisamment de recul et d’être indépendant des contingences économiques locales pour prendre des décisions sages sur des questions qui intéressent le long terme, les générations futures et un patrimoine auquel sont attachés, au-delà des Corses, l’ensemble des Français.
Voici un exemple de particularité géographique locale corse devant être conservée : alors que plus de 60 % du littoral provençal est artificialisé, moins de 20 % du littoral corse est dans ce cas.
Il ne s’agit pas ici de mettre en doute la volonté des élus corses de protéger le patrimoine naturel de leur territoire, qui fait la force et l’attractivité de celui-ci, mais, comme je l’ai dit, ils sont aussi confrontés à une exigence de développement, qui constitue de fait une forme de pression à laquelle il leur est difficile de résister.
Le droit actuel autorise déjà des constructions légères destinées à l’accueil du public, par dérogation à la loi Littoral, alors que l’on sait quels problèmes cela peut poser : souvenons-nous de l’affaire de la paillote Chez Francis.
C’est peut-être un aveu, par l’État, de son incapacité à exercer un contrôle de légalité satisfaisant sur les permis de construire, due à un manque de moyens des services préfectoraux.
En définitive, si le littoral corse est encore, pour le moment, plutôt bien préservé en comparaison du littoral de la France continentale, c’est aussi parce que les lois Montagne et Littoral s’appliquent. Pour le coup, une application stricte de la loi permet de prendre en compte la particularité géographique locale essentielle de la Corse : celle d’être une montagne dans la mer. Cette configuration unique en France fait de ce territoire une perle dont le littoral ne doit pas connaître un traitement similaire à celui qu’a subi le littoral du continent.
Au fond, autoriser une adaptation de l’application des lois Montagne et Littoral en Corse aurait pour effet d’amener les élus de l’île à commettre les mêmes erreurs que sur le continent. Si pour l’heure la Corse est encore épargnée par le bétonnage, c’est aussi parce que la quasi-totalité des communes sont soumises soit à la loi Littoral, soit à la loi Montagne, soit à ces deux lois en même temps. Cela peut apparaître, aux yeux de certains, comme un carcan entravant le développement touristique, mais je pense qu’il convient de ne pas envisager le développement du tourisme en Corse comme on a longtemps pu le faire sur le littoral provençal ou languedocien.
L’opposition entre développement touristique et préservation de l’environnement ne date pas d’hier. On oublie qu’il y va aussi de la préservation d’un mode de vie corse qui se distingue du mode de vie sur le continent.
Bien entendu, les dispositions de la loi Littoral ne sont pas exemptes d’une certaine rigidité, mais cette nécessaire rigidité fait la force de ce texte, et il me semble qu’on lui a déjà apporté bien assez d’assouplissements.
Monsieur le ministre, j’attends d’entendre vos explications sur le sens exact à donner à l’alinéa 2 de l’article 4.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur. Cet amendement porte sur le texte adopté par la commission la semaine dernière, qui reprend la rédaction du premier alinéa de l’actuel article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, lequel prévoit que « le plan d'aménagement et de développement durable peut préciser les modalités d'application, adaptées aux particularités géographiques locales, des articles L. 145-1 à L. 146-9 du même code relatifs aux dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral ».
Il ne s’agit donc pas, madame la sénatrice, de donner à l’Assemblée de Corse le droit d’adapter les lois Littoral et Montagne ; ce sont les modalités d’application de ces lois qui peuvent être adaptées aux particularités géographiques locales, par exemple au relief.
La commission vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. L’avis du Gouvernement rejoint tout à fait celui de la commission : il s’agit bien d’adaptations des modalités d’application des lois Littoral et Montagne. Il n’est pas du tout question de donner à la collectivité territoriale de Corse la possibilité d’adapter ces lois elles-mêmes, et il n’y a donc aucun risque d’affaiblissement ou de dénaturation de leurs dispositifs protecteurs.
Au bénéfice de ces explications, je demande à Mme Didier de bien vouloir envisager le retrait de son amendement.
M. le président. Madame Didier, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Évelyne Didier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Alfonsi, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collin, Mme Laborde, M. Vall et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 7 rectifié bis, présenté par MM. Alfonsi, Barbier, Bertrand, Chevènement et Collin, Mme Laborde, M. Vall et Mme Escoffier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et selon les modalités prévues au cinquième alinéa du I de l'article L. 4424-9.
Par coordination avec les votes intervenus à l’article 3, je constate que ces amendements n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
Les articles L. 4424-13 et L. 4424-14 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4424-13. – I. – Le projet de plan d’aménagement et de développement durable de Corse est élaboré par le conseil exécutif.
« La stratégie et les orientations envisagées font l’objet d’un débat, préalable à cette élaboration, au sein de l’Assemblée de Corse.
« Sont associés à l’élaboration du projet de plan le représentant de l’État dans la collectivité territoriale de Corse, les départements, les communes ou leurs groupements compétents en matière d’urbanisme, les chambres d’agriculture, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et le centre régional de la propriété forestière. Des organisations professionnelles peuvent également être associées, dans les mêmes conditions, à son élaboration. L’Assemblée de Corse peut décider de consulter toute autre organisation sur le projet de plan.
« Le représentant de l’État porte à la connaissance du conseil exécutif les projets d’intérêt général et les opérations d’intérêt national répondant aux conditions fixées par les articles L. 121-9 et L. 121-9-1 du code de l’urbanisme, ainsi que les plans de prévention des risques.
« Le projet de plan arrêté par le conseil exécutif et, le cas échéant, les projets de délibérations prévues par l’article L. 4424-12 du présent code, sont soumis pour avis à l’autorité de l’État compétente en matière d’environnement, au conseil économique, social et culturel de Corse ainsi qu’au conseil des sites de Corse. Ces avis sont réputés émis et, en ce qui concerne les conseils, favorables s’ils n’ont pas été rendus dans un délai de trois mois. Éventuellement modifiés pour tenir compte des avis recueillis, ces projets sont délibérés par l’Assemblée de Corse puis, assortis desdits avis, soumis à enquête publique par le président du conseil exécutif dans les conditions prévues par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.
« Après l’enquête publique, le plan d’aménagement et de développement durable, éventuellement modifié pour tenir compte des résultats de l’enquête publique, est à nouveau délibéré par l’Assemblée de Corse. Les dispositions du plan prises en application de l’article L. 4424-12 font l’objet de délibérations particulières et motivées de l’Assemblée de Corse.
« II. – Des délibérations de l’Assemblée de Corse précisent la procédure d’élaboration prévue par le présent article.
« Art. L. 4424-14. – I. – Le plan d’aménagement et de développement durable de Corse peut être modifié, sur proposition du conseil exécutif, lorsque les changements envisagés n’ont pas pour effet de porter atteinte à son économie générale. Les dispositions du III de l'article L. 121-10 du code de l’urbanisme sont applicables.
« Les modifications envisagées sont soumises pour avis aux personnes publiques, organismes et organisations dont l’association est prévue par l’article L. 4424-13 du présent code. Leur avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de trois mois.
« Après enquête publique, les modifications sont approuvées par l’Assemblée de Corse.
« II. – À l’expiration d’un délai de six ans à compter de la date d’approbation du plan d’aménagement et de développement durable, le conseil exécutif procède à une analyse globale des résultats de son application notamment du point de vue de l’environnement.
« Cette analyse est soumise à l’avis du conseil économique, social et culturel de Corse, communiquée au public et transmise à l’Assemblée de Corse. L’Assemblée délibère sur le maintien en vigueur du plan d'aménagement et de développement durable de Corse, sur sa modification, ou sur sa révision, complète ou partielle.
« Le plan d’aménagement et de développement durable est révisé selon les modalités prévues pour son élaboration par l'article L. 4424-13.
« III. – Des délibérations de l’Assemblée de Corse précisent les procédures de modification et de révision prévues par le présent article. »
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La stratégie et les orientations envisagées, notamment en application de l’article L. 4424-11, font l'objet d'un débat, préalable à cette élaboration, au sein de l'Assemblée de Corse.
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux. Cet amendement vise à intégrer dans le champ du débat public les dérogations accordées à l’Assemblée de Corse pour la mise en œuvre des lois Littoral et Montagne.
Sans revenir sur cette possibilité d’adaptation conférée à l’Assemblée de Corse, il s’agit d’en faire un des axes du débat préalable obligatoire dans le cadre de l’élaboration du projet.
Certes, ces dispositions ne sont pas nouvelles, mais elles touchent tout de même à des sujets sensibles.
De même, et bien que la commission ait encadré, par le biais de l’adoption d’un amendement, les conditions dans lesquelles l’Assemblée de Corse définira les « espaces géographiques limités » présentant un « caractère stratégique » au regard des enjeux de préservation ou de développement, nous tenons à ce que la définition de ces espaces et ces décisions soient réellement débattues, a fortiori si, comme le précise le texte, elles sont rendues opposables aux tiers dans toutes les communes soumises au règlement national d’urbanisme, ce qui est le cas de la majorité des communes du centre de l’île.
Nous souhaitons faire confiance aux élus corses, mais nous entendons aussi que le PADDUC soit un document légitime et juridiquement sûr. C’est la raison pour laquelle nous demandons que les modalités particulières d’application de cette « super-DTA » régionalisée fassent l’objet d’un débat public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur. Cet amendement prévoit que le débat d’orientation préalable au sein de l’Assemblée de Corse devra aussi porter sur les décisions prises en application de l’article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, c’est-à-dire, d’une part, sur les précisions apportées aux modalités d’application des lois Montagne et Littoral, et, d’autre part, sur la définition de certains espaces géographiques limités à caractère stratégique.
Cette précision est bienvenue, ces deux sujets sensibles devant en effet être expressément abordés lors du débat d’orientation préalable si l’on veut que celui-ci permette au conseil exécutif de bien baliser le terrain avant de s’engager dans l’élaboration du projet de PADDUC.
L’avis de la commission est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Il s’agit en effet d’une précaution utile et je voterai cet amendement, qui renforcera la sécurité juridique du PADDUC en élargissant le champ du débat d’orientation préalable.
J’attire cependant l’attention sur le fait que plus il y a de sujets à aborder, plus la tenue d’un tel débat prend du temps.
Par ailleurs, s’agissant de la faculté de procéder à des adaptations, elle existe depuis la réforme constitutionnelle de 2003, qui a introduit l’expérimentation législative. Cela étant, l’Assemblée de Corse se bornera à émettre des avis sur des projets du Gouvernement, jamais elle n’élaborera d’elle-même un texte définissant les adaptations souhaitables, car tout est trop complexe, trop relatif : que signifie, par exemple, la notion d’espace remarquable ? Le maquis est un espace remarquable au pôle Nord, mais pas en Corse !
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Repentin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
1° Alinéa 4, première phrase
Remplacer les mots :
compétents en matière d’urbanisme,
par les mots :
à fiscalité propre, ainsi que les établissements publics mentionnés à l'article L. 122-4 du code de l'urbanisme,
2° Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si un organisme mentionné à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation en fait la demande, le président de l’Assemblée de Corse lui notifie le projet de plan afin de recueillir son avis. Cet avis est réputé favorable s'il n'a pas été rendu par écrit dans un délai de deux mois.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement vise à associer à l’élaboration du projet de plan toutes les parties normalement prenantes à l’élaboration des directives territoriales d’aménagement et de développement durable, dans l’esprit de l’article L. 113-2 du code de l’urbanisme.
En particulier, la rédaction actuelle du texte n’inclut les intercommunalités que si elles exercent la compétence en matière d’urbanisme. Or, en Corse, ce n’est le cas d’aucune des vingt communautés de communes et des deux communautés d’agglomération ; seul un syndicat intercommunal à vocation unique exerce cette compétence.
Les intercommunalités exercent pourtant des compétences tout à fait significatives en matière d’aménagement, de développement économique ou de logement. Nous proposons donc d’associer à l’élaboration du projet de PADDUC les responsables de SCOT.
En outre, nous socialistes avions été à l’origine d’une avancée majeure s’agissant de l’élaboration des SCOT, qu’il nous paraît opportun de reprendre ici : nous souhaitons que les organismes d’HLM puissent être entendus, à leur demande, dans le cadre de l’élaboration du PADDUC.
En effet, les problèmes de logement ne sont pas moins importants en Corse qu’ailleurs, puisqu’il manquerait entre 6 000 et 8 000 logements sociaux sur l’île.
Nous souhaitons donc appeler l’attention de l’Assemblée de Corse et des collectivités sur l’urgence de construire des logements à prix abordables. À nos yeux, les acteurs les mieux à même d’aborder ce problème criant sont les organismes d’HLM.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Houpert, rapporteur. La première partie de cet amendement vise à élargir la liste des organismes associés à l’élaboration du PADDUC à tous les groupements de communes à fiscalité propre, et non pas seulement aux groupements compétents en matière d’urbanisme, d’une part, aux établissements publics chargés d’élaborer un schéma de cohérence territoriale, d’autre part.
Deux SCOT sont actuellement en cours d’élaboration sur l’île, en Balagne et dans la région d’Ajaccio.
La seconde partie de l’amendement prévoit que les organismes d’HLM puissent, à leur demande, donner leur avis sur le projet de PADDUC. Une disposition analogue existe pour l’élaboration des SCOT. Elle se justifie particulièrement en Corse, où la question du logement locatif est devenue cruciale et où le manque de logements sociaux est patent.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. S’agissant des organismes d’HLM, le Gouvernement se rallie à l’amendement.
Il lui semble cependant que quelques problèmes de rédaction se posent par ailleurs. En effet, l’amendement vise les communes ou leurs groupements à fiscalité propre, ce qui signifie que seules les communes isolées seraient associées à l’élaboration du PADDUC, alors que cette catégorie est appelée à disparaître.
En outre, si le Gouvernement est favorable à l’adjonction de la mention des établissements publics chargés d’un SCOT, il considère que, sur le plan rédactionnel, il serait préférable d’indiquer que sont associés à l’élaboration du PADDUC les établissements publics ayant effectivement la compétence en matière de SCOT.
Au total, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Il nous semble que notre amendement peut être voté tel que nous l’avons présenté.
M. le président. La rédaction pourra peut-être évoluer au cours de la navette !
M. Jean-Jacques Mirassou. Peut-être !
M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote sur l'article.
M. Marc Daunis. L’adoption de ces deux amendements est particulièrement importante, dans la mesure où elle permettra de renforcer la transparence dans l’élaboration du PADDUC. Cela me paraît fondamental.
M. Alfonsi s’est interrogé tout à l’heure sur la signification de la notion d’espaces géographiques limités présentant un caractère stratégique. Nous nous sommes posé exactement la même question, mon cher collègue, il y a plus de dix ans, lors de l’élaboration de la directive territoriale d’aménagement des Alpes-Maritimes. La réponse figure dans le document adopté en 2003 : pour les Alpes-Maritimes, ces espaces à caractère stratégique sont Sophia Antipolis et la plaine du Var, celle-ci faisant aujourd’hui l’objet d’une opération d’intérêt national.
Les zones littorales périurbaines encore peu construites présentent également un caractère stratégique au regard des enjeux de préservation et de développement. Or si on laisse faire, elles risquent de subir un « mitage » avant de finalement disparaître.
Un travail de concertation extrêmement intéressant a été réalisé dans notre département. Nous faisons confiance à cette démarche et aux élus. La Corse partage sans doute cette aspiration à maîtriser son destin, pour que son urbanisation, pour l’heure moins développée qu’ailleurs, puisse se dérouler dans de bonnes conditions.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
I. – Le I de l'article L. 371-4 du code de l’environnement est abrogé.
II. – Si le plan d’aménagement et de développement durable de Corse est approuvé moins de deux ans après la première publication des orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques mentionnées à l’article L. 371-2 du code de l’environnement, il peut l’être sans chapitre valant schéma régional de cohérence écologique. Il est modifié ou révisé dans un délai de cinq ans à compter de son approbation pour que ce chapitre y soit inséré.
III (nouveau). – Si le plan d’aménagement et de développement durable de Corse est approuvé moins d’un an après la date à laquelle a été arrêté un plan de gestion des risques d’inondation prévu par l’article L. 566-7 du code de l’environnement, il est, si nécessaire, modifié ou révisé dans un délai de deux ans pour satisfaire à l'obligation de compatibilité fixée par le deuxième alinéa du II de l'article L. 4424-9 du code général des collectivités territoriales. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, j’ai indiqué, lors de la discussion générale, que je n’avais pas l’esprit chagrin. Cependant, trente ans d’expérience me conduisent à être sceptique.
Je ne suis pas persuadé que le texte que nous allons voter ce soir comporte des dispositions géniales… S’il constituait ne serait-ce qu’un progrès, je le voterais volontiers. Quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas, par mon abstention, troubler une belle unanimité, si rare dans cet hémicycle ! C’est une question de courtoisie…
Cela étant précisé, mon scepticisme tient au fait que, au lieu d’évoquer l’élaboration d’un schéma d’aménagement dans un désert, il eût peut-être été préférable, à mon sens, de s’intéresser à la réalisation, d’ici à 2040, de la route à deux voies de Bastia à Bonifacio… La collectivité territoriale de Corse a consacré en dix ans 700 millions d’euros à la mise à niveau de 500 kilomètres de route territoriale dite nationale !
M. Marc Daunis. C’est vrai !
M. Nicolas Alfonsi. Aujourd’hui, un automobiliste met quatre heures pour se rendre de Bastia à Bonifacio ; en été, cela représente une épreuve !
M. Marc Daunis. Que fait l’État ?
M. Nicolas Alfonsi. Je doute que le plan puisse être achevé à l’échéance prévue, compte tenu de la multitude des parties prenantes à son élaboration, d’autant qu’un nouveau front anti-PADDUC risque fort de se constituer.
Telle est ma conclusion et, ayant à peu près tout dit, je voterai néanmoins le texte.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. M. Alfonsi vient en quelque sorte de nous appeler à voter ce texte à l’unanimité…
M. Nicolas Alfonsi. Comme à l’Assemblée de Corse ! (Sourires.)
M. Thierry Repentin. Un certain scepticisme régnait pourtant encore, voilà quelques jours, quant à la portée du projet de loi qui nous est soumis. Nous ne souhaitions pas, en particulier, que donner aux élus de l’Assemblée de Corse les outils nécessaires pour gérer au mieux l’avenir de leur territoire puisse éventuellement déboucher sur une altération de ces textes très importants que sont la loi Littoral et la loi Montagne. Le débat a permis de dissiper cette crainte que nous pouvions avoir.
Par ailleurs, ont été adoptés un certain nombre d’amendements visant à donner encore plus de latitude à l’Assemblée de Corse, notamment pour la définition de la cartographie accompagnant le PADDUC, ainsi que des amendements tendant à assurer une grande transparence dans la procédure d’élaboration et à ne laisser au bord du chemin aucun acteur ayant la légitimité pour s’exprimer sur le contenu de ce document.
Si un vote unanime intervient tout à l’heure sur ce texte, ce sera un message de confiance adressé non pas au Gouvernement, mais aux élus de l’Assemblée de Corse, qui seront responsables, devant la population de leur territoire, de l’utilisation des outils qui leur auront été confiés pour préparer l’avenir de l’île. À plus court terme, les électeurs corses auront l’occasion de se prononcer sur la mise en œuvre des dispositions législatives que nous allons voter.
Compte tenu de l’adoption de nos amendements, nous voterons ce texte. Goûtez, monsieur le ministre, ce rare plaisir, car une telle unanimité ne se reproduira pas de sitôt dans notre assemblée ! (Sourires.)
M. Nicolas Alfonsi. Rendez-vous dans vingt ans !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. J’ai indiqué lors de la discussion générale que nous avions une double volonté : sécuriser l’urbanisme en Corse – c’était une demande forte des élus de l’île – et obtenir que soient préservées la loi Montagne et la loi Littoral.
Nous avons fait notre travail de législateur, la balle est maintenant dans le camp des Corses. Certains d’entre eux sont très sceptiques, mais, au plus près des réalités, on est plus sensible à toutes les querelles qui peuvent se développer. Quoi qu’il en soit, il revient maintenant à la Corse de prendre en main ses destinées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Comme vient de le dire Mme Didier, il appartient désormais aux élus corses, et au-delà à l’ensemble de la population de l’île, de s’emparer des outils que leur offre ce texte afin de maîtriser leur destin.
Nous voterons ce texte sans réticence, en espérant que l’avenir démontrera non seulement qu’il était pertinent, mais qu’il répondait bien aux vœux de la population et des élus corses.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
15
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, 19 octobre 2011 :
À quatorze heures trente :
1. Projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables (n° 783, 2010-2011).
Rapport de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 21, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 22, 2011-2012).
À vingt et une heures trente :
3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (n° 30, 2011-2012).
Rapport de Mme Nicole Bricq, fait au nom de la commission des finances (n° 35, 2011 2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 19 octobre 2011, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART