compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Boyer,

M. Jean-François Humbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du 22 décembre 2011 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date du 9 janvier 2012, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, a demandé l’inscription à l’ordre du jour du lundi 23 janvier de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi et à celui du mardi 24 janvier de la proposition de loi relative à l’exercice de certaines professions de santé pour les titulaires de diplômes étrangers.

Acte est donné de cette demande.

L’ordre du jour des séances des lundi 23 et mardi 24 janvier 2012 s’établit donc comme suit :

Lundi 23 janvier

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 15 heures et le soir :

- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi (n° 229, 2011-2012).

Mardi 24 janvier

À 9 heures 30 :

1°) Questions orales

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 :

2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France (Procédure accélérée) (A.N., n° 4079) ;

(La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour le rapport mardi 17 janvier, à quinze heures ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 16 janvier, à douze heures.

La conférence des présidents a fixé :

- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire lundi 23 janvier, avant dix-sept heures ;

- au lundi 23 janvier, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour examiner les amendements mardi 24 janvier, à quatorze heures trente.)

Le soir :

3°) Éventuellement, suite du projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France ;

4°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (A.N., n° 4105).

Par ailleurs, j’informe le Sénat que la question orale n° 1496 de M. Alain Bertrand est retirée du rôle des questions orales et de l’ordre du jour de la séance du mardi 17 janvier 2012. Elle est remplacée à l’ordre du jour de cette même séance par la question n° 1476 de M. Jacques-Bernard Magner.

3

Consultation de l’Assemblée de la Polynésie française

M. le président. En application de l’article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, M. le président du Sénat a saisi, le 6 janvier 2012, le haut-commissaire de la République en Polynésie française en vue de la consultation de l’Assemblée de la Polynésie française sur la proposition de loi, présentée par M. Richard Tuheiava, relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française.

Par lettre en date du 9 janvier 2012 et conformément à la demande de M. le président du Sénat, le haut-commissaire de la République a demandé au président de l’Assemblée de la Polynésie française de bien vouloir soumettre ce texte à l’avis de son assemblée selon la procédure d’urgence.

4

Saisines du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président a été informé par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi, par plus de soixante députés, le 22 décembre 2011, de deux demandes d’examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2012 et de la loi de finances rectificative pour 2011.

Acte est donné de ces communications.

Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

5

Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. Par lettre en date du 22 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d’une décision rendue le 22 décembre 2011, par laquelle le Conseil constitutionnel a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 25 septembre 2011 dans le département de la Lozère pour la désignation d’un sénateur.

Par lettre en date du 22 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l’action du Sénat en matière de développement durable.

Par lettres en date du 28 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution, d’une part, de la loi de finances pour 2012, et, d’autre part, de la loi de finances rectificative pour 2011.

Acte est donné de ces communications.

Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.

6

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 23 décembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-223 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

7

Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 3 janvier 2012, une décision du Conseil sur la question prioritaire de constitutionnalité (n° 2011-224 QPC).

Acte est donné de cette communication.

8

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

pérennité des activités des sapeurs-pompiers volontaires

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1401, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je constate que M. le ministre de l’intérieur, que j’avais déjà interpellé sur cette question, n’a une fois de plus pas pris la peine – il est sans doute trop occupé par ailleurs… – de se déplacer aujourd’hui, ne serait-ce que pour nous souhaiter une bonne année. Mais j’imagine que vous le remplacerez avec aisance et efficacité !

J’avais donc attiré l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur une question importante ayant trait à la révision de la directive européenne sur le temps de travail, révision qui risque d’avoir des conséquences dramatiques sur l’existence même du corps des sapeurs-pompiers volontaires.

En effet, cette directive, assimilant l’activité des sapeurs-pompiers volontaires à du travail, imposerait un repos obligatoire de onze heures entre deux séquences de travail. Elle signerait alors, de fait, la fin de ce corps, puisque ses membres ne pourraient plus concilier leur vie professionnelle avec leur engagement citoyen au service de la communauté.

Les habitants de la Haute-Garonne, département que je représente, comptent pourtant sur leurs 1 100 sapeurs-pompiers volontaires, et ils apprécient à sa juste valeur leur participation active à plus de 45 000 interventions par an.

La révision de la directive pourrait également remettre en cause la distribution des secours telle qu’elle est organisée aujourd’hui. Actuellement, en Haute-Garonne, 75 % du territoire dépend d’un centre d’incendie et de secours volontaire. La répartition de telles structures permet donc aux sapeurs-pompiers volontaires de notre département d’intervenir quasiment en tous ses points en moins de vingt minutes. Leur disparition mettrait un terme non seulement à un service public de proximité essentiel pour la population, mais aussi au concept de sécurité civile, propre à la France, concept dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

La situation est d’autant plus dommageable que députés et sénateurs ont récemment adopté à la quasi-unanimité la loi n° 2011-851 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. Par ce texte, les parlementaires ont renforcé les protections juridiques, sociales et pénales de ces femmes et de ces hommes qui consacrent le meilleur d’eux-mêmes et leur temps au service des autres.

Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour protéger un corps dont l’engagement et la présence constituent la pierre angulaire indispensable à la sécurité de nos territoires et de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Monsieur Mirassou, Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, ne pouvant se joindre à nous ce matin, m’a chargée de vous prier de bien vouloir l’excuser et de vous faire part de sa réponse.

Vous attirez l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur l’avenir des sapeurs-pompiers volontaires, dont l’engagement au service de nos concitoyens pourrait se trouver remis en question du fait de la révision de la directive européenne sur le temps de travail.

Je tiens d’emblée à vous rassurer sur la volonté du Gouvernement, que je sais largement partagée sur toutes ces travées, de maintenir le modèle français de sécurité civile, auquel les volontaires apportent un concours déterminant et que je tiens, avec vous, à saluer de nouveau.

Les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires assurent annuellement 76 % des gardes et astreintes, et 60 % d’entre eux sont des salariés. Assimiler le statut de sapeur-pompier volontaire à celui d’un travailleur rendrait le volontariat incompatible avec tout emploi salarié. En effet, le cumul d’activités résultant de cette assimilation conduirait à un dépassement des plafonds horaires prévus, rendant le salarié en repos inemployable en tant que sapeur-pompier volontaire et le sapeur-pompier volontaire inemployable par son entreprise à l’issue d’une période de volontariat.

Le remplacement de sapeurs-pompiers volontaires salariés par des personnes non salariées, c’est-à-dire des étudiants, des demandeurs d’emploi ou des mères au foyer, ainsi que le recrutement impératif de sapeurs-pompiers professionnels qui en découlerait à terme constitueraient un bouleversement tant financier qu’historique et sociologique, préjudiciable au système de secours dont la pierre angulaire est, sans conteste, le volontariat.

C’est pour cette raison que la loi du 20 juillet 2011 que vous avez évoquée, loi qui a été votée à la quasi-unanimité dans chacune des assemblées, confère un cadre juridique à l’activité de sapeur-pompier volontaire. Rappelant les principes du volontariat et du bénévolat qui en sont le fondement, le législateur en donne une définition positive par ces termes : « L’activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n’est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. »

La Commission européenne, dans sa communication du 21 décembre 2010 relative à la révision de la directive sur le temps de travail, a envisagé de ne pas appliquer les règles générales de la directive à certains groupes, comme les sapeurs-pompiers volontaires, en précisant que le droit national les considère comme étant des travailleurs dans certains États membres, mais pas dans d’autres.

C’est pourquoi, grâce à la loi du 20 juillet 2011, le Gouvernement défendra un paragraphe spécifique, par exemple sous forme de considérant, dans le texte de la nouvelle directive, visant à exclure du champ d’application de la notion de travailleur les activités de sapeur-pompier volontaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Croyez bien que la vigilance dont fait preuve le Gouvernement, et sur laquelle vous avez insisté, sera au moins autant partagée par les sénateurs représentant les départements concernés, autrement dit, oserais-je dire, l’ensemble des départements : on trouve en effet des sapeurs-pompiers volontaires sur tout le territoire de France et de Navarre !

motivation des refus de délivrance de visas pour les étudiants étrangers

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway Mouret, auteur de la question n° 1457, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Mme Hélène Conway Mouret. Madame la ministre, je vous poserai deux questions.

Premièrement, je souhaiterais savoir si des consignes ont été adressées aux postes consulaires, ainsi qu’à Campus France, afin de limiter l’immigration légale des étudiants étrangers.

J’ai été alertée récemment par un certain nombre d’étudiants étrangers souhaitant poursuivre leur cursus en France mais dont le visa a été refusé, parfois de façon étonnante. Ainsi, des étudiants brillants, qui, pour certains, avaient déjà obtenu des bourses pour financer leurs études et présentaient des dossiers très solides, se sont vu opposer un rejet de leur demande. Dans de telles conditions, qu’en serait-il aujourd’hui, par exemple, de la scolarité de Saïd Aïdi, actuel ministre tunisien de l’emploi, qui consacra cinq années à étudier en France ?

Deuxièmement, je voudrais connaître la place de l’avis émis par Campus France dans l’instruction de la demande de visa. Il semble que les consulats, en pratique, fondent souvent leur décision sur cet avis, un avis défavorable entraînant systématiquement un refus de délivrance du visa.

Or le candidat n’a pas connaissance de l’avis émis sur son dossier par Campus France et, de ce fait, il se trouve souvent amené à poursuivre inutilement sa procédure de demande de visa. Cela constitue une charge de travail supplémentaire pour le personnel consulaire, déjà sous pression, alors que l’on sait pertinemment que la demande de visa n’aboutira pas.

Il faut mettre un terme à une situation absurde. Si un avis défavorable de Campus France aboutit systématiquement à un refus, pourquoi ne pas en informer immédiatement le candidat ? Si l’avis de Campus France ne prime pas dans la décision, pourquoi les consulats ne donneraient-ils pas les raisons du refus ? Ces derniers doivent déjà motiver leurs décisions pour les visas de courts séjours depuis l’entrée en vigueur du code communautaire des visas en 2011. Pourquoi ne pas le faire aussi pour les demandes des étudiants ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Madame Conway Mouret, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur l’absence de motivation des refus de visas pour les étudiants étrangers souhaitant poursuivre en France leur cursus de formation débuté dans leur pays d’origine.

Le traitement des demandes de visa de long séjour pour les étudiants étrangers souhaitant suivre des études en France a été amélioré au cours des dernières années grâce à l’implantation du réseau Campus France, destiné à relancer l’attractivité de l’enseignement supérieur de notre pays et dont les différents centres ont une double vocation : d’une part, seconder les postes consulaires dans le conseil et l’orientation des étudiants étrangers désireux de poursuivre des études en France ; d’autre part, aider les universités et les écoles à mieux évaluer les dossiers de demande d’inscription.

Ces centres sont donc chargés d’une mission d’information, de conseil et d’orientation pour les candidats à des études en France. Ils assurent également l’évaluation des projets des candidats, au travers, notamment, de l’examen de leur cursus antérieur et d’un entretien avec un conseiller pédagogique.

Dans les pays où sont implantés ces espaces Campus France, les candidatures à des études en France, matérialisées par une préinscription dans un établissement d’enseignement supérieur, transitent par de telles structures, agissant sous le contrôle du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade.

Campus France apporte son expertise sur l’aspect académique du dossier, vérifiant en particulier, en liaison avec les établissements d’enseignement supérieur, que les candidatures s’inscrivent dans le contexte de notre politique de formation des étudiants étrangers. Sur la base de cette évaluation, le service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade émet alors un avis sur l’ensemble des critères académiques.

Cet avis est ensuite transmis à l’autorité consulaire, qui enregistre alors la demande de visa et analyse les autres aspects du dossier relevant de sa compétence : conditions de ressources, ordre public, possession d’un document de voyage valide.

L’avis rendu par Campus France est donc pris en compte dans l’instruction de la demande de visa, au même titre que les autres critères. Le consul est, in fine, seul à disposer du pouvoir d’accorder ou de refuser le visa, et seule sa décision peut faire l’objet d’un recours.

Par ailleurs, je vous rappelle que, conformément à l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les refus de visa opposés aux ressortissants étrangers qui sollicitent un visa pour suivre des études en France n’ont pas à être motivés.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway Mouret.

Mme Hélène Conway Mouret. Madame la ministre, je maintiens ma suggestion. Dans le processus que vous venez de décrire, il serait quand même bon que l’avis de Campus France soit connu de l’étudiant, afin que ce dernier puisse éventuellement interrompre sa demande de visa s’il a connaissance d’un élément essentiel jugé négatif dans son dossier. Non seulement cela éviterait à l’étudiant de dépenser trop d’argent, mais cela permettrait également aux agents consulaires de consacrer à autre chose le temps qu’ils passent à ces instructions.

procès-verbal électronique, décentralisation et dépénalisation du stationnement

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 1481, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

M. Roland Ries. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’articulation entre, d’une part, la mise en place du procès-verbal électronique par les services du ministère de l’intérieur et, d’autre part, la décentralisation et la dépénalisation souhaitable du stationnement.

Instauré par un décret du 26 mai 2009, le procès-verbal électronique est aujourd’hui peu à peu mis en place sur l’ensemble du territoire. L’agent, équipé d’un outil électronique, saisit les éléments relatifs à l’infraction. Et, en fin de service, toutes les données sont directement transmises au Centre national de traitement de Rennes. Le titulaire de la carte grise, identifié par le fichier national des immatriculations, reçoit alors automatiquement par courrier à son domicile l’avis de contravention.

Ce système présente évidemment de nombreux atouts : plus de risque de perte du timbre-amende, nouvelles possibilités de paiement, allégement des tâches administratives et des frais de gestion, réduction considérable du coût de la collecte pour les collectivités.

Je me demande cependant dans quelle mesure le procès-verbal électronique ne sera pas un obstacle à la mise en œuvre de la décentralisation et de la dépénalisation du stationnement pour lesquelles je plaide depuis longtemps avec mes amis du Groupement des autorités responsables de transport, le GART (M. Louis Nègre fait un signe d’acquiescement.), dont Louis Nègre ici présent. En effet, les élus locaux doivent, à mon sens, pouvoir bénéficier d’une pleine compétence en matière de stationnement pour disposer enfin de toutes les marges de manœuvre utiles à la mise en place de leur politique en matière de transports et de mobilité.

J’ai ainsi interpellé le Gouvernement le 28 mars dernier par le biais d’une question écrite, puis, de nouveau – bis repetita placent – au mois de septembre. Faute de réponse, j’ai jugé bon de saisir le ministre de l’intérieur par voie de question orale.

Le 6 décembre dernier, le sénateur Louis Nègre a rendu au ministre des transports un excellent rapport sur la dépénalisation et la décentralisation des amendes de stationnement. Il y insiste lui aussi sur la nécessité de cette réforme sans néanmoins apporter de réponse précise à la question de sa compatibilité avec le procès-verbal électronique. M. Nègre indique d’ailleurs, à la page 14 de son rapport, qu’il est dans l’attente d’une note du ministère de l’intérieur. (M. Louis Nègre acquiesce.)

Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous me garantissiez que la mise en place du procès-verbal électronique n’entravera pas le processus en cours d’évolution du cadre juridique du stationnement que nous appelons de nos vœux.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le ministre de l’intérieur, qui ne peut être présent au Sénat ce matin.

Vous avez attiré l’attention de M. Guéant sur le procès-verbal électronique, la décentralisation et la dépénalisation du stationnement.

Comme vous l’avez souligné, la mise en place du procès-verbal électronique a été instituée par le décret du 26 mai 2009 relatif à la constatation de certaines contraventions relevant de la procédure de l’amende forfaitaire. Le procès-verbal électronique s’est révélé un outil efficace pour moderniser la chaîne de traitement des infractions routières et un moyen de répondre aux préoccupations exprimées par les maires de certaines grandes agglomérations en vue d’assurer un meilleur contrôle du stationnement irrégulier.

Le procès-verbal électronique a d’abord fait l’objet d’une expérimentation en 2010, qui a permis d’associer, sur une période de douze mois, cinq communes volontaires.

Compte tenu des résultats encourageants de cette expérimentation, le Gouvernement a ensuite décidé, avec l’avis favorable du comité des finances locales, la généralisation de ce programme. À cette fin, les lois de finances pour 2011 et pour 2012 ont prévu respectivement 21,2 millions et 37,1 millions d’euros de crédits. L’objectif est de parvenir à doter de ce système l’ensemble des forces de sécurité d’ici à juillet 2012.

Un dispositif particulier a été mis en place pour permettre aux collectivités locales de participer à cette modernisation. Ainsi, un fonds d’amorçage doté de 7,5 millions d’euros a été créé en loi de finances rectificative pour 2011 en faveur des communes et des groupements de communes qui feront l’acquisition des équipements nomades nécessaires à l’utilisation du procès-verbal électronique.

Les collectivités pourront ainsi bénéficier, en plus de la prise en charge par l’État des frais d’acheminement et d’édition des infractions, d’une participation financière à hauteur de 50 % de la dépense engagée, dans la limite de 500 euros.

Ces subventions sont versées par la nouvelle Agence nationale de traitement automatisé des infractions, créée en mars 2011 et chargée du déploiement sur le plan national de ce nouveau dispositif.

Parallèlement à ce processus, qui a conduit à mettre en place ce dispositif innovant, un groupe de travail, placé sous la présidence du sénateur Louis Nègre, a pris l’initiative d’examiner la possibilité de dépénaliser les amendes de stationnement. Installé le 9 février 2010, ce groupe de travail s’est réuni à plusieurs reprises. Des représentants des ministères des transports, de la justice, du budget et de l’intérieur y ont participé.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, à la demande des élus locaux, de porter le montant de l’amende prévue pour défaut de paiement du stationnement de 11 à 17 euros, et ce depuis le 1er août dernier. Cette mesure est de nature à améliorer l’efficacité des politiques de stationnement mises en place dans les villes.

Le Gouvernement souhaite procéder à une évaluation sur deux à trois ans des résultats de ces évolutions avant tout nouveau changement, car la décentralisation et la dépénalisation du stationnement supposeraient de modifier l’ensemble du dispositif qui vient d’être adopté.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Madame le ministre, je tiens à vous remercier de cette réponse, même si elle ne traite que très approximativement la question posée.

Permettez-moi d’attirer votre attention sur deux points.

Tout d’abord, ainsi que je l’ai déjà dit, j’ai posé deux questions écrites successives. En principe, le membre du Gouvernement dispose, pour répondre, d’un délai d’un mois, auquel peut s’ajouter un délai supplémentaire ne pouvant excéder un mois, soit un total de deux mois. Ma première question écrite date du 28 mars 2011, et nous sommes aujourd’hui le 10 janvier 2012. Cela fait donc pratiquement dix mois ! Je trouve qu’il y a là un vrai problème, et je vous demande d’en saisir qui de droit !

Ensuite, s’agissant du fond de la question, je ne suis pas complètement rassuré, puisque vous venez de nous expliquer qu’il faudra attendre deux ou trois ans avant tout nouveau changement. Or cela fait déjà des années et des années que nous attendons !

Selon M. Mariani, membre du Gouvernement auquel nous nous étions adressés précédemment, on était sur le point d’arriver à la dépénalisation, sur laquelle les sénateurs siégeant sur les différentes travées de cette assemblée s’accordaient. Je suis donc désolé d’entendre aujourd’hui que cela va prendre au moins deux ou trois ans !

Je ne pense pas que la mise en place du procès-verbal électronique doive amener à remettre à plus tard la dépénalisation et la décentralisation du stationnement. Le procès-verbal électronique fait certes l’objet d’une gestion centralisée, mais cela n’empêche pas les collectivités locales et les autorités organisatrices d’avoir la maîtrise de la politique du stationnement, du niveau de l’amende – on en est à 17 euros sur l’ensemble du territoire –, ainsi que, last but nos least, du produit de ces amendes : c’est ce que nous attendons tous, et c’est évidemment cela le plus compliqué !