Sommaire
Présidence de M. Thierry Foucaud
3. Agence nationale des voies navigables. – Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; M. Francis Grignon, rapporteur de la commission de l’économie.
MM. Daniel Dubois, Philippe Esnol, Mme Mireille Schurch, MM. Christian Bourquin, Alain Chatillon, Robert Navarro, Mmes Françoise Laborde, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. François Patriat, Louis Nègre, Joël Labbé, Roland Ries, Jean-Jacques Mirassou.
M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 12 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, Daniel Raoul, président de la commission de l'économie ; Louis Nègre, Daniel Dubois. – Rejet.
M. Roland Courteau.
Amendement n° 8 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Amendement n° 9 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 10 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, le président de la commission, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Amendement n° 14 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, Louis Nègre, Alain Fouché, le président de la commission. – Rejet.
Amendements identiques nos 11 rectifié de Mme Mireille Schurch et 3 rectifié de M. Philippe Esnol. – Mme Mireille Schurch, MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Mirassou, Daniel Dubois. – Retrait de l’amendement no 11 rectifié ; adoption de l’amendement no 3 rectifié.
Amendement n° 1 de M. Philippe Esnol. – Retrait.
Amendement n° 2 de M. Philippe Esnol. – MM. Roland Ries, le rapporteur, le ministre, Joël Labbé, Roland Ries, Jean-Jacques Mirassou. – Adoption.
Amendement n° 15 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Mirassou. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 16 de la commission et sous-amendement n° 18 de Mme Mireille Schurch. – M. le rapporteur, Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 6 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 7 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch.
MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Jacques Mirassou, Mme Mireille Schurch, M. le président de la commission. – Retrait de l’amendement no 7 ; rejet du sous-amendement no 18 ; adoption de l'amendement no 16 rédigeant l'article, l’amendement no 6 devenant sans objet.
Amendement n° 17 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 5 de M. François Patriat. – MM. François Patriat, le rapporteur, le ministre, Daniel Dubois. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
M. Jean-Jacques Mirassou, Mmes Mireille Schurch, Marie-Hélène Des Esgaulx, M. le président de la commission.
Adoption du projet de loi.
MM. le rapporteur, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
4. Désignation d'un sénateur en mission
6. Troisième loi de finances rectificative pour 2011. – Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement ; Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; M. Philippe Marini, président de la commission des finances.
7. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
8. Troisième loi de finances rectificative pour 2011. – Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi modifié
Discussion générale (suite) : Mme Marie-France Beaufils, MM. Jacques Mézard, Jean Arthuis, François Marc, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Georges Patient, Maurice Vincent, Jean-Vincent Placé.
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Clôture de la discussion générale.
Mme Marie-France Beaufils.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé.
Adoption de l’ensemble de la première partie du projet de loi.
Amendement n° 1 de la commission. – Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances ; MM. le ministre, Philippe Marini, président de la commission des finances. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé, modifié.
Amendement n° 2 de la commission. – Mme la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé.
Mme Nathalie Goulet.
Amendement n° 6 de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 7 rectifié de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, MM. le ministre, le président de la commission. – Adoption.
Amendements nos 10 et 11 de Mme Nathalie Goulet. – Mmes Nathalie Goulet, la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 3 de la commission. – Mme la rapporteure générale.
Amendements nos 4 et 5 de Mme Marie-France Beaufils. – Mme Marie-France Beaufils.
Mme la rapporteure générale, M. le ministre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean Arthuis, François Trucy, François Marc, Yannick Botrel. – Adoption de l’amendement no 3, les amendements nos 4 et 5 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° 8 rectifié de Mme Marie-France Beaufils. – Mmes Marie-France Beaufils, la rapporteure générale, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 12 de M. Maurice Vincent. – M. Maurice Vincent, Mme la rapporteure générale, M. le ministre, Mme Nathalie Goulet, M. Yann Gaillard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
M. le ministre.
Article 1er et état A (pour coordination)
Amendement no 13 du Gouvernement. – Adoption.
Adoption de l’ensemble de l’article et de l’état annexé, modifié.
M. le président de la commission, Mme Marie-France Beaufils.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi.
9. Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Dépôt de documents
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :
- en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, l’avenant n° 2 à la convention entre l’État et l’Agence nationale de la recherche relative au programme d’investissements d’avenir, action « Instituts hospitalo-universitaires », publiée au Journal officiel du 30 juillet 2010 ;
- en application de l’article 1er de la loi n° 2009 967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, le troisième rapport annuel sur la mise en œuvre de cette loi.
Acte est donné du dépôt de ces documents.
Le premier a été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires sociales et à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, le second à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
3
Agence nationale des voies navigables
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables (projet n° 783 [2010-2011], texte de la commission n° 22, rapport n° 21).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à Voies navigables de France qui vous est soumis aujourd’hui est une nouvelle traduction concrète des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de transport. Il est en effet l’expression de la volonté, partagée par tous les acteurs concernés, de renforcer le report modal vers la voie d’eau et de faire évoluer la part du transport non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Face à ses voisins allemands, néerlandais ou belges, qui ont misé très tôt sur les capacités de la voie d’eau en matière de transport de fret, la France prend, à son tour la pleine mesure du formidable potentiel de développement du transport fluvial. Les excellents chiffres du trafic de fret, notamment en 2010, avec une progression de 8,6% des volumes transportés, témoignent du regain et de la vigueur de ce mode de transport, en démontrent la faisabilité et laissent ouverte la possibilité d’aller plus loin. Pour la première fois depuis les années soixante-dix, le transport de fret a dépassé en 2010 les 8 milliards de tonnes–kilomètres sur une année.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, vise donc à nous permettre de rattraper notre retard par rapport à nos voisins européens – voire à les dépasser –, et à dessiner les contours du mode fluvial de demain. Il prévoit, pour ce faire, de modifier en profondeur l’organisation du service public de la voie d’eau.
Comme vous le savez, le Grenelle de l’environnement a donné au transport fluvial un caractère prioritaire. Le programme prévu par la loi Grenelle 1, avec la réalisation du canal Seine-Nord Europe, la régénération du réseau magistral et l’organisation de débats publics sur de nouvelles liaisons à grand gabarit, a en effet permis au transport fluvial de franchir une première étape.
Pour autant, l’organisation du service public de la voie d’eau n’est pas optimale. C’est d’elle qu’il est question aujourd'hui.
L’établissement public industriel et commercial créé en 1991 pour exploiter, entretenir, améliorer, développer et promouvoir les voies navigables – Voies navigables de France – ne maîtrise pas encore suffisamment aujourd’hui les moyens indispensables à sa gestion. Il n’exerce en effet qu’une autorité limitée sur les agents qui lui sont pourtant entièrement dédiés et qui sont indispensables à son bon fonctionnement. L’établissement ne contrôle également que très peu sa propre organisation territoriale.
Surtout, l’état des lieux du réseau impose la mise en place d’actions urgentes d’amélioration. Une réforme du service public de la voie d’eau est donc aujourd’hui nécessaire.
En effet, la volonté de mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens suppose non seulement d’accroître la compétitivité du transport fluvial et de disposer d’un réseau modernisé et fiabilisé mais également de s’appuyer sur une organisation plus efficace, en confiant la responsabilité de la gestion de ce réseau et des moyens correspondants à une entité unique.
C’est pourquoi la principale disposition du projet de loi consiste à transformer Voies navigables de France en un établissement public administratif de l’État, qui regroupera les 400 salariés de l’actuel établissement et les 4 500 agents des services déconcentrés de l’État qui, de fait, travaillent pour lui. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et d’unifier les compétences et les moyens au sein d’un nouvel établissement au service de la voie d’eau.
Concrètement, le projet de loi donne désormais au directeur général de l’établissement autorité sur toutes les catégories de personnels de l’établissement : les fonctionnaires, les ouvriers des parcs, des ateliers et des bases aériennes de l’État, les agents contractuels de droit public ainsi que les salariés régis par le code du travail. Le directeur général aura également des compétences en matière de rémunération, de gestion, de recrutement et de formation afin de lui permettre de développer une politique d’emploi adaptée.
Pour aboutir à ce projet, Thierry Mariani et moi-même avons mené une large concertation avec les représentants des personnels du ministère et de Voies navigables de France, tant sur le contenu de la réforme que sur les contours du nouvel établissement public. Il en est ressorti un consensus sur le développement de la voie d’eau, à laquelle les personnels sont extrêmement attachés. À travers l’engagement dont ils ont fait preuve par le passé et à l’occasion des discussions que nous avons menées, ils ont tous témoigné de l’intérêt qu’il portait à ce « métier de passion ».
Cette indispensable concertation a également permis de définir les garanties à apporter aux agents.
Nous avons ainsi veillé à ce que le projet de loi garantisse à chaque catégorie d’agent le maintien de son statut ou la conservation des stipulations de son contrat.
Nous nous sommes également attachés à ce que le regroupement des instances de gouvernance, de concertation et de représentation des personnels au sein du nouvel établissement tienne compte de la diversité des salariés. Cette vision partagée nous a dès lors permis de signer un protocole d’accord avec la majorité des organisations syndicales. C’est sur la base de ce dernier qu’est fondé le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.
Le Gouvernement, je le dis solennellement, est très attaché au respect des équilibres qui ont pu être trouvés dans le cadre de cette concertation, afin que puissent être apportées les meilleures garanties qui soient à la concrétisation future d’une véritable communauté de travail, qui est toute l’ambition de ce projet de loi.
Le second apport du projet de loi est de renforcer les missions de l’établissement afin d’affirmer sa contribution à la réalisation des objectifs du Grenelle en matière de développement du transport fluvial, et ce en parfaite complémentarité des autres modes de transport.
Cet objectif vise prioritairement le grand gabarit. Mais sachez que le réseau touristique et l’indispensable prise en compte des préoccupations d’aménagement du territoire ne sont pas oubliés. Je sais à quel point le Sénat est attaché à ces problématiques.
Le projet de loi renforce les missions historiques d’entretien, d’exploitation et de développement de la voie d’eau de l’établissement, en confortant son rôle en matière de développement durable et d’aménagement du territoire. Il prend notamment en compte la diversité des vocations de la voie d’eau comme réseau de transport, qu’il soit dédié au fret ou au tourisme.
Le rôle de l’établissement en matière de gestion hydraulique est également renforcé afin que soient pris en considération les enjeux liés au partage de la ressource en eau, et je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, combien ce point est important à vos yeux.
Enfin, dans la perspective d’accroître les ressources de l’établissement et de lui permettre de valoriser le domaine de l’État qui lui est confié, le projet de loi lui confère également des compétences nouvelles pour exploiter, à titre accessoire – ce n’est pas, j’y insiste, son objet principal –, l’énergie hydraulique des cours d’eau, au moyen d’installations ou d’ouvrages situés sur le domaine public fluvial. Il s’agit de mettre au service de la voie d’eau, en motivant l’opérateur qui la gérera, des ressources qui lui seront extrêmement utiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons de fêter l’anniversaire de Voies navigables de France : vingt ans après sa création, il était temps d’en faire un établissement disposant des leviers et des moyens qui lui permettront d’aller encore plus loin et d’atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement que j’évoquais il y a un instant.
Les ressources que je viens de citer ne sont pas les seules, mais ces ressources nouvelles témoignent de notre ambition.
Pour mettre en œuvre les objectifs ambitieux du Grenelle, l’établissement a besoin de bien d’autres volumes financiers. Il disposera ainsi de moyens supplémentaires afin de moderniser, restaurer et sécuriser le réseau.
Concernant le grand gabarit, l’objectif est d’ouvrir la navigation vingt-quatre heures sur vingt-quatre, comme le font déjà nos voisins du nord ; c’est d’ailleurs une des clés de leur succès.
Pour ce qui concerne le réseau touristique, il s’agit de mettre en place une offre de service adaptée, qui tienne compte de la saisonnalité de ce secteur et de la réalité des besoins.
La mise en ouvre du programme d’investissements par VNF aura également un impact important, positif, sur les conditions de travail des agents, notamment en matière de sécurité au travail. Les barrages manuels seront ainsi progressivement remplacés, parallèlement à la remise en état des équipements de sécurité des ouvrages.
Pour ce programme, l’État a décidé d’attribuer à l’établissement des ressources supplémentaires, notamment par l’augmentation de la taxe hydraulique que vous avez votée l’an dernier et qui devrait apporter à l’établissement 30 millions d’euros en année pleine. Ces ressources sont affectées au financement d’un plan d’investissement de 840 millions d’euros pour les années 2010 à 2013, un niveau jamais atteint depuis la création de l’établissement. Ces moyens additionnels sont véritablement un gage de réussite de la réforme et une illustration supplémentaire des ambitions qui sont les nôtres dans ce domaine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au moment de conclure mon propos et sans préjuger des améliorations que vous apporterez à ce projet de loi, je souhaite que nos débats permettent de dégager la meilleure organisation possible du service public de la voie d’eau.
Ce texte, vingt ans après la création de VNF, est en effet une étape essentielle, cruciale, dans le développement de la voie d’eau, que nous sommes très nombreux, ici, à appeler de nos vœux.
Il est fondateur d’une nouvelle ambition pour notre pays. Je l’ai dit : nous pouvons rattraper, et même dépasser, nos voisins du nord. Mais, pour cela, nous avons besoin d’un opérateur renouvelé, doté de nouvelles compétences, de nouveaux moyens et d’une nouvelle organisation.
Conformément aux exigences du Grenelle de l’environnement, le Gouvernement a tenu, dans le respect et l’écoute de l’ensemble des acteurs concernés, à faire de ce texte l’assise de cette ambition renouvelée du transport fluvial que, j’en suis convaincue, vous partagez. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi en commission s’est déroulé dans des conditions particulières, puisque j’ai été désigné rapporteur provisoire le 7 septembre, avant d’être confirmé dans mes fonctions le 6 octobre. Je remercie les présidents et les membres successifs de la commission de m’avoir fait confiance.
Ce projet de loi vise, pour l’essentiel, à regrouper dans un même établissement public les 400 salariés de Voies navigables de France et les 4 400 agents des services de l’État qui travaillent pour les voies navigables. En effet, depuis sa création en 1991, l’État a confié à l’établissement public VNF la gestion de la plus grande partie du domaine public fluvial, en gardant les services de la navigation dans le giron du ministère. Ainsi, VNF est donneur d’ordre, mais il n’a pas d’autorité hiérarchique sur les services de la navigation : en termes de management, on appelle cela l’autorité « fonctionnelle », et tout gestionnaire sait combien ce système gêne l’action.
Vingt ans après, le Gouvernement propose de mettre fin à cette organisation : c’est d’autant plus opportun, et nécessaire, que l’heure est à la relance de la voie d’eau pour atteindre le report modal fixé par le Grenelle de l’environnement.
Ce projet de loi a été négocié avec les organisations représentatives des personnels concernés pendant six mois. Les négociations ont abouti, au début de l’été dernier, à la signature de deux documents cadres. Pour les agents publics, un protocole d’accord a été signé le 24 juin dernier par la CGT, la CFDT, l’UNSA ; seule FO a voté contre. Pour les salariés du privé, un accord cadre a été accepté le 1er juillet par la CFDT, seule organisation représentative du personnel de VNF.
Que disent ces accords ? D’abord, que l’établissement public industriel et commercial VNF devient un établissement public administratif, dénommé « Agence nationale des voies navigables » ; que les voies navigables demeurent la propriété de l’État ; que les avantages individuels et collectifs des agents publics et des salariés du privé sont préservés : leur emploi, bien sûr, mais également leurs avantages statutaires ou contractuels, individuels et collectifs. Ces accords précisent ensuite qu’aucun agent ne se verra imposer une mobilité géographique. Enfin, ils affirment que la relance de la voie d’eau concerne toutes les voies navigables, et pas seulement celles qui sont dédiées au fret. Dans ces conditions, on comprend pourquoi l’acceptabilité sociale a pu être majoritairement obtenue.
Nous sommes nombreux, cependant, à constater le décalage entre l’ampleur du travail à accomplir pour développer nos voies navigables et la focalisation si étroite de ce texte : tous les grands sujets d’aménagement du territoire en sont absents, puisqu’on ne fait ici que changer la gouvernance de VNF.
En réalité, c’est dans le schéma national d’infrastructures de transport, le SNIT, et dans les budgets successifs que nous aurons une première réponse à la problématique des voies navigables en France. Pour l’heure, il vaut mieux faciliter l’effort entrepris en acceptant ce texte, même partiel, et en l’améliorant.
Je voudrais néanmoins évoquer en quelques mots la problématique de nos voies navigables. Je n’étonnerai personne en disant qu’elles sont en mauvais état et qu’elles sont peu adaptées au fret contemporain. Nos voies navigables sont parmi les plus longues d’Europe, avec 8 500 kilomètres, mais leur gabarit est insuffisant, notre réseau manque de cohérence et les équipements sont généralement en très mauvais état, faute d’entretien, et ce depuis des dizaines d’années.
Dans la compétition logistique entre la route, le fer et l’eau, les voies navigables ne sont économiquement avantageuses qu’à partir d’un certain seuil de « massification » : elles peuvent être compétitives pour le transport lorsqu’elles peuvent faire circuler des péniches de plus de 650 tonnes, c'est-à-dire lorsque les voies sont dites « à grand gabarit ».
Or, sur l’ensemble de notre réseau, à peine 20 % de nos voies navigables atteignent ce seuil ; songez qu’en Allemagne c’est 70 % des voies navigables qui sont à grand gabarit ! On comprend pourquoi une autoroute fluviale relie le port de Rotterdam à Duisbourg, en Allemagne, d’où partent chaque jour une centaine de trains vers le reste de l’Europe...
Qui plus est, nos voies d’eau à grand gabarit sont mal reliées entre elles, car elles sont enclavées dans nos grands bassins : c’est tout l’enjeu du canal Seine-Nord, dont nous allons reparler, que de relier le bassin de la Seine au reste de l’Europe par la voie navigable.
Nos grandes voies d’eau enfin manquent d’entretien. Dans le rapport qu’il nous a remis en avril dernier sur l’état de nos voies navigables, le Gouvernement constate lui-même que le réseau est « vieilli, usé » et il chiffre la modernisation des seules voies à grand gabarit à 2,5 milliards d’euros, dont 1,2 milliard d’euros pour sa simple remise en état.
On comprend, dans ces conditions, les difficultés du report modal : depuis dix ans, le fret fluvial progresse de 9 % chaque année, notamment grâce aux conteneurs, mais sa part dans le trafic global est stable, en dessous de 4 %. C’est dire que nous avons du chemin à faire pour atteindre l’objectif intermodal du Grenelle. Pour le seul fret fluvial, il faudrait doubler le trafic d’ici à 2018 !
L’intérêt de nos voies d’eau, cependant, va bien au-delà du seul secteur du transport. Nous redécouvrons que nos voies navigables sont une chance pour notre pays : elles sont importantes pour l’accès à l’eau potable, pour l’industrie et pour l’agriculture. Nos barrages et les réservoirs sont utiles dans la prévention des inondations ou bien encore en cas de sécheresse. Les voies d’eau prennent de la valeur dans la vie quotidienne de nos concitoyens : on ne compte plus les aménagements de berges et les programmes de rénovation de quais dans les villes, témoins de cette redécouverte des plaisirs au fil de l’eau et de la qualité de vie au bord d’un canal.
Nos voies navigables, enfin, sont un facteur d’attractivité important pour la France, qui se glorifie d’être la première destination touristique mondiale. En d’autres termes, le gestionnaire de la voie d’eau doit, bien évidemment, se soucier du trafic fluvial ; mais il participe également à une mission bien plus large d’aménagement durable du territoire, une mission qui implique peu ou prou les collectivités publiques dans leur ensemble – État et collectivités territoriales – et à laquelle nos concitoyens sont très attentifs.
Le Gouvernement, pour atteindre l’objectif intermodal du Grenelle, investit dans le fluvial. L’idée d’une « relance de la voie d’eau » n’est pas nouvelle : c’est même celle qui a présidé à la création de VNF, il y a vingt ans, par le gouvernement de M. Rocard. « Le renouveau fluvial est un fait européen », avait déclaré le ministre de l’équipement Michel Delebarre. L’État confiait alors la gestion de son réseau à l’EPIC VNF, en lui affectant le produit d’une taxe nouvelle : la taxe hydraulique, qui représente aujourd’hui plus des deux tiers des ressources de l’établissement public.
L’État, cependant, a laissé son établissement public bien seul pendant de bien longues années. Songez qu’il a fallu attendre la fin de l’année 2004 pour que l’État formalise une stratégie, dans un contrat d’objectifs et de moyens, alors que la loi de 1991 prescrivait la définition d’un document stratégique pour cadrer l’action de son établissement public.
C’est donc seulement dans les années 2000 que la relance de la voie d’eau a pris de la consistance. Depuis le Grenelle de l’environnement, les choses s’accélèrent. Ainsi, le canal Seine-Nord, dont la réalisation a été annoncée pour 2019, permettra d’ouvrir la voie vers l’Europe du nord.
Dans ces conditions, VNF a défini en 2010 un programme très ambitieux, d’un montant global de 2,5 milliards d’euros pour la décennie. Ce programme comprend des investissements pour élargir les gabarits, moderniser les barrages et les écluses, ouvrir les voies principales 24 heures sur 24, comme chez nos voisins belges, hollandais et allemands.
L’État concentre donc ses efforts sur le fret fluvial compétitif, c’est-à-dire sur les voies à grand gabarit, avec en ligne de mire l’objectif du report modal défini par la loi de programme du Grenelle.
Les moyens suivront-ils ? Je crois que nous pouvons tous reconnaître que les investissements progressent. Du début des années 2000 à aujourd’hui, le rythme des investissements a quasiment doublé : nous sommes passés de 100 millions d’euros par an à 185 millions l’an passé, et VNF compte investir 200 millions cette année. Il y a eu le plan de relance, qui a apporté 50 millions d’euros annuels en 2009 et 2010. Pour cette année, nous avons voté une augmentation de la taxe hydraulique en loi de finances, qui devrait rapporter 30 millions supplémentaires, et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France contribuera pour 40 millions. Les régions contribuent également, dans le cadre des contrats de plan État-région : pour la période 2010-2013, les crédits contractualisés représentent un peu plus de 20 % des investissements programmés par VNF.
Ce rythme encourageant, qui correspond au programme de VNF pour les dix ans à venir, sera-t-il tenu ? Il est bien sûr difficile de le garantir, mais les engagements tenus à ce jour me paraissent justifier notre entier soutien à l’action entreprise : le programme de modernisation de notre réseau à grand gabarit est enfin lancé, il faut le soutenir !
Je crois donc que c’est ainsi qu’il nous faut comprendre ce texte : nous allons parler établissement public, institutions représentatives du personnel, modalités de transfert des personnels en cas de décentralisation des voies d’eau, mais le souffle qui anime ce texte, vous l’avez compris, est ailleurs. Le Gouvernement investit pour la voie d’eau et il compte, avec ce texte technique, lui donner les meilleures chances d’arriver à bon port, ce qui ne nous interdit pas, bien entendu, d’améliorer les dispositions proposées !
Sans entrer dans le détail, je relèverai que la commission a apporté des améliorations sur quatre points.
Premièrement, nous avons maintenu le nom de VNF à l’établissement gestionnaire des voies navigables : depuis vingt ans, VNF a acquis une notoriété, en particulier auprès de ses clients, et les agents des services de la navigation utilisent des vêtements de travail et des véhicules siglés « VNF ». Dans ces conditions, le maintien du nom nous est apparu de bon sens et de bonne gestion.
Deuxièmement, nous avons élargi et précisé les missions de l’établissement public. Le Gouvernement propose d’en faire un établissement public administratif, parce que VNF, après le regroupement, comptera 93 % d’agents de droit public, parce que 85 % de ses ressources proviendront de subventions et de taxes, mais aussi parce que les agents des services de la navigation ont manifesté leur préférence pour un EPA, dans lequel ils voient une garantie pour leur emploi.
Nous devons nous assurer, cependant, que ce statut n’empêche pas l’action de l’établissement en matière de développement de la voie d’eau, lequel a une forte composante industrielle et commerciale.
C’est pourquoi la commission a accepté de confier à cet EPA des compétences qui relèvent généralement de l’EPIC.
Le législateur peut tout à fait composer le type d’établissement public qu’il estime le plus souhaitable par rapport à l’objectif visé. Il est même le seul à pouvoir le faire, en vertu de l’article 34 de la Constitution, qui dispose que la loi détermine les grands principes et donne au pouvoir réglementaire les indications pour que ces grands principes soient respectés.
En conséquence, la commission a accepté que VNF puisse conduire des opérations d’aménagement pour valoriser le domaine public fluvial, y compris en créant des filiales et en prenant des participations dans des sociétés et groupements.
La commission a toutefois établi un lien plus direct de ces opérations avec les missions de VNF. Ainsi, nous débattrons à l’article 1er de l’opportunité de deux conditions supplémentaires : celle d’un capital majoritairement public pour les filiales et les sociétés auxquelles VNF aura recours, et celle d’une concertation avec les collectivités territoriales.
S’agissant toujours des missions, la commission a tenu à lever toute ambiguïté sur le fait que l’État conserve bien une compétence générale sur les voies navigables non transférées aux collectivités locales.
Nous avons bien évidemment complété la mission de gestion hydraulique, en précisant que VNF devrait concilier les usages diversifiés de la ressource aquatique et assurer l’entretien comme la surveillance des ouvrages et des aménagements hydrauliques.
Nous avons inclus dans les missions de VNF la conservation du patrimoine qui lui est afférent.
Troisièmement, nous avons cherché à accompagner au mieux le regroupement des agents de droit public et des salariés de droit privé. Le texte prévoit ainsi que VNF les comptera tous dans son personnel, de manière pérenne. C’est reconnaître que « la communauté du fluvial » a deux composantes, l’une publique, l’autre privée, partageant le même objectif : développer les voies navigables.
Dès lors, nous avons adopté une rédaction indiquant clairement au pouvoir réglementaire que chacune de ces deux composantes doit pouvoir s’exprimer collectivement, dans le fonctionnement ordinaire et pérenne de VNF. Ce principe a des répercussions très précises sur le nombre de représentants du personnel au conseil d’administration, ainsi que sur les institutions représentatives du personnel. Nous y reviendrons amplement dans l’examen des articles.
Quatrièmement, enfin, nous avons tenu à éviter tout empiètement de ce texte sur les accords passés entre l’État et les collectivités territoriales sur le transfert de voies navigables. La décentralisation des voies dites « secondaires » est un enjeu très important. Le présent texte se contente donc de préciser que les transferts à venir, qui restent facultatifs, se feront depuis VNF, et non plus depuis l’État. Cependant, cette modalité technique ne doit pas être défavorable aux accords d’expérimentation passés à ce jour, comme c’est le cas pour la région Bourgogne. Pour s’en assurer, la commission a précisé la rédaction du texte.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte technique et limité dans son objet…
MM. Roland Courteau et Jean-Jacques Mirassou. Très limité !
M. Francis Grignon, rapporteur. … me paraît donc utile, voire indispensable, à la relance de la voie d’eau, même si, bien sûr, il n’y suffira pas à lui seul. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Les pouvoirs publics engagent un effort financier sans précédent depuis des décennies ; VNF n’a pas ménagé sa peine pour orchestrer la relance ; les agents de la communauté du fluvial sont mobilisés : apportons-leur notre soutien ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je débuterai mon intervention par une question : était-il nécessaire de changer le statut de VNF pour rassembler sous une même bannière – ce qui est évidemment nécessaire – les quelque 5 000 personnes œuvrant pour les voies navigables ?
En droit, la réponse est non.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Exact !
M. Daniel Dubois. Il n’y a pas d’obstacle juridique à ce que des agents publics intègrent un établissement public industriel et commercial.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Très bien !
M. Daniel Dubois. Il n’existe pas non plus d’ailleurs d’obstacle en opportunité : à l’heure où le Gouvernement recherche plus de souplesse dans sa gestion administrative, il aurait eu intérêt à ce que les futurs employés de VNF aient systématiquement un contrat de droit privé.
Pour l’image que renvoie VNF, j’aurais naturellement souhaité le maintien du statut d’EPIC, car c’est bien une mission industrielle et commerciale que réalise VNF. La logique économique doit d’ailleurs dicter la cohérence de la gestion du domaine public fluvial, et notamment de ses investissements stratégiques, pour le développement du fret fluvial et multimodal. Malheureusement, on en parle assez peu.
C’est tout à fait dommage car, comme cela a été souligné tant par M. le rapporteur qu’en commission des affaires économiques, le présent projet de loi offrait justement l’opportunité de renforcer cette approche.
Le changement de nature de l’établissement est donc pour moi et pour le groupe que je représente une contorsion plus qu’une nécessité.
Du coup, on fait rentrer artificiellement dans un établissement public administratif des missions et des financements propres aux établissements publics industriels et commerciaux, faisant finalement en l’occurrence de VNF une structure ad hoc, voire – j’ose le dire – un bâtard. (M. le président de la commission de l’économie proteste.) J’assume mes propos !
Au demeurant, madame la ministre, il me semble opportun de souligner l’intérêt évident qu’il y a à rassembler les salariés sous une même bannière, un même commandement. Nous sommes sur ce point tout à fait d’accord. Je crois d'ailleurs que la plupart d’entre nous souscrivent à cette réforme de bon sens.
En effet, jusqu’à présent, comme cela a été dit tout à l’heure, si VNF employait directement 369 salariés de statut privé, il utilisait également 4 400 agents des services déconcentrés de l’État mis à sa disposition par le ministère chargé des voies navigables. Le personnel relevait donc à la fois de l’autorité fonctionnelle de VNF et de l’autorité hiérarchique du ministère, ce qui posait évidemment des difficultés de gestion, de responsabilisation du personnel et de modernisation de l’établissement.
Cette réforme me semble donc tout à fait nécessaire. Elle donne à VNF une structure managériale plus solide, plus lisible, lui permettant de mener plus efficacement ses missions de modernisation et de développement des voies navigables. Et, dans ce domaine, il y a effectivement du travail !
Ce n’est donc pas l’objet même de la réforme que nous contestons. Ce sont plutôt les montages juridiques.
Les voies fluviales navigables ont longtemps été délaissées. L’entretien et l’exploitation des quelque 2 000 ouvrages – écluses, barrages... – appartenant à VNF font l’objet d’un sévère sous-investissement. En conséquence, notre réseau fluvial n’est pas compétitif aujourd’hui, alors même que le trafic de conteneurs explose ! Le réseau fluvial national dispose de réserves de capacité importantes et pourrait recevoir trois à quatre fois plus de trafic selon les sections concernées.
À l’instar de nos façades maritimes, c’est de l’or bleu qu’il met entre nos mains. Or nous ne faisons pas assez pour son développement, même s’il est vrai que le Gouvernement a engagé des réformes de fond qui étaient nécessaires ; je pense à la réforme des ports.
Il est donc urgent d’entreprendre aujourd’hui la modernisation et le développement du réseau et de réaliser des plateformes logistiques multimodales sur le domaine public fluvial. Cela permettrait l’accroissement du trafic fluvial.
Des chantiers d’ampleur doivent être engagés, selon une stratégie bien définie. Ainsi, nous pourrons nous approcher de l’objectif du Grenelle de l’environnement, qui vise à faire passer le fret non routier de 14 % à 25 % en quinze ans.
Monsieur le ministre, il aurait été souhaitable, à ce propos, que le Gouvernement inscrive ces objectifs dans le présent projet de loi. Nous déplorons ce manque. Le texte aurait dû prendre en compte cet enjeu, et c'est la raison pour laquelle nous soutiendrons un amendement tout à fait cohérent qui va dans ce sens.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Daniel Dubois. Au vu de l’ampleur de la modernisation des voies fluviales à entreprendre, on peut se féliciter, d’une part, que le nouvel établissement conserve ses leviers financiers de péages et de taxes et, d’autre part, que l’État finance la « dot de la mariée », à hauteur de 840 milliards d’euros. Le réseau en a effectivement bien besoin.
Je ne doute pas que cette somme sera bien utilisée et qu’elle sera reconduite pour que le schéma national des infrastructures de transport que l’on a adopté en début d’année puisse tenir ses promesses.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Daniel Dubois. En outre, monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur l’intérêt qu’il y a à mieux associer les collectivités dans le fonctionnement de l’Agence.
Il nous faudrait réfléchir par exemple à une ouverture plus large du conseil d’administration aux élus locaux, pour améliorer le dialogue entre VNF et les collectivités. Par ailleurs, l’opacité de nombreuses décisions prises ces dernières années en matière de police de l’eau a multiplié les contentieux. Élargir le conseil d’administration serait donc vraiment souhaitable.
À défaut, l’institution d’un médiateur permettrait de régler les problèmes, en relation avec les collectivités concernées.
Il y a en tout état de cause sur ce sujet un vrai problème, qu’il convient de régler.
Enfin, dans la perspective de la modernisation du réseau de fret fluvial et en tant qu’élu de la Somme, je souhaite saluer l’engagement du Président de la République. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mais, mes chers collègues, il faut reconnaître ce qui est ! Vous ne pouvez pas à la fois défendre les voies fluviales et ne pas noter que, si le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe voit le jour, c’est bien grâce à la volonté du Président de la République !
M. Claude Bérit-Débat. On ne peut en dire autant du canal du Midi !
M. Daniel Dubois. En tous les cas, dans le Nord et dans la Somme, nous en sommes conscients.
Il est évident que, si le Président de la République n’avait pas lancé la procédure de dialogue compétitif, le chantier du canal Seine-Nord Europe n’aurait pas été engagé. Or il s’agit d’un enjeu majeur à la fois pour le développement du fret fluvial et pour le renforcement de la présence de notre pays dans ce secteur. Ce constat est incontournable.
Le fait de relier le nord de l’Europe au Bassin parisien va permettre de transporter de l’ordre de 13 millions à 15 millions de tonnes de marchandises, soit l’équivalent de 500 000 poids lourds, par an (Pas mal ! sur les travées de l’UMP.), sur l’un des corridors de transit les plus empruntés d’Europe, à savoir l’axe Paris-Amsterdam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste et républicaine soutient l’ensemble du projet de loi, à l’exception des deux points que j’ai soulevés tout à l'heure : la forme juridique de la nouvelle structure et le manque d’ambition au regard de l’enjeu stratégique qui est en cause.
J’espère que le nouveau statut de VNF ne fera pas obstacle à son développement industriel et commercial, qui est attendu par les territoires et par les entreprises. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Esnol.
M. Philippe Esnol. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est important et je suis très heureux, en tant que sénateur récemment élu dans les Yvelines, de m’être vu confier la charge d’exprimer la position du groupe socialiste sur un tel sujet.
En effet, nous voterons dans quelques minutes sur une série de mesures, techniques certes, mais essentielles pour l’organisation et les conditions de travail de près de 5 000 agents – 4 400 agents publics de l’État et 400 agents privés employés à ce jour par Voies navigables de France. Il s’agit de permettre à l’ensemble de ces agents de mieux travailler ensemble à la promotion et à l’exploitation du réseau fluvial français en les regroupant au sein d’un même établissement. Nous verrons au cours de notre discussion si les conditions sont remplies pour atteindre cet objectif ; mais c’est à ces femmes et à ces hommes, qui travaillent chacune et chacun au service de notre pays, qu’il nous faut d’abord penser en abordant l’examen de ce texte.
Ce projet de loi s’insère bien évidemment dans une stratégie plus globale d’essor du trafic fluvial, plus particulièrement du transport de marchandises et de fret, qui relève, j’y insiste, d’une impérieuse nécessité, notre pays ayant accumulé un grave retard en termes d’investissements publics et d’infrastructures depuis de trop nombreuses années.
Sur ce sujet, monsieur le ministre, vous ne trouverez chez les socialistes que des alliés. En effet, la promotion du trafic fluvial est une préoccupation que nous partageons sans réserve, comme nos amis écologistes bien évidemment.
La France est dotée de 8 500 kilomètres de voies navigables. Or nos routes sont saturées, notamment par le trafic de marchandises, et le report modal n’est plus une simple option : il est devenu nécessité.
En ce domaine, le Grenelle de l’environnement, aux objectifs duquel nous souscrivons largement, même si nous déplorons souvent l’insuffisance des moyens affectés à leur réalisation, fixe un chiffre clair : porter de 14 % à 25 % la part cumulée du fret ferroviaire et fluvial dans le transport de marchandises.
Il y aurait beaucoup à dire – et à redire – sur la manière dont la politique de fret de la SNCF est réduite à la portion congrue. Les fermetures de gares de triage, l’absence de volonté politique et la frustration des cheminots sont des éléments suffisamment parlants… Mais tout cela ne fait pas partie de notre ordre du jour.
Concernant le transport fluvial, l’enjeu consiste tout simplement à doubler le trafic actuel. Cet objectif, nous pouvons l’atteindre, tant nous sommes en retard au regard de nos possibilités et par rapport aux grands ports fluviaux du nord de l’Europe, comme Rotterdam ou Bruges. Nous sommes en retard, surtout, en termes d’investissements publics. Songez que nos infrastructures fluviales ont été modernisées pour la dernière fois dans les années 1920, qui ont vu l’achèvement du programme Freycinet ! Il nous faut passer à une nouvelle étape du transport fluvial et remettre en état un réseau qui ne répond plus aux normes internationales, accroître les capacités et les gabarits du réseau principal, assurer la sécurisation des voies, garantir la mise en conformité environnementale du réseau et de son exploitation, permettre, aussi, l’essor du réseau secondaire dans les domaines du tourisme, des loisirs et de la plaisance, qui sont réellement porteurs de développement au niveau local.
Sur tous ces sujets, nous considérons qu’il faut faire confiance à Voies navigables de France et lui donner les moyens d’agir, en réalisant notamment le plan d’investissement annoncé pour la période 2010-2018.
Vous comprendrez que l’élu des Yvelines que je suis insiste tout particulièrement sur la nécessité d’une stratégie globale et coordonnée avec les collectivités territoriales, dans tous les programmes d’aménagement conduits dans ce cadre. La ville de Conflans-Sainte-Honorine, dont je suis le maire, participe à l’opération d’intérêt national « Portes de Paris », dont l’enjeu majeur est le développement du trafic et le renforcement de la Seine en tant qu’axe principal d’échanges depuis l’Atlantique vers le reste de l’Europe ainsi que, bien sûr, en sens inverse.
Concernant ces points vitaux, sur lesquels, je le répète, nous visons les mêmes objectifs que le Gouvernement, le groupe socialiste déposera des amendements tendant à la précision et à l’amélioration du projet de loi.
Nous voulons, d’une part, nous assurer que l’établissement nouvellement créé par le projet de loi conserve dans ses missions une obligation de respect des territoires, de leurs activités et de leur cohérence, très concrètement en veillant à la compatibilité des opérations d’aménagement avec les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, qui auront été votés localement par les collectivités territoriales concernées.
Nous voulons, d’autre part, dissiper un malentendu qui pourrait résulter de la rédaction actuelle du projet de loi et qui ne doit pas perdurer. Vous verrez que, si nous ne sommes pas hostiles par principe à ce que le nouvel établissement puisse procéder à la création de filiales et à des prises de participations, nous proposerons des amendements qui permettront de beaucoup mieux les encadrer légalement, afin d’écarter toute tentation d’en faire une activité de pure valorisation foncière et immobilière. De telles activités, vous en conviendrez, ne relèveraient pas d’un exercice correct des missions assignées à un établissement chargé de la promotion et de l’exploitation de notre réseau fluvial... Mais nous reviendrons dans le détail sur ces questions au cours de la discussion des articles.
Venons-en enfin à ce qui constitue le cœur de ce projet de loi, à savoir le regroupement des personnels publics et privés au sein de VNF. Sur ce sujet, nous sommes très clairs : c’est le respect absolu du dialogue social qui doit toujours prévaloir, à savoir le respect des accords négociés et acceptés par les syndicats représentatifs.
Parmi les points mis en avant, à juste titre, par les syndicats, figure bien évidemment le respect de la double représentation, au sein du comité technique unique comme du conseil d’administration, des personnels de droit public, d’une part, et des personnels de droit privé, d’autre part. Nous refuserions, à l’évidence, une fusion des personnels à marche forcée, comme votre gouvernement en a malheureusement conduit dans de désastreuses conditions et avec de déplorables résultats ; je pense à Pôle emploi en particulier.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. Philippe Esnol. Aussi, le groupe socialiste, ainsi que ses amis et partenaires, sera extrêmement vigilant sur ces points tout au long de la discussion. Nous savons que des difficultés juridiques ont été soulevées par le Conseil d’État dans la transcription textuelle de l’accord ; mais nous veillerons à ce que les demandes des organisations syndicales et les engagements pris à leur égard par le Gouvernement soient strictement et rigoureusement respectés.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Philippe Esnol. Tel est, en quelques mots, l’état d’esprit des sénateurs socialistes et de leurs amis au début de l’examen du projet de loi qui nous est soumis : état d’esprit constructif, enthousiaste quant à la nécessité de développement du transport fluvial, attentif au devenir des personnels qui en auront la charge dans la nouvelle entité, vigilant quant au respect intégral du dialogue social, exigeant sur les missions de service public – et seulement de service public ! – que remplira l’agence.
Vous le voyez, nous sommes ouverts à la discussion et à l’amélioration de ce projet de loi ; je suis heureux que nous nous y engagions ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi constitue une étape cruciale, comme l’a dit Mme la ministre, mais il a suivi une route sinueuse avant d’arriver dans notre hémicycle : entre le projet initial avancé par le Gouvernement et le texte discuté aujourd’hui, il ne reste plus grand-chose de commun.
Ainsi, c’est en prenant appui sur une disposition votée dans le cadre de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite loi Grenelle 1, relative à l’étude de la pertinence du transfert en pleine propriété des voies navigables à VNF, que le Gouvernement a engagé sa réflexion sur la refonte du cadre organisationnel du secteur des voies navigables.
Ce secteur présente en effet une particularité institutionnelle, avec l’existence d’un EPIC, Voies navigables de France, disposant en propre de 380 agents, auquel s’ajoutent les 4 400 agents de l’État mis à disposition de cet établissement public. Cette particularité constitue, selon le Gouvernement, une anomalie mettant à mal l’efficacité de ce service. La volonté qui a présidé à l’élaboration de ce texte est donc celle de l’unification des personnels au sein d’une structure unique, en dehors – comme le soulignait notre rapporteur – de toute considération de la nature des missions confiées au nouvel établissement et de tout effort pour la relance de la voie d’eau. Ce projet de loi est donc avant tout celui de la gouvernance.
Cette question a pourtant toute son importance et mérite que nous l’examinions sérieusement. Ainsi, la démarche initiale du Gouvernement a bien été engagée dans une logique libérale d’externalisation des missions de service public, voire, à terme, de privatisation – les syndicats ne s’y sont d’ailleurs pas trompés !
Ainsi, de manière très claire, la nouvelle organisation revêtait également aux yeux de ses partisans l’avantage non négligeable de permettre une « optimisation des ressources affectées à la voie d’eau », objectif très éloigné de toute relance de la voie d’eau, de la révolution écologique prônée par le ministre de l’époque, …
M. Jean-Jacques Mirassou. Et même annoncée !
Mme Mireille Schurch. … et qui revient au contraire à livrer ce secteur, pieds et poings liés, aux politiques de rigueur et d’austérité.
Aussi, nous souhaitons saluer les avancées considérables obtenues dans le cadre des protocoles d’accord signés, respectivement, le 24 juin 2011 entre le ministère et les trois organisations syndicales représentatives des personnels d’État et le 1er juillet 2011 entre VNF et la CFDT, seule organisation représentative de ses salariés, concernant la préservation des droits des personnels dans le nouvel établissement public.
Par ailleurs, le Gouvernement a reculé en abandonnant le projet de constitution de la nouvelle agence sous la forme d’un EPIC, pour privilégier la solution de l’établissement public administratif, ou EPA. Nous sommes en accord avec cette évolution qui correspond à l’affectation normale des personnels fonctionnaires et ouvriers des parcs et ateliers de l’équipement.
Au demeurant, compte tenu du besoin de cohérence de l’ensemble des acteurs de la voie d’eau et des missions de service public de cet établissement, nous considérons que le statut le plus adapté est bien celui d’établissement public administratif, y compris au regard des compétences marginales de cette agence en termes de réglementation et de police de la navigation.
Nous sommes également satisfaits que l’État renonce, par cet accord, au transfert de la propriété des voies d’eau, mais également à la fermeture de voies navigables : il s’agit d’un acquis précieux. Nous sommes en effet particulièrement attachés à l’unicité et à l’intégrité des réseaux de transports en général, qu’ils soient ferroviaires ou fluviaux, car il s’agit d’un élément clef de l’aménagement du territoire, dont dépend la qualité du service et son niveau d’ambition.
Sur le fond, comment appréhender toute évolution, ne serait-ce qu’institutionnelle, de la voie d’eau sans tenir compte des enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et donc du développement des transports alternatifs à la route, conformément aux objectifs de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ?
Je pourrais évoquer également les autres enjeux liés au développement de la voie d’eau, comme la gestion de la ressource aquatique – notamment la régulation des plans d’eau pour assurer l’équilibre hydraulique et hydrologique du système complexe des voies et cours d’eau – ou des questions relatives à la préservation de la biodiversité.
Pour concrétiser cette ambition, des pistes étaient évoquées, notamment par l’article 11 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement indiquant que le réseau fluvial magistral ferait l’objet d’un plan de restauration et de modernisation dont le montant financier devra être clairement établi. Mais il n’est plus question de cet engagement dans nos débats et nous le regrettons !
Comme nous le pensons tous, le principal problème dont souffre la voie d’eau tient au sous-investissement chronique qui la frappe et qui a conduit à un délabrement du réseau, principalement des digues. Ainsi, selon un diagnostic mené par VNF, une part importante des ouvrages est aujourd’hui en fin de vie ou d’une qualité fonctionnelle médiocre : 54 % des écluses et 63 % des barrages présentent au moins un risque majeur de dégradation de performance et un risque important de perte complète de fonction assurée. La performance du réseau est ainsi fragilisée et insuffisante pour offrir le niveau de sécurité de fonctionnement hydraulique et la qualité de service indispensable au développement du transport fluvial.
À cette étape, je vous ferai remarquer que nous comprenons mieux pourquoi, au travers des lois de décentralisation, l’État a voulu se défausser sur les collectivités, au moins pour le réseau dit secondaire, de ce fardeau devenu trop lourd à porter. Notons que les tentatives d’expérimentation menées mettent au moins en lumière un élément : l’importance des investissements à réaliser, ne serait-ce que pour entretenir ce réseau et, a fortiori, pour le régénérer.
Concernant les engagements financiers, nous prenons acte de l’annonce d’investissements dans les voies d’eau à hauteur de 840 millions d’euros d’ici à 2013 – Mme la ministre vient d’en faire état. Toutefois, nous serons extrêmement vigilants quant au provisionnement concret de ces crédits, notamment dans la loi de finances : nous sommes en effet malheureusement habitués à ce que des annonces fracassantes de la part du Gouvernement ne soient finalement que peu suivies d’effets. Je tiens aussi à rappeler que, d’ici à 2018, d’après le schéma national d’infrastructures de transport, plus de 2,5 milliards d’euros devraient être investis dans la régénération des voies navigables, pour l’aménagement à grand gabarit des liaisons Seine-Nord Europe, Bray-Nogent, Saône-Moselle et Saône-Rhin.
Comment réussir ce tour de force, alors même que les ressources des collectivités territoriales, comme celles de l’État, sont restreintes par les politiques gouvernementales ?
Nous craignons alors le renforcement du recours au partenariat public-privé, type de marché public alléchant alors même que les collectivités se trouvent asphyxiées.
Pourtant, et nous déposerons un amendement sur ce thème, les partenariats public-privé ont fait la démonstration de ce qu’ils étaient une sorte de miroir aux alouettes et que, loin de soulager les collectivités, ils se révélaient être sur le long terme une forme de marché public plus coûteuse que les marchés traditionnels tout en laissant craindre pour la sécurité des infrastructures, des personnels et des usagers – et ce sans compter la perte de compétence de la maîtrise d’ouvrage publique.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’est pas vrai !
Mme Mireille Schurch. Nous sommes en conséquence défavorables au recours à cette forme de marché qui met à mal le principe d’unité du réseau par une privatisation des infrastructures.
Mais revenons au cœur du présent projet de loi. Comme je l’ai indiqué, la volonté initiale du Gouvernement de libéralisation et d’externalisation s’est ici confrontée très directement au mouvement social du printemps dernier. D’ailleurs, je tiens à vous alerter sur le signal particulièrement négatif qui serait envoyé aux agents de l’État intégrant la nouvelle structure si le nom avancé et reconnu dans les protocoles d’accord n’était pas celui qui est retenu par la loi.
Vous nous parlez de psychologie, monsieur le rapporteur, mais les symboles sont importants. En effet, la grande majorité des personnels de la nouvelle agence seront des fonctionnaires et ouvriers des parcs et ateliers qui ne souhaitaient pas être simplement « aspirés » par Voies navigables de France. Je vous incite donc, en la matière, à la prudence. Nous avons d'ailleurs déposé un amendement sur ce point.
Nous considérons également que le texte qui nous est soumis aujourd’hui, à la suite des travaux de la commission, doit encore évoluer pour que l’unification des services dépasse des considérations organisationnelles, tout en respectant les acquis des différents agents, pour aller vers un renforcement des missions de service public confiées à cette agence.
Pour cette raison, nous continuons de formuler en séance publique les exigences que nous avons présentées en commission. Celles-ci sont de deux ordres : le statut des personnels et de leur représentation, ainsi que les missions de service public.
Sur le premier point, par respect pour le modèle choisi qui est celui de l’établissement public administratif, l’EPA, nous souhaitons supprimer tous les éléments qui feraient de cet établissement un établissement public sui generis, qui sont à nos yeux des éléments de fragilisation de ce statut et de contentieux, allant à l’encontre des considérations qui ont prévalu à la naissance de ce texte.
Plus largement, nous souhaitons également, par nos amendements, interdire pour l’avenir tout recrutement de personnel contractuel de droit privé, conformément au principe reconnu, y compris de manière jurisprudentielle, selon lequel les besoins permanents d’un EPA doivent être pourvus par des agents de droit public.
Nous considérons par ailleurs que le regroupement des personnels au sein de l’EPA doit être l’occasion d’une clarification des missions de service public, en conformité avec les engagements du Grenelle.
Ainsi, si nous souhaitons que la part des modes alternatifs à la route dans le transport de marchandises atteigne 25 %, il faut donner les moyens à ce nouvel établissement de remplir ses missions.
Pour cette raison, la première des mesures devrait être de stopper l’hémorragie de la révision générale des politiques publiques dans ce domaine. En effet, depuis vingt ans, nous ne pouvons que regretter la perte de 2 000 emplois dans le secteur des voies navigables, secteur qui a trop longtemps été considéré comme l’un des secteurs clefs de contraction et de restriction des personnels publics. Les objectifs pour la période 2011-2013 sont à ce titre éloquents puisqu’ils prônent la suppression de 271 emplois équivalents temps plein. Nous y sommes, pour notre part, opposés.
Par ailleurs, nous voulons, par nos amendements, réaffirmer l’importance d’une complémentarité renforcée avec les modes ferroviaire et maritime. Il serait en effet incohérent de penser le développement fluvial en termes de concurrence avec le transport ferroviaire ou maritime.
À ce titre, je voudrais indiquer au rapporteur que, contrairement à ce qu’il a indiqué en commission et au début de la séance, l’ensemble des voies d’eau du réseau magistral et secondaire peut être utilisé pour le transport de fret. Dédier le réseau secondaire exclusivement au tourisme est, à ce titre, un non-sens au titre du respect des objectifs du Grenelle de l’environnement.
M. Christian Bourquin. Bravo, madame !
Mme Mireille Schurch. Nous avons également souhaité, en commission, poser la question de la sécurité des installations en ce qui concerne tant les digues que les ouvrages hydrauliques. Nous sommes satisfaits que cette préoccupation ait été reprise dans le texte. Il en va de même pour les missions d’intérêt général de bonne gestion de la ressource aquatique.
Nous sommes également satisfaits que le rapporteur ait repris notre proposition de faire figurer dans les missions de l’établissement la conservation du patrimoine, qu’il soit bâti ou paysager.
À l’inverse, nous restons circonspects sur la possibilité offerte par le présent projet de loi à la nouvelle agence de valoriser tant le domaine public qui lui est confié que son domaine privé en procédant à des opérations d’aménagement complémentaires à ses missions par le recours à la création de filiales. Nous craignons que l’élargissement de ces missions ne revienne à sortir le nouvel établissement de son cœur de métier.
Par ailleurs, nous craignons que la valorisation du domaine par le biais de filiales privées ne se transforme finalement en une faculté donnée à l’Agence de privatisation des installations et de leurs dépendances, comme de leur gestion. Nous déposons un amendement tendant à réserver cette possibilité à la participation dans des opérations d’intérêt général, avec des acteurs publics ou sous contrôle de personnes morales de droit public.
De manière plus générale, comme je le mentionnais au début de mon intervention, nous souhaitons que l’État et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, apportent à l’Agence les moyens de son développement et de la réalisation des missions de service public.
Cela passe notamment par des concours financiers à la hauteur des actions et des projets prévus pour les voies navigables par le schéma national des infrastructures de transport. Nous attendons ainsi que les engagements financiers qui ont été pris soient honorés ; il s’agit de l’élément fondamental pour une relance effective de la voie d’eau.
Concernant le débat qui a eu lieu en commission et qui se prolongera probablement en séance publique sur les modalités de représentation des personnels au sein d’un comité technique, à la suite de l’avis du Conseil d’État et de la décision du Conseil constitutionnel du 28 janvier 2011 ayant conduit à la réécriture du projet de loi, nous estimons qu’il est important de conserver une structure unique pour l’ensemble des personnels.
Dans ce cadre, l’amendement prévu en commission par le rapporteur semblait concilier plusieurs exigences : le respect des protocoles d’accord, la constitutionnalité de la mesure proposée et une structure unique ayant la souplesse nécessaire pour s’adapter aux situations des différents personnels. Nous sommes persuadés que le texte évoluera favorablement sur ce point en séance publique.
Nous avons également souhaité intégrer dans notre réflexion, au travers de nos amendements, la Fédération des associations et usagers de la voie d’eau par la création d’un comité de service aux usagers, comme les syndicats de la batellerie l’ont proposé.
Au regard des incertitudes qui pèsent encore sur l’évolution du présent texte, nous attendrons l’issue du débat en séance avant de déterminer notre vote. Nous espérons que nos amendements comportant des exigences sur les missions de service public de l’établissement seront adoptés.
Les membres de mon groupe ne cesseront en effet d’affirmer la nécessité d’un service public de la voie d’eau de qualité, fort d’une ingénierie publique, de moyens renforcés et modernisés au sein du nouvel établissement, capable ainsi de résister aux logiques de privatisation, de morcellement du réseau conduisant à son abandon pour défaut de rentabilité économique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l’Agence nationale des voies navigables répond à deux objectifs : remédier au problème de gouvernance qui handicape l’établissement en charge, depuis 1991, de l’essentiel du réseau fluvial de notre pays et élargir les missions du nouvel établissement que vous voulez lui substituer.
Ma collègue Françoise Laborde évoquera, en complément de mon propos, les dispositions inscrites dans ce projet de loi. Pour ma part, après avoir mentionné l’abîme qu’il nous faut à tout prix éviter : la création d’un nouvel « RFF », je souhaiterais traiter à cette tribune de la lancinante question du financement des missions du futur établissement – passée sous silence dans le texte –, qui met d’ores et déjà en suspens les objectifs ambitieux qui lui ont pourtant été donnés.
Ce projet de loi est d’une importance capitale pour l’avenir de nos voies navigables : il s’agit avant tout d’économie et donc d’emploi, mais aussi d’honorer les engagements issus de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite Grenelle 1, qui a fait du secteur fluvial une priorité absolue dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.
Le point d’orgue de cette modernisation, voulue à grande échelle, consiste en la construction d’un canal Seine-Nord, opérationnel en 2014, pour un montant estimé à 4,2 milliards d’euros. Monsieur le ministre, votre gouvernement a-t-il réellement l’intention de réaliser ce projet ? D’un point de vue financier, j’ai en effet noté que les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie et Île-de-France étaient au rendez-vous mais que la participation de l’État n’avait pas été concrètement confirmée.
Et encore faut-il que le financement de ce projet ne se fasse pas au détriment de la réalisation de chantiers antérieurs, à commencer par la remise en état du réseau fluvial magistral estimée à 1,5 milliard d’euros !
Que penser dans ces conditions d’un projet de loi qui élargit les missions de Voies navigables de France en omettant de renforcer ses moyens financiers ?
L’exemple désolant du canal du Midi illustre fort bien ce qui peut en résulter : trop longtemps, l’État s’est désintéressé de l’entretien de son patrimoine fluvial ; il a laissé s’installer une situation juridique complexe propre à empêcher toute coopération sérieuse dans l’intérêt du canal.
Le canal du Midi est en effet malade,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Christian Bourquin. … ses platanes bicentenaires ont été décimés par le chancre coloré. Entre le moment où Voies navigables de France a identifié ce champignon et le moment où il se résout à l’abattage, il s’est écoulé six ans ! Ce sont désormais les 42 000 platanes qui bordent le canal qui sont condamnés.
Le Président de la République a certes déclaré à Agde cet été qu’il n’était pas le président des platanes, mais il s’est vite ravisé et a confié à Mme la ministre de l'écologie, une mission afin de traiter cette question. Je constate que rien n’a avancé depuis. Prenez garde, monsieur le ministre : le Président de la République, qui doit se rendre dans l’Aude, mardi prochain, se trouvera de nouveau confronté au problème des platanes du canal du Midi ! (Sourires.)
Au-delà de cette question, l’État a par ailleurs laissé certaines des berges du canal du Midi s’effondrer et bon nombre d’écluses fermer, faute d’entretien.
Au total, ce magnifique ouvrage décidé par Louis XIV et distingué « en tant qu’une des réalisations les plus extraordinaires du génie civil de l’ère moderne » se voit menacé de déclassement au patrimoine mondial de l’UNESCO.
L’estimation du coût de sa réhabilitation, dans un premier temps évalué à 100 millions d’euros, s’élève désormais à 200 millions d’euros, la moitié devant permettre l’abattage des arbres et leur replantation, l’autre la réparation des ouvrages.
Certains ont pourtant avancé l’idée, au risque d’organiser une confusion des rôles, que l’État pourrait venir au secours des collectivités locales concernées pour les aider à sauver le canal du Midi.
Or, monsieur le ministre, le canal du Midi – y compris sa partie languedocienne devenue, consécutivement à l’adoption des lois du 30 juillet 2003 et du 13 août 2004, réseau régional à vocation touristique – demeure sous la responsabilité de l’État. Les solutions d’intervention le concernant continuent de revenir à Voies navigables de France, établissement public placé sous l’autorité exclusive de l’État.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Christian Bourquin. Ainsi, la région Languedoc-Roussillon, dont j’ai l’honneur de présider l’exécutif, attend de l’État qu’il assume sa responsabilité pleine et entière sur ce dossier. Profondément attachés au sauvetage du canal du Midi, nous n’en sommes pas moins opposés à payer pour les défaillances et l’incurie de l’État.
En aucun cas, le volontarisme de ma région ne peut être remis en cause quand il s’agit pour elle d’exercer ses propres compétences dans un cadre contractuel structuré.
J’en veux pour preuve, monsieur le ministre, l’investissement de 30 millions d’euros qu’elle a réalisé pour l’amélioration des capacités du canal du Rhône à Sète, qui relie la Méditerranée par le port de Sète au bassin Rhône-Saône et le port de Laudun-l’Ardoise.
Enjeu majeur pour le Languedoc-Roussillon en matière de transports de marchandises, il fait partie intégrante de sa stratégie tournée vers le développement des modes de transport alternatifs à la route et participe également au rayonnement du port de Sète.
La région récolte aujourd’hui le fruit de ses efforts : les trafics du port de Sète sont en progression et les industriels suivent.
Pourquoi ne pas donner au canal du Midi les mêmes chances qu’à celui de Sète ? Cela impliquerait d’harmoniser le statut juridique du canal sur toute sa longueur et de rendre possible une contractualisation globale. L’État assumerait ses responsabilités et sa part, ce qui permettrait aux collectivités locales concernées de venir l’appuyer – j’insiste sur ce terme – dans le respect de leurs compétences.
Monsieur le ministre, j’ai saisi par écrit Mme la ministre de l’écologie de toutes ces questions à plusieurs reprises. Elle n’a pas encore eu le temps de me répondre. Je profite donc de l’examen de ce projet de loi pour vous interpeller. Si vous considérez qu’il faut changer la loi, c’est le moment, nous sommes tous d’accord ! Si vous considérez qu’une autre solution est possible, c’est aussi le moment de le dire !
Le groupe RDSE attendra donc vos réponses avant de prendre position sur ce sujet majeur. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon.
M. Alain Chatillon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sur les Voies navigables de France, VNF, et le canal du Midi tient, notamment, à mes mandats de maire de Revel et de président de la communauté de communes Lauragais-Revel-Sorèzois. Je voudrais d’ailleurs remercier M. Bourquin d’avoir enfoncé le clou sur ce sujet, en espérant que Mme Laborde fasse de même tout à l’heure !
Il est temps que l’on parle un peu du midi toulousain.
Nous nous situons en effet aux sources du canal du Midi. Quatre communes de l’intercommunalité que je préside se partagent le barrage de Saint-Ferréol.
Pour l’histoire, je rappelle que c’est Pierre-Paul Riquet, ingénieur né à Béziers, fermier des gabelles, qui a réussi à conduire les eaux de l’est et de l’ouest de la montagne Noire pour alimenter le bassin de Saint-Ferréol, d’une capacité de 7 millions de mètres cubes d’eau, et donner ainsi naissance au canal du Midi, qui fait se rejoindre l’océan Atlantique à la mer Méditerranée en utilisant la navigation sur la Garonne pour la partie ouest.
Le canal du Midi fut inauguré avec faste en 1681 par Louis XIV et Colbert. Je rappelle néanmoins que Riquet, mort ruiné un an auparavant après avoir engagé sa fortune sur ce projet, en fut l’instigateur. Pourtant, c’est Colbert qui tira tous les avantages de cette inauguration et qui s’attribua l’initiative de la construction !
M. Roland Courteau. Cela arrive souvent, même de nos jours !
M. Alain Chatillon. D’autres bassins d’alimentation ont complété, depuis, les apports en eau pour l’alimentation du canal du Midi au seuil de Naurouze, point le plus haut du partage des eaux.
Avec le soutien du conseil régional de Midi-Pyrénées, de l’Union européenne, du fonds national d’aménagement et de développement du territoire et du département de la Haute-Garonne, je suis à l’origine de la création du « musée et jardins du canal du Midi » sur le magnifique site de Saint-Ferréol.
Ce site est géré par un syndicat intercommunal à vocation multiple, un SIVOM, fort de quatre communes situées sur trois départements et deux régions. Vous imaginez la simplicité administrative que cela entraîne ! À cela se greffe une convention de superposition avec Voies navigables de France !
Quels sont nos sujets d’inquiétude ? Quelles sont nos attentes ?
La gestion de ce site historique nous amène au constat de la dégradation au fil du temps du service rendu par VNF, malgré l’impulsion donnée par son directeur général Marc Papinutti, qui nous a permis d’engager un dialogue constructif depuis quelques mois. Espérons simplement qu’il sera suivi d’effets.
Certes, VNF gère, exploite et développe le plus grand réseau européen de voies navigables. Cependant, VNF délaisse l’entretien des berges, des parcs et des arbres, en particulier sur le canal du Midi, où 42 000 platanes sont atteints par le chancre, ainsi que l’a indiqué Christian Bourquin. Voilà sept ans que nous attendons le commencement des travaux. Arracher tous ces platanes en même temps constituera un véritable sinistre ! Que deviendra ce site classé, essentiellement touristique, s’il est privé de ses arbres ?
Prenons un exemple : comment faire face à la suppression progressive des postes d’agents d’entretien ? Entre la prise d’Alzeau en montagne Noire et le seuil de Naurouze, trente-cinq agents s’occupaient de l’entretien du canal il y a encore quelques années : ils ne sont plus que neuf aujourd’hui.
Comment gérer toutes les écluses du canal du Midi, où circulent quelques bateaux de plaisance, s’il n’y a plus d’éclusiers, sachant pourtant qu’un regroupement des embarcations pendant quelques heures permet de limiter la déperdition d’eau, qui est de l’ordre de 700 mètres cubes d’eau à chaque écluse ? Il faut savoir que 40 % de l’eau sur le canal du Midi s’évapore, sans compter les dégâts causés aux berges par les ragondins, ni les prises d’eau non contrôlées.
Il va donc falloir entretenir les berges du canal du Midi et du bassin de Saint-Ferréol, de plus en plus érodées, entretenir le parc autour du lac et procéder au remplacement des arbres, notamment sur le canal du Midi, dans le cadre d’un plan à dix ou quinze ans, sachant que ces sites sont un atout touristique majeur de proximité pour les régions Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.
En un mot, la question qui se pose est celle du statut du canal du Midi. Doit-il rester – et dans quelles conditions – dans l’établissement Voies navigables de France bien qu’il ne constitue plus aujourd’hui une alternative au transport par la route ou le rail ?
Il convient d’entreprendre une véritable analyse pour répondre à ce sujet de préoccupation pour nos deux régions et les communes traversées. Le projet de loi qui nous est soumis m’apparaît toutefois relativement cohérent concernant les voies navigables de substitution aux voies ferrées, routes et autoroutes. Plus particulièrement, dès lors que les syndicats des personnels acceptent les évolutions qui leur sont proposées, je ne peux qu’exprimer mon accord avec les propositions formulées.
Je salue les engagements pris lors du conseil des ministres du 31 août dernier par le Premier ministre et madame la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement en faveur de l’environnement. En effet, ils ont précisé que, au-delà du transport fluvial et de la gestion hydraulique, l’action de Voies navigables de France sera tenue de s’inscrire dans la continuité du Grenelle de l’environnement, tout en favorisant l’aménagement du territoire, le tourisme fluvial et les activités nautiques.
Cela répond à certaines de mes interrogations.
Il va simplement falloir passer des promesses aux actes et faire en sorte que nous en voyions le résultat sur le terrain. Encore faut-il donc que ces orientations soient financées puis mises en application par VNF.
Enfin, j’appelle votre attention, monsieur le ministre, ainsi que celle de madame la ministre, sur la nécessité de conserver le nom et le sigle « VNF ». On ne change pas une marque quand elle a vingt ans. Cette marque existe : ne la changeons pas, car cela pourrait coûter cher sur le plan touristique ! (M. Nègre applaudit.)
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, je souhaiterais, monsieur le ministre, qu’une étude spécifique soit consacrée au canal du Midi, en liaison étroite avec les collectivités locales, les départements et les régions, pour appréhender ses particularités par rapport aux autres voies navigables de France.
Faut-il, ou non, remettre à niveau le canal du Midi pour en faire un axe de transport ? Faut-il le destiner essentiellement au tourisme ? Quels moyens mettre en œuvre pour économiser l’eau, qui va devenir une denrée rare et donc chère ?
Nous avons le devoir de conserver ce joyau inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, que l’histoire et l’audace des hommes nous ont légué. Monsieur le ministre, je vous remercie à l’avance de l’accueil que vous réserverez à mon propos. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro.
M. Robert Navarro. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous le savez, ce texte a été adopté en conseil des ministres le 31 août dernier. Les élections sénatoriales se sont déroulées fin septembre : nous avons donc dû travailler très vite.
Ce texte ne traite que de la gouvernance du réseau fluvial. Il regroupe dans un même ensemble les agents de droit public et les agents de droit privé qui travaillent à l’exploitation, à l’entretien et au développement des voies navigables. C’est un sujet intéressant, en particulier pour les agents concernés. Mais nous passons à côté de l’essentiel pour l’industrie et l’économie françaises. Face à la crise, nous devons repenser notre modèle de développement.
Les transports sont la clé de la relance de notre économie. Nous ne pouvons déconnecter nos réflexions sur les voies navigables de celles portant sur les ports maritimes, sur notre industrie et, au-delà, sur notre place dans la mondialisation.
Tous ces sujets sont liés : dans une économie où la place des échanges est centrale, un territoire à l’écart des réseaux de communication et de circulation des biens et des marchandises n’est pas attractif. Investir dans le fluvial, mieux penser les liens entre le fluvial et le maritime, c’est augmenter l’attractivité de nos territoires !
La massification de la desserte fluviale est un enjeu économique et écologique pour les ports français. Tous les grands ports européens ont développé ce mode de transport alternatif pour faire face à l’afflux des marchandises. Je l’ai dit en commission, je souhaite le rappeler ici : un convoi fluvial peut transporter jusqu’à 352 conteneurs, un train 80, un poids lourd seulement 2 !
Malgré ces évidences, nos voies navigables souffrent d’un déficit chronique d’investissement et d’entretien.
Ce texte ne règle rien, car il n’y peut rien, et c’est bien dommage !
Cette année, VNF va certes disposer de 70 millions d’euros supplémentaires. Mais ce qui est présenté comme un doublement des crédits relève de la fumisterie face au passif et au retard accumulés ! Après des décennies de sous-investissement et de sous-entretien chroniques, cette somme est insuffisante, pour ne pas dire ridicule !
Ce texte est également accompagné d’un programme d’investissements défini par VNF, qui doit atteindre 840 millions d’euros entre 2010 et 2013. Face à l’état lamentable des 8 500 kilomètres de voies navigables, dont 2 600 kilomètres dédiés au fret, cette somme est également insuffisante. J’ai suivi, hier, tout le cirque de l’UMP sur le programme socialiste et j’ai noté les chiffres fantaisistes qu’elle a annoncés. De mon côté, je dirai qu’en plus des 500 milliards de dettes dues à l’action de Nicolas Sarkozy depuis 2007, nous devrions chiffrer les conséquences des économies de bouts de chandelle réalisées par le Gouvernement, qui ont été menées sans discernement. En ce qui concerne les voies navigables, votre mauvaise gestion coûte de mon point de vue 1,5 milliard d’euros !
Churchill affirmait qu’il faut toujours saisir l’occasion d’une crise pour changer ce qu’il y a à changer. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous invite à renverser la pente mortelle de la crise que nous affrontons. Nous devons lancer une remise en état sincère et ambitieuse de notre réseau fluvial.
La clé du succès d’un tel programme repose d’abord sur les emplois dédiés à la rénovation et sur les emplois indirects. La croissance vient ensuite, grâce à l’attractivité de notre territoire. L’utilisation du réseau fluvial pour le transport de conteneurs représente 30 % du trafic à Rotterdam, 32 % à Anvers, contre 4,7 % à Marseille et 9 % au Havre.
En conclusion, je souhaite revenir sur un sujet qui me tient à cœur et qu’ont bien défendu le président de ma région, Christian Bourquin, ainsi que le maire de Revel, Alain Chatillon : le canal du Midi. Un des atouts maîtres de notre réseau fluvial et de la France, c’est le tourisme. Notre pays est la première destination touristique au monde, et le canal du Midi appartient aux joyaux de notre patrimoine.
Or, nous en avons parlé le 12 juillet dernier, nous sommes toujours sous la menace d’un rapport négatif de l’UNESCO.
Sans me donner de chiffres, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à ce que, dans le contrat de performance entre l’État et VNF, d’importants moyens soient dégagés pour le canal du Midi avec, notamment, des travaux de traitement des digues, d’automatisation des écluses et de gestion des plantations. Nous connaissons l’enveloppe globale : 840 millions d’euros sur la période 2010-2013. Cette enveloppe est très insuffisante pour la remise à niveau de l’ensemble du réseau.
Combien l’État compte-t-il mettre pour revenir sur l’incurie qui frappe le canal du Midi depuis des décennies ?
M. Roland Courteau. C’est juste !
M. Robert Navarro. Je rappelle que le seul remplacement des platanes malades se chiffre à 100 millions d’euros ! Ces platanes ne sont pas seulement un élément fort du paysage du midi. L’espèce avait été choisie sous Napoléon III pour sa capacité à retenir la terre des berges. Réparer l’ouvrage coûte encore 100 millions, soit 200 millions d’euros au total !
Monsieur le ministre, les collectivités en ont assez de payer à la place de l’État et de subir ses manquements. Comme vous l’a déjà dit Christian Bourquin en Languedoc-Roussillon, nous défendons la décentralisation, mais dans l’équité.
Vous ne pouvez pas nous livrer un réseau en ruine. La volonté de l’État de décentraliser le réseau secondaire, donc de transférer un canal désormais à l’abandon, n’est pas acceptable tant que le rattrapage historique n’est pas fait. Notre région a toujours montré une volonté sans faille sur ce dossier, mais une région ne peut pas remplacer des années d’absence de l’État propriétaire.
Vous voilà face à vos responsabilités, monsieur le ministre. Le canal du Midi constitue l’une des réalisations les plus extraordinaires de l’ère moderne ; il a ouvert la voie à la révolution industrielle. Faute d’entretien, et à cause d’une pseudo-« austérité » menée sans discernement, notre patrimoine disparaît et notre avenir économique est menacé.
Je vous demande de prendre des dispositions pour que l’État assume ses responsabilités de propriétaire et réalise les investissements nécessaires.
Les responsables politiques ne sont que des passeurs : dépositaires de ce patrimoine, vous n’avez pas le droit d’aliéner à la fois le passé et l’avenir des générations qui nous suivent ! Vous avez l’impérieuse responsabilité de transmettre ce patrimoine, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré une histoire riche d’aventures et d’exploits techniques, malgré une tradition d’ingénierie audacieuse et de savoir-faire, dont émergent deux figures tutélaires symboles, Pierre-Paul Riquet et Charles de Freycinet, la logique du « tout automobile et route » a, depuis le milieu du XXe siècle, creusé le retard français en matière d’infrastructures fluviales, notamment en termes de fret fluvial. Notre pays a pourtant un patrimoine exceptionnel.
Aujourd’hui, subsiste un réseau contrasté à la fois riche, avec 8 500 kilomètres de rivières et canaux navigables, mais aussi mal entretenu, inadapté aux contraintes actuelles du transport, pour ne pas dire dépassé. Pourtant, ce réseau constitue un atout majeur pour développer le transport fluvial et remplir l’un des objectifs ambitieux du Grenelle de l’environnement, à savoir porter la part du fret non routier à 25 %.
Moderniser le réseau des voies navigables et sa gestion est une nécessité. Mais, à y regarder de plus près, le texte proposé par le Gouvernement constitue malheureusement un rendez-vous manqué.
Revenons tout d’abord sur la disposition la plus symbolique du projet de loi : le changement d’appellation proposé pour le nouvel EPA. On est là dans du pur affichage, du marketing. Je salue l’amendement plein de bon sens déposé par le rapporteur, Francis Grignon, puis adopté en commission tendant à redonner à la nouvelle structure le nom bien connu de « Voies navigables de France ».
De même, je salue l’amendement de notre collègue Martial Bourquin, qui a permis de rectifier le texte initial, afin d’y inscrire les engagements pris par le Gouvernement auprès des représentants des salariés du secteur, dans le courant de l’été.
Même si le projet initial du Gouvernement a été largement remanié lors de son passage en commission, des zones de flou persistent.
Dans une structure unique subsisteront des grandes disparités. Je pense aux différences de statuts des voies d’eau ou aux différences de statuts des salariés. Ma crainte est de voir se développer un réseau à deux vitesses : le magistral contre le secondaire, le national contre le régional.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Françoise Laborde. Je m’interroge également sur la concrétisation des décentralisations optionnelles des voies d’eau telles que prévues dans le projet de loi.
L’expérience qui a été menée en région Bourgogne est intéressante. Pourtant, nous avons appris mardi que quelque 200 millions d’euros de recettes seraient bien soustraits aux collectivités locales par l’État. On a le sentiment que le Gouvernement souhaite faire avec les voies d’eau ce qu’il a déjà fait avec les routes.
Je ne m’attarderai pas sur l’aspect pratique de la modernisation des infrastructures fluviales ; ce texte attire plutôt mon attention sur le statut, voire sur le devenir des personnels de VNF, ainsi que sur les défis posés par la gouvernance de cet établissement.
Pour la relance de la voie d’eau, notamment celle qui permet le transport de marchandises, il est important que l’intégrité et l’unicité du réseau des voies navigables demeurent propriété de l’État, via le nouvel établissement public administratif VNF. C’est un fait, et il ne convient pas d’y revenir. VNF devra donc disposer des moyens humains et financiers nécessaires à ses missions.
Pour cela, il est indispensable que les personnels fonctionnaires, mais aussi les agents contractuels qui seront affectés au futur EPA puissent conserver toutes leurs garanties statutaires et sociales. Est-il nécessaire de préciser que la politique de recrutement et de formation de l’EPA sera le principal moteur de son efficacité, notamment en termes de rénovation, d’entretien et de multiplication des réseaux de navigation ?
Or le projet de loi tel qu’il ressort de l’examen en commission ne parvient pas à donner un souffle nouveau à l’épineux problème des personnels. Bien au contraire, il semble assurer a minima un transfert de personnels issus d’un EPIC vers un EPA, sans ambition ni réelle solution apportée à l’ambiguïté des questions relatives à l’équilibre entre personnels statutaires et agents contractuels.
Certains de mes collègues semblent favorables à une quasi-exclusivité des recrutements sous contrat de droit public au sein du futur EPA. Cette position semble dangereuse pour les personnels de droit privé, qui participent activement au bon fonctionnement des réseaux de voies navigables. Il est donc primordial qu’une réelle communauté de travail tenant compte de toutes les catégories de personnels puisse être installée par le projet de loi, seule base possible pour la mise en place de futures instances de représentation de l’ensemble des composantes, tant sous statut privé que sous statut public.
Comme vous le comprendrez, cette communauté de travail ne pourra pas se construire en mettant au ban les salariés de droit privé, voire en opposant des communautés d’intérêt : chaque catégorie de personnels doit pouvoir trouver sa place dans l’établissement administratif de demain.
Le projet de loi est loin de clarifier les principales questions. Et, pour reprendre une métaphore fluviale, je dirai qu’il y a la même clarté dans ce texte que dans l’eau du canal du Midi à Toulouse. Nous sommes loin de la gouvernance rationalisée.
Par exemple, lors de mes entretiens avec les acteurs du secteur, en Haute-Garonne, j’ai appris qu’à Toulouse l’entretien du canal du midi revenait à VNF, que celui des berges de la Garonne revenait à la mairie et que l’entretien des ouvrages de navigation et du maintien du libre écoulement des cours d’eau était du ressort de l’État. Mais il m’a été impossible de déterminer à qui revenait le nettoyage du lit du fleuve !
De même, aux écluses de Montgiscard, toujours en Haute-Garonne, la mise en valeur du patrimoine à des fins touristiques se heurte à l’éclatement de la gouvernance des zones autour de l’écluse.
De telles situations seront un frein à l’accomplissement par VNF des missions qui lui seraient attribuées par le présent projet de loi.
Afficher le volontarisme, c’est bien ; le financer, c’est mieux !
Le principal manque de ce texte est qu’il n’apporte pas de réponse en termes budgétaires. Il y a un sous-investissement chronique du réseau financier français. Imaginez : le budget consacré aux investissements en Allemagne, à qui nous faisons très souvent référence, est trois fois supérieur à celui de la France !
Néanmoins, le groupe RDSE, qui juge utile cette première avancée sur le statut des personnels, déterminera son vote en fonction des amendements qui seront adoptés, et avec toutes les réserves que mon collègue Christian Bourquin et moi-même avons développées. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances du programme 203, principal programme de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », qui regroupe l’ensemble des moyens dévolus aux infrastructures et services de transports, hors sécurité maritime et secteur aérien, que j’interviens aujourd’hui.
Ce programme vise notamment à améliorer la desserte des territoires par une politique d’investissement conduisant à un aménagement du territoire équilibré. La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite loi Grenelle 1, a hiérarchisé les investissements à réaliser, et l’ensemble sera traduit dans un schéma national des infrastructures de transport.
Ce schéma est ambitieux et met opportunément l’accent sur le développement des modes de transport alternatifs à la route. Il entend également concourir à la qualité des réseaux et des services de transports de voyageurs et de marchandises et à la compétitivité des ports français en Europe.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui propose de regrouper au sein d’un même établissement public les services de navigation auparavant mis à la disposition de VNF, mais qui demeurent sous l’autorité hiérarchique de l’État, et les services de l’actuel établissement public, industriel et commercial VNF.
Cette solution apparaît, semble-t-il, comme la mieux à même de répondre à l’objectif de disposer d’une autorité légitime et responsable ayant les marges de manœuvre à la fois financières et juridiques pour remplir la mission de service public qui lui est confiée.
Le nouvel établissement public sera notamment chargé de l’amélioration, de l’extension et de la promotion des voies navigables, ainsi que de leurs dépendances, afin de développer le transport fluvial selon une logique de complémentarité avec les autres modes de transports.
L’objectif attendu de la réforme est de développer la part du fret non routier de 25 % d’ici à 2022, avec une évolution intermédiaire de plus de 16 % à l’horizon 2013.
La réforme conduit à renforcer la fiabilité du réseau et à le moderniser en confortant l’avantage concurrentiel du mode fluvial. En effet, l’avantage concurrentiel des services fluviaux de transports de marchandises est étroitement lié à la qualité de l’infrastructure disponible. Il doit nécessairement s’accompagner d’une qualité de service en phase avec les exigences du marché des transports.
Ainsi, la plus grande fiabilité du réseau et l’amélioration de l’offre de service seront autant d’éléments déterminants confortant l’avantage compétitif du mode fluvial vis-à-vis du mode routier.
Les objectifs sont formalisés dans la loi Grenelle, qui a prévu une part du fret non routier de 25 % d’ici à 2022, avec un doublement de la part du fluvial.
Cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau, qui vise à accroître la compétitivité du transport fluvial et à mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens, est, à mes yeux, totalement complémentaire de la réforme que nous avons votée en 2008 qui concerne nos grands ports maritimes.
En effet, les activités d’un port maritime sont étroitement liées à son attractivité terrestre. Le développement de sa zone de chalandise est strictement conditionné à sa capacité de projection logistique vers son hinterland. Le mode fluvial est le plus adapté aux volumes en jeu dans les grands ports maritimes. C’est ce qui fait le succès des ports d’Anvers et de Rotterdam.
La régénération du réseau fluvial magistral à vocation de transport de marchandises s’impose. La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est tout d’abord un enjeu économique ; il est ensuite un enjeu écologique. Tous les grands ports européens ont été conduits à développer ces modes de transport alternatifs pour faire face à l’afflux de marchandises.
À titre d’exemple, un convoi fluvial peut traiter, paraît-il, 352 conteneurs entre le Havre et Paris, contre 80 pour un train et 2 pour un poids lourd. Le trafic de conteneurs sur la Seine s’élève aujourd’hui à environ 200 000 conteneurs par an et pourrait passer à 500 000 conteneurs en conservant les infrastructures actuelles.
Comme l’a très bien rappelé mon collègue Charles Revet la semaine dernière à cette tribune, dans le débat sur la réforme portuaire, il faut regretter l’absence d’intégration multimodale efficiente dans la politique d’investissement de l’État. La conception même de Port 2000 n’a pas intégré la desserte fluviale, ce qui constitue une aberration pour un port spécialisé dans le trafic de conteneurs.
Indéniablement, la dégradation de la compétitivité de nos ports tient à l’insuffisance et à la mauvaise organisation de nos débouchés vers l’intérieur du pays, que l’on appelle l’hinterland. Mon collègue, qui est un grand spécialiste des questions portuaires, a eu raison de rappeler l’adage selon lequel « la bataille maritime se gagne à terre ». La quantité et la qualité des liaisons avec l’arrière-pays sont des facteurs déterminants de la compétitivité d’un port.
Cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau est donc tout aussi essentielle que la réforme portuaire pour notre économie et pour l’emploi.
Mon collègue rapporteur de la mission d’information sur la réforme portuaire a également appelé à une coordination de l’action de l’État, de Voies navigables de France et de Réseau Ferré de France.
La massification de la desserte ferroviaire et fluviale est en effet un enjeu économique vital pour notre pays, doublé d’un enjeu écologique qui nous est imposé désormais par les lois Grenelle 1 et 2 que nous avons votées.
L’impact du projet sera d’autant plus important s’il est combiné à la réalisation du canal Seine-Nord Europe et aux autres projets de développement.
Comme vous le savez, le conseil d’administration de VNF vient tout juste d’adopter son projet stratégique pour l’après 2013, visant à relancer le transport fluvial, conformément aux objectifs du Grenelle de l’environnement.
Voies navigables de France a l’intention d’investir 840 millions d’euros d’ici à 2013, en grande partie pour rénover et moderniser le réseau existant, et souhaite porter ce montant à 2,5 milliards d’euros à l’horizon de 2018. Ce plan stratégique s’articule autour de trois axes : la modernisation du réseau fluvial, l’adaptation de l’offre de services et la relance de la politique commerciale.
Parmi les projets figure le canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, relancé en avril après dix-huit ans de gestation. Or il semblerait que VNF puisse être mis à contribution, comme une cinquantaine d’autres opérateurs de l’État, dans le cadre du plan anti-déficit prévu par le projet de loi de finances pour 2012. Cette décision ne semble pourtant pas opportune au moment où VNF adopte un projet de relance du trafic fluvial qui, d’une part, lui est imposé par les lois Grenelle de l’environnement et, d’autre part, intervient au moment de la mise en place de la réforme portuaire, qui est complémentaire et concomitante, l’une dépendant de l’autre et inversement.
Ce qui est certain, c’est qu’une diminution des crédits se ferait au détriment des investissements et se traduirait par une réduction de ces derniers.
Aujourd’hui, VNF exploite, modernise et développe le plus grand réseau européen de voies navigables, et passe à la vitesse supérieure pour faire face à deux enjeux incontournables pour notre pays ; je veux parler des enjeux économique et écologique. Pour cela, VNF a besoin de visibilité sur le financement de son projet de relance, qui, notons-le, lui est imposé.
Comme l’a très bien rappelé notre excellent rapporteur, Francis Grignon, la loi de 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement a fixé à l’État un objectif ambitieux de report modal : en douze ans, la part cumulée du fret ferroviaire et du fret fluvial doit passer de 14 % à 25 % du fret global. Pour le fluvial, où les marges de progression sont les plus importantes, cet objectif implique de doubler le fret actuel.
M. le rapporteur nous a fait observer que, si la France dispose du plus long linéaire navigable d’Europe – ce qui est une chance pour notre pays – son réseau est malheureusement en mauvais état et en grande partie impropre au fret contemporain. Les investissements nécessaires pour moderniser le réseau principal, utilisé actuellement en dessous de ses capacités, sont donc importants.
Nous nous félicitons, en conséquence, du dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.
En 2012, il n’y aura pas de changement sur les conditions financières et comptables. Mais, au 1er janvier 2013, il y aura lieu, bien évidemment, de verser à VNF la masse salariale des 4 400 agents de l’État qui seront placés sous l’autorité fonctionnelle de VNF, soit une dotation de l’État complémentaire estimée entre 180 millions et 200 millions d’euros. Il conviendra de prévoir une hausse de la dotation liée à l’évolution de la masse salariale pour la revalorisation des salaires.
Enfin, je redis qu’il n’est pas cohérent de mettre VNF à contribution pour le plan anti-déficit 2012 eu égard aux besoins de mise en œuvre du contrat d’objectifs et de performance 2010-2013. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner des précisions sur ce point et de nous rassurer.
Je ne peux terminer mon propos sans rendre hommage à l’excellent travail de notre rapporteur, par ailleurs président du groupe d’études sénatorial sur les voies navigables. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le canal du Midi, les canaux de Bourgogne sont également un sujet d’expérimentation capable de nous éclairer sur les perspectives du texte que nous examinons aujourd’hui.
Qu’il me soit permis de revenir sur un certain nombre de chiffres qui ont déjà été rappelés avec talent par mes collègues. La France dispose du plus vaste réseau fluvial d’Europe, avec 8 500 kilomètres, soit 22 % de l’ensemble du réseau européen. Chacun en convient, la voie d’eau est pour notre pays un atout exceptionnel : pour réduire notre dépendance énergétique et promouvoir un mode de transport fiable et peu polluant, pour favoriser l’aménagement du territoire et développer notre potentiel touristique, ainsi que pour protéger la ressource en eau et la biodiversité.
Malheureusement, depuis plusieurs années, l’État s’est désintéressé – je l’ai toujours dénoncé – de notre réseau fluvial, et le programme d’investissement de 840 millions d’euros que vous annoncez aujourd’hui sur quatre ans est très insuffisant au regard des enjeux ; je pense notamment à la remise en état du réseau principal, qui est estimée par VNF à 1,5 milliard d’euros.
Selon VNF, 66 % des barrages et 54 % des écluses sont en très mauvais état et nécessitent une réfection d’urgence.
Par ailleurs, vous ne pouvez prétendre aujourd’hui que les 840 millions d’euros annoncés sont réellement financés : en effet, monsieur le ministre, le relèvement de la taxe hydraulique et la contribution de l’AFITF représentent seulement 70 millions d’euros par an, soit 280 millions d’euros sur quatre ans. On est loin des 780 millions d’euros annoncés !
Il sera difficile, voire impossible, de faire mieux avec moins. L’abandon du réseau secondaire qui se profile à l’horizon, jusqu’à sa fermeture prévisible, ainsi que le préconisent les travaux préparatoires à la mise en place de la RGPP que j’ai dénoncés en un autre temps, serait selon moi une erreur : vous sous-estimez la fonction hydraulique du réseau secondaire dans l’aménagement du territoire.
Parallèlement, monsieur le ministre, et ce point m’inquiète beaucoup, le texte empêche les collectivités, dont celle que je préside momentanément, qui souhaitent s’engager de le faire : l’article 5 du projet de loi prévoit de réduire drastiquement la compensation des dépenses de personnel, et ce malgré les garanties prises et les accords signés en commission pour les collectivités en expérimentation.
Vous livrez aux collectivités des infrastructures en très mauvais état, mais vous refusez de compenser les investissements. Pour la seule région Bourgogne, la facture de remise en état des ouvrages s’élève pour les vingt prochaines années à 348 millions d’euros. Or vous proposez seulement de les compenser à hauteur du tiers ou de la moitié. Comment résoudre cette équation au moment où les collectivités, les régions, les départements voient leur autonomie fiscale perdue et leurs dotations gelées ? Les collectivités ne pourront pas consentir l’effort nécessaire, comme elles l’ont fait par le passé pour les lycées !
Pour autant, en respect du protocole d’accord sur le nouvel établissement public conclu en juin dernier avec les organisations syndicales, nous avons examiné attentivement le projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui afin de donner une perspective et un nouveau départ à nos canaux, du moins sur le plan de la gouvernance à défaut de disposer des moyens nécessaires.
Vous le savez, VNF a été créée en 1991 par Michel Rocard, alors maire de Conflans-Sainte-Honorine, qui connaissait bien les problèmes des voies navigables. Il eut l’idée le premier de pérenniser les efforts financiers supplémentaires pour remettre en état le réseau et lancer le projet Seine-Nord Europe, soit près de 500 millions de francs à l’époque, grâce à la création de la taxe hydraulique.
En 1992, VNF a absorbé l’ancien ONN, l’Office national de la navigation, orienté, lui, principalement sur la navigation, les services de navigation étant mis à sa disposition tandis que les voies qui lui étaient confiées lui étaient transmises pour gestion et non en propriété.
Déjà, à cette période, avait eu lieu un débat syndical très fort sur les transferts du domaine et des personnels de l’État. La décision de l’époque avait été un compromis qui a permis jusqu’ici, d’une part, de relancer les investissements et, d’autre part, de conduire le projet Seine-Nord Europe jusqu’à la consultation des candidats au contrat, consultation qui est en cours.
Malgré les efforts, que je salue, de VNF pour trouver des recettes supplémentaires liées au domaine, le réseau a continué de se dégrader, tant sur le réseau magistral – grand gabarit et réseau connexe – que sur le réseau moins fréquenté par le fret et à usage principalement touristique, faute d’un montant suffisant d’investissements.
L’autre difficulté récurrente est le manque de personnel nécessaire correctement positionné pour assurer des horaires de service compatibles avec les demandes des clients sur le réseau magistral. J’en ai eu la triste confirmation récemment lors de l’accord passé par VNF avec le groupe PSA Peugeot Citroën sur les réseaux secondaires, accord qui met en lumière le manque de personnel et de moyens.
Dans ce contexte, VNF a proposé de prioriser le réseau et les investissements, et d’orienter les métiers vers la maintenance préventive complémentaire aux investissements. Cela signifie que les métiers de la voie d’eau vont passer d’un métier directement lié à l’ouvrage – l’écluse ou le barrage éventuellement manuel – à plusieurs ouvrages via les commandes à distance. Cela signifie également que de nombreux barrages manuels à aiguilles seront supprimés et qu’il faudra une maintenance préventive complétée d’un entretien courant pour plusieurs ouvrages.
Ce texte, vous le dites, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, permettra à VNF de maîtriser les moyens qui sont aujourd’hui mis à sa disposition sans subir des contraintes autres que celles de son projet, de la loi de finances et du futur contrat d’objectifs et de performance en cours de négociation avec l’État.
En effet, aujourd’hui, les modifications d’effectifs et leurs affectations sont décidées par le ministère et les échelons locaux de l’État, et ne correspondent pas toujours aux priorités de l’établissement.
De plus, le projet de VNF comporte la création d’emplois saisonniers sur les canaux touristiques, où l’activité est concentrée durant l’été. Les contrats de droit privé conservent leur ancienneté et seront renouvelés tous les ans.
Pour les fonctionnaires, l’intégration à cette nouvelle VNF se fera en position normale d’activité, avec la garantie de non-mobilité imposée et de revenus conservés ; je pense notamment aux primes. Ce sont les points positifs de ce texte.
La complexité du futur système tient à la représentation mixant salariés de droit public et salariés de droit privé tout en maintenant leurs particularités dans des systèmes adaptés et une représentativité conservée. La synthèse opérée par M. le rapporteur semble répondre aux soucis de l’ensemble des partenaires, et je lui en sais gré.
Reste que les conditions dans lesquelles le groupe socialiste a dû travailler sur ce texte sont pour le moins problématiques. Nous avons sur certains points l’impression de signer un chèque en blanc. À toutes nos questions concernant les modalités de représentation, comme le choix du statut hybride d’un EPA qui conserve néanmoins les missions d’un EPIC, M. le rapporteur nous a répondu qu’il en allait de « l’équilibre psychologique » des personnels et des syndicats. Vous avouerez que c’est une explication un peu courte. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, que vous nous donniez des explications plus précises sur ces sujets.
Par ailleurs, nous avons déposé des amendements. Certains visent à encadrer l’exercice des activités annexes de VNF, notamment la valorisation du domaine public.
Nous ne voulons pas que les choses se passent aussi mal que dans certaines villes avec France Domaine.
D’ici à la fin de l’année, les modifications de périmètre de l’agence vont conduire VNF à conclure avec ses tutelles et France Domaine une convention pour l’ensemble des bâtiments sièges, centres d’exploitation et maisons éclusières nécessaires, aujourd’hui gérés par l’État, mais entretenus par VNF. Il y a dans ce domaine des possibilités d’amélioration de la gestion et des économies à réaliser.
Aussi, monsieur le ministre, sous réserve que nos amendements soient adoptés ou pris en compte, nous ne nous opposerons pas à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi vise à moderniser l’organisation du service public de la voie d’eau en vue d’atteindre l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement, à savoir d’augmenter la part du fret non routier et non aérien pour le faire passer de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
En son article 1er, le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit de modifier le nom et le statut de l’établissement public gestionnaire des voies navigables. Il prévoit d’élargir ses missions en inscrivant dans ses prérogatives principales le développement du fret fluvial, en complémentarité des autres modes de transport.
Il prévoit de confier à l’établissement public des missions exercées par les services de la navigation et qui ne figurent pas actuellement parmi celles de VNF.
Il prévoit de donner à l’établissement public trois nouvelles missions accessoires : la possibilité d’exploiter l’énergie hydraulique au moyen d’installations ou d’ouvrages publics, celle de réaliser des opérations d’aménagement connexes ou complémentaires à ses missions et celle, enfin, de créer des filiales ou de prendre des participations dans des sociétés pour réaliser, notamment, des opérations d’aménagement.
L’article 2 du texte prévoit de placer le personnel de l’Agence nationale des voies navigables sous l’autorité de son directeur général, en précisant que ce personnel comprend plusieurs catégories : des fonctionnaires de l’État, des agents non titulaires de droit public et des salariés régis par le code du travail.
L’article 3 confie à l’agence de nouveaux pouvoirs en matière de police.
L’article 4, d’une part, confère au personnel de l’agence le pouvoir de constater les contraventions de grande voirie sur le domaine public fluvial et restreint la décentralisation des ports intérieurs situés sur le réseau dit « magistral », en disposant que l’État peut refuser les transferts de domaine qui compromettraient les perspectives d’essor du trafic sur ce réseau.
Monsieur le ministre, je ne peux que me réjouir de toutes ces nouvelles mesures qui renforcent cet établissement public administratif.
Je tiens aussi à remercier et à féliciter chaleureusement le rapporteur, qui a travaillé dans des conditions difficiles et dans de très brefs délais sur ce texte transmis récemment par le Gouvernement.
Cela étant dit, le constat que l’on peut dresser des voies navigables est mitigé.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est un euphémisme !
M. Louis Nègre. La France dispose du plus long linéaire navigable d’Europe, mais son réseau est singulièrement cloisonné, en mauvais état et, pour une grande partie, impropre au fret. Mal entretenues et mal équipées, nos voies fluviales parviennent difficilement à concurrencer la route et le rail, sauf pour le transport de pondéreux.
Pourtant, tout le monde ici le reconnaît, la voie d’eau est une véritable chance pour notre pays, notamment pour les partisans du Grenelle de l’environnement, dont je fais partie. En effet, elle est fiable, sûre et relativement peu polluante. De plus, elle est utile à l’ensemble de la population, elle est favorable à la biodiversité du territoire et à la production d’énergie.
La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement fixe à l’État un objectif ambitieux de report modal. Pour le fluvial, où les marges de progression sont les plus importantes, il s’agit de doubler le fret actuel, faisant passer sa part de 4 % à 8 % d’ici à 2020 : c’est un défi aussi noble qu’audacieux !
En tant que rapporteur du groupe de suivi du Sénat sur l’avant-projet consolidé de schéma national des infrastructures de transport, je tiens à souligner que le volet fluvial prévoit une enveloppe d’environ 9 milliards d’euros, hors projet du canal Seine-Nord Europe, pour la réalisation, au cours des vingt années à venir, de la liaison fluviale à grand gabarit Bray-Nogent et de la liaison fluviale à grand gabarit Saône-Moselle et Saône-Rhin.
M. Jean-Jacques Mirassou. Oui, mais cela absorbe tout !
M. Louis Nègre. En revanche, monsieur le ministre, ce texte ne traite que de la gouvernance du fluvial, et c’est dommage.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
M. Louis Nègre. Il fait partie de ces projets de loi indiscutablement utiles, mais limités, qui n’abordent qu’un seul sujet. On aurait souhaité un texte plus ambitieux, qui aurait embrassé l’ensemble de la politique fluviale de la France.
Dans cet esprit, nous soutenons totalement les propositions de notre excellent rapporteur, Francis Grignon. Je pense, par exemple, à celle qui consiste à revenir à la dénomination « Voies navigables de France ». Pourquoi changer le nom des entités de ce type, surtout lorsqu’il a acquis, comme c’est le cas en l’occurrence, une notoriété indiscutable, au point de devenir un véritable capital immatériel ? Nous vivons décidément dans un drôle de pays !
Je soutiendrai également les propositions visant à permettre à l’établissement public d’État de garder, à titre conservatoire, une compétence générale sur le réseau, tant qu’il n’est pas transféré aux collectivités locales, à rendre possible la nécessaire conciliation des usages diversifiés de la ressource aquatique ou la valorisation par VNF de son domaine.
Monsieur le ministre, ce projet de loi, qui consiste à regrouper dans un même ensemble les 400 salariés de VNF qui relèvent du droit privé et les agents de droit public, au nombre de 4 500, est utile. Cependant, à la forme juridique de l’EPA, plus contraignante, même si elle est adaptée, on aurait pu préférer celle, plus souple, de l’EPIC.
On peut également s’interroger sur le fait que ce projet de loi est soumis au Parlement alors même que l’État n’a pas encore jugé utile de nous communiquer le rapport, pourtant prévu par la loi Grenelle 1, sur le domaine public fluvial, comme il s’était engagé à le faire dans les six mois.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne l’a pas !
M. Louis Nègre. Néanmoins, comme je l’ai déclaré au début de mon intervention, il convient de voter ce texte, qui va dans le bon sens.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Il va à contre-courant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Louis Nègre. Ce texte reconnaît notamment à VNF la possibilité de créer des filiales et de prendre des participations, à l’instar de ce que cet établissement a déjà fait avec sa filiale Lyon Confluence pour la valorisation du domaine public fluvial lyonnais. Toutefois, je constate que la création de cette filiale unique a nécessité de la part de VNF des années de mobilisation et d’efforts, ne serait-ce que pour convaincre sa tutelle budgétaire et franchir les multiples obstacles administratifs.
En définitive, je me réjouis que l’examen de ce texte intervienne concomitamment à la mise en œuvre d’un programme d’investissements de 840 millions entre 2010 et 2013, programme qui va en priorité à la modernisation du réseau à grand gabarit et qui vient en plus du canal Seine-Nord Europe.
Monsieur le ministre, j’attire toutefois votre attention sur le fait que l’écluse fluviale du Havre reste à venir et que le premier coup de pioche du canal fluvial du port de Marseille-Fos se fait attendre.
Malgré tout, ce projet de loi a le mérite de promouvoir les voies navigables qui, depuis le début du XXe siècle, n’ont pas toujours reçu l’attention souhaitable des gouvernements successifs.
Je ne peux que me féliciter de la volonté politique forte du Gouvernement de vouloir faire avancer les choses et de nous doter, à travers cette entité unique, et renforcée dans ses missions, d’un outil performant pour rattraper notre retard sur nos voisins européens.
Au-delà de ce texte fondateur, mes chers collègues, nous constatons parallèlement, et quoi que l’on puisse en dire, l’augmentation importante chaque année, même en période de disette, des investissements. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Et des platanes malades ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Louis Nègre. À ce Gouvernement qui nous propose des textes et rend leur traduction financière possible, qui est capable d’avoir une politique, de définir des objectifs et de mobiliser l’argent pour les mettre en œuvre, je tiens à dire bravo ! (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Là, vous y allez fort !
M. Louis Nègre. Ainsi, grâce à l’impulsion que nous donnons aujourd’hui aux voies navigables, nous nous dotons des moyens de réussir le Grenelle de l’environnement. La cohérence et le volontarisme du Gouvernement sont certains !
M. Louis Nègre. C’est pourquoi ce texte mérite notre entier soutien. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le ministre, dites-lui qu’il en fait trop !
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cher collègue Louis Nègre, vous me permettrez de vous faire observer que, en cet instant, les travées de votre groupe ne sont guère fournies et ne sont donc pas en mesure d’apporter à ce texte le soutien que vous appelez de vos vœux. (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Louis Nègre. La qualité remplace la quantité ! (Nouveaux sourires.)
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les voies navigables françaises forment le plus grand réseau européen. Elles sont le résultat de grands investissements depuis le XVIIe siècle et, si ce patrimoine est aujourd'hui en mauvais état, c’est en raison des choix qui ont été opérés.
Nous convenons tous qu’il y a urgence à rénover ce réseau et à le développer. Cependant, sous prétexte d’atteindre cet objectif et d’appliquer l’article 11 de la loi dite « Grenelle 1 », qui tend à faire passer la part du fret non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l'horizon 2022 – ce qui suppose de sacrés efforts ! –…
M. Louis Nègre. On les fera !
M. Joël Labbé. ... le Gouvernement propose d'opérer un regroupement des personnels, à savoir les salariés de l’établissement public Voies navigables de France et les agents des services de navigation de l’État.
Ce regroupement rappelle celui auquel a donné lieu la création de Pôle emploi et qui n'a pas vraiment fait la preuve de son efficacité ; c’est même le contraire que l’on a constaté, je tiens à le dire ici solennellement. En tant que maire de Saint-Nolff, dans le Morbihan, je reçois régulièrement des jeunes en recherche d'emploi qui ont absolument besoin d’un accompagnement individualisé. Or ils n’en bénéficient pas. Si cet accompagnement n’est pas assuré, ce n’est certes pas la faute des agents de Pôle emploi, dont les effectifs sont à l’évidence trop minces et qui, trop souvent, aujourd'hui, n’occupent que des emplois précaires.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que ce projet de loi n’apporte aucune garantie quant au maintien durable du nombre de salariés de cette nouvelle structure, la RGPP obéissant à une logique générale de suppression de postes dans les services publics.
En outre, ce projet de loi n’organise pas une décentralisation cohérente et efficace. L’État dit vouloir poursuivre la décentralisation, mais il la freine dans les faits : il transfère les compétences, mais pas les moyens financiers correspondants.
Cette nouvelle Agence nationale des voies navigables voit aussi ses missions considérablement élargies, souvent au détriment des collectivités. Elle pourra créer des filiales, prendre des participations dans des sociétés privées d’aménagement, groupements ou organismes, en vue de réaliser des opérations d’aménagement.
J’attire également votre attention sur le fait que les voies navigables sont classées en masses d’eau fortement modifiées, ou MEFM, dans le cadre de la directive-cadre sur l’eau. Or cette directive-cadre précise que le maintien en MEFM ne peut être justifié que si les voies présentent un intérêt économique ; dans le cas contraire, il convient de les classer en masses d’eau naturelles, avec obligation du rétablissement de leur bon état écologique. Il s'agira donc aussi de hiérarchiser les choix.
Faut-il favoriser l’essor du transport fluvial ? Oui, bien sûr,…
M. Louis Nègre. Bravo !
M. Joël Labbé. … mais sur les canaux qui s'y prêtent, car, sur les rivières canalisées, il convient aussi d’assurer la libre circulation de la faune aquatique et de mieux gérer les niveaux d’eau.
Je reviens un instant sur l'équilibre entre les différents modes de fret. Les avantages dont bénéficient les transports routiers – j'ai eu l'occasion d'évoquer ce sujet la semaine dernière –, et qui pénalisent fortement la pertinence des modes de transport alternatifs, ne sont pas admissibles. Les investissements en faveur du transport fluvial doivent être massifs, mais aussi s’inscrire dans le cadre d’une politique globale et cohérente de promotion du report modal. Il faut donc cesser d’envoyer des signaux contradictoires : je pense à l’autorisation de circulation des camions de 44 tonnes pour les produits agricoles et, avant la fin de 2012 – c'est une promesse du Président de la République ! –, pour les autres secteurs de l'économie ; je pense aussi aux aides directes et indirectes au transport routier ou encore à la fiscalité avantageuse sur les carburants.
Derrière ces mesures, on sent tout le poids du lobby des transporteurs routiers !
Et que dire du lobby de l'agriculture intensive ? Mardi 11 octobre, un décret relevant les plafonds d’épandage d’azote est paru au Journal officiel.
M. Louis Nègre. Cela n’a rien à voir !
M. Joël Labbé. Il a été signé bien que les collectivités, notamment les collectivités bretonnes, en aient fortement contesté le bien-fondé et que la Commission européenne ait exigé de la France des explications sur sa politique de prévention des algues vertes.
Ce que nous constatons, en vérité, c’est bien la concrétisation de la déclaration que le Président de la République a faite voilà plusieurs mois devant les agriculteurs : « L’environnement, ça commence à bien faire ! »
M. Louis Nègre. Ce n’est pas ce qu’on trouve dans ce texte !
M. Joël Labbé. J’ai entendu tout à l’heure Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement présenter solennellement ce projet de loi comme un texte fondateur. Si elle est sincère, elle ne doit pas toujours se sentir très à l’aise au sein d’un gouvernement qui reste si bienveillant à l’égard des lobbies.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les futurs gouvernements, quels qu’ils soient, devront se démarquer, se libérer de l’ensemble des lobbies, quelques intérêts qu’ils défendent.
À cet égard, 2012 sera une année charnière : il est temps que le politique reprenne enfin en main la politique, au service des territoires et des populations, en commençant par les plus démunies.
Le développement du fret fluvial est à l’évidence une priorité pour nous, écologistes. Néanmoins, le texte proposé est loin de nous satisfaire en l’état. Des amendements ont été déposés ; la discussion va suivre son cours. Elle nous permettra d’arrêter notre position au moment du vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, afin de promouvoir et de relancer la voie d’eau, le Gouvernement propose aujourd’hui un texte destiné à restructurer Voies navigables de France.
Il s’agit de regrouper les 4 400 agents de droit public employés par le ministère et les 400 agents de droit privé employés par VNF dans un même établissement public administratif.
Le texte s’attache donc, pour l’essentiel, à répondre à la question relative au statut des personnels et à redéfinir les missions de VNF.
Ce matin, en commission, nous avons, me semble-t-il, trouvé une rédaction de compromis, permettant, d’une part, de respecter au plus près le protocole d’accord signé le 1er juillet dernier entre l’État et l’organisation syndicale représentative des salariés de l’établissement public, et, d’autre part, de tenir compte du principe constitutionnel de participation rappelé par le Conseil d’État.
Outre les missions principales actuellement confiées à VNF, telles que l’exploitation, l’entretien, la maintenance du réseau ou encore la gestion hydraulique des voies, l’établissement aurait, selon le texte, de nouvelles « missions accessoires ».
Je souhaiterais m’attarder sur deux d’entre elles.
Tout d’abord, pour valoriser le domaine de l’État qui lui est confié et son domaine privé, VNF pourrait procéder à des « opérations d’aménagement ou de développement connexes à ses missions ou complémentaires de celles-ci ».
Je considère, pour ma part, que l’activité de valorisation du patrimoine foncier de VNF ne peut être conduite en dehors des concertations nécessaires avec les collectivités territoriales concernées. Il est bien évident que les projets doivent être compatibles avec les ambitions du territoire et cohérents avec les documents de planification urbaine, notamment le SCOT, le schéma de cohérence territoriale et le PLU, le plan local d’urbanisme. Nous avons donc déposé un amendement en ce sens.
Par ailleurs, VNF pourrait créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés afin de réaliser toute opération utile à l’exercice de ses missions. À notre sens, la création de filiales ou la prise de participation dans des entreprises ne peuvent être considérées comme des missions en elles-mêmes et doivent donc être encadrées. Nous défendrons par conséquent un amendement soulignant en quelque sorte le caractère accessoire de ces nouvelles activités.
En vérité, il nous semble important, à nous, sénateurs socialistes, que VNF ne se disperse pas. L’objectif doit rester celui du Grenelle 1 : reporter le transport de marchandises notamment sur le fluvial, de manière à diminuer la part modale du routier et de l’aérien. Bien que l’objectif soit inscrit dans la loi depuis deux ans maintenant, la voie d’eau ne représente encore que 3,7 % du fret total français, contre environ 10 % pour le train, le reste étant réalisé par les poids lourds.
L’outil ferroviaire est, à l’évidence, l’élément majeur du nécessaire rééquilibrage. Mais, dans dix ans, il ne sera pas à lui seul en mesure de répondre à la demande nouvelle. L’atout fluvial doit donc être systématiquement privilégié dans les investissements à consentir, d’autant qu’il présente des avantages écologiques, économiques, ainsi que des atouts en termes de sécurité. Je rappelle qu’un convoi fluvial de 4 400 tonnes représente une capacité de transport équivalant à trois ou quatre trains et à 220 poids lourds.
Monsieur le ministre, vous n’êtes pas sans savoir que je suis très attaché au choix du mode de transport selon la zone considérée, une fois pris en compte le type de déplacement, le territoire traversé et le coût de revient écologique et économique. À cet égard, force est de constater que, en ce qui concerne l’acheminement de marchandises arrivant par voie maritime, le transport fluvial est le plus pertinent.
Le texte que vous proposez est, à mon sens, insuffisant pour répondre aujourd’hui à l’ensemble de ces enjeux, d’autant que son financement repose sur un fonds de concours de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France de 40 millions d’euros par an, à ajouter aux 30 millions d’euros de la taxe hydraulique sur la période allant de 2011 à 2013. Nous savons que l’AFITF n’a pas aujourd’hui les moyens de remplir l’intégralité de ses missions, son financement reposant notamment sur la taxe poids lourds, sans cesse reportée et, aux dernières nouvelles, prévue au mieux pour 2013.
Relancer la voie d’eau nécessite donc une approche globale, qui prenne en compte à la fois les ports maritimes, par lesquels transitent les marchandises, le réseau fluvial et les ports intérieurs.
Concernant nos grands ports maritimes, le débat de la semaine dernière l’a montré, « la bataille de la mer se joue à terre ». Aujourd’hui, plus de deux tiers des conteneurs destinés à notre pays entrent par les ports d’Europe du Nord, puis redescendent par la route vers nos territoires. Nos ports maritimes ne disposent pas, en effet, des dessertes fluviales et ferroviaires adaptées pour permettre d’amener les marchandises au cœur de nos terres, au plus près des lieux de consommation. Il faudra évidemment y remédier.
Il importe de redonner au réseau fluvial son rôle de trait d’union entre le maritime et l’arrière-pays. Par ailleurs, il faut encourager le développement des ports intérieurs et accroître la qualité de leurs infrastructures pour en faire de véritables sites multimodaux, des points d’échange entre le routier, le fer et la voie d’eau. Ces ports auraient également besoin de voir leur statut modernisé et leur fonctionnement sécurisé.
Permettez-moi, monsieur le ministre, d’attirer votre attention, sur le Port autonome de Strasbourg, qui est un établissement public sui generis, dont les statuts ont été établis par une loi de 1924 – cela ne nous rajeunit pas ! – sur la base d’une convention entre la ville de Strasbourg et l’État. Cet établissement doit aujourd’hui évoluer : il convient de faire disparaître de ses statuts de certaines dispositions obsolètes, de clarifier les parts respectives de la ville et de l’État dans l’établissement public, d’étendre sa zone d’action à l’ensemble du Bas-Rhin, de lui donner la possibilité de créer des filiales et de certifier ses comptes. Strasbourg étant un port autonome, ces évolutions ne peuvent se faire que par la loi.
Monsieur le ministre, je dois vous informer que j’ai entamé une discussion sur ce sujet avec M. le préfet et j’espère pouvoir compter sur votre appui pour que l’État nous aide dans ce projet, qui permettrait au Port autonome de Strasbourg, véritable poumon économique de l’agglomération, de jouer pleinement son rôle et de développer ses activités.
En résumé, comme l’a précisé mon collègue François Patriat, le groupe socialiste-EELV, sous réserve de l’adoption de nos amendements, ne s’opposera pas au texte présenté par M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les orateurs qui se succèdent pour livrer leur opinion sur ce texte voient le verre à moitié vide ou à moitié plein selon qu’ils font partie de la majorité actuelle du Sénat ou de la nouvelle minorité.
Bien sûr, monsieur le ministre, pour votre part, vous le voyez à moitié plein !
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Jean-Jacques Mirassou. De notre point de vue, le présent projet de loi confirme le manque de détermination du Gouvernement sur ce dossier.
Pourtant, dans la continuité du Grenelle de l’environnement et de l’étude du schéma national des infrastructures de transport, il y avait là une formidable opportunité pour assurer la promotion du fluvial, qui est un mode de transport de fret alternatif à la route, à la fois efficace et économe en rejets de CO2.
Faut-il rappeler que, sur 8 500 kilomètres de réseau navigable, seuls 3 200 sont adaptés au fret ?
Ce texte constitue donc une occasion manquée, car, plutôt que de promouvoir effectivement ce moyen de transport au travers d’engagements précis et chiffrés, le Gouvernement, une fois de plus, préfère jouer la carte de l’affichage politique en proclamant : « Nous créons la structure qui servira de support à notre politique. »
Cela se résume, pour l’instant, à un slogan, car des dispositions concernant presque exclusivement le personnel ou le mode de gestion ne sauraient suffire à relever le défi que constitue l’essor de ce secteur.
La « fusion-absorption » de 4 400 agents du ministère et de 400 salariés de VNF au service de la création de cette « super-agence » du fluvial est sans doute un passage obligé, mais sûrement pas une fin en soi.
D’ailleurs, il aura fallu toute l’imagination et l’abnégation de M. le rapporteur, ajoutées au travail de la commission, pour qu’un amendement de cinq pages se substitue à une rédaction issue de vos services, monsieur le ministre, qui était loin d’être satisfaisante et n’aurait sans doute pas survécu à un éventuel examen du Conseil constitutionnel.
Si l’on se réfère à ce qui s’est passé lors de la création de Pôle emploi ou des agences régionales de santé, il apparaît qu’on n’a sans doute pas fait le meilleur choix ! En effet, au moment où je vous parle, aucune visibilité de gestion n’est assurée ni dans un cas ni dans l’autre. Je redoute que la future Agence des voies navigables de France ne soit affectée du même syndrome.
Je le répète, aucun véritable projet d’envergure pour le secteur fluvial n’est exposé dans ce texte. J’ai bien compris que le projet du canal Seine-Nord Europe allait mobiliser une somme considérable, mais ce sera au détriment des autres projets, qui pourront seulement bénéficier d’une somme de 840 millions d’euros sur quatre ans. Ce montant sera insuffisant. J’en veux pour preuve que la seule remise en état du réseau magistral est évaluée à 1,5 milliard d’euros.
Par ailleurs, d’autres points nous préoccupent, qui ont suscité d’importantes discussions en commission.
La nouvelle agence aura la possibilité d’exploiter l’énergie hydraulique, de créer des filiales et de prendre des participations chez des opérateurs de droit privé dans le cadre de la mise en place d’opérations de valorisation immobilière. À ce titre, je partage les inquiétudes exprimées à l’instant par mon collègue Roland Ries.
En effet, il est à craindre qu’en se lançant dans ce type d’opérations la future agence ne se détourne de ses missions essentielles, qui sont pourtant loin d’être menées à bien actuellement. Je veux parler de l’entretien, de l’extension et de la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances. À l’évidence, de telles missions ne peuvent se concevoir qu’en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transport. Or nous pouvons actuellement constater une incapacité de l’État et de ses services à remplir ces missions de base.
À cet égard, en tant que sénateur de la Haute-Garonne, je me joins aux trois orateurs originaires de la même région que moi qui m’ont précédé à la tribune pour dénoncer l’état catastrophique du canal du Midi.
Mme Françoise Laborde. En effet !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je rappelle que ce canal traverse la Haute-Garonne de part en part, et notamment la ville de Toulouse.
Année après année, tous les observateurs s’accordent à dire que, de la Méditerranée à l’océan Atlantique, il est en très mauvais état. Entre le grave problème des platanes infectés par le chancre coloré – Roland Courteau y reviendra tout à l’heure – et l’état avancé de délabrement des berges, on comprend que des décisions urgentes s’imposent.
Je confirme ce qui a été dit tout à l’heure : une simple remise à niveau représenterait déjà 200 millions d'euros !
J’ajoute que, à Toulouse, cette extrême fragilité des berges interdit de mettre en place un mode de transport urbain alternatif par bateau, car, en l’état, il est impossible d’assurer une vitesse de circulation véritablement attractive. Les riverains toulousains du canal du Midi subissent ainsi une sorte de double peine !
Notre inquiétude est renforcée par le fait que la RGPP a, bien sûr, également sévi dans ce domaine.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je crois qu’on a atteint en l’occurrence la limite ultime. Je vous laisse, monsieur le ministre, en tirer les conséquences.
Les priorités sous-tendues par ce projet de loi devraient obéir à une logique de grands travaux, notamment pour le canal du Midi.
Par ailleurs, il n’a échappé à personne que la nouvelle agence sera susceptible de se voir déléguer des missions de police de la navigation, ce qui n’a pas manqué de susciter inquiétudes et interrogations pour l’avenir, notamment dans notre assemblée.
Monsieur le ministre, cela ne vous surprendra guère si je vous dis que ce texte est loin d’obéir aux ambitions que vous affichez et de répondre aux défis à venir. Il justifie donc de notre part une étude minutieuse et un certain nombre de propositions d’amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Mesdames, messieurs les sénateurs, la teneur de vos interventions conforte, s’il en était besoin, le Gouvernement dans l’idée que le projet de loi qui vous est soumis est nécessaire.
Nous sommes tous ici, quel que soit notre positionnement politique, attachés au développement du transport fluvial. Ce mode de transport, historiquement très important, connaît une nouvelle vigueur, qui traduit parfaitement sa pertinence économique et ses avantages environnementaux. C’est aussi un outil patrimonial et d’aménagement du territoire de premier ordre, qu’il nous faut préserver.
Pour bien répondre à ces enjeux très importants, pour contribuer aux objectifs du Grenelle de l’environnement, s’agissant en particulier du report modal – je partage sur ce point l’analyse de M. Dubois et de Mme Schurch –, il convient désormais d’évoluer.
Une première réforme d’importance a été mise en œuvre en 1991, avec la création de Voies navigables de France, et je sais qu’un certain nombre d’entre vous sont attachés au caractère emblématique du nom de l’établissement. Mais il nous faut aujourd’hui parachever cette réforme et nous doter, enfin, d’un vrai opérateur disposant de tous les leviers et des moyens nécessaires pour que la voie d’eau soit à la hauteur des enjeux et des ambitions que nous avons pour elle.
Il s’agit ici de créer une nouvelle communauté de travail, où les salariés actuels de VNF et les agents de l’État pourront ensemble, sous son autorité fonctionnelle, œuvrer efficacement pour la voie d’eau.
J’ai bien entendu les interrogations de MM. Dubois et Bourquin sur la qualification juridique de la nouvelle entité appelée à prendre la responsabilité pleine et entière de la voie d’eau au 1er janvier 2013. Actuellement, VNF est un EPIC ; dans le projet du Gouvernement, il est proposé d’en faire un établissement public administratif, ou EPA.
Cette évolution est le fruit d’une très large concertation avec les organisations syndicales représentatives du personnel. Le statut d’EPA présente en effet l’avantage d’être plus rassurant pour les 4 400 agents de l’État concernés par le transfert, en leur apportant l'ensemble des garanties dont ils disposaient auparavant, tout en préservant les salariés de VNF.
Il n’empêchera pas l’établissement de continuer de recruter des salariés de droit privé. À cet égard, le « nouveau » statut n’est pas si éloigné du statut initial de l’établissement, souvent qualifié par le juge d’établissement public « à double visage ».
Monsieur le rapporteur, j’ai bien noté la demande, formulée par vous et plusieurs de vos collègues, de conserver l’appellation « Voies navigables de France ». Si le Gouvernement n’avait pas fait ce choix, c’était pour deux raisons principales : premièrement, il s’agissait, là encore, du résultat d’une longue négociation, et le Gouvernement entendait respecter la parole donnée ; deuxièmement, il nous paraissait important que l’évolution considérable que nous allons connaître se traduise par un nouveau nom.
Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, le choix du Sénat, sur ce point, sera le nôtre.
M. Louis Nègre. Bravo !
M. Thierry Mariani, ministre. De surcroît, ne pas changer de nom et conserver le même logo permettra de faire quelques économies… (Applaudissements sur diverses travées.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est du bon sens !
M. Thierry Mariani, ministre. Sur le fond, j’en suis convaincu, confier le développement de la voie d’eau à un seul organisme est un préalable indispensable à toute politique cohérente et ambitieuse en faveur du transport fluvial. Ainsi que l’a noté Mme Des Esgaulx, cette réforme nous donne les moyens d’y parvenir, et donc de créer des emplois.
Je rejoins Mme Laborde et M. Mirassou pour considérer que, si cette réforme constitue une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante, et je reprends à mon compte l’image du verre à moitié vide ou à moitié plein employée tout à l’heure. Il faut en effet moderniser et sécuriser le réseau par des investissements adaptés, comme l’ont souligné MM. Navarro et Esnol. Le Gouvernement a d’ailleurs d’ores et déjà adopté un plan de relance de la voie d’eau tout à fait inédit, de près de 840 millions d'euros, ainsi que l’a relevé M. Nègre en défendant ce texte avec talent.
Je le rappelle, le niveau des investissements était tombé à 50 millions d’euros par an à la fin des années quatre-vingt ; nous devions réagir. Même si certains en demandent toujours plus, passer de 50 millions d’euros à 840 millions d'euros montre bien l’effort réalisé par le Gouvernement dans ce domaine.
Cet effort s’ajoute au plan de relance portuaire, qui comprend un volet consacré à l’amélioration de la desserte fluviale de nos ports et au projet de canal Seine-Nord Europe, lequel, comme chacun le sait, représente plus de 4,3 milliards d'euros. Ce canal, Nathalie Kosciusko-Morizet l’a souligné, permettra de relier, avec tous les avantages du grand gabarit, le bassin de la Seine et les réseaux fluviaux du nord de l’Europe.
Bien entendu, cette nouvelle organisation ne néglige pas la question de l’articulation entre la voie d’eau et les ports, qu’un certain nombre d’entre vous ont justement mise en relief, en particulier Philippe Esnol et Louis Nègre.
Le développement du trafic fluvial est fortement lié à la bonne implantation et à la bonne organisation des ports intérieurs. Le Gouvernement a donc décidé de délivrer, sur chaque bassin fluvial, une offre de points d’accès suffisamment large, diversifiée et cohérente avec les besoins des chargeurs. À cette fin, chaque bassin fluvial important doit disposer d’un schéma de coordination de ses ports qui permette d’identifier leurs caractéristiques, leurs complémentarités et leurs potentialités en termes d’augmentation de capacité, et ce de manière que leur développement soit harmonisé. Le schéma du bassin Rhône-Saône jusqu’au port de Marseille et du bassin de la Moselle sont aujourd’hui réalisés ; celui du Rhin est en cours.
Ainsi que l’a rappelé le maire de Strasbourg, Roland Ries, la politique de développement des ports intérieurs souhaitée par le Gouvernement accompagne, sur l’ensemble des bassins, le programme d’investissements et de modernisation du réseau fluvial, permettant ainsi l’essor du trafic fluvial, garant d’un transport durable et efficace.
Mme Des Esgaulx a noté avec raison que la rénovation du réseau fluvial était un enjeu écologique. Le report modal est bien notre objectif puisque le Grenelle prévoit de porter la part du trafic non routier et non aérien à 25 % à l’horizon 2022. La réforme nous donne les moyens d’y parvenir.
L’intégration intermodale est d’ailleurs un des chantiers prioritaires que nous avons lancés, et je citerai l’exemple de la plateforme multimodale du Havre, projet sur lequel le Président de la République s’est lui-même engagé. Ce chantier, dont les travaux commenceront au début de 2012, mettra à la disposition des transporteurs fluviaux une infrastructure moderne de transbordement de conteneurs vers le fluvial et le fer.
Dans chacun de nos grands ports maritimes, nous conforterons notre offre de transport par la mise en place, sur le réseau fluvial magistral, de plateformes multimodales capables de fournir une offre de transport massifié.
Mesdames, messieurs les sénateurs, cette volonté de développement du transport fluvial, Nathalie Kosciusko-Morizet l’a rappelé, s’accompagne de la mise en place de moyens financiers supplémentaires : votre assemblée, et je l’en remercie, a voté l’augmentation de la taxe hydraulique qui est affectée à Voies navigables de France ; les moyens de subvention de l’AFITF à VNF ont également été accrus.
Tout cela nous permettra de moderniser et de sécuriser le réseau. Il s’agit, par exemple, je le dis en particulier à Mme Des Esgaulx, de lancer les grands chantiers qui nous permettront de disposer sur l’Aisne et sur la Meuse de barrages automatisés, dignes du XXIe siècle, en lieu et place des barrages à aiguilles, survivance du XIXe siècle !
MM. Alain Chatillon et Christian Bourquin ont évoqué la situation du canal du Midi.
M. Jean-Jacques Mirassou. Moi aussi !
M. Thierry Mariani, ministre. Je n’oublie pas M. Mirassou, qui ne manquera sans doute pas d’en reparler en d’autres occasions !
M. Roland Courteau. Le sujet n’est pas clos !
M. Thierry Mariani, ministre. D'ores et déjà, 37 millions d’euros ont été investis sur l’ensemble des voies du Sud-ouest, en particulier sur le canal du Midi. Pour faire face à ce drame que constitue la destruction des platanes par le chancre coloré et sauver ce patrimoine exceptionnel, il nous faut aller plus loin, et le Gouvernement assumera pleinement ses responsabilités.
En accord avec Nathalie Kosciusko-Morizet, j’ai proposé au Premier ministre d’adopter une stratégie offensive. Dans ce cadre, François Fillon a ainsi accepté de confier à M. Chatillon une mission consacrée à la restauration des plantations de platanes.
Par ailleurs, j’indique à M. Christian Bourquin que le projet de loi ne traite pas uniquement de la question du grand gabarit mais qu’il rappelle également l’attachement du Gouvernement aux missions d’aménagement du territoire. Il permet notamment d’adapter les méthodes de gestion de nos canaux pour tenir compte de leurs spécificités. Il faut, par exemple, tenir compte du fait que beaucoup d’entre eux sont principalement utilisés l’été.
Nous souhaitons enfin passer d’une logique d’intervention en urgence à une logique de maintenance préventive des écluses, puisque celles-ci sont les éléments les plus sensibles du réseau.
Malheureusement, l’augmentation de ces travaux sur le domaine géré par VNF entraînera un certain nombre de nuisances, qui ont été signalées. Il arrive en effet que certains travaux de mise à grand gabarit, notamment sur l’Oise, à l’image du battage des palplanches, occasionnent des nuisances sonores pour les riverains. Néanmoins, je tiens à le préciser, de tels travaux sont toujours effectués de jour et en semaine. Lorsque le travail de nuit est néanmoins nécessaire, comme cela a été le cas pour le barrage de Chatou, une information est systématiquement délivrée aux riverains. Globalement pour chaque projet, tel que le projet MAGEO, une étude est réalisée préalablement aux travaux et inclut notamment une analyse des nuisances.
Je terminerai en évoquant, à la suite de Mme Schurch et de M. Patriat, la décentralisation des voies navigables.
Le projet de loi ne remet absolument pas en cause l’expérimentation ouverte par la loi de 2004, et cette possibilité doit être préservée. La décentralisation n’est pas un facteur de déstabilisation ; elle constitue au contraire une opportunité pour le réseau secondaire.
En ce qui concerne l’expérimentation bourguignonne, j’indique à M. Patriat mon souhait de voir les discussions en cours entre la région et Mme la préfète, qui m’en a rendu compte, aboutir le plus rapidement possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis ne résume donc pas à lui seul la relance des voies navigables que nous souhaitons mener, même s’il en constitue la clef de voûte. Ce débat, un certain nombre d’entre vous l’ont souligné, rejoint celui que nous avons eu ensemble sur la réforme portuaire, la semaine dernière. La bataille des ports se gagne à terre : voilà une expression que j’ai entendue à maintes reprises. Mais, comme le disait Jean Jaurès, « c’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Louis Nègre. La gauche pourrait applaudir !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela sonne faux…
M. Thierry Mariani, ministre. Je m’efforce de m’adapter à la nouvelle majorité du Sénat ! Croyez bien que trouver une citation de Jaurès sur les fleuves n’était pas chose aisée ! (Rires.)
Mme Évelyne Didier. Chez Jaurès, c’était une image !
M. Thierry Mariani, ministre. Le projet de loi constitue une étape importante de la réforme des voies navigables, une étape indispensable à sa réussite. Il vient parachever l’initiative qui, lancée il y a vingt ans, a conduit à la création de VNF. Je suis convaincu que, compte tenu des enjeux, l’ambition que nous partageons tous pour la voie d’eau nous permettra de trouver ensemble des solutions pour affronter au moins les défis des vingt prochaines années. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre IER
Dispositions relatives aux missions et à l’organisation de Voies navigables de France
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans l'intitulé de cette division, remplacer les mots :
Voies navigables de France
par les mots :
Agence nationale des voies navigables
II. - Procéder à la même substitution dans l’ensemble du texte.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. En commission, une quasi-unanimité s’est faite pour maintenir le nom de Voies navigables de France au motif qu’il constitue un élément de visibilité. J’ai également entendu que ce maintien permettrait en outre de ne pas dépenser inutilement de l’argent pour créer un nouveau logo. Je crois qu’il convient cependant de se montrer prudent en la matière.
Sur cet amendement, j’espérais au moins recevoir le soutien du Gouvernement, mais M. le ministre m’a déjà annoncé qu’il se ralliait à la position adoptée par la commission ; je le regrette. En effet, les protocoles d’accord qu’il a signés le 24 juin et le 1er juillet ont été conclus sur la base du nom « Agence nationale des voies navigables », et non sur celui de « Voies navigables de France ». Si je défends à nouveau cet amendement, c’est donc aussi en vertu du respect dû au dialogue social. En effet, il appartient aux parlementaires, non pas de réécrire les termes du protocole d’accord, mais, à l’inverse, de garantir leur respect.
En outre, je pense qu’il est réellement important de donner de la lisibilité au nouveau statut fixé par ce texte au nouvel établissement : il s’agit d’un EPA, et non plus d’un EPIC. Cela suffit, notamment aux yeux des agents, à imposer un changement de nom. Ce sont bien les agents du futur établissement qui vont concrètement assurer au quotidien l’accomplissement de ses nouvelles missions. Il est donc particulièrement important qu’ils s’approprient aussi sa dénomination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Madame Schurch, nous avons longuement débattu de cela en commission.
Je dirai simplement que ceux qui travaillent aujourd’hui sur le terrain et qui sont des fonctionnaires de l’État portent tous un vêtement marqué par le logo de VNF. Jusqu’à présent, cela n’a vraiment posé aucun problème !
Le Gouvernement ayant, de surcroît, donné à la commission son accord sur le maintien de l’actuelle dénomination, je ne peux qu’émettre, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Sans vouloir contredire M. le rapporteur, je tiens à préciser que je n’ai pas dit que le Gouvernement était d’accord avec la commission : j’ai seulement dit qu’il s’en remettrait à la sagesse – légendaire ! – du Sénat.
Le Gouvernement a souhaité changer le nom de l’établissement public pour marquer l’importance de l’étape franchie avec cette réforme. L’esprit est le même qu’en 1991, lorsque l’ancien Office de la navigation avait pris le nom de Voies navigables de France. Ce souhait répond, de plus, aux demandes des représentants des personnels de l’État qui étaient réticents à passer de l’employeur État à l’employeur VNF, dont les salariés relèvent à ce jour du droit privé.
Le Gouvernement est cependant conscient que ce changement de nom pourrait apparaître comme une remise en cause du travail accompli par VNF depuis vingt ans. Il ferait, en outre, disparaître un nom bien connu – et reconnu ! – des acteurs de la voie d’eau.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Nous avons effectivement eu, à ce sujet, une discussion assez longue en commission.
Si elle a lieu de nouveau, c’est bien qu’il y a ambiguïté. Tout à l’heure, notre collègue Daniel Dubois a posé la question : qu’est-ce qu’un EPA dérogatoire par rapport à un EPIC ? Un EPIC, c’est un établissement à caractère industriel et commercial qui correspond à une marque et qui a un logo. Il est donc cohérent de garder la marque et le logo VNF, même si de nouvelles missions sont dévolues au nouvel organisme, au demeurant hybride.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je suis partisan du maintien de l’appellation « Voies navigables de France » compte tenu de sa notoriété et de son image, qui est excellente. Il s’agit là d’un élément très important, car il faut des années, voire des décennies pour qu’un nom s’impose ainsi et devienne un emblème.
On peut le dire, aujourd’hui, dans le domaine des transports, Voies navigables de France est une référence.
D’une manière générale, il me paraît fâcheux de renoncer à des dénominations qui disposent d’une grande notoriété, a fortiori lorsque celle-ci est particulièrement positive. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. La volonté du Gouvernement a été de regrouper tous les personnels dans un même établissement public. Ne brûlons pas le drapeau ! L’intérêt, c’est que tout le monde travaille sous le même drapeau. Il existe, il flotte au vent, tout le monde le connaît. Ne changeons pas le nom !
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. Je veux seulement faire observer que, après discussion, le Gouvernement s’était mis d’accord avec les organisations syndicales sur un autre nom.
Ce qui me gêne, c’est que, nous, parlementaires, en décidions autrement. Nous sommes en contradiction avec ce qui a été négocié.
Je suis tout à fait prête à considérer que le nom de VNF est un label. Néanmoins, cet amendement demeure justifié.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. J’attire l’attention de notre distinguée collègue sur le fait que le peuple souverain, c’est nous ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. Alain Fouché. Il a raison !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
Le titre Ier du livre III de la quatrième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 4311-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-1. – L’établissement public de l’État à caractère administratif dénommé “ Voies navigables de France ” :
« 1° Assure l’exploitation, l’entretien, la maintenance, l’amélioration, l’extension et la promotion des voies navigables ainsi que de leurs dépendances, en développant un transport fluvial complémentaire des autres modes de transports ;
« 2° Est chargé de la gestion hydraulique des voies qui lui sont confiées en conciliant les usages diversifiés de la ressource aquatique, ainsi qu’en assurant l’entretien et la surveillance des ouvrages et aménagements hydrauliques situés sur le domaine qui lui est confié ;
« 3° Concourt au développement durable et à l’aménagement du territoire, notamment par la reconstitution de la continuité écologique, la conservation du patrimoine, la promotion du tourisme fluvial et des activités nautiques ;
« 4° Gère et exploite, en régie directe ou par l’intermédiaire de personnes morales de droit public ou de sociétés qu’il contrôle, le domaine de l’État qui lui est confié en vertu de l’article L. 4314-1 ainsi que son domaine privé. » ;
2° Après l’article L. 4311-1, sont insérés deux articles L. 4311-1-1 et L. 4311-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 4311-1-1. – Voies navigables de France est également chargé de l’étude de toute question relative à la navigation intérieure et à l’utilisation des cours et plans d’eau.
« Cet établissement apporte un appui technique aux autorités administratives de l’État en matière de navigation intérieure et propose toute réglementation qu’il estime nécessaire concernant l’exploitation du domaine public fluvial, les activités et les professions qui s’y rattachent ainsi que la police de la navigation intérieure.
« Art. L. 4311-1-2. – Pour l’exercice de ses pouvoirs de police de la navigation intérieure, notamment lorsqu’une situation de crise le justifie, le représentant de l’État territorialement compétent dispose des services de Voies navigables de France.
« L’établissement informe l’autorité administrative territorialement compétente de tout événement susceptible de porter gravement atteinte à l’ordre public. » ;
3° L’article L. 4311-2 est complété par des 6° à 8° ainsi rédigés :
« 6° Exploiter, à titre accessoire, l’énergie hydraulique au moyen d’installations ou d’ouvrages situés sur le domaine public fluvial mentionné à l’article L. 4311-1 du présent code en application des articles L. 511-2 ou L. 511-3 du code de l’énergie ;
« 7° Valoriser le domaine de l’État qui lui est confié en vertu de l’article L. 4314-1 ainsi que son domaine privé en procédant à des opérations d’aménagement ou de développement connexes à ses missions ou complémentaires de celles-ci ;
« 8° Créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes en vue de réaliser toute opération utile à ses missions, y compris celles mentionnées au 7° du présent article. » ;
4° Le 3° de l’article L. 4312-1 est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Sont électeurs au conseil d’administration toutes les catégories de personnel mentionnées à l’article L. 4312-3-1. L’élection a lieu par collèges représentant respectivement, d’une part, les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 et, d’autre part, les personnels mentionnés au 4° du même article, dans des conditions de nature à permettre la représentation de chaque collège fixées par décret en Conseil d’État. Le nombre de représentants du personnel au conseil d’administration tient compte des effectifs respectifs des agents de droit public et des salariés de l'établissement. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, j’implore votre clémence : faute d’avoir eu la possibilité de m’exprimer lors de la discussion générale, je voudrais revenir sur un point qui a déjà été évoqué par plusieurs de mes collègues, notamment Jean-Jacques Mirassou, à savoir le canal du Midi.
Personnellement, je regrette vivement que les travaux de modernisation et de mise au gabarit Freycinet entrepris dans les années soixante-dix n’aient jamais été terminés sur cette voie d’eau, car c’est une condition absolue pour y faire circuler des marchandises. Ainsi, la section comprise entre Baziège et Argens n’est toujours pas modernisée. C’est un véritable gâchis, car cela rend l’ensemble de ce canal impropre au transport de marchandises par des péniches d’un certain gabarit.
Je veux insister sur un autre problème qui a déjà été soulevé aujourd'hui, celui des platanes qui bordent ce canal et dont la dimension patrimoniale est aujourd’hui menacée. Vous avez d’ailleurs indiqué, monsieur le ministre, qu’un de nos collègues s’était vu confier une mission à ce sujet.
Chacun le sait, plusieurs milliers des 42 000 platanes qui forment en quelque sorte l’architecture végétale de cette magnifique voie d’eau – c’est, parmi celles qui sont nées du génie humain, la plus ancienne d’Europe – sont contaminés par un microchampignon, le ceratocystis platani, plus communément appelé « chancre coloré ». C’est un véritable fléau, car un arbre contaminé meurt dans un délai de trois à cinq ans.
Ce champignon se serait propagé en France au cours de la Seconde Guerre mondiale, à partir de caisses en bois de platane apportées par l’armée américaine et contenant du matériel de guerre.
Le seul moyen de lutter contre le chancre coloré est d’abattre les arbres contaminés, ainsi que tous ceux, même sains, qui sont situés dans leur périmètre immédiat.
Pour les populations riveraines, pour les touristes, mais aussi pour VNF, c’est un véritable crève-cœur !
Et la maladie est en expansion, car l’eau et les bateaux sont des vecteurs de propagation ; dès lors, la progression de la contamination ne peut être qu’exponentielle. On comptait 58 foyers entre 2006 et 2009 ; on en dénombrait 130 en 2010. Ce sont en fait les 42 000 platanes qui sont menacés et, avec eux, la majesté d’un site exceptionnel. Le canal du Midi sans ses platanes, ce n’est plus le canal du Midi ! Autrement dit, c’est l’identité même de cette voie d’eau qui est menacée.
J’ai appris que le nombre annuel d’abattages pourrait concerner 4 000 arbres en 2013. À ce rythme, les 42 000 platanes ne tarderont guère à disparaître tous !
Monsieur le ministre, peut-on améliorer la prophylaxie ? Est-il possible de mieux contrôler les foyers de propagation ? Peut-on mieux former les personnes qui travaillent sur ces platanes ou à proximité ? J’aimerais obtenir des réponses à ces questions.
Certes, des replantations adaptées sont en cours et des solutions sont à l’étude, notamment la modification et la diversification des essences. Il n’en reste pas moins que l’impact de cette maladie est inéluctable.
Je conclurai mon propos par une autre question. Depuis 1996, le canal du Midi est inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Or les élus et la population craignent un déclassement. Je crois savoir que l’État envisagerait de signaler à l’UNESCO le problème auquel nous sommes confrontés. Cela a-t-il été fait ?
Ainsi que Christian Bourquin l’a rappelé, lorsque, récemment, M. le Président de la République est venu en Languedoc-Roussillon, ce problème lui a été exposé. Monsieur le ministre, pouvez-vous me dire quelles mesures ont été décidées à la suite de cette visite ? Le Gouvernement a-t-il pris des initiatives ? A-t-il saisi l’UNESCO ?
L’avenir de ce canal, patrimoine exceptionnel et poumon économique de toute une région, est ici en jeu. Nous devons tous être vigilants, et je vous invite à l’être au premier chef, monsieur le ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. L’amendement n° 8, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, contribuant ainsi au report modal
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. La France possède 22,4 % du réseau fluvial européen, soit le plus vaste réseau navigable d’Europe. Pourtant, comme le notent de nombreux observateurs, cet atout ne se traduit pas, dans les faits, par un dynamisme de notre trafic de marchandises, puisque la voie d’eau plafonne toujours à 4 % du transport total de fret.
Pour renforcer et valoriser le trafic fluvial, il est nécessaire d’avoir une double approche globale : du fluvial en tant que tel, d’une part, comme l’a souligné le rapporteur ; du transport de marchandises alternatif à la route, d’autre part.
Notre amendement ne vise pas seulement à encourager la multimodalité ou l’intermodalité, mais aussi à favoriser de manière volontariste le report modal. En ce sens, il s’inscrit dans la droite ligne des engagements pris à travers le Grenelle de l’environnement et il fait écho à l’objectif tendant à faire passer la part du fret non routier de 14 % à 25 % en quinze ans. Cette ambition donne au transport fluvial une place et un rôle majeurs, qui doit se traduire par un report modal, et non par la concurrence entre différents modes de transport au moyen du moins-disant social et écologique.
Favoriser le report modal, ce n’est pas seulement se concentrer sur le réseau magistral, c’est aussi tout faire pour entretenir et valoriser les réseaux dits « secondaires », qui sont tout aussi nécessaires au fret, comme le montre l’exemple du canal du Midi. Le parallèle avec le fret ferroviaire est ici évident.
Je rappelle que le schéma national d’infrastructures de transport ne prévoit pas de progression de la part du fret par voie d’eau, et je le regrette. En vingt ans, nous avons perdu 2 000 postes dans le secteur fluvial, et il est prévu, dans le cadre de la RGPP, de supprimer encore 271 emplois. Comment voulez-vous faire plus et mieux avec toujours moins d’emplois ?
N’oublions pas qu’un convoi fluvial de 5 000 tonnes équivaut à 250 camions, soit une file de 7 kilomètres en moins sur les routes !
Vous le voyez, cet amendement n’a donc rien d’anecdotique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. C’est un excellent amendement, qui va dans le sens du report modal. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 8, je souhaite répondre à M. Courteau.
Le Président de la République et le Gouvernement sont pleinement conscients de la situation du canal du Midi. D’ailleurs, comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, lorsqu’il s’est rendu en Languedoc-Roussillon, Nicolas Sarkozy a pu prendre toute la mesure du problème.
Où en sont les démarches entreprises auprès de l’UNESCO ? Je vous l’avoue, je ne suis pas, en cet instant, en mesure de répondre précisément à cette question.
M. Roland Courteau. C’est ce qui m’intéresse !
M. Thierry Mariani, ministre. Je m’engage à me renseigner à ce sujet auprès du cabinet de Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, car ce sujet me paraît relever plutôt de sa compétence.
Je rappelle que 37 millions d’euros ont déjà été investis en faveur de l’ensemble des voies navigables du Sud-ouest, et en particulier du canal du Midi. Je vous confirme en outre que votre collègue Alain Chatillon s’est vu confier une mission sur la replantation de ces platanes.
Étant moi-même originaire du Midi, mais du Sud-est, je peux vous dire que le chancre coloré prolifère équitablement, hélas, sur les deux rives du Rhône : j’ai pu constater les ravages de cette maladie dans ma propre région.
J’en viens à l’amendement n° 8.
Pour le transport des marchandises, il est acté à l’article 11 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement que le développement de l’usage du transport fluvial revêt un caractère prioritaire. Ce texte prévoit que la part du fret non routier et non aérien doit passer de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Cet amendement tend à expliciter les missions de la future agence en mentionnant la contribution au report modal, ce qui dépasse l’objectif de complémentarité avec les autres modes de transport et paraît plus cohérent par rapport aux dispositions de la loi Grenelle 1.
J’émets donc un avis favorable.
M. le président. L’amendement n° 9, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le personnel de l'établissement assure la maîtrise de la gestion et de l'exploitation des voies d'eau.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. La valorisation, s’agissant du domaine public de l’État ou de toute autre personne publique, ne peut s’entendre comme la seule maximisation du profit. Elle a aussi pour objectif la recherche d’une meilleure satisfaction de l’intérêt général.
Au regard des différentes fonctions du réseau des voies navigables, c’est-à-dire le transport fluvial, la prévention des crues, l’alimentation en eau des usagers urbains, agricoles ou industriels, la production hydroélectrique ou le tourisme, nous estimons que la gestion et l’exploitation des voies d’eau doivent se faire sous maîtrise publique de l’établissement.
De plus, et c’est le sens de notre amendement, il nous paraît essentiel d’encadrer la réalisation d’opérations d’aménagement ou bien d’opérations connexes aux missions de l’EPA. Celle-ci doit se faire sous maîtrise publique, afin de permettre aux personnels de l’EPA d’assurer l’ensemble des opérations liées à la gestion ainsi qu’à l’exploitation des voies d’eau et des installations.
Notre amendement autorise la sous-traitance et le recours à des prestataires de service sur le domaine public, mais en encadrant tout risque de privatisation des missions dévolues à l’EPA. En définitive, la valorisation des biens publics, quels qu’ils soient, doit s’entendre comme une valorisation au service de l’utilité publique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Il revient, bien sûr, aux personnels de VNF de gérer et d’exploiter les voies navigables. Faut-il, pour autant, interdire à l’établissement public tout recours à des prestataires extérieurs pour l’exécution de certaines parties de ces missions ? Il me semble que ce serait hypothéquer l’avenir. Vous le savez, les métiers changent, et VNF peut avoir ponctuellement besoin de spécialistes qui ne font pas partie de son personnel.
La commission, qui avait déjà repoussé votre proposition la semaine dernière, madame Schurch, a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Comme l’a dit fort justement M. le rapporteur, l’adoption de cet amendement aurait pour conséquence d’exclure toute possibilité de partenariat ou de sous-traitance avec une entreprise.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Je comprends votre souci, ma chère collègue, mais la rédaction de votre amendement pose un réel problème. Si vous aviez écrit que VNF devait assurer exclusivement la maîtrise d’ouvrage, nous aurions pu vous suivre. Or tel n’est pas le cas.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement ne vise pas à interdire la sous-traitance ou le recours à des experts extérieurs. Nous avons écrit que le personnel de l’établissement devait assurer « la maîtrise de la gestion et de l’exploitation ». Nous ne demandons rien d’autre et la rédaction de cet amendement est donc tout à fait correcte !
M. le président. L’amendement n° 10, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-1-3. - L'État et l'Agence de financement des infrastructures de transport de France concourent au financement des actions et projets prévus pour les voies navigables. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Par cet amendement, que l’on pourrait qualifier de déclaratoire, nous souhaitons réaffirmer la nécessité d’investissements en faveur des voies navigables réalisés par l’État et l’AFITF.
Vous nous répondrez que le Gouvernement vient de s’engager, notamment au travers du plan de relance de la voie d’eau, à réaliser un investissement de 840 millions d’euros. Nous sommes malheureusement habitués, en particulier depuis le Grenelle de l’environnement, à voir de grandes déclarations tomber aux oubliettes au nom de la rigueur budgétaire...
Tous les orateurs l’ont dit, les voies d’eau, et notamment les digues, sont dans un état lamentable. Faute d’investissements suffisants, une grande partie du réseau risque d’être définitivement abandonnée, ce qui mettrait irrémédiablement un terme à toute volonté de relance de la voie d’eau et de rééquilibrage modal au profit des modes de transport alternatifs à la route.
Je rappelle que les engagements financiers nécessaires à la rénovation de la voie d’eau ont été estimés à plus de 2,5 milliards d’euros. Des engagements fermes devront donc figurer dans la prochaine loi de finances et les décisions inscrites dans le SNIT, être mises en œuvre.
Nous souhaitons, par ailleurs, dénoncer la volonté du Gouvernement de se désengager de ses responsabilités, notamment en s’en déchargeant sur les collectivités, mais aussi en recourant de façon accrue aux partenariats public-privé.
Nous estimons, pour notre part, que la révolution écologique passe par un engagement fort et acté de l’État, garant de l’intérêt général, et par l’inscription des financements correspondants.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. La réalité vous donne satisfaction, madame Schurch, puisque les subventions représentent déjà le quart des financements de VNF et que le regroupement des agents des services de l’État va considérablement augmenter la masse salariale, de l’ordre de 180 millions d'euros, à la charge de l’État.
Cependant, la précision que vous voulez introduire n’est peut-être pas inutile pour garantir la participation de l’AFTIF au financement des voies navigables. Dès lors que le présent amendement ne fixe aucun montant de participation, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Les modalités du financement des projets de développement de la voie d’eau seront examinées le moment venu et ce financement sera assuré au cas par cas non seulement par le recours à des crédits budgétaires de l’État et/ou de l’AFTIF, mais également par la recherche de cofinancements auprès des collectivités territoriales concernées, de partenaires privés et de l’Europe.
Le Gouvernement ne souhaitant pas restreindre ces possibilités de financement pour contribuer au développement de la voie d’eau, il émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous apporter quelques précisions. L’amendement n° 10 dispose : « L’État et l’Agence de financement des infrastructures de transport de France concourent au financement… » Ce n’est pas l’amendement que nous avions examiné dans un premier temps en commission : il ne comporte aucune mention impliquant une exclusivité quant à l’origine des financements.
Cet amendement, sur lequel je confirme l’avis favorable de la commission, ne devrait donc pas vous gêner en quoi que ce soit, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Passé le stade des bonnes intentions, à l’heure des travaux pratiques, pour être sûr de ne pas être débordé, monsieur le ministre, vous fermez en quelque sorte l’écluse… Nous le regrettons !
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4311-1-4. Les investissements effectués par l'établissement public Voies navigables de France pour la modernisation ou le développement des voies d’eau sont réalisés dans le cadre de dispositifs financiers publics, excluant le recours aux contrats de concessions ou de partenariat public-privé. » ;
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. La relance de la voie d’eau et la nécessaire mobilisation de ressources nouvelles pour le financement de la mise en sécurité, de la modernisation et de l’exploitation du réseau ne doivent pas conduire à faire accepter l’externalisation des tâches d’entretien et d’ingénierie publique.
Sous prétexte d’économies à court terme, mettant en lumière l’affaiblissement de la capacité d’investissement à la fois de l’État et des collectivités, un tel procédé est très clairement, en réalité, un prélude à la privatisation des infrastructures. En tout cas, cela nous semble dangereux. Pourtant, ce type de contrat fait florès et tend à être généralisé à l’ensemble des infrastructures et équipements publics, notamment dans le secteur de la voie d’eau. En témoigne le projet de canal Seine-Nord Europe.
À l’inverse, nous estimons qu’il est urgent d’engager une politique publique ambitieuse pour l’entretien et l’exploitation des infrastructures, seule capable d’assurer réellement le développement d’un réseau multimodal et intégré. Et, monsieur le ministre, vous venez de nous confirmer une nouvelle fois votre ferme engagement en la matière.
Pourtant, votre gouvernement non seulement continue de mener une politique d’austérité et de rigueur, notamment par le biais de la RGPP, mais, plus grave, se dessaisit d’un financement des infrastructures à travers des concessions ou le recours aux PPP, les partenariats public-privé. Il s’agit bien là d’une logique de privatisation répondant à des impératifs budgétaires, et ce pour le plus grand bénéfice des actionnaires des entreprises du bâtiment.
Pour notre part, nous sommes très circonspects devant cette généralisation des PPP, notamment en ce qui concerne la reconstruction des barrages manuels sur la Meuse et l’Aisne.
Le transfert de la maîtrise d’ouvrage aux géants du BTP, dont le principal objectif est de verser des dividendes, ainsi que la suppression d’emplois publics qui y est liée nous semblent insupportables et en total décalage avec une politique des transports ambitieuse, répondant aux impératifs découlant du Grenelle de l’environnement.
Les récents exemples de mise en œuvre de PPP démontrent que, loin de constituer un mode de marché public efficace, cette solution se traduit à terme par des coûts plus élevés. Le recours à cette forme de marché public entérine également une perte de maîtrise publique qui n’est pas conforme aux objectifs d’intérêt général assignés à une politique des transports favorisant l’intermodalité et garantissant un niveau élevé de sécurité.
L’exemple de l’hôpital d’Évry constitue à ce titre un nouvel exemple de l’incapacité du privé, trop enclin à privilégier ses bénéfices, à répondre à des objectifs d’intérêt général.
Pour cette raison, et par le biais du présent amendement, nous voulons alerter nos collègues et le Gouvernement sur les conséquences néfastes de la généralisation du recours aux PPP et interdire ceux-ci pour la réalisation et l’exploitation des infrastructures fluviales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Une telle interdiction paraît excessive, madame Schurch.
Je rappelle que les contrats de concession – puisque vous visez à la fois les concessions et les PPP – datent du XVIIe siècle et qu’ils ont servi à creuser bien des canaux.
Quant au partenariat public-privé, je ne pense pas qu’il faille le diaboliser : c’est un outil parmi d’autres au sein de la commande publique. Il a certes un coût, mais il permet de mobiliser des crédits importants : c’est le cas pour la réalisation du canal Seine-Nord Europe, dont le montant global dépasse 4 milliards d’euros. Il serait donc dommage de priver VNF de ce moyen d’action.
De surcroît, il ne s’agit pas, contrairement à ce que vous dites pressentir, de généraliser un tel système. Je rappelle que trois critères sont requis : l’urgence, la complexité, un bilan globalement favorable. J’ajoute qu’une mission d’appui aux PPP doit donner son feu vert.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Comme l’a fort justement indiqué M. le rapporteur, si l’amendement n° 14 était adopté, la concrétisation du projet du canal Seine-Nord Europe ou du projet tendant à reconstruire vingt-neuf barrages manuels sur le réseau fluvial serait impossible.
Les PPP constituent un outil novateur et permettent de réaliser un grand nombre d’investissements.
Je rappelle que, si quatre lignes de TGV peuvent actuellement être construites en même temps, c’est grâce au recours aux PPP. Bien sûr, il ne s’agit pas du domaine fluvial, mais je me permets de citer cet exemple, car je sais que les membres de votre groupe, madame Schurch, sont particulièrement attachés au développement du transport ferroviaire.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Notre collègue Mme Schurch considère que les PPP doivent être rejetés systématiquement.
Il faut regarder ces partenariats avec les yeux grands ouverts. Le PPP, c’est un peu comme la langue d’Ésope : ce peut être la pire et la meilleure des choses ! Il reste que, compte tenu des conditions qui sont imposées en cas de recours à de tels partenariats, les délais et les prix sont rigoureusement encadrés, ce qui n’est pas rien. Et n’oublions pas l’engagement de la partie privée d’entretenir l’ouvrage.
C’est pourquoi il me semble qu’il ne faut pas rejeter a priori les PPP.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. On ne peut pas laisser dire que les entreprises du bâtiment et de travaux publics ne cherchent qu’à supprimer des emplois publics. Elles jouent un rôle complémentaire de celui de l’État. Si ces entreprises n’existaient pas, les lignes à grande vitesse en cours de réalisation ne sortiraient jamais de terre !
Par conséquent, j’estime que l’amendement n° 14 n’est pas acceptable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Le projet du canal Seine-Nord Europe n’aurait pas vu le jour sans un PPP.
Je souhaite cependant évoquer à mon tour le contre-exemple du fameux hôpital sud-francilien, qui démontre que le partenariat public-privé peut aussi, comme le disait notre collègue Louis Nègre, être la pire des choses. Un contrôle en amont d’un tel montage est évidemment nécessaire et le recours au PPP n’est pas un dogme religieux dont il ne faudrait jamais s’écarter !
M. Louis Nègre. Voilà !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
1° Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’établissement ne peut confier la réalisation des opérations d’aménagement et de construction qu'à des organismes visés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, et aux articles L. 326-1 et L. 327-1 du code de l’urbanisme ;
2° Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
8° Créer des filiales à capitaux majoritairement publics ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes à capitaux majoritairement publics en vue de réaliser toute opération utile à ses missions, y compris celles mentionnées au 7° du présent article. » ;
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. L’article 1er définit les missions imparties au nouvel établissement public administratif. Ainsi, il est prévu que l’établissement peut « valoriser le domaine de l’État qui lui est confié […] ainsi que son domaine privé en procédant à des opérations d’aménagement ou de développement connexes à ses missions ou complémentaires de celles-ci » et qu’il peut « créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes en vue de réaliser toute opération utile à ses missions », y compris celles de valorisation par des opérations d’aménagement.
Non encadrée, une telle disposition aboutirait manifestement à laisser à l’EPA la possibilité de privatiser les installations et leurs dépendances comme leur gestion.
Nous proposons, par le présent amendement rectifié – et la rectification apportée va plus loin que celle qu’a suggérée M. le rapporteur –, que les opérations d’aménagement ne puissent être déléguées qu’aux seuls organismes d’HLM, aux établissements publics d’aménagement et aux sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA.
En effet, la rédaction qui nous a été soumise pour la phrase visant à compléter l’alinéa 15 de l’article 1er ne permettait pas d’inscrire une exclusivité de délégation au profit des organismes d’HLM, des établissements publics d’aménagement et autres SPLA.
Par ailleurs, et sur ce point notre amendement est identique à celui de nos collègues socialistes, nous proposons de circonscrire les possibilités de filialisation ou de prises de participations aux sociétés à capitaux majoritairement publics. Une telle précision est à notre sens particulièrement utile pour garantir le caractère d’intérêt général des opérations ainsi menées.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
1° Alinéa 15
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L’établissement peut confier la réalisation des opérations d’aménagement et de construction à des organismes visés à l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation, et aux articles L. 326-1 et L. 327-1 du code de l’urbanisme ;
2° Alinéa 16
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 8° Créer des filiales à capitaux majoritairement publics ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes à capitaux majoritairement publics en vue de réaliser toute opération utile à ses missions, y compris celles mentionnées au 7° du présent article. » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Par le biais de cet amendement, nous souhaitons « marquer » le présent texte de plusieurs valeurs fondamentales à nos yeux.
Permettez-moi tout d’abord d’insister sur le caractère accessoire de la délégation de valorisation foncière et d’exploitation de l’énergie de la nouvelle agence.
Nous pensons que la valorisation foncière et immobilière doit être conduite afin de valoriser les territoires concernés et pas seulement le bilan financier de la nouvelle agence.
Mes chers collègues, vous savez comme moi que l’on attend beaucoup de la manne foncière que représentent les emprises du domaine public de l’État. Depuis des années, nous assistons à la grande braderie du domaine public : emprises de RFF, de la SNCF, anciennes casernes et autres emprises militaires ou encore, comme on l’a vu récemment, bâtiments classés et autres monuments historiques. Tout est bon, aux yeux de l’actuelle majorité présidentielle, pour « faire de l’argent » et combler les trous !
L’État se comporte comme un propriétaire privé, sans montrer aucune considération pour les politiques publiques qui sont conduites dans les territoires où figure le patrimoine qu’il brade. C’est devenu une manie qui ne serait pas problématique si elle n’avait pour conséquence, alors que sévit une crise du foncier disponible, de faire monter les prix.
Pour notre part, nous entendons mettre fin à ce type de pratique. C’en est fini de l’État spéculateur ! Si VNF exerce une telle mission, l’établissement devra le faire dans le respect d’un certain nombre de principes. Nous estimons en effet que la création de filiales ou les prises de participations dans des entreprises, fussent-elles publiques, ne doivent pas être considérées comme une mission en soi.
Par ailleurs, nous vous avons fait part de notre interrogation quant au choix effectué, à savoir le statut d’établissement public d’État. Certes, cette option correspond au souci de préserver l’intérêt général. Nous ne doutons pas que ce même souci anime l’ensemble des personnels concernés par la présente réforme. Toutefois, nous souhaitons veiller à ce que les missions de VNF ne puissent être confiées qu’à des filiales à capitaux majoritairement publics ou, dans le cas particulier des opérations d’aménagement en cœur de ville, à des opérateurs dédiés, comme les organismes d’HLM, les établissements publics d’aménagement ou les SPLA.
Tel est le sens de l’amendement n° 3 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. L’amendement n° 11 rectifié comprend deux parties, qui auraient pu faire l’objet de deux amendements distincts : notre débat en eût été plus clair ! La première partie de l’amendement vise la possibilité pour VNF de confier la réalisation d’opérations d’aménagement et de construction. La seconde tend à permettre à l’agence de créer des filiales. Il s'agit de deux problèmes différents.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Exact !
M. Francis Grignon, rapporteur. Or nous sommes favorables à la deuxième partie de l’amendement, mais pas à la première. En effet, madame Schurch, l’expérience nous montre que prévoir que « l’établissement ne peut confier la réalisation des opérations d’aménagement et de construction qu'à des organismes visés à l’article L. 411-2 » serait beaucoup trop restrictif.
C'est pourquoi, si la commission n’a pas pu se prononcer sur cet amendement, à titre personnel, j’y suis défavorable.
Dans la mesure où l’amendement n° 3 rectifié prévoit une faculté là où celui qu’a défendu Mme Schurch vise à établir une exclusivité – « peut » et non « ne peut que » –, j’y suis, à l’inverse, personnellement favorable. Cependant, la commission a souhaité, sur cet amendement, s’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée, pour des raisons qui tiennent à la partie de l’amendement relative à la création de filiales : comme nous avons décidé de mettre en place un EPA, il n’est pas illogique que ses filiales soient créées avec des organismes à capitaux majoritairement publics.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Les opérations d’aménagement seront bien sûr menées, dans la majorité des cas, par un organisme public. Pour autant, il peut y avoir des cas où l’établissement aura à traiter avec un aménageur privé, notamment sur de petites parcelles. Pour cette raison, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 11 rectifié.
S’agissant de l’amendement n° 3 rectifié, le Gouvernement est tout à fait d'accord pour que l’établissement, dans des cas particuliers d’aménagement en cœur de ville, puisse confier la réalisation d’opérations spécifiques, notamment quand il s'agit de logements, à des organismes HLM, des établissements publics d’aménagement ou des SPLA, dans le respect des règles afférentes à la commande publique.
En revanche, pour la composition du capital des sociétés filiales créées par VNF afin de conduire les opérations envisagées, l’objectif du Gouvernement est précisément que la mobilisation de capitaux privés ait un effet de levier par rapport à la situation résultant de la seule utilisation des ressources publiques. Dès lors, imposer une participation majoritaire de capitaux publics restreindrait le nombre et l’ampleur des opérations susceptibles d’être réalisées.
Monsieur Courteau, je vous suggère donc de supprimer le 2° du texte proposé, ce qui me permettrait d’émettre un avis favorable sur l’amendement.
M. le président. Monsieur Courteau, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le ministre ?
M. Roland Courteau. Non, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les dispositions de l’amendement n° 3 rectifié répondent parfaitement à l’inquiétude que j’ai manifestée tout à l'heure, quand j’ai souligné que les nouvelles missions de VNF pourraient susciter des dérapages et entretenir la confusion des genres.
Le texte de cet amendement a le mérite de recentrer VNF sur son cœur de métier, tout en préservant le principe d’une majorité de capitaux publics dans ses filiales et en garantissant la nature des missions exercées. Par conséquent, le dispositif prévu, tout en donnant à VNF la flexibilité nécessaire pour réaliser les aménagements qui s’imposent, est suffisamment encadré pour éviter les dérapages que j’évoquais tout à l'heure et dont je soulignais qu’ils pouvaient être dangereux.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, quand vous demandez pourquoi les capitaux privés ne pourraient être majoritaires dans ces filiales, vous faites sauter un verrou. Nous nous inscrivons en faux contre cette conception, et nous maintenons donc l’amendement tel qu’il est rédigé.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Monsieur Courteau, je tiens à vous dire que la vente à bon prix d’un bien de l’État n’est pas obligatoirement un acte spéculatif. Ce peut être un acte d’intérêt général,…
M. Charles Revet. Bien sûr !
M. Daniel Dubois. … tout simplement parce qu’il s'agit là d’une source d’argent public.
M. Roland Courteau. Sauf quand le bien est bradé !
M. Daniel Dubois. Aujourd'hui, de nombreuses collectivités vendent des immeubles,…
M. Charles Revet. Et en construisent d’autres !
M. Daniel Dubois. … parce qu’elles estiment qu’elles n’en ont plus besoin. Très honnêtement, je pense que les vendre au meilleur prix est une décision d’intérêt général. Il y a là certainement une différence d’approche entre nous, mais je tenais à souligner ce point.
En outre, je voudrais faire une analogie avec les organismes HLM, dont on parle beaucoup. Ceux-ci étaient pour la plupart des EPA, et on en a fait des OPH, des offices publics de l’habitat, qui sont des EPIC, en partie, justement, pour leur permettre d’agir avec des acteurs privés.
Je vous le rappelle, aujourd'hui, les organismes HLM peuvent acheter des logements auprès d’opérateurs privés. Je ne comprends donc pas pourquoi on diabolise à ce point les opérateurs privés,…
M. Roland Courteau. Parce qu’il y a eu des dérapages !
M. Daniel Dubois. … en manifestant un tel dogmatisme.
Attention, mes chers collègues : au moment où l’argent public est rare, prenez garde à ne pas piéger les collectivités locales. En effet, si vous interdisez à VNF d’intervenir dans certains cas spécifiques en partenariat avec des acteurs privés et rendez obligatoire la constitution de structures publiques, vous contraindrez les collectivités à investir de l’argent public dans ces organismes, alors qu’elles n’en ont plus guère et qu’elles pourraient en consacrer à d’autres actions. Je vous invite donc à la prudence.
En tout cas, à titre personnel, je partage l’avis du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le rapporteur, j’ai entendu vos explications. La première partie de l’amendement n° 11 rectifié, qui vise à modifier l’alinéa 15 de l’article, est très exclusive, j’en conviens. Nous aurions pu prévoir que l’établissement « peut confier prioritairement ou majoritairement la réalisation des opérations d’aménagement ». Quoi qu'il en soit, je vais retirer cet amendement pour me rallier à l’amendement n° 3 rectifié, dont les autres dispositions sont strictement les mêmes que celles que j’ai défendues.
Par ailleurs, monsieur Dubois, pourquoi l’argent est-il rare ? À mon avis, il n’est pas rare pour tout le monde !
M. Jean-Jacques Mirassou. Bravo !
Mme Mireille Schurch. Il faudrait tout de même veiller à alimenter correctement les caisses des collectivités territoriales, ne serait-ce qu’en puisant à des sources auxquelles le Gouvernement a manifestement renoncé jusqu’à présent.
M. le président. L’amendement n° 11 rectifié est retiré.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 3 rectifié.
M. Roland Courteau. Monsieur Dubois, il est vrai que, dans certains cas, on peut vendre à bon prix les biens publics, mais ces opérations ressemblent parfois à ce que j’ai qualifié tout à l'heure de grande ou très grande braderie. Et là, les ventes ne se font pas à bon prix !
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Sans allonger notre débat, je rappellerai qu’il existe dans toutes les collectivités de bons gestionnaires, qui sont parfois de gauche et très souvent de droite ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Comme à Chantilly ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. Puisque le texte de l’amendement n° 3 rectifié reste inchangé, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Je prendrai un exemple simple : celui de l’hydroélectricité. Faut-il que VNF soit majoritaire dans la filiale qui exploite les turbines, alors que, à l’évidence, ce n’est pas son cœur de métier. Autant une participation a du sens, autant il n'est pas logique que VNF ou le secteur public soient majoritaires dans ce type d’activités. Voilà pourquoi nous nous opposons à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer les mots :
ou complémentaires de celles-ci
M. Roland Ries. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 1 est retiré.
L'amendement n° 2, présenté par MM. Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :
Ces opérations doivent être compatibles avec les principes d’aménagement définis dans le schéma de cohérence territoriale du territoire concerné. Quand elles ont pour finalité la création de bureaux ou locaux d’activité, elles doivent prévoir la construction d’une quantité minimale de logements, définie en concertation avec commune et la collectivité compétente en matière de programme local de l’habitat ;
La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Nous souhaitons que les opérations de valorisation immobilières et foncières soient clairement compatibles avec les principes d’aménagement définis dans le schéma de cohérence territoriale du territoire concerné.
Il nous a été indiqué en commission, en partie à juste titre, qu’une opération d’aménagement ne pouvait pas être incompatible avec un SCOT. Toutefois, mes chers collègues, j’attire votre attention sur un point : certains PLU restent, hélas, désespérément incompatibles avec les SCOT, du fait même qu’ils ont été adoptés avant ces derniers. Par ailleurs, certains projets, notamment en cœur de ville, méritent que les détenteurs des emprises foncières s’accordent avec les responsables locaux. Notre objectif doit donc être de parvenir à une vraie concertation, à un véritable dialogue entre le propriétaire ou le gestionnaire du foncier et les collectivités locales compétentes, pour que l’aménagement du territoire soit équilibré.
Nous ne souhaitons pas que soient reproduites les situations, que nous avons connues dans certaines villes, de cessions d’emprises aux plus offrants, fût-ce par le biais de baux emphytéotiques, sans que les collectivités soient seulement mises au courant.
Or, vous le savez, dans nos villes, en particulier dans les villes moyennes, l’État comme ses établissements publics n’ont pas toujours pris les précautions nécessaires pour valoriser au mieux leur patrimoine dans le sens de l’intérêt général des territoires. C’est ce que nous voulons éviter au travers de cet amendement, qui tend à préciser le dispositif prévu et à rendre obligatoire la concertation avec les autorités locales.
Quand elles auront pour finalité la création de bureaux ou de locaux d’activité, ces opérations devront prévoir la construction d’une quantité minimale de logements, définie en concertation avec la commune et la collectivité compétente en matière de programme local de l’habitat. Rien n’empêchera les partenaires de décider de ne réaliser aucun logement si d’aventure la zone considérée est totalement à l’écart d’un tel programme. Néanmoins, un dialogue aura tout de même été instauré entre, d'une part, le propriétaire ou le gestionnaire, et, d'autre part, la collectivité qui est en charge de l’intérêt public sur le territoire concerné.
L’activité de valorisation du patrimoine foncier de VNF ne peut, nous semble-t-il, être conduite en dehors de toute concertation avec les collectivités concernées. La référence au SCOT permet au minimum de s’assurer d’un dialogue en amont. C’est un signal que nous souhaitons adresser au travers de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet amendement vise tout d’abord à rendre les opérations d’aménagement conduites par VNF compatibles avec les principes des schémas de cohérence territoriale, là où ils existent. Ce volet de l’amendement ne pose aucun problème ; on peut même dire que son objet est satisfait, les collectivités territoriales maîtrisant leur urbanisme et les opérations de VNF devant, dans tous les cas, être compatibles avec les documents d’urbanisme en vigueur.
C’est sur le second volet de l’amendement que le bât blesse. En effet, il est indiqué que les opérations comportant la construction de bureaux ou de locaux d’activités devront également prévoir la construction d’une quantité minimale de logements, définie en concertation avec la collectivité compétente en matière d’habitat.
Non seulement la référence à la construction d’une quantité minimale de logements manque de précision, non seulement elle ne correspond pas aux situations locales, mais surtout elle pourrait contraindre les collectivités territoriales à construire des logements dans des secteurs où elles ne projetaient pas de le faire.
Étant opposée à ce second volet, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. Nous avons eu une discussion sur ce sujet lors de la réunion de la commission, ce matin. Il me semble qu’il existe des malentendus concernant l’application des règles d’urbanisme. J’en ai discuté à l’issue de la réunion avec notre rapporteur ainsi qu’avec nos collègues Philippe Esnol et Marie-Noëlle Lienemann.
Il est évident, à mes yeux, qu’il est impossible de déroger au PLU lorsqu’il en existe un. Cet amendement prévoit que, si l’État donne des indications dans le « porter à connaissance », la collectivité doit en tenir compte lorsqu’elle revoit son PLU ou le met en œuvre. C'est pourquoi nous renonçons à l’opposition que nous avions exprimée ce matin en commission à l’égard de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.
M. Roland Ries. Je voudrais revenir sur l’obligation d’envisager la construction de logements dans ces opérations. Nous avons défini cette orientation pour favoriser la mixité fonctionnelle urbaine. L’époque où les secteurs étaient clairement définis – ici les bureaux, là les zones d’activité, ailleurs les logements – est révolue ; je pense que nous sommes unanimes à ce sujet.
Toutefois, il n’est pas impossible, je l’ai dit tout à l'heure, que, dans le cadre de la concertation entre la collectivité publique et le propriétaire ou le gestionnaire du foncier, on décide d’un commun accord de déroger à cette règle pour aller dans une autre direction. S’il existe un PLU couvrant le secteur, il n’appartient pas au législateur de dire que l’on ne peut pas faire ainsi.
Il s’agit plus d’une incitation à la concertation, au dialogue, que d’une obligation. Nous demandons simplement que soit prise en compte cette possibilité de ne pas construire exclusivement des bureaux ou des locaux d’activité, au motif que cela serait plus rentable.
Si la collectivité locale, qui est en charge de l’intérêt public, décide que le partage du territoire se fera de telle façon, il ne nous appartient pas de dire le contraire. L’esprit de cet amendement est donc plutôt d’inciter à la concertation. Je considère d'ailleurs que le projet de loi est presque muet sur la nécessité, qui me paraît pourtant essentielle, d’un dialogue entre VNF et les collectivités publiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je souhaite insister sur le constat que vient de faire notre collègue Roland Ries : les collectivités territoriales sont les grandes absentes de ce texte.
Leurs prérogatives seront inévitablement mises en jeu à un degré ou à un autre. Il me semble donc dommageable que ce texte ne précise pas, au moins à grands traits, quelles doivent être les relations entre la nouvelle agence et les collectivités territoriales. Pourtant, il se produira forcément – cet amendement en témoigne – des interférences entre la mission des uns et la compétence des autres.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Monsieur Ries, nous sommes évidemment partisans de la mixité sociale. Il reste que, dans cet amendement, vous écrivez précisément que, quand ces opérations « ont pour finalité la construction de bureaux, elles doivent prévoir la construction d’une quantité minimale de logements ». Il s’agit bien d’une obligation puisqu’on impose la construction de logements quelle que soit l’opération d’aménagement. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L. 4311-2, il est inséré un article L. 4311-2-1 ainsi rédigé :
« Art – L. 4311-2-1. – Il est institué, auprès de l’établissement public Voies navigables de France, un Conseil de service aux usagers chargé du suivi de tous les problèmes liés à la sécurité, à l’hygiène et au cadre de vie des usagers navigants notamment dans les ports, les ouvrages de navigation et les zones de stationnement.
« Celui-ci est composé de représentants des bateliers et de membres du conseil d’administration de l’établissement en tenant compte de la diversité de sa composition. Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Outre les collectivités locales, il y a d’autres grands absents de ce projet de loi : ce sont les usagers, qu’ils soient professionnels ou plaisanciers, transporteurs de fret, transporteurs de passagers ou loueurs de bateaux.
Lorsqu’on parle de transport fluvial, on parle aussi de familles qui vivent sur un bateau. La grande majorité des unités fluviales qui naviguent et transportent sont des exploitations familiales. Or, malgré la volonté qu’a l’établissement public VNF d’assurer des créneaux de navigation réguliers, les horaires d’ouverture des écluses varient bien souvent d’un canal à l’autre, faute d’un nombre suffisant d’agents.
Dans un article du Monde d’aujourd'hui, intitulé « La réforme des voies navigables de France sème l’inquiétude le long des canaux », un éclusier déplore que tout s’automatise – il ne reste qu’un seul éclusier là où il y en avait neuf – puisque l’on pousse à l’automatisation, même pour le grand gabarit. Par conséquent, de plus en plus d’écluses sont commandées à distance et surveillées par caméra, alors même que le risque d’accident et de pollution nécessite une présence humaine constante. C’est donc le service aux usagers qui est dégradé.
Ces derniers mois, des écluses du canal du Nord ont été fermées inopinément pendant plusieurs heures.
Ces dysfonctionnements viennent s’ajouter aux défaillances des ouvrages vieillissants : en effet, 54 % des écluses sont en fin de vie et risquent donc à tout instant de ne plus pouvoir jouer leur rôle.
Je ne pense pas, monsieur le ministre, qu’il soit difficile d’identifier les usagers ; il suffit d’un peu de bonne volonté ! Ces usagers, ce sont les acteurs économiques locaux, les syndicats professionnels de la batellerie artisanale, la chambre nationale de cette profession, les comités des armateurs fluviaux, l’association des usagers du transport fluvial, les courtiers de fret et les représentants des instances portuaires.
Il apparaît donc indispensable d’associer les usagers, ou les clients, via le suivi de tous les problèmes liés à la sécurité, à l’hygiène et au cadre de vie des usagers navigants, notamment dans les ports, les ouvrages de navigation et les zones de stationnement.
Nous sommes particulièrement attachés à cet amendement. Hier matin, dans le cadre des Assises du ferroviaire, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet nous a expliqué que, s'agissant du fret ferroviaire, nous n’avions pas suffisamment tenu compte des clients. J’en conclus que cet amendement sera bien accueilli par M. le ministre puisqu’il vise précisément à prendre en compte les « clients ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. L’institution d’un Conseil de service aux usagers, sur la demande des bateliers, est peut-être utile. Toutefois, j’attire votre attention sur la difficulté de faire vivre une telle instance.
En outre, cette question n’est pas directement liée à l’objet du présent projet de loi, qui porte sur la gouvernance de VNF.
La commission souhaite par conséquent connaître préalablement l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. La création d’une telle instance de conseil relève du niveau réglementaire. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Avec quelle garantie ?
M. le président. Quel est, maintenant, l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. Défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. La demande de notre collègue Mireille Schurch me semble parfaitement justifiée, a fortiori en raison des équivoques que j’ai évoquées tout à l'heure s'agissant de la police de la navigation. Je voterai donc cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives au personnel de Voies navigables de France
Article 2
Le chapitre II du titre Ier du livre III de la quatrième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° Le 3° de l’article L. 4312-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sont électeurs au conseil d’administration toutes les catégories de personnel mentionnées à l’article L. 4312-3-1. L’élection a lieu par collèges représentant respectivement les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 et les personnels mentionnés au 4° du même article, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 4312-3 est complété par six alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur général a autorité sur l’ensemble des personnels de Voies navigables de France.
« Il peut disposer d’une délégation de tout ou partie des pouvoirs du ministre chargé des transports en matière de gestion et de recrutement des personnels mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 4312-3-1 dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Il recrute, rémunère et gère les personnels mentionnés aux 3° et 4° de l’article L. 4312-3-1.
« Il rémunère les personnels mentionnés aux 1° et 2° du même article L. 4312-3-1 conformément aux textes réglementaires les concernant.
« Il est compétent pour créer les commissions mentionnées à l’article L. 4312-3-2.
« Il peut déléguer son pouvoir en matière de gestion et de recrutement aux directeurs des services territoriaux de Voies navigables de France. » ;
3° La section 3 est ainsi modifiée :
a) Son intitulé est ainsi rédigé : « Personnel de Voies navigables de France » ;
b) Sont ajoutés quatre articles L. 4312-3-1 à L. 4312-3-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 4312-3-1. – Le personnel de Voies navigables de France comprend, dans les conditions prévues par l’article L. 4312-3-4 :
« 1° Des fonctionnaires de l’État, le cas échéant nommés sur emploi fonctionnel ;
« 2° Des ouvriers des parcs et ateliers des ponts-et-chaussées et des bases aériennes de l'État admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 portant réforme des régimes de retraites des ouvriers des établissements industriels de l’État, régis par le décret n° 65-382 du 21 mai 1965 relatif aux ouvriers des parcs et ateliers des ponts-et-chaussées et des bases aériennes admis au bénéfice de la loi du 21 mars 1928 ;
« 3° Des contractuels de droit public ;
« 4° Des contractuels de droit privé sous le régime de la convention collective de Voies navigables de France.
« Les fonctionnaires occupant des emplois de direction de l’établissement peuvent être détachés dans un emploi fonctionnel défini par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 4312-3-2. – Des commissions administratives paritaires locales peuvent être créées auprès des directeurs des services territoriaux de Voies navigables de France. Des commissions consultatives peuvent être créées auprès des directeurs des services territoriaux de l’établissement pour les personnels mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 4312-3-1 dans les conditions prévues par les textes réglementaires qui les régissent.
« Art. L. 4312-3-3. – I. – Il est institué un comité technique et un comité central d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail auprès du directeur général de Voies navigables de France, ainsi que des comités techniques de proximité et des comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail auprès de chaque directeur territorial de l’établissement.
« Il est également institué, en application de l’article L. 2321-1 du code du travail, un comité d’entreprise compétent pour les personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1.
« Le comité technique est compétent pour les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Il exerce les compétences prévues au II de l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.
« Ce comité comprend le directeur général de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu’ils sont consultés.
« Les représentants du personnel siégeant au comité technique sont élus au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. L’élection a lieu dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions prévues par l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
« Le comité technique de proximité institué dans chaque direction territoriale de Voies navigables de France est compétent pour les personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Il est appelé à connaître de l’organisation de la direction territoriale auprès de laquelle il est institué.
« Ce comité comprend le directeur territorial de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu’ils sont consultés.
« Les modalités de l’élection des membres des comités techniques de proximité de Voies navigables de France sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Le comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que les comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail institués, dans chaque direction territoriale de Voies navigables de France, dans les conditions prévues par l’article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, sont compétents pour l’ensemble des personnels de l’établissement. Ils exercent les compétences du comité prévu par ce même article et celles prévues au chapitre II du titre Ier du livre VI de la quatrième partie du code du travail, sous réserve des adaptations fixées par décret en Conseil d’État. Leur composition et leur fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d’État.
« II. – 1. Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est applicable à l’ensemble des personnels de Voies navigables de France. Les délégués syndicaux sont désignés par les organisations syndicales représentatives dans l’établissement, qui y constituent une section syndicale, parmi les listes ou candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité technique ou du comité d’entreprise de Voies navigables de France, ou du comité technique unique s’il est constitué.
« 2. La validité des accords collectifs de travail, pour les personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1, prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail, est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité d’entreprise et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections. L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l’accord, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-8 du même code.
« 3. Conformément au IV de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, un accord est valide, pour les personnels mentionnés au 1° de l’article L. 4312-3-1, s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections au comité technique. Cette disposition est également applicable pour déterminer la validité des accords pour les personnels mentionnés aux 2° et 3° du même article L. 4312-3-1.
« 4. Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1 du code du travail, une section syndicale au sein de l’établissement peut, s’il n’est pas représentatif dans Voies navigables de France, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de cet établissement.
« III. – Les membres des instances mentionnées au I, les délégués du personnel, les délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient des garanties prévues par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés placés sous le régime des conventions collectives, de la protection prévue par le livre IV de la deuxième partie du code du travail.
« IV. – Les agents mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 demeurent électeurs au comité technique ministériel du ministère chargé du développement durable.
« V. – Au terme d'une période de trois ans à compter de la date de transfert de services fixée à l'article 6 de la loi n° … du … relative à Voies navigables de France, un accord collectif conclu dans les conditions fixées par le présent article peut prévoir qu’un comité technique unique est substitué au comité technique et au comité d’entreprise mentionnés au I du présent article.
« Ce comité technique unique est compétent pour l’ensemble des personnels de Voies navigables de France. Il exerce les compétences du comité technique et du comité d’entreprise. Il est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Ce comité comprend le directeur général de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu’ils sont consultés.
« Les représentants du personnel siégeant au comité technique unique sont élus au scrutin de liste avec représentation proportionnelle.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1, celles prévues par l’article L. 2324-4 du code du travail ;
« 2° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1, celles prévues par l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée.
« Les modalités d’élection des membres du comité technique unique sont fixées par décret en Conseil d’État.
« VI. – Au terme d’une période de trois ans à compter de la date de transfert de services fixée à l’article 6 de la loi n° … du … relative à Voies navigables de France, un accord collectif conclu dans les conditions fixées par le II du présent article peut prévoir que des comités techniques uniques de proximité sont substitués aux comités techniques de proximité prévus par le I du même article.
« Ces comités techniques uniques de proximité sont compétents pour l’ensemble des personnels de Voies navigables de France. Les comités techniques uniques de proximité exercent les compétences des comités techniques de proximité et les compétences de comités d'établissement.
« Un accord collectif conclu dans les conditions fixées au II du présent article peut préciser les compétences respectives du comité technique unique et des comités techniques uniques de proximité.
« Le comité technique unique de proximité comprend le directeur territorial de Voies navigables de France ou son représentant, qui le préside, et des représentants de tous les personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsqu'ils sont consultés.
« Les modalités d'élection des membres des comités techniques uniques de proximité sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 4312-3-4. – I. – Voies navigables de France définit les types d’emplois qui sont nécessaires au développement et à l’exercice de ses missions et leur répartition selon les catégories de personnels mentionnées à l’article L. 4312-3-1, par accord collectif conclu avec les représentants des personnels dans les conditions fixées par le II de l’article L. 4312-3-3. L’accord fait l’objet d’une délibération du conseil d’administration de l’établissement.
« Voies navigables de France engage tous les trois ans une négociation avec les représentants du personnel visant à une modification éventuelle de cet accord.
« II. – Voies navigables de France établit un plan annuel de recrutement et d’emploi qui s’inscrit dans le cadre de la définition des types d’emplois nécessaires à l’exercice de ses missions et de leur répartition selon les catégories de personnels mentionnées à l’article L. 4312-3-1, prévus au I du présent article, et qui précise les prévisions annuelles de recrutement et d’emploi des différentes catégories de personnels. Le plan annuel de recrutement et d’emploi est établi par délibération du conseil d’administration de l’établissement après consultation du comité technique et du comité d’entreprise, ou du comité technique unique s’il est constitué. » ;
4° Avant l’article L. 4312-4, sont insérés :
a) Une division section 4 intitulée : « Dispositions diverses » ;
b) Un article L. 4312-4 A ainsi rédigé :
« Art. L. 4312-4 A. – Le conseil d’administration de Voies navigables de France crée des commissions territoriales régionales ou interrégionales des voies navigables à caractère consultatif. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 16, présenté par M. Grignon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre II du titre Ier du livre III de la quatrième partie du code des transports est ainsi modifié :
1° L’article L. 4312-3 est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur général a autorité sur l’ensemble des personnels de l’établissement.
« Il peut disposer d’une délégation de tout ou partie des pouvoirs du ministre chargé des transports en matière de gestion et de recrutement des personnels mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 4312-3-1 dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Il recrute et gère les personnels mentionnés aux 3° et 4° du même article L. 4312-3-1.
« Il peut déléguer ses pouvoirs en matière de gestion et de recrutement aux directeurs des services territoriaux de l’établissement. » ;
2° La section 3 est ainsi modifiée :
a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Personnel de l’établissement » ;
b) Sont ajoutés quatre articles L. 4312-3-1 à L. 4312-3-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 4312-3-1. – Le personnel de Voies navigables de France comprend, dans les conditions prévues à l’article L. 4312-3-3 :
« 1° Des fonctionnaires de l’État ;
« 2° Des ouvriers des parcs et ateliers des ponts-et-chaussées et des bases aériennes de l’État ;
« 3° Des agents non titulaires de droit public ;
« 4° Des salariés régis par le code du travail.
« Art. L. 4312-3-2. - I. Il est institué, dans les conditions prévues à l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, un comité technique unique, compétent pour l’ensemble des personnels de Voies navigables de France. Il exerce les compétences des comités techniques prévus à l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée, ainsi que les compétences prévues aux articles L. 2323-1 à L. 2323-87 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues par décret en Conseil d’État.
« Ce comité technique unique comprend :
« 1° Une formation représentant les personnels de droit public, exerçant les compétences prévues à l’article 15 de la loi n° 84-16 précitée ;
« 2° Une formation représentant les salariés de droit privé, exerçant les compétences prévues aux articles L. 2323-1 à L. 2323-87 du code du travail, sous réserve des adaptations prévues dans le décret en Conseil d’État susvisé ;
« 3° Une formation plénière, issue des deux premières.
« Chacune des deux formations restreintes est réunie pour les questions relevant de sa compétence. Le comité technique unique est réuni en formation plénière pour examiner les questions intéressant l'ensemble du personnel de l’établissement, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.
« Le comité technique unique est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine.
« Seule la formation visée au 2° est compétente pour gérer le budget des activités sociales et culturelles des salariés de droit privé.
« Le comité technique unique est composé, dans sa formation plénière, du directeur général de l’établissement ou de son représentant, qui le préside, et des représentants du personnel issus des deux autres formations. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.
« Chacune des deux formations restreintes est composée du directeur général de l’établissement ou de son représentant, qui le préside, et des représentants des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1, pour l’une, et des personnels mentionnés au 4° de ce même article, pour l’autre. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque une formation est consultée.
« Les représentants du personnel siégeant au comité technique unique sont élus, par collège, au scrutin de liste avec représentation proportionnelle selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Les candidatures sont présentées par les organisations syndicales qui remplissent les conditions suivantes :
« 1° Pour le collège des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 du présent code, celles prévues par l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
« 2° Pour le collège des personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1 du présent code, celles prévues par l’article L. 2324-4 du code du travail.
« La composition de la représentation du personnel au sein du comité technique unique et de ses formations est fixée par décret en Conseil d’État de façon à permettre la représentation de chaque collège et à tenir compte des effectifs des personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 d’une part, et des personnels mentionnés au 4° du même article, d’autre part.
« II. – Des comités techniques uniques de proximité compétents pour l’ensemble des catégories de personnel de l’établissement sont institués auprès de chaque directeur territorial de l’établissement.
« Ils exercent les compétences de comités techniques locaux et les compétences de comités d’établissement.
« Un comité technique unique de proximité comprend le directeur territorial de l’établissement ou son représentant, qui le préside, et des représentants de tous les personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 4312-3-1. Seuls les représentants du personnel sont appelés à prendre part aux votes lorsque le comité est consulté.
« Les modalités d’élection des membres des comités techniques uniques de proximité et la composition de la représentation du personnel sont fixées par décret en Conseil d’État.
« III. – Sont institués un comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, placé auprès du directeur général de l’établissement et des comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, placés auprès de chaque directeur territorial de l’établissement.
« Le comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ainsi que les comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sont compétents pour l’ensemble du personnel de l’établissement. Ils exercent les compétences des comités prévus par l’article 16 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée ainsi que celles prévues au chapitre II du titre Ier du livre VI de la quatrième partie du code du travail, sous réserve des adaptations fixées par décret en Conseil d’État. Leur composition et leur fonctionnement sont fixés par décret en Conseil d’État.
« IV. – Le chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code du travail est applicable à l’ensemble du personnel de l’établissement. Les délégués syndicaux sont désignés par les organisations syndicales représentatives dans l’établissement, qui y constituent une section syndicale, parmi, selon le cas, les listes ou candidats qui ont recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés aux dernières élections du comité technique ou du comité d’entreprise de l’établissement, ou du comité technique unique s’il est constitué.
« V. – La validité des accords collectifs de travail, pour les personnels mentionnés au 4° de l’article L. 4312-3-1, prévus au livre II de la deuxième partie du code du travail, est subordonnée à leur signature par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections du comité d’entreprise et à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la majorité des suffrages exprimés à ces mêmes élections. L’opposition est exprimée dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de l’accord, dans les conditions prévues à l’article L. 2231-8 du même code.
« Conformément au IV de l’article 8 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, un accord est valide, pour les personnels mentionnés au 1° de l’article L. 4312-3-1 du présent code, s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ayant recueilli au moins 50 % du nombre des voix lors des dernières élections au comité technique. Cette disposition est également applicable pour déterminer la validité des accords pour les personnels mentionnés aux 2° et 3° du même article L. 4312-3-1.
« VI. – Chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1 du code du travail, une section syndicale au sein de l’établissement peut, s’il n’est pas représentatif dans l’établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’établissement.
« VII. – Les membres des instances mentionnées au présent article, les délégués du personnel, les délégués syndicaux et les représentants des sections syndicales bénéficient des garanties prévues par leurs statuts respectifs et, pour ce qui concerne les salariés régis par le code du travail de la protection prévue par le livre IV de la deuxième partie du même code.
« VIII. – Les agents mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1 demeurent électeurs au comité technique ministériel du ministère chargé du développement durable.
« Art. L. 4312-3-3. - I. – Un décret en Conseil d’État établit, après avis du conseil d’administration et du comité technique unique, les types d’emplois qui sont nécessaires à l’exercice de l’ensemble des missions de l’établissement et détermine les catégories de personnels, de droit public et de droit privé, ayant vocation à les occuper.
« II. – Le conseil d’administration de l’établissement établit chaque année, après avis du comité technique unique, les orientations en matière de recrutement, qui s’inscrivent dans le cadre défini au I et qui précisent les prévisions de recrutement et d’emploi dans les différentes catégories de personnels.
« Art. L. 4312-3-4. – À l’issue de la période transitoire prévue au II de l’article 7 de la loi n° … du … relative à Voies navigables de France, le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail applicable aux personnels mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 4312-3-1, est défini par un accord collectif conclu entre l’établissement public et les représentants de ces personnels dans les conditions prévues au second alinéa du V de l’article L. 4312-3-2 et prenant en compte les spécificités des missions exercées.
« À défaut d’accord, ce régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail est établi par délibération du conseil d’administration de l’établissement, après avis du comité technique unique.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre du présent article. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Cet amendement très important tend à rédiger entièrement l’article 2 du projet de loi, afin de le mettre à l’abri d’un risque d’inconstitutionnalité, tout en respectant les accords signés avec les agents des services de l’État et de VNF. Ce point a été largement développé au cours de la discussion générale.
La rédaction de l’article adoptée par la commission est celle de l’avant-projet de loi, préalablement à son examen par le Conseil d'État. Cette rédaction pose un problème de constitutionnalité puisqu’elle prévoit le maintien du comité d’entreprise et du comité technique, la création d’une instance commune de représentation des personnels, le « comité technique unique », qui se substituerait à ces deux comités, étant renvoyée à un accord collectif entre agents de droit public et salariés de droit privé.
En janvier dernier, le Conseil constitutionnel a rappelé deux principes qui s’imposent à nous, à l’occasion d’une question préalable de constitutionnalité sur les agences régionales de santé.
En premier lieu, la définition des modalités d’organisation de ces instances représentatives des personnels relève du domaine de la loi, fixé par l’article 34 de la Constitution. C’est l’application du principe de participation des travailleurs à la détermination collective des conditions de travail. En conséquence, le législateur doit « épuiser sa compétence » et ne peut laisser cette matière au seul pouvoir réglementaire, non plus qu’à un accord collectif, nécessairement aléatoire. En d’autres mots, on ne peut faire dépendre une loi d’un accord collectif à venir.
En second lieu, le principe qui impose « une représentation effective de l’ensemble des personnels » exige une instance unique de représentation des personnels : il faut que tous ceux qui travaillent dans un même établissement puissent s’exprimer collectivement dans une même entité.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a adopté ce matin un amendement tendant à rédiger l’article 2, ce qui, je le répète, nous met à l’abri d’un risque d’inconstitutionnalité tout en nous permettant de rester au plus près des accords signés par les syndicats, lesquels sont très attachés au maintien de l’équivalent d’un comité d’entreprise et d’un comité technique, tant pour les salariés du privé que pour les agents publics.
L’amendement vise à instituer un comité unique, obligatoire au plus tard deux ans après le transfert du personnel. Celui-ci doit être constitué d’une formation compétente pour le personnel du public, qui exerce les compétences d’un comité technique classique ; d’une formation compétente pour les salariés, l’équivalent d’un comité d’entreprise, qui donne des garanties aux salariés de droit privé sur leur gestion et leurs activités sociales et culturelles ; enfin, d’une formation plénière, qui répond à l’impératif de représentation effective de l’ensemble des personnels et traite des questions transverses.
Avant d’aboutir à cette proposition d’amendement, j’ai de nouveau contacté les syndicats la semaine dernière et j’ai communiqué notre proposition aux groupes politiques, conformément au souhait de M. le président de la commission, Daniel Raoul.
Cette rédaction est apparue comme le meilleur compromis à la commission. Je vous demande donc, mes chers collègues, de l’adopter.
M. le président. Le sous-amendement n° 18, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Amendement n°16, alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
qui ont été recrutés par l'établissement public industriel et commercial Voies navigables de France
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Nous souhaitons rappeler un principe simple : les besoins permanents des établissements publics de l’État à caractère administratif doivent être pourvus par des fonctionnaires ou des agents à statut assimilé.
Ainsi, si nous considérons comme normal que les contrats actuels des salariés de VNF, principalement de droit privé, soient repris par la nouvelle structure, nous estimons qu’il ne devra plus être possible à l’avenir de procéder à de tels recrutements, conformément non seulement au principe que je viens d’évoquer, mais également à la jurisprudence Berkani relative à la qualification des contrats en fonction de la nature juridique de l’employeur et des missions.
Cet arrêt indique que « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ».
Par ailleurs, nous estimons que, pour définir le type de personnel pouvant être recruté par l’établissement, il faut également tenir compte des accords du 31 mars 2011 sur la résorption de la précarité dans la fonction publique, ainsi que du projet de loi, déposé sur le bureau de notre assemblée, relatif à la titularisation des contractuels.
De plus, l’unification des différents services de l’eau au sein d’un établissement public administratif doit avoir du sens. Il faut donc respecter les différents éléments caractéristiques des EPA, établissements qui se distinguent des EPIC, les établissements publics industriels et commerciaux, notamment sur le plan de la qualification des contrats des agents qui y travaillent.
Ainsi, alors que le personnel d’un EPA est composé d’agents publics, un EPIC est à l’inverse largement régi par le droit privé.
Si les agents ont pu s’entendre sur la transformation d’un EPIC en EPA dans le cadre des différents protocoles d’accord dont nous avons déjà parlé, il ne faudrait pas travestir, par le biais de ce type de disposition, la nature même du nouvel établissement.
Tel est le sens de ce sous-amendement.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après le mot :
privé
insérer les mots :
qui ont été recrutés par l'établissement public industriel et commercial Voies navigables de France
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Schurch et Didier, MM. Le Cam, Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 50, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et d'un décret en Conseil d'État
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 18 et sur l’amendement n° 6 ?
M. Francis Grignon, rapporteur. La loi peut tout à fait prévoir qu’un établissement public administratif compte dans son personnel, de manière pérenne, des salariés de droit privé. Elle l’a fait pour plusieurs EPA, en particulier pour les agences régionales de santé.
Le développement des voies navigables nécessite, pour différents métiers, le recours à des salariés du privé : il serait déraisonnable de se priver de cette possibilité.
Le tribunal des conflits, dans la jurisprudence Berkani du 25 mars 1996, à laquelle vous avez fait référence, vise les services publics administratifs en général. Nous sommes ici dans le cadre de la création d’un établissement public, ce qui est très différent : c’est bien au législateur qu’il revient d’adapter l’outil aux missions. Or, je le répète, pour développer les voies navigables, nous avons aussi besoin d’emplois privés.
La typologie des emplois, prévue à l’article 2, permettra par ailleurs une réflexion d’ensemble sur ces questions.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable tant sur le sous-amendement que sur l’amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 16, sur le sous-amendement n° 18 et sur l’amendement n° 6 ?
M. Thierry Mariani, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 16. Comme l’a dit M. le rapporteur, cet amendement traduit un bon compromis : en assurant une représentation unique, il résout le problème de constitutionnalité tout en permettant de traiter de façon séparée les problématiques relatives aux deux catégories de personnel et donc de préserver les intérêts de chacune d’entre elles.
Le Gouvernement est en revanche défavorable au sous-amendement n° 18 et à l’amendement n° 6, l’un et l’autre sous-tendus par la même logique.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l'amendement n° 16.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je répéterai ce j’ai déjà eu l’occasion de dire tout à l’heure à la tribune : le fait que la commission, par le biais de son rapporteur, ait été obligée de déposer un amendement tendant à réécrire entièrement un article aussi long ne plaide pas en faveur de la crédibilité du texte initial !
J’ajoute que cet amendement vise exclusivement à répondre à la préoccupation du Gouvernement concernant le statut du personnel qui sera affecté à l’agence. C’est cette préoccupation qui a prévalu lors de la rédaction du projet de loi, mais, même sur ce sujet, ce dernier a été mal rédigé. Je ne peux m’empêcher de le regretter.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour explication de vote.
Mme Mireille Schurch. Nous considérons que la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur améliore l’article 2. Nous voyons donc l’amendement n° 16 favorablement.
M. Charles Revet. Voilà qui est bien !
Mme Mireille Schurch. Il constitue en effet un juste équilibre – gymnastique qui n’était pas facile ! – entre exigence constitutionnelle, respect du protocole d’accord et création d’une structure suffisamment souple pour être unique – le comité technique –, tout en permettant l’expression d’une diversité grâce à l’existence de trois formations distinctes en son sein.
Le principe, précisé, je le rappelle, par le Conseil d’État, selon lequel tous les personnels travaillant dans un même établissement doivent pouvoir s’exprimer collectivement dans une même entité, est juste, et c’est une première raison pour nous d’être en accord avec cet amendement.
Nous voterons également celui-ci parce qu’il reprend pour partie les termes de l’un de nos amendements, lequel visait à prévoir un décret en Conseil d’État relatif à la cartographie des emplois. Le Gouvernement ne peut en effet se dédouaner d’une telle responsabilité et la rédaction actuelle, qui précise simplement que l’accord est réalisé au sein de Voies navigables de France par le biais d’un accord collectif, ne nous semble pas suffisante.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Le travail effectué en commission depuis la présentation de la première version de votre amendement, monsieur le rapporteur, a permis d’aboutir à une synthèse.
Nous nous étions engagés à trouver un compromis respectant l’esprit de l’accord-cadre, mais permettant aussi, comme cela a été dit, une représentation sans exclusive des agents du privé de VNF ; dans sa dernière mouture, conforme à l’engagement moral que nous avions pris de trouver une solution, cet amendement nous satisfait. Nous le voterons donc.
M. le président. En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et l'amendement n° 6 n'a plus d'objet.
Chapitre III
Dispositions relatives à la décentralisation, à la gestion domaniale et à la police de la navigation intérieure
Article 3
I. – La quatrième partie du code des transports est ainsi modifiée :
1° Le livre II est ainsi modifié :
a) Le chapitre Ier du titre IV est complété par un article L. 4241-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4241-3. – Sans préjudice des compétences dévolues au représentant de l’État en matière de police de la navigation intérieure, le gestionnaire de la voie d’eau est compétent pour prendre les mesures temporaires d’interruption ou de modification des conditions de la navigation rendues nécessaires par les incidents d’exploitation, les travaux de maintenance ou des événements climatiques. La liste de ces mesures est fixée par voie réglementaire. » ;
b) À l’article L. 4272-1, après les mots : « chapitres III et IV », sont insérés les mots : «, par les règlements de police de la navigation intérieure » ;
c) Le chapitre II du titre VII est complété par un article L. 4272-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4272-2. – Les infractions définies par les règlements de police de la navigation intérieure peuvent être constatées par les personnels de Voies navigables de France commissionnés et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 4313-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 4313-3. – Dans le cas où des atteintes à l’intégrité et à la conservation du domaine défini par le chapitre IV du présent titre ont été constatées, le directeur général de Voies navigables de France saisit la juridiction territorialement compétente, en lieu et place du préfet, dans les conditions et suivant les procédures prévues par le chapitre IV du titre VII du livre VII du code de justice administrative.
« Il peut déléguer sa signature aux directeurs des services territoriaux de l’établissement. Ces derniers peuvent subdéléguer leur signature aux agents de l’établissement chargés de fonctions d’encadrement.
II. – Le code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 774-2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour le domaine public défini à l’article L. 4314-1 du code des transports, l’autorité désignée à l’article L. 4313-3 du même code est substituée au représentant de l’État dans le département. Pour le domaine public défini à l’article L. 4322-2 dudit code, l’autorité désignée à l’article L. 4322-13 du même code est compétente concurremment avec le représentant de l’État dans le département. » ;
2° L’article L. 774-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 774-6. – Le jugement est notifié aux parties, à leur domicile réel, dans la forme administrative par les soins des autorités mentionnées à l’article L. 774-2, sans préjudice du droit de la partie de le faire signifier par acte d’huissier de justice. » – (Adopté.)
Article 4
Le code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 2132-23, les mots : « et les gardes champêtres » sont remplacés par les mots : «, les gardes champêtres et les personnels de Voies navigables de France sur le domaine qui lui a été confié » ;
2° Le troisième alinéa de l’article L. 3113-1 est complété par les mots : « ou, dans le cas d’une demande de transfert portant sur un port intérieur situé sur une voie non transférable, s’il risque de compromettre le développement du transport de fret fluvial. » – (Adopté.)
Chapitre IV
Dispositions transitoires et finales
Article 5
À compter du 1er janvier 2013, les services ou parties de services de Voies navigables de France qui participent à l’exercice des compétences en matière de voies d’eau, transférées aux collectivités territoriales et à leurs groupements en application des articles L. 3113-1 et L. 3113-3 du code général de la propriété des personnes publiques, sont transférés à ces collectivités ou à leurs groupements selon les modalités prévues au titre V de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, sous réserve du second alinéa.
Les emplois pourvus au 31 décembre de l’année précédant l’année du transfert du ou des services ou parties de services de Voies navigables de France ou des services ou parties de services de l’État sont transférés aux collectivités territoriales ou à leurs groupements sous réserve que leur nombre global ne soit pas inférieur à celui constaté le 31 décembre de la deuxième année précédant le transfert du ou des services. Pour les collectivités territoriales engagées à la date de promulgation de la présente loi dans une expérimentation prévue à l’article L. 3113-2 du code général de la propriété des personnes publiques, la référence plancher mentionnée au premier alinéa du présent article est l’effectif d’emplois mis à disposition de la collectivité tel qu’il est fixé dans la convention d’expérimentation.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Grignon, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer les mots :
mentionnée au premier alinéa du présent article
La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
À compter du 1er janvier 2013, les services ou parties de services déconcentrés du ministère chargé des transports et les services ou parties de services déconcentrés relevant du Premier ministre, nécessaires à l’exercice des missions confiées à Voies navigables de France et mis à sa disposition, ainsi que les parties de ces services chargées des fonctions de support, notamment en matière de gestion administrative et financière, lui sont transférés. Il en va de même des services ou parties de services faisant l’objet d’une convention d’expérimentation prévue par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée. – (Adopté.)
Article 7
I. – À la date du transfert prévu à l’article 6, les personnels des services mentionnés au même article ainsi que les personnels affectés dans les services ou parties de services faisant l’objet d’une convention d’expérimentation prévue par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 précitée et mis à ce titre à la disposition d’une collectivité territoriale sont affectés à Voies navigables de France dans les conditions suivantes :
1° Les fonctionnaires de l’État titulaires et stagiaires en activité conservent le bénéfice de leur statut et, le cas échéant, de leur emploi fonctionnel ;
2° Les fonctionnaires détachés sur contrat de droit privé au sein de Voies navigables de France conservent à titre personnel le bénéfice de leur contrat pendant la durée de leur détachement ;
3° Les agents non titulaires de droit public sont recrutés par Voies navigables de France par des contrats de droit public reprenant les stipulations de leur contrat ;
4° Les ouvriers des parcs et ateliers des ponts et chaussées et des bases aériennes de l’État sont affectés au sein de Voies navigables de France, restent soumis aux dispositions réglementaires les régissant et conservent le bénéfice du régime de pension des ouvriers d’État ;
5° Les agents contractuels de droit privé régis par la convention collective de Voies navigables de France demeurent employés par cet établissement et conservent, à titre individuel, le bénéfice de leur contrat, ainsi que le bénéfice de la convention collective qui leur est applicable.
II. – Le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail applicable aux services transférés à Voies navigables de France est maintenu en vigueur pendant une période transitoire d’au plus trois ans après la date d’effet du transfert de services à l’établissement prévu à l’article 6.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Patriat, Esnol, Navarro, Mirassou, Ries, M. Bourquin et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Dans la phase d’expérimentation, tout nouveau régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail prévu à l’article L. 4312-3-4 du code des transports, fait l’objet d’une concertation avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités compétent.
La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Cet amendement concerne les régions ou les départements qui ont fait le choix d’accepter l’expérimentation du transfert des canaux d’intérêt secondaire.
Le projet de loi prévoit un nouveau régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail, dans un délai maximal de trois ans après le 1er janvier 2013.
Le renouvellement de l’expérimentation pour trois ans supplémentaires aurait des conséquences sur le futur schéma d’organisation de la collectivité territoriale.
C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’une réunion d’information est indispensable.
Dans la phase d’expérimentation, tout nouveau régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail prévu à l’article L. 4312-3-4 du code des transports fait l’objet d’une concertation avec la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités compétent.
Il s’agit donc d’assurer le transfert dans des conditions justes et de façon efficace des canaux secondaires aux collectivités concernées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Francis Grignon, rapporteur. En commission, M. Patriat nous a longuement entretenus de son expérience en Bourgogne. L’amendement qu’il propose tombe sous le sens ; la commission a donc émis un avis favorable.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Si la concertation s’impose bien entendu avec les collectivités qui expérimentent la décentralisation de l’exploitation des voies navigables en matière de qualité de service rendu, il n’apparaît pas nécessaire que le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail, qui prendra nécessairement en compte cet objectif de qualité, soit défini en accord avec ces collectivités.
De plus, il n’existe pas de précédent en la matière. Par exemple, une telle concertation sur le régime d’organisation et d’aménagement du temps de travail n’était pas prévue lors de la décentralisation des routes.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour explication de vote.
M. François Patriat. L’État souhaite se désengager des canaux d’intérêt secondaire au motif que, ne servant plus au transport de fret, ces derniers sont réservés aux touristes et, par là même, transférables aux collectivités.
Sur le principe, un tel transfert est évident aujourd’hui. Il pose toutefois d’énormes problèmes financiers. Il est en effet difficile d’estimer le coût des travaux devant être effectués non seulement pour maintenir les canaux en l’état, mais également pour les améliorer, estimations auxquelles procèdent toujours les régions lorsqu’elles prennent en charge des compétences transférées.
Par ailleurs, de graves problèmes de personnel se posent. Les 409 personnes qui travaillent sur les 600 kilomètres de canaux de Bourgogne sont à juste titre inquiètes pour leur avenir.
L’État prévoit d’appliquer, malgré ses engagements, la RGPP, la révision générale des politiques publiques, durant les trois prochaines années. Par conséquent, nous manquerons de postes support et de personnel pour assurer le fonctionnement des canaux. Or toute modification nécessite à tout le moins une concertation.
Je considère que vous êtes là en train de fermer une des portes à ce transfert. Vous n’envoyez pas un bon signal aux collectivités, dont les ressources sont gelées, voire en diminution – et les annonces d’aujourd’hui ne sont pas de nature à nous rassurer –, concernant le transfert futur des canaux.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Je soutiens tout à fait l’amendement de M. Patriat. En effet, dans le cadre des transferts aux collectivités, le manque de dialogue aboutit à des blocages, c’est une situation que nous avons très souvent connue.
Je l’ai personnellement vécue dans mon département puisque j’ai pris en charge la gestion des canaux de la Somme. Il est effectivement très compliqué à la fois d’estimer le montant des travaux à effectuer et de gérer la problématique du personnel.
Un bon dialogue est toujours très utile dans ce contexte, car il permet de régler bien des problèmes en amont.
En tout cas, c’est avec plaisir que je voterai cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
I. – Jusqu’à la constitution du comité technique unique de Voies navigables de France et des comités techniques uniques de proximité, prévus aux I et II de l’article L. 4312-3-2 du code des transports, qui intervient au plus tard deux ans après la date d’effet du transfert de services à l’établissement :
1° Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les organisations syndicales représentatives des personnels dans les services de l’État visés à l’article 6 désignent, en fonction de la représentativité de ces organisations au sein de ces services, dix représentants, interlocuteurs du directeur général de Voies navigables de France pour les questions relevant des comités techniques prévus à l’article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État ;
2° Le mandat des membres du comité d’entreprise en fonction à la date du transfert de services à l’établissement se poursuit jusqu’à son terme dans les conditions prévues par le code du travail ;
3° Les comités techniques des services transférés sont maintenus en fonction. Les directeurs des services territoriaux de l’établissement peuvent, pendant cette période transitoire, les réunir sous leur présidence. Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’aux prochaines élections des représentants du personnel siégeant au sein des instances prévues aux I et II de l’article L. 4312-3-2 du code des transports.
II. – Jusqu’à la constitution du comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et des comités locaux d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail prévus au III du même article L. 4312-3-2, qui intervient au plus tard un an après la date d’effet du transfert de services à Voies navigables de France :
1° Dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, les organisations syndicales représentatives des personnels dans les services de l’État visés à l’article 6 désignent, en fonction de leur représentativité au sein de ces services, dix représentants, interlocuteurs du directeur général de Voies navigables de France pour les questions d’hygiène et de sécurité ;
2° Les comités d’hygiène et de sécurité de Voies navigables de France et des services transférés sont maintenus en fonction. Les directeurs des services territoriaux de l’établissement peuvent, pendant cette période transitoire, les réunir sous leur présidence. Les membres de ces instances représentatives du personnel poursuivent leur mandat jusqu’aux prochaines élections des représentants du personnel siégeant au sein des instances prévues au III de l’article L. 4312-3-2 du code des transports.
III. – Le mandat des délégués du personnel en fonction à la date du transfert de services mentionné à l’article 6 se poursuit jusqu’à son terme dans les conditions prévues par le code du travail.
IV. – Les élections des représentants du personnel au conseil d’administration, dans sa composition issue de l’article L. 4312-1 du code des transports tel que modifié par la présente loi, sont organisées au plus tard un an après la date d’effet du transfert de services. Dans ce délai et jusqu’à la proclamation des résultats de ces élections, le mandat des représentants du personnel de l’établissement en fonction à la date du transfert est prorogé. Les représentants au conseil d’administration du personnel des services transférés sont désignés par décret sur proposition des organisations syndicales représentatives au sein des services mentionnés à l’article 6 et en fonction de la représentativité de chacune de ces organisations, dans des conditions définies par décret en Conseil d’État. Les représentants du personnel élus au conseil d’administration siègent dès leur élection et leur mandat prend fin à la même date que celui des membres nommés. – (Adopté.)
Article 9
(Supprimé)
Article 10
Le dix-septième alinéa de l’annexe II à l’article 4 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est abrogé. – (Adopté.)
Article 11
À l’exception du 3° de l’article 1er qui s’applique immédiatement, la présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2013. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’issue de ce débat intéressant, à la fois politique, au sens littéral du terme, et technique, nous avons bien compris que, notamment grâce au travail de la commission, le texte qui nous était présenté in fine permettait de répondre de façon urgente aux préoccupations concernant le personnel et ce que j’ai appelé tout à l’heure la fusion-absorption des 4 400 agents du ministère et des 400 salariés de VNF.
Pour autant, comme je l’ai déjà dit tout à l’heure, si cette mesure est pertinente et de nature à rassurer le personnel, elle ne constitue pas une fin en soi, s’agissant de la problématique de l’avènement de cette « super agence ».
Malgré les débats et les amendements, tous les doutes n’ont pas été levés, notamment en ce qui concerne les engagements financiers et les grandes infrastructures.
C’est la raison pour laquelle, comme cela a été du reste annoncé par plusieurs de mes collègues, nous nous abstiendrons lors du vote de ce texte, en dépit de l’amorce d’une prise de conscience du Gouvernement sur la formidable opportunité que constitue le transfert du fret routier vers la voie fluviale.
Nous espérons que ce signal sera entendu par le Gouvernement et que, dans les mois et les années qui viennent, seront définis non seulement les projets mais également les financements afférents.
Concrètement, en tant qu’élu de la Haute-Garonne, je serai bien entendu attentif au devenir du canal du Midi.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de ce débat sur la gouvernance du secteur des voies navigables ; tel était l’objet premier du texte qui nous est aujourd'hui soumis.
Nos échanges, tant en commission qu’en séance publique, auront permis de faire évoluer le présent texte dans un sens plutôt favorable selon nous.
Il doit maintenant être examiné à l’Assemblée nationale, avant de revenir au Sénat après les élections législatives, sauf si l’urgence était déclarée. Nous espérons que ce projet de loi ne tombera pas aux oubliettes pour des questions de calendrier électoral.
Nous nous félicitons du respect du protocole, et donc des partenaires sociaux, sur plusieurs points. Nous sommes ainsi satisfaits que l’établissement prenne la forme d’EPA, compte tenu notamment des missions d’intérêt général qui lui seront confiées. En outre, nous nous réjouissons de l’assurance qui nous a été donnée que les voies navigables ne seront ni transférées ni fermées.
Ce qu’il reste à obtenir, monsieur le ministre, n’est pas négligeable : des financements à la hauteur de l’enjeu du Grenelle et de l’essor de la voie d’eau, soit 2,5 milliards d’euros d’ici à 2018. Nous serons vigilants quant à la traduction en actes des effets d’annonce, notamment dans le projet de loi de finances.
Nous attendons également des avancées grâce à l’adoption de certains de nos amendements. En commission, nous avons obtenu la préservation de la ressource hydraulique, ainsi que celle du patrimoine bâti ou paysager.
En séance, nous avons regretté que le nom de VNF ait été conservé en dépit des termes des protocoles d’accord. Il s’agit là d’un mauvais signe envoyé aux partenaires sociaux.
Parce que nous sommes particulièrement attachés à la reconnaissance de la maîtrise publique en termes de gestion et d’exploitation de la voie d’eau, nous regrettons que notre amendement tendant à interdire le recours aux partenariats publics-privés n’ait pas été adopté. Nous prolongerons le débat sur cette forme de marché public, qui se révèle trop souvent être un échec, car il est coûteux et non performant. Nous demanderons une mission d’information sur ce sujet.
Nous regrettons également que l’examen de ce texte n’ait pas été l’occasion pour le Gouvernement d’annoncer un arrêt des politiques de rigueur et d’austérité dans le secteur des voies navigables. Cela aurait été un signe intéressant pour le développement du secteur fluvial. Comment faire mieux avec toujours moins, monsieur le ministre ? Cette équation, vous ne savez toujours pas la résoudre !
Enfin, nous regrettons particulièrement la non-prise en compte des usagers.
Nous avons cependant noté quelques avancées au cours de ce débat.
Nous sommes ainsi satisfaits de l’adoption de l’amendement que nous avons présenté visant à limiter la possibilité de recours à la filialisation pour valorisation foncière. L’adoption de l’amendement sur la nécessité du report modal est aussi un bon signal.
Concernant le personnel, nous sommes satisfaits de la réécriture de l’article 2. Néanmoins, par respect des missions confiées à cet établissement public administratif, nous aurions souhaité que notre amendement tendant à prévoir le non-recours à l’avenir à des personnels sous statut privé soit adopté. En effet, on ne peut pas à la fois prôner la résorption des emplois précaires dans la fonction publique et recourir de façon toujours accrue aux contractuels de droit privé. Nous sommes pour notre part attachés aux valeurs d’une fonction publique au service de l’intérêt général, en particulier dans le secteur fluvial, objet de notre débat aujourd’hui.
Ce projet de loi renforce, c’est indéniable, la cohérence du cadre institutionnel.
Je terminerai en disant que nous nous abstiendrons lors du vote de ce texte. Il s’agit d’une abstention « positive » : nous prenons acte du premier pas qui est fait, tout en déplorant le manque d’ambition du Gouvernement concernant le développement du fluvial et le report modal.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La création d’une Agence nationale des voies navigables regroupant les services de l’État et l’établissement public Voies navigables de France est pour nous la première étape d’un vaste plan de modernisation et de développement.
Le développement du transport fluvial est l’un des axes essentiels du Grenelle de l’environnement, il faut le rappeler.
La création d’un service unique regroupant des moyens et des compétences jusqu’ici dispersés constituera, de notre point de vue, un outil majeur de modernisation et de développement des infrastructures de transport fluvial. Il s’agit même d’un préalable indispensable à la relance de ce mode de transport.
Selon nous, cette réforme de l’organisation du service public de la voie d’eau vise tout simplement à accroître la compétitivité du transport fluvial et à mieux répondre aux besoins des professionnels français et européens. Elle améliorera la desserte des territoires et conduira à un aménagement équilibré du territoire, grâce à une politique d’investissement.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les membres de la commission d’avoir travaillé en bonne collaboration, en particulier sur le fameux article 2. Sans aller jusqu’à prévoir une fusion-absorption, car ce n’est pas tout à fait de cela qu’il s’agit, cet article, qui constitue le cœur du projet de loi, réorganise la gouvernance du service public de la voie d’eau.
Cependant, monsieur le ministre, je dois vous avouer que je reste sur ma faim, car je n’ai toujours pas compris quelle était la différence, d’un point de vue pratique, entre un EPA dérogatoire et un EPIC. Un EPA dérogatoire est-il autre chose qu’une simple mesure d’accompagnement social destinée à vous permettre de mieux « vendre » le rassemblement auquel vous procédez ? Je note d’ailleurs que vous avez été obligé de prévoir dans le texte quelques subtilités pour permettre à cet EPA dérogatoire de fonctionner comme un EPIC ! Ce point explique que nous ayons des regrets concernant ce texte. C’est pourquoi, outre les raisons évoquées à l’instant par Jean-Jacques Mirassou, le groupe socialiste s’abstiendra de façon positive sur ce texte.
J’espère que nous irons plus au fond des choses en deuxième lecture et que vous aurez d’ici là eu le temps « d’épurer » le texte.
En tout cas, je compte sur vous, monsieur le ministre, pour m’expliquer la différence, sur un plan juridique, entre un EPA dérogatoire et un EPIC !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le groupe socialiste-EELV s’abstient.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Comme nous avons eu peu de temps pour examiner ce texte et que, entre-temps, sont intervenues les élections sénatoriales le 25 septembre dernier, je tiens à remercier ceux qui m’ont aidé à parvenir à un compromis acceptable par tous : le Gouvernement, ainsi que nos collègues qui, par leurs critiques positives, nous ont permis d’avancer.
J’ai essayé de mener le plus grand nombre d’auditions possible dans le temps qui m’était imparti : j’ai notamment pu entendre les organisations syndicales, la direction de VNF, l’ensemble des usagers du transport fluvial, ainsi que les représentants des ports.
Dans l’ensemble, le texte auquel nous avons abouti devrait, je l’espère, convenir et passer facilement le cap de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission. Le texte que nous venons d’examiner est effectivement « transmajorité » puisqu’il est passé d’une majorité à l’autre !
Je constate que l’abstention positive de certains groupes nous a permis d’aboutir à un texte dont l’objectif fait, me semble-t-il, l’unanimité. Nous aurons certainement une deuxième lecture : elle me permettra d’approfondir la question que vous m’avez posée, monsieur le président de la commission, et de vous apporter une explication qui – j’en suis persuadé ! – sera convaincante.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
4
Désignation d'un sénateur en mission
M. le président. Par courrier en date du 18 octobre 2011, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. Alain Chatillon, sénateur de la Haute-Garonne, en mission temporaire auprès de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Cette mission portera sur la restauration paysagère du canal du Midi.
Acte est donné de cette communication.
5
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents, qui s’est réunie aujourd’hui, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Jeudi 20 octobre 2011
À 15 heures :
Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Mardi 25 octobre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1367 de M. Jacques Mézard à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ;
(Durée d’engagement des abonnés de téléphonie mobile) ;
- n° 1375 de M. Roland Ries à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Droits des ressortissants français dans les cas de divorce dans les familles franco-allemandes) ;
- n° 1387 de M. Robert del Picchia à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Exit tax américaine) ;
- n° 1388 de M. Joël Bourdin à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(L’URSSAF et les exonérations de charges sociales des organismes d’aide à domicile) ;
- n° 1389 de M. Jean-Jacques Mirassou à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Hausse du prix du tabac et marché parallèle du tabac dans les régions frontalières) ;
- n° 1390 de M. Martial Bourquin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Revalorisation et reconnaissance de l’activité des sages-femmes) ;
- n° 1391 de Mme Catherine Troendle à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Coopération sanitaire transfrontalière avec la Suisse) ;
- n° 1392 de M. François Patriat à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Modalités de calcul de la taxe foncière pour favoriser l’investissement et la modernisation de l’immobilier de production) ;
- n° 1393 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Avenir de la profession d’anesthésiste-réanimateur) ;
- n° 1394 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Difficultés d’accès à l’emprunt pour les collectivités locales) ;
- n° 1398 de M. Francis Grignon à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Mise en place de la future carte nationale d’identité électronique) ;
- n° 1399 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Centrale nucléaire frontalière et information du pays limitrophe) ;
- n° 1400 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Sécurité routière) ;
- n° 1402 de M. Jean-Paul Fournier à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Découpage cantonal) ;
- n° 1403 de M. Alain Fauconnier à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Calcul de l’allocation aux adultes handicapés) ;
- n° 1405 de M. Jean-Etienne Antoinette à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement ;
(Taxe additionnelle à la taxe spéciale de consommation prévue à l’article 266 quater A du code des douanes) ;
- n° 1410 de Mme Marie-France Beaufils à M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie ;
(Situation des salariés de Boulanger Tours Nord) ;
- n° 1412 de M. Jean Boyer à M. le ministre chargé des collectivités territoriales ;
(Fusion des communautés de communes en zone de montagne) ;
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 26, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 24 octobre ;
- au lundi 24 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 25 octobre, le matin) ;
À 18 heures :
3°) Désignation de six membres supplémentaires de la mission commune d’information sur « les conséquences pour les collectivités territoriales, l’État et les entreprises de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par la contribution économique territoriale ».
(Les candidatures devront être remises au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle avant le mardi 25 octobre à 14 heures 30).
Le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Éventuellement, suite de l’ordre du jour de l’après-midi ;
5°) Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 24 octobre).
Mercredi 26 octobre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé (texte de la commission, n° 45, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 25 octobre ;
- au lundi 24 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 26 octobre, le matin).
Jeudi 27 octobre 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ;
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mercredi 2 novembre 2011
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe SOC – EELVr :
1°) Proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (n° 793, 2010-2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 26 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 24 octobre, à 12 heures]).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 31 octobre ;
- au lundi 31 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
À 18 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
2°) Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales) ;
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de quinze minutes respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires sociales ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 31 octobre).
Jeudi 3 novembre 2011
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, présentée par M. Raymond Couderc et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n° 42, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au jeudi 27 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
2°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (texte de la commission, n° 40, 2011-2012) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au jeudi 27 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre) ;
De 15 heures à 19 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UCR :
3°) Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative au patrimoine monumental de l’État (n° 740, 2010-2011) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au vendredi 28 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre, le matin) ;
À 19 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
4°) Texte de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, présentée par Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 447, 2010-2011) ;
(La commission de la culture se réunira pour le rapport le mercredi 26 octobre [délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 24 octobre, à 12 heures]).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mercredi 2 novembre ;
- au vendredi 28 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 2 novembre, le matin).
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT ET DÉBUT DE LA SEMAINE DE CONTRÔLE
Lundi 7 novembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 (A.N., n° 3790) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 2 novembre, le matin.
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le vendredi 4 novembre ;
- au lundi 7 novembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 7 novembre, à 14 heures 30).
Mardi 8 novembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Mercredi 9 novembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30, le soir et la nuit :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Jeudi 10 novembre 2011
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ;
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Éventuellement, lundi 14 novembre 2011
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 10 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
Mardi 15 novembre 2011
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales ;
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1382 de M. Antoine Lefèvre à M. le ministre chargé des transports ;
(Création d’un échangeur sur l’autoroute A 26) ;
- n° 1383 de M. Daniel Laurent à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Associations d’aide à domicile et respect du taux d’emploi de travailleurs handicapés) ;
- n° 1384 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire ;
(Reconduction des contrats « mesures agro-environnementales territorialisées » dans les marais charentais) ;
- n° 1395 de M. Hervé Maurey à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Achats en ligne par les collectivités territoriales) ;
- n° 1396 de Mme Maryvonne Blondin à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;
(Les fouilles au corps abusives) ;
- n° 1404 de M. Roland Courteau à Mme la ministre des solidarités et de la cohésion sociale ;
(Point sur les violences conjugales) ;
- n° 1408 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Remise en service de matériel ferroviaire) ;
- n° 1409 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Dégradation de l’accès au service public de la santé dans les Hauts-de-Seine) ;
- n° 1413 de M. Christian Favier à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Maintien du service de chirurgie cardiaque du CHU Henri-Mondor à Créteil) ;
- n° 1415 de M. Éric Bocquet à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Suppressions d’emplois dans le secteur de la vente à distance) ;
- n° 1416 de M. Jean-Marc Todeschini à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ;
(Enseignement des langues vivantes à l’école primaire) ;
- n° 1417 de M. Rachel Mazuir à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration ;
(Statut des membres d’un syndicat mixte compétent en matière d’aménagement du territoire) ;
- n° 1419 de Mme Nicole Bonnefoy à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Actions mises en œuvre pour lutter contre la prolifération du frelon asiatique) ;
- n° 1422 de M. Claude Domeizel à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé ;
(Mauvaise santé financière des hôpitaux et projet de service de réanimation à l’hôpital de Manosque) ;
- n° 1424 de M. Philippe Paul à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Écotaxe et territoire breton) ;
- n° 1425 de M. Yvon Collin à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique ;
(Fermeture partielle de nombreux bureaux de poste) ;
- n° 1426 de M. Yves Détraigne à M. le secrétaire d’État chargé du logement ;
(Part communale de la taxe d’aménagement) ;
- n° 1427 de M. Philippe Darniche à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement ;
(Réalisation de l’autoroute A 831 Fontenay-Le-Comte-Rochefort) ;
De 14 heures 30 à 17 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
2°) Éventuellement, suite de la deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la protection de l’identité (texte de la commission, n° 40, 2011-2012) ;
3°) Proposition de loi relative à la prévention et l’accompagnement pour l’organisation des soirées en lien avec le déroulement des études, présentée par M. Jean-Pierre Vial et plusieurs de ses collègues (n° 421, 2010 2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mardi 8 novembre (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 7 novembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le lundi 14 novembre ;
- au lundi 14 novembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 15 novembre, le matin) ;
De 17 heures à 17 heures 45 :
4°) Questions cribles thématiques sur « La désindustrialisation » (demande du groupe CRC) ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 12 heures 30) ;
De 18 heures à 19 heures 30 :
Suite de l’ordre du jour réservé au groupe UMP :
5°) Suite de l’ordre du jour de l’après-midi ;
À 21 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
6°) Proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution, présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues (n° 69, 2009-2010) ;
Mercredi 16 novembre 2011
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe CRC :
1°) Proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, présentée par Mme Annie David et plusieurs de ses collègues (n° 794, 2010 2011) (après concertation avec les partenaires sociaux) ;
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 9 novembre, le matin (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : mardi 8 novembre, à 15 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 15 novembre ;
- au lundi 14 novembre à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 16 novembre, le matin) ;
2°) Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies, présentée par Mme Évelyne Didier et plusieurs de ses collègues (n° 745, 2010 2011) ;
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 2 novembre (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 31 octobre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant 17 heures, le mardi 15 novembre ;
- au jeudi 10 novembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 16 novembre, le matin) ;
À 18 heures 30, le soir et la nuit (jusqu’à 0 heure 30) :
Ordre du jour réservé au groupe SOC – EELVr :
3°) Proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues (n° 800, 2010-2011).
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
6
Troisième loi de finances rectificative pour 2011
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011 (projet n° 30, rapport n° 35).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’entamer mon propos, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue François Baroin, qui, en raison d’un déplacement en Allemagne lié au prochain sommet européen, ne pourra nous rejoindre que vers vingt-trois heures.
Le projet de loi de finances rectificative que je vous présente ce soir autorise le Gouvernement à accorder deux garanties à la banque Dexia. Il reprend les axes de l’accord intervenu entre les gouvernements belge, luxembourgeois et français.
Nous avons souhaité que ce dispositif fasse l’objet d’un collectif budgétaire particulier, car la situation financière de Dexia nécessitait une réponse rapide et coordonnée.
Dexia a présenté un plan global de redressement pour revenir sur les marchés dans de bonnes conditions. Ce plan requiert le soutien de la France, de la Belgique et du Luxembourg.
Comme l’a rappelé le Premier ministre, le sujet est sérieux, et il appelle une mobilisation immédiate du Gouvernement. La situation de Dexia a des implications pour les collectivités locales françaises, mais aussi pour les déposants belges et luxembourgeois.
Le dispositif que nous vous proposons témoigne du soutien déterminé des gouvernements au plan proposé par Dexia. Il nécessite une traduction législative adaptée.
Je tiens à ce sujet à remercier la Haute Assemblée, et tout particulièrement la commission des finances, son président, M. Philippe Marini, et sa rapporteure générale, Mme Nicole Bricq, pour la rapidité avec laquelle ils ont examiné ce projet de loi de finances rectificative. Conscients des difficultés qui ont été les vôtres, nous sommes sensibles aux efforts que vous avez fournis.
Ce plan est cohérent avec la stratégie de restructuration ordonnée de Dexia et vise à atteindre deux objectifs : d’une part, garantir aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales, la sécurité qu’ils attendent légitimement ; d’autre part, redonner à Dexia de meilleures conditions d’accès aux liquidités.
Cette action, dont nous examinons les modalités, est conforme à l’objectif rappelé le 15 octobre par les ministres des finances du G20 réunis à Paris : préserver la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers. C’est une condition essentielle pour restaurer la confiance et soutenir la croissance.
À l’issue de la réunion du G20, un renforcement très substantiel de la régulation du secteur financier a été décidé. Il se traduira notamment par l’application de nouvelles règles aux marchés dérivés des matières premières, et ce dès 2012. Les ministres des finances du G20 se sont accordés sur l’importance d’une transparence accrue de ces marchés pour décourager la spéculation.
Des accords ambitieux en matière de régulation financière ont été préparés pour le G20 des chefs d’État de novembre prochain : d’abord, un accord-cadre sur la gestion des flux de capitaux pour contenir les effets les plus néfastes de la libre circulation de ces derniers ; puis, un renforcement du rôle de surveillance du FMI afin de coordonner de manière plus efficace les politiques macro-économiques.
Vous le voyez, le G20 « finances » a à son actif des résultats très significatifs, lesquels témoignent de la volonté des États de travailler de concert et du rôle actif de la France. C’est ce même volontarisme qui nous guide aujourd’hui devant vous.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le dispositif de soutien à Dexia ne pourra être mis en œuvre qu’après votre approbation et après l’accord de la Commission européenne au titre de la réglementation sur les aides d’État. Bien évidemment, les procédures internes de gouvernance et de consultation de chacune des entités concernées seront également respectées.
Je rappelle que Dexia avait engagé depuis 2008 un redressement rendu nécessaire par l’échec de son modèle de financement.
Pendant vingt ans, ses dirigeants ont acquis des actifs de long terme, qu’il s’agisse de leur portefeuille obligataire, des diverses structures de prêts aux collectivités locales ou même des actifs toxiques américains, en les finançant à court terme. Ce modèle de financement a engendré un besoin régulier de liquidités particulièrement élevé, de l’ordre de 260 milliards d’euros, soit l’équivalent de plus de 13 points de PIB.
Toutefois, le resserrement de l’accès aux liquidités sur les marchés a, à partir de 2008, fragilisé ce modèle. Les États belge, français et luxembourgeois sont alors intervenus, une première fois, pour permettre à Dexia de franchir ce cap difficile. Ils ont renforcé son capital et ont apporté leurs garanties.
Dans ces circonstances, l’équipe dirigeante de la banque a été profondément renouvelée et a su prendre les décisions nécessaires dans un esprit de responsabilité. Avec l’appui des États et sous le contrôle de la Commission européenne, cette nouvelle équipe a réduit significativement la taille du groupe.
Son action a permis de diminuer le besoin de financement à court terme de 164 milliards d’euros et d’abaisser fortement l’encours de financement auprès des banques centrales.
La cession d’actifs non stratégiques a contribué à réduire le bilan de 651 milliards d’euros à 518 milliards d’euros en moins de trois ans.
Enfin, depuis cet été, la banque a cédé les 10 milliards de dollars qu’elle avait investis dans les subprimes américains, autrement dit les actifs les plus risqués.
Toutefois, le contexte de crise de la zone euro n’a pas laissé à l’équipe dirigeante de Dexia le temps de mener cette restructuration jusqu’à son terme – on peut le comprendre.
Deux éléments ont particulièrement affecté le groupe depuis le début de l’été 2011.
D’une part, des craintes sur la solvabilité de Dexia sont apparues du fait de son exposition aux risques souverains, alors même que la banque détient des actifs de qualité.
D’autre part, les conditions de marché plus défavorables ont dégradé sa situation de liquidité de 20 milliards d’euros.
Dans ce contexte difficile, les gouvernements belge, français et luxembourgeois ont décidé de soutenir le schéma proposé par Dexia afin de stabiliser sa situation le plus rapidement possible.
La banque souhaite aujourd'hui restaurer la confiance auprès de ses investisseurs, de ses clients et de ses créanciers. Son plan nécessite une garantie de refinancement des trois États.
Cette garantie figure au I de l’article 4 du projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Quelles en sont les modalités ?
La garantie est partagée entre les trois États : la Belgique en assumera 60,5 %, la France 36,5 % et le Luxembourg 3 %. Elle portera sur un montant total maximum de 90 milliards d’euros, ce qui équivaut, pour la France, à un plafond de 32,85 milliards d’euros.
C’est principalement la dette nouvellement émise qui sera garantie, pendant une durée limitée à dix ans. Toutefois, une partie des 90 milliards d’euros sera utilisée pour rembourser la dette garantie dans le cadre du programme de 2008. Le Gouvernement souhaite aussi garantir une part de la dette existante, pour un montant limité.
Je préciserai maintenant plusieurs points.
D’abord, nos trois gouvernements ne souhaitent pas garantir les titres dont la maturité serait supérieure à dix ans, bien que la loi ne fixe pas de durée maximum à la dette garantie.
Bien entendu, comme en 2008, l’État n’accorde pas cette garantie à titre gracieux : celle-ci sera tarifée selon des modalités conformes aux règles européennes.
L’autorisation que nous sollicitons pour l’octroi de la garantie prendra fin le 31 décembre 2021. Le moment venu, le Gouvernement devra apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui y sont associés. En concertation avec les deux autres États garants, il mesurera s’il est opportun de prolonger la garantie de refinancement. Si nécessaire, en 2021, le Parlement se prononcera sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l’intégralité de ses engagements.
À quoi servira cette garantie de financement ? Elle permettra à Dexia de réaliser son plan de restructuration ordonnée qui comporte, à ce stade, trois opérations d’envergure.
Tout d’abord, la filiale Dexia Municipal Agency, ou DexMA, sera adossée à la Caisse des dépôts et consignations, qui en assumera la responsabilité et la gestion. Pour assurer la pérennité des financements aux collectivités locales, un consortium formé par la Caisse des dépôts et consignations et le Banque postale sera créé. Ensuite, l’État belge fera, de son côté, une offre de rachat de Dexia Banque Belgique. Enfin, Dexia engagera la négociation avec le Luxembourg et un investisseur international pour la cession de sa filiale Dexia Banque Internationale à Luxembourg.
J’en viens maintenant à la question de la garantie des prêts structurés aux collectivités locales détenus par Dexia. Il s’agit des produits les plus complexes, dont l’encours est de 10 milliards d’euros.
Cet encours de crédit est limité à des entités françaises : des collectivités locales – pour 8 milliards d’euros –, des établissements de soins – pour 1,5 milliard d’euros – et des bailleurs sociaux – pour 500 millions d’euros. Il porte sur des crédits très structurés, c’est-à-dire à fort effet de levier ou indexés sur des devises ou des taux qui n’ont rien à voir avec les expositions naturelles des collectivités locales à ces paramètres de marché. La Caisse des dépôts et consignations a souhaité que Dexia Municipal Agency, qui deviendra sa filiale, soit protégée par Dexia contre les risques que ces prêts pourraient représenter.
Dans la mesure où ces prêts concernent des collectivités locales françaises, nos partenaires belge et luxembourgeois entendent limiter leur participation à cette charge. C’est la raison pour laquelle la France a proposé de garantir cet engagement de Dexia vis-à-vis de la Caisse des dépôts et consignations, selon des modalités qui permettent d’en limiter les conséquences pour l’État.
Le fonctionnement que nous proposons pour cette garantie est simple. Elle interviendrait au-delà d’une franchise de 500 millions d’euros, prise en charge par Dexia. Passé ce montant, 70 % des pertes seraient à la charge de l’État et 30 % resteraient à la charge de Dexia. Bien entendu, la garantie donnée par l’État sera rémunérée.
Le dispositif concernant les prêts structurés témoigne de l’engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l’avenir de leur financement. Cet engagement est au cœur de ce projet de loi de finances rectificative. La première opération du plan de restructuration de Dexia annoncé le 10 octobre en est une bonne illustration.
Quel est le sens de cette opération ?
Nos collectivités locales doivent avoir face à elles un nouvel acteur public solide, qui leur fournira des produits de crédit simples et transparents. Cette société commune, créée par la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, sera opérationnelle dans les prochains mois. Elle sera spécialisée dans le financement des collectivités locales. D’ici là, comme l’a annoncé le Premier ministre, un dispositif temporaire de financement sur fonds d’épargne a été ouvert, à hauteur de 3 milliards d’euros. Il permettra de prévenir tout manque éventuel de liquidités sur le marché des collectivités locales françaises.
M. Pierre Hérisson. Très bien !
M. Patrick Ollier, ministre. Je pense donc que toutes les précautions envisageables ont bien été prises pour préserver les intérêts de nos collectivités locales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la discussion de ce projet de loi de finances rectificative est soumis à des délais extrêmement contraints, nous en sommes tous conscients. Au nom du Gouvernement, je vous remercie de votre réactivité et de votre grande disponibilité.
L’adoption de ce projet de loi de finances rectificative constitue un triple enjeu en termes de responsabilité : les clients de Dexia, comme ses créanciers, doivent avoir la certitude que les États respecteront leur parole ; nos collectivités doivent pouvoir s’appuyer sur ces dispositifs pour poursuivre leurs investissements au bénéfice de l’activité économique et du développement durable des territoires ; enfin, Dexia doit revenir rapidement sur les marchés financiers, dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. M. le président de la commission des finances applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que la crise financière nous oblige, une fois encore, à légiférer dans l’urgence. Alors que nous avons été invités le 8 septembre dernier à valider l’accord du 21 juillet 2011, nous sommes aujourd’hui de nouveau convoqués pour le sauvetage d’une banque.
Nous pouvons comprendre que certaines mesures soient urgentes et que leur entrée en vigueur doive intervenir dans les meilleurs délais.
Pour mémoire, en 2008, il s’est écoulé quatre jours entre le dépôt du projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie sur le bureau de l’Assemblée nationale et la promulgation de la loi au Journal officiel. Le Parlement a donc fait la preuve qu’il sait être réactif lorsque l’intérêt national est en jeu.
En 2011, le Gouvernement tire sur la corde et, comme dit le proverbe, « à la fin, elle casse ».
Dans le collectif budgétaire de septembre, l’essentiel des mesures de recettes prenant effet en 2012 a été voté sans que le Sénat n’adopte le moindre amendement puisque l’ancienne majorité sénatoriale s’était rangée à l’idée d’un vote conforme – souvenez-vous-en, monsieur le président de la commission des finances !
Aujourd’hui, la situation de Dexia impose sûrement que l’on aille vite. Mais l’idée que je me fais – et que nous nous faisons tous ! – du bicamérisme me conduit à souhaiter que le Sénat puisse imprimer sa marque à ce projet de loi de finances rectificative, ce qui implique l’adoption d’amendements.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. J’y tiens d’autant plus que le Gouvernement, pour la deuxième fois en six semaines, entend profiter de ce véhicule urgent, dont l’objet est le sauvetage de Dexia, pour faire adopter des mesures non urgentes relatives aux dépenses, procédant pour ainsi dire en catimini.
On nous presse, mais j’observe que nous ne savons pas à quel rythme les autres avancent. Monsieur le ministre, si vous savez où en sont les projets de décret royal belge et de règlement grand-ducal, si vous savez quand les garanties accordées par la Belgique et le Luxembourg seront effectives, faites-en part au Parlement !
L’attentisme des États face à la crise grecque a coûté très cher à la zone euro, le Gouvernement peut donc bien attendre quelques jours. Au demeurant, la commission mixte paritaire est convoquée demain, à quatorze heures : le Parlement fait donc preuve de célérité.
Sur le fond, nous assistons à la chute d’une banque, la première victime – peut-être ! – de la crise de la dette de la zone euro. Gardons à l’esprit que, quel que soit le montant en jeu, le besoin ne serait pas aussi important si les États européens – en particulier, les chefs d’État et de gouvernement – étaient capables de se mettre d’accord sur un dispositif qui rassure les marchés quant à sa capacité à prévenir la contagion de la crise de la dette à l’Espagne et à l’Italie. C’est dire l’importance du Conseil européen du 23 octobre et du G20 des 3 et 4 novembre !
Nous assistons à la chute d’une banque dont la gestion passée, il faut le rappeler, est une caricature des excès de la finance. Les excès d’hier peuvent se reproduire demain et l’impulsion donnée par le G20 en 2009 a perdu de sa force – force est de le constater – depuis le sommet de Londres.
Encore une fois, je tiens à souligner que c’est parce que la France dispose encore d’un secteur public fort qu’elle peut élaborer aussi vite un dispositif susceptible non seulement de sauver une banque, mais surtout d’assurer la continuité de son activité de financement des collectivités territoriales françaises. Que ferions-nous si l’ensemble du secteur financier relevait du privé ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Si un sauvetage généralisé des banques devait intervenir, il ne pourrait – et ne devrait – pas être effectué aujourd’hui dans les mêmes formes qu’en 2008, d’une part, parce que les États n’ont plus les mêmes moyens financiers qu’en 2008 ; d’autre part, parce que le Gouvernement ayant alors soutenu les banques sans poser de conditions, il n’avait pas obtenu de véritables contreparties tant en termes de financement de l’économie réelle que de rémunération, cette dernière étant bien trop modique pour ce type d’opération. À l’époque, je le rappelle, ces points avaient été soulevés par l’opposition sénatoriale.
Le sauvetage de Dexia est-il le premier d’une longue série ? Faudra-t-il recapitaliser les banques françaises et, si oui, comment ?
Après le choc de 2008, les systèmes bancaires américain, britannique et espagnol, pour ne citer que ceux-là, se sont profondément remis en cause. Les banques françaises, quant à elles, sûres de la supériorité de leur modèle, n’ont engagé aucun examen critique de leurs forces et de leurs faiblesses, il faut le dire ! Cet été, à tort ou à raison, les marchés ont été cruels avec les banques françaises : celles-ci ont été contraintes – enfin ! – de remettre en cause leurs certitudes en annonçant des augmentations du niveau de leurs fonds propres et en commençant à réduire la taille de leur bilan.
Évidemment, ce processus, qui sera, quoi qu’il arrive, prolongé par la mise en œuvre des normes de Bâle III, n’est pas sans conséquences pour l’économie réelle, puisque le crédit aux entreprises, aux ménages et aux collectivités locales s’en trouvera fortement réduit. Tel est déjà le cas, nous l’expérimentons !
Le paradoxe de cette course aux fonds propres est que l’on en connaît les inconvénients – les effets récessifs sur l’activité –, mais que l’on n’est pas sûr d’en obtenir les avantages supposés – la solvabilité des banques. Je rappelle que Dexia est un exemple de banque bien capitalisée qui s’effondre pour des raisons liées à ses difficultés de financement à court terme, donc à ses liquidités, et non à sa solvabilité...
Mes chers collègues, nous devons cependant veiller à ne pas nous laisser enfermer dans les termes du débat que nous imposeraient les banques : certes, il faut trouver des dispositifs qui leur permettront de continuer à financer l’économie ; mais cela ne doit en rien nous conduire à les exonérer des efforts qu’elles doivent accomplir. En aucun cas, nous ne pourrions accepter de faire payer la facture aux contribuables !
Si les banques françaises devaient être recapitalisées, nous disposons, en France, d’un outil susceptible d’être réactivé : la Société de prise de participation de l’État, la SPPE. Évidemment, il est hors de question, cette fois-ci, que la SPPE se contente, comme en 2008, d’acquérir des actions de préférence. L’État devra détenir de vrais titres, exercer ses droits de vote et être présent dans les conseils d’administration. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
En outre, pour recapitaliser les banques, nous disposons désormais d’un second outil : le Fonds européen de stabilité financière, le FESF. Sachant que tout le dispositif européen repose sur les garanties apportées par les États notés AAA, et que tout l’édifice pourrait s’écrouler si la France perdait cette notation, il doit être concevable – et acceptable par nos partenaires – que cet instrument contribue aussi à l’opération. Le FESF a été créé pour financer les États souverains ; il servira aussi à recapitaliser les banques.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les deux sont en effet intimement liés, car il ne faut pas oublier que, si la crise de la zone euro avait reçu une réponse adaptée en 2010, elle aurait pu être enrayée : les titres souverains seraient toujours considérés aujourd’hui comme les plus sûrs et on ne parlerait pas, ou moins, de la recapitalisation des banques.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il faut que les Européens soient à la hauteur des enjeux le 23 octobre, lors du Conseil européen, et les 3 et 4 novembre, lors du G20. Si l’Union européenne ne parvient pas à se présenter unie au G20, imaginez le résultat de ce sommet ! Nous sommes donc très attentifs. Monsieur le ministre, vous nous avez dit que votre collègue, M. Baroin, était empêché ce soir, précisément parce qu’il préparait ces réunions : nous l’avons bien compris.
Vous savez bien que, chaque fois qu’il a été question de soutenir la France dans ses efforts pour arriver à un règlement européen, nous avons été là. Cependant, trois ans après, nous sommes de nouveau confrontés à une crise financière majeure.
J’en viens maintenant au cœur du projet de loi de finances rectificative : le sauvetage de Dexia.
Vous l’avez rappelé dans votre propos liminaire, monsieur le ministre, un large accord s’est dégagé à l’Assemblée nationale sur l’octroi d’une garantie de financement à Dexia afin de lui permettre d’honorer ses engagements.
Cette garantie serait de 90 milliards d’euros sur dix ans, dont 32,85 milliards d’euros pour la France, contre 150 milliards d’euros sur deux ans pour la garantie accordée en 2008. On mesure les efforts qui ont été entrepris. Pendant cette période, la banque poursuivra à marche forcée sa politique de cession d’actifs pour n’être plus constituée in fine que de la holding de tête et de Dexia Crédit Local, DCL.
À ce sujet, monsieur le ministre, je juge utile de clarifier la place qu’occupera cette banque résiduelle. Nous considérons pour notre part que son activité doit se limiter à la gestion des prêts structurés, qui incluent les prêts toxiques, dont on peut penser que le dernier dossier s’éteindra en 2034.
Nous voulons avoir l’assurance que le mécanisme créé par la co-entreprise n’engendrera pas une confusion des rôles. Dexia, fût-il DCL, doit s’éteindre avec le portefeuille. La position du Gouvernement à ce sujet doit être clarifiée. Monsieur le ministre, par votre parole, l’État actionnaire doit nous donner son interprétation et sa vision de l’avenir de Dexia Crédit Local.
M. Jean Arthuis. Très bien !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. À l’Assemblée nationale, la constitution d’un pôle de financement des collectivités territoriales sous la houlette de la Caisse des dépôts et consignations et de La Poste a fait l’objet d’un vif débat.
Pour La Poste, une telle activité est une nouveauté. Quant à la Caisse des dépôts et consignations, qui est l’acteur historique du financement des collectivités locales, elle prend un risque pour son modèle économique. En effet, l’opération consommera 10 milliards d’euros de liquidités et un milliard d’euros de fonds propres. Nos collègues députés l’ont ardemment souligné.
Pour autant, dans la situation actuelle de désertion du marché des collectivités par les banques traditionnelles, il est urgent de disposer rapidement d’un outil de financement de l’investissement local. Si je crois ce que l’on me dit, cette co-entreprise, ou joint venture, serait susceptible d’être opérationnelle dans le courant de l’année 2012, peut-être avant l’agence de financement imaginée par l’Association des maires de France et résolument soutenue par quelques-uns de nos collègues.
La concurrence possible ou la complémentarité entre les deux méritent d’être explicitées. Nous sommes convenus d’y travailler en commission des finances. Monsieur le ministre, le Sénat représente les collectivités locales et ce point les intéresse directement. C’est pourquoi nous attendons des éclaircissements sur la complémentarité ou la concurrence entre ces deux entités.
Le problème dans cette opération, qui aurait d’ailleurs pu être réalisée indépendamment de la situation de Dexia, c’est que la Caisse des dépôts et consignations, à la demande de l’État, reprend la société de crédit foncier DexMA, laquelle possède un encours de 77 milliards d’euros, dont 10 milliards d’euros d’emprunts structurés potentiellement risqués, parmi lesquels 4,5 milliards d’euros ont été qualifiés de « toxiques ».
La Caisse des dépôts et consignations le fait au nom de l’intérêt général, tout en s’efforçant, c’est bien normal, de préserver ses intérêts patrimoniaux. Je rappelle qu’elle est sous la surveillance du Parlement. Mon collègue Jean Arthuis et moi-même sommes membres, pour le Sénat, de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations.
Dans ces conditions, la Caisse des dépôts et consignations a eu parfaitement raison de demander des garanties. Elle devrait obtenir de racheter la société pour une valeur égale au quart de ses fonds propres et de voir ses pertes éventuelles plafonnées à 70 millions d’euros par an. Au-delà, c’est Dexia qui paiera la facture.
Elle a exigé à juste titre que l’État apporte sa contre-garantie à Dexia, qui porte sur 70 % d’un encours de 10 milliards d’euros, soit 6,65 milliards d’euros. Pendant dix ans, si Dexia devait assumer le solde de 30 %, elle pourrait trouver les ressources nécessaires par le biais de la garantie générale de financement dont j’ai déjà parlé. Vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, qu’un amendement déposé sur ce point délicat, qui demeure tout de même une zone d’ombre, a été retiré à l’Assemblée nationale à la suite d’un engagement pris en séance par M. Baroin. Cet engagement doit être réitéré devant le Sénat.
Je le répète, les pertes ne sont pas certaines. Il n’est pas acquis qu’elles excèdent 70 millions d’euros pas an. Il reste possible que Dexia n’ait pas besoin de la garantie de l’État pour y faire face.
Cependant, la Caisse des dépôts et consignations a besoin de visibilité et, malheureusement, c’est lorsque l’horizon devient le plus lointain que les assurances sont les moins fortes. Après 2021, dans dix ans, nul ne sait ce que sera devenu le groupe Dexia résiduel et s’il sera capable d’assumer sa part des pertes.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bonne question !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nul ne sait quel est le profil des emprunts qui seront encore « vivants » à cette date. Seront-ils plutôt sûrs, plutôt toxiques ? La seule chose que l’on sache, c’est que le projet de loi prévoit que, le cas échéant, les pertes de la Caisse des dépôts et consignations ne seront garanties qu’à hauteur de 70 %.
Lundi dernier, à l’Assemblée nationale, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a été interpellé à de nombreuses reprises à ce sujet. Il a essayé de rassurer les députés. Il y est partiellement parvenu puisque le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations a retiré son amendement. Nous attendons la confirmation de l’engagement qui a été pris à l’Assemblée nationale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ma position sur cette question est la suivante : il est exact que personne ne sait quelle sera la situation dans dix ans ; il est exact que dix ans est une durée exceptionnellement longue pour une garantie – en 2008, la garantie de l’État ne portait que sur deux ans – et que des questions de droit communautaire peuvent se poser. Vous nous les expliciterez.
Vous devrez nous expliquer également, monsieur le ministre, en quoi consiste le droit de regard de la Commission européenne. La presse annonçait d’ores et déjà ce matin que cette dernière allait très rapidement se pencher sur les résultats de nos travaux.
Il n’est pas exclu que Dexia Crédit Local, qui sera le gestionnaire de la société de refinancement de la Caisse des dépôts et consignations, soit encore là dans dix ans.
Le financement de l’économie sera la priorité des mois qui viennent et il serait vraiment malvenu de porter atteinte à la Caisse des dépôts et consignations qui, compte tenu de la situation des institutions financières aujourd’hui, sera la mieux à même d’apporter sa contribution. Je rappelle tout de même que, depuis trois ans, elle a été largement appelée au secours de l’État, qui était bien aise de la trouver à ses côtés.
Il reste la question, essentielle à nos yeux, des contreparties demandées aux banques au soutien public qui pourrait leur être apporté.
La rémunération de la garantie de l’État, déjà présente en 2008, n’est pas une contrepartie. C’est une obligation au regard du droit communautaire, faute de quoi les soutiens publics seraient assimilés à des aides d’État.
Les vraies contreparties consistent en une présence réelle de l’État au capital des sociétés, et non, comme en 2008, en des participations. Ces dernières présentent tous les avantages pour les banques – un afflux de fonds propres –, mais leur épargnent les inconvénients liés à la présence de l’État au conseil d’administration et à l’exercice de ses droits de vote correspondant à sa participation.
Dans le cas de Dexia, pour que la présence publique soit la plus opérationnelle possible, je suggère que l’État et la Caisse des dépôts et consignations concluent un pacte d’actionnaires, de sorte que la France puisse se présenter unie en toutes circonstances et mettre ainsi utilement à profit sa minorité de blocage, qui est de 25 % en droit belge.
Comme on ne peut imaginer que l’État dispose dans toutes les banques ne serait-ce que d’une minorité de blocage, il importe de fixer dans la loi les conditions auxquelles l’État peut apporter son soutien aux banques, notamment dans le domaine des rémunérations et des avantages consentis à l’exécutif de ces institutions financières. Ce sujet est abordé de façon récurrente lors de l’examen des projets de loi de finances.
Le président de la Banque centrale européenne considérait voilà quelques jours que nous avions « un vrai problème de valeurs » et que « nos démocraties ne comprennent pas certains comportements ». Le président de la Commission européenne lui-même, retrouvant les accents « gauchistes » de sa jeunesse – je m’en souviens, car je vivais au Portugal à cette époque – a déclaré dimanche que « certaines banques européennes, dont peut-être les françaises, ont effectivement besoin de plus de capitaux propres ». Il constate que « certaines d’entre elles refusent jusqu’au principe même d’être aidées, souvent parce qu’elles rejettent par principe tout contrôle public ». Dans une interview publiée dans un quotidien du matin, le président de la Fédération bancaire française, M. Oudéa, indiquait que celles-ci n’avaient pas du tout besoin d’une aide publique. On ne saurait mieux dire !
C’est pourquoi la commission des finances vous propose un amendement en ce sens. Si le Gouvernement n’y souscrit pas, il sera manifeste qu’il refuse d’adopter une attitude constructive en matière de soutien public aux banques.
Le Gouvernement doit apporter la preuve qu’il a tiré la leçon des échecs de 2008. M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a demandé aux députés de l’opposition de lui dire « oui » pour une fois. Au Sénat, c’est la majorité et la commission des finances qui vous demandent d’adopter une attitude positive en assortissant le soutien aux banques d’une contrepartie qui fasse sens face à la défiance de nos concitoyens.
J’espère que vous nous entendrez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité. Chacun d’entre nous est concerné. Vous connaissez les dégâts que provoquent depuis 2008 tous ces exercices sur nos concitoyens, en un mot sur la cohésion nationale. Il est temps de donner un signe qui ne soit pas que symbolique ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me limiterai à quelques brèves considérations, d’une part sur Dexia et sur le caractère indispensable des mesures qui nous sont proposées, d’autre part, un peu plus longuement, sur la situation actuelle particulièrement préoccupante et contradictoire de la zone euro.
Pour l’essentiel, je partage l’analyse de Mme la rapporteure générale. Il est clair, et nous le reconnaissons tous, que Dexia est au bord de la faillite ; il est impératif de traiter chirurgicalement et immédiatement cette situation. Cela suppose un plan de restructuration en bon ordre.
Rappelons que Dexia représente globalement 35 000 emplois, 136 milliards d’euros de dépôts et une production de prêts qui était encore de 56 milliards d’euros en 2010.
Inutile d’ajouter devant une assemblée comme la nôtre que la part de marché de Dexia dans le secteur du financement des collectivités territoriales demeure considérable. Nous le savons tous et nombre d’entre nous ont suivi le cheminement de cette banque, de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales au sein de la Caisse des dépôts et consignations, qui était une entité sans personnalité morale, à la création du Crédit local de France, avec, à l’origine, une forte implication des collectivités territoriales dans sa gouvernance et des souscriptions d’une fraction de son capital par lesdites collectivités territoriales.
Puis nous avons vu Dexia s’éloigner au grand large et se livrer à des aventures outre-Atlantique, lesquelles expliquent, pour l’essentiel, la situation de détresse financière qui est apparue au grand jour en 2008.
Depuis 2008, une véritable course contre la montre a dû être engagée. Celle-ci aurait peut-être pu être gagnée et les encours internationaux à risques de la banque auraient pu être réduits grâce aux efforts de l’équipe mise en place autour du président du comité de direction, Pierre Mariani. Mais, aujourd'hui, Dexia est la première vraie victime, en France et en Belgique, de la crise de la dette souveraine, qui a été le révélateur des fragilités considérables de la banque.
Dans ce contexte, la commission des finances du Sénat, même assez profondément renouvelée, ne pouvait évidemment pas ne pas se mobiliser dans l’urgence et vous proposer de prendre ce soir, sur la proposition du Gouvernement, les mesures qui s’imposent.
Pour ma part, je pense – beaucoup d’entre vous le diront dans ce débat – que de la crise très grave qui frappe Dexia sortira sans doute un bien pour le financement des collectivités territoriales. Elle va en effet accélérer fortement la mise en place d’une institution spécialisée dans le financement des collectivités territoriales. La conduite opérationnelle de cette institution sera confiée à la Banque postale, laquelle pourra ainsi exercer un nouveau métier qui, en complémentarité avec ceux qu’elle exerce déjà, lui permettra de se déployer sur le territoire et de mieux assurer son avenir.
M. Pierre Hérisson. Exactement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout ceci est rendu possible grâce à l’adossement de DexMA à la Caisse des dépôts et consignations, laquelle est, nous le savons bien, la clé de la solution qui est en train de se mettre en place. Nous devons donc tous faire preuve d’une grande vigilance afin de préserver cet outil exceptionnel pour notre pays.
Mme la rapporteure générale a posé à ce sujet des questions auxquelles M. le ministre répondra certainement. Nous considérons pour notre part que le système de garanties et de contre-garanties dont la Caisse des dépôts et consignations va bénéficier est la clé de cette opération – de ce côté-ci du Quiévrain tout au moins –, de sa crédibilité et de l’avenir.
Naturellement, deux sujets peuvent, ce soir, justifier quelques différences d’approche entre les deux moitiés de la Haute Assemblée.
Le premier sujet – mais je suppose que les différences d’approche qu’il suscite vont tout de suite s’atténuer au vu des réponses que le Gouvernement va apporter aux questions de Mme la rapporteure générale – porte précisément sur la situation de la partie résiduelle de Dexia, c'est-à-dire Dexia Crédit Local en France. Cette banque n’est, a-t-on dit à l’Assemblée nationale, ni une structure de défaisance ni une bad bank. Mais qu’est-ce alors ? Quel sera son avenir ? Il serait utile que le Gouvernement nous éclaire et nous apporte des éléments d’information sur ce sujet, afin de nous donner une idée de l’ordre de grandeur des risques que nous devons partager. Il ne faut pas oublier non plus que cette banque résiduelle emploie de nombreux salariés et qu’il conviendra de les fixer sur leur avenir.
Pour aller plus loin, j’évoquerai les contreparties que Mme la rapporteure générale souhaite introduire dans l’éventualité – espérons que cela restera une simple éventualité – où l’État devrait apporter son aide à des institutions financières, à des banques et à des établissements financiers.
À vrai dire, les dispositions sur les rémunérations des dirigeants qu’elle souhaite introduire s’inscrivent tout à fait dans la continuité de l’amendement que le Sénat avait voté sur la proposition de Jean Arthuis en 2008.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Après bien des batailles !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, mais le Sénat l’avait néanmoins voté !
En outre, le Gouvernement avait repris la substance de l’amendement de Jean Arthuis dans un décret de 2009, …
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. La substance seulement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … dont la durée de validité ne s’étendait que jusqu’à la fin de l’année 2010, soit une période d’une durée exceptionnelle.
Aujourd'hui, l’amendement adopté par la commission des finances, sans vote contraire mais avec l’abstention de l’UMP et de l’UCR, vise à mettre en place dans notre droit positif des règles qui s’appliqueraient à l’avenir à toute banque bénéficiant pour son refinancement du soutien de l’État. Toute banque en crise de liquidités ou incapable d’assumer le financement de ses activités et qui bénéficierait du soutien public devrait, en contrepartie, se soumettre à un corpus de règles fixées par la loi en matière d’avantages annexes, de rémunérations de l’encadrement supérieur, des dirigeants et des actionnaires.
Comme je vous l’indiquais, il n’y a pas eu au sein de la commission des finances de vote contraire. Sur le fond, nul n’a été choqué par cette proposition qui, au demeurant, n’a rien de révolutionnaire puisqu’elle s’inscrit, je le répète, dans la continuité d’un amendement de Jean Arthuis que nombre d’entre nous avaient soutenu. La seule question qui se pose est de savoir, mes chers collègues, s’il faut voter cet amendement ce soir. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Exactement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour éviter la confusion entre nous, il est bon que notre approche sur un tel sujet varie quelque peu !
Je suis de ceux qui pensent que cette mesure pourrait être encore travaillée, et qu’elle aurait toute sa place dans le projet de loi de finances pour 2012. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Elle s’appliquerait ainsi de la même manière aux mêmes banques bénéficiant du même soutien public !
Pour ma part – pardonnez-moi, chers collègues de la majorité sénatoriale, de soutenir cette position –, je pense qu’il serait plus simple et plus clair de voter conforme le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si nous ne le votons pas conforme, c'est-à-dire si les propositions de la commission des finances sont suivies par la Haute Assemblée, ce sujet sera traité demain à quatorze heures en commission mixte paritaire. L’incertitude sera donc de courte durée !
Je persiste à penser qu’un vote conforme par deux assemblées ayant des majorités opposées servirait la crédibilité financière de notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Bernard Piras. Sortez les mouchoirs !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce serait un geste extrêmement positif. Au demeurant, ce n’est pas le fond de la question qui est en cause. En tant que président de la commission des finances, je me permets de suggérer cette voie. Je ne sais si je serai entendu, mais je me dois de le faire.
J’en viens à présent à un sujet qui requiert une réponse précise et convaincante du Gouvernement, à savoir les crédits – 600 millions d’euros – que l’on nous propose d’inscrire au titre des dépenses accidentelles et imprévisibles.
Comme Mme la rapporteure générale, je pense que la procédure du décret d’avance, qui nécessite un examen ligne par ligne par la commission des finances, serait plus appropriée. J’ai en effet un peu trop l’impression que l’on nous demande de signer un chèque en blanc de 600 millions d’euros !
Je suppose que le Gouvernement nous apportera sur ce sujet des informations convaincantes au cours du débat et que nous aurons la garantie de pouvoir examiner dans le détail ces dépenses accidentelles et imprévisibles. Cela nous permettra de nous retrouver et nous évitera d’avoir à voter cet amendement.
Pour terminer, permettez-moi de vous livrer quelques considérations sur la crise de la zone euro. Il est tout à fait clair, mes chers collègues, que les chefs d’État et de Gouvernement vont devoir faire preuve d’imagination.
Souvenons-nous simplement d’une chose : la crise grecque a débuté voilà environ deux ans et dure, à la vérité, depuis lors. À cette époque, il était impossible – ce sujet était alors tabou – d’évoquer une restructuration de la dette grecque. Pour des raisons de doctrine, on considérait qu’un pays membre de la zone euro ne pouvait pas être conduit à ne pas honorer l’intégralité de sa dette dans les conditions contractuelles et rubis sur l’ongle.
Si je comprends bien l’évolution des choses, il va cependant falloir organiser une restructuration de la dette grecque. Le faire aujourd'hui, c’est le faire dans des conditions infiniment plus coûteuses pour l’ensemble des pays de la zone euro que si cette décision avait été prise au départ, il y a environ deux ans.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. C’est certain !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Permettez-moi de le regretter.
Ce soir avait lieu à Francfort la réception de départ du gouverneur de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet. C’est une personnalité d’une haute stature, tout à fait exceptionnelle, mais peut-être un peu trop animée parfois par l’esprit de doctrine.
La Banque centrale européenne a la responsabilité, me semble-t-il, en partage avec les chefs d’État et de Gouvernement, de faire preuve de l’imagination nécessaire pour que la zone euro ne soit pas un carcan et pour qu’elle ne périsse pas de ses contradictions internes et de ses péchés originels.
M. François Marc. Ils vont utiliser la planche à billets !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous aurons l’occasion de revenir à maintes reprises sur tous ces sujets fondamentaux.
Ce soir, nous examinons le cas de Dexia. Il va nous conduire à évoquer la situation financière de nombreuses collectivités territoriales de ce pays. Faisons en sorte que, après cette décision douloureuse et difficile, qu’il nous faut pourtant prendre, cette crise ait des conséquences positives et permette aux collectivités territoriales d’avoir une plus grande visibilité concernant la prise en charge de leurs projets et, d’une manière générale, le financement de leurs investissements. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
7
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des finances a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011 actuellement en cours d’examen.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement, et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
8
Troisième loi de finances rectificative pour 2011
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi modifié
M. le président. Nous reprenons l’examen du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2011.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce nouveau collectif budgétaire est essentiellement consacré à la situation de Dexia et aux conséquences du plan de redressement tel qu’il a été négocié entre l’État, la Belgique et le Luxembourg.
Les sommes en jeu sont particulièrement importantes : 380 milliards d’euros d’actifs dans le groupe, 77 milliards d’euros de prêts aux collectivités locales, dont 50 milliards d’euros pour la France. Et ce sont près de 40 milliards d’euros de garanties qui sont proposés dans ce texte.
Nous craignons d’ailleurs que de telles sommes ne soient insuffisantes, non pas pour faire face aux dépréciations d’actifs qui touchent les activités les plus concurrentielles de Dexia, mais plutôt pour prendre en compte les légitimes attentes des élus locaux confrontés à la dérive des emprunts structurés. D’autant que, nous le savons tous, Dexia n’est pas la seule banque à avoir proposé des emprunts de ce type aux collectivités locales.
La situation que nous connaissons aujourd’hui avec Dexia est le résultat de la privatisation intégrale des activités bancaires, avec la sollicitation permanente des ressources onéreuses sur les marchés financiers et le marché interbancaire.
C’est la suite logique de la crise financière qui avait déjà amené les gouvernements français et belge à recapitaliser la banque Dexia à hauteur de 6,4 milliards d’euros en 2008, sans aucune contrepartie réelle.
Une fois de plus, aucune exigence n’a été émise pour que la banque ainsi « sauvée » concentre ses efforts vers le financement des PME, des collectivités, avec l’objectif de servir l’intérêt économique des pays où elle intervient.
Une telle course à la rentabilité financière maximale et de court terme montre une fois de plus sa nocivité. Après en avoir engrangé les bénéfices, c’est vers la puissance publique que l’on se tourne pour éviter la chute.
M. Roland Courteau. Et voilà !
Mme Marie-France Beaufils. Permettez-moi tout de même de revenir dans cette discussion générale sur l’historique du financement des collectivités locales.
La Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, la CAECL, fut longtemps l’établissement financier des collectivités, complétant par des ressources de marché – en général, il s’agissait d’emprunts émis auprès du public – les financements directs de la Caisse des dépôts et consignations.
À l’époque, le taux d’intérêt des emprunts était fixe, et la lisibilité des opérations évidentes ; les élus locaux avaient donc une grande sécurité.
La CAECL était un établissement public. Elle a été privatisée en 1987 et remplacée, en quelque sorte, par le Crédit local de France, le CLF, société anonyme à caractère commercial. En 1996, la fusion entre le CLF et le Crédit communal de Belgique s’accompagne de l’ouverture au marché du financement des collectivités territoriales.
Dès lors, les collectivités deviennent des clients comme les autres pour l’ensemble d’un secteur financier de plus en plus privatisé, banalisé et avec des activités de plus en plus diversifiées.
Dexia n’échappe pas à la règle et abandonne son cœur de métier, c’est-à-dire le financement des collectivités territoriales. La rentabilité n’est probablement pas au niveau attendu par ses actionnaires. C’est d’ailleurs ce que nous a rappelé l’une des personnes que nous avons auditionnées en commission des finances. Il est vrai que les collectivités locales ne déposent pas leurs ressources au sein des banques pour qu’elles puissent y trouver une rémunération.
Dexia se lance dans des activités de prise de contrôle d’entités bancaires dans le monde, comme aux États-Unis où, nous le savons tous, le groupe éponge encore d’ailleurs les dettes de sa filiale FSA.
Ce développement est fondé sur un schéma financier risqué, associant levée de ressources de court terme et distribution d’emprunts de long terme, conduisant de fait à créer une bulle de créances que le groupe ne peut plus honorer. Et ce d’autant que ses débiteurs, en particulier les dettes obligataires de la Grèce ou de l’Italie, ne sont plus en situation de faire face à leurs engagements.
Affectée par les subprimes en 2008 et touchée par la crise obligataire cette année, Dexia avait pourtant – faut-il le rappeler ? – passé avec succès tous les tests de résistance définis par les instances européennes.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Marie-France Beaufils. Il semble bien que ces mesures soient passées à côté de l’essentiel.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Marie-France Beaufils. Une fois de plus, la démonstration est faite que les outils d’analyse du système capitaliste dans lequel nous vivons sont inadaptés pour anticiper la crise. Nous le voyons également avec les agences de notation, qui ont tendance à aggraver la situation au lieu de créer les conditions favorables à la résolution des problèmes.
M. Roland Courteau. C’est exact !
Mme Marie-France Beaufils. Le plan de redressement qui nous est proposé vise clairement à éviter que le groupe ne fasse faillite, victime d’un surcroît de dettes impossible à couvrir !
L’affaire Dexia suffit à démontrer que la stricte logique privée et l’exigence de rentabilité financière conduisent à cette faillite. Or la proposition qui nous est faite ne règle pas cette question.
Nous le savons bien, la nationalisation est un mot tabou, au moins en France – la Belgique, elle, a purement et simplement choisi cette voie –, pour les libéraux. On nous dit même qu’il s’agit de mesures dépassées. Pourtant, on tourne autour et on parle de solliciter la garantie de l’État moyennant rémunération. Comme on le ferait d’une sorte d’engagement hors bilan, tendant à limiter les effets de ce que nous n’allons pas manquer de voir.
L’État ira chercher sur les marchés les ressources lui permettant d’accorder sa garantie. Il la fera rémunérer et constatera sans doute en bout de chaîne les moins-values les plus diverses. Celles-ci vont de la déperdition des titres de Dexia, qui est déjà avérée – l’action est désormais aux alentours de 55 centimes à 60 centimes, alors qu’elle valait encore 3,20 euros à la fin de l’année 2008 –, aux conséquences de la dépréciation des actifs gérés. Sans oublier les intérêts relatifs à la souscription du financement de la garantie.
L’affaire est d’ailleurs tellement bien ficelée que la Caisse des dépôts et consignations, appelée avec la Banque postale à reprendre le portefeuille de titres de dette publique locale en attendant de le développer à son tour, a demandé et obtenu que le plafond de garantie, dans un premier temps, soit supérieur sur ce créneau au risque de dépréciation encouru.
Il faut dire que si le résultat de la Caisse des dépôts disparaissait en tout ou partie dans la reprise des actifs de Dexia, le budget général s’en porterait sans doute assez mal !
En d’autres termes, la clientèle si particulière des collectivités servira probablement à asseoir l’équilibre financier de l’opération. En effet, les collectivités, obligées de renégocier leurs prêts pour éviter la dérive des taux, paieront pour une part la facture du redressement de Dexia.
Quand l’article 4 prévoit une garantie de refinancement rubis sur l’ongle en quelque sorte pour les actifs « ordinaires » de Dexia et une garantie minorée, partageant les coûts éventuels de dépréciation pour les actifs de « dette publique locale », il ne fait qu’accepter une certaine forme de laxisme pour un segment et de rigueur pour l’autre.
Dans le montage de l’article 4, ni Dexia ni la Caisse des dépôts n’ont le moindre intérêt à accorder aux collectivités locales quelque « faveur » que ce soit, qu’il s’agisse d’un abandon de créances, d’un moratoire de remboursement, même temporaire, ou d’un rééchelonnement éventuel des emprunts...
C’est là une situation que nous ne pouvons tout à fait accepter. C’est le sens de l’un de nos amendements, d’autant que les investissements des collectivités sont un facteur important de maintien de l’activité économique et de l’emploi, ce dont nous aurions grand besoin aujourd'hui.
Il importe que le présent projet de loi ouvre clairement la voie à la structuration d’un véritable pôle financier public, intégrant notamment au titre de ses missions prioritaires le financement des collectivités locales. La création d’un établissement public de financement s’appuyant sur la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, entre autres, aurait été le prolongement indispensable aux propositions de garantie que vous nous proposez dans ce projet de loi de finances rectificative.
Or aucune proposition en ce sens ne nous a été présentée par le Gouvernement. Rien pour le moment dans la présentation que vous venez de faire, monsieur le ministre, ne nous laisse supposer que vous acceptez de vous engager dans une démarche de constitution d’une banque publique dédiée au financement des collectivités territoriales dans laquelle l’État pourrait pleinement faire entendre ses exigences pour contribuer efficacement aux politiques publiques.
Un tel positionnement du Gouvernement, s’il était maintenu au cours de nos débats, ne nous permettrait pas d’approuver le présent projet de loi de finances rectificative.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oui, il y a urgence à trouver des solutions techniques, mais sans oublier qu’il s’agit d’une question éminemment politique ! On sort toujours d’une crise ; la question est de savoir dans quel état.
Oui, il y a urgence. Oui, il s’agit de l’intérêt national. Mais l’urgence n’est-elle pas la conséquence de l’imprévision ou de décisions retardées ? Monsieur le ministre, vous nous avez dit qu’il fallait restaurer la confiance, rassurer les marchés, avoir plus de transparence, décourager la spéculation et coordonner les politiques gouvernementales. C’est bien de le dire ; il faut le faire.
Comment le citoyen ne serait-il pas ébranlé depuis 2008 par des annonces et des promesses constamment remises en cause ? Oui, nous avons affaire aux conséquences de la crise de la dette souveraine, mais elles sont démultipliées par des fautes de gestion que nous connaissons tous aujourd'hui.
Il y a eu mauvaise gestion, il y a eu des choix négatifs ; ce n’est pas le seul établissement financier. Il y a eu aussi absence totale de communication loyale vis-à-vis de l’opinion. La véritable urgence, c’est une communication loyale de l’ensemble de ces établissements, une responsabilisation de ces établissements et de leurs dirigeants ! La véritable urgence, c’est une politique européenne en adéquation avec l’existence d’une monnaie européenne !
S’il est un élément auquel notre groupe est attaché, c’est le principe : « Qui paie décide » ! Si le contribuable paie, il doit participer à la décision.
Nous avons besoin de banques et de marchés financiers, mais il faut qu’ils soient au service de l’économie et qu’ils ne dictent plus leur loi aux États.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. Depuis le mois de novembre 2008 et le premier plan de sauvetage des banques, l’État français détient 5,73 % du capital de Dexia, l’autre mode d’intervention ayant consisté en une garantie de financement. Il s’agit bien d’une préoccupation majeure pour notre pays, pour nos concitoyens et – nous le savons tous dans cet hémicycle – pour nos collectivités territoriales.
C’est dans ce contexte qu’il convient aujourd'hui de vous interroger, monsieur le ministre. Comment l’État pourra-t-il assumer une telle recapitalisation, alors que, nous le savons aussi, d’autres établissements que Dexia sont instables ? Comment en évaluer précisément le coût ? Comment justifier que les participations que l’État a prises ou s’apprête à prendre dans certaines banques ne lui donnent aucun droit de regard sur la politique de ces établissements ?
Pour le moment, votre gouvernement a fait le choix d’adosser le véhicule de refinancement des prêts aux collectivités portés par Dexia à la Caisse des dépôts et consignations, avec pour objectif d’alléger ses besoins de liquidités.
Là encore, une telle initiative ne va pas sans susciter quelques inquiétudes ; plusieurs orateurs, notamment Mme la rapporteure générale de la commission des finances, l’ont rappelé. Mais c’est aussi, et M. le président Marini vient de le souligner, la clé de l’avenir !
Dans ces conditions, le nouveau plan prévu par ce troisième collectif budgétaire pour 2011 peut-il permettre de redonner des marges de manœuvre suffisantes en termes de liquidité au groupe Dexia ?
Bien sûr, nous n’ignorons pas qu’à l’origine de ce texte se trouve d’abord l’impérieuse nécessité d’alléger de 10 milliards à 12 milliards d’euros les besoins en liquidités de Dexia, pour lui permettre d’abord, eu égard à la situation du marché interbancaire, de gagner du temps. Mais si une telle démarche s’avère nécessaire, elle n’est certainement pas suffisante car il est désormais impératif de s’orienter vers des mesures structurelles plus durables. Il est temps que l’État reprenne toute sa place et ne se contente plus de venir pallier les irresponsabilités de certains dirigeants et certaines de leurs erreurs, les fautes avérées de gouvernance.
Nos concitoyens attendent qu’il soit mis un terme à certaines rémunérations exorbitantes de dirigeants et de traders de banques.
C’est aussi pourquoi nous soutenons la mesure adoptée hier par la commission des finances du Sénat, mesure qui vise à interdire bonus et dividendes aux banques bénéficiant du soutien de l’État. C’est une simple disposition de bon sens ! Comment pourrait-il en être autrement ?
De plus, mes chers collègues, en l’absence de mesures structurelles, il faut bien reconnaître qu’à ce jour le plan de sauvetage mis en place en 2008 demeure une opération négative pour les finances publiques.
Faut-il rappeler qu’à l’époque déjà la question se posait du choix de la garantie et des contreparties que l’État pouvait en attendre, contreparties qui se font toujours désirer et qui se feront toujours désirer.
Alors que l’État a investi directement 1 milliard d’euros au capital de Dexia à l’automne 2008, à ce jour sa participation enregistre une perte latente d’environ 920 millions d’euros. Si l’on élargit le champ à la Caisse des dépôts et consignations et à CNP Assurances, deux entités parapubliques qui ont apporté 2 milliards d’euros en octobre 2008, la facture potentielle s’alourdit même de 1,8 milliard d’euros.
Monsieur le ministre, il aura donc fallu cette grave crise financière pour que l’on en revienne à l’esprit qui avait conduit il y a bien longtemps, au début du XIXe siècle, à la création de la Caisse des dépôts et consignations, laquelle avait la charge de ce type de financements « sous la surveillance et la garantie de l’autorité législative » – il n’est pas inutile, aujourd’hui, de le rappeler.
Dexia s’est égarée en élargissant ses activités à la gestion d’actifs, aux marchés de capitaux, aux assurances, aux services aux investisseurs, jusqu’à vendre aux collectivités des prêts ultrasophistiqués, variables, structurés, de l’ordre de 10 milliards d’euros, et qui se sont pour certains révélés particulièrement toxiques.
Mes chers collègues, la question qui se pose est bien celle du retour à court ou à moyen terme aux fondamentaux des activités d’un établissement comme Dexia, qui s’est aventuré dans le monde de la finance. Mais aujourd’hui, et une fois de plus, c’est au contribuable français qu’il reviendra d’assumer, avec d’autres pays, le coût de ces dérives graves en matière de gouvernance et de choix stratégiques pour un établissement qui occupait une place centrale dans le financement et le quotidien des collectivités territoriales.
Quoi qu’il en soit, en attendant les premiers effets des mesures prévues par ce projet de loi, le « cas Dexia » et son sauvetage par l’État constituent d’ores et déjà un nouvel exemple de la dérive d’un système bancaire dérégulé. Il faut une volonté politique forte.
Je rappelle, comme le fait du reste Mme la rapporteure générale dans son rapport, que Mme Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, s’était engagée en octobre 2008 devant le Sénat sur les contreparties qui seraient demandées aux banques en échange du soutien de l’État. Elle évoquait « deux catégories de contreparties : des contreparties d’ordre économique, d’une part, […] et des contreparties éthiques, d’autre part […] ».
C’est pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, les membres du groupe RDSE apporteront majoritairement leur soutien aux amendements de la commission des finances, particulièrement à celui qui vise à assortir le soutien public à une banque d’un certain nombre de conditions. C’est une question de principe, mais c’est aussi une question de respect du contribuable et du citoyen.
Nous n’approuverons le projet de loi dans son ensemble pour garantir le financement de Dexia qu’à cette condition, à savoir l’adoption par notre assemblée des amendements de notre commission des finances.
Mes chers collègues, exiger un vote conforme n’est pas un message de rassemblement si nécessaire face à une telle crise. C’est l’inverse. Il est au contraire essentiel que chacun fasse un effort dans l’intérêt national. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la liquidation d’une banque est un acte grave.
Ce soir, nous sommes invités à autoriser le Gouvernement à consentir une garantie pour que cette liquidation soit ordonnée. C’est la fin d’une belle aventure qu’avait connue la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, caisse qui s’était transformée en Crédit local de France. Vous vous souvenez sans doute qu’à l’époque Pierre Richard, fondateur et ancien président de Dexia, déclarait que « sans en avoir conscience, le secteur local a basculé dans un nouveau monde ». Il ajoutait qu’il fallait que les collectivités aient « un vrai banquier et non plus un distributeur de prêts administrés ».
Je me souviens également que Michel Rocard, Premier ministre, voulait créer ce qu’il appelait « un financier de la décentralisation, capable de mobiliser l’épargne, de perfectionner la gestion, de réduire la dette, de maîtriser les investissements ». Malheureusement, les péripéties du Crédit local de France, devenu Dexia, nous amènent ce soir à autoriser l’État à délivrer sa garantie.
On est sorti des taux administrés, on a dérégulé. Le Crédit local de France est devenu une société anonyme, qui a vu une partie de ses titres introduits en bourse en 1991. La privatisation est intervenue en 1993. Les dirigeants ont voulu faire de cet établissement une banque mondiale des collectivités territoriales. Ils ont pris une participation aux États-Unis dans une société de rehaussement de crédit en faveur, précisément, des collectivités territoriales. Malheureusement, la crise des subprimes est intervenue et le groupe a perdu, après avoir fusionné avec le Crédit communal de Belgique, des fonds considérables, de l’ordre de 5 milliards d’euros.
Ce n’est pas la première fois que le Parlement est appelé à autoriser le Gouvernement à donner sa garantie à Dexia. Nous l’avions déjà fait en 2008. Je constate que les efforts accomplis par les nouveaux dirigeants de Dexia ont porté leurs fruits, mais malheureusement la crise des dettes souveraines sonne le glas de ce groupe. À cet égard, monsieur le ministre, je souhaite, comme l’a exprimé voilà quelques instants Mme la rapporteure générale, que vous nous confirmiez qu’il n’est pas question de maintenir Dexia Crédit Local en marche opérationnelle. Cette entité doit assurer la liquidation de ses actifs et de ses dettes, mais elle ne doit pas apparaître demain comme un possible concurrent de la nouvelle entité qu’il faudra bien mettre en place pour permettre aux collectivités territoriales d’accéder aux crédits dont elles ont besoin pour financer leurs investissements.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Jean Arthuis. L’été aura été meurtrier pour Dexia. Les événements se sont enchaînés : crise des dettes souveraines, dégradation de la note de la banque par l’agence Moody’s. Le résultat est là et les gouvernements ont pris leurs responsabilités pour éviter une faillite désordonnée, qui se serait nécessairement propagée à d’autres institutions et aurait créé des dommages collatéraux très importants.
Je ne reviendrai pas sur les garanties, car elles ont fait l’objet de discussions denses et exigeantes. La Caisse des dépôts et consignations a répondu à sa vocation puisqu’il y va ici de l’intérêt général. Cependant, la Caisse doit veiller, elle aussi, à la préservation de sa note et à son crédit comme à son autorité. Les négociations ont abouti, l’accord est équilibré, le gouvernement belge, le gouvernement luxembourgeois et notre gouvernement ont assumé leurs responsabilités.
Des questions peuvent subsister. Que se passera-t-il au bout de dix ans si certaines opérations ne sont pas soldées et s’il faut de nouveau émettre des titres qui ne seraient pas garantis par l’État alors même que les créances susceptibles d’être recouvrées présenteraient des risques de pertes significatives ?
Globalement, il me semble que nous pouvons donner notre accord aux garanties que ce projet de loi de finances rectificative contient et sur lesquelles nous allons délibérer ce soir.
Il me paraît très important que le financement des collectivités territoriales puisse être organisé. Je salue donc l’initiative du Premier ministre, qui a décidé de débloquer 3 milliards d’euros sur les fonds d’épargne. Les appels d’offres seront lancés dans les tout prochains jours et nous pouvons d’ores et déjà imaginer que le taux que prendront en charge les emprunteurs tournera autour de 4 %. Espérons simplement qu’il ne s’agira pas d’une situation de rente pour les établissements qui seront agréés à consentir des prêts dont le financement sera assuré par les fonds d’épargne !
Il s’agit d’une mesure d’urgence. Aussi, il est absolument indispensable de mettre en place un établissement capable d’assurer le financement des collectivités territoriales. Aujourd’hui, dans la France entière, des maires, des présidents d’établissement public de coopération intercommunale, des présidents de conseil général, des présidents de région sont en difficulté parce que les banques sollicitées ne sont pas en mesure de répondre positivement à leurs besoins en matière d’investissements. Ces dernières ont du mal à emprunter à long terme alors que les prêts à consentir sont des prêts sur dix, quinze ou vingt ans. Une telle transformation ne peut s’accomplir.
Le secteur bancaire est soumis aux nouvelles normes prudentielles de Bâle III. Or, précisément, prêter sur de longues durées est coûteux en termes de fonds propres. Au surplus, la rémunération et les commissions sont relativement modestes. Dans ces conditions, il deviendra difficile de financer les investissements des collectivités territoriales.
Je salue donc l’initiative qui consiste à inviter la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, partenaire de grande proximité de la Caisse des dépôts et consignations et qui collecte elle-même les produits du livret A, à mettre en place l’institution qui, demain, prendra en charge ces financements. Il y a là, monsieur le ministre, une urgence particulière, car chacun s’accordera à reconnaître que le financement des investissements publics n’est pas tout à fait le même que celui des investissements des entreprises par le secteur concurrentiel.
Ce n’est pas, à proprement parler, un retour à la case départ puisque l’établissement qui va être créé devrait s’apparenter davantage au Crédit local de France dans sa première version qu’à la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales. Il faudra peut-être imaginer qu’une partie des fonds d’épargne soit mise à la disposition des collectivités territoriales, car il s’agit bien ici d’investissements concourant à l’intérêt public.
Cet exercice nous contraint à perdre nos illusions sur les bienfaits de la dérégulation alors en vogue dans les années quatre-vingt, auprès des gouvernements de gauche comme de droite. Aujourd'hui, la crise nous place devant une épreuve implacable : nous devons non pas faire preuve d’idéologie, mais au contraire être pragmatiques et reconnaître que, si la Caisse des dépôts et consignations doit garantir la protection de l’épargne de nos concitoyens, elle doit aussi assurer le financement des travaux d’intérêt général. C’est bien ce qui nous préoccupe aujourd'hui.
Par conséquent, je souhaite que les services du MINEFI fassent diligence pour que, dans les meilleurs délais, une telle institution puisse être mise en place. Dans ces conditions, peut-être la société de crédit foncier DexMA restera-t-elle le véhicule de financement des collectivités territoriales.
Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera ce projet de loi de finances rectificative pour 2011. Il soutiendra également l'amendement de la commission des finances qui tend à introduire dans le dispositif des considérations que l’on peut qualifier d’éthiques et qui ont déjà fait l’objet d’initiatives de notre part dans un passé récent. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Parlement est appelé à légiférer dans l’urgence. Déjà, voilà quelques semaines, il s’agissait de répondre aux inquiétudes liées aux marchés : ainsi, le 7 septembre dernier, avons-nous adopté un projet de loi de finances rectificative pour 2011 en ce sens. Aujourd'hui, il s’agit d’aider une banque en grande difficulté. Sans doute demain le Gouvernement nous demandera-t-il de donner notre accord au renforcement du Fonds européen de solidarité financière, si les délibérations en cours et à venir se passent bien.
Nous sommes face à une situation inquiétante. Cette brusque accélération de l’histoire financière de notre pays nous conduit à penser que la taxation des transactions financières aurait sans doute permis de générer des ressources qui auraient évité que nous n’ayons à chaque instant à solliciter les contribuables ; mais cela est une autre histoire.
Ce soir, il nous faut prendre en considération la situation très critique du groupe Dexia. Les spécificités de cet établissement, héritées du passé, l’ont rendu particulièrement vulnérable à la volatilité des marchés financiers.
En effet, malgré les efforts entrepris depuis 2008 dans le cadre du plan de restructuration – à cet égard, je tiens à rendre hommage aux équipes actuelles de Dexia mais aussi aux milliers de salariés de ce groupe qui, au cours des dernières années, n’ont pas démérité mais ont au contraire tout fait pour redresser cette société –, le groupe Dexia a continué de pâtir d'un bilan fortement déséquilibré.
Dans ce contexte, aggravé par l'annonce, au début du mois d'octobre, de la mise sous surveillance de la notation du groupe par l'agence Moody’s, une intervention des États était devenue nécessaire. Le Gouvernement a donc décidé de mettre en œuvre, en coordination avec les gouvernements belge et luxembourgeois, des mesures de garantie devant permettre de restaurer la confiance des investisseurs dans le groupe Dexia et de donner l'assurance aux clients et aux créanciers du groupe que celui-ci serait en mesure de continuer à honorer ses engagements.
Il s'agit donc, par ce texte, de restructurer de façon ordonnée la banque Dexia. Si l'on fait masse des opérations proposées au Parlement, 90 milliards d'euros seront affectés à une structure de reprise d'actifs logée au sein de Dexia et en Belgique. Tous ces actifs ne sont pas mauvais, mais tous ne sont pas bons. Dès lors que les États garantissent ce refinancement jusqu'en 2021, il faudra faire les additions dans dix ans et, comme il est hautement probable que tous les actifs n'auront pas atteint leur maturité, des pertes devront être constatées. Ce sont les actionnaires qui devraient les supporter, à raison de leur participation au capital de Dexia, soit, pour la France, entre la Caisse nationale de prévoyance, la Caisse des dépôts et consignations et l’État, environ 25 %.
Il faut ici plus particulièrement attirer l'attention, monsieur le ministre, sur les 3,35 milliards d'euros de risques non chiffrables qui ne sont pas garantis par l'État dans le cadre de cette garantie supplémentaire et qui le sont par conséquent dans le cadre de la première garantie, c'est-à-dire jusqu'en 2021. À cette date, la Caisse des dépôts et consignations ne bénéficiera plus de la garantie de refinancement des États et n'aura plus pour seul interlocuteur, en cas de difficultés, que Dexia ou ce qu'il en restera.
Ce risque de 3,35 milliards d'euros pourrait peser, à l'échéance de dix ans, sur la Caisse des dépôts et consignations. Il faut donc que le Gouvernement se préoccupe davantage de ces 3,35 milliards d'euros qui risquent d’échoir à la Caisse des dépôts et consignations sans garantie d'État et alors même que Dexia ne sera peut-être plus un interlocuteur solvable. C'est là, je crois, un sujet majeur de préoccupation que met en lumière ce projet de loi de finances rectificative pour 2011 et je ne suis pas sûr que toutes les assurances aient été données à nos collègues députés lundi soir en la matière. Monsieur le ministre, sur ce sujet, vos précisions seront les bienvenues.
Face à ce constat, quelle réponse l’État peut-il apporter à la question posée aujourd'hui par la situation de Dexia ?
Premièrement, il est aujourd'hui nécessaire d'éviter un défaut qui aggraverait la crise et entraînerait un risque systémique. Dexia étant inscrite parmi les banques soumises à une telle conjecture, il n'est pas possible, quelles que soient l'incompréhension et même l’exaspération de nos concitoyens devant l'action, voire l'inaction, des dernières années, de laisser Dexia faire défaut, car, nous le savons, les conséquences seraient pires que celles auxquelles nous sommes exposés en décidant de garantir ce que Dexia a souscrit.
On ne peut que partager la volonté de recréer un établissement de financement des collectivités locales. Il est en effet urgent – d'autres l'ont fait remarquer avant moi – que les collectivités puissent compter sur une nouvelle banque publique, après le désengagement de nombreux établissements. Il convient d'ailleurs de souligner que, en 2010, la part des collectivités locales dans les investissements publics a régressé en France, passant de 75 % à seulement 63 %. Nous sommes donc conduits à constater que, à force de réformer les moyens des collectivités locales, leur capacité d'investissement a substantiellement baissé.
Deuxièmement, s'il importe d'éviter le défaut, il convient dans le même temps de condamner le modèle économique sur lequel Dexia a pu prospérer pendant plusieurs années.
Le modèle économique qui a longtemps prévalu et selon lequel il n'y aurait jamais de crise de liquidités ne peut plus être accepté tel quel. Les États ont dû secourir Dexia une première fois en 2008. Avec cette crise de liquidités, ils sont amenés une nouvelle fois à venir au secours de cette banque.
Troisièmement, il nous faut reconnaître que l'exaspération ou l'incompréhension de nos concitoyens sont légitimes. Ceux qui sont responsables de la situation et de la dérive ne sont pas appelés à rendre des comptes. Ceux qui n'y sont pour rien, en revanche, devront contribuer par leurs impôts à apurer les dettes laissées par les premiers. Convenons, mes chers collègues, que, dans ces conditions, on peut comprendre la réaction de nos concitoyens. Car les responsables de la déconfiture de Dexia sont connus ; certains se sont retirés des affaires fortune faite. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV opinent.) Cette fortune a été en partie consacrée en 2008 quand, en violation des engagements pris par le gouvernement français, Mme Lagarde a par exemple accepté que le principal dirigeant de cette banque bénéficie pendant vingt ans d'une retraite chapeau de 600 000 euros par an.
MM. Martial Bourquin et Jacques-Bernard Magner. Scandaleux !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cela représente 13 millions d’euros !
M. François Marc. Dès lors qu'en 2008 les États sont venus au secours de cette banque, il aurait été souhaitable et probablement possible qu’ils conditionnent leurs interventions à la suppression de ces avantages indus. La question de la responsabilité des ex-dirigeants de Dexia comme celle de la régularisation des rémunérations exorbitantes des dirigeants et des traders des banques sont des sujets que, hélas ! le Gouvernement a jusqu'à présent refusé de traiter sur le fond.
La rémunération des dirigeants de banque reste un problème. Ces dernières années, nous avons suggéré à maintes reprises que soient encadrées ces rémunérations, afin qu'elles s'établissent à des niveaux plus raisonnables. Le Gouvernement s'est malheureusement assez largement opposé à nos propositions.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. François Marc. Il n'est plus possible aujourd'hui d'accepter que ces rémunérations perdurent, quand on mesure les efforts demandés au quotidien à nos concitoyens.
En matière de régulation bancaire, certes, de nouvelles règles prudentielles ont été édictées lors du G20 du mois d'avril 2009 mais, concrètement, très peu a été fait en termes tant de contrôle effectif, de paradis fiscaux ou de rémunérations des dirigeants. Il nous semble qu'aujourd'hui la démesure règne ; c'est vrai pour les rémunérations des dirigeants des principales banques françaises.
La vérité, monsieur le ministre, c'est que Dexia a sombré comme les autres banques – sans doute un peu plus – dans les délices de la financiarisation spéculative. Et nous ne pouvons que regretter ici que des choix politiques assumés aient largement laissé le pouvoir aux marchés financiers.
On n'a eu de cesse de nous répéter au cours des dernières années qu'on allait se satisfaire de l'autorégulation et que le code de bonne conduite des banquiers suffirait à rétablir une situation saine dans notre pays.
M. Jean-Jacques Mirassou. C'est un vœu pieux !
M. François Marc. Nous voyons aujourd'hui le résultat du manque de régulation et les conséquences de cette confiance accordée au code de bonne conduite. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Le constat d'échec est patent. Incontestablement, mes chers collègues, s'il faut aujourd'hui apporter un concours au sauvetage de Dexia, nous soutiendrons ces dispositions ainsi que les exigences formulées à travers l'amendement présenté par Mme la rapporteure générale.
En effet, une nouvelle ambition régulatrice est nécessaire : il faut aujourd'hui plus d’encadrement, plus de régulation, plus d’exigence éthique. Faute de quoi, nous aurons encore demain à décider d’actions de soutien. Ce n'est plus tolérable. C'est la raison pour laquelle il nous faut adopter ce texte en y incluant les recommandations de Mme la rapporteure générale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Piras. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cela a été rappelé, nous examinons aujourd’hui le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2011. Celui-ci a pour objet de permettre à la banque franco-belge Dexia de réaliser son démantèlement dans les meilleures conditions.
Dès à présent, je tiens à saluer le Gouvernement pour sa capacité de réaction. La décision du démantèlement de Dexia s’inscrit dans un contexte économique et financier international difficile qui nous oblige à la plus grande réactivité.
La rapidité d’intervention et de réponse du Gouvernement est à souligner. Cela n’a pas été le cas aux États-Unis lors de la faillite de Lehman Brothers et l’on sait la suite qui est advenue.
Le contexte nous oblige aussi à la plus grande transparence. Dès lors, permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de revenir plus précisément sur les raisons de ce démantèlement.
Dexia est fragilisée depuis la crise des subprimes en 2008. À la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers, l’établissement s’était déjà retrouvé asphyxié sur les marchés financiers. Pour sortir de cette situation, les gouvernements belge et français avaient injecté 6 milliards d’euros à son capital et apporté une garantie sur le financement. En échange, Dexia s’était vu imposer une restructuration drastique.
Ainsi, en deux ans seulement, sous la conduite de son patron Pierre Mariani, la banque a diminué de 73 milliards d’euros son bilan et réduit de manière significative ses besoins de financement à court terme. Le redressement de Dexia était alors, pensait-on, sur la bonne voie.
Malgré les efforts considérables faits par la direction, Dexia a été frappée de plein fouet par la crise des dettes souveraines, qui, compte tenu de son modèle économique, très critiquable par ailleurs, l’a placée dans la situation que nous connaissons.
Ce modèle économique, quel est-il ? La banque, qui pouvait emprunter de l’argent à bas coût à court terme, s’endettait pour acheter des obligations à long terme qui lui rapportaient beaucoup plus : il s’agissait d’obligations grecques, portugaises et même islandaises.
Pour garder ces obligations au bilan, il fallait que Dexia renouvelle ses ressources financières fréquemment, et ce dans un contexte de crise des dettes souveraines, dans lequel les banques sont réticentes à se prêter de l’argent entre elles.
Ainsi, le problème de cet établissement financier est un problème de liquidité, ce modèle économique n’étant plus viable dans la situation actuelle.
Aujourd’hui, l’objet de ce projet de loi de finances rectificative est double : apporter une garantie à Dexia et envoyer un message fort aux marchés financiers, de sorte que ces derniers lui refassent confiance et qu’elle puisse se refinancer normalement.
La première garantie concerne donc le refinancement de Dexia, qui pourra emprunter sur les marchés avec la garantie des trois États.
Pour Paris, cette garantie porte sur un montant maximum de 32,85 milliards d’euros et une durée maximale de 10 ans.
Elle ne sera activée que si Dexia fait défaut sur les emprunts qu’elle aura contractés sur les marchés. Je sais que cette durée inquiète un certain nombre de personnes, mais, à ma connaissance, et M. le ministre le confirmera sans doute, il est difficile, au regard des règles imposées par la Commission européenne, de prévoir une durée supérieure. De mon point de vue, cela ne serait pas possible.
La seconde garantie porte sur les 10 milliards d’euros de crédits de Dexia qui vont, en France, tomber dans le giron de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC.
Cette somme se décompose ainsi : 8 milliards d’euros de crédits aux collectivités territoriales, 1,5 milliard d’euros aux hôpitaux et 500 millions d’euros aux bailleurs sociaux.
Or certains de ces prêts sont toxiques et, pour protéger la CDC, Paris a décidé de mettre en place cette garantie ; celle-ci n’entrera en jeu que si les pertes dépassent 500 millions d’euros et elle sera plafonnée à 6,65 milliards d’euros.
En tant que représentants des collectivités territoriales, nous savons l’importance que tenait Dexia dans le financement de ces dernières.
Le groupe UMP se félicite, par conséquent, de ce que, sur l’initiative du Gouvernement, les besoins de financement à court terme des collectivités soient satisfaits, jusqu’à la fin de l’année, grâce à une enveloppe de 3 milliards d’euros de prêts que prélèvera la CDC sur les fonds d’épargne.
Au-delà devrait être mis en place un pôle de financement public des territoires. Il sera organisé autour de la Banque postale, à hauteur de 65 %, et de la Caisse des dépôts et consignations, à hauteur de 35 %.
Il y va, par conséquent, de la responsabilité de notre Haute Assemblée d’adopter ce collectif budgétaire.
Nous avons une responsabilité à l’égard de la zone euro, car il importe de ne pas aggraver la crise dans laquelle elle est plongée, ce plan s’inscrivant dans un objectif de préservation de la stabilité des systèmes bancaires et des marchés financiers.
Nous avons également une responsabilité à l’égard des collectivités territoriales que nous représentons, étant donné la place importante de Dexia dans leur financement. Ce plan garantit – j’insiste sur ce point – aux déposants, aux créanciers et aux collectivités locales la sécurité qu’ils sont en droit d’attendre et redonne à cette banque de meilleures conditions d’accès aux liquidités, ce dont elle a besoin.
Ainsi, vous l’aurez compris, les enjeux sont tels que voter contre ce collectif budgétaire serait une posture politicienne, un signal très néfaste envoyé aux marchés. Le rejet de ce texte serait la preuve d’une irresponsabilité dangereuse en pleine crise des dettes souveraines.
La validation de ce plan par une loi de finances rectificative est en fait une condition essentielle pour restaurer la confiance et pour soutenir la croissance.
Enfin, rappelons également que tout cela aura un coût pour Dexia, puisque ces garanties seront rémunérées. L’État peut ainsi espérer réaliser un gain de 164 millions d’euros.
En conclusion, je tiens à souligner de nouveau l’engagement déterminé du Gouvernement en faveur des collectivités locales et de l’avenir de leur financement.
Monsieur le ministre, je vous sais gré d’offrir à nos collectivités locales un nouvel acteur public solide fournissant des produits de crédit simples et transparents, ce qui est important en cette période de restriction des conditions d’accès au crédit pour nos collectivités, puisque, comme l’a rappelé Jean Arthuis voilà quelques instants, les critères de Bâle III vont désormais fonctionner à plein.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera le présent projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les collectivités d’outre-mer, elles aussi, sont très concernées et fort préoccupées par la situation de Dexia, non seulement parce que cette banque est l’un des très rares établissements à leur consentir des prêts – l’encours s’élevait à 1 489 millions d’euros au 30 septembre 2011 –, mais aussi parce que les prêts structurés représentent 46 % du total des prêts, soit 680 millions d’euros. Dans la zone Antilles-Guyane, ils représentent la moitié du stock de dette de 487 millions d’euros. Dans nos territoires de l’océan Indien, ils représentent 39 % du stock de dette de 657 millions d’euros. Enfin, dans les collectivités de la zone Pacifique, ils représentent 51 % du stock de dette de 349 millions d’euros.
Il n’existerait pas de prêts toxiques dans les outre-mer, selon la direction générale de Dexia, pour qui toutes les collectivités ayant ce type de prêts sont particulièrement suivies et ont reçu des propositions de réaménagement de dette.
À titre d’illustration, en Polynésie française, la part des produits indexés sur des parités de change est passée en quatre ans de 43 % de l’encours à 22 % en 2011. La part des produits « vanille » taux fixe Euribor est passée, à l’inverse, de 5 % à 42 %.
Cependant, confrontées à la frilosité des banques, qui va s’aggraver avec les exigences de Bâle III, les collectivités d’outre-mer sont dans l’attente d’une solution pérenne aux problèmes de financement de leurs investissements.
Je tiens à rappeler que les collectivités ultramarines, en l’absence d’un réel développement économique endogène, sont les premiers moteurs de l’économie locale. Leur part dans l’investissement public est supérieure à 75 %. Il n’est quasiment pas de secteur, en dehors des dépenses militaires, dans lequel elles n’investissent pas directement ou par le biais de cofinancements.
En cette période de gel des finances des collectivités locales, le recours à l’emprunt s’avère nécessaire afin de maintenir un niveau d’activité suffisant pour ne pas aggraver le chômage déjà exponentiel, avec un taux moyen de 20 % pour l’ensemble de la population, mais supérieur à 50 % chez les jeunes et les femmes. Leurs principaux bailleurs étant la Caisse des dépôts et consignations, l’Agence française de développement, qui sont deux organismes publics, et uniquement Dexia pour les banques commerciales, elles ne peuvent qu’être attentives au plan de sauvetage proposé par le Gouvernement pour cet établissement.
Ce plan apporte-t-il une réelle solution de remplacement aux financements habituels des investissements des collectivités territoriales par Dexia ? Il affiche en tout cas cet objectif car, selon le Gouvernement, il ne devrait pas uniquement stabiliser l’avenir de la banque. En effet, il devrait également permettre de financer les collectivités territoriales par la localisation de l’ensemble des activités de financement desdites collectivités au sein d’une structure adaptée, dont les actionnaires seraient la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale.
Ce pôle de financement devrait aussi permettre de faire face à la fois aux engagements financiers liés aux prêts consentis aux collectivités territoriales françaises et européennes et à leurs besoins de financement à court et moyen termes grâce à une augmentation de la garantie de l’État à hauteur de 3 milliards d’euros. Il est bien précisé qu’il s’agira non pas d’avances ou de dotations, mais bien d’un volume de prêts consentis afin que les collectivités puissent procéder à leurs investissements.
Le projet prévoit donc la création d’une nouvelle banque consacrée aux collectivités, qui serait codétenue à 65 % par la Banque postale et à 35 % par la Caisse des dépôts et consignations, le déblocage de 3 milliards d’euros de prêts devant être réalisé sur fonds d’épargne d’ici à 2011.
S’il est en effet urgent que les collectivités puissent compter sur un nouvel établissement public de prêt dans ce contexte de désengagement des banques, le plan proposé fait l’objet d’un certain nombre de critiques.
Ainsi, des économistes mettent en cause sa crédibilité, qu’ils situent proche de zéro, car le repreneur, quel qu’il soit, devra se montrer prudent dans un monde incertain et marqué par de grosses pertes sur la liquidation du portefeuille d’actifs malades de Dexia.
Il est ici fait référence aux 3,35 milliards d’euros susceptibles de ne pas être honorés car la contre-garantie de l’État sur les prêts structurés – 10 milliards d’euros – ne porte que sur 70 %, avec une franchise de 500 millions d’euros, l’exposition maximale étant de 6,65 milliards d’euros. De surcroît, la garantie ne courant que sur dix ans, nombre d’experts se demandent qui paiera alors en cas de défaut de paiement postérieur, si les actifs – les fameux 10 milliards d’euros contre-garantis à 70 % par l’État – n’ont pas été cédés.
La Caisse des dépôts et consignations, « pompier financier » de l’État, doit-elle supporter de tels risques supplémentaires ?
Des interrogations portent aussi sur l’utilisation effective des 3 milliards d’euros au profit des collectivités : 1,5 milliard d’euros financés directement par la Caisse des dépôts et consignations sur le court terme, somme à laquelle s’ajoutera 1,5 milliard d’euros octroyés aux banques afin qu’elles puissent leur consentir des prêts.
Monsieur le ministre, des dispositions sont-elles prises pour assurer le fléchage de ces crédits ? Ces derniers doivent véritablement aller aux collectivités et non servir à renflouer le bilan des banques, ce afin d’éviter les errements d’un récent passé.
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez n’enterre-t-il pas le projet de l’Association d’études pour l’agence de financement des collectivités locales, créée sur l’initiative des grandes associations d’élus et présidée par Jacques Pélissard ? La vocation de cette structure était justement de contribuer à sécuriser durablement l’accès à la ressource financière pour sa clientèle, limitée aux seules collectivités françaises.
Enfin, a-t-on pris la mesure de Bâle III et de ses éventuelles conséquences graves sur les collectivités locales ? La combinaison des ratios de solvabilité et de liquidité qui serait imposée aux banques va moins les inciter, évidemment, à financer nos territoires. Elle pourrait conduire également à ce que la banque centrale ne puisse plus accepter, dans ses opérations de refinancement, des créances dont le montant serait inférieur à 500 000 d’euros. À cet égard, je tiens à souligner que la plus grande partie des prêts consentis aux collectivités d’outre-mer sont inférieurs à ce montant.
Aussi, monsieur le ministre, y aura-t-il un fléchage de crédits pour les outre-mer – qui sont trop souvent oubliés – dans l’enveloppe de 3 milliards d’euros à utilisation immédiate ? Vous voudrez bien m’excuser d’insister sur cette préoccupation ultramarine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le Gouvernement nous sollicite en urgence pour éviter in extremis la faillite de Dexia, une grande banque emblématique pour les collectivités territoriales.
Ce texte comporte deux volets : une garantie de refinancement immédiate de 32,85 milliards d’euros et une contre-garantie de 6,65 milliards d’euros à la Caisse des dépôts et consignations pour les actifs toxiques de cette banque.
Le plan de sauvetage a suscité un long débat à l’Assemblée nationale et, ici même, en commission des finances.
Sur le premier volet, qui concerne la garantie de 32,85 milliards d’euros, je reste sur ma faim et je souhaiterais poser deux questions à M. le ministre.
La première est multiple : comment, entre 2002 et 2008, Dexia a-t-elle pu adopter un modèle économique aussi risqué et aberrant, en finançant 600 milliards d’euros d’actifs de long terme par des dettes de court terme ? Pourquoi la Commission bancaire n’est-elle pas intervenue ? Pourquoi l’État, qui était forcément informé, n’a-t-il pas agi ?
Auditionné par la commission des finances, M. Mariani a expliqué que la stratégie de Dexia avait été totalement transparente.
Ma seconde interrogation, monsieur le ministre, porte sur le problème de ce que l’on appelle le « Dexia résiduel ». On nous dit qu’il y a des actifs de bonne qualité et d’autres de moins bonne qualité : avez-vous une idée de la part respective des premiers et des seconds ? Il s’agit, bien sûr, d’une donnée déterminante pour mesurer le risque qui est sur le point d’être pris aujourd’hui au niveau des finances de l’État.
Au demeurant, je voudrais surtout intervenir sur le deuxième volet du projet de loi de finances rectificative, à savoir la garantie demandée au regard des prêts toxiques, à hauteur de 6,65 milliards d’euros.
Je tiens à le rappeler, depuis plus de deux ans maintenant, avec d’autres élus des collectivités concernées, de toutes tendances politiques, j’interpelle le Gouvernement sur ce stock d’emprunts toxiques contractés entre 2002 et 2008 pour lui expliquer combien il constitue un problème national et une véritable bombe à retardement.
Certes, il y a eu l’intervention de la mission Gissler, mais celle-ci n’a pas traité le stock passé ; elle a simplement contribué à éviter de voir se poursuivre de telles pratiques funestes.
Nous n’avons pas eu, il faut le dire, beaucoup de réponses, et il semble que le problème ait été gravement sous-estimé. Il nous revient aujourd’hui brutalement, indirectement, au travers de la part des emprunts toxiques, qui est la seule due à la responsabilité de Dexia.
Monsieur le ministre, selon vos évaluations, le montant de ces emprunts toxiques s’élève à 10 milliards d’euros, mais il faut y ajouter, pour les collectivités concernées, les emprunts relevant d’autres banques. Sans doute le problème qui est aujourd’hui devant nous se chiffre-t-il, au total, entre 12 et 15 milliards d’euros.
Nous avons donc perdu beaucoup de temps et la solution esquissée dans ce projet de loi de finances rectificative me paraît partielle et précipitée. En définitive, elle consiste à reporter, pour 6,65 milliards d’euros dans un premier temps – sur le dos du contribuable, disons-le –, mais vraisemblablement pour 9,5 milliards d’euros in fine, les risques pris par le passé. Je le disais, c’est une solution partielle, puisque les autres banques ne sont pas concernées.
De nombreuses collectivités territoriales restent donc dans l’incertitude, et il importe que le Gouvernement puisse la lever rapidement. Il lui appartient, en particulier, de clarifier le modus operandi. Comment, concrètement, les collectivités confrontées à ce nouveau schéma feront-elles ? Et quid de celles qui ont souscrit des emprunts toxiques auprès d’autres banques ? Faudra-t-il un autre texte ? Voilà autant de questions qui restent en suspens.
Malgré tout, la discussion du texte en commission nous a permis d’obtenir, toujours de la part de M. Mariani, des précisions intéressantes que nous ignorions jusqu’à présent. Ainsi avons-nous appris que 347 collectivités sont concernées par les emprunts les plus toxiques, hors charte Gissler, et que les hôpitaux y sont exposés à hauteur de 1,5 milliard d’euros.
Sur les questions qui restent aujourd’hui devant nous, je sens bien monter, ici et là, ce que j’appelle une « approche morale » du problème des collectivités territoriales. Voici ce que nous avons entendu dans la bouche de plusieurs élus : ce sont les collectivités et les maires qui sont responsables ; en conséquence, il est normal qu’ils se débrouillent tout seuls, sans que l’on ait à s’en occuper spécialement.
Je tiens à contester fortement cette approche des choses, non pas parce que je suis concerné, puisque chacun sait que ce sont mes prédécesseurs à Saint-Étienne qui, malheureusement, se sont trouvés en première ligne, mais parce que je la trouve à la fois injuste et inefficace.
Elle est injuste dans la mesure où la quasi-totalité des maires ont agi en situation de confiance. Il y a eu des exceptions, bien sûr, mais, en général, ces élus ont fait confiance à des banquiers qu’ils rencontraient régulièrement, en particulier à Dexia. Ils ont péché par naïveté humaine, ce qui, de mon point de vue, n’est rien en comparaison des responsabilités prises par les organismes financiers et les banques.
En effet, ces derniers ne pouvaient pas ignorer le caractère spéculatif des produits qu’ils diffusaient dans l’économie, pas plus que les termes de la circulaire de 1992, qui interdisait, sur le principe, toute opération spéculative aux collectivités territoriales. Leur devoir de conseil était donc de refuser de proposer de tels produits.
C'est la raison pour laquelle on ne peut mettre sur un même plan les responsabilités des uns et des autres.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je terminerai en disant simplement que la stigmatisation des collectivités ne mène à rien, car elle est inefficace et ne permet pas de trouver des solutions. L’urgence, aujourd’hui, est d’éclaircir l’environnement économique de ces collectivités pour qu’elles puissent rapidement retrouver un rythme d’investissement normal. C’est la seule solution efficace et c’est aussi le préalable indispensable pour relancer la croissance économique dont nous avons tous besoin. Je proposerai donc, avec d’autres, un amendement visant à compléter le dispositif avant d’adopter, éventuellement, ce projet de loi de finances rectificative pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, entre cures d’austérité à l’intention de nos concitoyens et signes de docilité à destination des marchés, les collectifs budgétaires se succèdent et sont même particulièrement nombreux cette année. Manifestement, ce qui guide aujourd’hui la politique du Gouvernement, c’est le souci de gagner la confiance d’investisseurs, chaque jour plus volages, quitte à trahir celle des Françaises et des Français.
De ce point de vue, il n’est pas inutile de reprendre rapidement l’historique du naufrage qui nous réunit ce soir.
À l’origine, le financement des collectivités locales en France était tout simplement – et plutôt bien, d’ailleurs – assuré par une direction de la Caisse des dépôts et consignations. Puis, au cours des années quatre-vingt, cette direction a été progressivement privatisée. Au gré des fusions et des acquisitions, cela a donné Dexia, une banque emblématique d’un modèle économique fondé sur le profit aveugle.
Pendant des années, les dirigeants de Dexia se sont adonnés à une spéculation sans mesure, finançant leurs placements de long terme par des dettes à court terme, ce qui leur octroyait effectivement des taux de rentabilité vertigineux, s’élevant parfois jusqu’à 15 %, 18%, voire 20% ! Ainsi exposée à un risque maximal, Dexia a naturellement subi de plein fouet la crise des subprimes, autre avatar de ce système.
Face au risque systémique, cela a été dit, ce sont alors 6 milliards d’euros de fonds publics, pour moitié français, qui ont été appelés au secours en 2008. Pendant ce temps, les deux dirigeants se retiraient, plus ou moins discrètement d’ailleurs, pour l’un, avec 600 000 euros par an de retraite chapeau, et, pour l’autre, probablement pris de remords, avec seulement 800 000 euros de parachute doré.
Depuis, on nous dit que la gestion est irréprochable et que si, contrairement aux rassurantes promesses de 2008, Dexia est encore acculée trois ans après, ce n’est dû qu’à une inexplicable crise des dettes souveraines ; comme si ce n’était pas une réplique de la précédente…
Devant un tel scénario, on ne peut, comme vous le faites, monsieur le ministre, se contenter d’invoquer la nécessité de prévenir le risque systémique. Nos concitoyens comprennent en effet très bien que, une fois de plus, alors qu’on leur demande sans cesse plus d’efforts, c’est encore de l’argent public qui éponge les gabegies du privé.
Il est plus qu’urgent de briser ce modèle mortifère. Pourtant, au lieu de passer enfin à l’offensive politique qu’attendent les Français, le Gouvernement préfère se contenter d’accompagner indolemment l’évolution de l’époque. (M. Roger Karoutchi fait la moue.)
En matière de régulation, par exemple, ce n’est qu’à reculons que vous avez repris cette vieille revendication de bon sens que constitue la taxe sur les transactions financières.
De même, que n’avez-vous suivi l’Allemagne pour vous attaquer aux fameux CDS – credit default swaps –, ces assurances couvrant des risques qu’on ne prend pas et qui permettent de spéculer à la baisse ? Qu’avez-vous fait, depuis 2008, pour vous attaquer au trading haute fréquence, qui permet à des ordinateurs de jouer fructueusement sur des différences de taux infimes grâce à des millions d’opérations à la seconde ?
Et que dire de votre mansuétude, voire de votre compréhension – je n’irai pas au-delà –,…
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Jean-Vincent Placé. … à l’égard des responsables ?
M. Roger Karoutchi. Ah !
M. Jean-Vincent Placé. J’avais pourtant cru comprendre que la responsabilité était une des valeurs clefs de la société idéale de M. Sarkozy. Les rémunérations de ces dirigeants, déjà indécentes dans l’absolu, deviennent vraiment inconcevables au regard des dégâts qu’ont causés leur avidité et leur impéritie. (M. Roger Karoutchi sourit.)
Alors, même si Dexia était en 2008 une banque de droit belge,…
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Jean-Vincent Placé. … je pense tout de même que la France, en apportant la moitié des 6 milliards d’euros de recapitalisation, avait quelques marges de manœuvre pour demander l’abandon de toutes ces indemnités.
Il faut bien le comprendre, la situation n’est pas anecdotique : ce n’est rien de moins que la confiance des Français et le contrat social qui sont en jeu ici. (M. Roger Karoutchi est dubitatif.) Si on veut demander aux Français de consentir des efforts, il faut être en pointe sur tous les combats : la régulation, la moralisation, la responsabilisation. Mais on ne vous trouve, comme d’habitude, qu’à l’arrière-garde, proposant des « codes de bonne conduite » anachroniques et inefficaces.
Quant à votre plan de sauvetage, il n’est pas sans poser un certain nombre de questions. Voilà la Caisse des dépôts et consignations appelée au secours d’une de ses anciennes directions qu’on a privatisée. Rappelez-vous qu’il s’en est fallu de peu pour qu’Édouard Balladur ne privatise aussi la Caisse elle-même : quelle ironie !
N’oublions pas que la mission première de la Caisse des dépôts et consignations est non pas de récupérer des actifs toxiques, mais plutôt de gérer l’épargne des Français et de financer des politiques d’intérêt général des collectivités territoriales, en particulier le logement social.
Dès lors, on peut se demander à juste titre pourquoi le portefeuille risqué qui lui échoit n’est garanti que dix ans. Que la Commission européenne ait des réserves sur les aides apportées à une banque multinationale comme Dexia, cela se conçoit, qu’elle se préoccupe des garanties apportées par l’État français à sa Caisse des dépôts et consignations semblerait beaucoup plus étonnant.
Par ailleurs, dans l’inventaire des raisons du naufrage, on ne peut faire l’impasse sur la défaillance des autorités de contrôle. Certes, l’autorité compétente d’avant-2008 était belge, mais cela n’empêche pas de se demander si l’Autorité de contrôle prudentiel française a aujourd’hui les moyens de remplir sa mission, alors que nombre de financiers avouent être eux-mêmes dépassés par les produits qu’ils ont créés.
Dans le même esprit, les éléments avancés par le Gouvernement pour anticiper les futures crises bancaires ne me semblent pas bien solides. Mme Lagarde, en traversant l’Atlantique pour passer de Bercy au FMI, a ainsi changé d’avis sur la recapitalisation des banques. Quant aux fameux tests de résistance censés pourvoir à toute éventualité, ils ont été brillamment réussis par Dexia, qui a en fait sombré par manque de liquidité et non par défaut de fonds propres.
Enfin, se pose inévitablement la question du rôle dévolu à la Banque postale. Le Gouvernement ayant choisi de la privatiser, sans surprise, celle-ci ne se cache pas d’avoir désormais des objectifs de rentabilité. Adossée à la Caisse des dépôts et consignations, qui gère le livret A des Français, c’est donc elle qui va désormais financer les collectivités locales.
Quand on sait qu’en 2008 le Gouvernement avait investi dans la recapitalisation de Dexia 440 millions d’euros issus du livret A, lesquels sont aujourd’hui valorisés à 30 millions d’euros, il y a évidemment de quoi être quelque peu échaudé.
Troquer la confiance des Français contre celle des marchés est une stratégie sans avenir. Il n’est pas plus utile de s’abriter derrière une règle d’or, surtout, d’ailleurs, quand elle n’est que de papier. Car, soit dit en passant, si d’aventure la garantie de 40 milliards d’euros – 2 points de PIB – devait être exercée rapidement, je serais curieux de voir ce qu’il en serait de ce fameux déficit qu’on essaie de contenir.
Aussi, monsieur le ministre, il est de votre responsabilité, pour la France, que la politique reprenne enfin le pouvoir dans ce pays (M. Roger Karoutchi sourit.)…
M. Philippe Dallier. On n’attendait plus que vous !
M. Jean-Vincent Placé. … et qu’elle ose se donner les moyens d’installer l’intérêt général contre les intérêts privés que vous soutenez excessivement. (MM. André Gattolin et Joël Labbé ainsi que Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent.) Anticiper un risque systémique est une nécessité, mais reprendre le pas sur la finance en est une autre : il n’est plus temps de subir, il faut agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
MM. André Gattolin et Joël Labbé. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, une fois encore, je vous remercie de votre compréhension pour mon arrivée tardive. Retenu à Francfort par un ordre du jour chargé, je n’ai pu assister au début de vos travaux. Je vous renouvelle donc mes excuses et celles du Gouvernement.
Au demeurant, mon collègue Patrick Ollier m’a tenu informé des interventions des uns et des autres et le travail que nous avons effectué en amont avec les membres de la commission des finances nous a permis de bien anticiper les points sur lesquels vous sollicitiez l’éclairage du Gouvernement.
Je vais donc m’efforcer de vous répondre le plus précisément possible et de vous éclairer pleinement sur la situation de Dexia, qui est un cas particulier au regard du métier exercé et du modèle financier et économique mis en œuvre.
Parce que le Sénat est la chambre des collectivités locales, nous avons envers vous un devoir de vérité.
Madame la rapporteure générale, vous avez posé une question sur le règlement grand-ducal et l’arrêté royal. L’application de ces deux textes, de nature différente, est suspendue à l’adoption de la loi de finances rectificative.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les Français tirent les premiers !
M. François Baroin, ministre. Les Français tirent les premiers, en effet, mais dans un accord partagé et pour aller dans la bonne direction.
Je rappelle que, par ailleurs, un délai interviendra obligatoirement après cette adoption. Il est, en effet, lié à l’autorisation préalable de la Commission européenne. M. Placé lui-même a trouvé légitime que la Commission vérifie si l’État applique ou non les directives. Nous avons donc besoin de ce délai et nous avons bien sûr besoin d’un avis favorable de la Commission pour rendre opérationnel ce dispositif d’accord.
Je vous remercie d’ailleurs, au nom du Gouvernement, d’avoir accepté le calendrier d’urgence qui vous a été proposé. Cela permettra à Dexia de trouver des financements de marché. Ce point est avéré. En effet, si Dexia tombe, ce n’est pas sur un problème de solvabilité ou de fonds propres. Dexia avait, il est vrai, franchi les stress tests avec un niveau de Core Tier One, c’est-à-dire de fonds propres en dur, supérieur à 11 %, soit un niveau supérieur à la moyenne des banques américaines et très largement supérieur à la moyenne des banques qui, elles-mêmes, avaient franchi les stress tests.
Ce qui fait tomber Dexia, ce n’est pas une question de solvabilité, c’est une question de liquidité. Ce modèle économique très particulier selon lequel on finançait les projets à long terme sur du court terme s’est développé de façon très spectaculaire à une période où l’accès à la liquidité était quasiment inaltérable. C’est évidemment ce même modèle qui, au terme d’une inversion du processus, a, au travers de la crise des subprimes et la chute de Lehman Brothers, provoqué un phénomène planétaire. Avec l’instabilité de la zone euro, le ralentissement économique, les doutes sur l’économie américaine et les interrogations mondiales sur le ralentissement de l’activité internationale, ce modèle a malheureusement accéléré cette raréfaction de la liquidité qui n’a pas permis à Dexia de poursuivre son activité.
En effet, nous voulions une réponse globale. En effet, premier axe, nous voulions éviter une rupture de charges sur l’activité des prêts aux collectivités locales qui aurait suspendu la politique d’investissement d’intérêt général. Nous voulions maintenir l’activité de prêt, car elle soutient l’activité économique, garante de la préservation et de la création d’emplois. Nous souhaitions un accord global qui permette à l’État français, dans un schéma familier, sérieux et cohérent, de mettre en place un acteur public puissant – les uns et les autres, à gauche comme à droite, d’ailleurs, ici, comme à l’Assemblée nationale, le souhaitaient ; c’est un acte fort et puissant – pour la partie Caisse des dépôts comme pour la partie d’avenir du joint-venture entre la Caisse des dépôts et la Banque postale.
Le deuxième axe très structurant de cet accord entre les États belge, français et luxembourgeois, c’est la protection des dépôts des particuliers en Belgique, les 8 millions d’euros à travers la DBB ; c’était un point important.
Le troisième axe structurant de cet accord au niveau des trois États, c’est la cession de la BIL par l’État luxembourgeois avec un partenariat qui est adossé et qui va, lui aussi, dans la bonne direction.
Nous apportons donc bien une réponse globale, une réponse durable, une réponse stable, qui évite, au fond, le défaut. Et en ce sens, nous tirons les leçons de ce qui s’est passé avec Lehman Brothers. Je le rappelle, la banque Lehman Brothers a été montrée du doigt. L’administration américaine de l’époque a annoncé qu’on allait faire un exemple pour donner à réfléchir aux autres. Et que s’est-il passé ? L’interconnexion des systèmes étaient telle qu’elle a provoqué une capillarité, une contagion immédiate du dispositif qui a créé une crise internationale, laquelle a entraîné le monde entier dans une récession.
C’est donc bien le défaut et le choix de l’administration de faire un exemple qui a provoqué la crise. Si nous n’avions pas tiré les leçons et si nous avions écouté quelques sirènes, un choix de défaut aurait pu entraîner un risque systémique puissant.
C’est la raison pour laquelle les gouvernements se sont coordonnés très rapidement. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes mis en situation d’offrir une réponse stable sur un pôle public. Certes, d’aucuns objecteront, à juste titre, que c’est un retour en arrière. J’en conviens, mais c’est un retour en arrière sur des positions désormais stabilisées, sur une activité essentielle où, à l’évidence, les effets du ralentissement économique commencent, là aussi, à se lire dans la difficulté d’accès au crédit, y compris pour les collectivités locales.
C’est bien pourquoi la mise en place de ce nouvel acteur devrait permettre de satisfaire les besoins de poursuite des investissements des collectivités locales. Nous en sommes très conscients. Nous sommes très attentifs à ce risque de ralentissement d’accès au crédit pour les particuliers, pour les entreprises, comme pour les collectivités locales. Ce projet de loi de finances rectificative vise à stabiliser cette part de marché.
Madame Bricq, vous avez, me semble-t-il, beaucoup insisté sur les banques françaises. Je dois à la vérité de reconnaître que tel n’est pas l’objet du présent texte, mais je puis comprendre que son examen offre un point d’appui pour une réflexion plus large sur la situation des banques.
Nous maintenons, je le rappelle, le diagnostic et la conclusion sur la situation des établissements bancaires français. Nous avons toujours dit que dans cette instabilité, dans cette turbulence des marchés, dans cette interrogation, dans cette incertitude qui nourrit le ralentissement économique mondial, la question bancaire devait être réglée à l’échelon européen.
Nous y sommes et des propositions sont sur la table, notamment celles de la Commission reprenant l’EBA, l’agence bancaire européenne, qui a fixé des niveaux de fonds propres pour amortir les chocs, y compris souverains.
Nous considérons qu’il n’y aura probablement pas, en fonction du niveau qu’on atteindra, si c’est celui de la Commission – c’est-à-dire à 9 % – une nécessité très importante – peut-être même pas du tout de nécessité – d’utiliser le guichet public qui serait offert dans le cadre d’une coordination européenne par les établissements bancaires français.
Il n’y a pas de recapitalisation publique. Il y aura d’abord le devoir, pour les banques, de travailler sur leurs résultats avec, en effet, la volonté d’éviter des distributions de dividendes ou de bonus.
Je me suis déjà exprimé sur le sujet depuis une quinzaine de jours pour que l’augmentation du ratio de fonds propres se fasse au détriment de la distribution des dividendes et des bonus, et non pas au détriment de la poursuite de l’activité de prêts aux entreprises ou aux particuliers.
Si d’aventure certaines banques avaient des difficultés, elles pourraient trouver des financements auprès des marchés. Nous espérons que les différentes étapes internationales, européennes, puis, mondiales, à travers le G20, donneront des raisons aux investisseurs de continuer à croire dans la zone euro et dans l’activité mondiale, donc, de croire au retour à meilleure fortune.
Dans cet esprit, les établissements bancaires pourraient avoir accès aux marchés. Si d’aventure certains ont des difficultés – cela ne se produira pas en France, je vous le dis, mais peut-être dans d’autres pays, je pense aux établissements qui n’ont pas passé le cut des stress tests du mois de juillet, ils étaient, on le sait, neuf à être insuffisamment solvables, seize à être dans la limite acceptable, aucun n’était français, ils se situaient plutôt en Espagne ou en Allemagne – si d’aventure, donc, cela ne fonctionnait pas, il y aurait la possibilité d’utiliser l’un des articles du Fonds européen de stabilité financière dans le cadre de l’évolution de l’accord du 21 juillet. Ce dernier permet d’avoir un accès à ces dispositifs et à une coordination européenne en la matière. En l’occurrence, tel n’est pas l’objet du présent texte, mais je profite de l’occasion pour vous répondre, madame la rapporteure générale.
Le texte qui vous est soumis porte bien sur Dexia, une banque belge garantie à 60,5 % par l’État belge. J’entends l’argument selon lequel c’était une banque belge dans laquelle l’État français était minoritaire, ce qui, à en croire certains, aurait autorisé le Gouvernement français à intervenir.
À cela, je rétorque que nous sommes dans un État de droit, lequel, par définition, respecte évidemment l’État de droit dans un autre pays ami. Nous jouons notre partition à la hauteur de ce que notre participation permet d’obtenir.
Vous m’avez interrogé sur l’avenir du groupe Dexia. Le groupe Dexia aura une activité qui ira décroissant avec la politique de cession d’actifs. C’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas de bad bank. C’est la raison pour laquelle nous ne parlons pas d’activité de défaisance.
En ce sens, nous tirons, là aussi, les leçons du Crédit Lyonnais. Je n’entre pas dans le débat que chacun ici a en mémoire, à gauche et à droite de cet hémicycle, comme à l’Assemblée nationale. Nous ne créons pas une structure qui vise à ne plus exister. Il y aura, en réalité, une banque résiduelle qui disposera d’actifs. Il serait injuste de faire, par amalgame ou confusion, l’absence de tri dans la réalité de ces actifs, d’inégale valeur, comme chacun le reconnaît. À l’intérieur de ces actifs, certains sont même de très bonne qualité. Je ne doute pas que dans un délai rapide, au moment opportun, quand nous serons revenus à meilleure fortune, il sera possible de faire des cessions avantageuses par rapport à la valorisation de ces actifs.
Et puis, il faudra prendre le temps nécessaire pour permettre la poursuite de l’activité de cette banque. C’est autour de cela que nous travaillons. Car nous nous tenons à distance de tout ce qui, de près ou de loin, se rapproche de ce que, vulgairement ou communément, on appelle une bad bank. De cela, nous ne voulons certainement pas !
Par ailleurs, Dexia Crédit Local n’aura pas d’activité en concurrence directe avec le joint-venture constitué de la Banque postale et de la Caisse des dépôts. C’est bien la moindre des choses ! Il est d’ailleurs prévu que ce joint-venture fasse appel à certains services de Dexia Crédit Local pour l’« origination » des prêts. Leurs activités seront donc liées et certainement pas concurrentielles.
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur les contraintes du droit communautaire. Je rappelle que, au-delà des éléments de doctrine de la Commission et de la jurisprudence dont nous disposons, la Commission est dotée de pouvoirs très étendus pour apprécier la conformité d’une aide d’État au traité, examen qui fait partie de cette analyse. La garantie qui est accordée le sera sous la double limite de l’autorisation parlementaire et de l’autorisation de la Commission.
Je précise que nous avons d’ores et déjà engagé des discussions avec la Commission. Elle est attentive. Son avis conditionnera naturellement l’activation effective de cette garantie.
Je précise également qu’elle n’a que très rarement – peut-être même jamais – octroyé une garantie au-delà de cinq ans. Cela veut dire qu’une échelle de dix ans relève déjà d’une autre nature. Le fait que le législateur français inscrive la perspective de dix ans donne déjà de la profondeur de champ à la structure pour continuer d’avancer et de poursuivre ses activités.
Nous insisterons beaucoup auprès de la Commission sur le caractère d’urgence, singulier dans la période que nous traversons et systémique au regard de la nature particulière de l’activité de Dexia. Il me semble que ce sont des arguments qui plaident en faveur de la défense de ce dossier auprès de la Commission et du commissaire Almunia avec lequel je me suis déjà entretenu à de nombreuses reprises.
J’en viens à l’amendement déposé par M. Bouvard à l’Assemblée nationale, puisque vous avez sollicité l’avis du Gouvernement sur ce point. Ce qui est en jeu, c’est de s’assurer qu’en 2021 la Caisse ne se retrouve pas à supporter des pertes issues d’un défaut éventuel de Dexia.
Bien évidemment, nous aurons l’occasion de revoir la question le moment venu, notamment pour apprécier le montant des encours résiduels et les risques qui y sont associés.
L’engagement que le Gouvernement peut prendre aujourd’hui devant la représentation nationale est qu’en 2021, si nécessaire, il sera demandé au Parlement de se prononcer sur les moyens donnés à Dexia pour honorer l’intégralité de ses engagements.
Ce que je souhaite, c’est que, dans dix ans, la lecture de nos débats permette à ceux qui seront alors au Gouvernement de retrouver l’esprit du législateur. Ils pourront s’appuyer sur cette base pour trouver dans le discours que je prononce, au nom du Gouvernement, ici, ce soir, au Sénat, après m’être exprimé lundi à l’Assemblée nationale, un acte de clause de rendez-vous quasi obligatoire afin de poursuivre et d’accompagner la Caisse dans l’effort produit. C’est ainsi qu’il faut le lire et c’est ainsi qu’il faudra le comprendre !
Monsieur le président Marini, je vous remercie d’avoir bien voulu centrer le débat sur le sujet qui nous occupe, à savoir le sauvetage de Dexia.
L’objectif du Gouvernement est bien, avec les États belge et luxembourgeois, d’éviter un Lehman Brothers à l’européenne.
Vous notez avec raison que nous avons là une nouvelle occasion de refonder nos outils de financement des collectivités locales. Ce point, je le partage pleinement et avec conviction !
Vous avez également interrogé le Gouvernement sur la situation des salariés.
Dès l’annonce par les gouvernements belge, français et luxembourgeois, le 10 octobre dernier, les Premiers ministres français et belge se sont montrés très attentifs à la situation des salariés.
Le Gouvernement s’assure – et c’est bien le cas – que le management travaille, à l’heure actuelle, à préserver l’emploi et l’outil de travail, autant que possible. Les partenaires sociaux de Dexia sont étroitement informés à chaque étape du plan de restructuration ordonné.
Madame Beaufils, vous avez critiqué les tests de résistance qui ont été menés en juillet 2010 et en juillet 2011. Dexia a passé ces tests, c’est vrai, mais j’en ai évoqué tout à l’heure l’origine. M. Placé lui-même a rejoint le constat d’évidence, convenant que l’immense difficulté de Dexia n’a pas été provoquée par un problème de solvabilité, c’est-à-dire de résistance à des chocs de fonds propres, et donc de garantie. Dexia a chuté sur un problème d’accès aux marchés, d’accès aux liquidités pour financer son activité.
Je rappelle au passage que le modèle économique de Dexia, même s’il avait énormément progressé depuis 2008, nécessitait environ 100 milliards d’euros d’accès aux liquidités à court terme pour financer la poursuite des engagements sur lesquels il avait des positions à long terme.
Je vous signale qu’en 2008 le besoin était de 260 milliards d’euros, cela équivaut aux deux tiers de la dette grecque. C’est considérable ! En période de pénurie de liquidités, un tel modèle économique ne peut que s’effondrer.
Madame Beaufils, vous avez regretté que Dexia n’ait désormais plus les moyens de financer ses clients, comme c’était le cas auparavant.
Vous avez regretté, en outre, que la structure de financement dédiée aux collectivités locales ne soit plus publique, comme à l’époque de la CAECL. Or l’État s’apprête justement à créer un acteur public, sous la forme d’une co-entreprise entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, qui puisse être un acteur de référence du financement des collectivités locales. Cette solution, proposée par le Gouvernement, est, je crois, globalement approuvée par les uns et les autres, même si cette approbation ne se traduit pas, dans cet hémicycle, par un vote positif sur l’ensemble du texte.
Cette solution de référence est de nature à rassurer l’ensemble des élus locaux. Cette simple annonce a d’ailleurs permis d’apaiser les tensions et de répondre aux interrogations de nombre d’entre eux.
Monsieur Arthuis, vous avez qualifié la solution que nous proposons pour Dexia de « liquidation d’une banque ». Il me semble que vous allez bien au-delà de ce qui est prévu par ce texte. Celui-ci vise en effet à permettre une cession ordonnée d’actifs, à des conditions avantageuses dès lors que l’on n’est pas pressé par le temps pour y procéder. À vous de choisir l’interprétation que vous souhaitez !
Il faut évidemment du temps pour mener à bien cette opération visant à permettre la poursuite de l’activité de Dexia.
Rien n’indique, par ailleurs, que cette garantie ne sera pas levée un jour, dès lors que les importants portefeuilles obligataires du groupe auront été cédés.
Vous m’avez demandé de confirmer qu’il n’y aurait pas de concurrence opposant Dexia-Crédit local de France et la nouvelle co-entreprise. Je vous le confirme, comme je l’avais déjà indiqué à Mme Bricq.
Je vous remercie, madame Des Esgaulx, d’avoir souligné la réactivité du Gouvernement, ou plutôt, devrais-je dire, des gouvernements, puisque les trois gouvernements ont eu, de façon synchrone, en respectant le même calendrier, la détermination commune d’apporter des réponses et de rassurer non seulement les marchés ou les investisseurs, mais également les élus locaux et les particuliers possédant des dépôts en Belgique.
Votre explication des causes de cette situation était limpide. Nous partageons votre point de vue. C’est précisément ce qui nous a conduits à proposer cette nouvelle organisation.
Je porte, comme vous, un jugement positif sur le management actuel de Dexia. Il serait injuste de mettre sur le même pied la direction d’avant 2008 et la direction d’après 2008.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est clair !
M. François Baroin, ministre. L’actuelle direction a eu l’unique volonté, au cours de son mandat, de tourner la page d’un modèle économique et de procéder, dans des délais rapides, à la cession des actifs « les plus toxiques ». Elle y est parvenue.
Juste avant l’été, ces dirigeants ont cédé les actifs les plus difficiles, à hauteur de 15 milliards de dollars, aux États-Unis, mais ils ont été rattrapés par le temps. On peut toujours dire que le manque de chance est une faute professionnelle ; malheureusement, cette situation s’impose à tous.
La direction actuelle de Dexia a vraiment abattu un travail considérable. Si cette crise estivale ne s’était pas produite, elle serait probablement parvenue à atteindre les objectifs que les gouvernements lui avaient fixés en 2008.
Monsieur Marc, soyons clairs : sur le fond, je partage votre avis sur les points que vous avez évoqués. Qui peut ne pas s’interroger sur le caractère choquant, ou non, des pratiques de la précédente direction de Dexia ? Il ne s’agit pas de jeter l’anathème ou de montrer du doigt le tandem Miller-Richard, mais force est de constater que leur responsabilité est engagée. C’est pourquoi les gouvernements français et belge ont pris la décision, en 2008, de congédier cette direction.
Permettez-moi de vous rappeler quelques dates.
Une retraite chapeau a été accordée en 2006 aux anciens dirigeants de Dexia. À cette époque, la Caisse des dépôts et consignations siégeait au conseil d’administration de Dexia, mais non l’État.
En 2008, Axel Miller et Pierre Richard ont renoncé au parachute doré qui leur était dû.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ils se sont rattrapés !
M. François Baroin, ministre. Ils ont toutefois perçu, après analyse du risque contentieux, une indemnité de départ correspondant à un an de rémunération. En 2008, les représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, qui siégeaient au sein du conseil d’administration de cette entreprise, ont voté contre cette décision.
Cette politique de rémunération fait clairement partie des graves erreurs de gestion antérieures à 2008.
Vous avez également regretté, cher François Marc, que la taxe sur les transactions financières ne soit pas encore en place.
On peut adresser des reproches à de nombreux pays, mais on ne saurait en faire sur ce sujet à la France et à ce gouvernement. Notre pays est en effet aux avant-postes de la mobilisation autour de la mise en place de cette taxe, dont nous sommes les promoteurs. Nous souhaitons que cette mobilisation soit la plus large possible, tant à l’échelle des vingt-sept États de l’Union européenne qu’à celle des dix-sept États de la zone euro. Nous sommes par ailleurs le moteur, avec l’Allemagne, du débat lancé à l’échelle européenne.
Dans le cadre de la présidence du G20, la France approfondit actuellement cette problématique de la taxe sur les transactions financières, notamment pour nourrir la réflexion autour des financements innovants.
Nous devons en effet trouver des outils de financement originaux dans la perspective des enjeux du développement durable, du changement climatique et du financement des infrastructures. Cette taxe figure sur la liste de ces solutions.
La France n’est malheureusement pas seule à prendre des décisions. Les États-Unis ont affirmé des positions que je qualifierai pudiquement de « réservées ». Au niveau européen, les Britanniques ont manifesté encore plus clairement leur opposition à cette taxe. Le monde anglo-saxon a donc, globalement, exprimé des réserves.
Le fait même que nous puissions débattre de ce sujet au sein de ces instances internationales constitue une avancée diplomatique. Pouvoir la mettre en œuvre le plus largement possible, ce sera déjà un aboutissement. Il faudra ensuite la faire partager par tous et changer le logiciel anglo-saxon sur cette question. Nous devons donc continuer à débattre. La France est en tout cas aux avant-postes de ce combat, et ce depuis de très nombreuses années.
C’est aussi la France, je le rappelle, sous un autre gouvernement et une autre présidence, qui avait mis en œuvre la taxe sur les billets d’avions destinée à financer, notamment, la politique d’accès aux médicaments des pays en voie de développement.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous l’avions votée !
M. François Baroin, ministre. Absolument, madame la rapporteure générale, et nous nous en étions félicités. Je profite de l’occasion qui m’est offerte ici pour vous en remercier.
Vous m’avez interrogé, monsieur Vincent, sur les 10 milliards d’euros de prêts structurés qui font actuellement l’objet de la discussion entre Dexia et la Caisse des dépôts et consignations. Il s’agit d’un point important.
Ces 10 milliards d’euros sont exclusivement composés de risques sur des signatures françaises.
Ils sont composés, pour moitié, d’actifs hors charte Gissler – charte qui porte le nom de cet inspecteur général des finances ayant établi la classification spécifique des différents niveaux de toxicité des prêts proposés aux collectivités locales – et, pour moitié, d’actifs cotés E3, E4, E5.
Ces prêts se répartissent de la façon suivante : 8 milliards d’euros pour les collectivités locales, 1,5 milliard d’euros pour les établissements de santé, et environ 500 millions d’euros pour les bailleurs sociaux.
C’est la nouvelle équipe dirigeante de Dexia, je le rappelle, qui a arrêté ces pratiques en 2008.
Monsieur Patient, vous avez évoqué la situation de l’outre-mer, auquel, vous le savez, je suis très attaché. J’ai en effet eu l’honneur d’occuper les fonctions de ministre de l’outre-mer pendant deux ans, et nous avions alors beaucoup travaillé ensemble.
La situation de l’outre-mer est spécifique car, à côté des acteurs bancaires qui interviennent également en métropole, comme Dexia, le Crédit agricole ou la BPCE, intervient également l’Agence française de développement, l’AFD, qui prête aux collectivités locales en direct, et dont la part de marché, environ 20 % à 30 % de la production nouvelle, est substantielle.
Les collectivités d’outre-mer seront éligibles, comme celles de métropole, à l’enveloppe de 3 milliards de prêts sur les fonds d’épargne, dont la création a été annoncée, la semaine dernière, par le Premier ministre. Nous porterons naturellement un regard attentif sur les demandes formulées par les collectivités ultramarines.
Monsieur Placé, je ne reprendrai pas tous les sujets que vous avez évoqués, car j’y ai déjà répondu, pour partie, en m’adressant à d’autres orateurs.
Je partage peu de vos points de vue. Ainsi, je trouve injuste votre appréciation de la défense par la France de positions qui, je le rappelle, sont communes à d’autres pays. La lutte contre le shadow banking, ou « banque de l’ombre », fait partie des points à l’ordre du jour du G20 de Cannes sur lesquels, je l’espère, nous pourrons obtenir des délivrables.
Nous nous efforçons de mettre en œuvre le plus rapidement possible les décisions en matière de régulation. Cependant, vous le savez, le processus de décision est très long. J’ajoute, au passage, que nous avons obtenu, hier, la validation au niveau européen de l’interdiction des credit default swaps, ou contrats « CDS à nu ».
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Enfin !
M. François Baroin, ministre. Effectivement. Mais, là encore, la France était aux avant-postes de cette initiative et de ces négociations.
Je salue cette avancée considérable, qui en appellera d’autres et permettra de démonter, peu à peu, les facteurs de déclenchement de la grande crise de 2008.
De même, nous devrons poser la question de la spéculation sur les États souverains actuellement sous programme. Est-il admissible de continuer à spéculer et à prendre des positions sur ces États ? À titre personnel, je soutiens totalement la démarche du commissaire Barnier dans cette direction. La même volonté nous anime pour rendre les pays et les structures financières moins dépendants des agences de notation.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Vous pouvez ! Les Allemands l’ont bien fait...
M. François Baroin, ministre. Il s’agit de trouver le bon mode de gestion, tout en rendant nos États, qui évoluent dans un système pro-cyclique, moins dépendants de l’évolution des annonces qui s’égrènent ici ou là.
Je pourrais développer mon propos encore longuement, mais nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets au cours des prochaines semaines ; je ne reviendrai pas, en revanche, sur celui de Dexia.
Monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois vous avoir apporté, au nom du Gouvernement, les précisions que vous souhaitiez. Je demeure à votre disposition pour vous donner, notamment lors de la discussion des articles, toutes les informations nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – MM. André Gattolin et Jean-Jacques Filleul applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES
Article 1er et état A
I. – Pour 2011, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :
(En millions d’euros) |
|||
Ressources |
Charges |
Soldes |
|
Budget général |
|||
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes |
3 907 |
2 869 |
|
À déduire : Remboursements et dégrèvements |
2 273 |
2 273 |
|
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes |
1 634 |
596 |
|
Recettes non fiscales |
-307 |
||
Recettes totales nettes / dépenses nettes |
1 327 |
||
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne |
-94 |
||
Montants nets pour le budget général |
1 421 |
596 |
825 |
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants |
|||
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours |
1 421 |
596 |
|
Budgets annexes |
|||
Contrôle et exploitation aériens |
|||
Publications officielles et information administrative |
|||
Totaux pour les budgets annexes |
|||
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants : |
|||
Contrôle et exploitation aériens |
|||
Publications officielles et information administrative |
|||
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours |
|||
Comptes spéciaux |
|||
Comptes d’affectation spéciale |
|||
Comptes de concours financiers |
-735 |
85 |
-820 |
Comptes de commerce (solde) |
|||
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
|||
Solde pour les comptes spéciaux |
-820 |
||
Solde général |
5 |
II. – Pour 2011 :
1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :
(En milliards d’euros) |
|
Besoin de financement |
|
Amortissement de la dette à long terme |
48,7 |
Amortissement de la dette à moyen terme |
46,1 |
Amortissement de dettes reprises par l’État |
0,6 |
Déficit budgétaire |
95,5 |
Total |
190,9 |
Ressources de financement |
|
Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique |
184,0 |
Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique |
- |
Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés |
- 4,4 |
Variation des dépôts des correspondants |
4,5 |
Variation du compte de Trésor |
1,2 |
Autres ressources de trésorerie |
5,6 |
Total |
190,9 |
;
2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.
III. – Pour 2011, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État demeure inchangé.
État A
VOIES ET MOYENS POUR 2011 RÉVISÉS
I. – BUDGET GÉNÉRAL
(En milliers d’euros) |
||
Numéro de ligne |
Intitulé de la recette |
Révision des évaluations pour 2011 |
1. Recettes fiscales |
||
11. Impôt sur le revenu |
-560 555 |
|
1101 |
Impôt sur le revenu |
-560 555 |
12. Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles |
-14 230 |
|
1201 |
Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles |
-14 230 |
14. Autres impôts directs et taxes assimilées |
2 012 412 |
|
1402 |
Retenues à la source et prélèvements sur les revenus de capitaux mobiliers et le prélèvement sur les bons anonymes |
586 905 |
1405 |
Prélèvement exceptionnel de 25 % sur les distributions de bénéfices |
4 000 |
1406 |
Impôt de solidarité sur la fortune |
306 000 |
1408 |
Prélèvements sur les entreprises d’assurance |
-21 353 |
1410 |
Cotisation minimale de taxe professionnelle |
250 000 |
1412 |
Taxe de participation des employeurs au financement de la formation professionnelle continue |
-10 000 |
1413 |
Taxe forfaitaire sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d’art, de collection et d’antiquité |
28 860 |
1421 |
Cotisation nationale de péréquation de taxe professionnelle – Cotisation nationale de péréquation sur la cotisation locale d’activité à partir de 2010 |
28 000 |
1498 |
Cotisation foncière des entreprises (affectation temporaire à l’État en 2010) |
691 000 |
1499 |
Recettes diverses |
149 000 |
15. Taxe intérieure sur les produits pétroliers |
-89 000 |
|
1501 |
Taxe intérieure sur les produits pétroliers |
-89 000 |
16. Taxe sur la valeur ajoutée |
1 902 558 |
|
1601 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
1 902 558 |
17. Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes |
655 799 |
|
1701 |
Mutations à titre onéreux de créances, rentes, prix d’offices |
21 045 |
1702 |
Mutations à titre onéreux de fonds de commerce |
7 000 |
1703 |
Mutations à titre onéreux de meubles corporels |
1 000 |
1704 |
Mutations à titre onéreux d’immeubles et droits immobiliers |
48 654 |
1705 |
Mutations à titre gratuit entre vifs (donations) |
219 000 |
1706 |
Mutations à titre gratuit par décès |
-320 000 |
1711 |
Autres conventions et actes civils |
21 179 |
1713 |
Taxe de publicité foncière |
-19 482 |
1714 |
Taxe spéciale sur les conventions d’assurance |
92 000 |
1716 |
Recettes diverses et pénalités |
-14 590 |
1721 |
Timbre unique |
-27 138 |
1753 |
Autres taxes intérieures |
55 653 |
1755 |
Amendes et confiscations |
80 000 |
1756 |
Taxe générale sur les activités polluantes |
-30 000 |
1758 |
Droit de licence sur la rémunération des débitants de tabacs |
2 000 |
1768 |
Taxe spéciale sur certains véhicules routiers |
-362 |
1773 |
Taxe sur les achats de viande |
45 000 |
1774 |
Taxe spéciale sur la publicité télévisée |
-18 192 |
1776 |
Redevances sanitaires d’abattage et de découpage |
-4 000 |
1780 |
Taxe de l’aviation civile |
975 |
1781 |
Taxe sur les installations nucléaires de base |
130 353 |
1782 |
Taxes sur les stations et liaisons radioélectriques privées |
4 864 |
1785 |
Produits des jeux exploités par la Française des jeux (hors paris sportifs) |
228 967 |
1786 |
Prélèvements sur le produit des jeux dans les casinos |
6 312 |
1787 |
Prélèvement sur le produit brut des paris hippiques |
13 536 |
1788 |
Prélèvement sur les paris sportifs |
-21 696 |
1789 |
Prélèvement sur les jeux de cercle en ligne |
15 792 |
1790 |
Redevance sur les paris hippiques en ligne |
24 000 |
1798 |
Impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (affectation temporaire à l’État en 2010) |
110 000 |
1799 |
Autres taxes |
-16 071 |
2. Recettes non fiscales |
||
21. Dividendes et recettes assimilées |
-134 793 |
|
2110 |
Produits des participations de l’État dans des entreprises financières |
-392 993 |
2111 |
Contribution de la Caisse des dépôts et consignations représentative de l’impôt sur les sociétés |
34 000 |
2116 |
Produits des participations de l’État dans des entreprises non financières et bénéfices des établissements publics non financiers |
224 200 |
22. Produits du domaine de l’État |
61 825 |
|
2201 |
Revenus du domaine public non militaire |
-40 000 |
2202 |
Autres revenus du domaine public |
110 000 |
2203 |
Revenus du domaine privé |
28 000 |
2204 |
Redevances d’usage des fréquences radioélectriques |
-13 000 |
2211 |
Produit de la cession d’éléments du patrimoine immobilier de l’État |
-8 175 |
2299 |
Autres revenus du Domaine |
-15 000 |
23. Produits de la vente de biens et services |
-118 137 |
|
2301 |
Remboursement par l’Union européenne des frais d’assiette et de perception des impôts et taxes perçus au profit de son budget |
66 000 |
2303 |
Autres frais d’assiette et de recouvrement |
-28 000 |
2304 |
Rémunération des prestations assurées par les services du Trésor public au titre de la collecte de l’épargne |
-2 998 |
2305 |
Produits de la vente de divers biens |
-1 000 |
2306 |
Produits de la vente de divers services |
-145 000 |
2399 |
Autres recettes diverses |
-7 139 |
24. Remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières |
-39 368 |
|
2401 |
Intérêts des prêts à des banques et à des États étrangers |
-26 698 |
2402 |
Intérêts des prêts du fonds de développement économique et social |
-1 690 |
2409 |
Intérêts des autres prêts et avances |
19 000 |
2411 |
Avances remboursables sous conditions consenties à l’aviation civile |
-28 000 |
2412 |
Autres avances remboursables sous conditions |
-5 980 |
2413 |
Reversement au titre des créances garanties par l’État |
4 000 |
25. Amendes, sanctions, pénalitéset frais de poursuites |
-101 497 |
|
2501 |
Produits des amendes de la police de la circulation et du stationnement routiers |
3 683 |
2502 |
Produits des amendes prononcées par les autorités de la concurrence |
-30 000 |
2503 |
Produits des amendes prononcées par les autres autorités administratives indépendantes |
-20 000 |
2504 |
Recouvrements poursuivis à l’initiative de l’agence judiciaire du Trésor |
-11 000 |
2505 |
Produit des autres amendes et condamnations pécuniaires |
-19 180 |
2510 |
Frais de poursuite |
-8 000 |
2511 |
Frais de justice et d’instance |
-11 000 |
2512 |
Intérêts moratoires |
-2 000 |
2513 |
Pénalités |
-4 000 |
26. Divers |
25 423 |
|
2601 |
Reversements de Natixis |
220 000 |
2602 |
Reversements de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur |
-300 000 |
2611 |
Produits des chancelleries diplomatiques et consulaires |
15 000 |
2612 |
Redevances et divers produits pour frais de contrôle et de gestion |
-6 000 |
2613 |
Prélèvement effectué sur les salaires des conservateurs des hypothèques |
157 181 |
2614 |
Prélèvements effectués dans le cadre de la directive épargne |
-32 000 |
2615 |
Commissions et frais de trésorerie perçus par l’État dans le cadre de son activité régalienne |
6 500 |
2617 |
Recouvrement des indemnisations versées par l’État au titre des expulsions locatives |
2 108 |
2618 |
Remboursement des frais de scolarité et accessoires |
-1 000 |
2622 |
Divers versements de l’Union européenne |
-8 000 |
2624 |
Intérêts divers (hors immobilisations financières) |
-8 000 |
2626 |
Remboursement de certaines exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties (art. 109 de la loi de finances pour 1992) |
-1 366 |
2698 |
Produits divers |
-19 000 |
3. Prélèvements sur les recettes de l’État |
||
31. Prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales |
-90 597 |
|
3103 |
Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation spéciale pour le logement des instituteurs |
1 289 |
3104 |
Dotation de compensation des pertes de bases de la taxe professionnelle et de redevance des mines des communes et de leurs groupements |
-2 063 |
3105 |
Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la dotation de compensation de la taxe professionnelle |
16 147 |
3106 |
Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée |
-635 907 |
3107 |
Prélèvement sur les recettes de l’État au titre de la compensation d’exonérations relatives à la fiscalité locale |
25 790 |
3114 |
Compensation d’exonération au titre de la réduction de la fraction des recettes prises en compte dans les bases de taxe professionnelle des titulaires de bénéfices non commerciaux |
301 |
3120 |
Compensation relais de la réforme de la taxe professionnelle |
50 000 |
3122 |
Dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle |
414 000 |
3123 |
Dotation pour transferts de compensations d’exonérations de fiscalité directe locale |
1 887 |
3124 |
Dotation de garantie des reversements des fonds départementaux de taxe professionnelle |
37 959 |
32. Prélèvements sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne |
-3 600 |
|
3201 |
Prélèvement sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne |
-3 600 |
RÉCAPITULATION DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL
(En milliers d’euros) |
||
Numéro de ligne |
Intitulé de la recette |
Révision des évaluations pour 2011 |
1. Recettes fiscales |
3 906 984 |
|
11 |
Impôt sur le revenu |
-560 555 |
12 |
Autres impôts directs perçus par voie d’émission de rôles |
-14 230 |
14 |
Autres impôts directs et taxes assimilées |
2 012 412 |
15 |
Taxe intérieure sur les produits pétroliers |
-89 000 |
16 |
Taxe sur la valeur ajoutée |
1 902 558 |
17 |
Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes |
655 799 |
2. Recettes non fiscales |
-306 547 |
|
21 |
Dividendes et recettes assimilées |
-134 793 |
22 |
Produits du domaine de l’État |
61 825 |
23 |
Produits de la vente de biens et services |
-118 137 |
24 |
Remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières |
-39 368 |
25 |
Amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuites |
-101 497 |
26 |
Divers |
25 423 |
3. Prélèvements sur les recettes de l’État |
-94 197 |
|
31 |
Prélèvements sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales |
-90 597 |
32 |
Prélèvements sur les recettes de l’État au profit de l’Union européenne |
-3 600 |
Total des recettes, nettes des prélèvements |
3 694 634 |
II. – COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
(En euros) |
||
Numéro de ligne |
Désignation des recettes |
Révision des évaluationspour 2011 |
Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres |
-42 000 000 |
|
01 |
Remboursements des avances correspondant au produit de la taxe additionnelle à la taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules instituée par l’article 1011 bis du code général des impôts |
-42 000 000 |
Avances aux collectivités territoriales |
-743 000 000 |
|
Section : Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes |
-743 000 000 |
|
05 |
Recettes |
-743 000 000 |
Prêts à des États étrangers |
50 000 000 |
|
Section : Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France |
50 000 000 |
|
02 |
Remboursement de prêts du Trésor |
50 000 000 |
Total |
-735 000 000 |
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. Nous débattons d’un projet de loi de finances rectificative qui ne prévoit aucune disposition nouvelle concernant les recettes budgétaires, ce qui est très rare.
Surtout, aucune solution n’est apportée au problème du financement de l’action des collectivités territoriales. Nous constatons, à la lecture de ce texte, que l’effort d’équipement de ces collectivités est fortement fragilisé. Nous observons même un ajustement à la baisse du FCTVA, le fonds de compensation de la TVA, qui atteste de leurs difficultés croissantes à mener certaines opérations. Les informations qui remontent du terrain sur les difficultés du recours à l’emprunt, dans un contexte difficile lié au problème de liquidités des banques, ne peuvent que renforcer notre inquiétude.
Une nouvelle structure de financement doit être créée, sous forme, nous dit-on, d’une société anonyme dont le capital serait réparti entre la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations, sans modification d’aucune sorte du mode de financement des collectivités. Il semble donc que le recours aux marchés financiers restera d’actualité, à l’instar sans doute de l’expertise de Dexia une fois les outils d’ingénierie financière utilisés.
Ce soir, ont été évoquées des formes de pôle public. Or, au cours des nombreuses auditions menées au sein de la commission des finances du Sénat, nous n’avons acquis aucune certitude concernant le caractère public du contenu et de la conception de ce nouvel outil.
Nous avions déposé un amendement tendant à créer, un peu sur le modèle de la CAECL – créée en 1966 par simple décret interministériel ! –, un établissement public de financement des collectivités locales. Cette solution, est préférable à toute autre, selon nous, ne serait-ce que pour la raison suivante : elle permet d’assurer un contrôle public de l’ensemble des opérations. Cela éviterait également que l’on nous oppose l’application de l’article 40 de la Constitution, c’est-à-dire l’obligation de création, pour toute nouvelle dépense, d’une recette équivalente.
À cet égard, il serait peut-être temps que nous réfléchissions à mettre à contribution les établissements bancaires et les compagnies d’assurance, qui s’alimentent des dettes souveraines des États, au travers d’une taxation des transactions financières autant que des profits qu’ils tirent de leurs activités pour compte propre. (M. Joël Labbé applaudit.) On aurait ainsi pu avoir, en même temps qu’une proposition de garantie, des conditions véritablement techniques solides grâce à un outil public et financier permettant de nous sécuriser eu égard au vote que vous nous demandez.
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de l'article 1er et de l’état A annexé.
(L'article 1er et l’état A sont adoptés.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011.
Je rappelle que, en application de l’article 47 bis du règlement, lorsque le Sénat n’adopte pas la première partie d’un projet de loi de finances, l’ensemble du projet de loi est considéré comme rejeté.
(La première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2011 est adoptée.)
SECONDE PARTIE
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
TITRE Ier
AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2011. – CRÉDITS DES MISSIONS
Article 2 et état B
Il est ouvert à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, pour 2011, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 2 869 637 000 €, conformément à la répartition par mission donnée à l’état B annexé à la présente loi.
État B
RÉPARTITION DES CRÉDITS POUR 2011 OUVERTS ET ANNULÉS, PAR MISSION ET PROGRAMME, AU TITRE DU BUDGET GÉNÉRAL
BUDGET GÉNÉRAL
(En euros) |
||||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Crédits de paiement annulés |
Provisions |
596 157 000 |
596 157 000 |
||
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
596 157 000 |
596 157 000 |
||
Remboursements et dégrèvements |
2 273 480 000 |
2 273 480 000 |
||
Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs) |
1 711 480 000 |
1 711 480 000 |
||
Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs) |
562 000 000 |
562 000 000 |
||
Totaux |
2 869 637 000 |
2 869 637 000 |
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Mission Provisions
Modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l'ouverture de) |
- (minorer l'ouverture de) |
+ (majorer l'ouverture de) |
- (minorer l'ouverture de) |
Provision relative aux rémunérations publiques |
|
|
|
|
Dépenses accidentelles et imprévisibles |
|
596 157 000 |
|
596 157 000 |
TOTAL |
|
596 157 000 |
|
596 157 000 |
SOLDE |
-596 157 000 |
-596 157 000 |
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le ministre, le texte que nous examinons ce soir ne serait pas une loi de finances rectificative si ne s’y glissait pas une disposition habile mais maligne. Cependant la vigilance de la commission des finances s’est exercée. À cet égard, je vous rappelle, bien que vous le sachiez forcément, que le paragraphe 1° de l’article 7 de la LOLF dispose que la mission Provisions regroupe notamment les crédits d’une « dotation pour dépenses accidentelles, destinée à faire face à des calamités, et pour dépenses imprévisibles ». L’inscription de crédits sollicitée par le Gouvernement n’est pas conforme à cette vocation : elle pourvoirait non pas à des dépenses accidentelles ou imprévisibles, mais à la couverture des besoins de fin de gestion non encore recensés et quantifiés.
Le dépôt du présent amendement traduit notre volonté de faire en sorte que le Gouvernement ne se serve pas de cette disposition comme d’une réserve de crédits à répartir en vue des impasses budgétaires, qui sont assez classiques en fin d’exercice.
Cette opération, convenez-en, prive donc de sa portée l’autorisation parlementaire et s’apparente à un blanc-seing lorsque les crédits demandés ne sont pas justifiés au premier euro, et on nous le rappelle souvent.
Vous l’avez compris, il s’agit d’un amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Madame la rapporteure générale, je l’ai bien compris, vous proposez de supprimer l’ouverture de crédits d’un montant de 596 millions d'euros proposée par le Gouvernement sur la mission Provisions.
Je voudrais lever toute ambiguïté sur l’intention du Gouvernement sur ce point. Alors que j’exerçais les fonctions de ministre du budget, nous nous sommes engagés, vous le savez, – et ce point a fait l’objet de longs débats au cours desquels vous étiez intervenue – à respecter en 2011 l’objectif d’une stabilisation des dépenses de l’État par rapport à 2010, ce que l’on appelle le « zéro valeur ».
Les dernières prévisions des prélèvements sur recettes dégagent une marge d’un montant de 596 millions d'euros au sein de ces dépenses, marge qui pourra être employée ultérieurement. Or, compte tenu des délais très contraints de préparation du présent texte, il n’a pas été possible d’identifier précisément, en détail, l’ensemble des besoins. Mais nous tiendrons à votre disposition cette information dès que possible. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’un blanc-seing.
Dans un souci de sincérité, nous souhaitons inscrire de façon conservatoire la somme en cause.
Je voudrais maintenant vous rassurer sur la méthode. Nous n’avons pas du tout l’intention de répartir ces crédits en usant de la procédure des décrets pour dépenses accidentelles. Ce n’est donc pas un chèque en blanc, je vous l’assure en cet instant. L’utilisation de ces crédits sera soumise au Parlement lors du dépôt du collectif budgétaire de fin d’année, qui présentera de manière globale les perspectives d’exécution des dépenses de l’État et confirmera naturellement le respect du « zéro valeur ». Le Gouvernement demandera de nouveau l’autorisation parlementaire pour utiliser ces crédits dans le respect, je le répète, de la norme « zéro valeur ».
Par conséquent, supprimer l’ouverture conservatoire de crédits reviendrait à améliorer artificiellement et temporairement le solde budgétaire avant de devoir éventuellement le dégrader lors de l’examen du prochain collectif.
À la lumière de ces explications, qui démontrent la sincérité de la démarche gouvernementale en la matière, je vous demande, madame la rapporteure générale, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Madame la rapporteure générale, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le ministre, votre réponse, certes claire, va dans mon sens. En effet, vous procéderez à une telle ouverture de crédits lors de l’examen du collectif de fin d’année, car il y en aura forcément un. D’ailleurs, sera-t-il vraiment le dernier ? Alors, pourquoi le faire maintenant ?
Bien évidemment, je maintiens l’amendement n° 1.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le débat est intéressant sur la méthode. Si le Sénat suit la commission, temporairement, le solde budgétaire sera amélioré de 600 millions d'euros, ce qui sera optiquement une bonne chose.
M. le ministre nous dit que certaines dépenses doivent être prévues. La procédure utilisée est-elle la bonne ? En effet, ces dépenses sont-elles vraiment accidentelles et imprévisibles ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Non !
M. Alain Richard. Il faut respecter les prévisions de la LOLF !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Par ailleurs, comme le dit, me semble-t-il à juste titre, Mme Bricq, si l’on est en mesure d’identifier ces dépenses lors du dépôt du projet de loi de finances rectificative de fin d’année, pourquoi avoir besoin d’inscrire l’ouverture de ces 600 millions d'euros maintenant ? C’est le caractère urgent de cette inscription que j’ai un peu de peine à comprendre.
Nous nous adressons au ministre de l’économie, qui n’a pas directement compétence sur le budget. Les choses seraient tellement plus simples s’il y avait un seul ministre ! (Sourires.) Mais telle est la situation. Nous avons une réponse intermédiée, ce qui ne nous permet pas de nous faire, à ce stade de la discussion, une opinion claire et nette sur ce sujet.
Monsieur le ministre, qu’y a-t-il d’urgent nécessitant l’inscription de ces 600 millions d'euros ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Rien !
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de l'article 2 et de l’état B annexé.
(L'article 2 et l’état B sont adoptés.)
Article 3 et état C
Il est ouvert aux ministres, pour 2011, au titre des comptes spéciaux, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 85 000 000 €, conformément à la répartition par programme donnée à l’état C annexé à la présente loi.
État C
RÉPARTITION DES CRÉDITS POUR 2011 OUVERTS, PAR MISSION ET PROGRAMME, AU TITRE DES COMPTES SPÉCIAUX
COMPTES DE CONCOURS FINANCIERS
(En euros) |
||||
Mission / Programme |
Autorisations d’engagement supplémentaires ouvertes |
Crédits de paiement supplémentaires ouverts |
Autorisations d’engagement annulées |
Crédits de paiement annulés |
Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres |
35 000 000 |
35 000 000 |
||
Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres |
35 000 000 |
35 000 000 |
||
Prêts à des États étrangers |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France |
50 000 000 |
50 000 000 |
||
Totaux |
85 000 000 |
85 000 000 |
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Mission Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres
Modifier ainsi les ouvertures de crédits des programmes :
(En euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ (majorer l'ouverture de) |
- (minorer l'ouverture de) |
+ (majorer l'ouverture de) |
- (minorer l'ouverture de) |
Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres |
|
35 000 000 |
35 000 000 |
|
Avances au titre du paiement de la majoration de l'aide à l'acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d'un véhicule de plus de quinze ans |
|
|||
TOTAL |
|
35 000 000 |
35 000 000 |
|
SOLDE |
-35 000 000 |
-35 000 000 |
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le présent amendement a pour objet de supprimer les ouvertures de crédits en faveur du compte d’avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres, qui constitue le support du dispositif de bonus-malus automobile.
Je vous rappelle, en cette période de renouvellement, que ce dispositif, instauré sur l’initiative de M. Borloo, avait été présenté comme s’autofinançant.
Le déséquilibre du compte pour 2011 devrait avoisiner les 230 millions d'euros et confirme le profil structurellement déficitaire d’un dispositif initialement présenté comme neutre pour les finances publiques. Depuis 2008, les déficits cumulés par le compte d’avances atteignent 1,5 milliard d'euros.
Cet été, le Premier ministre a annoncé un recalibrage du dispositif au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2012. À ce jour, au moment où l'Assemblée nationale examine le projet de loi de finances pour 2012, les contours de ce recalibrage ne sont toutefois pas connus. Il est donc proposé de supprimer, à titre conservatoire, les ouvertures de crédits, afin d’obtenir du Gouvernement des engagements précis.
Monsieur le ministre, si vous êtes en mesure ce soir de prendre de tels engagements, eu égard à l’annonce formulée par M. le Premier ministre, la commission des finances pourrait retirer le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Madame la rapporteure générale, je vais essayer de vous apporter des précisions.
Le barème du malus sera revu à la hausse par la voie d’un amendement au projet de loi de finances pour 2012 qui sera déposé très prochainement. Dans ce cadre, le montant des trois malus les plus importants sera relevé.
Le malus de 2 600 euros passera à 3 600 euros, celui de 1 600 euros s’établira à 2 300 euros et celui de 1 100 euros sera porté à 1 500 euros.
Le seuil d’application du malus annuel diminuera de 240 grammes de CO2 par kilomètre à 190 grammes de CO2 par kilomètre, afin de le rendre cohérent avec le barème du malus.
Le barème du bonus sera, quant à lui, revu à la baisse par voie réglementaire. Les bonus de 600 euros et de 400 euros seront respectivement portés à 400 euros et 100 euros. Je tiens à souligner que ces bonus concentrent l’essentiel des paiements.
Ces mesures, qui s’ajoutent à celles qui ont déjà été prises l’an dernier, permettront de majorer les recettes de 34 millions d'euros et de diminuer les dépenses de 78 millions d'euros, assurant ainsi le retour à l’équilibre du compte en 2012.
Cette discussion nous ramène au débat qui a eu lieu l’an dernier, puisque, je m’en souviens, lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques, nous avions annoncé le calendrier selon lequel ce dispositif serait dégressif.
M. le président. Madame la rapporteure générale, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous venez de faire une annonce au Sénat et de dire qu’un amendement sera présenté prochainement. Or le projet de loi de finances pour 2012 est en cours de discussion à l’Assemblée nationale. Si j’ai bien compris, une initiative gouvernementale sera prise à cette occasion. Je ne pousserai pas l’avantage plus loin et je n’irai pas jusqu’à vous demander quand vous allez déposer cet amendement. Quoi qu’il en soit, le plus tôt sera le mieux. Je le répète, nous l’avions dit à l’époque, rien ne garantissait que la mesure soit neutre. Cette crainte a été vérifiée d’année en année.
L’État a besoin de finances plus saines. Cette plaisanterie doit cesser à un moment ou à un autre, d’autant que la vocation écologique de la mesure en cause qui pourrait être discutée me semble avoir fait long feu. Il n’est pas certain, de surcroît, que cette disposition puisse aider le secteur automobile français.
Cela étant, je retire l’amendement n° 2.
M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.
Je mets aux voix l’ensemble de l'article 3 et de l’état C annexé.
(L'article 3 et l’état C sont adoptés.)
TITRE II
DISPOSITIONS PERMANENTES
Article 4
I. – Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder à titre onéreux la garantie de l’État :
a) Aux financements levés par les sociétés Dexia SA et Dexia Crédit Local SA auprès d’établissements de crédit et de déposants institutionnels ainsi qu’aux obligations et titres de créances qu’elles émettent à destination d’investisseurs institutionnels, dès lors que ces financements, obligations ou titres ont été levés ou souscrits entre la date de publication de la présente loi et le 31 décembre 2021 inclus ;
b) Aux titres de créances émis par Dexia Crédit Local SA figurant à son bilan à la date de publication de la présente loi.
Cette garantie est accordée pour un encours d’un montant maximal de 32,85 milliards d’euros. Elle s’exercera sous réserve de l’appel conjoint en garantie du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg et dans la limite de 36,5 % des montants éligibles.
En cas de cession à un tiers par Dexia SA du contrôle, direct ou indirect, de Dexia Crédit Local SA, les financements, obligations ou titres de créances mentionnés au a levés ou souscrits postérieurement à la date de réalisation de ladite cession du contrôle de Dexia Crédit Local SA ne bénéficient pas de la garantie de l’État.
II. – Le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder à titre onéreux la garantie de l’État à Dexia SA et à Dexia Crédit Local SA sur les engagements pris par ces sociétés avec son accord au titre d’actifs inscrits au bilan de la société Dexia Municipal Agency à la date de réalisation de la cession par Dexia Crédit Local SA de plus de la majorité du capital de cette société.
Cette garantie est accordée pour un encours d’actifs d’un montant maximal de 10 milliards d’euros. Elle s’exerce, après application d’une franchise de 500 millions d’euros, dans la limite de 70 % des montants dus au titre des engagements mentionnés ci-dessus et d’un montant total de 6,65 milliards d’euros.
III. – Les conditions dans lesquelles chacune des garanties mentionnées aux I et II peut être appelée sont définies dans une ou plusieurs conventions conclues par le ministre chargé de l’économie avec les sociétés concernées ainsi que, s’agissant du I, avec les représentants du Royaume de Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg.
IV. – Avant le 1er juin de chaque année, le Gouvernement rend compte au Parlement de la mise en œuvre du présent article.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, sur l'article.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité prendre la parole sur cet article à la suite de la question d’actualité relative aux emprunts toxiques de Dexia que j’avais posée le 26 mai dernier.
M. le ministre m’a répondu que le Gouvernement avait nommé un médiateur des emprunts structurés, que ce médiateur avait déjà beaucoup travaillé et continuait d'ailleurs de le faire, que les engagements des banques seraient encore renforcés, ainsi que la médiation, et que j’en verrais bientôt les effets. Or nous y sommes !
Dans le département dont je suis l’élue, qui est de taille modeste, de très nombreuses collectivités sont frappées par des emprunts toxiques. J’ai ici un exemplaire d’un contrat conclu avec Dexia, aux termes duquel le montage du prêt repose sur l’évolution du taux de change euro-franc suisse mais « ne fait courir aucun risque de change à la collectivité »…
Monsieur le ministre, je souhaite que Dexia communique le détail des opérations et des contrats conclus, en ce qui concerne les emprunts toxiques, bien sûr, mais aussi les produits structurés. Il faut qu’un inventaire complet soit réalisé et communiqué au Parlement afin que nos concitoyens ne paient pas deux fois, une première fois en tant que contribuables de l’État et une seconde fois en tant que contribuables des collectivités territoriales.
En effet, le risque peut se déclarer plus tard, car de nombreux contrats sont encore en période de taux fixes. Mme la rapporteure générale a évoqué tout à l'heure dans son intervention l’année 2034. Je ne sais pas si nous y serons, mais le risque demeure.
Monsieur le ministre, je souhaite donc qu’un état des lieux soit réalisé et que soit éventuellement constitué un fonds de garantie permettant à la banque résiduelle de renégocier globalement ces contrats. Il s'agirait d’une sorte de contrepartie offerte à la Caisse des dépôts et consignations, puisque celle-ci sera désormais l’interlocuteur des collectivités territoriales.
La création de cette structure et le soutien apporté à Dexia seraient l’occasion de gérer l’ensemble des emprunts toxiques et des produits structurés, afin qu’ils cessent de peser comme autant d’épées de Damoclès sur l’avenir de collectivités à présent complètement paralysées : elles ne peuvent plus rien faire et se résignent à attendre le jour où il leur faudra payer des taux d’intérêt à l’évidence prohibitifs.
Tel est l’objet des deux amendements que je soutiendrai dans quelques instants.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie prévu au quatrième alinéa est soumis aux mêmes conditions.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Au travers de cet amendement, notre groupe entend manifester de nouveau sa position de prudence sur ce texte.
La garantie de l’État, cet engagement hors bilan qui commence à prendre une ampleur singulière – il conviendra d'ailleurs, un jour, de se demander quel est le volume actuel des garanties susceptibles d’être appelées –, se trouve sollicitée dans un premier temps pour faciliter le redressement de Dexia SA, et cela pour un montant atteignant 36,5 % des 90 milliards d’euros prévus.
Afin que chacun ait une petite idée de ce que représente une telle garantie, rappelons, pour ne donner qu’un seul exemple, qu’elle constitue, à peu de chose près, l’équivalent du fameux « grand emprunt » dont on nous a fait discuter l’an dernier et dont les fonds n’ont commencé à être mobilisés que cette année.
Le sinistre est donc d’une certaine importance, et il convient de circonscrire l’incendie, tout en gardant à l’esprit que Dexia avait parfaitement passé les tests que j’ai évoqués tout à l'heure et même, nous disait-on, mieux que les autres établissements bancaires ! J’ai bien entendu votre réponse à ce sujet, monsieur le ministre. Cet épisode montre à l’évidence que les outils ne sont pas bons : il faut en trouver d’autres, pour être plus efficaces.
Nous allons donc intervenir conjointement avec l’État belge et avec les autorités du Luxembourg, ce qui est assez singulier quand on connaît le rôle du Grand-Duché dans le désordre ambiant des marchés financiers...
Nous pouvons craindre que le montant prévisible ne soit insuffisamment provisionné. Aussi, nous proposons que la caution solidaire apportée par les trois États ne puisse être majorée qu’à concurrence d’un effort équivalent.
Tel est le sens de cet amendement, que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Beaufils, je comprends parfaitement votre intention, qui est de protéger les intérêts de l’État français, et c’est tout à fait légitime.
Toutefois, au travers de cet amendement, vous demandez au Parlement d’adresser une injonction à l’État. Or nous sommes ici dans le cadre d’une négociation internationale, qui engage non seulement la France, mais aussi la Belgique et le Luxembourg.
Par ailleurs, votre comparaison avec les investissements d’avenir n’est pas vraiment fondée, me semble-t-il, parce que le présent projet de loi prévoit la création d’une garantie, alors que le grand emprunt s’accompagnait de décaissements, dont nous éprouvons des difficultés à connaître le montant réel, du reste – nous en avons discuté ce matin avec René Ricol, que nous auditionnions, et je vous renvoie à ces échanges.
Chacun ici a bien compris votre intention, qui est, encore une fois, légitime, mais je préférerais que vous retiriez cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. Pour compléter les propos de Mme la rapporteure générale, si elle me le permet, je rappellerai que Dexia est une société de droit belge et que la garantie sera assurée à 60,5 % par l’État belge, à 36,5 % par la France et à 3 % par le Luxembourg. Je le répète, il faut replacer notre débat dans ce cadre juridique.
Madame Beaufils, je comprends que vous exprimiez vos positions, qui sont bien connues et qui correspondent à vos convictions, mais nous ne pouvons négliger ces questions de droit.
La position française représente 36,5 % de la garantie, ce qui du reste est important. Nous assumons nos responsabilités en ce qui concerne la déclinaison française des problèmes de l’établissement, avec la question des prêts aux collectivités locales, mais nous respectons aussi le droit belge et le dispositif juridique appliqué à la société de gestion Dexia.
M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° 6 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Comme il s'agit en effet d’une négociation qui n’implique pas seulement notre pays et son gouvernement, j’accepte la suggestion de Mme la rapporteure générale. Toutefois, le problème de fond que j’ai soulevé demeure, et il est considérable.
Je retire donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 6 est retiré.
L'amendement n° 7, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie fait l’objet d’une consultation des associations représentatives d’élus locaux.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Le traitement réservé au portefeuille des prêts structurés aux collectivités locales n’est pas tout à fait le même que celui qui est accordé aux autres éléments d’actifs de Dexia SA.
La mise en jeu de la garantie de l’État s’accompagnera de l’exercice d’une franchise, dans un premier temps, puis d’une implication des prêteurs de dernier ressort. En effet, une partie de la garantie sera, en quelque sorte, prise en charge par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale, partenaires obligés de la reprise de ce portefeuille de prêts.
Une telle initiative présente la caractéristique de ne pas inciter véritablement à accorder la moindre faveur aux collectivités territoriales, étant entendu que toute dépréciation d’actifs née, par exemple, d’un abandon de créances, serait partagée, en quelque sorte, entre l’État et l’ensemble formé par la CDC, la Banque postale et Dexia.
On est en train de mettre en place une sorte de « pôle financier public destiné au financement des collectivités territoriales » - c’est ainsi en tout cas que M. le ministre le désignait tout à l'heure - sans que l’on sache très bien quel sera son contenu. Mais c’est commencer de la pire des manières, me semble-t-il, puisque l’intervention porte sur un encours d’actifs de 10 milliards d'euros, un plafonnement à 6,65 milliards d'euros laissant 3,35 milliards d’euros à la charge de Dexia.
En outre, si l’on accorde moins de 500 millions d’euros d’abandons de créances aux collectivités, seule jouera la franchise. Cette somme de 500 millions d’euros représente 5 % du plafond de garantie, mais surtout 1 % du portefeuille de prêts, ce qui pourrait correspondre à une extinction contractuelle des procédures contentieuses engagées.
Au-delà, si l’on fait quelques « cadeaux » aux collectivités locales, les partenaires doivent se mettre d’accord sur le prix à payer. Il n’est pas certain qu’une telle perspective soit bien vécue par la Caisse des dépôts et consignations, fort sollicitée ces derniers temps, ou par la Banque postale, dont l’autonomie ainsi renforcée risque de commencer par nécessiter quelques provisions.
L’article 4 du projet de loi ne règle donc pas complètement la question du financement pérenne des collectivités territoriales, la mise en place d’une structure publique de financement ne pouvant correspondre pour l’heure à la seule reprise en main du portefeuille de Dexia. Et si une garantie plus importante doit jouer, passant notamment par des mesures d’allégement des contraintes financières des collectivités locales ayant souscrit les emprunts de Dexia, il nous semble plus que nécessaire que les représentants des élus soient directement concernés par une telle orientation, ne serait-ce que pour faire valoir la nécessité d’un choix judicieux et équitable des situations à prendre en compte.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons cet amendement visant à associer les élus à ces prises de décision.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Madame Beaufils, vous souhaitez qu’il soit procédé à une consultation des associations représentatives des élus locaux en cas de relèvement de la garantie.
Il est vrai que les collectivités sont concernées au premier chef – nous ne le nierons pas – par le dispositif de l’article 4. Je comprends donc que la consultation de leurs représentants puisse se justifier. Toutefois, pour que votre amendement soit efficace, je vous suggère de le rectifier et de substituer à la consultation des associations celle du Comité des finances locales. En effet, cet organisme est appelé à se prononcer plus souvent. Il constitue l’instance adéquate, me semble-t-il.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Baroin, ministre. J’apporterai deux éléments de réponse.
Tout d'abord, j’évoquerai la question du plafond de la garantie, pour rappeler que, en tant que ministre de l’économie, je n’accorde cette dernière au nom de l’État que sous le contrôle du Parlement. Pour procéder à un relèvement du plafond, il faudra donc une autorisation législative.
Ensuite, je partage l’avis de Mme la rapporteure générale, même si je n’arrive pas à la même conclusion qu’elle. Ce texte est soumis au Parlement, donc au Sénat. Or c’est la Haute Assemblée qui assure le plus haut degré de représentation des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes les principaux et les plus hauts représentants de ces collectivités. Votre légitimité est supérieure à celle des associations d’élus locaux, quelles que soient par ailleurs leur qualité et leur représentativité, notamment parce que vous avez reçu l’onction du suffrage universel indirect, de surcroît fort récemment pour ce qui concerne l’actuelle majorité de cette assemblée.
Cette réalité justifie pleinement, me semble-t-il, qu’une consultation obligatoire des élus locaux ne soit pas prévue dans la loi.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, si le Sénat, qui est suffisamment représentatif, souhaite encore élargir la base de sa représentativité, le Gouvernement en prendra acte.
M. le président. Madame Beaufils, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteure générale ?
Mme Marie-France Beaufils. Oui, j’accepte tout à fait que le Comité des finances locales soit substitué aux associations représentatives des collectivités territoriales.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et qui est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout relèvement éventuel du plafond de garantie fait l’objet d’une consultation du Comité des finances locales.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, le Comité des finances locales est un outil de consultation dont nous nous sommes dotés pour traiter de nombreux sujets relatifs au financement des collectivités territoriales.
J’ai même cru comprendre que, dans le cadre de la prochaine loi de finances, vous solliciteriez de nouveau le Comité des finances locales à propos de certaines répartitions sur lesquelles nous n’avions plus d’interventions dans la période récente. Cela signifie donc bien que, pour vous aussi, le CFL est doté d’une certaine légitimité sur toutes les questions relatives aux collectivités territoriales.
Il s'agit tout de même ici de la garantie des prêts de collectivités territoriales particulièrement fragilisées par les emprunts qui ont été consentis par Dexia, mais aussi, je le répète, par d’autres établissements. La situation est suffisamment délicate pour que le Comité des finances locales soit consulté.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, cet amendement vise un éventuel ajustement à la hausse du plafond de la garantie. À votre avis, y a-t- il un risque que cette éventualité se réalise ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Il ne faut jamais dire jamais, dans ce métier, mais ce n’est pas l’une de nos hypothèses majeures…
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dexia Crédit Local SA et l’ensemble de ses filiales s’engagent à dresser un état complet des procédures en cours contentieuses ou amiables qui les opposent aux collectivités territoriales en raison d’emprunts toxiques contractés, et à le fournir aux commissions parlementaires compétentes avant le 31 décembre 2011.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, si vous m’y autorisez, je défendrai en même temps les amendements nos 10 et 11, que j’ai déjà évoqués ensemble lors de ma prise de parole sur l’article 4.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 11 qui, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
- Avant le 31 décembre 2011, DEXIA SA devra fournir au Parlement un état précis des prêts structurés dits de pente ou de courbe avec effet de levier commercialisés sur le territoire national depuis 2007.
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’obtenir un état des lieux exact du nombre d’emprunts toxiques et de prêts structurés qui ont été souscrits. En effet, si l’on veut soutenir efficacement les communes, les collectivités qui les ont contractés, il faut pouvoir mesurer l’ampleur du phénomène.
La commission d’enquête de l’Assemblée nationale est au travail, mais nous n’avons pas l’équivalent au Sénat. C'est pourquoi je souhaite qu’un état des lieux complet soit communiqué au Parlement, tant sur les emprunts toxiques que sur les produits structurés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° 10, madame Goulet, pose trois problèmes.
Tout d'abord, il est déséquilibré : je reconnais l’avocate sous la sénatrice, puisque ces amendements reviennent en fait à contraindre le Parlement à tirer son information de l’une des parties à des procédures judiciaires en cours…
Ensuite, il est imprécis : on ne sait pas trop ce que veut dire « état des procédures » : s’agit-il d’une simple liste nominative ? Cet état doit-il mentionner l’ampleur des demandes des parties ? Comment gère-t-on les issues données à ces procédures ? Je m’en tiens là.
Enfin, et surtout, cet amendement pourrait se révéler préjudiciable aux collectivités territoriales qui sont en conflit avec Dexia. Il y en avait huit, je crois, mais un dossier a été tranché, il n’en resterait donc plus que sept.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Bref, il s’agit d’une petite dizaine de cas.
On donnerait ainsi, sans avoir leur accord, une certaine publicité aux difficultés que rencontrent ces collectivités. Or je ne pense pas qu’elles aient besoin d’être stigmatisées.
Je rappelle que la publication, dans un journal du matin, à partir, nous a-t-on dit, d’un vol commis chez Dexia, d’une liste de collectivités possédant des produits structurés, dont tous n’étaient pas toxiques, a été très mal ressentie par les collectivités citées. Du reste, Dexia a été contrainte de publier un démenti.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Goulet, les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Nathalie Goulet. Vous le reconnaîtrez, l’intention était louable, mais je conçois que la rédaction puisse être jugée imprécise : nous n’avons pas eu beaucoup de temps pour travailler sur le sujet.
Si nous sommes en train de régler le problème de Dexia, un certain nombre de collectivités demeurent dans une situation extrêmement difficile. Ces deux amendements visaient à mieux cerner l’ampleur des dégâts. Toutefois, j’admets volontiers qu’ils sont imprécis et méritent d’être retravaillés ; je les retire donc.
M. le président. Les amendements nos 10 et 11 sont retirés.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 3, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
V. – Le conseil d’administration ou le directoire d’un établissement de crédit à l’égard duquel l’État s’est financièrement engagé, directement ou indirectement, par la souscription de titres ou l’octroi de prêts ou de garanties ne peut pas décider :
a) l’attribution d’options de souscription ou d’achat d’actions ou d’actions gratuites aux président du conseil d’administration, directeur général, directeurs généraux délégués, membres du conseil d’administration ou du directoire, président du conseil de surveillance ou gérants de cette société dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186-1 et L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code de commerce ;
b) l’attribution ou le versement d’éléments de rémunération variable, d’indemnités et d’avantages indexés sur la performance, ainsi que de rémunérations différées à ces mêmes personnes ;
c) le versement d’un dividende.
Ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2011 et aux exercices au cours desquels l’établissement de crédit a bénéficié d’un engagement financier de l’État.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. J’ai suffisamment insisté sur cet amendement lors de la discussion générale pour me dispenser à cette heure de longs développements.
Il s’agit d’imposer des contreparties financières aux établissements de crédit qui bénéficient du soutien de l’État. Dexia n’est pas seule concernée, je le rappelle, mais sont visées ici toutes les banques qui seront soutenues grâce à un effort public.
Cet amendement a un spectre large, monsieur le ministre. Il concerne non seulement toutes les formes de rémunération variable, mais en outre – je le précise, afin de ne pas vous prendre en traître – les dividendes. J’attendrai donc que vous ayez exprimé l’avis du Gouvernement sur cet amendement, qui nous paraît essentiel, pour vous répondre.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Cette ou ces conventions excluent, sur leur durée de mise en œuvre, tout versement de dividende aux actionnaires des entités définies au I et au II.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement, tout comme le suivant, porte sur la rémunération des dirigeants et actionnaires de Dexia pendant la durée de l’opération de redressement-défaisance.
Dans un souci de cohérence, et avec votre autorisation, monsieur le président, je défendrai ensemble les deux amendements nos 4 et 5, car ils reprennent pour partie les préconisations formulées par la commission des finances, et plus précisément l’amendement n° 3 que Mme la rapporteure générale vient de présenter.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 5 qui, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Ces conventions prévoient expressément qu’aucune rémunération sous forme d’attribution d’actions gratuites, d’indemnités différées ou fondée sur la performance des entités visées au I et au II ne peut être versée aux membres des conseils d’administration, des conseils de surveillance de ces mêmes entités.
Veuillez poursuivre, madame Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Comme son nom l’indique, le plan de redressement a pour objet de permettre le redressement effectif de Dexia. Celui-ci passera notamment par une réduction sensible de la voilure, si vous me permettez l’expression ; c’est la condition impérative, nous dit-on, du redressement à court terme de la situation financière de l’établissement, mais aussi de sa pérennité à moyen et long terme.
Nous ne pouvons évidemment pas accepter que les bénéfices, quels qu’ils soient, puissent être utilisés à autre chose qu’à la consolidation des fonds propres de Dexia SA.
Nous considérons donc inacceptables le versement de rémunérations anormalement élevées à quelques dirigeants ou cadres spécialisés réalisant certaines opérations, ou la remontée de dividendes jusqu’aux actionnaires de Dexia.
Il faut consolider les fonds propres de Dexia et restaurer la confiance en son titre, que les mésaventures boursières de l’établissement ont gravement affaibli. Il faut également être très attentif : vous le savez comme moi, nous sommes actuellement en train de vendre les actifs les plus intéressants de Dexia. Par exemple, sa filiale turque, DenizBank, est sur le point d’être cédée. Ces actifs seront probablement rachetés à bonne valeur, mais peut-être à une valeur tout de même inférieure à celle qu’ils auraient pu atteindre dans une période plus favorable.
On nous a dit que, dans le cadre du plan de redressement, un certain nombre de salariés allaient subir les conséquences de ces rachats multiples. Le groupe compte tout de même 35 000 salariés, et nous ignorons combien resteront en activité à l’issue des restructurations. Il ne peut donc être question de gager des dividendes, des retraites chapeau ou des stock-options sur la perte d’emploi des salariés. Il faut donc se prémunir contre ce risque.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je demande la mise en place de dispositifs interdisant toute rémunération excessive des actionnaires ou de l’encadrement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 4 et 5 ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’amendement n° 3 – vous en conviendrez probablement, madame Beaufils – a une portée plus large. Je vous demande donc de vous y rallier et je m’engage à m’expliquer plus avant une fois que j’aurai entendu l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements en discussion commune ?
M. François Baroin, ministre. Madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement n° 3 tend à interdire à une banque qui reçoit le soutien de l’État d’attribuer des stock-options, bonus ou retraites chapeau, ou encore de verser des dividendes.
Nous sommes d’accord sur le fond. Le Gouvernement avait d'ailleurs pris, en mars 2009, un décret dont l’objectif était similaire, puisqu’il visait à limiter les rémunérations des dirigeants d’entreprises aidées par l’État. Ce dispositif, aujourd'hui éteint, a bien fonctionné : il a été intégralement respecté. Nous pensons comme vous – ce qui est logique, puisque nous avons nous-mêmes conçu et mis en œuvre ce dispositif – qu’il serait intéressant de le reconduire si jamais d’autres entreprises venaient à être aidées par l’État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est prêt à prendre l’engagement, devant votre assemblée, de présenter à votre commission des finances, lors des travaux relatifs au projet de loi de finances pour 2012, un dispositif réglementaire complet, qui ira totalement dans le sens de l’amendement déposé par votre rapporteure générale.
S'agissant de Dexia, je me permets d’apporter quelques codicilles à votre réflexion, pour une bonne lecture des faits.
Les dispositions législatives que vous proposez ne s’appliqueraient pas, en réalité, aux principaux dirigeants du groupe, puisque ceux-ci sont des mandataires sociaux de la holding Dexia SA, qui est une société belge. La cible serait donc manquée.
Le Gouvernement vous propose d’encadrer – c’est la moindre des choses – les rémunérations versées et les dividendes distribués par Dexia, au travers des conventions de garantie. Il s’agit là d’une avancée complémentaire.
J’ajoute, pour être exhaustif, que Dexia a indiqué qu’aucune rémunération variable ne serait distribuée aux membres du comité de direction pour l’année 2011. Quant aux mandataires sociaux, ils n’ont reçu aucune stock-option depuis l’entrée des États belge et français au capital de l’entreprise.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si nous sommes d’accord, monsieur le ministre, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?
L’amendement n° 3 repose sur un principe de responsabilité : quand on prend des décisions pour une entreprise, on assume ses choix ; quand on fait des erreurs, on les paie. C’est simple !
Cet amendement s’inscrit en outre dans la continuité des travaux de la commission des finances. M. Marini a évoqué tout à l'heure l’amendement de M. Arthuis sur les rémunérations, qui avait été débattu dans notre assemblée en 2009. Son adoption avait été obtenue de haute lutte : il avait fallu la réunion d’une commission mixte paritaire, qui constitue le seul moment où les parlementaires ont véritablement la responsabilité de leurs choix,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Sans le Gouvernement !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. … à l’abri du Gouvernement.
Cela avait donné lieu à une remontée de la part de nos collègues députés. Il avait fallu batailler longuement, et parfois dans une certaine confusion, pour arriver au résultat.
Nous sommes peut-être d’accord sur le fond, monsieur le ministre, mais j’ai tout de même le souvenir de cette bataille, une bataille qui a honoré le Sénat.
Vous avez fait mention du décret de mars 2009, mais reste le problème des contrats de droit privé en cours. Dans la mesure où nous vous proposons de légiférer pour l’avenir, cet argument n’est pas recevable.
Je veux également faire un bref rappel à propos des dividendes.
La distribution de dividendes a un effet contracyclique. Des investisseurs sérieux peuvent tout à fait comprendre que l’objectif, en période plus faste, soit d’abord de renforcer les fonds propres plutôt que de distribuer des dividendes aux actionnaires. C’est un argument de bon sens.
En revanche, je ne veux pas les stigmatiser, mais il faut que les banques comprennent que l’on ne peut pas repartir comme avant. C’est pourtant ce qui s’est passé après 2008, et tout est allé très vite. Permettez-moi de citer quelques chiffres éclairants.
En 2009, la Société Générale a porté son dividende par action de 90 centimes à 1,20 euro, alors que son coût du risque augmentait et que nous étions à peine sortis de la crise. En 2010, le dividende de l’action Société Générale a baissé, mais cela reflétait l’évolution du bénéfice.
En 2010, BNP Paribas a versé un dividende de 1, 50 euro, soit une progression de 50 %, et Dexia un dividende en actions de 20 centimes correspondant à un rendement de plus de 50 %, soit le rendement le plus élevé parmi les banques alors cotées à Paris.
Ces exemples concrets n’appartiennent pas à un passé si lointain, monsieur le ministre.
Sans être un avertissement, l’amendement que la commission des finances a adopté a pour objet d’empêcher que ne se reproduise, en cas de soutien public, ce qui s’est produit entre 2008 et 2010. Chacun se souvient qu’après la chute de Lehman Brothers et la grande peur qui s’est ensuivie, dès qu’il n’y a plus eu de soutien public, tout a repris comme avant : en somme, business as usual. Eh bien, non ! Ce n’est plus possible ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l'amendement n° 3.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Sur le fond, étant personnellement choquée par la pratique des retraites dites « chapeau », qui d’ailleurs constituent ou pas des éléments de rémunération différée, en même temps que convaincue qu’il faut obtenir des engagements éthiques de la part des banques, je pourrais parfaitement adhérer à plusieurs des éléments contenus dans l’amendement présenté par Mme Bricq au nom de la commission des finances.
En revanche, sur la forme, je trouve beaucoup de défauts à cet amendement, notamment des erreurs de qualification juridique s’agissant des organes de gouvernance, mais aussi des omissions.
Ainsi, j’ai cru comprendre que le texte proposé pour le paragraphe a) devait viser tous les organes de gouvernance de sociétés anonymes. Or il manque les membres du conseil de surveillance.
Je relève une erreur : il convient de supprimer, parmi les personnes concernées, les gérants, car il n’y a pas un tel mandat dans les sociétés anonymes.
S’agissant du paragraphe c), je fais observer qu’il appartient à l’assemblée générale de décider du versement de dividendes, et non pas au conseil d’administration ou au directoire. Ces deux derniers organes ne peuvent que proposer à l’assemblée générale de voter en faveur de la distribution.
Je m’interroge par ailleurs sur plusieurs points.
En premier lieu, le champ d’application de cet amendement me semble trop large. Sont visés les engagements, directs ou indirects de l’État, par la souscription de titres ou l’octroi de prêts ou de garanties. Or les engagements de ce type peuvent être pris hors période de crise.
En deuxième lieu, il est prévu dans l’amendement que ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2011, ce qui ne me paraît pas envisageable. Elles ne devraient en effet trouver à s’appliquer qu’à compter de la mise en œuvre du soutien public et pendant la durée de celui-ci, et, en tout état de cause, seulement après l’entrée en vigueur de la loi.
En troisième lieu, quid des engagements passés pris par la société « aidée », notamment lorsqu’ils ont été retranscrits dans des contrats de travail, comme c’est le cas aujourd’hui s’agissant des dirigeants visés, par exemple en matière de rémunération variable ou de plans de stock-options déjà mis en place ?
Cela fait beaucoup d’observations – de forme, j’en conviens – sur un amendement qui, certes, a été rédigé dans des délais très brefs, mais je ne pouvais pas ne pas le signaler.
Même si, sur le fond, je le redis, je suis assez d’accord pour que des engagements éthiques soient demandés aux banques, je considère sincèrement, madame Bricq, que le présent projet de loi de finances rectificative n’est pas le bon véhicule pour cet amendement,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Et quel serait le bon, alors ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. ... un amendement qu’en tout état de cause il faudrait affiner. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je voterai cet amendement.
D’abord, je veux remercier Philippe Marini et Nicole Bricq d’avoir rappelé le débat que nous avons eu, ici même, en 2008, précisément sur le sujet qui nous occupe aujourd'hui. De quoi s’agit-il ? Des établissements financiers sont, à un moment donné, en risque de défaut, c'est-à-dire de cessation de paiement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Jean Arthuis. Pour faire face à ce risque systémique, on fait appel à l’État, qui, on l’a vu en 2009, est devenu l’« assureur systémique » : on ne laisse pas « tomber » une banque pour éviter la propagation de la crise à l’ensemble de la société, et l’État apporte donc son appui.
Dans de telles circonstances, il est très important d’adresser, dans ce texte, un signal aux dirigeants comme aux actionnaires, Dexia fournissant un cas pratique dont nous devons tirer tous les enseignements.
Comme le dit Marie-Hélène Des Esgaulx, qui, je le note, est d’accord sur le fond,…
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Nous le sommes tous !
M. Jean Arthuis. … la rédaction de l’amendement est perfectible. Or, comme le Sénat votera in fine un texte différent de celui de l’Assemblée nationale, il y aura réunion d’une commission mixte paritaire. D’ici là, nous devrions être en mesure d’améliorer la rédaction de l’amendement pour répondre aux critiques que notre collègue a formulées.
Pour ma part, je l’ai dit, je voterai cet amendement et je crois pouvoir dire que mes collègues du groupe de l’Union centriste et républicaine le voteront également.
M. le président. La parole est à M. François Trucy, pour explication de vote.
M. François Trucy. Je voterai également l’amendement n 3, tout simplement parce que c’est un amendement de moralité : d’une part, quand il y a erreur, il faut qu’il y ait sanction ; d’autre part, je constate une certaine impudence de la part de ces professionnels depuis quelques années.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur le ministre, vous évoquez le décret de 2009 relatif aux conditions de rémunération des dirigeants des entreprises aidées par l'État ou bénéficiant du soutien de l'État du fait de la crise économique et des responsables des entreprises publiques.
Je commencerai par relever qu’il y a de multiples façons de contourner un dispositif dont la durée d’application est limitée dans le temps ; je pense notamment aux rémunérations différées ou étalées dans le temps. Toute entreprise qui voudrait échapper à des dispositifs de ce type sera donc tentée de le faire.
La proposition qui nous est soumise par Nicole Bricq, qui s’inscrit de façon suffisamment forte et dans les principes et dans le temps, me paraît donc susceptible d’éviter ces comportements déviants.
Cela étant dit, si j’ai tenu à expliquer mon vote, c’était surtout pour réagir aux propos de Mme Des Esgaulx, qui estime que cet amendement n’a pas sa place ici.
Pour ma part, je crois au contraire que, si nous n’introduisions pas un tel dispositif dans le présent projet de loi de finances rectificative, nous serions sans doute en tort, et certainement en contradiction avec nous-mêmes.
J’attire votre attention, mes chers collègues, sur une information en provenance d’AlphaValue, parue ce soir - elle sera reprise demain dans les quotidiens - sous le titre suivant : « Banques européennes : seules les rémunérations des patrons ne connaissent pas la crise ! » On apprend qu’en 2010 les actions des banques ont perdu 12 % de leur valeur, mais que les rémunérations ont, elles, augmenté de 12,5 %.
Dans le secteur bancaire, les rémunérations ont, de façon générale, connu une croissance bien plus importante que dans les autres secteurs d’activité, celles des cadres ayant augmenté, en France, de 44,8 % en 2010, à comparer à une diminution de 7 % en Allemagne et à une augmentation de seulement 8 % en Grande-Bretagne.
C’est une situation complètement incompréhensible pour nos concitoyens et j’estime que nous manquerions à notre mission de législateur si nous n’adoptions pas ce soir cette règle de moralisation tendant à un encadrement plus manifeste des rémunérations.
Encore une fois, la proposition de notre rapporteure générale doit absolument figurer dans le texte qui sortira de nos délibérations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Mes chers collègues, nos compatriotes attendent, légitimement, le retour à des principes de raison et d’éthique, dans le monde de la finance et des banques comme dans la société tout entière.
J’ai la conviction que décider d’un soutien à Dexia sans contrepartie pour ce qui est de la mise en responsabilité - éventuelle, future - de ses dirigeants et actionnaires ne ferait qu’accroître la défiance des citoyens à l’égard de leurs représentants et des institutions.
À ce titre, les amendements qui nous sont proposés vont donc dans la bonne direction.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 4 et 5 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’exercice de la garantie prévue au II de l’article 4 de la présente loi peut être subordonné à l’examen de chaque situation par une commission spéciale, associant le ministre chargé de l’économie et des finances, le ministre chargé de l’intérieur, les représentants du Parlement, les organismes prêteurs, les associations représentatives d’élus.
Saisie à la demande d'une collectivité territoriale, la commission peut proposer toute recommandation, y compris sous forme d’abandon de créances ou de différé de remboursement, entrant dans le champ de l’exercice de la garantie.
Un décret fixe les conditions de nomination des membres de cette commission, de tenue de ses réunions et de son secrétariat.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Je tiens auparavant à préciser que j’ai voté contre l’article 4.
M. le président. Je vous en donne acte, ma chère collègue.
Mme Marie-France Beaufils. L’amendement n° 8 rectifié porte sur la question sensible des prêts structurés aux collectivités territoriales.
Comme l’a dit Gilles Carrez à l’Assemblée nationale, on a le sentiment à la lecture de ce projet de loi de finances rectificative que l’on attend des collectivités territoriales qu’elles assument leurs engagements. Mais pouvaient-elles mesurer, au moment où elles ont contracté ces prêts structurés, l’ampleur des risques auxquels elles allaient être confrontées quelques années plus tard ? Bien malin, à mon avis, celui qui aurait pu prédire le danger à l’époque, étant donné la complexité de ces prêts !
La diffusion de ces produits structurés a été encouragée, je veux le rappeler, dès lors qu’il a été décidé que le financement local était ouvert à la concurrence, ce qui a conduit les collectivités à aller chercher sur les marchés les conditions les plus favorables pour répondre à leurs besoins de financement.
Les banques étaient incitées à répondre à ces demandes puisque, si les collectivités locales apparaissent comme un segment de marché peu rentable, il est néanmoins sûr : grâce aux règles comptables propres au secteur public local, les collectivités sont tenues d’inclure, dans le cadre de l’équilibre de leur budget, les charges d’intérêt ; les risques sont donc peu importants.
L’objet de notre amendement est donc très clair : il s’agit d’introduire une procédure d’instruction des dossiers de prêts les plus sensibles, en vue de ne solliciter la garantie prévue par le projet de loi qu’à bon escient, en fonction de critères objectifs.
Nous pensons qu’une collectivité confrontée à des charges d’intérêt représentant une part significative de ses recettes de fonctionnement doit pouvoir bénéficier d’une mesure tendant à l’abandon de créances ou à l’application d’un moratoire sur la progression du taux variable, ce qui revient un peu au même dans la durée.
La commission constituée pourrait ainsi être amenée à proposer des mesures de transformation des prêts variables, un peu à l’instar de ce qui se produit parfois pour les ménages surendettés.
Tel est le sens de notre proposition, que j’ai rectifiée pour tenir compte des remarques formulées par la commission des finances lors de la réunion qui a lieu durant la suspension du dîner, c'est-à-dire hier soir, puisqu’il est une heure quinze du matin !
M. le président. Mais c’est toujours la même séance ! (Sourires.)
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Comme je vous l’ai effectivement dit tout à l’heure, madame Beaufils, une procédure de médiation est en cours, mais j’ai bien compris que votre amendement reposait sur une logique différente.
Vous souhaitez que la situation de chaque collectivité soit examinée en amont par une commission spéciale, « saisie à la demande d’une collectivité territoriale » et non plus systématiquement, puisque vous avez rectifié votre amendement sur ce point.
Cette rectification introduit toutefois de nouvelles questions et la voie que vous nous proposez paraît trop risquée pour que nous nous y engagions.
Ainsi, il faudra décider de subordonner la mise en jeu de la garantie à l’examen d’une collectivité territoriale, mais laquelle ? Qui décidera cette subordination ? La commission spéciale pourra-t-elle s’autosaisir ? Les collectivités pourront-elles s’y opposer ?
Vous avez donc réglé un problème, mais vous en créez trois autres ! C’est peut-être un raisonnement dialectique mais, à un moment donné, il faut retomber sur ses pieds, et, là, ce n’est pas le cas !
Par conséquent, je vous demande, madame Beaufils, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Beaufils, l’amendement est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Je vais le retirer, mais j’aimerais que l’on puisse revenir sur cette question, car, aujourd’hui, aucune réponse n’est apportée aux collectivités territoriales qui sont confrontées à ces difficultés. Cela pose un véritable problème. Je ne suis pas convaincue que Dexia puisse leur apporter une réponse dans le cadre des négociations qui sont actuellement engagées.
Or on ne peut pas laisser dans cette situation les collectivités en considérant, comme Gilles Carrez, qu’elles ont pris leurs responsabilités. C’est une formule un peu hâtive qui semble méconnaître les conditions dans lesquelles un bon nombre d’entre elles ont été placées. Ainsi, ces collectivités ne disposent pas toujours de l’accompagnement technique qui leur serait nécessaire, notamment en termes de comptabilité. On peut d’ailleurs regretter que les services de l’État ne les aident pas davantage, notamment en ce qui concerne la nature des prêts qu’elles contractent.
Il est en tout cas de la responsabilité de l’État de réfléchir à la façon dont le problème peut être résolu. Cela me paraît important.
Monsieur le président, je retire l’amendement.
M. le président. L’amendement n° 8 rectifié est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Vincent et Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er février 2012, un rapport recensant les emprunts structurés, conclus entre les établissements de crédit et les collectivités territoriales et organismes publics, qui comportent soit un risque de change, soit des effets de structure cumulatifs ou dont les taux évoluent en fonction d’indice à fort risque. Il précise également le volume des produits répondant aux indices sous-jacents 3, 4 et 5 de la Charte de Bonne conduite conclue entre les établissements bancaires et les collectivités locales, le 7 décembre 2009.
Le rapport établit le bilan de la médiation, organisée par l’État, entre les établissements de crédits et les collectivités territoriales.
La parole est à M. Maurice Vincent.
M. Maurice Vincent. Cet amendement est dans la droite ligne des discussions qui viennent d’animer notre assemblée. Il est évident que l’on ne peut pas, à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative aussi important que celui-ci et touchant directement à Dexia, évacuer la question des emprunts toxiques souscrits par les collectivités territoriales.
Depuis plusieurs années, le nombre des maires concernés s’est accru, puisque, aujourd’hui, 400 communes ou collectivités sont confrontées à cette situation. Il s’agit donc bien d’un problème national.
Les maires, les élus ont sollicité l’État, qui a répondu, comme je l’ai dit tout à l’heure, avec la « charte Gissler ». Mais nous devons aujourd'hui évaluer un problème qui revêt une dimension nationale.
L’amendement que nous proposons a donc pour objet de convaincre le Gouvernement, de l’inciter, voire de l’obliger si cet amendement est adopté, à passer à la vitesse supérieure, non pas en répondant à toutes les demandes financières mais en prenant à bras-le-corps le problème, en créant les conditions de son examen approfondi afin de sortir par le haut de cette affaire.
Personne n’a intérêt à ce que les défauts de paiement se multiplient dans nos collectivités territoriales ou à ce que les investissements diminuent, faute de visibilité financière. Quel que soit le jugement moral que l’on peut porter sur les responsabilités des uns ou des autres, il s’agit maintenant d’avancer dans le traitement positif de ce problème des prêts toxiques, qui concerne toutes les collectivités, quelle que soit la couleur politique de leurs élus.
Certaines initiatives ont été prises par le Gouvernement. Cet amendement vise à passer à l’étape suivante en prévoyant la remise par le Gouvernement d’un rapport comprenant un bilan exhaustif de la situation des collectivités touchées par ces emprunts toxiques hors champ de la « charte Gissler », des précisions quant au volume des produits répondant aux indices sous-jacents 3, 4 et 5 de ladite charte, et un bilan précis de la médiation Gissler, bilan qui n’a jamais été fait, alors qu’il a été demandé par la Cour des comptes dans son dernier rapport.
Nous demandons que l’ensemble de ce bilan puisse être produit d’ici au 1er février 2012.
Derrière cette demande, il y a évidemment la volonté d’amener le Gouvernement à s’engager dans le traitement de ce dossier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Les données dont nous disposons à l’heure actuelle sont effectivement partielles et disparates. Elles émanent de sources différentes qui peuvent être des cabinets privés, la Cour des comptes ou des institutions financières. Or un bilan complet est indispensable.
C’est ce que vous proposez, au nom du groupe socialiste, dans un amendement qui, émanant en outre de l’élu d’une collectivité fréquemment citée pour ses emprunts toxiques, m’apparaît très opportun.
Je donne donc un avis favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai des deux mains cet amendement. En effet, tout en étant mieux formulé que celui que j’avais présenté, il vise les mêmes objectifs, à savoir la nécessité de faire un point sur la médiation, les encours et les risques.
Aucune des collectivités touchées par ces emprunts toxiques n’a l’intention de se dédire de ses engagements. Elles veulent simplement pouvoir négocier le montant des intérêts exigés. Il n’est pas question que les communes se dégagent de leur obligation principale, qui consiste à rembourser les emprunts dans des conditions normales et non à des taux quasi usuraires liés à des clauses d’indexation qui peuvent être considérées comme abusives et devraient à tout le moins être réputées non écrites.
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Je ne suis pas contre cet amendement, mais j’aimerais que soit également établi un rapport recensant le nombre de rapports demandés au Gouvernement chaque année et précisant combien d’entre eux sont effectivement déposés. (Sourires.)
Ces demandes de rapport sont une facilité dans laquelle on tombe trop volontiers…
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, après l'article 4.
Coordination
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. À la suite de l’adoption de l’amendement n° 1, qui a virtuellement, et très provisoirement, amélioré le solde de l’équilibre général du budget à hauteur de 596 millions d’euros, le Gouvernement demande que, en application de l’article 47 bis, alinéa 3, du règlement du Sénat, il soit procédé à une coordination sur l’article 1er du projet de loi de finances rectificative, relatif à l’équilibre des ressources et des charges.
On aurait pu éventuellement, de façon tacite, considérer que la coordination allait se faire automatiquement, mais, en vue de la tenue de la commission mixte paritaire, demain matin, il est probablement plus sage et plus cohérent, même si l’exercice peut sembler un peu formel, de procéder ainsi.
M. le président. Je rappelle les termes de l’article 47 bis, alinéa 3, du règlement du Sénat : « Avant le vote sur l’ensemble du projet de loi de finances, les dispositions des alinéas 4 à 6 de l’article 43 ne peuvent pas être appliquées aux articles de la première partie du projet. Toutefois, sur demande du Gouvernement ou de la commission des finances, il peut être procédé à une coordination. »
Le Gouvernement en ayant formulé la demande, nous allons procéder à cette coordination.
Article 1er et état A (pour coordination)
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. Modifier comme suit le I de l’article :
« I. ─ Pour 2011, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et le supplément des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :
(En millions d’euros) |
|||
Ressources |
Charges |
Soldes |
|
Budget général |
|||
Recettes fiscales brutes / dépenses brutes |
3 907 |
2 273 |
|
À déduire : Remboursements et dégrèvements |
2 273 |
2 273 |
|
Recettes fiscales nettes / dépenses nettes |
1 634 |
0 |
|
Recettes non fiscales |
-307 |
||
Recettes totales nettes / dépenses nettes |
1 327 |
0 |
|
À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne |
-94 |
||
Montants nets pour le budget général |
1 421 |
0 |
1421 |
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants |
|||
Montants nets pour le budget général, y compris fonds de concours |
1 421 |
0 |
|
Budgets annexes |
|||
Contrôle et exploitation aériens |
|||
Publications officielles et information administrative |
|||
Totaux pour les budgets annexes |
|||
Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants : |
|||
Contrôle et exploitation aériens |
|||
Publications officielles et information administrative |
|||
Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours |
|||
Comptes spéciaux |
|||
Comptes d’affectation spéciale |
|||
Comptes de concours financiers |
-735 |
85 |
-820 |
Comptes de commerce (solde) |
|||
Comptes d’opérations monétaires (solde) |
|||
Solde pour les comptes spéciaux |
-820 |
||
Solde général |
601 |
II. Rédiger ainsi le 1° du II de l’article :
« 1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :
(En milliards d’euros) |
|
Besoin de financement |
|
Amortissement de la dette à long terme |
48,7 |
Amortissement de la dette à moyen terme |
46,1 |
Amortissement de dettes reprises par l’État |
0,6 |
Déficit budgétaire |
94,9 |
Total |
190,3 |
Ressources de financement |
|
Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique |
184,0 |
Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique |
- |
Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés |
- 5,0 |
Variation des dépôts des correspondants |
4,5 |
Variation du compte de Trésor |
1,2 |
Autres ressources de trésorerie |
5,6 |
Total |
190,3 |
La parole est à M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Favorable !
M. le président. Je mets aux voix, modifié, l’ensemble de l'article 1er et de l’état A annexé.
(L’article 1er et l’état A annexé sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative, je donne la parole à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure générale, chers collègues, alors que nous arrivons au terme de ce débat, je voudrais remercier particulièrement les ministres qui se sont succédé au banc du Gouvernement : Patrick Ollier qui, en début de séance, nous a apporté, outre la présence du Gouvernement, toutes les explications nécessaires, et François Baroin, qui nous a rejoints à la suite d’une réunion certainement importante sur le chemin du Conseil européen de cette fin de semaine. Je les remercie l’un et l’autre ainsi que leurs équipes, car, comme de coutume, la commission des finances a, me semble-t-il, été bien informée.
Je tiens tout particulièrement à remercier Mme la rapporteure générale, que nous voyons entrer dans son nouveau rôle et qui est assistée, comme il convient, par le secrétariat de la commission.
Je voudrais enfin saluer l’ensemble de mes collègues. Nous sommes en train de nous adapter à une nouvelle configuration, qui est très intéressante. Les votes de ce soir ont montré que, si chacun d’entre nous s’est efforcé d’être fidèle à sa logique, nous avons pour autant tous conscience de la gravité des problèmes à traiter et de la nécessité d’y répondre ensemble, de façon responsable.
Notre discussion de ce soir a constitué, me semble-t-il, une bonne introduction à notre session budgétaire.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Mes chers collègues, je sais qu’il est quelquefois ennuyeux de devoir écouter une explication de vote à une heure aussi tardive, mais, pour moi, il est important de dire au Gouvernement que la procédure accélérée n’est pas la solution la plus efficace pour résoudre un problème comme celui que nous avons évoqué ce soir.
M. Philippe Dallier. Mais il y a le feu !
Mme Marie-France Beaufils. Avec ce texte, monsieur le ministre, vous êtes resté au milieu du gué. L’État s’apprête à accorder sa garantie à un dispositif tendant au redressement de Dexia sans que soit réglée la question, essentielle, du financement des collectivités territoriales.
Lorsque l’on examine la situation, on constate que l’euro, qui était considéré comme la réponse à tous les maux de l’instabilité monétaire, est un échec : il est incapable de nous protéger des aléas de la spéculation financière, notamment la spéculation sur les devises. Nous sommes bien là au cœur de la question qui nous est posée avec les prêts structurés.
La solution proposée ne règle rien, puisqu’elle ne prend pas en compte la nécessité d’extraire du marché financier l’ensemble du financement des collectivités territoriales.
Aussi, je souhaite que nous puissions très rapidement débattre du futur véhicule législatif que vous avez évoqué, mais dont nous ne savons toujours pas en quoi il consistera ni s’il permettra de répondre vraiment efficacement aux besoins des collectivités locales, et par là j’entends non seulement les investissements qui leur sont nécessaires dans les territoires, mais également le soutien à l’emploi et au maintien de la dynamique des activités artisanales et des PME.
Au vu de la dégradation de l’emploi sur le terrain, il est très important qu’une réponse puisse être apportée rapidement.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi de finances rectificative.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 8 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 324 |
Contre | 20 |
Le Sénat a adopté le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2011.
9
Nomination de membres d'une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2011, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : M. Philippe Marini, Mme Nicole Bricq, MM. François Marc, François Patriat, Éric Bocquet, Charles Guené et Aymeri de Montesquiou ;
Suppléants : Mme Michèle André, MM. Georges Patient, Marc Massion, Yvon Collin, Francis Delattre, Philippe Dominati et François Trucy.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 20 octobre 2011, à quinze heures :
Questions d’actualité au Gouvernement.
Monsieur le ministre, malgré un emploi du temps que nous savons très chargé, vous avez tenu à être présent ce soir au Sénat et je vous en remercie.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 20 octobre 2011, à une heure quarante.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART