compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
M. Alain Dufaut.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
SECONDE PARTIE (suite)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
M. le président. Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Sport, jeunesse et vie associative
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le temps dont je dispose étant très limité, j’irai directement à l’essentiel : la commission des finances demande au Sénat de rejeter les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », qui lui paraissent marqués par un profond déséquilibre.
Il y a, tout d’abord, déséquilibre entre les programmes. La légère augmentation, de 1 %, des crédits de la mission à périmètre constant résulte, comme les années précédentes, de deux mouvements opposés, une diminution notable, à hauteur de 5,6 %, de la dotation du programme « Sport » étant « compensée » par une hausse importante, atteignant 7,7 %, des crédits du programme « Jeunesse et vie associative ».
Il y a, ensuite, déséquilibre au sein de chaque programme. Ainsi, l’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, qui représentait déjà 68 % des crédits de paiement du programme « Sport » en 2011, regroupera 75,4 % de ceux-ci en 2012. Dans le même temps, les crédits dévolus à l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre, en baisse en valeur absolue, passeront de 8,3 % à tout juste 3,3 % des mêmes crédits de paiement.
Monsieur le ministre, vous objecterez sans doute que le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, agit en faveur du sport de masse, aux côtés de vos services. Mais est-il normal de sous-traiter presque entièrement cette politique à un établissement public, financé par des fonds extrabudgétaires ?
Quant au programme « Jeunesse et vie associative », il est, lui aussi, déséquilibré, avec, d’un côté, un service civique qui monte en puissance et mobilise entièrement, et même au-delà, la hausse des crédits, et, de l’autre, l’application d’une véritable politique d’austérité.
En outre, la commission doute de la sincérité de certaines lignes de ce projet de budget. Ainsi, contrairement à la pratique constante, aucune somme n’a été provisionnée au titre des primes qui seront octroyées aux médaillés français des prochains jeux Olympiques de Londres. Or, à Pékin, cela avait représenté une dépense de plus de 4 millions d’euros. Le budget qui nous est présenté ne serait donc tout simplement pas soutenable en cas de succès de nos couleurs cet été, succès que nous espérons tous.
Au-delà de ces remarques, qui justifient la position de la commission, je souhaiterais formuler quelques brèves observations.
S’agissant du Stade de France, la pénalité nette due par l’État apparaît en forte augmentation : elle devrait passer à 12 millions d’euros en 2012, contre 8,2 millions d’euros en réalisation probable en 2011. Cette évolution s’explique, en partie, par le contexte économique, mais aussi, ce qui est plus inquiétant, par des raisons structurelles. Ainsi, l’annuité traduit surtout les effets du nouveau partage de ressources financières entre la Fédération française de football, la FFF, et le Consortium Stade de France, bien plus favorable à la FFF que le contrat antérieur.
Par ailleurs, la Fédération française de rugby est désormais très engagée dans le projet qui doit aboutir, à l’horizon 2016 ou 2017, à la construction de son propre « grand stade ». Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour que cette dépense soit maîtrisée ?
S’agissant du service civique, qui draine 108 millions d’euros et que vous avez qualifié, madame la secrétaire d'État, de « réel succès », pourriez-vous nous en préciser les objectifs de moyen terme ? En effet, l’ambition affichée de toucher 10 % d’une classe d’âge, soit environ 75 000 jeunes, dès 2014 n’est pas compatible avec l’évolution des crédits prévue par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. La somme nécessaire, à savoir 500 millions d’euros, excède d’ailleurs la totalité des crédits de paiement de la mission prévus pour 2014, soit 460 millions d’euros.
Enfin, la trajectoire budgétaire du Fonds d’expérimentation pour la jeunesse, doté de seulement 5 millions d’euros par ce projet de budget, laisse à penser qu’il ne sera lui-même qu’une expérimentation. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous livrer votre vision de l’avenir de cet outil ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour le sport. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’est pas inutile, à l’occasion de l’examen du dernier projet de loi de finances de la présente législature, d’effectuer un petit bilan de la politique sportive menée depuis cinq ans.
Le Président de la République avait pris un certain nombre d’engagements avant son élection. Les deux principaux étaient de porter le budget consacré au sport à 3 % du budget de l’État et de rattacher la politique sportive à un ministère couvrant les problématiques de la santé et du sport.
Or, si l’on prend en compte l’ensemble des moyens affectés à l’action du ministère des sports au titre des différentes missions de ce projet de loi de finances, on atteint la somme de 861,3 millions d’euros, ce qui représente moins de 0,3 % du budget de l’État. On est loin des 3 % annoncés !
Par ailleurs, l’ambitieux ministère de la santé et des sports a fait long feu : il a disparu en novembre 2010 avec la constitution d’un ministère des sports à part entière. Seul son personnel reste géré par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, comme dernier et curieux reliquat d’un ministère commun passé au crible de la RGPP.
Aux fluctuations du périmètre de compétence des ministres chargés du sport s’est ajoutée l’instabilité des responsables de cette politique : cinq ministres en cinq ans !
En réalité, aucune promesse n’a été tenue. Loin de garder le cap, le Gouvernement s’est contenté de naviguer à vue et a fini par s’échouer sur les rivages de la rigueur budgétaire et de l’inconstance de sa politique.
La seule réforme d’envergure engagée par le Gouvernement a finalement été la libéralisation des paris sportifs en ligne, qui a été décidée et mise en œuvre par le ministère du budget ! Les seules avancées législatives en matière sportive ont été d’initiative parlementaire. Saluons à cet égard nos collègues Jean-François Humbert et Yvon Collin, à l’origine de propositions de loi très intéressantes sur les agents sportifs et sur l’éthique dans le sport.
S’agissant de l’analyse des crédits pour 2012, je constate qu’ils sont en baisse de 4,8 %, leur hausse apparente étant liée au transfert de la masse salariale des centres de ressources, d’expertise et de performance sportives, les CREPS, vers le programme « Sport ».
Le sport de masse est indirectement la première victime de la raréfaction des crédits. C’est le CNDS qui subit le plus les effets de la rigueur budgétaire, avec des recettes en augmentation limitée, du fait du plafonnement de ses ressources affectées, mais des dépenses importantes destinées au financement des stades de l’Euro 2016. Cela traduit un désintérêt pour le sport de masse (M. le ministre fait un signe de dénégation.), ce qui est d’ailleurs parfaitement cohérent avec la suppression de 2 500 postes d’enseignant d’éducation physique et sportive dans les collèges et lycées depuis 2007.
Le CNDS, dont relève le financement des projets amateurs locaux, supportera notamment, à partir de 2012, une charge annuelle supérieure de 4,5 millions d’euros à ce qui était prévu, afin de financer des stades destinés à des clubs professionnels. La commission de la culture a adopté un amendement visant à permettre un juste abondement du CNDS.
S’agissant du sport de haut niveau, il apparaît que le financement de la garantie contractuelle due par l’État au Consortium Stade de France en l’absence de club résident est de plus en plus lourd : il atteindra 12 millions d’euros en 2012. Une réflexion sur les moyens de réduire cette dotation devrait certainement être engagée.
Le nombre d’emplois dans les CREPS, qui ne sont plus que huit, contre seize auparavant, est en forte diminution : cinquante-trois emplois équivalent temps plein travaillé ont été supprimés, soit presque 5 % des effectifs ; on peut s’interroger sur la capacité des CREPS à mener à bien leur mission.
M. le rapporteur spécial l’a indiqué, les primes des futurs médaillés olympiques n’ont pas été provisionnées. Monsieur le ministre, c’est contraire à la fois à la tradition et au principe de sincérité budgétaire : cela constituera une mini-bombe à retardement pour le ministre qui devra trouver les financements nécessaires à la fin de l’année 2012 !
Enfin, les crédits que le ministère consacre à la lutte contre le dopage sont encore en baisse pour 2012. Ce constat renforce la position de la commission de la culture, qui souhaite élargir les pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage et consolider son financement. Veillons à ce que notre pays ne perde pas son image de référence internationale en matière de lutte contre le dopage.
Quant au programme « parcours animation sport », il voit ses crédits baisser de 22 %, alors qu’il s’agit de l’un des rares dispositifs gérés par le ministère des sports consacré aux jeunes, notamment ceux qui sont issus des zones urbaines sensibles.
Pour terminer, l’un des reproches majeurs que j’adresserai à ce projet de budget est de ne pas prendre en compte les débats de l’Assemblée du sport, une instance que l’on doit à votre prédécesseur Chantal Jouanno, monsieur le ministre.
Pour l’ensemble de ces raisons, et conformément à mes préconisations, la commission a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin, rapporteur pour avis.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, pour la jeunesse et la vie associative. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai par faire observer que le programme « Jeunesse et vie associative » est rattaché à la même mission que le programme « Sport », alors que ces deux domaines relèvent de ministères différents.
Sans chercher à provoquer quiconque, je souhaite adresser un satisfecit au Gouvernement pour son action en matière de politique de la jeunesse. En effet, l’un des grands axes annoncés de celle-ci était la création d’un service civique volontaire ambitieux, or il est parvenu à le mettre en place.
M. David Assouline. Votre propos n’est pas dans l’esprit des débats de la commission !
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Alors que les gouvernements précédents avaient échoué, s’agissant notamment du service civil volontaire, la réforme du service civique, voulue consensuelle, a été menée à bien et ne pâtit pas des efforts que l’État doit mener en matière de réduction du déficit, bien au contraire.
En effet, le programme 163 regroupe 230 millions d’euros de crédits de paiement, soit une hausse de 7,2 % par rapport à 2011. Je rappelle que cette augmentation confirme celle de 10 % qui a été inscrite dans la loi de finances de 2011 et celle de plus de 60 % qui figurait dans la loi de finances de 2010.
En matière de développement de la vie associative, le Gouvernement mène une politique de continuité, avec un soutien au Conseil du développement de la vie associative et un maintien des subventions FONJEP – pour fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire – aux centres de ressources et d’information des bénévoles. L’action n° 1 du programme « Jeunesse et vie associative » est ainsi financée à hauteur de 12,2 millions d’euros, soit davantage qu’en 2010.
Quant aux autres politiques de la jeunesse, elles ont été soit préservées, soit renforcées.
Le service civique est en ordre de marche : 25 000 volontaires devraient pouvoir s’engager dans le dispositif en 2012, avec un soutien de l’État de 134 millions d’euros, contre moins de 100 millions d’euros en 2011. L’objectif des 10 % d’une classe d’âge n’est pas atteint, mais nous sommes sur la bonne voie.
Le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse disposera pour sa part d’une dotation de 5,7 millions d’euros en 2012 et d’un budget de 40 millions d’euros, grâce aux crédits versés dans le cadre du plan de relance et aux contributeurs privés. Les premiers résultats sont intéressants ; nous attendons avec impatience le prochain rapport du conseil scientifique de ce fonds.
Les opérateurs de l’État sont quant à eux préservés, et bénéficieront de subventions stabilisées.
Ainsi, la subvention accordée aux offices franco-allemand et franco-québécois pour la jeunesse reste fixée à 12,5 millions d’euros.
L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, dont le format a été revu en 2010, conserve également les mêmes crédits qu’en 2011, tandis que le Centre d’information et de documentation jeunesse et ses déclinaisons régionales disposeront d’un montant de subventions stable, de 8,6 millions d’euros.
Le programme « Envie d’agir », dont les crédits avaient été supprimés en 2011, est doté de 3 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2012. Un élément de souplesse intéressant est introduit, puisque cette dotation pourra également servir à financer des projets présentés sur l’initiative de jeunes dans le cadre d’autres dispositifs partenariaux.
Les politiques partenariales locales, dont les crédits cessent de diminuer, sont dotées de 12,9 millions d’euros dans le projet de loi de finances, ce qui devrait permettre aux services déconcentrés de remplir leurs missions.
Enfin, le volet animation du programme « parcours animation sport » est supprimé. Les crédits afférents étaient extrêmement limités et ne constituaient pas, à mon sens, une masse critique suffisante pour donner du souffle au dispositif. À cet égard, je considère que leur réaffectation au service civique est particulièrement pertinente. En effet, ce service civique constitue un outil très formateur pour les jeunes volontaires, et les résultats en matière de diversité sociale sont plutôt positifs, comme en témoignent les indicateurs de la mission.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous, à cet égard, nous donner des éléments sur la construction d’un indicateur relatif aux origines géographiques des jeunes engagés dans le service civique ?
Mes chers collègues, mes propos et mon analyse sont objectifs. Toutefois, la commission de la culture a émis un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme nous le savons tous, le sport et la vie associative rassemblent des forces individuelles et collectives indispensables à la vitalité et à la cohésion sociale de notre pays.
Aujourd’hui, dans presque toutes les communes de France, outre la mairie et le clocher de l’église, un stade et des salles associatives sont les symboles de la vie collective. Ces équipements démontrent la volonté de la France rurale d’offrir à ses habitants, et principalement à sa jeunesse, une « parité » à la fois sportive et sociale.
M. Pierre Martin, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, sauf exception, la jeunesse qui s’exprime sur les stades, dans les gymnases ou simplement par la pratique du sport en pleine nature n’est pas celle qui pose des problèmes à notre société. En effet, elle est porteuse d’un idéal, d’une volonté, d’un plaisir et d’un désir de vivre ensemble. Elle sait que le sport comme la vie sont des combats permanents et toujours inachevés, et qu’une vie sans combats est souvent une vie sans espérance, sans idéal, donc sans but.
« Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le sport. […] Le sport est dépassement de soi. Le sport est école de vie. » Ces propos sont d’un grand Français, M. Aimé Jacquet, qui vit près de chez moi.
Monsieur le ministre, la France est fière de vous, car vous avez porté brillamment ses couleurs, au plus haut niveau mondial. Cependant, les responsables associatifs de la « France d’en bas » sont inquiets. Certes, la situation budgétaire est très difficile, et il faut savoir faire preuve de solidarité quand les temps sont durs, mais une réduction des crédits destinés au sport s’accompagne souvent d’un accroissement d’autres dépenses, moins positives.
En outre, des normes de plus en plus contraignantes s’imposent aux clubs sportifs : par exemple, il faut aujourd'hui deux chauffeurs pour se rendre en car d’un chef-lieu de département à un autre.
Je suis convaincu que l’on peut être responsable sans être désespéré, mais je suis également certain que la vitalité du monde sportif exige un minimum de moyens et une répartition constructive de ceux-ci.
La baisse très forte des crédits de l’action n° 1 du programme « Sport », Promotion du sport pour le plus grand nombre, inquiète les conseils généraux, dont les budgets sont devenus très difficiles à boucler, les dépenses de fonctionnement mobilisant la plus grande partie des ressources.
Les crédits des actions nos 3 et 4 stagnent. Certes, elles correspondent à des compétences régionales, mais elles sont tout à fait nécessaires.
L’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, est dotée de 187 millions d’euros, soit 75 % du budget du programme. Ne connaissant pas suffisamment l’emploi de ces crédits pour faire d’autre commentaire, je me bornerai à relever que, dans certaines disciplines, les sportifs, particulièrement les « pros », bénéficient de salaires déconcertants, pouvant décourager les bénévoles de nos petites associations locales, qui donnent de leur temps sans autre contrepartie que la satisfaction de mesurer les résultats de leur action.
Ces bénévoles ne font pas la quête, mais ils doivent être compris et encouragés. Aujourd’hui, pour être bénévole, il faut avoir la foi et une générosité hors du commun ; il ne faut pas redouter l’ingratitude, qu’elle soit individuelle ou collective. Souvent même, les responsables des associations doivent pallier l’absence des parents, l’éclatement des familles, prendre en charge des jeunes qui, sinon, seraient livrés à eux-mêmes, dans la rue ou devant un écran d’ordinateur les confrontant à des images violentes ou choquantes.
Reconnaissons que sport décentralisé et sport d’élite sont complémentaires. Monsieur le ministre, vous êtes le mieux à même d’en parler : dans ces moments exceptionnels où les couleurs de la France flottent en haut du mât olympique et où retentit la Marseillaise, notre pays se rassemble en faisant abstraction des difficultés, des différences de génération, de genre, de sensibilité politique, de couleur de peau… C’est l’image de la France qui gagne ! Toutefois, il faut aussi que le sport conserve la pureté originelle des premiers jeux Olympiques de l’ère moderne, organisés à Athènes en 1896. En particulier, tout dopage doit être proscrit.
Nous ne devons pas oublier les petits clubs de quartier ou de village, créateurs de lien social, qui manquent de moyens financiers et de bénévoles. Le bénévolat est l’oxygène de la vie associative et sportive ; redonnons à celle-ci du souffle, avant qu’il ne soit trop tard ! Le budget national doit aider les milliers de clubs répartis dans la France entière, qui font la richesse du pays. Monsieur le ministre, je vous remercie de prendre en compte ce message.
Il faut gagner ; on ne peut être à la fois responsable et désespéré. C'est la raison pour laquelle mon groupe votera ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à première vue, les crédits de paiement de la mission sont en augmentation, puisqu’ils atteindront 478 millions d’euros en 2012, contre 429 millions d’euros en 2011.
Ainsi, avec 247 millions d’euros de crédits de paiement, la dotation du programme « Sport » progresserait de 31 millions d’euros. En réalité, cette augmentation est liée à la modification de périmètres budgétaires : d’importants transferts de programmes en sont l’explication, certains personnels étant désormais pris en charge par le budget du sport. Par exemple, ces dépenses supplémentaires représentent 42,5 millions d’euros pour les CREPS et 817 000 euros pour le Musée national du sport. En tenant compte d’un taux d’inflation de 1,7 % et de ce transfert de masses salariales, le budget du programme « Sport » est donc, en fait, en diminution. Nous sommes très loin de la promesse du Président de la République de porter ce dernier à 3 % du budget de l’État ! Le Gouvernement ne s’est pas surpassé…
Selon nous, l’État doit immédiatement consacrer une part plus importante de son budget au sport, au profit en particulier du monde amateur. Allouer dès maintenant au sport 1 % du budget de l’État nous paraît indispensable pour affronter les défis de notre époque et permettre le rayonnement et l’épanouissement du plus grand nombre. Certes, c’est moins que 3 %, mais un tel effort est réaliste, et donc possible.
L’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, absorbe 75 % de l’ensemble des crédits du programme, quand l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre, ne reçoit que 8 millions d’euros et ne représente plus que 3 % de ce petit budget.
Il faudrait promouvoir l’accès à un service public du sport pour le plus grand nombre, en particulier les femmes, les handicapés et les personnes vivant dans des zones défavorisées. Dans ce domaine, le déficit démocratique est grand, alors même qu’une baisse du budget du sport pour tous est malheureusement prévue pour 2012.
Ce traitement inégalitaire, qui existait déjà les années précédentes, est encore aggravé au travers du projet de loi de finances pour 2012. Ainsi, entre 2009 et 2012, les crédits consacrés à l’action n° 1, Promotion du sport pour le plus grand nombre, auront diminué, passant de 22 millions d’euros à 8 millions d’euros, tandis que la dotation de l’action n° 2, Développement du sport de haut niveau, a constamment augmenté, passant de 143 millions d’euros en 2009 à 247 millions d’euros aujourd’hui.
Nous déplorons cette orientation qui favorise la professionnalisation et la financiarisation du sport, au détriment de la pratique de masse, du sport amateur, du sport pour le plus grand nombre. De surcroît, la majorité des crédits accordés au sport de haut niveau sont absorbés par le financement d’un partenariat public-privé, celui qui concerne l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, l’INSEP. Nous regrettons l’engagement d’une telle opération, car l’intérêt public ne devrait pas se confondre avec l’intérêt privé.
Les moyens financiers, bien qu’insuffisants aujourd’hui, doivent être mutualisés pour garantir le maintien des liens de solidarité et de concertation entre les secteurs professionnel et amateur, lequel compte plus de 16 millions de licenciés.
Il faut refuser toute forme de défiscalisation et de réduction de cotisations sociales sur les revenus des sportifs professionnels, augmenter nettement le taux de la taxe « Buffet » sur les droits de diffusion des manifestations sportives à la télévision.
Le sport doit être moralisé ; il a besoin d’éthique et d’équité, de porter les valeurs éducatives en rejetant toute forme de tricherie, de dopage, de violence ou de discrimination.
La faiblesse des moyens accordés au sport, qui représentent seulement 0,5 % du budget de l’État, est à mettre en parallèle avec l’investissement des collectivités locales : celles-ci consacrent beaucoup d’argent à la construction d’équipements, à leur entretien, à leur fonctionnement, et versent des subventions à de nombreux clubs, qui ne pourraient exister sans ce soutien. Ainsi, Auray, ma commune, consacre chaque année plus de 600 000 euros aux sports au titre des seules dépenses de personnel et d’entretien, hors investissements, alors qu’elle ne compte que 13 000 habitants !
Le CNDS, opérateur de l’État non pris en compte dans le budget de la mission, est, quant à lui, doté de 295,8 millions d’euros, soit un montant supérieur à celui des crédits du ministère. Son action masque le désengagement de l’État, sans qu’il soit pour autant trop doté au regard de ses missions, car il met en œuvre, de fait, l’intégralité de la politique en matière de développement du sport amateur et devra, en outre, financer cette année des équipements en vue de l’Euro 2016, à hauteur de 168 millions d’euros. De plus, sa situation budgétaire dépend du niveau des ressources procurées par la taxe sur les paris en ligne, qui lui est affectée. Le produit de cette dernière est désormais plafonné, ce qui réduit encore la marge d’action publique en faveur du sport non professionnel.
Enfin, les crédits du programme « Jeunesse et vie associative » sont en légère augmentation. Cependant, l’intégralité de la hausse du budget consacré à la jeunesse est captée par le service civique, à hauteur de 134 millions d’euros, au détriment du développement de la vie associative, de la politique de la jeunesse ou de l’éducation populaire.
Avec seulement 6 000 volontaires en 2010, le service civique n’atteint pas l’objectif de 10 % d’une classe d’âge fixé par le Gouvernement, objectif qui semble pourtant résumer son ambition actuelle en matière de politique de la jeunesse.
Le service civique n’est, à notre sens, qu’une béquille, censée remédier aux difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail et répondre à la montée de la pauvreté parmi ceux-ci par la création d’un « sous-contrat » de travail, ce dernier étant lui-même précaire et mal rémunéré.
Sans être opposé au service civique, je pense qu’il vaudrait mieux encourager et favoriser la vie associative et l’éducation populaire, qui, en matière de « civisme », représentent des piliers plus sûrs et plus durables. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)