M. Roland Courteau. Évidemment !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Le troisième arbitrage, encore plus vaste, concerne la distinction entre le consommateur et le contribuable. Vous nous conseillez d’attendre avant d’agir, monsieur Assouline, car des travaux sont en cours.
Toutefois, ces travaux, je les connais depuis des années ! Il existe effectivement une résistance des professionnels, mais il y a aussi des contribuables qui paient cette contribution alors qu’ils ne liront jamais un magazine.
Dans ce débat, tous les arguments sont nobles, sérieux et recevables, de part et d’autre. Monsieur Assouline, je comprends votre point de vue, qui est aussi celui du Gouvernement. Néanmoins, pour ma part, j’ai la conviction, depuis de longues années, qu’il faut appliquer le principe pollueur-payeur chaque fois que c’est possible.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° II-388.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)
Mme Chantal Jouanno. Merci pour le Grenelle !
M. Jean-Marc Todeschini. Du Grenelle, il ne reste que les taxes !
Article 47 duodecies (nouveau)
Au III de l’article 88 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007, l’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2013 ».
M. le président. L’amendement n° II-433, présenté par MM. Antoinette, Patient et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les II et III de l'article 88 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificative pour 2007 et l'article 266 quater A du code des douanes sont abrogés.
II. Les conséquences financières pour l'Agence française de développement résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. L’article 47 duodecies prévoit, comme chaque année depuis 2008, le report de l’entrée en vigueur de la taxe additionnelle à la taxe sur la consommation des carburants spécifiquement applicable en Guyane.
En 2008, M. Marini, alors rapporteur général de la commission des finances du Sénat, avait déjà obtenu ce report. En 2009, la taxe était repoussée d’un an, à la demande du Gouvernement. En 2010, l’initiative venait de notre collègue Éric Doligé. Cette année, la commission des finances de l’Assemblée nationale est à l’origine du nouveau report de l’entrée en vigueur de la taxe additionnelle.
De quoi s’agit-il ? La loi de finances rectificative pour 2008 a permis à l’Agence française de développement, l’AFD, d’accorder une facilité de trésorerie à la Société anonyme de la raffinerie des Antilles, la SARA, afin de compenser un lissage des prix intervenu entre 2007 et 2008.
Cette aide d’État est finalement à la charge du consommateur guyanais, puisque cette même loi de finances rectificative a prévu une taxe additionnelle à la taxe sur la consommation des carburants, spécifiquement applicable en Guyane. Par une hausse supplémentaire de 4 à 8 centimes par litre de carburant, le consommateur guyanais devait rembourser l’aide accordée à la SARA.
Les raisons du report de l’entrée en vigueur de cette taxe sont toujours identiques : les conditions économiques de la Guyane ne permettent pas de supporter cette hausse supplémentaire, alors que le carburant est déjà de 40 à 60 centimes plus cher en Guyane qu’en métropole. Cette année ne fait pas exception. La taxe additionnelle prévue par la loi de 2007 ne peut entrer en vigueur sans grever encore davantage le budget des Guyanais.
Nous pouvons espérer pour l’avenir que, chaque année, à la date butoir de la taxe, la commission des finances ou le Gouvernement ne présenteront pas un amendement de report.
La situation devient ubuesque. Nous savons que les conditions d’entrée en vigueur de la taxe ne seront pas réunies. Or, si la taxe n’est pas mise en œuvre, le prêt consenti par l’AFD, auquel est affectée cette taxe, ne sera jamais remboursé, et les intérêts du prêt de l’AFD continuent à courir. La dette augmente sans cesse, sans remboursement à l’horizon.
Il faut remédier à cette situation. Je propose donc d’abroger cette taxe additionnelle. En effet, cette dernière est économiquement insupportable pour les Guyanais. Le report de son entrée en vigueur indique que ce constat est largement acquis.
Je me permets de soulever également un second problème : sa cause ne paraît pas justifiée légalement.
En effet, le produit de la taxe est affecté à une ligne de compte spécifique de l’AFD, en remboursement d’une ligne accordée par cette dernière à la SARA. Or rien n’indique que la SARA ait reçu cette aide, ni que son attribution ait suivi la procédure communautaire de notification.
Le silence du ministre, à la suite de ma question orale sur ce sujet, permet difficilement de conclure autrement. Or si l’aide illégale n’est pas notifiée, le prêt doit être alors intégralement remboursé par la SARA à l’AFD. Dès lors, vous m’accorderez que la taxe additionnelle affectée à ce remboursement n’a pas lieu d’être.
En résumé, il faut abroger cette taxe qui est injuste pour le consommateur, irréaliste dans le contexte économique que nous connaissons depuis 2008 et illégale au regard des conditions de sa mise en place.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cette taxe est destinée à rembourser non pas une aide économique, mais un manque à gagner du fait de la non-répercussion des prix du brut en 2007 et 2008. Le Gouvernement, compte tenu du contexte guyanais et de prix pétroliers toujours élevés, a accepté à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de finances, un amendement tendant à repousser la perception de la taxe au 1er janvier 2013.
Toute suppression de ce dispositif reviendrait à faire supporter par l’État le coût du remboursement de l’AFD pour un montant de près de 28 millions d’euros.
Je vous demande donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Antoinette, l’amendement n° II-433 est-il maintenu ?
M. Jean-Étienne Antoinette. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l’article 47 duodecies est ainsi rédigé.
Article 47 terdecies (nouveau)
Hormis les cas de congé de longue maladie, de congé de longue durée ou si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics civils et militaires en congé de maladie ne perçoivent pas leur rémunération au titre du premier jour de ce congé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° II-359 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-364 est présenté par Mme Beaufils, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° II-359.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement est important, car il vise à supprimer l’article 47 terdecies, introduit à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement dans le cadre de son plan d’économies du 7 novembre 2011.
Cet article a pour objet de ne pas verser de rémunération, le premier jour du congé maladie – le fameux « jour de carence » ! –, aux agents publics. Cette mesure a été justifiée par analogie avec le secteur privé : pour les salariés du privé, la rémunération n’est pas versée les trois premiers jours du congé maladie.
Or, madame la ministre, 80 % des salariés étant couverts par des conventions collectives, il n’existe pas fondamentalement de différence entre les secteurs privé et public, contrairement à ce que vous voulez faire croire en raisonnant par analogie ; d'ailleurs, c’est bien une habitude traditionnelle du Gouvernement que de diviser les salariés de ces deux secteurs d’activité. Votre argument n’est pas fondé.
De surcroît, aucune donnée incontestable ne montre que les fonctionnaires prennent plus de congés de maladie de courte durée que les salariés du privé.
L’article 47 terdecies crée une recette à bon compte, sur le dos des salariés de la fonction publique, notamment des moins bien rémunérés d’entre eux. En raison de la perte de salaire qu’ils risquent de subir, certains pourraient renoncer à prendre un congé de maladie, au détriment de leur santé. On sait bien pourtant que, pour les agents de la catégorie C, les indemnités journalières ne sont pas un luxe.
Pourquoi les salariés du secteur public adopteraient-ils une attitude différente de celle des salariés du secteur privé en matière de congé de maladie ? Il faut raison garder !
En réalité, parce qu’il a beaucoup creusé les déficits, le Gouvernement cherche des recettes, mais il ne doit pas le faire sur le dos des salariés du secteur public !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° II-364.
M. Thierry Foucaud. Je souscris bien évidemment aux propos que vient de tenir Mme la rapporteure générale. Nous sommes totalement opposés au principe de l’instauration d’un jour de carence à l’encontre des fonctionnaires.
Présentée comme une mesure d’économie, cette disposition constitue, en réalité, une nouvelle attaque contre le pouvoir d’achat des agents publics. On peut même parler d’acharnement à leur égard !
Ainsi a été décidé le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. De ce fait, la charge de travail assurée jusqu’ici par les retraités est désormais partagée entre l’ensemble des agents encore en activité, qui doivent, dans un contexte de productivité renforcée, assurer la même qualité de service.
Puis, au titre de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, la notation statutaire a été remplacée par l’évaluation, fondée sur des critères inspirés de la logique managériale anglo-saxonne. Parlons franchement, nous connaissons le prix de cette RGPP : mise en cause des services publics, progression des tensions et des stress subis par les agents, détérioration du service public et du service rendu à l’usager et – cerise sur le gâteau, si je puis dire – gel du point d’indice de la fonction publique, l’objectif affiché étant de limiter la progression de la masse salariale dans le secteur public.
L’adoption du principe d’un délai de carence constitue, en quelque sorte, une rupture de confiance entre les agents publics et l’État.
Pour notre part, nous sommes convaincus que les indemnités journalières constituent un élément de revenu des fonctionnaires, au même titre que le traitement ; elles sont imposables, dois-je vous le rappeler, madame la ministre ? Autrement dit, la prétendue économie que l’article 47 terdecies permettrait aux comptes publics de réaliser se révèle obérée par la déperdition de recettes occasionnée par une perte de base pour l’impôt sur le revenu.
Dans un souci de préservation du pouvoir d’achat des fonctionnaires, mais aussi d’équilibre des comptes publics, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Avec cet article, il s’agit d’une mesure de responsabilisation des agents publics, à l’instar de celle qui est en vigueur pour les salariés du secteur privé : trois jours de carence sont imposés à ces derniers, alors qu’aucun n’était prévu pour ceux du secteur public.
Aujourd'hui, alors que nous demandons à tous les Français de consentir des efforts, nous jugeons nécessaire non pas d’aligner la situation des agents publics sur celle des salariés du privé – dans ce cas, trois jours auraient été imposés ! –, mais de l’en rapprocher, en exigeant de la part des premiers un jour de carence.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, la maîtrise de la dépense publique est un sujet bien trop grave pour qu’on se laisse aller à « taper sur le dos » des fonctionnaires et qu’on l’instrumentalise à des fins électoralistes.
C’est très clair : l’instauration d’un jour de carence à l’égard des agents publics correspond à un retour à votre discours habituel qui dépeint les fonctionnaires comme des privilégiés. Ce discours ressurgit à chaque campagne électorale, pour essayer d’amadouer les électeurs.
Présenter l’article 47 terdecies comme instaurant une mesure d’équité sociale est mensonger et dangereux. Comme l’a souligné Mme la rapporteure générale, pour les deux tiers des salariés du secteur privé, des conventions collectives permettent d’atténuer les conséquences des trois jours de carence, voire d’indemniser les trois premiers jours de congé maladie.
L’instauration d’un jour de carence pour les fonctionnaires revient tout simplement à créer une inégalité entre les salariés du secteur privé et ceux de la fonction publique. Elle se traduira par une perte nette de salaire.
Madame la ministre, aucune analyse raisonnable ne montre que votre comparaison entre les secteurs public et privé soit assise sur des fondements sérieux. Vous prônez l’égalité entre les Français, mais, en réalité, cette mesure est une recette de poche, comme l’a sous-entendu Mme la rapporteure générale ; elle consiste tout simplement à « prendre sur le dos » des fonctionnaires, qui sont tout sauf des privilégiés. Je vous rappelle d'ailleurs que certains d’entre eux gagnent très mal leur vie.
Pis, vous mettez en route la machine électorale du Président de la République sortant, qui est bel et bien en campagne.
M. Roland Courteau. C’est vrai. On le constate !
M. Jean-Marc Todeschini. C’est le retour d’un discours qui vise à monter les Français les uns contre les autres et à créer toujours plus de divisions dans notre pays. Hélas, je crains que ce ne soit pas terminé !
M. Roland Courteau. Oh oui, hélas !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Je fais partie des parlementaires qui saluent la modération du Gouvernement. (Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV.) À l’occasion de l’adoption de la présente disposition par l'Assemblée nationale et de l’information communiquée alors à l’opinion publique, nombre de salariés du secteur privé ont été étonnés d’apprendre la disparité existant entre la fonction publique et le secteur privé. Personnellement, comme nombre de mes collègues, j’ai été saisi par certains de nos concitoyens de cette question.
Je le répète, le Gouvernement a fait preuve de modération puisqu’il a limité sa mesure à un jour de carence, sans chercher, contrairement à ce qu’affirme M. Todeschini, à créer une polémique et à dresser un secteur contre l’autre. Il a simplement révélé l’existence d’une disparité importante et a voulu adresser un signal de responsabilité.
Madame la rapporteure générale, votre argumentation pèche sur un point : un tiers des salariés du secteur privé ne sont pas couverts par une convention collective ! Alors que vous soutenez que les fonctionnaires qui ont les salaires les plus faibles sont défavorisés, vous oubliez parallèlement les salariés du secteur privé qui perçoivent les revenus les plus faibles.
La volonté du Gouvernement n’est pas nécessairement bien comprise, parce que beaucoup s’attendaient à ce que soit instituée une parité totale, autrement dit trois jours de carence dans la fonction publique comme dans le secteur privé. Ce n’est donc qu’un premier pas.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-359 et II-364.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 47 terdecies est supprimé.
Article 47 quaterdecies (nouveau)
À compter du 1er janvier 2012, le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport sur les autorités publiques indépendantes dotées de la personnalité morale et sur les autorités administratives indépendantes dont les effectifs ne sont pas inclus dans un plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État. Cette annexe générale récapitule, par autorité et pour le dernier exercice connu, l’exercice budgétaire en cours d’exécution et l’exercice suivant :
1° Le montant constaté ou prévu de leurs dépenses ;
2° Le montant constaté ou prévu des produits des impositions de toute nature, des subventions budgétaires et des autres ressources dont elles bénéficient ;
3° Les emplois rémunérés par ces autorités.
Ce rapport comporte également, pour chacune de ces autorités, une présentation stratégique avec la définition d’objectifs et d’indicateurs de performance, une présentation des actions et une présentation des dépenses et des emplois avec une justification au premier euro. Il expose, par catégorie, présentée par corps ou par métier, ou par type de contrat, la répartition prévisionnelle des emplois rémunérés par l’autorité et la justification des variations par rapport à la situation existante. Il rappelle, de la même façon, les emplois utilisés par l’autorité et dont le coût est supporté par un autre organisme.
À compter du 1er janvier 2013, ce rapport comporte également une analyse des écarts entre les données prévues et constatées pour les crédits, les ressources et les emplois, ainsi que pour les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés.
Cette annexe générale est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins cinq jours francs avant l’examen du projet de loi de finances de l’année qui autorise la perception des impôts, produits et revenus affectés aux organismes divers habilités à les percevoir. – (Adopté.)
Article 47 quindecies (nouveau)
Est jointe au projet de loi de finances de l’année une annexe récapitulant les engagements financiers pris par les organismes français, autres que l’État, la Caisse d’amortissement de la dette sociale et la Caisse de la dette publique, relevant de la catégorie des administrations publiques centrales au sens du règlement (CE) n° 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté.
Les engagements financiers au sens du présent article s’entendent des emprunts contractés auprès d’un établissement de crédit, des titres de créance émis ainsi que des garanties et cautions accordées.
Cette annexe précise, pour chacun de ces engagements, son montant, sa durée et l’objectif qui le justifie. Elle indique le bénéficiaire de chacune des garanties, cautions et engagements de même nature.
Cette annexe est déposée sur le bureau des assemblées parlementaires et distribuée au moins dix jours francs avant l’examen par l’Assemblée nationale, en première lecture, de l’article du projet de loi de finances de l’année qui autorise la perception des ressources de l’État et des impositions de toute nature affectées à des personnes morales autres que l’État. – (Adopté.)
Article 47 sexdecies (nouveau)
Chaque année, le Gouvernement dépose en annexe au projet de loi de finances un rapport qui comporte une présentation de la structure et de l’évolution des dépenses ainsi que de l’état de la dette des collectivités territoriales.
À cette fin, les régions, les départements et les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants transmettent au représentant de l’État, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État pris après avis du comité des finances locales, un rapport présentant notamment les orientations budgétaires, les engagements pluriannuels envisagés, la composition et l’évolution de la dette ainsi que des dépenses de personnel, de subvention, de communication et d’immobilier.
Les conditions de publication de ce rapport sont précisées dans le décret précité.
M. le président. L'amendement n° II-360, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Cet amendement, important, vise à supprimer une disposition relative aux collectivités territoriales introduite par l’Assemblée nationale.
Sous couvert d’améliorer l’information du Parlement, cet article prévoit que les collectivités, régions, départements et communes de plus de 50 000 habitants transmettent chaque année à l’État des informations relatives à leurs dépenses de personnel, aux subventions qu’elles versent, ainsi qu’à leurs dépenses de communication et d’immobilier. Il introduit une suspicion à l’encontre de ces collectivités, sous un prétexte fallacieux.
L’Observatoire des finances locales, en application de l’article L. 1211-4 du code général des collectivités territoriales, traite des dépenses et de la dette des collectivités territoriales et il lui est loisible d'enrichir son contenu.
Nous ne comprenons pas le fondement de l’article 47 sexdecies. Il fait preuve de maladresse à l’encontre de l’exécutif de collectivités qui gère celles-ci pour le bien commun de leurs habitants et dont la légitimité est reconnue par les électeurs qui lui confient ses responsabilités.
En tout cas, s’il ne s’agit pas d’une maladresse de nos collègues députés, leur intention est répréhensible.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Madame la rapporteure générale, il ne s’agit ni d’une erreur, ni d’une maladresse, ni d’une inattention. Cette mesure a été voulue par le Premier ministre dans le cadre de son plan de redressement des finances publiques.
Si, comme vous le prétendez, les collectivités locales ont toutes à cœur de limiter leur train de vie, leurs dépenses de fonctionnement – et je veux bien le croire –, qu’elles le fassent savoir à leurs administrés ! Elles n’ont rien à craindre de cet « open data » gouvernemental et local.
Aujourd'hui, le Gouvernement vient d’installer la mission Étalab pour les finances de l’État. Or au moment où l’État ouvre très largement l’accès aux données publiques, via Internet, et permet ainsi d’évaluer et de comparer les politiques publiques, cet « open data », cette ouverture des données, doit pouvoir se mettre en place, y compris à propos de la gestion locale. Il est donc assez logique que les collectivités de plus de 50 000 habitants soient, elles aussi, assujetties à cette obligation de transparence.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. L’article 47 sexdecies constitue la traduction des annonces faites par le Premier ministre, François Fillon, à l’occasion de son discours du 7 novembre 2011 de présentation du deuxième plan de rigueur, qui prévoit de demander aux collectivités locales un « effort de transparence » sur « leurs effectifs et leurs dépenses de train de vie ».
Une nouvelle fois, dans la continuité des critiques qu’il émet depuis 2007, le Gouvernement cherche à faire porter la responsabilité actuelle de la dégradation des comptes publics sur les collectivités territoriales.
Ne pouvant agir directement sur la dépense locale, protégée par le principe constitutionnel de libre administration des collectivités, il se replie sur cette mesurette qui relève plus de la manœuvre que du souci d’efficience.
En effet, les informations relatives à la dette existent déjà. Preuve en est, de nombreuses informations sont transcrites annuellement dans le rapport de l’Observatoire des finances locales ; de nombreuses autres figurent dans les documents budgétaires transmis par le Gouvernement pour la préparation du projet de loi de finances, comme les rapports sur les prélèvements obligatoires, sur la dépense publique, sur les transferts financiers de l’État, entre autres.
De surcroît, le Gouvernement connaît d’ores et déjà ces informations, puisqu’il les utilise pour établir la trajectoire du retour à l’équilibre des comptes publics et de réduction du déficit, notamment le programme de stabilité qu’il envoie à la Commission européenne.
Par ailleurs, pour ce qui concerne les dépenses de personnel – je reprends les chiffres avancés par le président de l’Association des maires de France –, 262 000 postes ont été créés entre 2002 et 2009, ce qui correspond à 37 500 postes par an, soit un par collectivité, toutes tailles et catégories confondues. Cette indication relativise quelque peu la gabegie attribuée aux collectivités territoriales.
Par ailleurs, on peut légitimement se demander s’il existe véritablement un intérêt pour l’État à connaître les intentions des collectivités locales en matière de communication et d’immobilier.
Permettez-nous, enfin, de vous rappeler que les assemblées locales sont élues et, à ce titre, responsables devant leurs électeurs. L’ensemble de leurs actes fait donc l’objet de mesures de publicité.
Cet article illustre l’incapacité du Gouvernement à proposer une solution sérieuse à la crise actuelle. En effet, il se contente de faire un nouveau procès d’intention aux collectivités locales. Madame la ministre, vous ne parviendrez pas à masquer par ces manœuvres dilatoires les critiques légitimes quant aux dépenses de communication de la présidence de la République et des ministères.
M. Roland Courteau. Ah !
M. François Marc. Cet article confirme le refus du Gouvernement de considérer les collectivités territoriales comme de véritables partenaires institutionnels et politiques et d’apporter une réponse crédible aux contraintes réelles qui pèsent sur leur budget.
Les déficits cumulés des collectivités locales représentent moins de 2 % du déficit public et leurs dettes cumulées moins de 10 % de la dette publique. Par conséquent, les collectivités territoriales, loin de constituer un problème, comme le pense le Gouvernement, sont au contraire une partie de la solution pour sortir de la crise actuelle. Dès lors, il est indispensable de leur permettre de continuer à soutenir l’investissement et assurer les services publics locaux.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. J’approuve ce qu’a dit François Marc. En effet, les préfets reçoivent systématiquement tous les renseignements nécessaires !
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Notamment lors des débats d’orientation budgétaire.
M. Edmond Hervé. Au-delà même de ces débats d’orientation budgétaire, les collectivités territoriales transmettent tous leurs documents budgétaires aux préfets.