Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Et pour la réparation ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Pour ce qui concerne la réparation, madame le rapporteur pour avis, moins le préjudice dure, plus le consommateur est heureux. Lorsque, à l’issue d’une action de quatre ans, la réparation ne couvre même pas les frais judiciaires engagés, le consommateur n’a absolument rien à y gagner.
Je vous demande aux uns et aux autres de peser le pour et le contre d’un tel dispositif et de ne pas céder à la facilité que représente l’affichage.
Tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale, le projet de loi offre une protection suffisante, adéquate et efficace aux consommateurs. Il prévoit des sanctions et accorde à la DGCCRF un nouveau pouvoir d’injonction et de sanction administrative lui permettant de réagir tout de suite et lui évitant d’intenter de longues actions qui laissent courir le préjudice subi par le consommateur.
Pour conclure (Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste-EELV.), je souhaite mentionner quelques sujets pour lesquels il me semble essentiel que nous revenions à la position d’équilibre adoptée par l’Assemblée nationale.
Je pense, en particulier, à l’article 1er du présent projet de loi, relatif aux relations contractuelles entre franchiseurs et franchisés dans la grande distribution.
Pour répondre aux inquiétudes non seulement des acteurs de la franchise, mais aussi des indépendants, les députés, après de longues auditions, ont trouvé des points d’équilibre, qui préservent l’esprit originel du texte, à savoir le renforcement de l’information et de la concurrence dans ce secteur, sans pour autant fragiliser les modèles économiques. Revenir sur la possibilité de tacite reconduction, fixer une durée maximale des conventions d’affiliation de six ans, envisager une entrée en vigueur trop brutale des conventions d’affiliation, comme l’a voulu la commission et comme le prévoyait d’ailleurs le texte initial du Gouvernement, risque de remettre en cause l’équilibre trouvé et de pénaliser les acteurs économiques et, en fin de compte, les consommateurs.
Je pense également à l’adoption de certaines mesures anticoncurrentielles – totalement inadaptées à notre économie de marché – d’encadrement des prix de l’électricité, du gaz ou encore des loyers. Gérard Cornu a eu l’occasion de dire à quel point ces dispositifs étaient intrinsèquement dangereux pour le marché de la location, notamment. Dans le passé, lorsqu’ils ont été appliqués, ils ont eu des effets négatifs.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais non !
M. Michel Vergoz. Cela n’a rien à voir !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. D’ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, quel gouvernement a supprimé l’encadrement des loyers ? Qui était alors Premier ministre ? C’était Lionel Jospin !
M. Alain Gournac. On s’en souvient !
M. Claude Bérit-Débat. C’était il y a douze ans !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il a alors considéré, à juste titre, que le dispositif avait eu des effets négatifs, comme chacun le sait dans cet hémicycle.
Il faut se garder de la tentation de recourir aux solutions du passé, qui ont fait la preuve de leur échec. Si l’encadrement des loyers n’avait pas échoué, j’imagine que le gouvernement de Lionel Jospin aurait reconduit la mesure au lieu de l’abandonner…
Je souhaite profondément que nous réussissions à surmonter ces désaccords – sur Pacitel, sur l’action de groupe, sur l’encadrement des prix – et à revenir au texte d’équilibre adopté par l’Assemblée nationale, tout en y conservant, évidemment, l’ensemble des améliorations que vous avez apportées, mesdames, messieurs les sénateurs, sur quelque travée que vous siégiez.
De nombreux amendements ont été adoptés en commission ; beaucoup d’entre eux, y compris certaines propositions du groupe socialiste ou du groupe CRC, ont reçu un avis favorable du Gouvernement. J’ai agi ainsi dans un souci d’efficacité, au service des consommateurs.
Pour chaque secteur du droit de la consommation que nous examinerons dans le cadre de ce projet de loi, les positions que j’affirmerai viseront toujours à défendre l’intérêt des consommateurs.
Je soutiendrai, au nom du Gouvernement, celles de vos propositions qui permettent réellement – loin de toute volonté de faire de l’affichage ou de raconter des histoires – d’améliorer la situation du consommateur. En revanche, je m’opposerai à toutes les mesures qui provoqueraient exactement l’inverse de l’effet recherché, en m’appuyant sur les exemples du passé, qui sont nombreux – dans notre pays, bien sûr, mais pas seulement –, à montrer combien l’encadrement des prix et des loyers est un outil inefficace, qui obtient des résultats diamétralement opposés à ceux qui sont visés.
Comme je l’ai été en commission – son président ici présent en conviendra –, je continuerai d’être à l’écoute de toutes les suggestions, qu’elles proviennent des sénateurs de gauche ou des sénateurs de droite.
En effet, les consommateurs attendent de nous des réponses à leurs problèmes, et non l’étalage de nos divergences idéologiques. Je souhaite donc que chacun respecte cette démarche, qui a été celle du Gouvernement ainsi que, pour l’essentiel, de la commission, à laquelle je veux rendre hommage, c'est-à-dire la recherche de mesures efficaces pour protéger au quotidien nos compatriotes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objet du projet de loi que nous examinons aujourd’hui est de renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs. Comment ne pas souscrire à un tel objectif ?
Voilà pourquoi la commission de l’économie a travaillé dans un esprit constructif, en constituant un groupe de travail composé de sénateurs de toutes sensibilités politiques, dont certains ont assisté, à mes côtés, à une cinquantaine d’auditions.
Voilà pourquoi, également, notre commission a souhaité déléguer à la commission des lois l’examen de plusieurs articles relevant de sa compétence exclusive, sur lesquels notre collègue Nicole Bonnefoy reviendra dans un instant.
Voilà pourquoi, enfin, notre commission a adopté 129 amendements au projet de loi, dont 30 émanant de l’opposition sénatoriale.
Toutefois, aborder ce texte dans un esprit constructif ne nous dispense pas de le replacer dans un contexte plus global. En effet, l’adoption de mesures visant à renforcer les droits des consommateurs n’a de sens que si celles-ci se traduisent par une amélioration concrète. Or deux éléments viennent contredire la volonté affichée par le Gouvernement en la matière : la faiblesse du pouvoir d’achat, d’une part, et la réduction des moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, d’autre part.
Toutes les réformes économiques conduites au cours du quinquennat ont appréhendé la question du pouvoir d’achat principalement sous l’angle de la dépense et des prix, comme si la hausse de la concurrence suffisait à faire baisser les prix et donc à augmenter le pouvoir d’achat. Ce fut le cas, notamment, de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite « LME », ou de la réforme du crédit à la consommation.
Malheureusement, le recours à cet unique levier – la baisse des prix – n’a pas permis de restaurer le pouvoir d’achat des Français. Comme l’avait montré le rapport sur le bilan de la LME rédigé par notre collègue Élisabeth Lamure au nom de la commission de l’économie, l’impact de cette loi sur les prix reste difficile à déterminer. En effet, aucune étude économique n’a mis en évidence de manière claire la baisse des prix attendue de la politique de concurrence. Je citerai quelques chiffres pour vous en convaincre, mes chers collègues : après un recul de 0,6 % en 2008 et de 0,2 % en 2010, et une quasi-stagnation en 2009 et 2011, le pouvoir d’achat des ménages devrait baisser de 0,3 % en 2012.
Le Gouvernement affirme qu’il souhaite, avec ce projet de loi, s’attaquer aux dépenses contraintes. Il est en effet urgent de le faire – j’ai bien entendu vos propos, monsieur le secrétaire d'État –, puisque ces dépenses, qui représentaient environ 20 % du budget des ménages en 1979, constituent désormais 48 % du budget des ménages pauvres. De ce fait, les gains éventuels de pouvoir d’achat des travailleurs situés en bas de l’échelle des revenus sont de plus en plus accaparés par ces dépenses.
De même que la faiblesse du pouvoir d’achat, l’affaiblissement de la DGCCRF risque de priver d’effet les mesures incluses dans ce projet de loi. À cet égard, il existe une contradiction entre la volonté affichée de renforcer les droits du consommateur et la réduction des moyens de l’administration chargée de faire respecter ces droits.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Je rappelle que, entre 2008 et 2012, ses effectifs ont baissé de 15 % et que, entre 2006 et 2010, le nombre de ses contrôles a diminué de 13 %. Dès lors, on ne peut que s’interroger sur sa capacité à assumer les nouvelles missions que lui confie le présent projet de loi.
Dans ce contexte, le projet de loi n’apporte qu’une réponse partielle et tardive. Passé de 11 à 56 articles à la suite de son examen par l’Assemblée nationale, il aborde désormais les sujets les plus divers, des ventes au déballage de fruits et légumes jusqu’aux antennes-relais, en passant par les soins esthétiques.
De nombreuses mesures vont dans le bon sens, monsieur le secrétaire d'État, comme le renforcement des droits des locataires, l’amélioration de la transparence en matière de téléphonie mobile ou encore la protection du nom des collectivités.
En réalité, mes chers collègues, ce texte est critiquable non par ce qu’il contient, mais par ce qu’il ne contient pas. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.) En effet, les mesures qu’il comporte sont très en deçà de ce qu’il faudrait faire pour répondre aux problèmes concrets que rencontrent aujourd'hui nos concitoyens.
La commission propose donc de transformer ce projet de loi en le complétant par trois volets : des mesures ambitieuses pour réduire les dépenses contraintes ; un dispositif d’action de groupe à la française pour améliorer l’effectivité des droits des consommateurs ; enfin, des dispositions fortes relatives au crédit à la consommation, que nous examinerons prochainement.
S’agissant des dépenses contraintes, j’ai identifié trois postes de dépenses essentiels pour le pouvoir d’achat des Français, qui mériteraient par conséquent de faire l’objet d’une approche plus volontariste.
Le premier poste est le logement. La commission a adopté un amendement visant à freiner la hausse des loyers à la relocation. En effet, cette hausse rend illusoire, notamment dans les « zones tendues », le droit au logement pourtant consacré par la loi. Alertés par les associations de consommateurs sur les « honoraires exorbitants » réclamés par certaines agences, nous avons adopté un amendement tendant à plafonner les frais d’agence.
Le deuxième poste crucial est l’énergie. La commission a adopté un amendement ayant pour objet de garantir aux consommateurs l’accès à un volume minimal d’électricité et de gaz à un coût très réduit. Cette mesure, qui présente un double avantage, social et environnemental, nous paraît d’autant plus urgente qu’une décision récente du Conseil d’État a conduit le Gouvernement à annoncer une augmentation de près de 5 % des tarifs réglementés du gaz à partir du 1er janvier 2012. L’instauration concomitante d’une tarification progressive permettrait donc de réduire l’impact d’une telle mesure sur les ménages modestes.
Le troisième poste est la téléphonie mobile. La commission a adopté un amendement visant à contraindre les opérateurs à distinguer, sur chaque facture, la part du coût de l’abonnement et celle de l’amortissement du téléphone. Cette disposition permettra aux abonnés de connaître l’affectation de leurs dépenses en services de communications électroniques mobiles, et de mieux comparer les différentes offres concurrentes.
Outre ces mesures sur les dépenses contraintes, la commission a adopté, sur l’initiative de Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commission des lois, une mesure importante destinée à renforcer l’effectivité des droits des consommateurs : la création d’une action de groupe à la française. Sans m’étendre sur ce sujet que notre collègue développera, je me félicite de l’adoption de ce dispositif, qui permettra d’indemniser enfin, de manière juste et effective, des préjudices qui, aujourd’hui, n’ouvrent droit à aucune réparation.
Enfin, il me semble indispensable que le projet de loi aborde des questions auxquelles il n’a pas encore été apporté de réponse satisfaisante, notamment la prévention du surendettement des ménages. C’est pourquoi j’accueillerai favorablement un certain nombre d’amendements déposés sur ce sujet, que nous examinerons dans les prochains jours.
J’en viens à nos propositions de modification du projet de loi qui nous a été transmis. Dans un esprit constructif – je le répète –, la commission a conforté les avancées que ce texte comportait, s'agissant notamment de l’optique-lunetterie, sur l’initiative de notre collègue Gérard Cornu.
En revanche, la commission a supprimé certaines modifications contestables adoptées par l’Assemblée nationale.
Elle a ainsi rétabli, à l’unanimité, le mandat exclusif que les députés avaient remis en cause.
Elle a également réécrit l’article 1er du projet de loi relatif aux conventions d’affiliation dans le secteur de la grande distribution alimentaire. Après avoir pris connaissance d’un avis émis par l’Autorité de la concurrence, qui soulignait le très faible taux de changement d’enseigne des magasins dans la grande distribution, le Gouvernement avait intégré à son projet de loi un certain nombre de préconisations visant à supprimer les obstacles juridiques au changement d’enseigne. Cependant, à la suite de réactions très vives dans le secteur de la grande distribution, les députés ont affaibli le texte ; ils l’ont même, sur certains points, vidé de sa portée.
La commission a donc réécrit l’article 1er afin de rapprocher son texte des préconisations de l’Autorité de la concurrence. J’espère que, au sein de la Haute Assemblée, le consensus le plus large pourra prévaloir sur ces questions.
En conclusion, mes chers collègues, si toutes ces avancées sont intégrées au projet de loi, nous pourrons être fiers du texte que le Sénat adoptera, car il sera porteur d’une grande ambition pour améliorer concrètement, comme vous le souhaitez, monsieur le secrétaire d'État, la vie de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, consommer davantage n’est pas une fin en soi. Ce qui importe, c’est de consommer mieux et, pour cela, il faut être bien informé, être protégé des comportements abusifs de certains professionnels et, surtout, pouvoir avoir confiance en l’acte de consommation.
La loi intervient donc pour protéger les consommateurs, en imposant un certain nombre d’obligations aux professionnels, afin de rééquilibrer les relations structurellement inégales entre les uns et les autres. C’est la vocation même du droit de la consommation.
La protection la plus efficace du consommateur a donc été mon souci constant en tant que rapporteur pour avis, quand bien même elle peut susciter dans certains cas des contraintes ou des coûts supplémentaires pour les entreprises. C’est en effet le consommateur qui est en position de faiblesse et c’est donc lui qu’il convient de protéger, a fortiori en période de crise économique.
Ce projet de loi de plus de cinquante articles comporte des dispositions très diverses. La commission de l’économie a délégué à la commission des lois l’examen au fond de neuf articles qui relevaient de sa compétence. La commission des lois a également examiné dans son avis dix-sept articles, de sorte qu’elle s’est prononcée sur la moitié du texte, en étant bien sûr soucieuse de la cohérence juridique des dispositifs proposés, en particulier en matière juridictionnelle.
Je dois dire que le projet de loi ne m’a pas paru complètement abouti et cohérent à cet égard, ce qui a justifié un certain nombre d’amendements de la commission des lois que la commission de l’économie a bien voulu adopter et intégrer dans le texte.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Je tiens d’ailleurs à remercier mon collègue Alain Fauconnier pour son sens du dialogue et de l’écoute.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Nous avons réellement pu travailler de concert, mon rôle étant, bien sûr, de faire état des préoccupations propres à la commission des lois.
L’une des principales innovations du texte est la création de sanctions administratives prononcées par la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Ces sanctions interviendraient principalement à l’encontre de pratiques ne faisant l’objet d’aucune sanction pénale ou entraînant seulement des contraventions.
Je tiens à souligner que, contrairement aux chiffres fournis par l’étude d’impact du projet de loi, les manquements des professionnels au droit de la consommation sont poursuivis. En 2009, plus de 3 000 condamnations pour des infractions aux règles de la protection économique des consommateurs et 1 500 en matière de sécurité et de conformité des biens et services ont ainsi été prononcées.
La seule justification recevable des sanctions administratives est celle de la réactivité et de l’efficacité de la mesure. Permettre à la DGCCRF, qui mène l’enquête et dresse le procès-verbal de l’infraction, de prononcer une amende administrative donne plus de poids à son contrôle et lui permet de mieux jouer son rôle d’autorité régulatrice des pratiques commerciales et de la protection des consommateurs.
Malgré, je l’admets, une réticence initiale, motivée par la perte de la force symbolique attachée à la sanction pénale prononcée par le juge, j’estime que la création de sanctions administratives est, dans son principe, justifiée. La question qui continue, en revanche, à se poser est celle des modalités retenues.
En effet, les sanctions administratives n’obéissent pas au même régime que les sanctions pénales. En particulier, les garanties apportées au justiciable sont moindres dans le cadre d’une procédure administrative que dans celui d’une procédure pénale. Or il ne faudrait pas que, demain, la répression administrative des manquements au droit de la consommation soit plus sévère que la répression pénale actuelle de ces mêmes manquements alors que les garanties sont moindres. Il faut trouver un équilibre entre l’exigence d’une sanction efficace des infractions au droit de la consommation et celle du respect des droits des professionnels condamnés.
Ainsi, sur l’initiative de la commission des lois, le texte étend désormais aux amendes administratives les règles de cumul applicables aux amendes pénales. En dessous de 3 000 euros, les peines d’amendes pourraient se cumuler sans limite. En revanche, au-delà de 3 000 euros, les peines d’amendes ne pourraient se cumuler que dans la limite du montant maximum de l’amende encourue, conformément à ce que prévoit l’article 132-4 du code pénal. De même, nous avons veillé à respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le cumul, pour une même faute, d’une sanction pénale avec une sanction administrative : la somme des deux amendes doit être inférieure à l’amende maximale encourue.
Pour garder une forme de publicité de la sanction, la commission des lois a proposé que les sanctions administratives fassent l’objet d’une publication. En effet, il convient d’alerter les consommateurs sur le manquement d’un professionnel. La condamnation pénale est publique ; rien ne justifie que la sanction administrative soit cachée.
En principe, les sanctions administratives peuvent être contestées devant le juge administratif. L’Assemblée nationale a toutefois prévu que, par exception, les sanctions relatives aux clauses abusives et aux manquements à l’obligation d’information du consommateur fassent l’objet d’un recours devant le juge judiciaire. Il s’agissait de conserver à ce dernier, juge naturel du droit de la consommation, sa compétence pour ces contentieux particuliers. Cette exception est pertinente. Toutefois, elle pose des problèmes d’articulation des contentieux, sources d’inextricables difficultés. Nous avons donc proposé un mécanisme pour remédier à cette faiblesse.
J’ai aussi constaté que, s’il renforce les pouvoirs d’enquête de la DGCCRF et lui ouvre de nouvelles actions, telle que la possibilité de saisir le juge judiciaire pour qu’il ordonne le blocage d’un site internet, le texte aurait pour effet de permettre à cette direction de saisir le juge de manquements qu’elle n’a pas le droit de constater par procès-verbal. Nous avons donc veillé à mettre en conformité le champ d’application de ces nouvelles dispositions et celui des missions de la DGCCRF.
Monsieur le secrétaire d'État, l’attribution de ces nouvelles prérogatives suppose que la DGCCRF soit en mesure de les exercer. Or le moins que l’on puisse dire est que les crédits de fonctionnement et les effectifs de cette direction, tant en administration centrale que dans les services déconcentrés, ont beaucoup diminué ces dernières années. Il existe sans doute des limites à la capacité de faire plus avec moins.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Le projet de loi renforce également la lutte contre les clauses abusives, de trois manières.
Premièrement, obligation est faite au juge de déclarer non écrite une clause dont le caractère abusif apparaît au cours des débats.
Deuxièmement, la DGCCRF et les associations de consommateurs se voient donner le droit de saisir le juge pour qu’il déclare non écrite dans tous les contrats identiques passés par le même professionnel une clause abusive. La décision du juge s’imposerait donc à tous les contrats. Seul un nombre limité de tribunaux spécialisés aurait ce pouvoir, afin de limiter le risque de divergences de jurisprudence.
Troisièmement, sera sanctionnée d’une amende administrative la présence dans un contrat d’une clause abusive inscrite sur la « liste noire » des clauses abusives.
Ces dispositions sont utiles et conformes à nos engagements européens en matière de lutte contre les clauses abusives.
La commission des lois a également examiné les dispositions concernant la vente à distance et le démarchage, qui s’inspirent très clairement d’une proposition de loi adoptée en 2010 par nos collègues députés.
Ces méthodes de vente sont toutes deux caractérisées par un même élément : elles ne se déroulent pas au sein d’un établissement commercial, avec la présence d’un consommateur et d’un professionnel face à face. Elles nécessitent une protection renforcée du consommateur, car celui-ci soit ne voit pas le produit qu’il achète, soit se trouve confronté à un vendeur qu’il n’a pas sollicité. Ces deux types de ventes s’accompagnent d’ailleurs, pour cette raison, d’un droit de rétractation.
Une directive du 25 octobre 2011 est venue, très récemment donc, moderniser le droit en matière de contrats à distance et de contrats dits « hors établissement ». La commission a proposé de transposer quelques-unes de ses dispositions plus protectrices que notre législation avant décembre 2013, échéance prévue pour la transposition, notamment en prévoyant le passage de sept à quatorze jours du délai de rétractation. Quelques dispositions de cette directive sont d’ailleurs déjà transposées dans le projet de loi. Inutile donc d’attendre que le Gouvernement demande à être habilité à procéder par ordonnance à la transposition dans les dernières semaines avant l’expiration du délai...
Le projet de loi crée aussi une dérogation à l’interdiction de la prise de paiement jusqu’à l’expiration du délai de rétractation, prévue pour le démarchage, au bénéfice des ventes en réunion à domicile. Pour assurer l’unité juridique du régime des ventes par démarchage et, surtout, pour préserver l’efficacité de la protection du consommateur, car on sait dans quel contexte psychologique ce type de ventes a lieu, je vous proposerai, mes chers collègues, de supprimer cette dérogation.
La question de l’instauration d’un délai de rétractation pour les contrats conclus dans les foires et salons est beaucoup revenue au cours de mes auditions. Après analyse, il apparaît que le droit communautaire n’autorise pas l’instauration d’un tel délai dans ce cas, ce qui me donne l’occasion de rappeler au Gouvernement le problème que soulèvent de façon récurrente les directives en matière de consommation : elles imposent en général une harmonisation complète, c’est-à-dire qu’elles interdisent de prévoir dans la loi nationale une protection de niveau supérieur. C’est problématique, notre droit de la consommation faisant partie des plus protecteurs de l’Union européenne.
Monsieur le secrétaire d'État, le Gouvernement doit être plus vigilant sur ce point lors des négociations européennes : ce n’est pas parce qu’il y a un marché unique qu’il faut un droit uniforme en matière de protection des consommateurs.
Pour les contrats passés lors des foires et salons, la commission des lois a donc proposé d’instituer une obligation d’information du consommateur sur l’absence de droit de rétractation assortie d’une sanction administrative.
Enfin, le projet de loi crée un dispositif original, que la commission a souhaité réécrire tout en conservant sa finalité, pour lutter contre les phénomènes du type de ceux qui ont été constatés lors de la faillite de la CAMIF : les consommateurs continuent à payer pour des commandes qu’ils ne recevront jamais ! Il s’agit ici de donner à la DGCCRF un pouvoir particulier d’injonction pour ordonner la suspension de toute prise de paiement par l’entreprise de vente à distance, de façon limitée dans le temps ; si l’entreprise honore la commande, le paiement peut intervenir.
Le projet de loi concerne aussi l’amélioration des relations entre bailleurs et locataires. Il modifie divers aspects de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs : conditions d’établissement de l’état des lieux, conditions de restitution du dépôt de garantie ou encore création d’une action en diminution de loyer inspirée de l’action en diminution de prix prévue par la loi Carrez sur les lots de copropriété.
Outre les modifications déjà proposées par la commission des lois, je présenterai deux autres amendements sur ces dispositions pour tenir compte des débats qui ont eu lieu en commission de l’économie.
Enfin, la commission des lois a décidé, à l’unanimité, de combler une lacune de notre droit en introduisant l’action de groupe, fondée sur l’adhésion volontaire, dans ce projet de loi.
Ce texte, présenté comme ayant pour objet de renforcer la protection des consommateurs, passait en effet à côté de son sujet en s’abstenant de prévoir la seule mesure qui permet d’assurer le respect intégral des droits des consommateurs et qui ne crée pas d’autre droit que celui de faire valoir le sien.
En effet, dans une société de consommation de masse, lorsqu’ils font face à la faute d’un professionnel, le plus fréquemment les consommateurs subissent un préjudice d’un montant trop faible pour les inciter à saisir le juge alors que, collectivement, le préjudice est considérable. Le contrevenant tire ainsi un bénéfice indu de la faute qu’il a commise sans crainte d’être inquiété, en toute impunité donc, car le coût et le tracas de la procédure judiciaire sont dissuasifs.
Je crois, mes chers collègues, que nous sommes tous ici contre l’impunité pour ceux qui ne respectent pas la loi. Je sais cependant que je ne parviendrai pas à convaincre ceux d’entre vous qui sont hostiles par principe à ce type de recours collectif. En revanche, je voudrais apporter des réponses et des éclaircissements à ceux qui, légitimement, s’inquiètent des éventuelles conséquences de cette procédure sur nos entreprises, a fortiori dans une période de crise économique.
Je rappelle tout d’abord que nous avons repris les conclusions des travaux très approfondis que Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille ont entrepris sur ce sujet au nom de la commission des lois. En analysant précisément les dérives des actions collectives à l’étranger, notamment aux États-Unis, ils ont pu concevoir des garanties et des garde-fous qui nous protégeront de ces dérives.
La première de ces garanties est la procédure civile française, au sein de laquelle ce dispositif s’inscrit pleinement, ainsi que les règles déontologiques de la profession d’avocat.
Ainsi, le dispositif ne comporte pas de dommages et intérêts punitifs, lesquels sont à l’origine du montant colossal des indemnisations aux États-Unis. Il n’autorise ni honoraires au résultat ni faculté pour l’avocat d’introduire une action sans être mandaté, de financer son action à crédit ou encore de faire du démarchage pour trouver des clients. Enfin, n’est introduit dans notre droit aucun des éléments de procédure « à l’américaine », discovery ou opt-out par exemple, qui permettent des chantages au procès et à l’indemnisation, portent atteinte à l’image des entreprises et peuvent conduire celles-ci à la faillite.
Tout d’abord, des associations de consommateurs bénéficiant d’un agrément spécial joueraient le rôle de filtre.
Ensuite, pour éviter les procès indus, la procédure s’organiserait en deux phases.
Dans un premier temps, le juge statuerait sur le principe de la responsabilité de l’entreprise à partir des quelques cas-types qui lui auront été soumis.
Ce n’est que dans un second temps, une fois que la faute du professionnel aura été reconnue par le juge, qui pourra ordonner des mesures de publicité à la charge du professionnel, que les consommateurs lésés pourront se joindre à l’action et demander à être indemnisés.
Le dispositif consacre l’opt-in et écarte l’opt-out : ne seront parties à l’action que ceux qui y auront adhéré volontairement, ce qui encadrera le montant des indemnisations.
Le juge examinera alors la recevabilité des demandes des consommateurs désirant se joindre à l’action et proposera une indemnisation. Le cas échéant, l’entreprise pourra suggérer une médiation, avec l’accord du juge, afin que les consommateurs soient remboursés plus rapidement.
L’ensemble de ces garanties constituent une assurance contre toutes les dérives de la procédure de l’action de groupe qui, ainsi conçue, permettra de parachever la protection du consommateur organisée par le droit français.
J’ajoute que l’enjeu n’est pas seulement national : il est important de disposer d’un modèle français de l’action de groupe qui puisse inspirer le futur modèle européen et éviter que nous soit imposée une procédure inconciliable avec nos principes.
Il me semble que, si l’on accepte le principe de l’action de groupe – je sais que vous êtes sensible à la nécessité d’étudier la question, monsieur le secrétaire d'État, car, comme vous me l’avez dit vous-même en réunion de commission, il n’est pas interdit de réfléchir –, le meilleur dispositif, techniquement et juridiquement, est celui qu’a proposé la commission des lois et qu’a approuvé la commission de l’économie.
Enfin, le projet de loi aborde également de très nombreux autres sujets qui intéressent la commission des lois. Je n’en citerai que quelques-uns : le droit des assurances, les prérogatives des maires en matière de ventes au déballage, ou encore la législation funéraire. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
Je conclurai en insistant sur trois sujets.
Tout d’abord, le projet de loi prévoit d’incriminer la revente avec bénéfice de billets de manifestation sportive, culturelle et, désormais, commerciale. Il s’agit de punir ceux qui font profession de revendre à prix d’or des billets qu’ils ont achetés en masse. Ce dispositif est pertinent et conforme aux travaux que la commission des lois a déjà conduits.
Ensuite, le projet de loi donne à toute collectivité territoriale le droit de faire opposition à l’enregistrement d’une marque reprenant son nom ou ses signes distinctifs à des fins commerciales. Le dispositif proposé répond à une véritable difficulté, même si sa portée sera limitée dans les faits. Il permettra au moins à la collectivité d’agir rapidement et préventivement, alors que, actuellement, elle ne peut le faire qu’après l’enregistrement de la marque.
Enfin, en ce qui concerne la protection contre le démarchage téléphonique, le projet de loi se borne à légaliser le dispositif Pacitel, mis en place par les professionnels du secteur. La commission des lois a suggéré de reprendre la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard, adoptée à l’unanimité par le Sénat au mois d’avril dernier. En effet, la nécessité de s’inscrire par Internet sur la liste d’opposition Pacitel écartera de facto les personnes âgées, celles qui sont les plus vulnérables à ce type de démarchage. On nous répète que notre dispositif menace des centaines de milliers d’emplois dans les centres d’appel.