M. Roland Courteau. C’est vrai !

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Nous devons lutter sans relâche contre toutes les formes de violences faites aux femmes.

Il s’agit pour nous d’être cohérents avec notre volonté de construire une démocratie où la dignité des femmes est garantie et l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité enfin quotidienne.

Pour cela, je ne doute pas qu’il faille encore bien du temps et qu’un long chemin devra être parcouru avant de faire changer certaines mentalités.

C’est l’honneur du Parlement que d’avoir voté ces lois à l’unanimité ; c’est l’honneur du Gouvernement, monsieur le sénateur, que de les mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Madame la secrétaire d’État, concernant la prostitution, peut-être faudrait-il revoir la loi de 2003, qui sanctionne le racolage actif ou passif. En effet, les prostituées sont, dans la plupart des cas, des victimes et non des coupables.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie de votre réponse et je prends acte de vos propos sur un certain nombre de points.

Je note, cependant, que vous ne m’avez pas apporté les précisions que j’avais demandées sur la non-publication d’un certain nombre de rapports. Or les deux textes de loi auxquels j’ai fait référence en posant ma question obligent le Gouvernement à déposer ces rapports sur le bureau des assemblées parlementaires.

Je serai extrêmement attentif aux suites qui seront réservées à ma question orale.

C’est un dossier que je ne lâcherai jamais : trop de souffrances, de détresses, de malheurs gravitent autour de ce type de violences, qu’il faudra bien un jour parvenir à éradiquer !

Vous ne m’avez pas non plus donné de réponse sur l’ordonnance de protection, que j’ai également évoquée. Les délais à l’issue desquels celle-ci est délivrée sont trop longs. N’oublions pas que la victime est en danger. Sur ce point, madame la secrétaire d'État, il serait bon que vous fassiez savoir au ministre de la justice qu’une circulaire serait la bienvenue afin de concilier à la fois l’exigence de rapidité et le respect des droits de la défense. Il est en effet urgent d’agir.

Il se pourrait bien, d’ailleurs, que nous déposions très prochainement une proposition de résolution en ce sens.

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Scrutins pour l’élection de membres représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et pour l’élection de juges à la Cour de justice de la République

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle :

- les scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;

- et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.

Pour les scrutins relatifs à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en application des articles 2 et 3 de la loi n° 49-984 du 23 juillet 1949, la majorité absolue des votants est requise. Je vous indique que, pour être valables, les bulletins de vote ne doivent pas comporter, pour chacun des scrutins, plus de six noms, sous peine de nullité.

Pour le scrutin relatif à la Cour de justice de la République, la majorité absolue des suffrages exprimés est requise pour être élu et, pour être valables, les bulletins ne peuvent pas comporter plus de six noms pour les juges titulaires et plus de six noms pour les suppléants, le nom de chaque titulaire devant être obligatoirement assorti du nom de son suppléant. En conséquence, la radiation de l’un des deux noms, soit celui du titulaire, soit celui du suppléant, entraîne la nullité du vote pour l’autre.

Les juges titulaires et les juges suppléants à la Cour de justice de la République nouvellement élus seront immédiatement appelés à prêter serment devant le Sénat.

Les deux scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République auront lieu simultanément, dans la salle des conférences, en application de l’article 61 du règlement.

Je prie MM. Jean Boyer, Marc Daunis, Alain Dufaut, François Fortassin, Mme Odette Herviaux et M. Jean-François Humbert, secrétaires du Sénat, de bien vouloir superviser les opérations de vote et de dépouillement.

Je déclare ouverts :

-les scrutins pour l’élection de six membres titulaires et de six membres suppléants de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ;

-et le scrutin pour l’élection de six juges titulaires et de six juges suppléants à la Cour de justice de la République.

Ils seront clos dans une heure.

5

Dépôt d’une question orale avec débat

Mme la présidente. J’informe le Sénat que M. le président du Sénat a été saisi de la question orale avec débat suivante :

n° 8 - Le 15 décembre 2011 - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l’état des prisons françaises et l’application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009.

Faisant suite à de nombreux rapports, tel le rapport sénatorial de juin 2000 « Prisons : une humiliation pour la République », la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 était destinée à garantir le respect de la dignité et des droits minima des détenus.

Aujourd’hui, les observations du Contrôleur général des lieux de privation de libertés, celles de l’Observatoire international des prisons ou d’associations intervenant dans les établissements pénitentiaires témoignent que la loi n’est pas entrée dans les faits sur des points importants. Il s’agit par exemple de l’accès aux soins ou au travail ; des aménagements de peine qui n’ont pas les moyens de leur mise en œuvre ; des fouilles intégrales encore trop souvent la règle ; de l’encellulement individuel, loin d’être réalité.

Des juridictions administratives ont été amenées à prononcer des condamnations pour des conditions de détention non respectueuses de la dignité des personnes.

Quant à la surpopulation carcérale croissante, elle complique l’application de la loi.

Elle lui demande comment il entend mettre fin à cet état inacceptable des prisons en France, dénoncé depuis plus de dix ans par les parlementaires. (Déposée et communiquée au Gouvernement le 13 décembre 2011 – annoncée en séance publique le 13 décembre 2011.)

Conformément aux articles 79 et 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants
Discussion générale (suite)

Service citoyen pour les mineurs délinquants

Rejet d’une proposition de loi en nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (proposition n° 115, rapport n° 148).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants
Question préalable (début)

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner, dans le cadre de l’article 45, alinéa 4, de la Constitution, la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. La commission mixte paritaire n’est en effet pas parvenue à trouver un compromis sur le texte, ce qui n’a surpris personne…

Le texte que la Haute Assemblée examine aujourd’hui est identique à celui qui avait été voté par l’Assemblée nationale en première lecture. Comme lors de la précédente lecture, vous avez fait le choix de déposer une motion tendant à opposer la question préalable.

Je ne reviendrai pas sur le détail du dispositif, dont nous avons déjà débattu.

En revanche, je veux insister sur le fait que ce texte s’inscrit pleinement dans la philosophie de notre politique pénale pour les mineurs, qui combine la nécessité de sanctionner et celle de construire, ou de reconstruire, le jeune, afin de pouvoir le réinsérer dans la société. Il ne remet pas en cause les principes fondateurs de cette politique, tels qu’établis par l’ordonnance de 1945 et de nouveau consacrés par une récente décision du Conseil constitutionnel. En donnant la primauté à l’éducatif, tout en retenant le principe du volontariat, le service citoyen institué par la proposition de loi doit permettre aux jeunes délinquants de s’inscrire dans un véritable parcours de réinsertion.

S’agissant du contrat de service dans un centre relevant de l’Établissement public d’insertion de la défense – l’EPIDe – tel que le prévoit le texte, la mesure pourra être prononcée par le magistrat au titre de la composition pénale, dans le cadre d’un ajournement de peine ou comme obligation attachée à un sursis avec mise à l’épreuve. Cette mesure ne s’adressera qu’à des mineurs âgés de plus de 16 ans et ayant exprimé leur consentement à la suivre.

Le volontariat est en effet au cœur du dispositif, car chacun sait que la réinsertion est d’autant plus efficace qu’elle s’inscrit dans une démarche d’adhésion de l’intéressé.

Pour les mineurs, plus encore que pour les majeurs, nous devons adapter la réponse pénale à la diversité des profils et imaginer toutes les solutions de nature à permettre une prise en charge efficace. Pour ma part, j’ai la certitude qu’il ne faut se priver d’aucun outil pour favoriser la réinsertion d’un mineur délinquant. Le service citoyen est un instrument original, susceptible de répondre aux besoins de certains mineurs.

L’autorité judiciaire dispose d’ores et déjà d’une large palette de solutions permettant d’adapter la réponse pénale au profil du délinquant. Il s’agit aujourd’hui de compléter les mesures que le juge peut prononcer, pour une prise en charge la plus efficace possible.

Les EPIDe accueilleront, pour leur part, des jeunes qui auront certes commis une infraction, mais qui ne seront pas ancrés dans la délinquance. Ils seront intégrés au sein du public actuel de ces établissements et représenteront environ 10 % de l’ensemble des personnes accueillies. Il est en effet important que ces mineurs désorientés ne soient pas stigmatisés, ni ostracisés. Je suis convaincu que les jeunes majeurs auront un effet d’entraînement sur les plus jeunes. Ils bénéficieront tous du même traitement pour les activités collectives, à la différence près que les mineurs effectueront en plus, dans le cadre d’un programme individualisé, un travail sur l’acte de délinquance qu’ils auront commis.

La mise en œuvre du service citoyen que vise à instaurer cette proposition de loi suppose, bien évidemment, de renforcer le dispositif existant de l’EPIDe et d’abonder ses moyens afin de créer progressivement de nouvelles places dédiées. Ainsi, dès février 2012, les trois centres de Bourges, de Belfort et de Val-de-Reuil pourront accueillir les premiers mineurs concernés. Les personnels d’encadrement bénéficieront à cet effet d’une formation spécifique, afin de permettre une prise en charge rapide et efficace de ces nouveaux publics. D’ici à juin 2012, quinze centres pourront accueillir des mineurs délinquants.

Un travail de grande qualité est en cours entre les services de l’EPIDe et le ministère de la justice. L’EPIDe est prêt à accueillir et à former les « volontaires juniors », comme les dénomme la direction de l’établissement, dès le mois de février. Leur accueil commencera dans douze centres, puis sera étendu à trois autres. Le dispositif connaîtra donc une montée en charge progressive jusqu’à octobre 2012.

Madame Klès, vous signalez, dans votre rapport, que vous n’avez trouvé aucune indication quant aux crédits nécessaires au financement de la mission. En premier lieu, je vous rappelle que la mission n’a pas pour le moment d’existence légale étant donné qu’elle n’est pas encore votée. En second lieu, je vous précise que ce n’est qu’à partir de 2013, c’est-à-dire quand le dispositif sera pleinement mis en œuvre, que la totalité du financement sera nécessaire. Je souligne que chacun des ministères concernés participera à hauteur de 2 millions d’euros. Pour le ministère de la justice, cette contribution se fera à budget constant.

L’EPIDe et les services de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, travaillent également sur l’extension de la convention existante relative à l’intégration de majeurs suivis par la PJJ. Cette convention modifiée, qui devrait être finalisée et signée dans les semaines à venir, permettra de fixer les modalités de fonctionnement du dispositif, à l’échelon tant national que local.

Je tiens à remercier le directeur général de l’EPIDe pour son implication dans ce projet, et ce au nom du Gouvernement dans son ensemble, puisque plusieurs ministères – outre celui de la justice, ceux de la défense, de l’emploi et de la ville – y travaillent avec lui.

Par ailleurs, toujours dans le souci de moderniser la justice des mineurs tout en préservant son identité et ses spécificités, le texte vise, dans son second volet, à mettre notre droit en conformité avec les exigences posées par le Conseil constitutionnel dans ses décisions des 8 juillet et 4 août derniers.

Sur proposition du Gouvernement, l’Assemblée nationale a ainsi introduit un article qui tire les conséquences de ces décisions quant à la composition du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel pour mineurs et aux modes de poursuite devant ce dernier.

Ces dispositions permettent d’abord de renforcer l’impartialité des juridictions pour mineurs, en prévoyant notamment que le juge des enfants qui aura instruit l’affaire et l’aura renvoyée pour être jugée ne pourra pas présider le tribunal.

La proposition de loi précise ensuite, s’agissant des modalités de saisine du tribunal correctionnel pour mineurs institué par la loi du 10 août 2011 pour les récidivistes de plus de 16 ans, que le parquet aura la faculté de demander au juge des enfants le renvoi du mineur devant ce tribunal dans un délai compris entre dix jours et un mois. Ce mode de poursuite par voie de requête devant le juge des enfants assure la conciliation du rôle de ce magistrat, tel qu’il est défini par le Conseil constitutionnel, avec l’exigence d’apporter une réponse rapide – lorsque, bien sûr, cela est possible.

En créant le contrat de service citoyen, la proposition de loi qui vous est soumise vise à élargir le champ des réponses à la délinquance des mineurs, nous donnant ainsi un nouveau moyen de prévenir la récidive.

J’appelle la représentation nationale à ne pas se priver de ce nouvel outil de réinsertion sociale et professionnelle des mineurs délinquants, et je vous invite par conséquent à voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUCR, ainsi que sur quelques travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Virginie Klès, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes donc appelés aujourd'hui à examiner en nouvelle lecture la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants. En dépit de ce que pourrait donner à croire son intitulé, ce texte, comme vous venez de le dire, monsieur le ministre, a en fait un double objet.

Il s’agit, d’une part, de créer 166 places dans les centres relevant de l’EPIDe pour l’accueil de mineurs délinquants. Je ne vois pas très bien en quoi cela correspondrait à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants…

Il s’agit, d'autre part, au travers de l'article 6, introduit par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, de prendre en compte de récentes décisions du Conseil constitutionnel. Cet article peut, j’y insiste, être qualifié de « cavalier législatif », dans la mesure où il propose une organisation différente de la justice pénale des mineurs, sans que celle-ci ait fait l’objet d’aucune concertation avec les professions concernées, alors que l’objet de la proposition de loi n’a rien à voir avec l’organisation de la justice pénale des mineurs.

L’article 6 vise notamment à raccourcir certains délais de présentation des mineurs devant la justice, ce qui n’a pas non plus grand-chose à voir avec l’instauration d’un service citoyen pour les mineurs délinquants, ni avec la création de 166 places dans les centres relevant de l’EPIDe.

Comme en première lecture, aucun amendement n’a été déposé, en particulier par l’ancienne majorité sénatoriale. Cela ne laisse pas de m’étonner puisque, d’après nos collègues de droite, le texte n’était pas parfait et méritait d’être amendé.

En tout état de cause, la proposition de loi prévoit de placer des mineurs délinquants dans des centres relevant de l’EPIDe, quel que soit en fait le délit qu’ils auront commis. En effet, la mesure pourrait être décidée dans le cadre d’une composition pénale, d’un ajournement de peine ou d’une peine d’emprisonnement avec sursis accompagné d’une mise à l’épreuve. Que l’on puisse envisager de placer dans une structure fonctionnant selon le régime de l’internat mixte ouvert des mineurs délinquants sans trop se soucier de la nature des infractions commises me paraît surprenant et potentiellement dangereux.

Je rappelle que certains majeurs suivis par la PJJ sont aujourd'hui accueillis dans des centres relevant de l’EPIDe, avec des résultats des plus variables. Si ceux-ci sont plutôt bons et comparables aux résultats concernant d’autres majeurs non suivis par la PJJ lorsque les intéressés sont en phase post-sentencielle, c’est-à-dire après qu’ils ont été jugés, il n’en va pas de même quand ils sont en phase pré-sentencielle : les choses se passent alors presque toujours mal. Dans ce second cas, ils ont d’ailleurs, en général, été placés dans un centre relevant de l’EPIDe par les missions locales, sans que ce dernier ait forcément connaissance de leur parcours judiciaire.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que l’EPIDe était prêt à accueillir des mineurs délinquants : sans doute, mais à condition d’en avoir les moyens ! L’EPIDe a toujours clairement indiqué qu’il souhaitait disposer de quarante à quarante-cinq équivalents temps plein travaillé supplémentaires pour accueillir des mineurs délinquants, ne serait-ce que parce que, juridiquement, des moyens d’encadrement supplémentaires sont nécessaires. En effet, ce ne sont pas les mêmes personnels qui s’occupent de majeurs non délinquants ou en phase post-sentencielle et de mineurs délinquants en phase pré-sentencielle. Sans un renforcement de la formation, de l’encadrement et des moyens, l’EPIDe ne pourra assumer cette nouvelle mission dans de bonnes conditions.

À cet égard, je n’ai pas encore trouvé la moindre trace, dans le budget, des 8 millions d’euros annoncés. Vous nous expliquez aujourd'hui, monsieur le ministre, que cela est dû au fait que le texte n’est pas encore voté.

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je l’avais déjà dit la fois précédente !

Mme Virginie Klès, rapporteure. Pourtant, selon la rumeur,…

Mme Nathalie Goulet. Il ne faut pas se fier à la rumeur !

Mme Virginie Klès, rapporteure. … on préparerait l’arrivée en grande pompe et à grand renfort de communication d’un premier mineur délinquant dans un centre relevant de l’EPIDe ! Il n’est donc pas toujours nécessaire d’attendre le vote de la loi pour mettre en place les moyens d’appliquer certaines décisions !

M. Louis Nègre. Les voies budgétaires sont impénétrables !

Mme Virginie Klès, rapporteure. Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez indiqué que la contribution du ministère de la justice au dispositif interviendrait à budget constant. Or il n’en est rien : les crédits alloués à l’EPIDe sont en baisse !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est faux !

Mme Virginie Klès, rapporteure. Le programme 102, principal contributeur, prévoyait 50 millions d’euros pour l’EPIDe en 2010, 48,8 millions d’euros en 2011, mais il lui affectera 46,6 millions d’euros seulement en 2012. Quant au programme 147, il prévoyait 25 millions d’euros à ce titre en 2010 et 24,4 millions d’euros en 2011, contre 23,7 millions d’euros en 2012. Le budget n’est donc pas constant, puisque les crédits destinés à l’EPIDe sont en diminution de 2,9 millions d’euros par rapport à 2011 !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Me permettez-vous de vous répondre sur ce point, madame le rapporteur ?

Mme Virginie Klès, rapporteure. Monsieur le ministre, j’ai trouvé ces chiffres dans les « bleus » budgétaires de cette année, je ne les ai pas inventés !

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous ne voulez pas être interrompue parce que vous ne voulez pas entendre la vérité !

Mme Virginie Klès, rapporteure. Pas du tout, mais quand vous avez la parole, vous ne supportez pas que je vous interrompe !

Mme la présidente. Monsieur le ministre, vous aurez tout loisir de répondre à Mme la rapporteure dans la suite du débat.

Veuillez poursuivre, madame la rapporteure.

Mme Virginie Klès, rapporteure. Monsieur le ministre, quand bien même vous nous apporteriez tout à l’heure la preuve que je me suis trompée dans mes calculs et que le budget est constant, s’agit-il de 166 places supplémentaires ou d’un redéploiement parmi les 2 000 actuellement existantes ? Si le budget est constant, cela signifie que les places destinées aux mineurs délinquants seront prises sur celles qui sont actuellement affectées aux majeurs non délinquants et dont le nombre est déjà insuffisant.

Cela serait d’autant plus regrettable que le taux de réussite de ces centres en matière de réinsertion est très intéressant, même s’il n’est pas de 83 % comme cela a pu être affirmé. On va donc lancer une innovation à la pertinence très incertaine au détriment d’un dispositif qui fonctionne bien, et ce sans accorder les moyens supplémentaires initialement promis !

Vous nous dites que le dispositif va monter en puissance jusqu’en octobre 2012 ; j’aurais aimé que, parallèlement, le budget progresse jusqu’à cette échéance : il n’était pas question, à l’origine, qu’il reste constant.

Nous nous étions déjà opposés, lors de la première lecture, à cette proposition de loi, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer et par respect pour l’EPIDe, dont le budget est en baisse continue, à l’instar de celui de la PJJ, laquelle ne pourra donc l’aider à assumer sa nouvelle mission. J’ajoute que les objectifs quantitatifs assignés à l’EPIDe ont été divisés par dix : alors qu’il avait été annoncé en 2008 que ses centres prendraient en charge 20 000 jeunes chaque année, ce chiffre a été ramené à 2 000 seulement en 2009 dans le contrat d’objectifs et de moyens. On confond rééducation de mineurs délinquants et insertion de jeunes majeurs volontaires, en ajoutant au tout un cavalier législatif !

Tout cela nous amène à déposer de nouveau une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Compte tenu du déroulement des opérations de vote relatives à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et à la Cour de justice de la République, j’appelle dès maintenant M. Pillet à la tribune.

La parole est à M. François Pillet.

M. François Pillet. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, l’entente entre députés et sénateurs sur la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants s’étant révélée impossible, nous procédons aujourd’hui à une nouvelle lecture de ce texte. Je ne vous étonnerai sans doute pas en indiquant d’emblée que la position du groupe UMP n’a pas varié.

« Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus au-dessus d’eux l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté et en toute jeunesse, le début de la tyrannie. »

Si Platon s’interrogeait déjà, dans La République, sur les risques qu’encoure une société si les règles de la vie en communauté ne sont pas dictées aux jeunes générations et respectées, c’est que cette crainte est ancrée en l’humanité à tout le moins depuis l’Antiquité.

Partant, notre unique ambition est d’assurer la protection de nos concitoyens contre une insécurité grandissante, en l’occurrence suscitée par des mineurs, et de prendre en compte l’avenir de ces derniers.

Il s’agit non pas de les stigmatiser, encore moins de les enfermer dans un déterminisme de la délinquance, mais bien au contraire de trouver des solutions propres à leur faire prendre conscience du délit commis, quelle que soit sa gravité, tout en leur démontrant que d’autres voies s’offrent à eux.

Depuis l’adoption de l’ordonnance du 2 février 1945, le droit pénal des mineurs est fondé sur la conviction profondément humaniste que tout mineur délinquant est un être en construction qui doit avant tout être protégé et éduqué.

M. François Pillet. Conformément à l’article 37 de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989, aux termes duquel « l’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant » ne doit être qu’une « mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible », notre droit encadre très strictement l’incarcération des mineurs.

Nous le savons, la délinquance juvénile augmente. Elle n’a rien de commun avec celle que nous avons pu connaître voilà une vingtaine d’années. Elle est aujourd’hui plus violente et, outre les biens, vise les personnes par des actes dégradants, voire barbares. La nouveauté est qu’elle émane de mineurs de plus en plus jeunes, parfois d’adolescentes, qui n’hésitent pas à commettre l’indicible.

Misère sociale, misère psychologique, misère culturelle, misère morale conduisent à la déshérence, à l’ignorance, souvent au dédain des valeurs éthiques sur lesquelles repose une société.

L’arsenal juridique existe, les efforts déployés par le Gouvernement sont indéniables. Il faut toutefois améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs, parce que les délais anormalement longs de mise à exécution des décisions des juridictions pénales font perdre à la sanction son rôle pédagogique.

La loi du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice tendait à apporter de nouvelles solutions en matière de prise en charge des mineurs multirécidivistes, avec la création des centres d’éducation fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs.

À la suite des travaux que nous avons menés dans le cadre de la mission d’information qui nous a été confiée en 2011, Jean-Claude Peyronnet et moi-même avons estimé que le dispositif des centres d’éducation fermés méritait d’être pérennisé. Par ailleurs, nous avons conclu que l’enfermement des mineurs doit davantage prendre en compte l’éducation et la réinsertion dans la société.

Or nous débattons aujourd’hui des primo-délinquants ou des jeunes ayant commis des actes de faible gravité.

Nous n’ignorons pas que 1 % des condamnations pour crimes commis en état de récidive concernent des mineurs. En conséquence, il est indispensable de prendre en charge les mineurs primo-délinquants avant qu’ils ne partent à la dérive, en leur donnant les moyens de ne pas s’enferrer, de ne pas se condamner eux-mêmes. Nous n’acceptons pas la fatalité et désirons qu’ils s’en sortent, parce que nous les respectons dans leur devenir et que nous songeons à leur future vie en société.

Tel est l’objet de la proposition de loi dite « Ciotti ».

Nous l’avons déjà souligné, ce texte tend à prévoir que, sur l’initiative de l’autorité judiciaire, le jeune effectue un service citoyen d’une durée d’au moins six mois, pouvant aller jusqu’à un an, voire davantage, s’il demande une prolongation.

La liberté, fondement de notre République, est respectée puisque le mineur donnera nécessairement son accord avant d’intégrer un centre relevant de l’EPIDe.

Pourquoi avoir choisi de s’appuyer sur ces structures ?

L’article L. 3414-1 du code de la défense, qui définit les missions de l’EPIDe, dispose que celui-ci « organise des formations dispensées dans des institutions et par un encadrement s’inspirant du modèle militaire » et « accueille et héberge des jeunes dans le cadre de ces formations ».

Comme le relève Éric Ciotti dans son rapport, la qualité du travail réalisée dans les vingt centres relevant de l’EPIDe, qui n’est d’ailleurs contestée par personne, est illustrée par les résultats obtenus en matière d’insertion des jeunes : sur 2 370 volontaires en 2010, dont 2 258 effectivement sortis du dispositif, plus de 80 % sont entrés dans la vie active ou poursuivent une formation qualifiante.

Il est à noter que plus de 30 % des volontaires sont issus de zones difficiles ou prioritaires. Hormis la formation générale avec une remise à niveau pour les fondamentaux scolaires et une préparation à la mise en œuvre d’un projet professionnel, le sport et l’instruction civique font partie intégrante du programme. Cette dernière est en général dispensée par d’anciens militaires.

Les objectifs visés sont les suivants : redonner des repères, réveiller la volonté, transmettre les valeurs de la vie en communauté avec la participation aux tâches quotidiennes, donner un sens à l’action, tenter le pari de l’esprit sain dans un corps sain, restaurer l’estime de soi, nouer ou renouer avec l’apprentissage de la cohésion, mieux appréhender les enjeux de la vie en société.

L’expérience s’avérant assez concluante, ne pas offrir cette chance aux primo-délinquants, avec l’accord et le suivi du juge, serait irresponsable de notre part. Ce n’est certes pas la panacée, mais c’est l’une des meilleures solutions.

Arguer que ce projet signe l’échec de la justice en même temps qu’un engouement intempestif pour l’ordre militaire serait fallacieux. Il ne s’agit, j’y insiste, que d’un outil supplémentaire.

Plusieurs critiques ont été énoncées contre ce texte.

Tout d’abord, la mise en œuvre du dispositif proposé amènerait une déstabilisation de l’EPIDe. Il semble que la nécessité de recueillir le consentement du mineur accueilli et l’ouverture de places supplémentaires garantissent que tel ne sera pas le cas. Ajoutons que les problèmes de marginalisation sont souvent identiques entre les volontaires actuels et les primo-délinquants.

Ensuite, le caractère de cavalier législatif de l’article 6 n’est pas avéré, dans la mesure où les dispositions introduites par le Gouvernement présentent un lien bien réel, conformément au premier alinéa de l’article 45 de la Constitution, avec l’objet initial. Cet article tend, en effet, à améliorer le fonctionnement de la justice pénale des mineurs par la diversification des mesures à la disposition des magistrats. Il a notamment pour objet d’interdire que le juge des enfants ayant renvoyé un mineur devant une juridiction pour mineurs ne préside celle-ci.

Il a également été soutenu que l’impact de la proposition de loi n’aurait pas été évalué et que son financement n’aurait pas été prévu. Pourtant, le Premier ministre a annoncé, en septembre dernier, que 166 places supplémentaires seraient créées dans les EPIDe dès le début de l’année 2012, ce qui rendra possible l’accueil de mineurs délinquants.

Enfin, le coût de la mesure a été estimé à 8 millions d’euros. Il sera réparti entre les ministères de la défense, de l’emploi, de la justice et de la ville selon les conditions et modalités présentées par le garde des sceaux.

Mes chers collègues, nous refusons d’osciller entre incantations, impuissance, dramatisation et démagogie ; nous préférons agir. C’est pourquoi le groupe UMP votera cette proposition de loi dans le texte adopté par l’Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)