M. Gérard Cornu. Il s’agit ici d’apporter une clarification concernant un dossier que M. le rapporteur connaît bien. En effet, il importe d’assurer l’information des collectivités territoriales quant à l’utilisation de leur nom ou de leurs signes distinctifs : tel est l’objet de cet amendement, qui a été rectifié en accord avec M. le rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je mesure la subtilité que présente la rédaction de cet amendement : jusqu’à présent, les élus locaux jouissaient d’un droit à l’information. Or ce texte tend à imposer aux entreprises l’obligation stricte d’informer les collectivités locales…
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
M. Charles Revet. Belle unanimité !
M. le président. L'amendement n° 185 rectifié, présenté par Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 12
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
...° Le d de l'article L. 711-4 est complété par les mots : « ou une indication géographique protégée » ;
...° Le dernier alinéa de l'article L. 713-6 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L'enregistrement d'une marque ne fait pas obstacle à l'utilisation d'un signe similaire comme appellation d'origine ou indication géographique définies aux articles L. 115-1 et L.115-1-1 du code de la consommation.
« Toutefois, si ces utilisations portent atteinte à ses droits, le titulaire de l'enregistrement peut demander qu'elles soient limitées ou interdites. »
La parole est à M. Raymond Vall.
M. Raymond Vall. Cet amendement tend à tirer les conséquences logiques des avancées auxquelles procède l’article 7 du présent projet de loi. Il s’agit de promouvoir une consommation de qualité mettant en valeur les produits de nos territoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le présent projet de loi permet d’ores et déjà qu’une indication géographique protégée, ou IGP, puisse être créée et qu’elle utilise, dans ce cadre, des signes similaires à ceux d’une marque, dès lors que ceux-ci sont complétés par des repères distinctifs, notamment sur les étiquettes, afin d’éviter toute confusion.
De plus, la procédure que tend à instituer le présent amendement, afin que le bénéficiaire du droit antérieur puisse s’opposer à un tel usage de ces signes, me semble floue ; par conséquent, elle constituerait une source d’insécurité.
À mes yeux, il est nécessaire d’approfondir la réflexion pour continuer d’améliorer les dispositifs à la marge. Toutefois, la procédure proposée ne me semble pas à même d’apporter de nouvelles solutions, ni de résoudre ce problème en termes de sécurité juridique.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Compte tenu de l’avis que vient d’exprimer M. le secrétaire d’État, je tiens à exposer plus avant la position de la commission.
Cet amendement a pour objet de permettre aux indications géographiques protégées portant sur les biens non alimentaires de produire réellement leurs effets. Nous en avons d’ailleurs déjà débattu en commission.
L’article 7 de ce projet de loi accomplit une avancée considérable : la reconnaissance d’IGP non alimentaires par décret, sur la base d’un cahier des charges précis. Toutefois, il ne contient aucune précision quant à l’articulation du droit des marques avec ces nouvelles IGP.
Le but visé par les auteurs de cet amendement est clair : il ne faudrait pas que les personnes bénéficiant d’un droit sur une marque bloquent la possibilité d’exploiter une IGP.
Je ne citerai qu’un exemple : la marque Laguiole est détenue par un particulier, qui en assure l’exploitation commerciale. C’est son droit le plus strict. Toutefois, si nous créons une IGP « couteaux de Laguiole » et si aucun des producteurs répondant au cahier des charges ne peut employer cette dénomination, étant donné qu’une appellation identique est protégée par le droit des marques, quel est l’intérêt de l’article 7 ?
Or le code de la propriété intellectuelle ne contient aucune disposition permettant de résoudre ce problème. Son article L. 711-4 précise simplement qu’il n’est pas possible de déposer une marque nouvelle lorsque celle-ci porte atteinte à des droits antérieurs conférés par une appellation d’origine.
D’ailleurs, il faudrait à tout le moins protéger de la même manière les droits antérieurs conférés par une IGP, ce qui est l’objet de la première partie de cet amendement.
Cependant, qu’en est-il des nouvelles IGP lorsqu’une marque existe déjà ? En réunion de commission, M. le secrétaire d’État nous a affirmé que l’IGP ne devait pas priver le titulaire du droit de marque du fruit des efforts accomplis pour développer la marque, en citant l’exemple de Baccarat. Cette question est éminemment politique : souhaitons-nous, oui ou non, permettre l’appropriation privée, par un seul, du nom ou de la réputation d’un lieu ou d’une zone de production ?
Pour ma part, j’estime que le régime des IGP offre de solides garanties, notamment via un cahier des charges et une procédure de validation par la puissance publique, au travers d’un décret qui l’approuve.
Dès lors, pourquoi empêcher les artisans et industriels installés dans le secteur de production et respectant le cahier des charges de l’IGP d’employer le nom de cette indication, sous prétexte qu’il existe une marque qui, au demeurant, est peut-être apposée à des produits de qualité médiocre ?
L’amendement présenté par Mme Anne-Marie Escoffier et M. Raymond Vall tend à clarifier la situation en la matière, en précisant que l’existence de la marque n’empêche pas l’utilisation de l’IGP : c’est une solution de compromis.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. En effet !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. … celui du « fabriqué en France », auquel nous nous attelons depuis 2009 sous l’impulsion du Président de la République. Dans ce cadre, un certain nombre de labels ont été créés : ainsi, le label « Origine France garantie » existe déjà pour une quarantaine de produits relevant d’une quinzaine de marques. Il regroupera bientôt près de cinq cents produits, pour une centaine de marques.
Par ailleurs, j’ai obtenu l’accord de Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur, pour étendre les dispositifs relatifs aux produits alimentaires aux productions artisanales et industrielles. Je suis très attaché à cette mesure – M. le rapporteur connaît bien ce problème – et je me suis d’ailleurs rendu personnellement dans l’Aveyron pour l’annoncer aux représentants de la maison Laguiole.
Ce dispositif, dont l’objectif est clair, est évidemment essentiel : il s’agit de protéger nos savoir-faire, qui sont notre richesse dans ce monde mondialisé où tout est uniformité.
En effet, la France est le pays non seulement de l’immatériel et de l’intelligence, mais aussi des savoir-faire. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à l’idée d’acheter français par principe. Ce qui compte, c’est d’acheter la qualité française, c'est-à-dire celle qui est fabriquée en France. Au cours de la discussion que nous avons eue tout à l’heure, nous avons clairement mis en évidence que les produits de certaines marques étrangères étaient fabriqués en France, grâce aux savoir-faire français. C’est cela qui intéresse nos compatriotes !
Après avoir rencontré l’ensemble des professionnels, je peux dire que le dispositif proposé dans le projet de loi est extrêmement équilibré et incitatif : il permettra aux professionnels d’un même produit artisanal et d’un même bassin de se rassembler.
Voilà quelques jours, j’étais encore dans la Creuse, où j’ai rencontré les professionnels des tapisseries d’Aubusson, et dans le Loiret, où j’ai visité la faïencerie de Gien et l’usine des Émaux de Briare. Partout sur le territoire, nous observons une véritable mobilisation visant à protéger notre pays du pillage de nos savoir-faire, qui est rarement synonyme de qualité.
Si je suis réservé sur le dispositif que vous proposez, monsieur Vall, c’est parce que le texte permet d’ores et déjà d’atteindre notre objectif commun. Par ailleurs, l’adoption de cet amendement, tel qu’il est rédigé, provoquerait une insécurité juridique, qui fragiliserait certaines entreprises, comme Baccarat, dont le savoir-faire est reconnu dans le monde entier. Je relève pourtant que la commission a cherché à améliorer l’amendement déposé initialement par M. le rapporteur.
La protection des savoir-faire ne doit pas aboutir à une fragilisation de ce qui existe déjà. Du reste, je suis certain que tel n’est pas l’objectif de Mme Anne-Marie Escoffier.
Dans ces conditions, il ne serait pas de bonne politique d’adopter en l’état cet amendement. Au demeurant, je veillerai à ce qu’il ne s’applique pas. Il me paraît en effet extrêmement dangereux de fragiliser aujourd’hui un certain nombre de vaisseaux amiraux de l’artisanat, qui portent des territoires et font la fierté de leurs élus. Je pense, notamment, à l’entreprise Baccarat.
Mme Évelyne Didier. Très bien, monsieur le secrétaire d’État : c’est en Meurthe-et-Moselle !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Vall, l’amendement n° 185 rectifié est-il maintenu ?
M. Raymond Vall. La question soulevée par M. le rapporteur n’a pas été prise en compte, en réalité.
Doit-on permettre à une marque de s’approprier le nom d’un territoire, en interdisant de fait à celui-ci de se développer ? S’opposent ici, et c’est ce qui est grave, les profits d’une entreprise privée et une démarche territoriale, qui n’est pas prise en compte. Comment règle-t-on ce problème ?
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit ici de l’appropriation non pas uniquement d’un savoir-faire, mais aussi d’un lieu. Par exemple, si les précisions introduites par cet amendement ne sont pas adoptées, les couteliers de Laguiole – veuillez m’excuser de reprendre cet exemple aveyronnais ! – ne pourront pas créer une IGP « Laguiole », une entreprise s’étant approprié ce nom, par le biais d’une marque.
L’adoption de cet amendement permettra de sécuriser la possibilité d’une telle IGP. Il s'agit, selon moi, d’un progrès, conforme à votre volonté de protéger l’artisanat et les savoir-faire. En outre, je souligne que, à la suite de votre intervention en commission, monsieur le secrétaire d’État, nous nous sommes efforcés, avec bonne volonté, d’améliorer notre proposition.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, j’ai souligné tout à l’heure que vous aviez fait preuve de bonne volonté en modifiant la rédaction de l’amendement.
Contrairement à ce qui vient d’être affirmé, la rédaction actuelle de l’article consacre d’ores et déjà la reconnaissance des IGP. Vos craintes ne sont donc pas fondées. En revanche, je demeure attentif aux inquiétudes manifestées par les professionnels, notamment les responsables de l’entreprise Laguiole, car je souhaite, bien évidemment, qu’ils puissent se protéger contre toute menace susceptible de les fragiliser. En effet, pour rassurer ceux qui souhaiteraient se réunir sous la bannière d’une IGP, vous déséquilibrez le dispositif et créez une insécurité pour d’autres acteurs économiques.
Je n’ai aucune envie de protéger les uns en fragilisant les autres ! C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit retiré. Contrairement à ce que vous redoutez, monsieur Vall, le dispositif prévu par le projet de loi répond à vos interrogations.
Monsieur le rapporteur, si je comprends votre attachement à l’entreprise Laguiole, que j’ai d’ailleurs visitée, je n’oublie pas pour autant que des savoir-faire, qu’il convient de ne pas remettre en cause, existent sur tous les territoires.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J’ai du mal à suivre ce débat, qui confond deux notions tout à fait distinctes. La marque est un élément commercial lié à l’entreprise. Quant à l’IGP, elle se justifie par le lien avec un territoire, une origine ou un procédé de fabrication. Les deux notions ne se recoupent que rarement.
Au fond, cet amendement vise simplement à rappeler ce qui distingue d’ores et déjà la marque de l’IGP. Normalement, d’ailleurs, il est impossible d’obtenir de l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle, un nom de marque comportant une indication géographique. Essayez donc avec le mot « Champagne », vous verrez ce qui se passe ! Pourtant, il est vrai, un certain nombre de cas contredisent ce principe, comme celui de Laguiole, qui a été cité.
Selon moi, les dispositions de cet amendement se contentent donc de rappeler la pratique existante, afin de clarifier la situation, ce qui est toujours utile.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
Article 7 bis A (nouveau)
Le chapitre VI du titre Ier du livre II du code de la consommation, est complété par un article L. 216-13 ainsi rédigé :
« Art. L. 216-13. – Les modalités selon lesquelles les coûts résultant des contrôles officiels, prescrits par les règlements pris en application de l’article 53 du règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 28 janvier 2002, établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires sont supportés par l'exploitant du secteur alimentaire sont définies par décret.
« Ces coûts comprennent les coûts d’échantillonnage, d’analyse et de stockage ainsi que les coûts des éventuelles mesures prises à la suite d’une non-conformité. » – (Adopté.)
Article 7 bis
Le chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de la consommation est complété par un article L. 113-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 113-7. – Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’alimentation, de la consommation et de l’artisanat précise les modalités d’information des consommateurs par les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration, permanente ou occasionnelle, sur les conditions d’élaboration des plats qui leur sont proposés. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 175 rectifié, présenté par MM. Bourquin, Mme Rossignol, MM. Bérit-Débat, Courteau, Vaugrenard, Labbé, Teston, Kaltenbach et Repentin, Mmes Nicoux et Bourzai, MM. S. Larcher, Vincent et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après la section 10 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation, il est inséré une section ainsi rédigée :
« Section… : Informations sur les conditions d’élaboration des plats proposés dans le cadre d’une activité de restauration, permanente ou occasionnelle
« Art. L. ... - Les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration, permanente ou occasionnelle, précisent sur leurs cartes si les plats proposés sont cuisinés sur place à partir de produits bruts et frais, hors produits tels que charcuteries, poissons fumés, pains et viennoiseries, condiments, pâtes. Pour les plats à base de poissons, le restaurateur précise s’il s’agit de poissons de « pêche » ou d’« élevage ».
« Art. L. ... - Dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un décret en Conseil d’État propose une harmonisation des mentions ou signalétiques apposées obligatoirement sur les cartes afin d’informer les consommateurs sur les conditions d’élaboration des plats proposés dans le cadre d’une activité de restauration, permanente ou occasionnelle. »
La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. L’article 7 bis prévoit qu’un arrêté conjoint des ministres chargés de la consommation et de l’artisanat précisera les modalités d’information des consommateurs en ce qui concerne les conditions d’élaboration des plats proposés dans les restaurants.
L’objectif des députés était de permettre aux consommateurs de disposer d’une information claire leur permettant de savoir si les plats qui leur sont proposés dans les établissements de restauration ont été, ou non, confectionnés dans l’établissement et à partir de produits frais.
Nous partageons un tel souci d’information du consommateur, et nous estimons, comme M. le ministre l’a rappelé lors des débats qui se sont déroulés à l’Assemblée nationale, qu’au vu de la trop lente diffusion du titre de maître-restaurateur, il est temps aujourd’hui d’aller plus loin, en imposant aux professionnels un affichage sur les modalités de préparation des plats.
Toutefois, nous estimons qu’il est nécessaire, comme pour la boulangerie, d’inscrire cette obligation directement dans la loi, en l’occurrence dans le chapitre sur les pratiques commerciales réglementées du code de la consommation.
Nous proposons donc d’insérer dans ce code un article disposant que les personnes ou entreprises qui transforment ou distribuent des produits alimentaires dans le cadre d’une activité de restauration permanente ou occasionnelle sont dans l’obligation de préciser sur leur carte si les plats proposés sont, d’une part, cuisinés sur place, et, d’autre part, à base de produits bruts et frais.
Cette disposition devra entrer en vigueur dès l’adoption de la présente loi, sans attendre un éventuel arrêté, puisque l’intention du législateur est claire sur ce point.
Bien sûr, il paraît nécessaire d’exclure de cette obligation les produits suivants, qui peuvent difficilement être réalisés sur place : charcuteries, poissons fumés, pains, viennoiseries, condiments et pâtes. Nous proposons aussi que le restaurateur précise, pour les plats à base de poisson, s’il s’agit de poissons de pêche ou d’élevage.
Dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un décret devra définir, à des fins d’harmonisation dans toute la profession, les mentions ou signalétiques qui devront être apposées sur les cartes.
Pour votre information, mes chers collègues, cette disposition légale est déjà en vigueur en Italie, où les produits congelés doivent être signalés sur la carte par un astérisque.
La France, pays de la gastronomie, qui vient d’obtenir une reconnaissance de son repas gastronomique par l’UNESCO au titre du patrimoine mondial immatériel ne peut rester en retrait en la matière.
Afin de valoriser la cuisine faite sur place et le travail des restaurateurs qui utilisent des produits de qualité et frais, plus couteux, l’information du consommateur sur les conditions d’élaboration des plats est désormais une nécessité.
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par MM. Lefèvre, Frassa, Paul et Gilles, Mme Sittler, MM. Leleux, Bordier et Pierre, Mme Jouanno, M. J. Gautier, Mlle Joissains, M. Cambon, Mme Cayeux, MM. Milon, Hérisson et Bas, Mmes Lamure et Deroche, MM. Belot, P. André et B. Fournier, Mme Farreyrol, MM. Houel, J.P. Fournier et Cléach, Mme Debré, MM. Doublet, Laurent et Bécot, Mme Troendle et MM. Trillard, Pointereau, Cornu, Lenoir et Houpert, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 113-7. – Les consommateurs seront informés des conditions d’élaboration des plats qui leur sont proposés grâce à la mention du label Maître-Restaurateur sur les cartes et les menus des restaurants ayant reçu cette distinction ».
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Le titre de maître-restaurateur découle de l’accord de croissance signé entre le Gouvernement et les organisations professionnelles de l’hôtellerie-restauration en mai 2007.
Institué par le décret n° 2007-1359 du 14 septembre 2007, ce titre a été créé afin de distinguer les restaurateurs professionnels qualifiés de France et de valoriser la qualité des produits proposés aux consommateurs.
L’article 3 de ce décret précise que l’obtention du titre de maître-restaurateur est conditionnée par l’inscription dans le cahier des charges de plusieurs critères de qualité qui font porter la priorité sur le « fait maison ».
Il paraît donc inutile de multiplier les labels, au risque d’entretenir une confusion dans l’esprit du consommateur, ce qui se révélerait in fine contreproductif.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. L’amendement n° 175 rectifié est plus précis que le texte initial du projet de loi. En effet, l’article 7 bis se bornait à renvoyer à un arrêté le soin de définir les modalités d’information du consommateur sur les conditions d’élaboration des plats proposés dans les restaurants.
Cet amendement vise à poser le principe d’une information des consommateurs d’application immédiate et à renvoyer ensuite au pouvoir réglementaire le soin de préciser la manière dont il conviendra de présenter les informations sur les cartes.
Nous avions modifié cet article en commission pour associer le ministre chargé de l’alimentation à la définition des conditions de présentation de ces informations. Il est important que celui-ci participe à ce travail, car il est chargé de la mise en œuvre du programme national pour l’alimentation, que nous avions voulu au moment de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Je souhaite également qu’il contribue à l’élaboration du décret.
Pour ces raisons, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 13 rectifié. Si cette disposition part d’une bonne intention, elle est plus restrictive que le texte initial, puisqu’elle vise à limiter l’information au titre de maître-restaurateur. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Tout d’abord, monsieur Bourquin, je suis tout à fait convaincu de la nécessité d’une plus grande transparence en la matière. Nous avons en effet prévu, dans le cadre de ce texte, des dispositions qui sont, selon M. le rapporteur lui-même, moins précises que celles que vise à introduire votre amendement.
M. le rapporteur a raison : la rédaction de l’article 7 bis est moins précise que celle de l’amendement n° 175 rectifié. Toutefois, c’est l’effet d’un choix volontaire !
Je considère en effet que l’énumération détaillée des produits qui doivent, ou non, être concernés par l’obligation d’informer le consommateur n’a pas sa place dans la loi. Avant-hier encore, une réunion de concertation s’est tenue avec l’ensemble des professionnels pour définir précisément les modalités de ce dispositif. Il ne s’agirait pas que, en voulant inscrire des produits dans la loi, on en oublie tel ou tel !
Monsieur Bourquin, vous proposez de prévoir une exception pour les « produits tels que charcuteries, poissons fumés, pains et viennoiseries, condiments, pâtes ». Toutefois, certaines de ces précisions sont peut-être en train de faire l’objet d’une concertation avec les professionnels.
Je ne suis pas du tout hostile aux dispositions essentielles de votre amendement, puisqu’elles sont exactement identiques à celles qui figurent à l’article 7 bis. J’estime en revanche que la liste de produits que vous proposez d’introduire dans la loi n’y a pas sa place, parce qu’elle est en train d’être négociée avec les professionnels.
Puisque ces discussions sont en cours, monsieur Bourquin, il me semblerait raisonnable que vous retiriez l’amendement n° 175 rectifié. Du reste, je le répète, nous sommes tout à fait d’accord quant à l’objectif visé.
J’en viens à l’amendement n° 13 rectifié, que Mme Lamure a présenté et dont je souhaite également qu’il soit retiré. En effet, cette disposition conduit à vider de son sens, d’une certaine manière, l’article 7 bis, même si j’ai bien compris que tel n’était pas l’objectif de ses auteurs.
Si nous avons décidé, avec l’accord de l’ensemble de la profession, de prévoir l’information des consommateurs, c’est parce que nous leur devons la transparence ! D’ailleurs, dans les secteurs où cette dernière a été introduite, les professionnels eux-mêmes en ont tiré des bénéfices.
Je vous rappelle que, grâce au travail, que vous connaissez tous, entrepris pour valoriser le statut d’artisan boulanger, nous avons vu la qualité du pain progresser de manière très sensible dans notre pays ; je prends cet exemple car les boulangers sont les porte-drapeaux de notre savoir-faire dans le monde entier.
Il y a quelques jours, j’ai rencontré les représentants de la Confédération nationale des charcutiers traiteurs. Les charcutiers ont décidé d’emprunter le même chemin que les boulangers : qualité et transparence. Ils sont en train de progresser dans cette voie.
Les restaurateurs aussi sont parfaitement d’accord pour s’engager dans cette direction. Ils étaient d’ailleurs tout à fait favorables à la création du titre de maître-restaurateur, que Mme Lamure a évoqué. Seulement voilà : je constate que, depuis que je suis membre du Gouvernement, le nombre des restaurateurs bénéficiant de ce titre n’a pas évolué ; il est toujours de 1 500.
Dans ces conditions, restreindre l’application du dispositif que nous prévoyons aux seuls maître-restaurateurs conduirait à le vider de son sens : par définition, en effet, ceux-ci sont obligés de préparer leurs plats sur place et à partir de produits bruts ! Le consommateur qui pousse la porte d’un restaurateur bénéficiant de ce titre est assuré, de ce seul fait, qu’il trouvera des plats préparés dans ces conditions.
Notre objectif est que, dans les établissements dont les restaurateurs n’ont pas reçu ce titre, c’est-à-dire la très grande majorité d’entre eux, les consommateurs puissent également avoir droit à la transparence.
Monsieur Bourquin, ce n’est pas seulement la liste des produits que nous sommes en train de négocier avec les professionnels ; nous discutons aussi de la manière dont les informations seront matérialisées. Il n’est pas si simple, en effet, de déterminer s’il faudra apposer un astérisque à chaque ligne du menu ou prévoir l’introduction d’une mention générale au début de la carte. Ce sont de toutes ces questions que nous sommes en train de débattre.
Bien entendu, lorsque ces discussions seront terminées, je vous en rendrai compte : il me semble très important, en effet, que chacun soit informé de leur détail.
Sur toutes ces questions, nous sommes en train de progresser, dans l’intérêt des professionnels comme dans celui des consommateurs, qui ont droit à une information transparente.
Je profite de cette intervention pour vous mettre en garde contre une confusion, que du reste vous n’avez pas commise, monsieur Bourquin. On entend dire parfois que les produits bruts ne peuvent être surgelés. Or c’est faux : un produit brut peut aussi être un produit surgelé.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que j’ai été à l’origine de la fête de la gastronomie. Il est important que nous valorisions, les uns et les autres, nos territoires, nos produits et nos artisans.
Certains chefs préfèrent acheter le lundi du poisson tout juste sorti des filets ou décroché des lignes, puis le surgeler eux-mêmes, alors qu’il est encore frais, pour pouvoir le cuisiner le vendredi. Or ce produit surgelé sera de meilleure qualité que le produit brut non surgelé acheté plusieurs jours après la pêche ! Il faut donc se méfier des simplifications.
Pour l’ensemble de ces raisons, je demande aux auteurs des amendements nos 175 rectifié et 13 rectifié de bien vouloir les retirer, même si je fais entièrement miennes leurs intentions. Et je vous invite, les uns et les autres, à voter à l’unanimité l’article 7 bis. Ce faisant, mesdames, messieurs les sénateurs, vous enverriez un signal montrant votre volonté de défendre la qualité et la transparence au service des consommateurs !