M. le président. La parole est à M. Alain Néri, pour un rappel au règlement.
M. Alain Néri. Monsieur le président, je trouve irrespectueux pour le monde combattant que notre débat se déroule dans de telles conditions.
Cette discussion générale, moment fort de l’expression démocratique, sera en effet tronquée puisque, à peine entamée, elle va être interrompue dans quelques instants par la suspension de la séance, ce qui nuira à la qualité et à la cohérence de nos échanges. Le devoir de mémoire revêt pourtant un caractère essentiel et s’impose à tous.
Monsieur le président, il aurait été préférable de commencer la discussion générale cet après-midi.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Je vous rappelle néanmoins que je ne fais que respecter les décisions de la conférence des présidents et du bureau du Sénat.
M. Alain Gournac. Exactement ! Le bureau s’occupe de l’organisation des débats !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Malheureusement, les débats sur le projet de loi de finances obéissent à des contraintes dont nous devons tenir compte. Tout retard se répercute sur l’examen des crédits des missions suivantes. Si les dérapages sont trop importants, nous devrons siéger le samedi, voire le dimanche. Ce n’est pas nécessairement souhaitable pour la médiatisation de nos travaux ! Je déplore que la discussion des crédits de la mission « Justice » ait pris plus de temps que prévu…
M. Ronan Kerdraon. Il faudra le dire à M. le garde des sceaux !
M. le président. La responsabilité de la dérive de ce matin est partagée entre M. le garde des sceaux et chacun des orateurs !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de M. le président du Sénat, retenu cet après-midi au Congrès des maires.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
agences de notation
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Pour la bibliothèque rose libérale (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP),…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça commence bien !
M. Pierre-Yves Collombat. … les agences de notation sont des instruments, objectifs et indépendants, d’évaluation de la solidité des acteurs financiers et de la fiabilité de leurs produits. Simples thermomètres,…
M. Jackie Pierre. Cassez-les !
M. Pierre-Yves Collombat. … elles ne sauraient être responsables des fièvres qu’elles mesurent.
Curieux thermomètres, qui ne détectent pas les débuts de fièvres, mais aggravent celles-ci une fois déclarées ! Crise asiatique, crise des valeurs internet, banqueroute d’Enron, de WorldCom, de Lehman Brothers et des rehausseurs de crédit américains : partout plane l’ombre des agences de notation.
Récemment, Fitch a abaissé la note de PSA, dont les résultats ont pourtant progressé de 18 % au premier semestre de 2011. Un train de licenciements suit, histoire de « rassurer les marchés » ! Cette même agence vient tout juste de rendre publique sa décision de dégrader la note du Portugal pour cause de récession – récession provoquée par la rigueur demandée.
Après avoir certifié les produits financiers à base de subprimes qui ont empoisonné le système bancaire mondial, les agences de notation sont passées à la déstabilisation des États qui se sont endettés pour sauver les banques d’un naufrage mérité. La facture de la récession et du chômage, on le sait, a été envoyée aux peuples…
Cerise sur le gâteau, voilà quelques jours, Standard & Poor’s – j’ai failli dire Laurel et Hardy ! –…
M. Jean-Claude Carle. Vous exagérez !
M. Pierre-Yves Collombat. … a annoncé « par erreur » la dégradation de la note de la France, s’attirant ainsi les foudres, sans que cela entraîne plus d’effets, des autorités françaises et suscitant une démangeaison régulatrice à Bruxelles.
Régulons donc, la morale publique y gagnera certainement. Mais, régulation ou pas, monsieur le ministre, aussi longtemps que l’alpha et l’oméga de votre politique sera de sauver le « triple A » français – ou plutôt ce qu’il en reste, au vu de l’écart entre les taux consentis à l’Allemagne et à la France –, vous resterez l’otage des agences de notation et des marchés.
M. Alain Gournac. Nul !
M. Pierre-Yves Collombat. On ne rassure pas les marchés : quand ils ne craignent pas un excès d’endettement, c’est un défaut de croissance qui les inquiète. On ne rassure pas les marchés : on s’en passe ! (M. le Premier ministre rit.) La Banque centrale européenne devrait être faite pour cela.
Ma question est donc simple : jusqu’à quand la France acceptera-t-elle de se plier aux marottes mortifères de l’Allemagne (Murmures sur les travées de l’UMP.), qui refuse toute monétisation directe des déficits publics, moyen pourtant de sortir de la crise à moindres frais et de sauver l’Europe ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur Collombat, vous allez vraiment très loin dans les facilités de langage pour résumer une situation qui, en réalité, est extrêmement sérieuse.
Ce n’est pas en tapant comme vous le faites sur les agences de notation que l’on réglera le problème essentiel, à savoir l’accumulation des déficits depuis trente ans,…
M. Jean-Louis Carrère. Surtout depuis cinq ans !
M. François Baroin, ministre. … amplifié par une crise mondiale sans précédent. Pour sauver l'économie et les dépôts des particuliers, pour éviter une récession majeure et ses cortèges de douleurs sociales, les États ont accepté de prendre le fardeau sur leurs épaules. Telle est la réalité que nous avons à affronter.
La question principale porte donc sur la politique à suivre en matière de finances publiques, sur le rythme de réduction des déficits publics, sur la tenue du calendrier que nous proposons à nos partenaires, et non sur la destruction de « thermomètres », pour reprendre le terme que vous avez employé.
Pour autant, il faut en effet plus de transparence, plus de réglementation et plus de responsabilité.
Plus de transparence, c’est ce qui a été obtenu grâce aux différents travaux menés dans le cadre du G20, qui ont permis de mettre des moyens juridiques supplémentaires à la disposition des autorités de marché, en France comme à l’échelon européen.
En matière de responsabilité, vous avez eu raison d’évoquer ce que nous avons nous-mêmes qualifié de « boulette ». Dans les temps actuels, empreints d’incertitudes et de turbulences, c’est de confiance que nous avons besoin. La responsabilité de l’agence de notation en question doit être à la hauteur de la faute qu’elle a commise et reconnue. Son président s’est déplacé en personne pour présenter ses excuses. Nous avons réagi immédiatement. J’ai saisi l’autorité de régulation compétente et, ce matin, devant la place de Paris, j’ai réaffirmé la position du Gouvernement français. Les régulateurs disposent aujourd'hui de plus de moyens juridiques pour adapter la sanction à l’importance de la faute.
Naturellement, il importe d’aller vers une moins grande dépendance à l’égard de ces agences de notation. La France, au côté de la Commission européenne, œuvre à cette fin. Il s’agit d’adapter la réglementation européenne en fonction de cet objectif prioritaire. En effet, il ne faut pas oublier que la publication d’une note par une agence entraîne des contraintes juridiques. Il faut donc mettre en place un cadre européen pour les alléger : c’est le chemin que nous empruntons. À cet égard, la France est aux avant-postes et elle soutiendra les propositions que fera la Commission européenne. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
finances locales
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.
Nous avons eu un long débat, au cours de l’examen du projet de loi de finances, sur le niveau des concours de l’État aux collectivités territoriales. Je suis au regret de le dire, je ne vois pas comment nous pourrions, dans le même temps, demander à tous les Français des efforts et nous en exonérer au sein de nos collectivités.
Mme Nicole Bricq. C’est reparti…
M. Dominique de Legge. Défendre les finances des collectivités territoriales, mes chers collègues, c’est d’abord éviter de mettre de façon insidieuse de nouvelles dépenses à leur charge. À cet égard, notre responsabilité de législateur est engagée.
De ce point de vue, je note une appréciation assez nouvelle de l’application de l’article 40 de la Constitution dans notre assemblée, donnant à penser qu’il suffirait d’être majoritaire pour s’en exonérer. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Je souhaite que nous puissions, sous une forme ou une autre, reprendre les propositions de notre collègue Éric Doligé sur l’allégement des normes, fût-ce au risque de devoir affronter quelques corporatismes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, nous devons être clairs et cohérents. On ne peut, comme le fait Terra Nova, soutenir que le problème français tient au fait que nos « 36 000 communes atomisent les capacités d’action », pour en conclure que les intercommunalités doivent se transformer « en collectivités locales de plein exercice avec attribution de la clause générale de compétences », tout en prétendant se faire le défenseur de l’autonomie communale.
Mme Nicole Bricq. Vous mélangez tout ! Quelle est votre question ?
M. Dominique de Legge. On ne peut à la fois demander plus de dotations d’État pour tenir compte de la réalité des dépenses liées aux transferts de compétences et dénoncer une perte d’autonomie fiscale.
On ne peut à la fois, au nom de la solidarité, en appeler à la péréquation et demander que soit donnée à toutes les collectivités, notamment aux plus riches, une garantie de ressources.
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Dominique de Legge. Les maires l’ont clairement exprimé, ils veulent un discours courageux et de vérité.
M. Charles Revet. Comme toujours !
M. Dominique de Legge. C’est d’ailleurs le sens des nombreux suffrages qui se sont portés sur la candidature à la présidence de l’Association des maires de France de notre collègue député Jacques Pélissard, réélu avec 64 % des voix ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. Jean-Louis Carrère. Qu’est-ce que cela aurait été si vous aviez remporté les sénatoriales ! Vous auriez applaudi debout ?
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, je prends acte avec satisfaction de l’évolution de la structure de la DGF et de la part prépondérante donnée à la péréquation.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. La question !
M. Jean-Louis Carrère. C’est terminé !
M. Dominique de Legge. Pour autant, je souhaite vous interroger sur les dispositions que vous comptez prendre pour faire en sorte que les dotations accordées tiennent de mieux en mieux compte de la richesse des territoires au regard de leurs charges effectives. D’une façon plus générale, quel équilibre souhaitez-vous instaurer entre péréquation verticale et péréquation horizontale ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
M. Didier Boulaud. C’est téléphoné !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur de Legge, vous relevez à juste titre les efforts faits par le Gouvernement en matière de mise en œuvre des principes constitutionnels qui s’appliquent aux ressources financières des collectivités territoriales : autonomie financière, stricte compensation des charges transférées, péréquation.
M. Jean-Louis Carrère. Quelle spontanéité !
M. Philippe Richert, ministre. Dans le cadre du budget pour 2012 dont le Parlement est en train de débattre, nous souhaitons aller plus loin en matière de péréquation.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Un budget de l’ordre de 3 milliards d’euros est destiné au bloc communal au titre de la péréquation dite verticale, c’est-à-dire de l’État vers les collectivités. Cela permettra de mieux accompagner les communes et intercommunalités fragiles.
Un effort a aussi été consenti pour développer la péréquation horizontale, c’est-à-dire entre départements, afin que ceux qui sont réputés riches puissent aider ceux qui le sont moins. (M. Philippe Darniche applaudit.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’État ne joue plus son rôle en matière de péréquation !
M. Philippe Richert, ministre. Nous allons, cette année, entrer dans une troisième phase, en mettant en place une péréquation horizontale à l’échelon de la strate communale. Dès 2012, cela devrait permettre de répartir environ 250 millions d'euros au bénéfice des communes et intercommunalités les plus fragiles. Ce dispositif est appelé à monter en charge, jusqu’à représenter 1 milliard d’euros en 2016.
La création du fonds de péréquation intercommunal et communal constitue une avancée majeure en termes d’équité entre territoires. C’est la première fois qu’un tel fonds est mis en place et que les intercommunalités sont désignées comme l’échelon de référence d’un tel mécanisme de solidarité, en cohérence avec la mise en œuvre de la réforme des collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous aurons un débat sur les critères d’éligibilité au fonds de péréquation intercommunal et communal. Je compte bien que, à l’issue de ce débat, nous soyons les uns et les autres contents du travail accompli. Il y a une étape importante à franchir ; je souhaite que nous puissions le faire ensemble ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
situation en égypte
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé de la coopération.
Depuis quelques jours, dans le monde entier, les regards sont de nouveau tournés vers la place Tahrir, où semble se jouer l’avenir de l’Égypte.
Les scènes que nous pouvons entrevoir sont très inquiétantes. Les incidents violents se sont multipliés : il est fait état de plusieurs morts et de nombreux blessés. La situation est confuse et la question de la brutalité policière se pose encore.
Ces événements très médiatisés occultent pourtant des atteintes aux droits de l’homme nombreuses et répétées. Partout dans le pays, la répression des manifestants et des protestataires se poursuit, physiquement et sur internet, tandis que, dans le domaine religieux, la discrimination contre les minorités est toujours d’actualité.
M. Charles Revet. C’est vrai !
Mme Catherine Morin-Desailly. Ces constats amènent à poser la question de la capacité du Conseil supérieur des forces armées à mener la transition démocratique. Celle-ci est nécessaire : l’Égypte est un grand pays, qui était jusqu’alors un pôle de stabilité régionale, notamment au regard du conflit israélo-palestinien. Son peuple mérite de trouver la voie de la paix et de la démocratie.
Malgré le calendrier fixé par le pouvoir égyptien, prévoyant en particulier des élections parlementaires dans quelques jours, ce qui donne l’impression que la transition est en marche, nous sommes préoccupés par la situation.
Dans le respect de la souveraineté nationale de l’Égypte, la France doit agir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser quelles sont vos modalités d’action ? Que fait le Gouvernement pour soutenir la transition vers une société libre et démocratique, pour encourager le respect des droits humains, de la différence religieuse et des libertés d’expression ?
M. Charles Revet. Très bien !
Mme Catherine Morin-Desailly. Que fait-on, à l’échelon européen et international, pour éviter que ces heures critiques ne remettent en cause le processus engagé ?
N’oublions pas que, derrière la crise politique, se cache aussi une crise sociale profonde : une crise de la misère, sur fond d’explosion démographique. L’Égypte est un pays jeune, dont l’avenir paraît fort sombre.
Par le « partenariat de Deauville », lancé avec plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, les pays membres du G8 se sont engagés à apporter leur soutien à la mise en œuvre des réformes annoncées à la suite du printemps arabe. Pouvez-vous nous détailler, monsieur le ministre, les moyens d’action prévus, notamment en faveur de l’Égypte et de son développement économique ?
L’Égypte est un pays d’importance majeure dans le monde méditerranéen ; il se trouve à un tournant pour son avenir ! Si nous sommes convaincus qu’il revient à l’Égypte de construire son destin, il appartient à la France, en tant que pays ami, de se poser aujourd’hui ces questions essentielles. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Madame la sénatrice, je sais l’intérêt tout spécial que vous portez, en tant que présidente du groupe d’amitié sénatorial, à ce grand pays ami de la France qu’est l’Égypte.
Les événements qui se déroulent ces jours-ci sur la place Tahrir sont effectivement inquiétants. Je crois que nous devons réagir en concentrant nos efforts sur plusieurs points.
Il convient d’abord d’inciter les autorités de transition égyptiennes à respecter les échéances électorales. À cet égard, il faut absolument que les élections législatives puissent se tenir comme prévu dans quelques jours, et ce dans d’excellentes conditions. Elles doivent précéder, selon un calendrier resserré, l’élection présidentielle, qui désignera le nouveau chef de l’État.
Ensuite, il faut que la transition démocratique vers un pouvoir civil puisse s’opérer dans les meilleures conditions. La communauté internationale agit en ce sens au travers du Forum pour le futur et du partenariat de Deauville. Ce dernier a permis de mobiliser 40 milliards d’euros en faveur de l’Égypte et de la Tunisie : 20 milliards d’euros proviennent des grandes banques internationales, 10 milliards d’euros des pays du Golfe et 10 milliards d’euros des pays membres du G8. Ces fonds sont destinés à aider à la transition sociale et à soutenir la relance de l’économie, pour promouvoir un nouvel équilibre.
Le Premier ministre nous a demandé d’être extrêmement vigilants sur les conditions dans lesquelles toutes ces opérations complexes se déroulent. En effet, nous le savons bien, si le printemps arabe a permis l’émergence de grandes promesses, le moment est historiquement difficile et elles ne pourront être réalisées sans heurts ni difficultés. Par conséquent, dans un esprit de responsabilité, incitons les autorités égyptiennes à bien respecter la volonté populaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
fraude sociale
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. M. Sarkozy affirmait, voilà quelques jours, que « voler la sécurité sociale, c’est trahir la confiance de tous les Français ». (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.) Du reste, il a annoncé, dans la foulée, des contrôles plus stricts de la part de l’administration.
M. Alain Gournac. Il a raison !
M. Jean-Jacques Mirassou. Parallèlement, vous avez annoncé, monsieur Bertrand, la mise en place d’un quatrième jour de carence pour les salariés du secteur privé en cas d’arrêt pour maladie, ainsi que celle d’un jour de carence dans les trois fonctions publiques.
Bien sûr, personne ne saurait accepter la fraude, quelle qu’elle soit (Bravo ! sur les travées de l’UMP.), mais vos intentions électoralistes sont aussi évidentes que malsaines.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Au Gouvernement, vous ne vous occupez pas de tous les fraudeurs ! Les patrons voyous, cela ne vous concerne pas !
M. Jean-Jacques Mirassou. En effet, vous prenez délibérément le risque, pour instrumentaliser la fraude, de punir les malades tout en désignant tous les salariés comme des fraudeurs ou des voleurs potentiels, sans oublier les médecins, qui sont les prescripteurs des arrêts pour maladie.
Faut-il préciser, au passage, que moins de 3 % des indemnités versées au titre de l’assurance maladie le sont pour des arrêts de moins de dix jours ? Vous vous livrez, de surcroît, à un exercice qui vous est familier, consistant à opposer les salariés du privé à ceux du public. Permettez-moi de vous le dire, ce faisant, vous flirtez avec le populisme !
M. Alain Gournac. Et le flirt avec le communisme, cela vous dit quelque chose ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Dans le même temps, s’agissant de la fraude, il est un domaine où, jusqu’à présent, nous vous avons trouvés bien discrets. En effet, nous aimerions vous voir déployer autant d’énergie et de sévérité à l’égard des fraudeurs aux cotisations sociales – le montant de cette fraude est estimé à 2 milliards d’euros – ou de ces patrons voyous qui font appel à l’argent public avant de délocaliser ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Par ailleurs, qu’avez-vous fait jusqu’à présent pour lutter contre l’évasion fiscale, notamment en Suisse, alors qu’un ancien ministre du budget prétendait connaître les tricheurs ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trop drôle ! Quelle honte !
M. Jean-Jacques Mirassou. Rien, ou si peu !
En France, la fraude aux prestations sociales atteint 400 millions d’euros. C’est trop, bien sûr, mais cela ne pèse pas lourd en face des 25 milliards d’euros que représente la fraude fiscale dans notre pays !
M. Alain Gournac. La question !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce constat étant posé, ma question sera simple : vous reste-t-il suffisamment de lucidité pour reconnaître que les plus modestes ne sont pas des voleurs ou des profiteurs du système potentiels, mais, bien au contraire, les victimes de votre politique d’injustice fiscale ?(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Carrère. À l’abordage !
M. Xavier Bertrand, ministre. … vous reste-t-il suffisamment de lucidité pour reconnaître que la lutte contre les fraudes est largement soutenue par l’opinion française ? (Non ! sur les travées de l’UMP.)
Un sénateur du groupe socialiste-EELV. Contre toutes les fraudes !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous reste-t-il suffisamment de lucidité pour reconnaître que, dans votre département, vos concitoyens jugent la fraude insupportable, quels que soient la nature de la fraude et le statut du fraudeur ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour vous, le fraudeur est toujours du même côté !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous mettons la même énergie à lutter contre les faux chômeurs qu’à lutter contre les faux entrepreneurs ne faisant travailler que de la main-d’œuvre clandestine ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous déployons la même énergie, monsieur le sénateur, pour sanctionner le bénéficiaire d’un faux arrêt de travail que pour sanctionner le signataire du faux arrêt de travail ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.) C’est cela, la justice !
Vous qui savez tout, vous ne pouvez ignorer que des enquêtes montrent que ce sujet transcende très largement les clivages politiques. Si vous aviez un minimum de lucidité, vous reconnaîtriez que si nous voulons préserver notre modèle social,…
M. Jean-Louis Carrère. Vous ne voulez pas le préserver !
M. Xavier Bertrand, ministre. … nous devons avoir le courage de réformer – il est vrai que courage et socialisme n’ont jamais vraiment fait bon ménage (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) –…
M. Didier Boulaud. C’est le petit Baroin illustré !
M. Xavier Bertrand, ministre. … et celui de réprimer des fraudes injustifiables. À l’Assemblée nationale, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, est coprésidée par un député socialiste, M. Mallot, et par un député de l’UMP. C’est dans une telle instance, plus qu’en séance publique, où prévalent trop souvent les effets de manches, que l’on peut travailler ensemble sur ces questions et avancer, au-delà des appartenances politiques ! Pour notre part, nous mettons en œuvre les conclusions de la MECSS ! Ainsi, cette année, les résultats de la lutte contre la fraude se sont accrus de 20 %. Valérie Pécresse, de son côté, prend de nouvelles initiatives pour réprimer la fraude fiscale.
Vous dites que nous en faisons trop, mais moi je trouve que nous n’en faisons pas encore assez : je tiens à vous le dire, nous irons plus loin ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Supprimez les paradis fiscaux !
M. Xavier Bertrand, ministre. Afin de donner aux agents de contrôle de la sécurité sociale les outils nécessaires pour faire reculer la fraude, nous mettrons en place, avant la fin de l’année, un fichier national des allocataires sociaux. Cela ne vous plaît peut-être pas, mais cela plaît aux Français, qui savent que ceux qui n’ont rien à se reprocher n’ont rien à craindre de la création d’un tel fichier ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Permettez-moi, en guise de conclusion, de citer Martine Aubry : « Quand c’est flou, il y a un loup ! » En la matière, votre position est floue, elle est inacceptable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)