M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Qui s’en méfie ?

Mme Nathalie Goulet. La diplomatie parlementaire, qui souffre d’une suspicion de principe, doit, à mon avis, être rénovée.

Ces observations étant faites, j’indique, monsieur le ministre d’État, que, pour ma part, je voterai votre budget, qui me paraît être, dans cette période difficile où « l’équipe France » doit être unie derrière son ministre des affaires étrangères, un bon budget pour notre pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Madame la présidente, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, l’action extérieure de l’État conditionne la continuité du rayonnement de la France sur la scène internationale et détermine la stratégie d’influence de notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous accordons tant d’importance à ce budget, certes peu important au regard de l’ensemble du budget de l’État, mais capital pour l’image que nous souhaitons voir notre pays refléter à l’étranger.

Beaucoup l’ont rappelé avant moi, et je ne manquerai pas de le dire à nouveau, en juillet 2010, près de six mois avant de réintégrer le Quai d’Orsay, monsieur le ministre d'État, vous publiiez une tribune, cosignée par M. Hubert Védrine, dans Le Monde. Cette tribune, vous aviez décidé de l’intituler : « Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay ! ».

Votre clairvoyance faisait apparaître votre inquiétude, et je ne doute pas que votre prise de conscience sur l’évolution de notre diplomatie tenait compte, non seulement de la diminution des moyens affectés à votre futur ministère, mais également à la dégradation de la culture diplomatique de notre pays, héritage de traditions et de savoir-faire. Mars 2011 confirmait cette évolution.

L’engagement de la France en Libye, décidée au plus haut niveau de l’État, après l’intervention d’un personnage beaucoup plus préoccupé de son image et de ses relations avec la presse à sensations, fut une première du genre.

Cette décision approuvée par le Parlement ne donna pas aux Français et à la plus grande partie des observateurs mondiaux une bonne image de notre gouvernance. Elle a de surcroît mis à mal la réputation de notre diplomatie.

M. Alain Juppé, ministre d'État. C’est la première fois que j’entends dire cela !

M. Jacques Berthou. Cependant, je dois reconnaître qu’il est une action qui a redoré l’image de la France et dans laquelle votre intervention, monsieur le ministre d'État, a été déterminante. Je pense au vote de la France qui a favorisé l’entrée de la Palestine à l’UNESCO, ainsi qu’à vos efforts au Proche-Orient pour tenter d’instituer une paix juste entre Israël et les Palestiniens.

Chacun sur ces travées s’accorde à dire, ou à penser, que votre compétence et votre autorité, monsieur le ministre d’État, ne furent pas étrangères au réveil de notre diplomatie, réveil qui, je l’espère, ne sera pas éphémère.

Bien au-delà de ces interventions où la France a tenu le devant de la scène internationale, il y a l’indispensable obligation pour notre pays de participer activement et durablement à de multiples actions. C’est ainsi qu’à travers le monde, jusqu’à voilà quelques années encore, a été valorisée l’image « France », associée à notre culture, à nos traditions démocratiques et à l’originalité de notre politique extérieure.

Il va de soi, monsieur le ministre d'État, que cette présence française doit s’appuyer sur nos ambassades, qui doivent impérativement disposer des moyens d’assumer leur rôle.

Or le budget de la mission « Action extérieure de l’État » affiche, par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, une baisse de 2 %.

Il ne faut en outre pas oublier que, pendant la période 2009-2011, ce sont plus de 700 emplois qui ont été supprimés dans votre ministère, comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues.

Je crains que les effets de cette politique ne limitent considérablement nos actions et ne mettent en péril l’efficience de notre réseau diplomatique.

Ce n’est pas avec de telles conditions que nous pourrons, je ne dis pas développer, mais simplement maintenir une présence française ambassadrice de notre culture, de nos savoirs et de la francophonie.

Qu’il est loin le temps, monsieur le ministre d'État, où la France investissait, finançait, entre autres établissements, des lycées et favorisait des liens entre nos universités et celles à la construction desquelles nous avions apporté notre aide.

Permettez-moi à ce titre d’évoquer un souvenir. En juin dernier, avec ma collègue Michelle Demessine et le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de l’époque, M. Josselin de Rohan, j’avais rencontré au cours d’une mission en Afghanistan la présidente de la commission des affaires étrangères du Sénat afghan. Celle-ci n’a cessé de témoigner de son profond respect pour notre pays, citant nos écrivains, nos philosophes, le siècle des Lumières, nos chercheurs. Elle soulignait l’importance que pouvaient avoir le rayonnement et l’influence de la France dans bien des pays, dont le sien.

Une telle prise de position trouvait logiquement sa justification dans la présence à Kaboul du lycée Esteqlal, décidé en 1966 par le Général de Gaulle et inauguré en 1968 par Georges Pompidou. Il est vrai, et nous le regrettons, que les priorités de l’époque ne sont plus celles d’aujourd’hui.

Les faits sont là : la faiblesse de nos moyens ne permet plus à notre pays de maintenir ses zones d’influence historiques. Elle a pour corollaire la perte progressive de notre langue.

Pour limiter cette dégradation, il existe bien quelques manifestations, colloques ou rencontres, telle la Journée internationale de la francophonie, organisée le 20 mars, mais dont l’intérêt est limité par manque de moyens. Il me semble d’ailleurs, monsieur le ministre d’État, que, lors de l’inauguration des états généraux de la promotion du français dans le monde, organisés au mois d’octobre dernier à Paris, vous aviez insisté sur ce point. J’espère que, de ce fait, vos actions ne seront pas entravées.

À l’heure où d’autres pays bénéficient de moyens d’influence plus directs, usent de la force de leur économie pour s’implanter durablement dans des pays où le français était la langue parlée et dont l’usage se perd progressivement, il vous faut impérativement réagir. Si notre langue est universellement reconnue, si elle représente le langage de la liberté, elle doit de nos jours non seulement favoriser nos relations culturelles et commerciales, mais aussi maintenir les influences qui furent les nôtres.

Malheureusement, monsieur le ministre d’État, le projet de budget que vous nous proposez ne nous permet pas de croire à une politique qui rehausserait la présence de la France dans le monde et qui défendrait notre langue et la francophonie. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

M. Robert del Picchia. C’est dommage !

Action extérieure de l'Etat (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Discussion générale

8

Modification du calendrier budgétaire

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Madame la présidente, mes chers collègues, je réclame votre indulgence, car je vais devoir retarder de quelques minutes la réponse de M. le ministre d’État, que nous attendons tous.

En effet, nous devons examiner demain, mercredi 30 novembre, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », ainsi que les huit articles qui y sont rattachés, dont certains sont relatifs à la question, tout à fait centrale, de la péréquation. Or 120 amendements ont été déposés ; la commission des finances les examinera ce soir, à partir de dix-neuf heures trente.

Autant dire qu'il est plus raisonnable de reporter d'ores et déjà l’examen des autres missions dont la discussion était initialement prévue demain.

Par conséquent, après concertation avec les commissions saisies pour avis et le Gouvernement, je vous soumets les propositions de modification du calendrier budgétaire suivantes.

En premier lieu, nous pourrions consacrer la totalité de la journée de demain à la seule discussion de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des amendements déposés sur les articles rattachés.

M. Jean-Louis Carrère, président de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous parlerons ainsi à loisir des collectivités territoriales et de la péréquation.

M. Jean-Michel Baylet. Les collectivités territoriales le méritent !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, elles le méritent, nos chères collectivités territoriales !

Mme Sylvie Goy-Chavent. Sujet crucial !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En revanche, il semble opportun de nous fixer une limite stricte et de nous engager à ne pas poursuivre nos travaux au-delà de zéro heure trente. Nous respecterions ainsi l’organisation du jeudi 1er décembre, dont les travaux commenceraient, comme prévu, à neuf heures trente.

En deuxième lieu, l’examen de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », initialement prévu demain, serait reporté au samedi 3 décembre, à quatorze heures trente. Nous achèverions ensuite éventuellement la discussion de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », si nous n’en avions pas terminé demain, à zéro heure trente.

En troisième lieu, la discussion des missions « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et « Provisions », du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », de la mission « Engagements financiers de l’État » et des comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux », « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d’affectation spéciale « Pensions », de la mission « Remboursements et dégrèvements », initialement inscrite demain, pourrait être opportunément reportée à vendredi 2 décembre, le matin, puisque ce créneau est libre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ayant été définitivement adopté…

Quatrièmement, et enfin, je rappelle que le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2012 est fixé au vendredi 2 décembre, à onze heures. En fonction du nombre d’amendements, nous pourrions décider de commencer leur examen dès samedi 3 décembre, après le vote des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et, le cas échéant, la fin de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Le débat sur les articles non rattachés se prolongera, comme prévu, lundi 5 décembre et mardi 6 décembre. Comme il se doit, nous aurons à voter sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2012 mardi 6 décembre, en fin de journée.

Je formulerai une toute dernière réserve : il va de soi que, si nous y étions contraints, il faudrait nous résigner à siéger dimanche après-midi.

M. Roland du Luart. Quelle joie ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais nous n'en sommes pas encore là !

Mme la présidente. Acte vous est donné de cette modification du calendrier budgétaire, monsieur le président de la commission des finances.

Y a-t-il des observations ?...

La parole est à M. Alain Néri.

M. Alain Néri. Madame la présidente, l'intervention du président de la commission des finances me surprend.

M. Roland du Luart. Il est dans son rôle !

M. Alain Néri. Il me semblait que l'ordre du jour était établi par la conférence des présidents. Celle-ci s'est-elle réunie pour modifier aussi considérablement l'organisation de nos travaux ?

M. Daniel Reiner. Bonne question !

Mme la présidente. Mes chers collègues, le dépôt de 120 amendements sur les articles rattachés pour leur examen à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » nous conduit à revoir nos prévisions d'ordre du jour. Fort heureusement, la commission des finances avait anticipé d'éventuels débordements et ménagé des espaces disponibles.

Il est néanmoins entendu que nous devons impérativement, demain, lever la séance à zéro heures trente, afin de pouvoir entamer dans les temps l’ordre du jour du jeudi 1er décembre, qui reste inchangé.

Il n'y a pas d'autre observation ?...

L’ordre du jour des séances du mercredi 30 novembre au samedi 3 décembre 2011 s’établit donc comme suit :

Mercredi 30 novembre 2011

Le matin, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Relations avec les collectivités territoriales (+ articles 53, 54, 55, 56, 56 bis, 57, 58 et 59)

- compte spécial : avances aux collectivités territoriales

En outre, à 14 heures 30 :

- Désignation des 39 membres de la commission sénatoriale de contrôle de l’application des lois

- Désignation :

- des 18 sénateurs membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;

- des 36 membres :

- de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ;

- et de la délégation sénatoriale à la prospective ;

- ainsi que des 21 membres de la délégation sénatoriale à l’outre-mer désignés à la représentation proportionnelle, les 21 sénateurs d’outre-mer étant membres de droit.

Jeudi 1er décembre 2011 (sans modification)

À 9 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Recherche et enseignement supérieur (deux heures trente)

- Sécurité (une heure trente)

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement

(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)

3°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Sécurité (suite)

- Sécurité civile (zéro heure quarante-cinq)

- Administration générale et territoriale de l’État (+ article 48 A) (quarante-cinq minutes)

- Enseignement scolaire (+ articles 51 septies et 51 octies) (trois heures)

Vendredi 2 décembre 2011

À 9 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Gestion des finances publiques et des ressources humaines et Provisions (une heure)

. compte spécial : gestion du patrimoine immobilier de l’État (+ articles 64 quater et 64 quinquies)

- Engagements financiers de l’État (trente minutes)

. compte spécial : accords monétaires internationaux

. compte spécial : avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

. compte spécial : participations financières de l’État

- Régimes sociaux et de retraite (trente minutes)

. compte spécial : pensions (+ articles 65 et 66)

- Remboursements et dégrèvements (quinze minutes)

À 14 heures 30 et le soir (sans modification) :

2°) Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Immigration, asile et intégration (une heure trente)

- Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales (+ articles 48, 48 bis et 48 ter) (trois heures trente)

. compte spécial : développement agricole et rural

- Conseil et contrôle de l’État (+ article 49 quater) (zéro heure trente)

- Pouvoirs publics (quinze minutes)

- Direction de l’action du Gouvernement (une heure)

. budget annexe : publications officielles et information administrative

Samedi 3 décembre 2011

À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi de finances pour 2012 :

- Sport, jeunesse et vie associative (une heure trente)

- Éventuellement, suite de la mission Relations avec les collectivités territoriales

- Éventuellement, suite de la discussion des missions et des articles rattachés reportés

- Discussion des articles de la seconde partie non rattachés aux crédits.

(Le délai limite pour le dépôt des amendements aux articles non rattachés est fixé au vendredi 2 décembre, à onze heures.)

9

Action extérieure de l'Etat (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Deuxième partie

Loi de finances pour 2012

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Action extérieure de l'Etat

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

Action extérieure de l’État (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2012
Article 32 et état B

Mme la présidente. Dans la suite de l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de l’État », la parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.

M. Jean-Pierre Cantegrit. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Action extérieure de l’État », en particulier du programme 151, s’inscrit dans la rigueur imposée par le contexte économique international. En effet, les crédits sont stables par rapport à l’an dernier, la seule progression enregistrée étant due à la ligne budgétaire destinée à financer les élections de 2012 auxquelles participeront nos compatriotes expatriés.

On dénombre actuellement plus de 2 millions de Français à l’étranger. Peut-on sincèrement croire, comme se plaisent à le véhiculer certains médias, voire certains parlementaires, que ce sont tous des exilés fiscaux ou fortunés ? Non ! Et vos services, monsieur le ministre d’État, en particulier la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, le savent très bien, eux qui les connaissent et les côtoient au quotidien. Je souhaite d’ailleurs leur rendre hommage, car ils accomplissent un travail remarquable, gérant des situations difficiles, parfois dramatiques, avec des moyens budgétaires limités.

Aussi, monsieur le ministre d’État, lorsque je constate que les crédits pour 2012 de l’action sociale de votre ministère demeurent à leur niveau de 2011, qui était déjà celui de 2010, je ne peux m’empêcher de penser que cela constitue en fait une quasi-régression en euros constants. Dans ces conditions, comment répondre à la demande légitime des Français expatriés les plus démunis ?

S’agissant des allocations de solidarité ou allocations handicapé versées par nos consulats, j’exprime le souhait que, en ce qui concerne le logement, leurs conditions d’attributions, appliquées de façon rigoureuse, soient considérées avec plus de souplesse et de manière plus adaptée selon qu’il s’agisse d’un allocataire isolé ou d’un couple d’allocataires et selon les pays de résidence.

La ligne budgétaire consacrée à la Caisse des Français de l’étranger, dont le montant est de 498 000 euros, me préoccupe également, notamment le dispositif dit de la troisième catégorie aidée. Un bref rappel s’impose à ce propos : ce dispositif est issu de la loi de modernisation sociale de 2002. L’an dernier, une modification est intervenue qui implique que, désormais, le financement de la troisième catégorie aidée est assuré par un cofinancement de l’État et de la Caisse des Français de l’étranger, sans pour autant que la répartition en soit précisée ou que l’abondement de l’État soit pérennisé à une hauteur suffisante.

Aujourd'hui, de grandes incertitudes pèsent sur les Français assurés auprès de la Caisse des Français de l’étranger qui, en raison de leurs faibles ressources, bénéficient de la troisième catégorie aidée. En effet, les 498 000 euros inscrits dans ce projet de budget ne permettent pas de couvrir le coût de la prise en charge prévue par la loi, à savoir un tiers de la cotisation. Par conséquent, la Caisse des Français de l’étranger doit puiser dans ses réserves. Jusqu’à quand pourra-t-elle le faire ?

Si cette situation devait perdurer, on peut légitimement s’interroger sur l’avenir de ce dispositif, même si, bien entendu, tout sera mis en œuvre pour le préserver.

La Caisse des Français de l’étranger couvre actuellement plus de 200 000 personnes, dont environ 9 000 en troisième catégorie aidée. Elle présente, en outre, des comptes équilibrés. Je suis donc surpris des attaques diverses dont elle est l’objet, des interrogations sur son existence et sa nécessité qui figurent dans le rapport de la Cour des comptes remis en 2010, alors que les services rendus à nos compatriotes sont appréciés de tous. Peut-être serait-il d’ailleurs utile de mener une enquête à ce propos via nos consulats et aussi d’interroger les entreprises expatriatrices et le MEDEF, qui est à l’origine de la création de la Caisse.

Et tout cela s’ajoute au fait que l’État se désengage du financement de cette troisième catégorie aidée et transfère de fait l’exercice de la solidarité à la Caisse des Français de l’étranger, qui doit assurer seule son équilibre financier, de la même façon que l’État transfère une partie de l’aide aux expatriés les plus démunis aux sociétés françaises de bienfaisance.

Cela m’amène, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, à vous faire part de mes inquiétudes quant au sort que la France entend réserver à ses compatriotes expatriés, qui sont pourtant une richesse pour notre pays.

Dernièrement encore, j’ai malheureusement constaté que les Français de l’étranger étaient victimes d’une sorte de discrimination à l’envers dans nos textes législatifs. Auparavant, ils étaient souvent « oubliés ». Aujourd’hui, cela va plus loin : on les exclut !

Un exemple récent en témoigne.

Lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, l’amendement que ma collègue Christiane Kammermann et moi-même avions déposé et qui tendait à de nouveau ouvrir l’adhésion à l’assurance volontaire vieillesse aux Français expatriés n’ayant pas ou ayant peu cotisé en France, a été écarté au titre de l'article 40 de la Constitution. Pourtant, le ministre du travail, de l’emploi et de la santé, Xavier Bertrand, avec qui nous avions travaillé, avait donné son accord. Au surplus, je précise qu’il s’agit de cotisations volontaires, les assurés finançant eux-mêmes leur retraite.

Conclusion ? Depuis un arrêt de la Cour de cassation et le vote d’un amendement subséquent dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, les Français de l’étranger ne peuvent aujourd'hui adhérer à l’assurance volontaire vieillesse que s’ils ont cotisé au moins cinq ans en France à un régime obligatoire d’assurance maladie. De fait, cela en exclut un certain nombre, notamment ceux qui cotisent à la Caisse des Français de l’étranger, régime d’assurance volontaire.

Dois-je rappeler que cet arrêt de la Cour de cassation est issu d’une procédure engagée par un ressortissant sénégalais ayant résidé en France ?

Désormais, la condition de nationalité n’existant plus, les personnes de nationalité étrangère peuvent adhérer à l’assurance volontaire vieillesse, tandis que les Français de l’étranger n’ont plus cette possibilité lorsqu’ils ont toujours, ou beaucoup, vécu à l’étranger, y compris en cotisant à un régime français d’assurance volontaire. On me dit, monsieur le ministre d’État, que le fils de Dominique de Villepin est dans ce cas !

Or l’assurance volontaire vieillesse a été créée par la loi de 1965 à destination des Français de l’étranger, censés en constituer l’essentiel des bénéficiaires : la loi a donc été détournée de son objectif initial.

Au-delà du budget pour 2012, j’attends donc de vous, monsieur le ministre d’État, que vous apportiez aux deux millions de Français expatriés l’assurance que l’État continuera à leur garantir des droits identiques à ceux des Français de métropole en matière de protection sociale.

Ne doutant pas d’être entendu, je voterai vos crédits, monsieur le ministre d’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Conway Mouret.

Mme Hélène Conway Mouret. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’exercice qu’impose l’examen du projet de loi de finances en général, et, aujourd’hui, celui de la mission « Action extérieure de l’État », doit être pour nous l’occasion de nous interroger sur la vocation de notre diplomatie, sur ce que nous souhaitons en faire et sur ses perspectives.

Une vision, une impulsion sont-elles proposées au travers des choix budgétaires qui nous sont soumis ?

Le Quai d’Orsay est entré depuis plusieurs années dans une ère comptable. Cela fait même une quinzaine d’années que des postes sont supprimés dans le réseau diplomatique.

Dans le même temps, le ministère des affaires étrangères et européennes est devenu plus consulaire qu’il ne l’a jamais été. La protection des Français à l’étranger, la gestion de l’immigration et des visas sont devenus des missions centrales. Or si importantes soient-elles, ces actions ne doivent pas, à elles seules, capter les moyens de notre diplomatie.

Nous devons donc dégager des moyens, en allégeant notamment les tâches des consulats relatives à l’assistance aux Français au sein de l’Union européenne. Une telle réforme serait possible en mettant en place une réelle mutualisation à l’échelon européen.

Il n’en demeure pas moins que les postes consulaires ne doivent pas devenir principalement de vastes mairies, ce qui se ferait au détriment de notre rayonnement culturel et vouerait à la disparition les missions diplomatiques des postes. Telle est malheureusement déjà la tendance constatée.

Si, dans ce budget, les programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » et 151 « Français à l’étranger et affaires consulaires » ont été relativement préservés, c’est le domaine culturel qui a été la variable d’ajustement. Depuis dix ans, un tiers de nos centres culturels ont fermé en Europe ; depuis cinq ans, le nombre de bourses accordées aux étudiants étrangers a baissé de 30 % ; depuis trois ans, les subventions accordées aux services de coopération et d’action culturelle des ambassades et aux centres ou instituts culturels ont diminué de 20 % à 30 %.

Par exemple, au sein du poste de Dublin, que je connais bien, le service culturel est passé de 9 à 5 postes, dont 3 stagiaires, en cinq ans.

La direction de la politique culturelle et du français du ministère des affaires étrangères et européennes a élaboré un document de stratégie, concernant ses domaines de compétence que sont la culture, la langue et l’audiovisuel. Ce document, soumis actuellement à analyse, affiche une ambition que nous ne pouvons que saluer.

Afficher une ambition est, certes, louable, mais, sans moyens, notre diplomatie culturelle et d’influence demeurera un vœu pieux.

N’oublions pas que le rayonnement de la France dans le monde doit tout à ce qui fut la particularité de notre présence tant intellectuelle que culturelle ou linguistique, mais aussi aux moyens qui lui étaient accordés.

Si nous ne permettons pas aux postes d’accomplir leur mission de contact, d’influence, de coopération et d’analyse, si nous ne les dégageons pas, un tant soit peu, des logiques essentiellement comptables dans lesquelles ils sont enfermés, nous ne pourrons pas nous inscrire dans ce que d’aucuns ont nommé « la bataille du soft power ».

Pourtant, comme n’a pas manqué de nous le rappeler le président exécutif de l’Institut français, Xavier Darcos, auditionné par les commissions de la culture et des affaires étrangères du Sénat, là est notre force : « C’est une tradition française d’utiliser sa culture et son patrimoine comme moyen de valoriser sa présence dans des pays où elle voudrait par ailleurs avoir une action commerciale et économique. »

Cette force, nous sommes en train de la perdre. Non seulement nous nous privons de moyens humains, mais nous privons aussi notre diplomatie de son outil de travail en vendant, ainsi que nous l’ont précisé nos rapporteurs pour avis sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », une partie du parc immobilier du ministère pour des ressources de court terme et des économies de courte vue.

Dans le même temps, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, l’AEFE, qui gère avec efficacité un domaine d’influence essentiel, à savoir le réseau scolaire à l’étranger, ne peut plus emprunter à long terme pour faire face aux lourdes charges lui incombant en matière immobilière.

Pourtant, à l’Assemblée nationale, vous avez fait adopter, monsieur le ministre d’État, un amendement visant à minorer de 3 millions d’euros les subventions pour charges de service public qui étaient destinées à l’AEFE, ce qui ne manquera pas, là encore, d’avoir des incidences.

En conclusion, j’aimerais vous poser trois questions.

Premièrement, les réductions de personnel au sein du ministère des affaires étrangères et européennes opérées depuis dix ans ayant affecté les moyens humains et les capacités de nos postes, que comptez-vous faire désormais pour les préserver ?

Deuxièmement, quelle présence souhaitez-vous aujourd’hui pour la France dans le monde ?

Troisièmement, ne pensez-vous pas qu’il faille, enfin, nous donner les moyens financiers pour conserver le rôle que nous entendons jouer sur la scène internationale, au lieu de continuer à donner des coups de rabot à chaque budget, comme le fait le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)