Article 1er
L’article L. 3132-3 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et de la société, le repos hebdomadaire est donné le dimanche.
« Aucune dérogation à ce principe n’est possible, à moins que la nature du travail à accomplir, la nature du service fourni par l’établissement ou l’importance de la population à desservir ne le justifie. »
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les malentendus suscités par le débat sur le travail dominical s’expliquent en partie par le décalage entre une certaine vision de la société – totalement idéologique et désuète (M. Jean Desessard s’esclaffe.) – et la réalité d’aujourd’hui.
La possibilité d’un choix demeure essentielle dans une République digne de ce nom, et il faut reconnaître, madame David, que le choix du travail le dimanche peut être totalement libre, délibéré ou souhaité.
Indéniablement, la question du travail dominical accompagne les transformations de la société française. La perception de la semaine en tant que telle est en perpétuelle recomposition. Les jours donnent lieu à d’autres usages, souvent éloignés d’usages antérieurs érigés en traditions. Les symboles, les images sociales et culturelles attachées à chacun d’entre eux sont soumis à l’épreuve d’une nouvelle socialité. La loi sur la réduction du temps de travail a produit des effets comparables sur le vendredi et le mercredi.
Chacun peut y trouver son compte, à la condition expresse que le système repose sur la base du volontariat et que le salarié soit rémunéré en conséquence. C’est ce que prévoit la loi du 10 août 2009 que nous avons votée et qui a été validée par le Conseil constitutionnel.
Le repos hebdomadaire tend à ne plus correspondre strictement au repos dominical : le dimanche n’a plus le monopole du repos. L’économie de services a donné lieu depuis longtemps au travail le dimanche. On le constate évidemment pour les services privés et les commerces. Nombre d’artisans et de commerçants, notamment dans le secteur alimentaire, travaillent systématiquement le dimanche matin. On le constate également pour les services publics, auxquels les Français sont très attachés, dans les domaines de la santé, de la sécurité ou des transports.
Bon nombre de prestations supposent par nature que des actifs travaillent le dimanche, le plus souvent par des mécanismes de rotation permettant aux salariés concernés de ne pas travailler tous les dimanches ou de choisir un autre jour de repos hebdomadaire.
Une société habituée au confort des services tend à produire une demande de continuité de ces services et de disponibilité des offres, ce qui encourage mécaniquement le travail dominical.
Une société de loisirs tend également à favoriser le travail dominical. Le dimanche est un jour de repos pour certains. Comme tel, il est de plus en plus souvent vécu comme une journée de loisirs, lesquels supposent évidemment l’accès à des services, donc l’emploi de salariés et, par voie de conséquence, une extension du travail dominical.
L’activité familiale dominicale se déploie plus souvent qu’auparavant dans un cadre de type public, par opposition au domicile. Elle prend place dans un réseau d’activités mêlant déambulations et consommation. La pratique des loisirs est ainsi typique de cette évolution du dimanche vers un consumérisme familial.
Mme Christiane Hummel. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Par ailleurs, force est de constater que le modèle du dimanche traditionnel, religieux et familial, n’est plus dominant. Le dimanche n’est plus que très marginalement considéré comme « le jour du Seigneur » puisque plus d’un quart des Français se déclarent sans religion. Un calcul sommaire laisse penser que le nombre de Français qui se rendent à la messe dominicale est passé en cinquante ans de 9,3 millions à 1,8 million. Il est donc bien difficile de défendre la sacralité du dimanche dans une société qui s’est pour partie éloignée de la pratique religieuse.
Dans son rapport à la cellule familiale et à ce qu’elle implique en termes de représentations, le dimanche apparaît encore comme une journée familiale « traditionnelle » pour beaucoup, mais aussi comme une journée de solitude pour d’autres. Dans une ville comme Paris, un ménage sur deux est composé d’une seule personne. Au fil des années, il est évident que le rôle joué par la consommation est devenu de plus en plus important dans l’organisation de la journée du dimanche.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vos propos sont scandaleux !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. D’une manière générale, on l’a dit, l’apparition d’une société des loisirs conduit de facto à combiner du temps libre avec la consommation…
M. Ronan Kerdraon. C’est honteux de dire cela !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. ... au travers de l’engagement dans des types d’activité qui supposent bel et bien la consommation de biens et de services : tourisme, sports, cinéma, musées, alimentation, parcs de loisirs, spectacles, expositions, visites de sites touristiques, etc.
Une fois encore ici, le repos des uns génère l’activité des autres. On peut d’ailleurs considérer que la loi sur la réduction du temps de travail a favorisé cette évolution vers une société de loisirs, contribuant ainsi à l’extension du travail dominical.
Mme Christiane Hummel. Très bien !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le débat sur le thème du travail dominical se détend considérablement dès lors que sont introduits des mécanismes de compensation, sous la forme à la fois d’une rémunération majorée et d’un aménagement du temps hebdomadaire de travail permettant de récupérer une journée de congés parmi les autres jours de la semaine. Je le rappelle une nouvelle fois, c’est ce que prévoit la loi que nous avons votée en 2009.
C’est pourquoi je voterai contre l’article 1er de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’article 1er de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à inscrire dans le code du travail le principe du repos dominical. Dans l’intérêt des salariés, de leurs familles et pour tous les citoyens, les sénatrices et les sénateurs écologistes soutiennent cet article.
En défendant le repos dominical, nous faisons le choix de nous inscrire dans le grand mouvement de progrès porté par les luttes des travailleurs. C’est en 1906, à la suite d’une grève générale, que le principe du repos dominical a été voté pour la première fois, ce qui a permis une avancée majeure dans la conquête de la réduction du temps de travail.
À contresens de l’histoire, la loi Maillé votée en 2009 a entaillé cet acquis social en étendant les dérogations au principe de repos dominical. Sous couvert de l’adage sarkozyste « travailler plus pour gagner plus », le Gouvernement a légalisé des pratiques de travail le dimanche qui étaient auparavant illégales.
Le résultat de cet accroc gouvernemental au code du travail est la dégradation des droits des salariés de la grande distribution. Les syndicats ne cessent de dénoncer le fait que de plus en plus de salariés sont forcés par leurs employeurs de travailler le dimanche. Le contrat de travail est ainsi fait que la subordination des salariés au patron est la règle. Pour cette raison évidente, les salariés ne peuvent refuser de travailler le dimanche, car ce serait prendre le risque d’être licencié. Nous sommes là bien loin du volontariat dont vous avez parlé, madame Garriaud-Maylam.
Les dérogations dans la grande distribution ont permis de contraindre les salariés à travailler le dimanche aux dépens de leur santé, de leur famille et de leur vie sociale. Cela n’est bien sûr pas acceptable.
Madame la sénatrice, je suis persuadé que les salariés veulent profiter de leur temps de loisir le dimanche pour vivre mieux et prendre le temps de s’occuper d’eux et des autres, et pas seulement pour consommer. Très justement, cet article 1er rappelle l’importance du repos dominical pour les salariés, mais ajoute que ce jour chômé l’est également dans l’intérêt de la famille et de la société. C’est un temps de repos commun, un temps pour soi, mais aussi un temps pour tous.
Afin de garantir la cohésion sociale et la qualité de vie dont les Français ont besoin, je voterai l’article 1er de cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, sur l'article.
M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de trouver quelque peu étrange que cet article 1er, qui propose de renforcer la portée symbolique du repos dominical, émane d’une initiative de nos collègues communistes.
En effet, je rappelle que le mot dimanche, dies dominicus, signifie en latin ecclésiastique « jour du Seigneur » et qu’il fait référence aux premiers chrétiens qui se réunissaient ce jour-là en assemblée liturgique.
M. Ronan Kerdraon. Amen !
M. Pierre Charon. Lorsque l’on se remémore les rapports entre l’église chrétienne et le parti communiste, cela peut nous faire sourire (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.),…
Mme Annie David, rapporteure. Il y a des communistes chrétiens !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Moi, je suis catholique !
M. Pierre Charon. … à moins que cela ne confirme ce que certains avaient déjà remarqué, c'est-à-dire le goût des partis communistes du monde entier pour les dogmes et les célébrations liturgiques. Vous auriez pu proposer que « le jour du Seigneur » soit rebaptisé « jour de l’humanité ». (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
De fait, le jour de repos n’a pas toujours été dominical dans notre histoire, et ce n’est qu’en 1906 qu’il s’est imposé ainsi.
Je m’interroge vraiment sur les raisons qui motivent cette volonté de la majorité sénatoriale de refuser toute évolution du jour de repos hebdomadaire et de vouloir absolument maintenir en 2011 le repos dominical.
Si le dimanche conserve un caractère religieux et familial, ce qui est tout à fait respectable, force est de constater que ce principe a toujours souffert de nombreuses dérogations. La plupart des agriculteurs ont de tout temps travaillé le dimanche, de même que les personnes œuvrant dans le secteur du divertissement touristique, comme l’a rappelé Mme Garriaud-Maylam, ou dans les services publics indispensables, comme les hôpitaux.
Je comprends la volonté réaffirmée de s’assurer que les salariés sont bien volontaires pour travailler le dimanche. Je suis néanmoins convaincu que le combat est désormais ailleurs, dans la sauvegarde de l’emploi et pas dans le fait de savoir si le dimanche doit être sacralisé ou non. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Vouloir revenir sur le travail le dimanche est une proposition de riches, et je ne pense pas que la France en ait les moyens. En tout cas, une ville comme Paris, qui vit au rythme du monde, ne peut revenir aux procédures sans fin qui entouraient le régime des dérogations d’ouverture le dimanche.
Telles sont les raisons pour lesquelles il ne me paraît pas pertinent de voter l’article 1er. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.
Mme Catherine Procaccia. La société est en perpétuel mouvement et le législateur a le devoir de répondre aux transformations sociales et culturelles de la société.
Selon une récente enquête de l’INSEE, près de 30 % de la population active déclare travailler habituellement ou occasionnellement le dimanche. Il existe en effet de nombreuses dérogations à l’obligation de pause hebdomadaire du dimanche, dérogations qui existaient bien avant la loi que nous avons votée en 2009. M. Charon l’a rappelé, le principe du repos dominical, posé par la loi du 13 juillet 1906, va de pair, dès l’origine, avec des dérogations. En 1913, on dénombrait plus de 25 000 dérogations.
Si le dimanche n’est pas une journée comme les autres, et ne doit pas le devenir, comment ne pas prendre en considération les évolutions des habitudes sociétales ? Le législateur de 2009 a décidé de prendre acte de l’évolution des modes de vie, notamment dans les plus grandes agglomérations. C’est pour répondre à cette évolution que la loi a pris en compte un certain nombre de situations spécifiques.
Madame David, vous remettez en cause cette loi de 2009 parce que vous refusez de voir les évolutions de notre société et les nouvelles habitudes de vie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ça…
Mme Catherine Procaccia. Avec votre proposition de loi, vous livrez un combat d’arrière-garde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr…
Mme Catherine Procaccia. Dans une société moderne, chacun a droit au libre choix de travailler ou non le dimanche.
Aujourd’hui, on se trouve dans une situation unique dans le droit français : l’exception prime la règle (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), puisqu’il y a plus de 180 dérogations de plein droit à la loi, sans parler des dérogations spéciales accordées par les préfets.
En moins de vingt ans, le commerce, comme tous les secteurs d’activité, a connu une révolution, et l’arrivée d’Internet a contribué à changer profondément la donne. Lorsque les magasins sont fermés le dimanche, Internet est là pour faire ses achats, et ce sont les commerces qui en pâtissent. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat fait un signe de dénégation.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. L’ouverture des commerces le dimanche offre la possibilité de redonner de la vie à des quartiers ou à des zones périurbaines qui en ont besoin ; elle contribue aussi à redynamiser le petit commerce de proximité,…
M. Ronan Kerdraon. Mais non !
Mme Annie David, rapporteure. La loi de 2009 les pénalise !
Mme Catherine Procaccia. … avec la création d’emplois spécifiques pour les plus jeunes ou pour ceux qui souhaitent ou qui ont besoin de gagner plus.
Lorsqu’on demande aux générations des moins de trente ans si elles sont favorables à l’ouverture des magasins le dimanche, on obtient des scores de plus de 80 %. Pourquoi donc les opposants du dimanche refusent-ils de tenir compte des nouveaux modes de vie, ainsi que de la demande des jeunes générations ?
L’ouverture des commerces le dimanche est créatrice de lien social, et il est urgent de recréer du lien en tout premier lieu dans les zones périurbaines que je connais bien, ces déserts où l’absence d’activités, d’animations et de vie engendre une violence non maîtrisée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Dès l’instant qu’il existe un accord entre les salariés et les patrons, pourquoi vouloir interdire le travail le dimanche ?
C’est bien la liberté du droit du travail qui est remise en cause lorsqu’on cherche à imposer de manière obligatoire le repos dominical. De plus, ce dogme est totalement incompatible avec nos valeurs républicaines, et également avec la diversité des situations du tissu économique et social.
Lorsqu’on parle de travail le dimanche, on parle avant tout des commerces. Il n’a bien entendu jamais été question de faire travailler tous les salariés le dimanche et de faire du dimanche un jour non différencié par rapport aux autres jours de la semaine.
Le dimanche est un jour d’exception où l’on prend plaisir à se réunir en famille, où l’on prend le temps de faire ses achats ensemble, des achats de plaisir ou des achats d’utilité qui concernent tout le monde. C’est aussi de la concertation familiale ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Annie David, rapporteure. Et ceux qui sont derrière les comptoirs, ils ont plaisir à vous permettre de faire des achats, surtout au prix où ils sont payés…
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas en semaine, le soir, après un temps de trajet souvent long pour rentrer du travail, que l’on va faire des achats qui concernent toute la famille.
Mme Isabelle Pasquet. N’importe quoi !
Mme Catherine Procaccia. En Île-de-France, plus de 40 % de la population est célibataire. Le dimanche est souvent une journée bien triste pour beaucoup et, lorsqu’on est seul, on préfère travailler ou se promener dans les magasins. Il faut tenir compte de cette demande. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
La France a considérablement évolué depuis 1906, et on ne peut appliquer les mêmes règles sur l’ensemble du territoire. Il y a en France treize agglomérations de plus de 500 000 habitants qui totalisent à elles seules plus de 20 millions de personnes, dont les modes de vie sont extrêmement différents des habitants du reste du territoire. La question tient non pas tant au fait d’être pour ou contre l’ouverture le dimanche qu’au libre choix des consommateurs et des salariés et à la liberté du commerce. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre l’article 1er de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je n’avais pas l’intention d’intervenir mais les propos tenus dans cette enceinte me stupéfient quelque peu.
M. Ronan Kerdraon. Il est scandaleux de considérer que l’on créerait du lien social en permettant aux gens de faire leurs courses dans les grandes surfaces le dimanche, leurs enfants installés dans le caddie.
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
M. Ronan Kerdraon. Il s’agit là d’une conception un peu raccourcie du lien social !
Mme Catherine Procaccia. Vous n’allez pas souvent dans les grandes surfaces !
M. Ronan Kerdraon. Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, je vous rappelle que le dimanche est traditionnellement réservé à la vie associative. Si vous voulez trouver du lien social, allez dans les associations !
Mme Isabelle Pasquet. Exactement !
M. Ronan Kerdraon. C’est le dimanche que les clubs de football, de basket-ball ou de handball se réunissent ; c’est le dimanche que toute la vie sportive s’organise ; c’est le dimanche que les associations tiennent leurs manifestations ! Mes chers collègues, allez dans les associations voir comment cela se passe !
Je parle sous le regard de Mme Jouanno, qui a été ministre des sports : le dimanche doit être sacralisé. C’est d’autant plus vrai que l’on n’éprouve aucun plaisir à faire ses courses ce jour-là ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Surtout quand on travaille huit heures par jour !
M. Ronan Kerdraon. Soyons sérieux : en période où le portefeuille des Français tend à se réduire comme peau de chagrin, ce qui est dépensé le dimanche ne le sera pas le lundi – et inversement.
Mme Annie David, rapporteure. Exactement !
M. Ronan Kerdraon. Votre argumentation est donc une ineptie en matière économique !
En outre, l’ouverture des grandes surfaces le dimanche signe la mort des commerces de proximité, que vous avez évoqués tout à l'heure.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas vrai !
M. Ronan Kerdraon. Allez donc dans les chambres de commerce et d’industrie et dans les chambres de métiers et de l’artisanat ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. –Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Savary, Mmes Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, M. Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, aux termes de l’article 1er de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical, le dimanche serait par principe le jour de repos hebdomadaire.
D’un point de vue religieux, il est le premier jour de la semaine chrétienne et de la semaine juive. De même, l’islam lui donne explicitement le nom de « premier jour ».
Certes, le principe du « repos dominical » s’inscrit dans une tradition religieuse datant, rappelons-le, du règne de l’empereur Constantin, aux IIIe et IVe siècles, époque à laquelle l’Église romaine a obtenu que le dimanche devienne le jour de repos légal.
Mais nous ne sommes plus au IVe siècle ! Nous sommes bel et bien au XXIe siècle !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo ! Est-ce cela votre argumentation ? C’est fort !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. En revanche, mes très chers collègues, dois-je vous rappeler que le pacte républicain – notre Constitution – souligne que « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » ?
Dois-je vous rappeler que la laïcité se traduit en France par la séparation de l’Église et de l’État, établie par la loi de 1905 ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
Dans notre pays, le principe de laïcité distingue le pouvoir politique des organisations religieuses, l’État devant rester neutre. Il implique non seulement une certaine liberté de conscience, mais également une certaine liberté d’opinion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous passez l’ouverture des grandes surfaces le dimanche à la moulinette de la laïcité ! C’est honteux !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Il s’agit non pas de condamner le repos dominical, mais d’affirmer que le corollaire de la liberté de conscience du citoyen est la neutralité. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.)
L’article 1er du texte est une déclaration de pur principe qui n’apporte aucune garantie supplémentaire à la définition d’un jour commun de repos, principe fondamental auquel, cela va sans dire, nous sommes tous très attachés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que proposez-vous en ce sens ?
Mme Marie-Thérèse Bruguière. La précision est superflue. Dans l’article 1er, les auteurs de la proposition de loi se soucieraient de « l’intérêt » – j’attire votre attention sur ce terme – des salariés et de leurs familles, interdisant les dérogations au principe du repos hebdomadaire le dimanche, hormis pour quelques activités dont les travaux urgents, le traitement des denrées périssables et les services de la défense.
Or, pour certains de nos concitoyens, la possibilité de travailler le dimanche serait bienvenue, tant dans leur intérêt personnel que dans celui de leur famille !
Adopter une telle proposition de loi reviendrait donc à stigmatiser le travail dominical. Qui plus est, ce serait le meilleur moyen de démotiver les quelques salariés travaillant le dimanche !
L’interdiction définie par l’article 1er ne permet pas d’appréhender l’ensemble des réalités économiques et sociales qui justifient une dérogation au principe du repos dominical. Bien au contraire, elle tend à entraver la vitalité économique de notre pays !
C’est pourquoi mes collègues du groupe UMP, notamment ceux qui appartiennent à la commission des affaires sociales, et moi-même demandons la suppression de l’article 1er de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie David, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression, qui est contraire à l’esprit même de la proposition de loi.
Permettez-moi simplement de faire quelques rappels.
On nous a beaucoup parlé du dimanche comme d’un jour religieux. À cet égard, je rappelle, à l’instar de l’historien Robert Beck, que, à partir de la fameuse loi de 1906 relative au repos dominical, le congé du dimanche n’a absolument plus rien eu de religieux. En effet, s’il y avait eu par le passé une loi de sanctification du dimanche, loi promulguée en 1814, cette loi était tombée en désuétude et avait été définitivement abolie en 1880.
En 1906, on assiste donc bien à une réinvention du dimanche, sous un angle complètement laïc (M. Jean Desessard approuve.), et en intégrant deux valeurs nouvelles qui apparaissaient en cette fin de XIXe siècle et en ce début de XXe siècle : le repos et la famille.
En effet, dans les entreprises ou les secteurs où le travail du dimanche était la règle, les salariés étaient bien plus usés et, par exemple, beaucoup plus souvent exemptés de service militaire. Or, à cette époque, les gouvernements ne pouvaient prendre le risque d’armées dépeuplées. Le sujet de la fatigue apparaît donc alors comme primordial, notamment dans le vote du Sénat en faveur d’une journée de repos hebdomadaire le dimanche.
Il faut également savoir que la forte mobilisation, à partir des années 1890, des employés de commerce des grands magasins – 45 % d’entre eux avaient une espérance de vie de moins de quarante ans – a été déterminante : la loi a été adoptée à la suite d’énormes manifestations.
Mes chers collègues, je le répète, à partir de la loi de 1906, le congé du dimanche n’a absolument plus rien à voir avec l’aspect religieux que vous mettez en avant depuis le début de la matinée ; au contraire, l’angle de ce jour de congé est complètement laïc : celui du repos et de la famille. Il s’agit de permettre aux ouvriers de bénéficier le dimanche d’un jour de repos en commun pour se promener ou pour prendre le temps de se mettre à table tranquillement en famille.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ou pour se cultiver !
Mme Annie David, rapporteure. Quant à tout ce que vous avez avancé lors de vos interventions, je n’y reviendrai pas ; tout a déjà été dit lors de la discussion générale.
Mme Isabelle Pasquet. Exactement ! On ne va pas la refaire !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes là, vous l’aurez compris, dans un débat totalement idéologique. Nous sommes face à deux postures totalement politiciennes ou, à tout le moins – soyons juste –, face à deux analyses politiques.
M. Jean Desessard. Idéologiques ou politiques ? Il faut savoir !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et de social !
Mme Nadine Morano, ministre. Deux visions totalement différentes s’affrontent.
Dans sa démonstration, Mme la rapporteure fait référence au XIXe siècle. Voilà à quelle époque se réfère le parti socialiste !
Mme Isabelle Pasquet. Communiste, voulez-vous dire ! (Sourires. – M. Jean Desessard applaudit.)
Mme Nadine Morano, ministre. Voilà à quelle époque se réfère la gauche, qu’il s’agisse des socialistes ou des communistes !
M. Ronan Kerdraon. Ou des Verts !
M. Jean Desessard. Les Verts sont déjà au XXIIe siècle ! (Sourires.)
Mme Nadine Morano, ministre. Vous refusez de voir que la société évolue.
Il est important de rappeler le nom des communes ayant demandé la création de périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE. Mon collègue Xavier Bertrand les a déjà citées. Parmi ces communes, deux sont de sensibilité communiste !
Mme Isabelle Debré. C’est le cas de Gennevilliers !
Mme Nadine Morano, ministre. Exactement, madame le sénateur ; c’est aussi le cas de Pierrelaye.
Mais, madame la rapporteure, c’est également le cas de douze communes socialistes.
M. Ronan Kerdraon. Ah !
Mme Nadine Morano, ministre. Je rappellerai leur nom, et tant pis si cela vous dérange ! Il convient de rétablir la vérité : Les Pennes-Mirabeau, Roubaix, Chanteloup-en-Brie, Villeparisis, Pontault-Combault, Lognes, Brie-Comte-Robert, Gonesse, Éragny, Ézanville, Sainte-Geneviève-des-Bois et Fleury-Mérogis ; autant de communes de gauche qui ont décidé de suivre la démarche de création de périmètres d’usage de consommation exceptionnel, ou PUCE.