Article 2
I. – L’article L. 3132-27 du code du travail est abrogé.
II. – Le paragraphe 3 de la sous-section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier de la troisième partie du même code est complété par un sous-paragraphe 3 ainsi rédigé :
« Sous-paragraphe 3
« Garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche
« Art. L. 3132-27. – Dans le cadre des dérogations prévues aux articles L. 3132-20 à L. 3132-26, seuls les salariés ayant donné volontairement leur accord par écrit peuvent travailler le dimanche.
« Une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne peut prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour refuser de l’embaucher.
« Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’aucune mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.
« Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle dérogation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.
« Art. L. 3132-27-1. – Le salarié qui travaille le dimanche, à titre exceptionnel ou régulier, en raison des dérogations accordées sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26, bénéficie de droit, d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
« Un décret précise les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.
« Si le repos dominical est supprimé un dimanche précédant une fête légale, le repos compensateur est donné le jour de cette fête.
« Art. L. 3132-27-2. – Sans méconnaître les obligations prévues à l’article L. 3132-27-1, toute entreprise ou établissement qui souhaite déroger au principe du repos dominical sur le fondement des articles L. 3132-20 à L. 3132-26 doit présenter à l’autorité administrative compétente pour autoriser la dérogation un accord de branche ou un accord interprofessionnels, fixant notamment les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical et les contreparties accordées à ces salariés.
« Art. L. 3132-27-3. – L’employeur demande chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi ressortissant à sa catégorie professionnelle ou un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche dans le même établissement ou, à défaut, dans la même entreprise. L’employeur l’informe également, à cette occasion, de sa faculté de ne plus travailler le dimanche s’il ne le souhaite plus. En pareil cas, le refus du salarié prend effet trois mois après sa notification écrite à l’employeur.
« En outre, le salarié qui travaille le dimanche peut à tout moment demander à bénéficier de la priorité définie à l’alinéa précédent.
« Le salarié privé de repos dominical conserve la faculté de refuser de travailler trois dimanches de son choix par année civile. Il doit en informer préalablement son employeur en respectant un délai d’un mois.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cet article.
« Art. L. 3132-27-4. – Aucune sanction financière ou administrative prononcée à l’encontre d’un établissement ou d’une entreprise méconnaissant la législation sur le repos dominical ne peut avoir pour conséquence le licenciement des personnels employés et affectés au travail ce jour. Ces salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement à la sanction administrative ou financière. »
III (nouveau). – Les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-2 du même code sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l'article.
Mme Catherine Procaccia. L’article 2 de cette proposition de loi a pour objet de protéger les salariés qui travaillent le dimanche, y compris dans les zones touristiques et dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Je suis d’accord avec Mme le rapporteur sur le fait qu’il est nécessaire d’encadrer le travail du dimanche pour ne pas mettre en péril l’équilibre social entre les salariés, d’une part, et les entreprises, d’autre part.
Toutefois, l’article 2 comporte des limites de fond.
D’abord, il tend à établir une interdiction uniforme du travail le dimanche sur notre territoire, sans prendre en compte la réalité économique. Certaines parties du territoire, notamment les PUCE et les zones touristiques existantes, sont certes épargnées, mais qu’en sera-t-il du développement économique de communes et de régions extérieures à ces zones ? Le développement commercial et touristique y sera-t-il, à l’avenir, complètement stoppé ? Par cet article, vous risquez de freiner le développement de bon nombre de régions.
Si cet article est adopté, les PUCE et les activités économiques et commerciales qu’ils recouvrent ne pourront plus bénéficier d’aucune impulsion nouvelle. De nombreux commerces et enseignes n’ont pas souhaité ouvrir le dimanche et la loi de 2009 a respecté leur choix, sans exercer de contrainte.
Cependant, les attentes des populations ne sont pas les mêmes selon les territoires. Dans le département du Val-de-Marne, par exemple, qui compte plus de 1,3 million d’habitants, dont 30 % sont âgés de moins de vingt-cinq ans, croyez-vous, mes chers collègues, que les habitudes de consommation et les conditions de vie soient les mêmes que dans les territoires ruraux ?
En outre, interdire le travail le dimanche traduit selon moi une conception passéiste de notre système économique. Ainsi, le site commercial de Thiais-Village, toujours dans le Val-de-Marne, réalise 35 % de son chiffre d’affaires hebdomadaire le dimanche. Ne plus autoriser les commerces implantés sur ce site à ouvrir le dimanche me paraîtrait irresponsable dans le contexte actuel. Ce serait méconnaître les conséquences d’une telle décision en matière d’emploi.
L’article 2 revient également sur la modernisation du code du travail. En prévoyant de réinstaurer un système d’autorisation d’ouverture dominicale par dérogation administrative, cet article témoigne d’une absence de pragmatisme juridique et d’un manque de clairvoyance économique.
Ainsi, dans la ville de Villiers-sur-Marne, le centre commercial Les Armoiries a été créé à côté d’un magasin Ikéa qui est ouvert le dimanche depuis toujours. Il avait vocation à réaliser une part essentielle de son chiffre d’affaires le week-end. Cependant, il n’a pas été autorisé à ouvrir le dimanche, parce qu’on a estimé qu’il n’existait pas d’« habitude de consommation dominicale », le magasin Ikéa, distant de 250 mètres, n’étant pas situé sur la même commune… Résultat : plus de quatre-vingts emplois ont été supprimés !
Dans le même ordre d’idées, l’article 2 prévoit que l’employeur devra chaque année offrir la possibilité à ceux de ses salariés qui le souhaiteront de ne plus travailler le dimanche. Une telle mesure peut certainement être mise en œuvre dans les très grandes enseignes, telles que la FNAC, H&M ou Leroy-Merlin, qui a adressé à nombre d’entre nous un courriel à ce sujet, mais pas dans la plupart des petites boutiques. Le volontariat est un élément fondateur de la loi de 2009, et nous n’avons jamais, au grand jamais, entendu généraliser le travail dominical. Nous avons simplement souhaité lui donner une assise juridique.
M. Alain Gournac. Voilà !
Mme Catherine Procaccia. Selon nous, la véritable liberté, c’est d’avoir le choix : celui de travailler pour les salariés, celui de consommer pour les consommateurs, celui d’ouvrir pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en prévoyant la généralisation du volontariat, des contreparties au travail le dimanche et un repos compensateur, l’article 2 rompt l’équilibre de la loi du 10 août 2009. Or cet équilibre reposait sur une réalité : le travail le dimanche n’a pas la même nature dans les commerces où il est de droit et dans ceux où, soumis à autorisation administrative, il revêt un caractère exceptionnel.
Dans le premier cas, le travail dominical découle de la nature de l’activité ou de la localisation du commerce. Ainsi, les salariés d’un commerce situé dans une commune très touristique savent qu’ils risquent, de ce fait même, d’avoir à travailler le dimanche. Il appartient alors aux partenaires sociaux de fixer les contreparties du travail du dimanche par le biais d’un accord collectif. La loi de 2009 a rendu cette négociation collective obligatoire afin de protéger les salariés.
En revanche, lorsque le travail du dimanche revêt un caractère exceptionnel, il est nécessaire que des dispositions légales protègent les salariés concernés. Tel était l’objectif de la loi Mallié, qui garantit le volontariat du salarié et prévoit des contreparties légales obligatoires.
Pourquoi nier la différence intrinsèque existant entre ces deux situations de travail dominical ? Surtout, pourquoi ne voulez-vous pas reconnaître, chers collègues, que le dispositif de la loi Mallié a fait ses preuves ?
Sans doute aurait-il fallu attendre la remise du rapport du comité de suivi de l’application de cette loi : vous auriez alors découvert que la négociation collective fonctionne et qu’elle a permis de conclure des accords offrant de solides garanties aux salariés.
Examinons la situation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de 2009. Selon les études du comité de suivi, s’agissant des accords de branche, la majorité des conventions collectives des secteurs occupant traditionnellement des salariés le dimanche, et bénéficiant à ce titre de dérogations permanentes de droit, prévoyaient des contreparties. Ainsi, la convention collective des fleuristes prévoit que le repos hebdomadaire pris par roulement ouvre droit à une contrepartie : deux jours de repos consécutifs comportant un dimanche sont accordés toutes les huit semaines. En revanche, la question du volontariat n’est en général pas abordée. Cela s’explique par la nature même de l’activité de fleuriste.
Si l’on fait le bilan des accords d’entreprise conclus depuis l’entrée en vigueur de la loi Mallié, on constate que la plupart d’entre eux ont uniformisé le régime des contreparties applicable aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin – un PUCE, une commune ou une zone touristique – et le régime de dérogation. Le rapport évoque à cet égard les enseignes Décathlon, Boulanger, SFR, Maxi Toys France, Kiabi Europe ou encore Leroy-Merlin. Tous ces accords prévoient des conditions favorables aux salariés : en général, le principe du volontariat, une augmentation de la rémunération et l’attribution d’un repos compensateur. Voilà qui semble très positif !
Mais les auteurs de la proposition de loi veulent à tout prix casser le dispositif instauré par la loi du 10 août 2009.
Il suffit d’examiner la liste des zones touristiques créées depuis la promulgation de cette loi pour constater que le travail le dimanche y est une nécessité intrinsèque. La situation n’est pas du tout la même que pour les PUCE.
Dans cette liste figurent le centre-ville de Cancale, celui de Chartres, un périmètre au sein de la ville de Nice englobant le Vieux-Nice, une partie du centre-ville et de la promenade des Anglais, Cagnes-sur-Mer, Vence, Cannes et Orléans. Trouveriez-vous normal, mes chers collègues, que ces villes au fort potentiel touristique restent sans vie le dimanche et que seuls quelques commerces y soient ouverts ? Vous niez l’évidence !
Qu’on ne nous dise pas non plus que la loi de 2009 a suscité une extension du travail le dimanche : on voit bien que sa promulgation n’a pas entraîné une multiplication des demandes de classement dans la catégorie des communes ou des zones touristiques.
Il ne fait aucun doute que vous énoncez des contrevérités et que l’article 2 de la proposition de loi ignore la réalité du terrain. En conséquence, le groupe UMP ne le votera pas. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann, sur l’article.
Mme Christiane Kammermann. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de Mme David prévoit, en son article 2, de renforcer les droits des salariés qui travaillent le dimanche en posant le principe du volontariat, en garantissant un repos compensateur et une rémunération double, en exigeant la conclusion d’un accord collectif.
Or toutes ces garanties figurent déjà dans la loi que nous avons votée en 2009. En effet, l’article 1er de la loi du 10 août 2009, devenu l’article L. 3132-27 du code du travail, dispose que « chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps ».
Pour les membres du groupe UMP, ces deux conditions n’étaient pas discutables. Nous les avons donc entérinées par la loi de 2009.
L’article 2 vise, en outre, à encadrer le principe du volontariat. Or ce principe est déjà inscrit dans la loi de 2009. Celle-ci prévoit en effet que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche.
Enfin, l’article 2 de la proposition de loi prévoit qu’une entreprise bénéficiaire d’une autorisation d’ouverture dominicale ne peut se fonder sur le refus d’une personne de travailler le dimanche pour ne pas l’embaucher.
Là encore, rien de nouveau ! En effet, la loi que nous avons votée en 2009 dispose que, pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation, le refus de travailler le dimanche ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. Elle prévoit en outre que, à défaut d’accord collectif applicable, l’employeur est tenu de demander chaque année à tout salarié qui travaille le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou reprendre un emploi n’impliquant pas de travail dominical, et ce dans la même entreprise.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2009, les choses sont très claires. Cette loi accorde des garanties très fortes aux salariés concernés. Le volontariat constitue la base du travail dominical et il doit être respecté. La loi de 2009 reconnaît même la possibilité, pour un salarié, de revenir sur son choix au terme d’une période donnée.
Au final, l’article 2 de la proposition de loi ne prévoit que des dispositions figurant déjà dans la loi de 2009. Le cas des communes touristiques et thermales est à part, madame David, et les dérogations de droit ont été validées par le Conseil constitutionnel.
La loi du 10 août 2009 a clarifié les conditions dans lesquelles peut s’appliquer la dérogation au principe du repos dominical dans les communes et zones touristiques remplissant les critères énoncés par le code du travail. Les dérogations, qui doivent obligatoirement correspondre au respect de critères économiques clairement identifiés, ne peuvent être accordées sans que des contreparties sérieuses et des garanties juridiques strictes soient apportées aux salariés concernés.
Enfin, on argue souvent que le salarié n’est pas véritablement libre d’accepter ou non de travailler le dimanche – il ne s’agit dans la majorité des cas que de quelques dimanches dans l’année –, son choix étant contraint par la faiblesse de ses ressources ou par son désir de mettre fin à une longue période de recherche d’emploi.
Pour ma part, je pense que ce qui est vraiment contraignant, c’est l’absence de perspectives, qui interdit tout choix, même contraint. Il faut savoir reconnaître que le choix de travailler le dimanche peut être totalement libre, délibéré. Mais cela, madame David, vous ne pouvez l’admettre.
Bien évidemment, les droits des salariés doivent être respectés. Nous sommes tous absolument d’accord sur ce point. C’est la raison pour laquelle la loi de 2009 a renforcé ces droits et a donné toute sa place à la négociation pour fixer les modalités de travail et les compensations accordées aux salariés.
Grâce aux nouvelles règles en matière de représentativité, c’est bien au plus près du terrain, avec des accords d’entreprise ou de branche, que la loi de 2009 a été mise en œuvre. Cette loi a prévu un meilleur encadrement, une protection accrue des salariés, ainsi qu’une clarification de la situation dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel. Les partenaires sociaux ont été entendus.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez dépassé votre temps de parole !
Mme Christiane Kammermann. La loi de 2009 prévoit non pas une généralisation du travail dominical, comme cela a été affirmé, mais tout simplement une extension limitée et encadrée de celui-ci. La France est reconnue pour la place éminente qu’elle accorde à la négociation collective.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole est écoulé !
Mme Christiane Kammermann. Enfin, les droits individuels des salariés n’ont aucunement été sacrifiés, comme vous voudriez le faire croire.
Pour l’ensemble de ces raisons, je voterai contre l’article 2 de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l’article.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise revient sur des dispositions adoptées voilà à peine deux ans. Est-il sérieux, est-il nécessaire de modifier des textes si peu de temps après leur entrée en vigueur, alors que leur application n’a même pas encore fait l’objet d’une évaluation ? Il doit y avoir urgence, péril en la demeure !
Cela a été dit tout à l’heure, notre pays compte aujourd'hui trente et un PUCE, regroupant 10 000 salariés.
La loi de 2009 a-t-elle donné lieu, madame le rapporteur, à tant d’excès et d’injustices, comme vous l’avez affirmé en commission des affaires sociales ?
Vous reprochez en somme à cette loi de simplifier la vie des consommateurs. Tel est bien, en effet, son objet ! Comment envisager une croissance fondée sur la consommation si on pénalise cette dernière ? Les commerces s’adaptent au marché. Cela est encore plus difficile pour les petits commerces, qui doivent offrir à leur clientèle des horaires d’ouverture aussi étendus que ceux des grandes surfaces, et donc embaucher pour pouvoir faire des affaires. Plus il y a de contraintes, moins il y a d’embauches : laissons donc faire les professionnels !
Les communes touristiques sont montrées du doigt, mais elles sont animées le dimanche, quand les rues de toutes nos petites villes sont désespérément vides !
M. Ronan Kerdraon. Quelqu’un a un mouchoir ?
M. Alain Gournac. Alors ne décourageons personne : ni les salariés qui ont besoin de travailler le dimanche pour joindre les deux bouts ni les commerçants qui font leur chiffre d’affaires ce jour-là !
À titre d’exemple, en Champagne, les caves sont ouvertes le dimanche, pour le plus grand bonheur des touristes. Chaque département met en valeur ses produits, son patrimoine et son histoire. Ainsi, dans le département de notre collègue René-Paul Savary, des centaines de salariés travaillent, y compris le dimanche, sur les bords du lac du Der, l’un des plus grands d’Europe, afin d’offrir aux visiteurs un service de restauration et l’accès à un vaste parc d’activités nautiques.
Par ailleurs, ma chère collègue, vous souhaitez réaffirmer le principe du repos dominical : il y va de l’intérêt des salariés, de leur famille et de la société, prétendez-vous.
Il est évident qu’il vaut mieux travailler en semaine que le dimanche – et le jour plutôt que la nuit ! Mais faut-il pour autant en rajouter et stigmatiser le travail dominical ? N’est-ce pas là le meilleur moyen de démotiver les volontaires pour le travail du dimanche ? Il faut bien pourtant que des salariés se dévouent pour faire fonctionner nos services de secours, nos hôpitaux, mais aussi pour animer les sites touristiques et culturels ou assurer la restauration.
Pensons aussi aux médecins généralistes en milieu rural, où l’organisation des gardes est difficile,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel rapport avec le texte ?
M. Alain Gournac. … bien qu’elles soient correctement rémunérées.
Le travail dominical ou nocturne est donc mal perçu. C’est pourquoi il est souhaitable de valoriser le travail dominical, même si la protection des salariés est naturellement indispensable. La proposition de loi néglige ce fait.
Le travail dominical favorise-t-il la déstructuration des familles ? Ce n’est pas si sûr ! Le chômage crée probablement plus de problèmes sur ce plan.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en, du chômage !
M. Alain Gournac. Vous êtes en grande forme, ma chère collègue !
Mme Annie David, rapporteure. Vous aussi, monsieur Gournac ! Vous nous manquez, en commission ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Le département de la Marne compte, en 2011, près de 42 500 étudiants. Ne croyez-vous pas que certains d’entre eux, qu’ils soient boursiers ou non, réclament le droit de travailler le dimanche, tant pour financer leurs études que pour devenir, au fil du temps, de plus en plus indépendants de leurs parents ?
Plus il y a de travail, plus il y a de richesse et mieux la société se porte. (Mme Isabelle Pasquet s’esclaffe.) C’est un équilibre ; le travail du dimanche en est une composante. Il doit être gratifié pour éviter qu’il ne devienne un élément rédhibitoire pour le choix de certaines professions.
Il en va de même pour le travail de nuit, qui a des incidences tant sur la vie familiale que sur la santé. Pourtant, certains salariés préfèrent travailler de nuit. Là aussi, il en faut, aussi bien pour les services publics que pour la restauration du soir et l’animation culturelle, par exemple dans les communes et les zones touristiques.
M. Ronan Kerdraon. Il en faut au Sénat aussi !
M. Alain Gournac. Plus je réfléchis aux motivations des auteurs de cette proposition de loi, plus je pense que celle-ci répond à des considérations dogmatiques.
Mme Annie David, rapporteure. Votre temps est écoulé !
M. Alain Gournac. Vous souhaitez à tout prix détricoter les lois que nous avons élaborées, pour des raisons partisanes et non pas pragmatiques. En effet, qui se préoccupe, au fond, de l’incidence sociétale du travail dominical, hormis celles et ceux qui sont directement concernés par la loi de 2009, dont l’application, je le répète, n’a même pas encore été évaluée ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre temps est dépassé !
M. Alain Gournac. Personnellement, je ne suis pas sûr que ce type d’initiative réponde aux préoccupations centrales de nos concitoyens touchés par les difficultés économiques ou le chômage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l'article.
M. Jean Desessard. Vous êtes en forme aussi, à l’UMP !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. En grande forme, oui !
J’interviens au nom de mon collègue Bruno Gilles, qui, empêché, ne peut participer à ce débat.
M. Ronan Kerdraon. Il fait ses courses ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. Il fait le taxi !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. L’article 2 est symptomatique d’une mauvaise interprétation de la loi Mallié du 10 août 2009, qui a institué de nouveaux dispositifs autorisant certaines dérogations à la règle du repos dominical. Dans les communes et zones touristiques, elle a permis de sortir de la distinction auparavant faite entre établissements selon la nature des produits vendus, qui était inadaptée aux réalités du terrain et incompréhensible pour les touristes comme pour les professionnels eux-mêmes.
La création des périmètres d’usage de consommation exceptionnel visait uniquement, dans les plus grandes agglomérations françaises – Paris, Lille, Marseille –, à donner un cadre juridique adapté à certaines grandes zones commerciales où s’étaient développées des habitudes de consommation le dimanche. Il s’agissait non pas d’étendre le travail dominical, mais d’adapter le droit à une réalité du terrain, en prévoyant des garanties substantielles pour les salariés, notamment celle, nouvelle, du volontariat.
Ces nouveaux dispositifs ont été reconnus conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2009.
Or je voudrais dénoncer le fait que, en dépit de cette décision, l’exposé des motifs de la proposition de loi soumise à notre examen reprend certains griefs qui avaient été invoqués par les députés et sénateurs de gauche dans leur recours contre la loi de 2009.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Tout d’abord, contrairement à ce qui est affirmé par les auteurs de la présente proposition de loi, la loi Mallié ne constitue pas une remise en cause du repos dominical.
Il faut tout de même rappeler qu’il existait déjà, avant l’entrée en vigueur de la loi d’août 2009, toute une série de dérogations permanentes au principe du repos dominical : pour des travaux urgents dont l’exécution immédiate est nécessaire, pour des travaux de chargement et de déchargement dans les ports, pour les activités saisonnières, pour les travaux intéressant la défense nationale, pour les gardiens et concierges des établissements industriels et commerciaux, etc.
Par ailleurs, des dérogations au principe du repos hebdomadaire peuvent être accordées par roulement, sans autorisation préalable, dans certaines professions ou activités particulières : hôtellerie-restauration, hôpitaux, entreprises de spectacles, marchés, foires, services aux personnes, activités récréatives, culturelles et sportives…
Curieusement, ces dérogations n’ont, que je sache, pas provoqué de réactions au sein de la gauche !
Avec la loi Mallié, il n’était pas davantage question de légaliser un travail dominical illicite, comme on l’a laissé entendre. Des arrêtés préfectoraux pouvaient, avant la mise en œuvre de la loi, avoir autorisé le travail le dimanche : c’était le cas à Plan de Campagne, avant que le tribunal administratif ne casse l’arrêté du préfet. En tout cas, la gauche, au pouvoir de 1997 à 2002, n’a rien proposé pour résoudre le problème.
L’Organisation internationale du travail, l’OIT, épinglerait la France à propos du travail dominical en faisant notamment référence à la loi Mallié, nous a-t-on indiqué. Or l’on sait que c’est Force ouvrière qui est à l’origine de la saisine des experts de l’OIT. Quelqu’un pourrait-il alors m’expliquer pourquoi Force ouvrière compte parmi les signataires de l’accord collectif du PUCE de Plan de Campagne conclu en novembre 2009 ? Ce syndicat renierait donc sa signature ?
Il nous a été affirmé que la proposition de loi ne vise pas à supprimer les PUCE bénéficiant déjà de dérogations temporaires. Ne voit-on pas que les dérogations existantes sont remises en cause par l’article 2, où leur suspension est assortie d’injonctions ?
En effet, aux termes de cet article, « les autorisations administratives accordées, avant la publication de la présente loi, aux établissements qui ne sont pas couverts par un accord collectif conforme aux dispositions de l’article L. 3132-27-2 du même code sont suspendues jusqu’à la présentation à l’autorité administrative d’un accord conforme auxdites dispositions ».
En résumé, vous entendez dicter aux partenaires sociaux les éléments qui doivent figurer dans les accords collectifs ; vous légiférez par oukases ! Curieuse façon d’envisager les négociations sociales, même s’il est vrai que nous n’avons pas la même culture !
Madame David, vous avez écrit dans votre rapport qu’« il n’est pas nécessaire de prévoir la nullité des accords collectifs qui ne garantissent pas un repos compensateur et un paiement double aux salariés privés du repos dominical. En effet, en vertu du principe de faveur, ce sont les dispositions les plus favorables aux salariés qui trouvent à s’appliquer. »
Je profite de cette occasion pour répondre aux supputations quelque peu acides et aux inexactitudes répandues sur le PUCE de Plan de Campagne. L’accord collectif signé le 27 novembre 2009 entre FO, la CFTC, la CFE-CGC et l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône prévoit, en son paragraphe 9, que « les salariés, quel que soit leur statut, leur fonction et l’effectif de leur entreprise ou de leur établissement ayant travaillé le dimanche bénéficieront en plus de la rémunération de leurs heures travaillées ce jour-là, majorées des pourcentages prévus pour les heures supplémentaires […] en fonction de leur ancienneté, des contreparties salariales ».