Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Monsieur le secrétaire d'État, j’attends encore une évaluation sérieuse de son impact... De quels emplois parlez-vous ? Des centrales d’appel délocalisées au Maroc, en Tunisie ou ailleurs ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. En France, 100 000 emplois seront touchés. Je rappelle que c’est celui qui propose un dispositif qui doit en mesurer l’impact !
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous pouvez le constater, la commission des lois s’est fixée comme ligne de conduite de conserver dans ce texte ce qui accroît véritablement l’information et la protection des consommateurs, d’en supprimer ce qui les affaiblit ou ce qui y déroge sans motif légitime et d’y ajouter ce qui les renforce. C’est aussi le sens des quelques amendements que je présenterai au nom de la commission, laquelle a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens à féliciter d’emblée M. le rapporteur et Mme le rapporteur pour avis du remarquable travail qu’ils ont effectué. Je salue également l’ouverture des auditions à toutes les sensibilités du Sénat.
Voilà plus de cent ans, le Parlement adoptait la loi sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles, promulguée le 1er août 1905. Dans son exposé des motifs, Jules Méline expliquait que des « fraudes, provoquées par la soif des gains excessifs et favorisées par la concurrence de plus en plus acharnée qui a amené la baisse générale des prix et par la crédulité du public [...] nuis [aient] à la fois aux consommateurs et aux intérêts généraux du pays ».
Le législateur organisait en conséquence un système de répression des tromperies et des falsifications en raison de leurs effets économiques, sanitaires et sociaux. Dans le même temps, il instituait un contrôle scientifique des produits alimentaires avec la création d’un corps de contrôle, ancêtre de la DGCCRF. Lorsqu’on lit les comptes rendus des débats parlementaires, on s’aperçoit que, même si les techniques de vente ont évolué avec la production et la distribution de masse, mais aussi avec les nouvelles technologies, les problématiques d’hier et d’aujourd’hui sont similaires.
Si la loi de 1905 était avant tout un texte de régulation entre producteurs et commerçants, elle posait la question de la sécurité sanitaire et de la qualité des produits en raison des fraudes sur le lait et le vin. Au XXe siècle et au début du XXIe siècle, la sécurité sanitaire des produits dans le domaine alimentaire, mais également médical, leur qualité et leur innocuité pour le consommateur ne sont toujours pas pleinement assurées ; l’affaire du Mediator, ou celle des prothèses mammaires défectueuses, en atteste.
C’est pourquoi nous partageons la préoccupation du Gouvernement de renforcer les droits, la protection et l’information du consommateur, et ce dans tous les domaines abordés par le projet de loi.
Cependant, le texte gouvernemental, même si la procédure législative l’a enrichi, reste en deçà de nos exigences pour garantir une véritable protection du consommateur, et ce pour deux raisons principales. D’une part, il s’inscrit dans un projet politique global de libéralisation de l’économie, d’augmentation de la pauvreté et de diminution du pouvoir d’achat de la grande majorité de nos concitoyens. D’autre part, l’effectivité des avancées en termes d’information et de protection du consommateur – délai de rétraction, clause abusive, délai d’engagement en matière de téléphonie, etc. – est relativisée par la perte de puissance des outils de contrôle de ces droits.
Sur ce projet global de libéralisation de l’économie, je formulerai trois séries de remarques.
En premier lieu, garantir des droits au consommateur, c’est avant tout lui permettre de consommer et, de surcroît, des produits de qualité. Or, monsieur le secrétaire d'État, contrairement à ce qui a été affirmé, ce texte ne conduira pas à une relance par la consommation, car il manque l’essentiel, à savoir le pouvoir d’achat.
Je rappelle que, au troisième trimestre 2011, le chômage a encore augmenté et que, d’après les travaux de l’Observatoire des inégalités, la pauvreté ne cesse de croître depuis 2002. En 2009, plus de 8 millions de personnes vivaient avec moins de 954 euros par mois. Comment consommer dans ces conditions ? Dans le même temps, les dépenses contraintes représentent 48 % du budget des ménages les plus fragiles.
À ce sujet, je rappellerai ici l’effet de « double peine » que subissent les personnes aux revenus les plus modestes et qu’a souligné Martin Hirsch dans un article récent du Monde. Ainsi, en matière de téléphonie, ne pouvant assumer financièrement un forfait, ces personnes ont le plus souvent recours aux cartes prépayées, dont la tarification à la minute est plus chère. De même, en matière de logement, elles ne peuvent occuper que des petites surfaces, dont les loyers sont beaucoup plus chers au mètre carré. Malheureusement, ce schéma se reproduit dans de nombreux autres postes de dépenses contraintes.
Finalement, pour reprendre les propos de Martin Hirsch, c’est « comme si les personnes les plus modestes payaient une TVA supplémentaire ». C’est pourquoi, afin que les consommateurs jouissent des droits qui leur sont reconnus par le projet de loi, nous considérons essentiel de mettre en œuvre une politique de revalorisation des faibles revenus, qui, de notre point de vue, passe notamment par une augmentation du SMIC à 1 700 euros brut mensuels.
En second lieu, comme en témoigne l’article 1er relatif aux conventions d’affiliation, le Gouvernement considère toujours que la concurrence est la solution pour régler à la fois la question du déséquilibre des relations commerciales et celle du pouvoir d’achat. Ainsi, faciliter le changement d’enseigne devrait entraîner mécaniquement une baisse des prix. En réalité, on occulte encore une fois le problème du déséquilibre dans les relations commerciales, celui de la concentration des centrales d’achat et des distributeurs.
On le constate, la concurrence libre et non faussée ne garantit pas la baisse des prix. Il suffit de lire le dernier rapport de l’Observatoire des prix et des marges ou les nombreuses études des associations de consommateurs. Je pense à celle, récente, de l’UFC-Que Choisir sur le lait et le poulet. Il est donc urgent d’encadrer les marges de l’industrie agroalimentaire et de la distribution, qui se font au détriment des producteurs et des consommateurs. Nous déposerons un amendement visant à instaurer un coefficient multiplicateur sur les produits alimentaires. L’alimentation recouvre également des enjeux de santé publique. On comprend les limites d’une politique fondée exclusivement sur la baisse des prix et qui n’assure pas une alimentation de qualité accessible à tous.
En troisième lieu, le projet de loi impose la figure du consommateur plutôt que celle de l’usager. Il oublie les principes de service public et de solidarité, qui sont au cœur de notre projet de société.
L’article 2 du projet de loi, qui traite du logement et des liens entre bailleurs et locataires, a été sensiblement amélioré. Toutefois, les auteurs de cet article font une lecture encore trop restrictive des problèmes que rencontrent nos concitoyens pour se loger. Nous avons déposé des amendements visant à interdire les expulsions locatives pour ceux qui ont été reconnus prioritaires au titre de la loi DALO, à prévoir le retour de la rétroactivité des aides personnalisées au logement, le relèvement du plafond pour l’accès au logement social, le relèvement de la surface minimale permettant de considérer un logement comme décent.
Cependant, force est de constater que la crise actuelle du logement ne pourra se résorber que lorsque le financement public du logement public sera à la hauteur des besoins – ils sont évalués aujourd'hui à 900 000 habitations – et que l’on revalorisera les aides à la pierre. Il est vrai que, sur le sujet du logement, nos divergences sont grandes ; la ministre du budget nous l’a rappelé en proposant de prélever de l’argent destiné au relogement d’urgence pour… financer les gilets pare-balles de la police municipale !
J’en viens aux autres postes de dépenses contraintes.
La disposition qui est prévue à l’article 5 et qui instaure une tarification sociale de l’internet ne nous paraît pas suffisante au regard du prix excessif envisagé, de l’ordre de 23 euros. Nous reviendrons sur cette question lors de la discussion des articles.
Sur l’énergie, là encore, nos divergences sont fortes. En témoignent les dernières déclarations de François Baroin, qui dit « préserver » le pouvoir d’achat en augmentant les tarifs réglementés du gaz de 4,4 %. Comprenne qui pourra...
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Évelyne Didier. Dans ce contexte, l’article 4 relatif au contrat de fourniture d’électricité ou de gaz naturel, qui impose de nouvelles obligations aux fournisseurs, semble loin de répondre au problème du droit d’accès à l’énergie. C’est pourquoi nous présenterons un amendement visant à modifier la formule tarifaire des prix réglementés du gaz. Nous proposerons également d’interdire les coupures de chaleur pendant la trêve hivernale.
J’évoquerai maintenant le volet relatif aux outils d’information et de contrôle garantissant la protection des consommateurs.
Tout d’abord, si le projet de loi renforce le droit du consommateur à l’information afin qu’il obtienne les renseignements nécessaires pour faire un choix éclairé, le Gouvernement abandonne l’un des principaux outils d’information, le journal indépendant 60 Millions de consommateurs, qui fait partie intégrante de l’Institut national de la consommation, donc du service public d’information.
Cette information sera réelle si un autre droit fondamental est renforcé, le droit à l’éducation du consommateur, qui permet à celui-ci d’acquérir le savoir et les compétences nécessaires pour choisir les biens et services en connaissance de cause. Or cette composante de la protection des consommateurs est aujourd'hui absente.
Ensuite, le projet de loi prétend renforcer les pouvoirs de la DGCCRF. J’ai déjà eu l’occasion de souligner ici que, après cinq ans de révision générale des politiques publiques, cette administration est aujourd’hui sinistrée. Elle a vu, année après année, ses crédits et ses effectifs baisser. Les gains de productivité mis en avant par le Gouvernement se sont traduits par une dénaturation des missions de contrôle et d’enquête des agents.
De plus, la dépénalisation à laquelle procède le projet de loi, qui remplace des amendes pénales par des amendes administratives pour sanctionner les professionnels, nous laisse quelque peu dubitatifs. En effet, avec ce système, les professionnels échappent à ce qu’ils craignent le plus, à savoir la publicité par affichage ou la publication de leurs condamnations. Nous veillerons à y remédier.
Enfin, nous sommes très favorables à l’action de groupe, qui a été depuis trop longtemps retardée, principalement en raison de l’opposition forte du MEDEF.
Tel qu’il est proposé par la commission des lois, ce dispositif nous semble suffisamment encadré pour éviter les dérives à l’américaine. Par ailleurs, nous souhaitons l’élargir à l’ensemble des préjudices, qu’ils soient matériels, corporels ou moraux. Nous proposerons un amendement tendant à ouvrir le périmètre de l’action de groupe à d’autres contentieux que ceux de la concurrence et de la consommation. Je pense ici aux contentieux financiers, bancaires, boursiers, de santé, environnementaux.
En effet, comme une partie de la société civile et des professionnels de la justice, nous considérons que la défense des consommateurs passe à la fois par le renforcement de la police de la consommation et par un accès à la justice renforcé. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comment pourrait-on contester le bien-fondé d’un projet de loi visant à renforcer les droits, la protection et l’information des consommateurs ? Cet objectif est bien évidemment louable, et il convient de saluer la volonté du Gouvernement de s’atteler à cet ouvrage, en se fondant sur les plaintes reçues par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes au cours de l’année 2010.
Cependant, à l’instar de M. le rapporteur, il convient de s’interroger sur certains aspects de la politique du Gouvernement qui semblent contredire l’objectif visé. Je mentionnerai simplement le paradoxe qui consiste à vouloir renforcer les droits des consommateurs, en élargissant notamment les champs de compétence de la DGCCRF et en renforçant son pouvoir de justice administrative, alors que les moyens financiers et humains de cette direction ont été substantiellement réduits par le Gouvernement ces dernières années.
Il suffit de se reporter à la discussion que nous avons eue dernièrement à ce sujet, lors de l’examen par la Haute Assemblée de la mission « Économie », pour comprendre le malaise qui résulte de ce choix politique. La DGCCRF est une institution indispensable pour garantir l’effectivité des droits des consommateurs. On ne peut donc que s’inquiéter de la réduction de ses moyens, qui a conduit inexorablement à une véritable chute des contrôles, de l’ordre de 13 % entre 2006 et 2010 ! Ce choix de politique économique du Gouvernement paraît donc éminemment contradictoire avec l’affirmation d’une volonté sans faille de renforcement de la protection du consommateur.
Néanmoins, M. le rapporteur a souligné très justement sa volonté de travailler dans une logique « constructive », et je l’en remercie. Je tiens d’ailleurs à saluer son excellent travail, ainsi que celui de Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois.
La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a modifié de façon substantielle le texte voté par l’Assemblée nationale, en visant toujours le même objectif : mieux garantir les droits des consommateurs et leur effectivité.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous partageons tous la volonté de mieux protéger les consommateurs. Le RDSE attache une attention particulière à cet objectif, car il s’agit aussi d’une question de justice et d’équité.
Or certaines dispositions du texte, tel qu’il a été adopté à l’Assemblée nationale, pouvaient paraître insuffisantes ou incomplètes, voire contraires à l’esprit qui sous-tend ce projet de loi.
Il en est ainsi de certaines mesures prévues à l’article 2, substantiellement modifié en première lecture par l’Assemblée nationale. Nos collègues députés avaient notamment vidé de sa substance le mandat exclusif des agents immobiliers, qui, comme l’a très bien souligné notre rapporteur, ne pose pas de problème en tant que tel, et dont la remise en cause pourrait même être moins favorable aux consommateurs. En revanche, cette relation contractuelle méritait d’être mieux encadrée pour garantir les droits des clients. C’est chose faite, grâce à un amendement adopté en commission.
De même, la dépénalisation du défaut de déclaration préalable auprès de la préfecture, par toute agence immobilière souhaitant ouvrir une succursale, ne constituait nullement une avancée pour les droits des consommateurs. C’est pourquoi la commission de l’économie est revenue sur cette disposition adoptée à l’Assemblée nationale.
L’adoption en commission des autres amendements portant sur l’article 2, qui ont pour objet le secteur immobilier, l’hébergement collectif des personnes âgées et les services à domicile, a permis de renforcer les droits des locataires, notamment grâce aux dispositions relatives à l’état des lieux, aux frais d’huissiers de justice ou au délai de préavis dans les « zones tendues ».
Plusieurs de mes collègues du RDSE présenteront des amendements à cet article en séance publique, afin de renforcer l’effectivité de certaines mesures, telles que la majoration du solde du dépôt de garantie en cas de non-restitution de celui-ci, au-delà du délai légal de deux mois. D’autres amendements déposés par des membres de notre groupe visent à mieux protéger les usagers du secteur social et médico-social.
Les auteurs de ce projet de loi ont souhaité se concentrer sur les dépenses dites « contraintes », qui représentent une part croissante du budget des ménages, notamment des plus modestes.
Cependant, comme l’a très bien souligné M. le rapporteur, la définition de ce type de dépenses donnée par le projet de loi n’est pas satisfaisante. Ce texte porte en effet davantage sur des « dépenses non arbitrables » que sur des dépenses contraintes qui, stricto sensu, sont pré-engagées en vertu d’un contrat ou d’un abonnement. Ces dernières, qui constituaient un cinquième seulement du budget des familles à la fin des années soixante-dix, en représentaient près de la moitié, pour les plus pauvres, en 2005.
Cette augmentation fulgurante de la part des dépenses contraintes explique ce paradoxe, qui conduit les ménages à sous-évaluer de plus en plus leur pouvoir d’achat, par rapport aux mesures objectives de ce dernier.
L’intention est donc tout à fait louable qui vise à limiter le poids de ces dépenses dans le budget des ménages. La commission de l’économie a d’ailleurs adopté de nombreux amendements pour aller plus loin en ce sens. À cet égard, je me réjouis des avancées proposées par la commission en matière de contrats d’électricité et de gaz naturel.
Je salue notamment l’adoption de l’article 4 ter, instaurant une tarification progressive de la fourniture de gaz et d’électricité. Cette mesure est d’autant plus importante après la décision récente du Conseil d’État suspendant le gel des tarifs réglementés de gaz, qui menace très directement les budgets d’un grand nombre de foyers déjà en difficulté.
M. le rapporteur a insisté, en commission de l’économie, sur trois postes de dépenses qui devaient faire l’objet de mesures encore plus ambitieuses : le logement, l’énergie et la téléphonie mobile.
Concernant le logement, comme je l’ai déjà dit, l’essentiel a été fait en commission. Avec certains membres de mon groupe, nous déposerons simplement des amendements visant à apporter de petites améliorations ou des compléments au texte de la commission.
Pour l’électricité et le gaz, il nous semble que la commission a déjà adopté des mesures essentielles.
Enfin, pour la téléphonie mobile, plusieurs sénateurs du groupe RDSE proposeront deux amendements visant à limiter la durée des engagements des abonnements, qui nous semble excessive.
J’en viens maintenant aux mesures transversales, contenues dans le deuxième chapitre de ce projet de loi, ayant pour but de mieux protéger et informer le consommateur et de promouvoir une consommation de qualité.
Là encore, nous ne pouvons qu’apporter notre soutien à ces objectifs.
L’extension de la protection des indications géographiques aux produits non alimentaires nous semble être une excellente disposition, même si celle-ci peut encore faire l’objet de quelques améliorations, notamment d’une meilleure harmonisation avec le droit des marques. C’est l’objet d’un amendement défendu par plusieurs membres du groupe RDSE, sur l’initiative d’Anne-Marie Escoffier.
Je tiens également à saluer l’amendement déposé par Mme le rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a permis d’intégrer à l’article 8 ter les dispositions contenues dans la proposition de loi de Jacques Mézard et de plusieurs membres du RDSE visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique, adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 28 avril dernier. Ce texte est en effet plus protecteur pour le consommateur que le dispositif Pacitel mis en œuvre par le Gouvernement.
En effet, il tend à prévoir que l’abonné devra donner son consentement exprès pour l’utilisation de ses données personnelles à des fins de prospection par un tiers au contrat,…
M. Robert Tropeano. … alors que Pacitel repose sur la faculté laissée à l’usager de refuser tout démarchage téléphonique en s’inscrivant sur une liste. Ce dernier dispositif, qui suppose une démarche volontaire et la maîtrise de l’information et d’internet, n’est donc pas réellement protecteur pour l’ensemble des consommateurs.
Les membres du RDSE souhaitent aborder cette discussion en séance publique de manière positive et constructive. Les amendements que nous défendrons visent à rendre encore plus effective la protection des consommateurs, qui nous est particulièrement chère. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Quel accueil !
M. Jean-Pierre Raffarin. Il le vaut bien ! (Sourires.)
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux d’abord souligner tout l’intérêt de ce projet de loi, qui se place résolument du côté des consommateurs. Je tiens, au nom du groupe UMP, à saluer l’initiative de M. le secrétaire d’État Frédéric Lefebvre, en charge, notamment, du commerce et de la consommation (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste-EELV.), qui est parti des problèmes concrets rencontrés par les consommateurs, dans leur vie quotidienne.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est du cirage de qualité ! (Sourires.)
M. Gérard Cornu. Il s’est en effet référé au baromètre des réclamations des consommateurs établi chaque année par la DGCCRF, qui a notamment enregistré, pour la seule année 2010, près de 92 500 réclamations.
Sans trop entrer dans les détails, je précise que ces plaintes concernent essentiellement quatre secteurs qui, à eux seuls, les concentrent à plus de 70 %. Il s’agit de la commercialisation des produits non alimentaires dans le cadre de la vente à distance et du commerce électronique, de la communication-téléphonie, des travaux et réparations à domicile et, enfin, du secteur transports et véhicules.
Ce texte s’inscrit dans le prolongement du travail déjà accompli par le Gouvernement, notamment au travers de la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », dont j’ai d’ailleurs eu l’honneur d’être le rapporteur devant la Haute Assemblée, de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, dite « loi LME », dont Élisabeth Lamure, ici présente, a été rapporteur pour le Sénat, ou encore de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME ».
Ce projet de loi vient donc en complément des textes précédents, car il vise davantage à faciliter leur mise en œuvre qu’à bouleverser les dispositifs n’ayant pas encore eu le temps de produire tous leurs effets.
Il prend en compte les évolutions contemporaines des comportements de consommation dans notre pays. En effet, il était nécessaire d’adapter le droit aux nouvelles technologies, aux nouveaux modes de consommation et aux nouvelles formes de commerce.
Ce texte vise précisément à rendre effectif le droit existant, moyennant des adaptations, les manquements à l’application du droit à la concurrence et du droit de la consommation n’étant, à l’heure actuelle, pas toujours sanctionnés.
Il faut donc saluer le renforcement des missions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF. En effet, de nouveaux pouvoirs, notamment d’injonction et de sanction administrative, doivent faciliter le travail des agents de contrôle.
L’acteur économique sera ainsi incité à faire cesser sa mauvaise pratique, mais il ne le sera guère à porter la question au contentieux.
Lors d’une première lecture à l’Assemblée nationale particulièrement constructive, le texte s’est naturellement enrichi et il couvre désormais de nombreux autres domaines, ce qui peut être de nature à nuire à la compréhension d’ensemble, comme c’est souvent le cas dans cette matière. La seconde lecture sera l’occasion d’y remédier.
C’est donc un texte largement consensuel qui nous est arrivé de l’Assemblée nationale. Nous aurions aimé qu’il le restât !
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Gérard Cornu. Ce n’est malheureusement plus le cas depuis son passage en commission, bien que nous ayons apprécié la création, proposée par M. le rapporteur et M. le président de la commission de l’économie, du groupe de travail destiné à associer les groupes politiques aux auditions préparatoires.
M. Roland Courteau. Ah !
M. Gérard Cornu. À cet égard, je voudrais saluer la faculté d’écoute et la qualité du travail de M. le rapporteur, ainsi que des fonctionnaires du secrétariat de la commission de l’économie. Elle nous a permis, notamment, de maintenir le mandat exclusif des agents immobiliers.
Aujourd’hui, avec mes collègues du groupe UMP, nous déplorons qu’un tel projet de loi, dont l’unique objet est la protection et l’information des consommateurs, sans aucune arrière-pensée politique, ait justement pris un tour très politique, avec, notamment, l’introduction d’éléments très symboliques, qui marquent l’étendue du clivage entre nos formations.
M. le rapporteur a ainsi fait adopter, en commission, le principe de l’encadrement des prix des loyers, qui seraient bloqués dans les zones dites « tendues », sur le modèle du mécanisme d’encadrement de la hausse du prix du gaz et de l’électricité.
Il s’agit là, sans doute, d’un test pour le programme socialiste, puisque l’on a appris que ces idées viennent d’être reprises par le candidat Hollande.
M. Roland Courteau. Et alors ?
Mme Évelyne Didier. M. Cornu est un sénateur qui ne fait pas de politique ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. Gérard Cornu. Voilà, du moins, qui éclaire quelque peu l’orientation du parti socialiste.
C’est peu de dire que ces propositions, intégrées au texte, ne nous satisfont pas. Nul n’est besoin de rappeler la nature archaïque de toute politique d’encadrement des prix et des loyers.
De telles propositions ne sauraient non plus satisfaire le consommateur. La préconisation du blocage des loyers dans les « zones tendues » est ainsi – on peut déjà le dire, même si l’on y reviendra – irréaliste et contre-productive pour le locataire que l’on entend protéger.
Les propriétaires ne feront plus de travaux dans les logements et investiront ailleurs. Mes chers collègues, voilà ce qui se passera si cette mesure de blocage est maintenue dans le texte ! Il s’agit là d’une première fausse bonne idée. Qui plus est, de telles mesures de blocage peuvent se révéler incompatibles avec le droit de la concurrence et les conventions européennes.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Gérard Cornu. Nous aurons l’occasion d’en discuter, puisque j’ai déposé, avec l’ensemble des membres du groupe UMP, plusieurs amendements visant à revenir au texte initial.
J’en viens, enfin, à l’introduction, dans le texte de la commission, du principe de l’action de groupe. Outre qu’un sujet aussi lourd ne saurait être introduit fugitivement, par la bande, au travers d’un amendement, cette introduction ne me paraît pas souhaitable, et ce pour plusieurs raisons.
Les droits des consommateurs doivent être garantis, notamment le plus important d’entre eux : le droit à réparation en cas de préjudice causé par le comportement fautif du professionnel. Néanmoins, l’action de groupe n’est pas la solution. Elle est une procédure judiciaire lourde, coûteuse et, de surcroît, extrêmement longue, qu’affectionnent, il est vrai, surtout les avocats. (Mme Nathalie Goulet ironise.)
Il s’agit, en fait, là encore, d’une fausse bonne idée pour les consommateurs.
Dans un contexte de crise économique, au vu des dérives constatées dans bien des pays, l’action de groupe peut constituer une menace pour notre économie, pour nos entreprises et, au bout du compte, pour nos emplois.
Le projet de loi privilégie des solutions à mon sens plus adaptées pour réparer les préjudices subis par les consommateurs. Nous avons évoqué la modernisation et le renforcement des pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; j’y ajouterai le développement et la généralisation de la médiation.
En effet, les procédures de médiation remplissent tout à fait leur rôle et ont déjà largement fait la preuve de leur efficacité dans de nombreux domaines : les banques, les assurances, le transport ou les communications électroniques.
J’évoquerai, enfin, l’introduction d’un dispositif efficace : celui de « clause abusive ». Ainsi, lorsqu’une clause sera jugée abusive et supprimée d’un contrat, elle disparaîtra de tous les contrats identiques conclus par des consommateurs avec le professionnel concerné. Cette avancée majeure rend l’action de groupe totalement inopportune. Vous l’aurez compris, je proposerai, en conséquence, un amendement de suppression de l’article 12.
En conclusion, mes collègues du groupe UMP et moi-même estimons que la démarche du Gouvernement est vertueuse et qu’elle mérite d’être soulignée et soutenue, dans la mesure où le projet de loi est le fruit de discussions et de consultations avec les consommateurs, les professionnels et les acteurs de l’économie française.
Toutefois, nous sommes en désaccord avec un certain nombre de dispositions qui ont été introduites par la commission et qui détournent ce texte de son objet initial. Aussi, monsieur le rapporteur, ne pourrons-nous plus le voter en l’état, à notre grand regret, à moins que,...