Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
MM. Jean Boyer, Jean-François Humbert.
2. Modification de l’ordre du jour
3. Consultation de l’Assemblée de la Polynésie française
4. Saisines du Conseil constitutionnel
5. Décisions du Conseil constitutionnel
6. Communication du Conseil constitutionnel
7. Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
pérennité des activités des sapeurs-pompiers volontaires
Question de M. Jean-Jacques Mirassou. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Jean-Jacques Mirassou.
motivation des refus de délivrance de visas pour les étudiants étrangers
Question de Mme Hélène Conway Mouret. – Mmes Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; Hélène Conway Mouret.
procès-verbal électronique, décentralisation et dépénalisation du stationnement
Question de M. Roland Ries. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Roland Ries.
financement du centre national de la fonction publique territoriale
Question de M. Alain Anziani. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Alain Anziani.
dérapage lors des séances de bizutage
Question de M. Alain Gournac. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Alain Gournac.
fermeture partielle de nombreux bureaux de poste
Question de M. Yvon Collin. – Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Yvon Collin.
union pour la méditerranée et politique de lutte contre la pollution en méditerranée
Question de M. Roland Courteau. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Roland Courteau.
logement social dans le cantal
Question de M. Jacques Mézard. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Jacques Mézard.
actions mises en œuvre pour lutter contre la prolifération du frelon asiatique
Question de Mme Nicole Bonnefoy. – M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Mme Nicole Bonnefoy.
gestion du trafic aérien et consommation d'énergie
Question de M. Antoine Lefèvre. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Antoine Lefèvre.
obligations des fournisseurs d’énergie vis-à-vis du fonds de solidarité pour le logement
Question de M. Michel Boutant. – MM. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Michel Boutant.
difficulté de remplacement des enseignants absents
Question de M. Jean-Claude Lenoir. – MM. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; Jean-Claude Lenoir.
favoriser la formation des bénévoles associatifs
Question de Mme Mireille Schurch. – M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; Mme Mireille Schurch.
compensation relais versée aux collectivités territoriales et epci
Question de Mme Caroline Cayeux. – M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative ; Mme Caroline Cayeux.
associations d'aide à domicile et respect du taux d'emploi de travailleurs handicapés
Question de M. Daniel Laurent. – Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ; M. Daniel Laurent.
recommandations de la cour des comptes relatives à la régulation de l'installation des médecins
Question de M. Hervé Maurey. – Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ; M. Hervé Maurey.
diminution des moyens attribués à l'ap-hp et devenir de son patrimoine
Question de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mmes Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ; Nicole Borvo Cohen-Seat.
retraite des français ayant travaillé dans plusieurs pays
Question de M. Robert del Picchia. – Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ; M. Robert del Picchia.
permanence des soins dans le sud des hauts-de-seine
Question de M. Philippe Kaltenbach. – Mme Nadine Morano, ministre chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle ; M. Philippe Kaltenbach.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
Mme Nathalie Goulet, M. le président.
11. Simplification du droit et allègement des démarches administratives. – Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée
Discussion générale : MM. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation ; Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Nicole Bricq, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales ; MM. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture ; Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission de l’économie ; Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie.
M. le rapporteur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Jacques Mézard, Philippe Marini, Yves Détraigne, Alain Anziani, Antoine Lefèvre, Mme Muguette Dini, M. Claude Jeannerot, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. André Reichardt, Ronan Dantec.
MM. le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 1 de la commission. – MM. le rapporteur, Antoine Lefèvre, le secrétaire d'État, le président de la commission, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Mézard, Jean-Claude Lenoir, François Zocchetto, Alain Anziani. – Adoption, par scrutin public, de la motion entraînant le rejet de la proposition de loi.
12. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi
13. Communication relative à des commissions mixtes paritaires
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Boyer,
M. Jean-François Humbert.
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous présenter mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.
1
Procès-verbal
M. le président. Le procès-verbal de la séance du 22 décembre 2011 a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 9 janvier 2012, M. Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, a demandé l’inscription à l’ordre du jour du lundi 23 janvier de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi et à celui du mardi 24 janvier de la proposition de loi relative à l’exercice de certaines professions de santé pour les titulaires de diplômes étrangers.
Acte est donné de cette demande.
L’ordre du jour des séances des lundi 23 et mardi 24 janvier 2012 s’établit donc comme suit :
Lundi 23 janvier
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi (n° 229, 2011-2012).
Mardi 24 janvier
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 :
2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France (Procédure accélérée) (A.N., n° 4079) ;
(La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour le rapport mardi 17 janvier, à quinze heures ; délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 16 janvier, à douze heures.
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire lundi 23 janvier, avant dix-sept heures ;
- au lundi 23 janvier, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées se réunira pour examiner les amendements mardi 24 janvier, à quatorze heures trente.)
Le soir :
3°) Éventuellement, suite du projet de loi fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France ;
4°) Sous réserve de sa transmission, proposition de loi relative à l’exercice des professions de médecin, chirurgien-dentiste, pharmacien et sage-femme pour les professionnels titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne (A.N., n° 4105).
Par ailleurs, j’informe le Sénat que la question orale n° 1496 de M. Alain Bertrand est retirée du rôle des questions orales et de l’ordre du jour de la séance du mardi 17 janvier 2012. Elle est remplacée à l’ordre du jour de cette même séance par la question n° 1476 de M. Jacques-Bernard Magner.
3
Consultation de l’Assemblée de la Polynésie française
M. le président. En application de l’article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française, M. le président du Sénat a saisi, le 6 janvier 2012, le haut-commissaire de la République en Polynésie française en vue de la consultation de l’Assemblée de la Polynésie française sur la proposition de loi, présentée par M. Richard Tuheiava, relative au suivi des conséquences environnementales des essais nucléaires français en Polynésie française.
Par lettre en date du 9 janvier 2012 et conformément à la demande de M. le président du Sénat, le haut-commissaire de la République a demandé au président de l’Assemblée de la Polynésie française de bien vouloir soumettre ce texte à l’avis de son assemblée selon la procédure d’urgence.
4
Saisines du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président a été informé par le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi, par plus de soixante députés, le 22 décembre 2011, de deux demandes d’examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances pour 2012 et de la loi de finances rectificative pour 2011.
Acte est donné de ces communications.
Le texte de ces saisines du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
5
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. Par lettre en date du 22 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d’une décision rendue le 22 décembre 2011, par laquelle le Conseil constitutionnel a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 25 septembre 2011 dans le département de la Lozère pour la désignation d’un sénateur.
Par lettre en date du 22 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la résolution tendant à modifier le règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme et l’action du Sénat en matière de développement durable.
Par lettres en date du 28 décembre 2011, M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué à M. le président du Sénat le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution, d’une part, de la loi de finances pour 2012, et, d’autre part, de la loi de finances rectificative pour 2011.
Acte est donné de ces communications.
Ces décisions du Conseil constitutionnel seront publiées au Journal officiel à la suite du compte rendu de la présente séance.
6
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le vendredi 23 décembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-223 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
7
Décision du Conseil constitutionnel sur une question prioritaire de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 3 janvier 2012, une décision du Conseil sur la question prioritaire de constitutionnalité (n° 2011-224 QPC).
Acte est donné de cette communication.
8
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
pérennité des activités des sapeurs-pompiers volontaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1401, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je constate que M. le ministre de l’intérieur, que j’avais déjà interpellé sur cette question, n’a une fois de plus pas pris la peine – il est sans doute trop occupé par ailleurs… – de se déplacer aujourd’hui, ne serait-ce que pour nous souhaiter une bonne année. Mais j’imagine que vous le remplacerez avec aisance et efficacité !
J’avais donc attiré l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur une question importante ayant trait à la révision de la directive européenne sur le temps de travail, révision qui risque d’avoir des conséquences dramatiques sur l’existence même du corps des sapeurs-pompiers volontaires.
En effet, cette directive, assimilant l’activité des sapeurs-pompiers volontaires à du travail, imposerait un repos obligatoire de onze heures entre deux séquences de travail. Elle signerait alors, de fait, la fin de ce corps, puisque ses membres ne pourraient plus concilier leur vie professionnelle avec leur engagement citoyen au service de la communauté.
Les habitants de la Haute-Garonne, département que je représente, comptent pourtant sur leurs 1 100 sapeurs-pompiers volontaires, et ils apprécient à sa juste valeur leur participation active à plus de 45 000 interventions par an.
La révision de la directive pourrait également remettre en cause la distribution des secours telle qu’elle est organisée aujourd’hui. Actuellement, en Haute-Garonne, 75 % du territoire dépend d’un centre d’incendie et de secours volontaire. La répartition de telles structures permet donc aux sapeurs-pompiers volontaires de notre département d’intervenir quasiment en tous ses points en moins de vingt minutes. Leur disparition mettrait un terme non seulement à un service public de proximité essentiel pour la population, mais aussi au concept de sécurité civile, propre à la France, concept dont l’efficacité n’est plus à démontrer.
La situation est d’autant plus dommageable que députés et sénateurs ont récemment adopté à la quasi-unanimité la loi n° 2011-851 relative à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique. Par ce texte, les parlementaires ont renforcé les protections juridiques, sociales et pénales de ces femmes et de ces hommes qui consacrent le meilleur d’eux-mêmes et leur temps au service des autres.
Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir me préciser les mesures que le Gouvernement envisage de prendre pour protéger un corps dont l’engagement et la présence constituent la pierre angulaire indispensable à la sécurité de nos territoires et de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Monsieur Mirassou, Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, ne pouvant se joindre à nous ce matin, m’a chargée de vous prier de bien vouloir l’excuser et de vous faire part de sa réponse.
Vous attirez l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur l’avenir des sapeurs-pompiers volontaires, dont l’engagement au service de nos concitoyens pourrait se trouver remis en question du fait de la révision de la directive européenne sur le temps de travail.
Je tiens d’emblée à vous rassurer sur la volonté du Gouvernement, que je sais largement partagée sur toutes ces travées, de maintenir le modèle français de sécurité civile, auquel les volontaires apportent un concours déterminant et que je tiens, avec vous, à saluer de nouveau.
Les 200 000 sapeurs-pompiers volontaires assurent annuellement 76 % des gardes et astreintes, et 60 % d’entre eux sont des salariés. Assimiler le statut de sapeur-pompier volontaire à celui d’un travailleur rendrait le volontariat incompatible avec tout emploi salarié. En effet, le cumul d’activités résultant de cette assimilation conduirait à un dépassement des plafonds horaires prévus, rendant le salarié en repos inemployable en tant que sapeur-pompier volontaire et le sapeur-pompier volontaire inemployable par son entreprise à l’issue d’une période de volontariat.
Le remplacement de sapeurs-pompiers volontaires salariés par des personnes non salariées, c’est-à-dire des étudiants, des demandeurs d’emploi ou des mères au foyer, ainsi que le recrutement impératif de sapeurs-pompiers professionnels qui en découlerait à terme constitueraient un bouleversement tant financier qu’historique et sociologique, préjudiciable au système de secours dont la pierre angulaire est, sans conteste, le volontariat.
C’est pour cette raison que la loi du 20 juillet 2011 que vous avez évoquée, loi qui a été votée à la quasi-unanimité dans chacune des assemblées, confère un cadre juridique à l’activité de sapeur-pompier volontaire. Rappelant les principes du volontariat et du bénévolat qui en sont le fondement, le législateur en donne une définition positive par ces termes : « L’activité de sapeur-pompier volontaire, qui repose sur le volontariat et le bénévolat, n’est pas exercée à titre professionnel mais dans des conditions qui lui sont propres. »
La Commission européenne, dans sa communication du 21 décembre 2010 relative à la révision de la directive sur le temps de travail, a envisagé de ne pas appliquer les règles générales de la directive à certains groupes, comme les sapeurs-pompiers volontaires, en précisant que le droit national les considère comme étant des travailleurs dans certains États membres, mais pas dans d’autres.
C’est pourquoi, grâce à la loi du 20 juillet 2011, le Gouvernement défendra un paragraphe spécifique, par exemple sous forme de considérant, dans le texte de la nouvelle directive, visant à exclure du champ d’application de la notion de travailleur les activités de sapeur-pompier volontaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Croyez bien que la vigilance dont fait preuve le Gouvernement, et sur laquelle vous avez insisté, sera au moins autant partagée par les sénateurs représentant les départements concernés, autrement dit, oserais-je dire, l’ensemble des départements : on trouve en effet des sapeurs-pompiers volontaires sur tout le territoire de France et de Navarre !
motivation des refus de délivrance de visas pour les étudiants étrangers
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway Mouret, auteur de la question n° 1457, adressée à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
Mme Hélène Conway Mouret. Madame la ministre, je vous poserai deux questions.
Premièrement, je souhaiterais savoir si des consignes ont été adressées aux postes consulaires, ainsi qu’à Campus France, afin de limiter l’immigration légale des étudiants étrangers.
J’ai été alertée récemment par un certain nombre d’étudiants étrangers souhaitant poursuivre leur cursus en France mais dont le visa a été refusé, parfois de façon étonnante. Ainsi, des étudiants brillants, qui, pour certains, avaient déjà obtenu des bourses pour financer leurs études et présentaient des dossiers très solides, se sont vu opposer un rejet de leur demande. Dans de telles conditions, qu’en serait-il aujourd’hui, par exemple, de la scolarité de Saïd Aïdi, actuel ministre tunisien de l’emploi, qui consacra cinq années à étudier en France ?
Deuxièmement, je voudrais connaître la place de l’avis émis par Campus France dans l’instruction de la demande de visa. Il semble que les consulats, en pratique, fondent souvent leur décision sur cet avis, un avis défavorable entraînant systématiquement un refus de délivrance du visa.
Or le candidat n’a pas connaissance de l’avis émis sur son dossier par Campus France et, de ce fait, il se trouve souvent amené à poursuivre inutilement sa procédure de demande de visa. Cela constitue une charge de travail supplémentaire pour le personnel consulaire, déjà sous pression, alors que l’on sait pertinemment que la demande de visa n’aboutira pas.
Il faut mettre un terme à une situation absurde. Si un avis défavorable de Campus France aboutit systématiquement à un refus, pourquoi ne pas en informer immédiatement le candidat ? Si l’avis de Campus France ne prime pas dans la décision, pourquoi les consulats ne donneraient-ils pas les raisons du refus ? Ces derniers doivent déjà motiver leurs décisions pour les visas de courts séjours depuis l’entrée en vigueur du code communautaire des visas en 2011. Pourquoi ne pas le faire aussi pour les demandes des étudiants ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, chargée de l’outre-mer. Madame Conway Mouret, vous avez appelé l’attention du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration sur l’absence de motivation des refus de visas pour les étudiants étrangers souhaitant poursuivre en France leur cursus de formation débuté dans leur pays d’origine.
Le traitement des demandes de visa de long séjour pour les étudiants étrangers souhaitant suivre des études en France a été amélioré au cours des dernières années grâce à l’implantation du réseau Campus France, destiné à relancer l’attractivité de l’enseignement supérieur de notre pays et dont les différents centres ont une double vocation : d’une part, seconder les postes consulaires dans le conseil et l’orientation des étudiants étrangers désireux de poursuivre des études en France ; d’autre part, aider les universités et les écoles à mieux évaluer les dossiers de demande d’inscription.
Ces centres sont donc chargés d’une mission d’information, de conseil et d’orientation pour les candidats à des études en France. Ils assurent également l’évaluation des projets des candidats, au travers, notamment, de l’examen de leur cursus antérieur et d’un entretien avec un conseiller pédagogique.
Dans les pays où sont implantés ces espaces Campus France, les candidatures à des études en France, matérialisées par une préinscription dans un établissement d’enseignement supérieur, transitent par de telles structures, agissant sous le contrôle du service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade.
Campus France apporte son expertise sur l’aspect académique du dossier, vérifiant en particulier, en liaison avec les établissements d’enseignement supérieur, que les candidatures s’inscrivent dans le contexte de notre politique de formation des étudiants étrangers. Sur la base de cette évaluation, le service de coopération et d’action culturelle de l’ambassade émet alors un avis sur l’ensemble des critères académiques.
Cet avis est ensuite transmis à l’autorité consulaire, qui enregistre alors la demande de visa et analyse les autres aspects du dossier relevant de sa compétence : conditions de ressources, ordre public, possession d’un document de voyage valide.
L’avis rendu par Campus France est donc pris en compte dans l’instruction de la demande de visa, au même titre que les autres critères. Le consul est, in fine, seul à disposer du pouvoir d’accorder ou de refuser le visa, et seule sa décision peut faire l’objet d’un recours.
Par ailleurs, je vous rappelle que, conformément à l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les refus de visa opposés aux ressortissants étrangers qui sollicitent un visa pour suivre des études en France n’ont pas à être motivés.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Conway Mouret.
Mme Hélène Conway Mouret. Madame la ministre, je maintiens ma suggestion. Dans le processus que vous venez de décrire, il serait quand même bon que l’avis de Campus France soit connu de l’étudiant, afin que ce dernier puisse éventuellement interrompre sa demande de visa s’il a connaissance d’un élément essentiel jugé négatif dans son dossier. Non seulement cela éviterait à l’étudiant de dépenser trop d’argent, mais cela permettrait également aux agents consulaires de consacrer à autre chose le temps qu’ils passent à ces instructions.
procès-verbal électronique, décentralisation et dépénalisation du stationnement
M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 1481, adressée à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
M. Roland Ries. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’articulation entre, d’une part, la mise en place du procès-verbal électronique par les services du ministère de l’intérieur et, d’autre part, la décentralisation et la dépénalisation souhaitable du stationnement.
Instauré par un décret du 26 mai 2009, le procès-verbal électronique est aujourd’hui peu à peu mis en place sur l’ensemble du territoire. L’agent, équipé d’un outil électronique, saisit les éléments relatifs à l’infraction. Et, en fin de service, toutes les données sont directement transmises au Centre national de traitement de Rennes. Le titulaire de la carte grise, identifié par le fichier national des immatriculations, reçoit alors automatiquement par courrier à son domicile l’avis de contravention.
Ce système présente évidemment de nombreux atouts : plus de risque de perte du timbre-amende, nouvelles possibilités de paiement, allégement des tâches administratives et des frais de gestion, réduction considérable du coût de la collecte pour les collectivités.
Je me demande cependant dans quelle mesure le procès-verbal électronique ne sera pas un obstacle à la mise en œuvre de la décentralisation et de la dépénalisation du stationnement pour lesquelles je plaide depuis longtemps avec mes amis du Groupement des autorités responsables de transport, le GART (M. Louis Nègre fait un signe d’acquiescement.), dont Louis Nègre ici présent. En effet, les élus locaux doivent, à mon sens, pouvoir bénéficier d’une pleine compétence en matière de stationnement pour disposer enfin de toutes les marges de manœuvre utiles à la mise en place de leur politique en matière de transports et de mobilité.
J’ai ainsi interpellé le Gouvernement le 28 mars dernier par le biais d’une question écrite, puis, de nouveau – bis repetita placent – au mois de septembre. Faute de réponse, j’ai jugé bon de saisir le ministre de l’intérieur par voie de question orale.
Le 6 décembre dernier, le sénateur Louis Nègre a rendu au ministre des transports un excellent rapport sur la dépénalisation et la décentralisation des amendes de stationnement. Il y insiste lui aussi sur la nécessité de cette réforme sans néanmoins apporter de réponse précise à la question de sa compatibilité avec le procès-verbal électronique. M. Nègre indique d’ailleurs, à la page 14 de son rapport, qu’il est dans l’attente d’une note du ministère de l’intérieur. (M. Louis Nègre acquiesce.)
Je souhaiterais donc, madame le ministre, que vous me garantissiez que la mise en place du procès-verbal électronique n’entravera pas le processus en cours d’évolution du cadre juridique du stationnement que nous appelons de nos vœux.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. le ministre de l’intérieur, qui ne peut être présent au Sénat ce matin.
Vous avez attiré l’attention de M. Guéant sur le procès-verbal électronique, la décentralisation et la dépénalisation du stationnement.
Comme vous l’avez souligné, la mise en place du procès-verbal électronique a été instituée par le décret du 26 mai 2009 relatif à la constatation de certaines contraventions relevant de la procédure de l’amende forfaitaire. Le procès-verbal électronique s’est révélé un outil efficace pour moderniser la chaîne de traitement des infractions routières et un moyen de répondre aux préoccupations exprimées par les maires de certaines grandes agglomérations en vue d’assurer un meilleur contrôle du stationnement irrégulier.
Le procès-verbal électronique a d’abord fait l’objet d’une expérimentation en 2010, qui a permis d’associer, sur une période de douze mois, cinq communes volontaires.
Compte tenu des résultats encourageants de cette expérimentation, le Gouvernement a ensuite décidé, avec l’avis favorable du comité des finances locales, la généralisation de ce programme. À cette fin, les lois de finances pour 2011 et pour 2012 ont prévu respectivement 21,2 millions et 37,1 millions d’euros de crédits. L’objectif est de parvenir à doter de ce système l’ensemble des forces de sécurité d’ici à juillet 2012.
Un dispositif particulier a été mis en place pour permettre aux collectivités locales de participer à cette modernisation. Ainsi, un fonds d’amorçage doté de 7,5 millions d’euros a été créé en loi de finances rectificative pour 2011 en faveur des communes et des groupements de communes qui feront l’acquisition des équipements nomades nécessaires à l’utilisation du procès-verbal électronique.
Les collectivités pourront ainsi bénéficier, en plus de la prise en charge par l’État des frais d’acheminement et d’édition des infractions, d’une participation financière à hauteur de 50 % de la dépense engagée, dans la limite de 500 euros.
Ces subventions sont versées par la nouvelle Agence nationale de traitement automatisé des infractions, créée en mars 2011 et chargée du déploiement sur le plan national de ce nouveau dispositif.
Parallèlement à ce processus, qui a conduit à mettre en place ce dispositif innovant, un groupe de travail, placé sous la présidence du sénateur Louis Nègre, a pris l’initiative d’examiner la possibilité de dépénaliser les amendes de stationnement. Installé le 9 février 2010, ce groupe de travail s’est réuni à plusieurs reprises. Des représentants des ministères des transports, de la justice, du budget et de l’intérieur y ont participé.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé, à la demande des élus locaux, de porter le montant de l’amende prévue pour défaut de paiement du stationnement de 11 à 17 euros, et ce depuis le 1er août dernier. Cette mesure est de nature à améliorer l’efficacité des politiques de stationnement mises en place dans les villes.
Le Gouvernement souhaite procéder à une évaluation sur deux à trois ans des résultats de ces évolutions avant tout nouveau changement, car la décentralisation et la dépénalisation du stationnement supposeraient de modifier l’ensemble du dispositif qui vient d’être adopté.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Madame le ministre, je tiens à vous remercier de cette réponse, même si elle ne traite que très approximativement la question posée.
Permettez-moi d’attirer votre attention sur deux points.
Tout d’abord, ainsi que je l’ai déjà dit, j’ai posé deux questions écrites successives. En principe, le membre du Gouvernement dispose, pour répondre, d’un délai d’un mois, auquel peut s’ajouter un délai supplémentaire ne pouvant excéder un mois, soit un total de deux mois. Ma première question écrite date du 28 mars 2011, et nous sommes aujourd’hui le 10 janvier 2012. Cela fait donc pratiquement dix mois ! Je trouve qu’il y a là un vrai problème, et je vous demande d’en saisir qui de droit !
Ensuite, s’agissant du fond de la question, je ne suis pas complètement rassuré, puisque vous venez de nous expliquer qu’il faudra attendre deux ou trois ans avant tout nouveau changement. Or cela fait déjà des années et des années que nous attendons !
Selon M. Mariani, membre du Gouvernement auquel nous nous étions adressés précédemment, on était sur le point d’arriver à la dépénalisation, sur laquelle les sénateurs siégeant sur les différentes travées de cette assemblée s’accordaient. Je suis donc désolé d’entendre aujourd’hui que cela va prendre au moins deux ou trois ans !
Je ne pense pas que la mise en place du procès-verbal électronique doive amener à remettre à plus tard la dépénalisation et la décentralisation du stationnement. Le procès-verbal électronique fait certes l’objet d’une gestion centralisée, mais cela n’empêche pas les collectivités locales et les autorités organisatrices d’avoir la maîtrise de la politique du stationnement, du niveau de l’amende – on en est à 17 euros sur l’ensemble du territoire –, ainsi que, last but nos least, du produit de ces amendes : c’est ce que nous attendons tous, et c’est évidemment cela le plus compliqué !
financement du centre national de la fonction publique territoriale
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la question n° 1471, adressée à M. le ministre de la fonction publique.
M. Alain Anziani. Madame le ministre, le Centre national de la fonction publique territoriale, ou CNFPT, est un outil essentiel tant pour nos collectivités territoriales que pour les fonctionnaires territoriaux et pour la décentralisation. Comme vous le savez, son financement vient de faire l’objet d’une régression.
Assurée par le CNFPT, la formation des fonctionnaires territoriaux est financée, pour l’essentiel, par la cotisation des collectivités. Les ressources du Centre sont constituées pour 92 % des montants de cette cotisation, assise sur les rémunérations versées aux agents.
Aux termes de la première loi de finances rectificative pour 2011, il a été décidé d’abaisser cette cotisation de 1 % à 0,9 % pour les exercices 2012 et 2013.
L’ensemble des associations d’élus comme l’ensemble des syndicats concernés s’opposent à cette réduction dont on ne comprend pas le sens. De quoi peut-il s’agir ? De maîtriser les dépenses ? En fait, à y regarder de près, on voit bien que les économies réalisées sont très faibles. En effet, si nous prenons l’exemple d’une commune de 1 000 habitants, qui emploie 9 agents à temps complet, on voit bien que cet abaissement de la cotisation va se traduire par une économie de 120 euros, laquelle est évidemment très loin des pertes provoquées pour les collectivités territoriales par le gel des dotations de l’État.
Nous observons également un phénomène particulier. Le grand principe de l’équivalence entre les différentes fonctions publiques, qu’elles soient d’État, territoriale ou hospitalière, principe rappelé à maintes reprises par le droit des collectivités territoriales et par le droit de la fonction publique, se trouve aujourd’hui remis en cause. L’État consacre en effet 2,9 % des rémunérations à la formation professionnelle de ses agents, et les établissements hospitaliers 2,1 %. Or l’effort des collectivités territoriales sera limité à 0,9 %. C’est un mauvais signe donné à la décentralisation !
Ma question est donc très simple : madame le ministre, le Gouvernement entend-il revenir sur cette réduction du taux plafond de 1 % ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous interrogez M. le ministre de la fonction publique, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence, sur la situation du Centre national de la fonction publique territoriale.
Le Centre national de la fonction publique territoriale a vu ses ressources augmenter à la suite de l’accroissement de la masse salariale des collectivités – plus 2,1 % entre 1999 et 2008 –, du fait tant des transferts de la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 – plus 117 000 agents – que de la politique de recrutement des collectivités – plus 350 000 agents.
Dans son rapport, la Cour des comptes considère que le niveau de la ressource a largement excédé le développement correspondant des activités de formation et qu’il y a lieu de reconsidérer l’intangibilité de fait du taux de la cotisation perçue par le CNFPT voté par son conseil d’administration.
Selon la Cour, les bilans ont confirmé une aisance particulière des finances du CNFPT : accroissement des fonds propres, disponibilités abondantes, endettement réduit. Ainsi, la Cour mentionne que, en 2009, les fonds propres atteignaient 326,7 millions d’euros et que, en cinq ans, le solde du compte au Trésor public avait été multiplié par quatre, passant de 27,9 millions d’euros à 108,7 millions d’euros.
Par conséquent, au vu des résultats de ces dernières années et des réserves accumulées, la Cour a suggéré que le législateur puisse réduire le taux plafond, fût-ce à titre temporaire, à 0,9 %, par exemple.
C’est ainsi que l’article 38 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, issu d’un amendement déposé au Sénat par M. Arthuis, sénateur de la Mayenne, a abaissé le plafond du taux de la cotisation obligatoire versée par les collectivités territoriales au CNFPT de 1 % à 0,9 % pour les exercices 2012 et 2013.
Cette diminution résulte donc non d’une initiative gouvernementale, mais de la discussion parlementaire.
Si la mesure adoptée va certes entraîner une diminution des recettes susceptibles d’être perçues par le CNFPT au cours des deux prochains exercices, elle ne paraît toutefois pas de nature à remettre en cause le niveau et la qualité des actions de formation des agents territoriaux. Elle ne saurait davantage induire des transferts de charges au détriment des collectivités territoriales, l’établissement disposant encore de moyens suffisants pour faire face à ses missions.
En tout état de cause, la mesure d’abaissement du plafond du taux de la cotisation obligatoire versée au CNFPT par les collectivités locales ne porte que sur les seuls exercices 2012 et 2013. En l’état actuel, il ne paraît pas opportun de revenir sur une décision récemment adoptée par le Parlement.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je tiens à vous remercier pour la précision de votre réponse, madame la ministre. Je note toutefois que l’essentiel de votre argumentation tient à l’augmentation de la masse salariale. Certes, cette dernière a augmenté. Mais la progression de la masse salariale est due non à un accroissement des rémunérations versées aux fonctionnaires territoriaux, mais à une augmentation de l’effectif de ces derniers, due en grande partie au transfert d’un certain nombre de compétences.
Je regrette que la diminution du financement du CNFPT, qui résulte certes d’un débat parlementaire, n’ait pas fait l’objet d’une concertation avec l’ensemble des associations d’élus, lesquelles, comme je l’ai dit, déplorent cette décision. Les collectivités territoriales auraient dû être consultées, car cette mesure les concerne.
dérapage lors des séances de bizutage
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 1480, adressée à M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en octobre dernier, une séance de bizutage organisée au sein de l’université Paris-Dauphine a dérapé, révélant ainsi le danger de ces rituels étudiants.
Un jeune homme inscrit en première année de licence de cette université a en effet été victime, dans les locaux mêmes de cette université prestigieuse, de violences de la part d’un des membres de l’association étudiante « Jeune association pour la promotion des activités à Dauphine », la JAPAD. Sous l’emprise de l’alcool, ce dernier lui a gravé sur le dos en lettres de sang, à l’aide d’une capsule de bouteille, les initiales de ladite association, l’une des plus anciennes et des plus importantes de cet établissement.
L’étudiant a porté plainte et la police judiciaire parisienne a été chargée de l’enquête. Par ailleurs, un conseil de discipline a été convoqué par l’université pour y traduire les responsables de l’association, ceux de ses membres qui, présents lors de cette réunion, ne sont pas intervenus, et bien entendu l’auteur des faits. L’association a été radiée, ses locaux fermés et ses responsables exclus sur décision du président de Paris-Dauphine, M. Laurent Batsch.
Ce président d’université a également fait part « de sa détermination personnelle pour éradiquer ce genre de pratique » et s’est porté partie civile.
Depuis la loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs, que j’ai votée, un tel acte est passible de six mois de prison et de 7 500 euros d’amende. Il faut toutefois prévenir... et prévenir encore.
Dès la rentrée universitaire, un courrier avait été adressé à tous les recteurs et chefs d’établissement pour les inciter à faire preuve de la plus grande vigilance à l’égard de cette pratique du bizutage. En outre, un numéro vert avait été mis en place dans toutes les académies.
Ces mesures n’ont pas permis, malheureusement, d’éviter ce grave dérapage. D’autres actes de bizutage, impliquant notamment de jeunes femmes, se sont produits ailleurs ; pour être moins graves et moins révoltants, ils n’en sont pas moins tout aussi inacceptables.
Sans doute le simple rappel à la vigilance est-il insuffisant pour lutter contre le danger que l’abus d’alcool fait courir aux jeunes lors de ces séances de bizutage. Quelles mesures seront-elles prises, madame le ministre, pour empêcher ces consommations d’alcool abusives et honteuses – n’ayons pas peur des mots ! – dans les enceintes universitaires ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. M. le ministre de l’enseignement supérieur, que vous avez interrogé et qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, monsieur le sénateur, souhaite rappeler que, face à l’acte intolérable de bizutage qui s’est produit en novembre dernier dans les conditions que vous venez de décrire, le Gouvernement pense avant tout à ce jeune et à sa famille.
Si un tel incident est exceptionnel, et si ces fêtes et l’intégration des nouveaux étudiants demeurent, dans la très grande majorité des cas, des moments de convivialité et de respect, nous devons toutefois maintenir la plus grande vigilance et la plus grande fermeté sur ces questions.
Le ministre de l’enseignement supérieur souhaite souligner les actions exemplaires du président Batsch, qui a décidé la radiation de l’association et son expulsion des locaux qu’elle occupait, qui se porte partie civile, tout comme la mère de la victime, et qui a convoqué les responsables devant un conseil de discipline. À l’issue de ce dernier, un étudiant a été définitivement exclu de l’établissement, un autre a été exclu pour quatre ans et deux autres l’ont été pour trois ans. Par ailleurs, la justice a procédé à quatre mises en examen.
Pour éviter que des incidents de ce genre ne se reproduisent, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a pris des mesures tendant à renforcer le dispositif anti-bizutage.
À la suite du rapport rédigé en avril dernier par Mme Martine Daoust, rectrice de l’académie de Poitiers, plusieurs mesures très concrètes de prévention, d’information et d’accompagnement ont été élaborées afin de protéger les étudiants.
Pour libérer la parole des jeunes et de leur famille, un numéro vert a été mis en place dans toutes les académies, et un site Internet dédié est ouvert sur le site du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Il convenait aussi de mieux accompagner les organisateurs de soirées. M. Laurent Wauquiez a donc demandé aux recteurs et aux chefs d’établissement d’exercer une vigilance sans faille, et de faire en sorte que les organisateurs de soirées fassent connaître leurs projets par avance pour garantir une sécurité maximale aux étudiants.
Dans le cadre du projet de loi porté par le sénateur Jean-Pierre Vial sur ce sujet, un groupe de travail a d’ailleurs été constitué afin d’étudier les pistes permettant d’établir une plus grande transparence, et de déclencher ainsi les mécanismes essentiels de prévention et de dialogue.
Monsieur le sénateur, comme je le rappelais au début de mon intervention, ces incidents dramatiques sont rares. Chaque cas supplémentaire est cependant un cas de trop.
Parce que nous voulons que ces fêtes et l’intégration des nouveaux étudiants restent des moments de convivialité, nous ne pouvons tolérer que les premiers pas des étudiants à l’université soient perturbés par des pratiques intolérables de bizutage ou de suralcoolisation.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Madame la ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse qui me satisfait et qui correspond tout à fait aux propos que m’a tenus M. Laurent Wauquiez. M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui s’est montré très attentif à ce problème, a été fortement secoué par cette affaire.
Lors de ces fêtes, on donne de l’alcool gratuitement aux étudiants !
Vous avez parlé de convivialité, madame la ministre. Cette dernière est bien sûr nécessaire, et les étudiants que nous avons été le savent bien. Mais obliger des jeunes filles à se déshabiller en public, est-ce de la convivialité ? Je ne le crois pas ! Et qu’en est-il du respect des femmes ? Et tout ça parce que l’alcool coule à flot lors ces soirées !
Loin de moi l’idée de critiquer M. Batsch, dont la réaction a été formidable ! Mais il faut à mon avis prévenir ce genre d’incidents. Vous avez annoncé que le ministre avait demandé aux organisateurs de soirées de faire connaître leurs projets par avance. C’est une mesure positive, qui permettra de fixer des limites lors de ces fêtes d’étudiants.
fermeture partielle de nombreux bureaux de poste
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin, auteur de la question n° 1425, adressée à M. le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les services publics sont les instruments fondamentaux de toute politique d’aménagement du territoire. Dans les zones rurales, en particulier, ils participent activement au dynamisme de la vie locale.
À cet égard, La Poste est un service incontournable, auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés. Dans de nombreux villages, c’est parfois le dernier des services publics et, malgré son évolution statutaire, le dernier symbole de l’administration d’État aux yeux de nombre d’usagers. C’est pourquoi je m’inquiète de la menace d’affaiblissement qui pèse sur les services publics, alors même que des cadres ont été fixés.
Ici même, au Sénat, nous avions adopté en 2009 un amendement tendant à obliger La Poste à maintenir sur le territoire un réseau de 17 000 points de contact. Cette disposition figure dans la loi du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux services postaux.
Le 26 janvier 2011, l’État, La Poste et l’Association des maires de France ont signé un contrat de présence postale, dans lequel il est notamment spécifié que toute modification significative des conditions de l’offre de services des points de contact devra être précédée d’une concertation locale. Ce n’est, hélas ! pas toujours le cas, et il arrive souvent que les élus soient informés des décisions concernant les bureaux de leur commune au détour d’une discussion avec le responsable local de La Poste.
Madame la ministre, force est de constater que, sur le terrain, l’hémorragie des services publics n’a pas tout à fait cessé, la direction de La Poste, à défaut de pouvoir supprimer des points de contact, procédant à une réduction de l’amplitude horaire d’ouverture des bureaux.
Dans le Tarn-et-Garonne, comme dans de nombreux autres départements, les élus locaux ont été informés de ces aménagements, qui conduisent à fermer le bureau de La Poste durant toute une demi-journée supplémentaire, en sus des jours de fermeture habituels. Quelle sera la prochaine étape ? À ce rythme, il faudra bientôt faire des kilomètres pour accéder à un bureau de poste ouvert.
Le slogan de 1986 « Bougez avec La Poste » risque de prendre tout son sens : à terme, en effet, de nombreux Français devront bouger beaucoup pour poster une simple lettre !
Je n’ignore pas, madame la ministre, les enjeux de l’adaptation de La Poste à un environnement concurrentiel ; nous en avons longuement discuté dans cet hémicycle. Les élus locaux font cependant tout leur possible pour sauver leur bureau de poste, notamment au travers du Fonds postal national de péréquation territoriale, en partie alimenté par l’allégement de la fiscalité locale. Ils attendent en retour, et c’est légitime, que tous les acteurs responsables de l’aménagement du territoire prennent leurs responsabilités.
L’État est le premier garant de cet équilibre, qu’il convient de maintenir pour préserver les zones rurales. Pouvez-vous, madame la ministre, me donner de plus amples informations sur l’ampleur de cette politique de réduction des horaires des bureaux de poste, très mal vécue par les élus et les usagers ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique, que vous avez interrogé sur le contrat de présence postale territoriale, vous prie de bien vouloir excuser son absence. Il m’a chargée de vous faire part de sa réponse.
Dans la loi postale du 9 février 2010, les quatre missions de service public confiées à La Poste ont été clairement réaffirmées : l’aménagement du territoire, le service universel postal, l’accessibilité bancaire et la distribution de la presse. Le contrat de présence postale territoriale, signé début 2011 par l’État, La Poste et l’Association des maires de France, a encore renforcé la mission d’aménagement du territoire de La Poste.
La Poste doit s’assurer que 90 % de la population de chaque département se trouve à moins de 5 kilomètres d’un point de contact. Cette règle a été renforcée par l’obligation de maintenir au moins 17 000 de ces points. La Poste doit également maintenir le nombre de points de contacts situés en zone rurale.
Monsieur le sénateur, dans votre département, le Tarn-et-Garonne, on compte 100 points de contact, et 95 % de la population se trouve à moins de 5 kilomètres d’un tel point.
La ressource annuelle du Fonds postal national de péréquation territoriale a par ailleurs été portée à 170 millions d’euros, soit une augmentation de 35 millions d’euros par rapport à 2009. Pour le Tarn-et-Garonne, la dotation prévue pour 2011 s’élève à plus de 1 million d’euros.
Pour répondre aux besoins et aux attentes des habitants, La Poste met en place des solutions partenariales avec les collectivités locales ou les commerçants. Ces partenariats offrent des avantages en termes d’amplitude horaire et d’offre de services. Le relais Poste permet en outre de préserver un commerce, en lui apportant un complément de ressources.
S’agissant des bureaux dont l’activité est la plus faible, La Poste peut procéder au rapprochement des horaires d’ouverture avec leur activité réelle, si les municipalités ne sont pas favorables à une solution partenariale.
Surtout, pour la première fois, le contrat tripartite État-La Poste-AMF définit les conditions de réduction de ces horaires d’ouverture. Tout changement doit faire l’objet d’un rapport, en association avec le maire concerné. Nous serons vigilants sur ce point.
De plus, la réduction éventuelle des horaires d’un bureau ne peut conduire à une amplitude inférieure à douze heures par semaine.
Enfin, cette amplitude doit être maintenue pendant les deux années suivant son adoption.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement attaché à pérenniser la présence postale sur l’ensemble des territoires.
La Poste a pour mission de mettre en place des solutions durables, dans un souci permanent de concertation et de dialogue, et nous serons particulièrement vigilants à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Vous avez évoqué le cas spécifique du Tarn-et-Garonne, mais ce département n’est pas plus mal loti que les autres, bien que nous ayons dû mener un combat farouche et mettre en place une organisation sans faille pour arracher quelques avancées en la matière.
Je voudrais attirer votre attention sur un point : les horaires d’ouverture sont souvent modifiés sans concertation, alors que cette dernière, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, est tout à fait nécessaire. Les élus déplorent de découvrir au détour d’une conversation anodine que l’on a « grignoté » le temps d’ouverture des bureaux de poste et réduit l’amplitude horaire prévue.
Je crois donc qu’il ne faut pas baisser la garde, d’autant qu’il s'agit là d’un service public de première importance : je le répète, aux yeux des Français, La Poste est souvent l’un des derniers services publics présents dans les zones rurales, où elle joue un rôle structurant tout à fait indispensable.
union pour la méditerranée et politique de lutte contre la pollution en méditerranée
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1381, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Roland Courteau. J’ai rendu au printemps dernier les conclusions d’une étude menée pour le compte de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’état de pollution de la Méditerranée et ses perspectives d’évolution à l’horizon 2030.
Cette étude, qui se nourrit de l’audition de près de deux cents scientifiques et de plusieurs missions menées en France et à l’étranger, aboutit à dresser un tableau assez sombre.
Dans cet espace clos, dont les eaux se renouvellent en un siècle seulement et qui est l’un des réservoirs de biodiversité de la planète, la pression démographique, la course à l’urbanisation littorale, l’ombre portée des pollutions passées, le développement des activités terrestres et celui des transports maritimes entraînent des pollutions convergentes.
La Méditerranée est la victime de pressions diverses : contaminants chimiques, comme les métaux lourds et les pesticides, dont certaines molécules, quoiqu’elles soient interdites, résident dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l’occasion des épisodes de crues ; apports réguliers de nitrates et de phosphates ; pollutions émergentes, en particulier celles qui proviennent des produits pharmaceutiques, dont la consommation a doublé entre 1970 et 2002 et qui sont très peu filtrés par les stations d’épuration ; développement des macro-déchets et, plus encore, des micro-déchets plastiques, qui font courir un risque de « polymérisation » au bassin méditerranéen ; enfin, poussées de phytotoxines, qui portent sur les biotopes fragiles des lagunes méditerranéennes.
Monsieur le ministre, à cet ensemble de menaces telluriques, il faut ajouter les rejets d’hydrocarbures dus à un trafic maritime en progression constante et le risque potentiel représenté par des plateformes d’exploitation pétrolière qui ne sont pas toujours récentes.
Certes, il faut nuancer cet état des lieux en notant que, sur la rive nord de la Méditerranée, le dispositif de la convention de Barcelone et, surtout, la création d’un droit de l’environnement européen, soumis au contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, a marqué un progrès majeur dans la lutte contre certaines des pollutions que je viens d’évoquer. Toutefois, c’est aussi reconnaître en creux qu’un écart se creuse avec les pays de la rive sud, alors que les problèmes de pollution du bassin doivent être traités en commun.
Ce constat n’incite pas à l’optimisme pour l’avenir, à l’horizon d’une génération.
À la poursuite d’une pression de pollution anthropique de plus en plus forte s’ajouteront les conséquences du changement climatique qui, quoi que l’on fasse désormais, sont acquises pour 2030.
Si l’on peut dès à présent identifier les effets du réchauffement des eaux et de la baisse attendue de la pluviométrie, d’autres évolutions plus menaçantes ont été évoquées par les scientifiques que j’ai entendus : modification de la circulation des courants ; remontée, donc affaiblissement, des couches primaires de phytoplancton qui sont à la base de la chaîne alimentaire ; enfin, acidification du milieu marin, donc moindre calcification des espèces vivantes.
C’est pourquoi l’étude que j’ai menée était assortie de dix grandes catégories de recommandations, que j’ai personnellement adressées le 5 juillet dernier à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.
J’aimerais, monsieur le ministre, connaître votre sentiment sur ces propositions, dont l’unique objet est d’éviter un désastre écologique dans une vingtaine d’années.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, Nathalie Kosciusko-Morizet vous prie de bien vouloir excuser son absence : elle aurait aimé vous répondre, mais se trouve en ce moment à Calais, pour travailler sur le dossier SeaFrance, dont le traitement a été réparti entre plusieurs membres du Gouvernement. Elle m’a donc chargé de vous faire part de sa réponse.
Dans le domaine de la lutte contre la pollution en Méditerranée, la France combine l’approche régionale et l’approche bilatérale.
L’approche régionale est incontournable dans la mesure où les pollutions méconnaissent par nature les frontières. Ainsi, la France contribue à la protection de la mer Méditerranée via la convention sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, dite « convention de Barcelone », via l’Union pour la Méditerranée, via la politique européenne à l’attention des pays du voisinage sud, via des accords bilatéraux, enfin.
Concernant le bassin méditerranéen, qui vous est cher, monsieur le sénateur, la France a donné une impulsion au partenariat entre les deux rives au travers de l’Union pour la Méditerranée, l’UPM, qui place la protection de cette mer au cœur des préoccupations des gouvernants et des peuples de la région euro-méditerranéenne. La lutte contre la dégradation de l’environnement, y compris la dépollution de la Méditerranée, fait en effet partie des objectifs inscrits dans les déclarations fondatrices de cette nouvelle union.
Par ailleurs, la France est un membre actif de la convention de Barcelone sur la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée, placée sous l’égide du Programme des Nations unies pour l’environnement. Elle en est le premier contributeur obligatoire, à hauteur de 38 % du budget de ce dispositif. Sur le plan technique, la France apporte une assistance méthodologique aux pays du sud, via l’un des centres d’activités régionaux du Plan d’action pour la Méditerranée, hébergé à Sophia Antipolis.
Enfin, la France entretient des relations de coopération bilatérale avec les pays du pourtour méditerranéen. L’AFD, l’Agence française de développement, et le FFEM, le Fonds français pour l’environnement mondial, un instrument dédié au financement de projets environnementaux, interviennent ainsi activement dans les pays de la rive sud, notamment au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Dans ces États, le lien entre l’eau et l’environnement constitue un axe important de leur intervention.
Cette action de la France est confortée par des accords bilatéraux ou à portée régionale, parmi lesquels je souhaite citer : l’accord RAMOGE, signé en 1976 et amendé en 2003 entre les gouvernements français, monégasque et italien afin de constituer une zone pilote de prévention et de lutte contre la pollution du milieu marin ; le Lion Plan qui organise la coopération en cas de pollution marine accidentelle entre la France et l’Espagne ; l’accord dit « Pélagos » de 1999 avec Monaco et l’Italie, relatif à la création en Méditerranée d’un sanctuaire pour les mammifères marins.
M. Roland Courteau. Je sais tout cela !
M. Thierry Mariani, ministre. Enfin, à l’échelle nationale, l’action de la France en faveur de la Méditerranée s’inscrit dans l’application de deux directives européennes : la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », qui s’appuie notamment sur le travail mené au travers des conventions internationales précitées, et la directive-cadre sur l’eau, qui comprend un volet « eaux côtières ».
Des résultats très importants ont d'ores et déjà été enregistrés grâce à la mobilisation des services de l’État, de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée et Corse et des collectivités, en ce qui concerne la mise aux normes des stations d’épuration ayant un impact direct sur la Méditerranée.
Comme vous le voyez, monsieur le sénateur, la convergence des politiques de lutte contre la pollution menées en Europe et en Méditerranée constitue un objectif crucial de la France.
Telle est la réponse que Nathalie Kosciusko-Morizet eût aimé vous apporter.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Toutefois, vous n’avez pas réagi aux dix recommandations que j’ai formulées, je le rappelle, dans un rapport adressé à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet le 5 juillet dernier.
En fait, vous ne m’apprenez malheureusement rien ! Tous les éléments que vous venez d’indiquer figurent déjà dans le rapport dont je suis l’auteur.
Monsieur le président, sans trop excéder mon temps de parole, je voudrais revenir sur deux de mes propositions et insister sur la nécessaire réforme de la gouvernance politique de notre action.
En effet, cette réforme est essentielle, même si je n’en mésestime pas les difficultés. Elle passe par la création au sein de l’UPM, que vous avez citée, monsieur le ministre, d’une agence de protection de l’environnement et de promotion du développement durable en Méditerranée, avec une méthode originale.
L’UPM est actuellement encalminée du fait de la règle de l’unanimité et de la perpétuation d’un conflit qui dure au moins depuis soixante-trois ans et dont on ne voit pas la fin dans un avenir proche.
Il faudrait donc créer une UPM à deux vitesses et instituer une agence sur la base du volontariat et de règles de majorité qualifiée. Ce serait également l’occasion d’y affecter les moyens administratifs et financiers du Plan d’action pour la Méditerranée.
La gouvernance scientifique constitue un autre domaine d’action. Son amélioration, qui est sans doute plus immédiatement à notre portée, passe d’abord par un accroissement de la coopération entre les laboratoires français et exige donc une intervention de l’Agence nationale de la recherche. Toutefois, elle implique aussi que les laboratoires des principaux pays de la rive nord travaillent ensemble, en particulier dans la perspective de la préparation du huitième programme-cadre de recherche européen, ou PCRD, de l’Union européenne. Je rappelle que les pays de la Baltique ont procédé ainsi pour le septième PCRD et qu’ils ont pu disposer d’une enveloppe supplémentaire de 50 millions d’euros.
Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous jouer un rôle d’aiguillon auprès de Mme la ministre de l'écologie et de M. le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche ? Je vous en remercie par avance.
logement social dans le cantal
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1423, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, ma question a trait au logement social dans le département du Cantal.
Depuis trois ans, les organismes du « 1 % logement » subissent une ponction importante de leurs ressources par l’État. La cotisation annuelle versée par les entreprises de plus de vingt salariés est en effet en partie utilisée pour financer les politiques publiques du logement, que ce soit l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, ou l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, ce qui pénalise directement les salariés de ces entreprises, déjà en difficulté en raison des hausses successives du coût de l’immobilier.
Localement – de nombreux autres départements ruraux sont toutefois aussi concernés –, c’est tout le secteur du BTP qui souffre d’une diminution des financements alloués aux nouvelles opérations locatives à prix abordables et de disparition des prêts Pass-travaux ou Pass-foncier.
Les partenaires sociaux, gestionnaires du « 1 % logement », se sont inquiétés à juste titre de cette politique, qui vise à prélever sur ces ressources 3,25 milliards d’euros en trois ans, de 2012 à 2014, ce qui représente chaque année près de 70 % du montant de la collecte de la participation des employeurs à l’effort de construction auprès des entreprises assujetties.
Cette politique suscitera mécaniquement une forte diminution des aides apportées aux salariés pour faciliter leur accès au logement. En outre, son coût sera supporté par les entreprises locales, au détriment de la compétitivité de ces dernières, donc de l’attractivité de nos territoires.
Je veux donc savoir si le Gouvernement compte défendre et pérenniser le « 1 % logement », qui a permis en 2010, dans le département du Cantal, de débloquer plus de 1,5 million d’euros en faveur des ménages pour favoriser l’accession à la propriété, au travers du dispositif Pass-foncier, et pour faciliter l’accès à un logement locatif, au travers du dispositif Loca-pass. Le « 1 % logement » a également permis d’investir dans le financement de nouveaux logements locatifs sociaux.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous ne pouvez ignorer que, dans les zones dites « détendues » – tel est le nouveau critère utilisé en matière de logement –, les ponctions considérables opérées sur les fonds des organismes d’HLM – pratiquement 2 millions d'euros au total sur les deux organismes de notre département – freineront de façon catastrophique leur investissement. Comptez-vous revoir cette politique ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, Benoist Apparu, qui ne peut être présent ce matin, m’a chargé de répondre à la question que vous venez de poser.
Ouverte le 18 mai dernier, la concertation sur le cadrage financier des emplois de la participation des employeurs à l’effort de construction, la PEEC, sur la période 2012-2014 s’est poursuivie jusqu’à la réunion conclusive du 24 novembre, précédée d’un premier cadrage des orientations du Gouvernement lors d’une réunion d’étape le 27 juillet.
Je vais vous énumérer les grandes enveloppes-cibles présentées aux partenaires sociaux dans ce cadre.
Les prêts directs aux salariés s’élèvent à 2,25 milliards d'euros. À cet égard, l’État partage l’ambition des partenaires sociaux de renforcer le lien entre les entreprises, les collecteurs de la PEEC et les salariés par le biais d’aides directes à l’accession à la propriété et aux travaux, en cohérence avec les outils d’intervention de l’État que sont le PTZ+, l’éco-PTZ, etc.
Le financement des HLM s’établit à 2,76 milliards d'euros. L’intensité des aides, mesurée en équivalent subvention, sera maintenue au niveau de celles de 2011, en cohérence avec les objectifs de l’État en matière de construction de logements sociaux. Je vous le rappelle, 115 000 logements de ce type sont financés chaque année depuis 2007, contre 40 000 en 2000.
Le financement de l’association Foncière logement représente 600 millions d'euros, dans le cadre d’un recentrage de ses interventions sur la rénovation urbaine.
Quant au financement de l’ANAH et de l’ANRU, il s’élève à 3,25 milliards d'euros.
Les autres interventions – sécurisation, accompagnement de la mobilité, information, garantie des risques locatifs, etc. – correspondent à 1,41 milliard d'euros.
En plus de ces montants, Action logement financera l’accord national interprofessionnel du 29 avril 2011 sur l’accompagnement des jeunes dans leur accès au logement afin de favoriser leur accès à l’emploi. À ce titre, sont prévus 450 millions d'euros pour financer 45 000 logements et hébergements supplémentaires en trois ans et 75 millions d'euros de subventions supplémentaires pour financer des actions plus ciblées, notamment dans le domaine de la colocation.
En effet, prenant en compte les préoccupations des partenaires sociaux sur le schéma d’emploi de la PEEC, l’État a décidé de réduire la contribution d’Action logement au financement des agences de 650 millions d'euros par rapport au précédent triennal, dégageant ainsi des ressources pour maintenir l’effort d’Action logement et permettre le financement des nouveaux engagements au titre de l’accord national interprofessionnel précité.
Au total, 10,80 milliards d'euros seront investis en trois ans dans la politique du logement, sans mettre en péril la pérennité financière du modèle d’Action logement.
Ce schéma-cible présente un déséquilibre entre les ressources et les emplois d’un peu moins de 500 millions d'euros sur la période triennale, soit moins de 5 % des 10,32 milliards d'euros de ressources.
En effet, il faut rappeler que le réseau d’Action logement disposait, à la fin de l’année 2011, d’une trésorerie de 1,5 milliard d'euros et n’enregistrait aucune dette. C’est une situation très saine pour un acteur du domaine des politiques publiques. Les simulations réalisées durant la concertation avec les partenaires sociaux montrent que le réseau peut continuer à fonctionner avec une trésorerie réduite à 1 milliard d'euros, conduisant le Gouvernement à retenir ce schéma-cible.
Toujours dans le cadre de la concertation, le Gouvernement s’est attaché à trouver le meilleur compromis possible entre les projets des partenaires sociaux et leur contribution au financement des projets d’intérêt général conduits par l’ANAH et l’ANRU. L’équilibre atteint respecte pleinement cet objectif.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, votre réponse signifie pratiquement « circulez, il n’y a rien à voir ! ». Autrement dit, vous considérez que le Gouvernement a trouvé le meilleur compromis possible, sans toutefois répondre à la question que j’ai posée.
Quel est effectivement l’avenir du « 1 % logement » ? La ponction qu’il supporte afin de financer l’ANRU et l’ANAH, qui mènent des actions importantes et utiles pour nos territoires, n’est pas sans conséquences négatives sur l’accès à la propriété et le financement de logements locatifs sociaux.
Cette situation va forcément s’aggraver cette année. En notre qualité d’élus locaux, nous constatons quotidiennement les graves problèmes auxquels sont confrontés ces deux secteurs. Aujourd'hui, une partie de nos concitoyens éprouvent plus de difficultés qu’auparavant pour accéder à la propriété. Ce fait a des conséquences non seulement sociales, mais également économiques. En effet, le secteur du bâtiment, dont nous avons bien besoin pour faire vivre l’économie, est touché de plein fouet. Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que votre réponse ne me satisfasse pas.
actions mises en œuvre pour lutter contre la prolifération du frelon asiatique
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 1419, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le ministre, je tiens à appeler votre attention sur les difficultés liées à la prolifération du frelon asiatique en France et sur l’absence de mesures prises par le Gouvernement pour y apporter des solutions.
J’ai déjà interpellé le Gouvernement sur ce sujet, notamment lors de ma question orale du 26 avril dernier. À l’époque, M. Benoist Apparu m’avait répondu que le Gouvernement ne manquerait pas de tirer les conclusions effectives du rapport du 24 septembre 2010 intitulé Frelon asiatique – Arrivée d’une nouvelle espèce, proposition d’organisation de l’action publique, rendu par une mission ministérielle créée à cet effet. Or, à ce jour, aucune suite n’ayant été donnée à ce rapport, nous nous interrogeons en raison des risques liés à la présence de cette espèce.
Depuis son introduction accidentelle dans le Lot-et-Garonne en 2005, le frelon asiatique n’a cessé de proliférer sur le territoire français alors même qu’aucune mesure n’a été mise en œuvre pour arrêter cette prolifération. Pourtant, les problèmes liés à cette espèce invasive sont nombreux et connus de tous.
Actif prédateur d’abeilles, qui représentent 80 % de son régime alimentaire, le frelon met à mal un maillon essentiel de la biodiversité en s’attaquant à ces grandes pollinisatrices. De plus, il occasionne des préjudices importants aux apiculteurs, déjà confrontés à une crise, en menaçant ruchers et essaims.
Par ailleurs, il apparaît désormais clairement que cette espèce peut s’avérer agressive envers l’homme. Les faits divers ne cessent de se multiplier à ce sujet et plusieurs décès par piqûres sont malheureusement à déplorer ces derniers mois.
En outre, faute d’intervention publique, la présence du frelon asiatique constitue une menace pour les particuliers qui entreprennent d’éliminer eux-mêmes les nids, souvent situés à grande hauteur, et qui peuvent ainsi s’exposer à des chutes accidentelles graves.
Les modes de destruction utilisés peuvent également s’avérer dangereux, toxiques et polluants.
Je déplore donc que le Gouvernement refuse encore de classer cet animal en espèce nuisible. En tout état de cause, il apparaît plus que nécessaire de trouver des solutions concrètes pour accompagner les collectivités locales et les particuliers qui souhaitent se débarrasser des nids.
J’ai déposé une proposition de loi à ce sujet le 25 novembre dernier tendant à créer un fonds chargé d’apporter une aide financière aux particuliers contraints d’avoir recours à des prestataires privés en l’absence d’intervention publique pour la destruction des nids.
Monsieur le ministre, je tiens aussi à vous rappeler que le 14 décembre dernier une proposition de loi a également été déposée à l’Assemblée nationale et que le 21 décembre un député a posé une question d’actualité.
Face à toutes ces mobilisations, qui démontrent l’ampleur de ce phénomène et les difficultés qu’il soulève, qu’entend concrètement faire le Gouvernement pour apporter des réponses à ce problème ? Il y a urgence !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Madame la sénatrice, comme je l’ai déjà indiqué tout à l’heure à l’un de vos collègues, Nathalie Kosciusko-Morizet se trouve en ce moment à Calais et ne peut malheureusement pas vous répondre personnellement.
Originaire d’Asie, le frelon à pattes jaunes est un prédateur de l’abeille domestique. Sa prolifération sur notre territoire cause de très gros dégâts non seulement à l’apiculture, déjà fortement affectée par la mortalité des abeilles, mais aussi aux cultures fruitières. Pour vaincre ce fléau, il est essentiel que l’État et les collectivités territoriales contribuent à la lutte en s’en donnant les moyens.
Comme vous le souhaitiez, madame Bonnefoy, il avait été envisagé d’inscrire le frelon asiatique sur la liste des espèces nuisibles que prévoit le code de l’environnement. Mais ce projet a dû être abandonné car inadapté, un tel classement ne concernant que les espèces chassables.
Par conséquent, le Gouvernement soutient l’initiative du député Folliot, qui, dans sa proposition de loi, envisage une modification du code rural et de la pêche maritime, afin de rendre possible la mise en place de moyens de lutte appropriés contre cet insecte. L’inscription du frelon asiatique comme « espèce nuisible » au titre du code rural et de la pêche maritime permettrait d’organiser un plan d’actions collectives et de mettre en œuvre des mécanismes de lutte obligatoire.
Le rapport de la mission conjointe réunissant des inspecteurs généraux des ministères chargés de l’agriculture, de la santé et de l’écologie formule en particulier cinq recommandations.
Il préconise que le ministère de l’agriculture soit désigné comme pilote interministériel et chargé de proposer un plan d’action pour définir et coordonner l’action collective des différents acteurs.
Il propose que les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, sous l’autorité des préfets de région, soient chargées d’une mission de veille dont les modalités sont à définir par le ministre de l’agriculture en relation avec les autres ministères et l’Institut de l’abeille.
Il recommande que l’Inspection de la défense et de la sécurité civile poursuive sa veille sur l’évaluation des dangers vis-à-vis de l’homme.
Il conseille que le Muséum national d’histoire naturelle soit confirmé en tant que référent scientifique et coordinateur des études portant sur le frelon à pattes jaunes, grâce à la poursuite du soutien que lui apporte le ministère de l’écologie.
Enfin, il prône que la recherche opérationnelle portant, notamment, sur la mise au point d’un piège sélectif soit poursuivie.
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement veillera avec une attention toute particulière à concrétiser les propositions de ce rapport en mettant en œuvre toutes les recommandations relevant de ses attributions.
Comme vous le savez, l’État poursuit son soutien financier au Muséum national d’histoire naturelle, qui travaille à réunir et à valider les données naturalistes relatives à l’expansion de l’espèce incriminée en France. Il apporte également son soutien financier à un laboratoire de l’Institut national de la recherche agronomique, à Bordeaux, qui participe à la recherche de solutions nouvelles, en coordination avec le Muséum.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. J’ai l’impression d’être encore au mois d’avril dernier, lorsque je posais une autre question orale sur le même sujet. Malgré des recommandations, aucune réelle réponse n’est apportée.
Un certain nombre des préconisations que vous venez d’énoncer, monsieur le ministre, sont d’ores et déjà entrées dans les faits. Ainsi, la veille est déjà organisée. Il faut maintenant établir en urgence un plan d’action coordonné pour éradiquer la prolifération du frelon. Je regrette que vous ne le fassiez pas aujourd'hui.
gestion du trafic aérien et consommation d'énergie
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 1455, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Antoine Lefèvre. Le 10 mai dernier, dans cette enceinte même, j’ai posé une première question concernant les plans de circulation des avions de Roissy-Charles-de-Gaulle et d’Orly. Benoist Apparu, chargé de transmettre la réponse de Nathalie Kosciusko-Morizet, m’avait alors fourni quelques éléments rassurants. Je pense, notamment, à l’interdiction de vol entre vingt-deux heures et six heures du matin imposée dès maintenant aux avions les plus bruyants, soit ceux dont la marge acoustique est comprise entre 5 et 8 décibels, et, à partir de 2014, à ceux dont la même marge se situe entre 8 et 10 décibels.
Entre-temps, l’arrêté modifiant les plans précités a été publié le 17 novembre. Les avions ont depuis relevé de 300 mètres leur procédure d’approche.
Une étude réalisée par les associations concerne plus spécifiquement l’impact de cette modification sur la consommation en kérosène. En effet, ce relèvement allonge la fin d’approche, à basse altitude et essentiellement en palier, moment auquel la consommation de carburant est importante.
Des calculs ont été faits sur les nouvelles trajectoires d’approche des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget, en fonction des atterrissages face à l’est – soit 145 jours par an – et à l’ouest – soit 220 jours par an –, du type d’avion, du point d’entrée. Il a été constaté une surconsommation de 15 000 tonnes de kérosène par an, en hypothèse basse. Or ces estimations ne tiennent pas compte des gros-porteurs – A380, Boeing 747 ou 777, etc. –, qui représentent environ 20 % du trafic de Roissy-Charles-de-Gaulle. Il faudrait aussi procéder aux mêmes calculs pour les aéroports d’Orly, de Villacoublay, de Toussus-le-Noble et de Beauvais.
Ainsi, le projet en cause représenterait a minima, en équivalent énergétique, un gaspillage de près de 20 millions de litres d’essence ou de gazole, alors que le gain, en matière de bruit, est encore contesté par nombre de personnes concernées.
Monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir nous faire part des réflexions que suscite de votre part cette étude et des suites que vous comptez lui donner.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je le sais, cette question vous tient à cœur. Vous êtes d’ailleurs intervenu sur ce sujet à de multiples reprises.
Nathalie Kosciusko-Morizet, actuellement à Calais, m’a chargé de vous apporter la réponse suivante.
En matière de développement durable et d’aviation civile, l’État travaille sur trois domaines distincts : la réduction des émissions de CO2, la maîtrise des nuisances sonores et la réduction des polluants locaux du type suies ou oxydes d’azote.
En altitude, la priorité est de raccourcir les trajectoires pour économiser du carburant et réduire les émissions de CO2.
En revanche, à plus basse altitude, il faut accorder une importance absolue aux riverains et au bruit qu’ils subissent. L’objectif est de faire passer les avions là où ils seront les moins gênants et non pas par le plus court chemin.
Cet allongement de distance doit d’ailleurs être relativisé : allonger, même de 10 kilomètres, un vol de 1 000 kilomètres, voire de plusieurs milliers de kilomètres n’est pas déraisonnable s’il s’agit d’améliorer la situation de plusieurs dizaines de milliers de riverains.
Par ailleurs, l’aviation civile est engagée dans des investissements très importants pour améliorer son efficacité énergétique et réduire ses émissions à hauteur de 2 % par an. Cet allongement des vols parisiens sera donc très vite compensé.
En ce qui concerne les polluants locaux, la part des émissions de l’aviation civile étant faible, le relèvement n’aura pas d’impact perceptible. Là encore, la réduction de la pollution passe par le progrès technologique et non par le raccourcissement des trajectoires des avions.
Nathalie Kosciusko-Morizet estime ainsi que les différents objectifs du développement durable doivent être pris en compte et conciliés lorsqu’ils sont contradictoires.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Je suis quelque peu déçu par votre réponse, monsieur le ministre. Tout le monde s’efforce de trouver un compromis entre la diminution des nuisances sonores et la nécessaire réduction des émissions de CO2. Or il semble, d’après les propos de Nathalie Kosciusko-Morizet que vous venez de rapporter, que le Gouvernement conteste les études effectuées par les associations.
Je souhaite donc que nous nous penchions à nouveau sur cette difficulté, car les nouvelles trajectoires entraînent bien une augmentation très significative de la consommation de kérosène, sans pour autant apporter toutes les garanties en matière de réduction des nuisances sonores autour des aéroports.
obligations des fournisseurs d’énergie vis-à-vis du fonds de solidarité pour le logement
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant, auteur de la question n° 1485, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement.
M. Michel Boutant. Ma question porte sur les obligations des fournisseurs d’énergie en matière de soutien au Fonds de solidarité pour le logement, ou FSL.
Alors que les premiers frimas se font sentir, je suis au regret de constater que la précarité énergétique est toujours aussi prégnante dans notre pays. Les dispositions législatives censées remédier à cette situation peinent à prouver leur efficacité.
La loi n° 90-449 du 31 mai 1990, modifiée, visant à la mise en œuvre du droit au logement prévoyait, à son article 6-3, la passation de conventions entre les conseils généraux et les représentants d’Électricité de France, de Gaz de France et de chaque fournisseur d’énergie ou d’eau. Les conventions définissent le montant et les modalités de la contribution financière des fournisseurs au FSL. Seuls étaient concernés les distributeurs « historiques », comme EDF ou GDF, les nouveaux fournisseurs étant épargnés. La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », a donc précisé ce point à son article 4.
Comme M. Apparu l’avait souligné dans sa réponse à la question écrite de Serge Lagauche, publiée au Journal officiel du 2 septembre 2010, tous les fournisseurs, historiques et nouveaux, sont désormais concernés par ces conventions. Cependant, si leur passation est obligatoire, leur montant repose sur le volontariat. Il y a donc, me semble-t-il, une véritable hypocrisie de la loi.
Il est également important de préciser que les participations d’EDF et de GDF sont calculées sans tenir compte du montant des aides du FSL versées à leurs clients. Une collectivité plus « généreuse » ne verra donc pas nécessairement ses efforts récompensés.
De plus, les fournisseurs apparus sur le marché au cours des dernières années semblent, pour la plupart d’entre eux, se soustraire à leurs obligations d’information vis-à-vis de leur clientèle. Le décret n° 2008-780 du 13 août 2008 relatif à la procédure en cas d’impayés des factures d’électricité, de gaz, de chaleur et d’eau prévoit ainsi une information des services sociaux par l’opérateur en cas de risque de coupure, la fourniture d’électricité devant être maintenue le temps de l’examen du dossier de l’abonné.
Pourtant, les services sociaux ne sont que trop rarement informés en cas d’impayés, et les abonnés sont bien souvent laissés dans un flou total. Dans sa réponse à Serge Lagauche, M. Apparu disait envisager « des actions d’accompagnement à destination des fournisseurs [...] afin de leur rappeler leurs obligations, notamment celles relatives à la passation de conventions ». Or le comportement des nouveaux fournisseurs est, me semble-t-il, irrespectueux à l’égard tant des usagers que des institutions. Les services « solidarité » de ces entreprises ne sont que trop souvent inexistants ou inopérants.
En définitive, je souhaite savoir, d’une part, en quoi les obligations des fournisseurs, historiques ou récents, sont véritablement contraignantes aujourd’hui, tant elles semblent hypocrites et inefficaces, et, d'autre part, si le Gouvernement envisage des actions concrètes et significatives pour lutter contre la précarité énergétique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, Benoist Apparu, qui ne peut être présent ce matin, m’a chargé de vous apporter sa réponse.
Les aides au paiement de la fourniture d’énergie des FSL concernent bien, depuis 2005, toutes les énergies, quel que soit le fournisseur ou le distributeur. Le caractère non imposé du financement et des montants des contributions des fournisseurs et des autres partenaires constitue un principe général des FSL.
La législation prévoit la passation de conventions avec « chaque fournisseur d’énergie ou d’eau livrant des consommateurs domestiques ».
La loi NOME établit la liste des documents qui doivent être joints à la demande d’exercice de l’activité d’achat d’électricité pour revente ; parmi ceux-ci figure « la liste des conventions passées avec les conseils généraux des départements de résidence de leurs clients ».
Le bilan des FSL montre que les dispositions existantes ont porté leurs fruits. Les dotations des fournisseurs d’énergie, essentiellement EDF et GDF-Suez, représentent 9 % des dotations reçues par les FSL, ce qui classe ces entreprises au premier rang des financeurs volontaires. À titre de comparaison, les conseils généraux assurent 77 % du financement des FSL, les 23 % restants provenant des financeurs volontaires.
Le bilan des aides des FSL montre clairement qu’il n’existe aucun déficit d’intervention dans le domaine de l’énergie. Les aides au paiement des fournitures d’énergie et d’eau ont progressé de 17,1 % en 2008 et de 26 % en 2009 pour l’énergie, qui est devenue le premier poste de dépenses des FSL, avec plus de 80 millions d'euros. Chaque année, plus de 300 000 ménages sont aidés par les FSL pour le paiement de leur facture d’énergie, soit entre 55 % et 60 % de l’ensemble des ménages aidés financièrement par les FSL.
Les FSL ne négligent donc absolument pas le domaine des aides aux ménages ayant des difficultés à payer leurs fournitures d’énergie.
Par conséquent, ce ne sont pas les aides des FSL en la matière ni les moyens attribués aux FSL qu’il faut augmenter en priorité. Il faut plutôt essayer d’augmenter les interventions visant à diminuer la précarité énergétique. En matière de solvabilisation, les tarifs sociaux créés en 2005 pour l’électricité et en 2008 pour le gaz constituent une réponse à cette précarité. Toutefois, seuls 600 000 foyers sur les 1,5 million à 2 millions qui sont éligibles bénéficient actuellement de ces tarifs sociaux. En effet, la procédure, même allégée, demeure un obstacle pour les ménages en grande difficulté sociale. Le Gouvernement a donc décidé de simplifier cette procédure en l’automatisant. Cela permettra de tripler le nombre de bénéficiaires : plus de 1 million de ménages supplémentaires bénéficieront ainsi de ces tarifs sociaux.
L’autre versant de la politique de prévention consiste à s’attaquer aux logements « énergétivores » afin de réaliser des économies de consommation d’énergie. L’État a donc mis en œuvre, vous le savez, l’engagement national contre la précarité énergétique. Il comprend en particulier la mise en place, notamment grâce au grand emprunt, du Fonds d’aide à la rénovation thermique des logements privés, le FART, ce qui portera à 1,25 milliard d’euros l’engagement financier de l’État hors aides fiscales.
M. le président. La parole est à M. Michel Boutant.
M. Michel Boutant. Monsieur le ministre, votre constat est à peu près semblable au mien.
Quant à savoir si les nouveaux fournisseurs d’énergie seront obligés de participer au financement du FSL, vous avez parlé à plusieurs reprises de « volontariat » de la part d’EDF et de GDF-Suez. Or j’aimerais, en tant que président d’un conseil général, que les fournisseurs d’énergie récents participent au financement du FSL.
Je voudrais signaler que le groupement d’intérêt public qui gère le FSL de Charente verse 480 000 euros à EDF au titre des factures d’électricité impayées, alors qu’EDF ne contribue au financement de ce FSL qu’à hauteur de 97 000 euros. Quant à GDF-Suez, cette entreprise ne verse que 24 000 euros au FSL mais reçoit 280 000 euros de remboursements. Enfin, les nouveaux fournisseurs d’énergie ne participent pas du tout au financement du FSL, mais reçoivent plus de 90 000 euros.
difficulté de remplacement des enseignants absents
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, auteur de la question n° 1482, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Jean-Claude Lenoir. Même si la question que je comptais poser à M. le ministre de l’éducation nationale, que je remercie d’être présent, a déjà obtenu une réponse sur le fond – nous avons d’ailleurs eu de nombreux échanges à ce sujet –, certains aspects du problème méritent d’être abordés de manière plus large en séance publique.
Au lycée Napoléon de L’Aigle, dans l’Orne, un professeur de lettres a été longuement malade lors de l’année scolaire précédente, puis à nouveau peu après la rentrée de cette année. Les parents et les élèves que j’ai rencontrés étaient désemparés devant cette absence prolongée, car l’enseignement du français est très important pour les lycéens, surtout dans la filière littéraire. J’ai été particulièrement sensible à leur désarroi.
Je le dis tout de suite : les services de l’académie de Caen se sont immédiatement mobilisés. Mme la rectrice a ainsi entrepris de nombreuses démarches pour essayer de trouver un remplaçant. Au sein même de l’établissement, plusieurs enseignants ont même pallié cette absence en assurant, dans l’intérêt des élèves, une partie des heures que leur collègue aurait dû dispenser.
Ce problème a finalement pu être réglé d’une manière qui semble satisfaisante : une enseignante, qui prévoyait initialement de devenir professeur des écoles, a suivi une formation accélérée qui lui a permis d’occuper ce poste. Dans ces conditions, pourquoi revenir sur le sujet, pourrait-on me demander ? Je le fais afin d’aborder deux problèmes de portée générale.
Le premier problème, que j’ai constaté à l’occasion de cette affaire, est qu’il est devenu extrêmement difficile de trouver des enseignants pour les matières littéraires. Ces dernières attirent beaucoup moins les jeunes. Il en va de même, paraît-il, des mathématiques. Or la défense de la langue française, notre patrimoine, justifie son enseignement du plus jeune âge jusqu’au lycée. Je vous invite donc, monsieur le ministre, ainsi que l’ensemble des parlementaires à réfléchir sur ce point.
Le second problème, qui m’est apparu lors de nos échanges – je vous remercie d'ailleurs d’avoir suivi cette affaire et de m’avoir tenu informé par écrit et par téléphone –, est que, selon la réponse préparée par vos services, il est difficile de trouver des remplaçants acceptant de se rendre dans l’Orne, notamment à L’Aigle.
En découvrant cette réponse, j’ai été interloqué. En tant qu’élu de l’Orne, j’ai du mal à admettre ce type de discours, d’autant que L’Aigle est une ville relativement proche de Paris, correctement desservie et dans laquelle on vit bien. Je n’ose donc imaginer la réaction de certains enseignants lorsqu’on leur propose de s’installer dans des territoires moins attrayants. Je ne veux pas parler, monsieur le ministre, d’un département que vous connaissez bien, mais les habitants d’autres départements pourraient se sentir concernés.
En définitive, je souhaite que la question de l’enseignement des lettres et celle du remplacement des professeurs absents, qui demeure préoccupante, reçoivent des réponses satisfaisantes. Je suis persuadé que vous trouverez des solutions à la fois positives et rassurantes. D’une façon générale, je souhaite que la question de l’attractivité de nos territoires pour les candidats à des postes d’enseignant soit examinée dans des conditions différentes de celles qui étaient décrites dans le courrier que vos services m’ont adressé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez à propos du remplacement des enseignants absents. Cette question très importante, si elle n’est pas nouvelle dans notre système éducatif, appelait de notre part des réponses nouvelles.
Les chiffres en témoignent, les moyens consacrés aux remplacements dans l’éducation nationale sont très significatifs.
Ainsi, dans le premier degré, 8 % des emplois d’enseignants sont affectés au remplacement, ce qui correspond à 27 000 remplaçants et permet de couvrir environ 90 % des absences de courte comme de longue durée.
Dans le second degré, les moyens de remplacement sont stables en nombre mais plus diversifiés. Il y a non seulement des titulaires de zone de remplacement, qui, comme leur nom l’indique, sont des titulaires, mais aussi des contractuels en contrat à durée indéterminée, en contrat à durée déterminée et des vacations.
Grâce à ce dispositif, 96 % des absences sont aujourd'hui remplacées. Certes, 4 % ne le sont pas, ce qui est encore trop, même si c’est le niveau le plus bas depuis 1995. C’est pourquoi je mène en la matière un combat permanent. J’ai ainsi voulu l’année dernière renforcer la souplesse du système de remplacement. J’ai donc demandé que le délai de carence, qui conduisait le plus souvent à ne remplacer que les absences supérieures à quatorze jours, soit supprimé. Dès le premier jour d’absence, le chef d’établissement intervient.
J’ai également tenu à assouplir, en levant les barrières administratives, les relations inter-académies. Le fait que les titulaires de zone de remplacement soient affectés par académie avait en effet pu conduire à quelques bizarreries, avec des titulaires disponibles dans une académie et des postes vacants dans une autre.
S’agissant de l’académie dont relève votre département, vous avez évoqué la question de l’attractivité des postes, question qui ne me semble pas concerner exclusivement l’éducation nationale, comme j’ai pu le constater, étant moi-même élu dans un département rural où tant les recrutements dans le domaine privé que les mutations des personnels de l’État présentent parfois des difficultés.
C’est notre rôle de renforcer l’attractivité des postes concernés, mais je tiens à souligner que les enseignants qui les occupent sont en général très satisfaits de participer à un système éducatif de proximité et de qualité au service de nos concitoyens. Aussi, s’il y a eu à cet égard une maladresse dans le courrier qui vous a été adressé, je m’en excuse auprès de vous.
Vous m’interpellez sur le cas particulier du lycée Napoléon de L’Aigle, où, comme vous l’avez très justement indiqué, une absence est restée pendant trop longtemps non remplacée. Nous avons cependant trouvé une solution provisoire, puis, dès le 5 décembre, le remplacement est devenu effectif, et cela de façon tout à fait satisfaisante, avec l’arrivée d’un professeur dédié.
Vous avez également évoqué la question de l’attractivité du métier d’enseignant. Vous avez rappelé que, non seulement dans le domaine des lettres, mais aussi dans le domaine des sciences, nous avions des difficultés à pourvoir les postes. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de revaloriser sensiblement la rémunération de nos enseignants en début de carrière, ce que le non-remplacement nous a permis de faire. Je rappelle que le 1er février, dans quelques jours donc, la barre symbolique des 2 000 euros sur la première fiche de paie des enseignants sera franchie. Cela représente 18 % de plus qu’au mois de janvier 2007 et donc un effort considérable dans un contexte très difficile.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le ministre, je vous remercie à nouveau d’avoir pris la peine de vous déplacer au Sénat pour me répondre directement et personnellement.
J’ai entendu avec beaucoup d’intérêt les réponses que vous m’avez apportées, en particulier sur la façon dont les remplaçants pourront être mobilisés grâce, d’une part, à la suppression du délai de carence – devoir laisser passer quatorze jours avant d’entreprendre un remplacement de poste constituait en effet un vrai problème – et, d’autre part, à la « prospection » désormais possible auprès des académies voisines.
En vous remerciant donc et en vous assurant qu’il n’y a pas de malentendu au sujet de la lettre que vous m’avez envoyée, je terminerai en soulignant simplement qu’il nous appartient en effet d’œuvrer à l’attractivité de nos territoires.
favoriser la formation des bénévoles associatifs
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 1440, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence et, par avance, de votre réponse à ma question, qui porte sur les moyens engagés pour les formations de bénévoles associatifs.
Les formations et le soutien à l’investissement personnel des bénévoles sont régulièrement cités comme des facteurs susceptibles d’inverser la tendance à la baisse constatée de l’engagement.
Les associations souhaitent que soient organisées des formations répondant aux besoins croissants en connaissances administratives, comptables et juridiques. À cette fin, le tronc commun de formation des bénévoles, validé par le CFGA, le certificat de formation à la gestion associative, a été mis en œuvre en Auvergne. Cet ensemble de formations modulaires regroupe les bénévoles de plusieurs associations sur un territoire clairement identifié à la suite d’enquêtes que les collectivités réalisent en commun avec les services de l’État.
Ces formations sont particulièrement appréciées dans les secteurs ruraux de notre région et la demande est importante. On peut seulement regretter que cette initiative intéressante soit aujourd’hui limitée par la faiblesse des crédits décentralisés du CDVA, le Conseil de développement de la vie associative, crédits dont je peux constater la baisse régulière dans le département de l’Allier.
Bien que les bénévoles n’accomplissent pas tous la totalité du parcours de formation proposé, ils souhaitent que chacun des modules suivis soit certifié dans un document unique pouvant être présenté à l’occasion d’une validation des acquis de l’expérience, de l’entrée dans un parcours professionnel ou d’une demande d’emploi. Ce document évolutif pourrait être complété des attestations de bénévolat délivrées par les présidents d’associations, à l’instar de ce que propose l’association France Bénévolat avec son passeport bénévole.
Afin de conférer à ce document reconnaissance et légitimité auprès des employeurs publics et privés, on pourrait envisager d’en limiter le principe aux seules formations dont le référentiel et l’organisme formateur qui les dispense ont été validés par les services de l’État, aux seuls membres élus des conseils d’administration d’associations bénéficiant d’un agrément ministériel ou – pourquoi pas ? – aux volontaires engagés en service civique.
Enfin, ce document bénéficierait de la communication sur l’activité des bénévoles en direction de l’ensemble des employeurs publics et privés préconisée par le Centre d’analyse stratégique du Gouvernement.
Par ailleurs, l’organisation des formations de bénévoles se heurte à des problèmes de disponibilités. Ces formations se déroulent souvent en fin de journée ou de semaine, ce qui limite leur portée. On constate que les bénévoles en activité professionnelle n’utilisent pas ou très peu leur congé individuel de formation. Quant au congé de représentation, restreint à certaines instances, il ne peut apporter de solution pour la formation.
Enfin, le congé cadre jeunesse est par définition limité à quelques associations, quelques formations et quelques bénévoles. Le projet de le transformer en congé pour responsabilité associative, de portée plus générale, n’a pas avancé depuis 2001.
Alors que vient de s’achever l’Année européenne du bénévolat et du volontariat, je souhaite donc connaître la position du Gouvernement sur deux points précis : la délivrance d’un livret unique de suivi de l’activité bénévole, qui, je le précise, serait différent du portefeuille de compétences qui vient d’être diffusé, et les aménagements du temps de travail envisagés pour aider la formation des bénévoles.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, vous m’interrogez à propos de l’engagement bénévole en France et je vous remercie de m’avoir transmis les différents points sur lesquels vous souhaitiez des éclaircissements afin que ma réponse, dans le cadre du débat démocratique, puisse être la plus précise possible.
Sachez que nous constatons non pas une tendance à la baisse mais au contraire une hausse de l’engagement bénévole en France. L’une des dernières enquêtes menée sur la vie associative communiquée lors de la clôture de l’Année européenne du bénévolat et du volontariat souligne que le taux de participation bénévole est passé de 28 % en 2002 à 32 % en 2010.
Le soutien à l’engagement des bénévoles au moyen de la formation est un axe fort de l’action du Gouvernement et constitue l’une de ses priorités budgétaires, priorité confirmée dans le projet de loi de finances présenté à votre assemblée voilà quelques semaines.
Les crédits affectés au Conseil de développement de la vie associative, qui étaient de 8 millions d’euros en 2009, ont ainsi été portés, à la demande du Premier ministre, à 10,5 millions d’euros en 2010. Je rappelle qu’ils ont été reconduits en 2011 ainsi que dans le budget pour 2012. Ces crédits, qui restent donc stables malgré le contexte budgétaire que vous connaissez, vont permettre d’assurer la formation de 120 000 à 150 000 bénévoles.
Dans votre région, l’Auvergne, les sommes consacrées à cette action ont augmenté entre 2010 et 2011 : elles sont passées de 178 000 euros à 181 700 euros.
Je vous informe par ailleurs que le CDVA vient d’être remplacé par le Fonds pour le développement de la vie associative par décret du 30 décembre dernier.
Il est désormais possible de conjuguer financements publics et privés pour le soutien apporté à la formation des bénévoles associatifs. Cette réforme clarifie les missions du fonds en matière d’aide à la formation des bénévoles ainsi que sa gouvernance avec les associations et les pouvoirs publics locaux.
Mobilisé pour soutenir et encourager l’investissement ainsi que la mobilisation des bénévoles, le Gouvernement a également mis en place plusieurs outils. Parmi eux, vous avez cité le certificat de formation à la gestion associative. En 2010, quarante-six organismes étaient agréés par l’État pour délivrer de tels certificats.
Votre proposition d’en décomposer les modules théoriques en vue de permettre leur validation séparée me paraît compromettre l’unité du certificat de formation et diminuer la portée de celui-ci.
Proposer dans ce cadre le remplacement du passeport du bénévole par un nouvel outil ne me semble pas relever de la compétence de l’État ; le certificat de formation peut sans difficulté aujourd’hui figurer dans le passeport du bénévole.
Vous évoquez le temps requis pour la formation. Le certificat valide la combinaison d’une formation théorique d’une trentaine d’heures et d’une formation pratique de vingt jours. Sans ces éléments, le certificat ne pourrait avoir une valorisation analogue.
L’organisation des sessions en fin de journée ou en fin de semaine est un choix de l’organisme de formation et semble répondre au public prioritaire visé : les jeunes et les actifs.
Enfin, la possibilité pour des personnes de recourir à un congé individuel de formation, à un droit individuel à la formation ou à un congé cadre jeunesse est du seul ressort des employeurs et des salariés.
Mettre en place un congé pour responsabilité associative ne pourrait intervenir qu’avec l’accord de représentants syndicaux et associatifs.
Plus généralement, je tiens à vous assurer que toutes ces questions relatives à la valorisation du bénévolat sont au cœur de mes préoccupations. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai installé le 20 octobre dernier le Haut Conseil à la vie associative. Cette instance d’expertise, qui remplace le Conseil national de la vie associative, peut être saisie par les parlementaires ou par les associations sur toute question relative au bénévolat, notamment donc l’engagement et la formation des bénévoles.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces importantes précisions que je ne manquerai pas, bien sûr, de relayer.
Vous le savez, les bénévoles donnent de leur temps et de leur énergie au service de l’intérêt général et, dans ces temps difficiles que nous connaissons, leur investissement et leur travail sont particulièrement précieux.
J’insisterai simplement sur la nécessité de sensibiliser davantage les employeurs publics et privés à l’activité des bénévoles ainsi que sur la question de savoir comment Pôle emploi pourrait mieux valoriser celle-ci dans le cadre d’un atelier CV, d’un projet personnalisé d’accès à l’emploi ou d’autres activités, cela dans le but d’encourager les bénévoles et de mieux les aider à trouver un emploi.
compensation relais versée aux collectivités territoriales et epci
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, auteur de la question n° 1475, adressée à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
Mme Caroline Cayeux. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur le montant de la compensation relais 2010 après prise en compte des rôles supplémentaires de taxe professionnelle émis jusqu’au 30 juin 2011 notifié récemment aux collectivités locales.
Les services fiscaux ont précisé qu’il s’agissait du montant définitif et qu’aucune correction ultérieure n’aurait lieu. Néanmoins, l’article 1640 B du code général des impôts modifié par la loi de finances pour 2011 précise que les services fiscaux opèrent sur les bases de taxe professionnelle 2010 les contrôles qu’ils auraient opérés si la taxe professionnelle avait été acquittée en 2010.
La compensation relais versée en 2010 aux collectivités territoriales fait l’objet d’une réactualisation correspondant à ces contrôles pendant le délai de reprise mentionné à l’article L. 174 du livre des procédures fiscales. Cet article prévoit que « les omissions ou les erreurs concernant la taxe professionnelle, la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises peuvent être réparées par l’administration jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l’imposition est due ».
L'article 78 de la loi de finances pour 2010 précise à ce titre que le montant définitif des dotations, prélèvements et reversements relatifs à la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle et au prélèvement ou reversement au Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales est calculé « à partir des impositions établies, des dégrèvements ordonnancés et des produits perçus jusqu’au 30 juin 2011 et actualisé en fonction des redressements opérés par les services fiscaux sur les bases de taxe professionnelle de 2010, pendant le délai de reprise visé à l’article L. 174 du livre des procédures fiscales ».
Monsieur le ministre, les collectivités territoriales et les établissements publics à fiscalité propre pourraient-ils demander à l’administration fiscale de procéder à la modification du montant de la compensation relais et du Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales au titre d’erreurs constatées sur la base d’imposition à la taxe professionnelle de 2008, de 2009 ou de 2010, et ce jusqu’au 31 décembre 2011 pour l’année 2008, jusqu’au 31 décembre 2012 pour l’année 2009 et jusqu’au 31 décembre 2013 pour l’année 2010, conformément aux dispositions de l’article L. 174 du livre des procédures fiscales ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Valérie Pécresse, qui ne peut être présente aujourd’hui. Vous avez appelé son attention sur les modalités de prise en compte des rôles supplémentaires de taxe professionnelle dans le calcul de la compensation relais et du Fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales mises en place à la suite de la suppression de la taxe professionnelle.
Sur ce sujet, je vous apporte les précisions suivantes.
Je vous confirme que, conformément à l’article 78 de la loi de finances pour 2010, la compensation relais versée en 2010 aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale a été corrigée à travers des rôles supplémentaires de taxe professionnelle établis au titre de l’année 2009 et émis jusqu’au 30 juin 2011.
En outre, la compensation relais fait l’objet d’une actualisation à partir des contrôles opérés par les services fiscaux pendant le délai de reprise de l’article L. 174 du livre des procédures fiscales. Conformément à l’article 1640 B du code général des impôts, cette actualisation concerne uniquement les bases d’imposition théoriques de taxe professionnelle 2010.
Par ailleurs, les corrections de la compensation relais sont répercutées sur la garantie individuelle de ressources, dont le montant est calculé à partir des impositions établies jusqu’au 30 juin 2011 et actualisé en fonction des contrôles opérés sur la taxe professionnelle 2010 pendant le délai de reprise précité. Un montant éventuellement revu a ainsi été notifié aux collectivités territoriales et aux groupements de communes à la fin du mois d’octobre 2011.
Enfin, l’article 44 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 permet aux collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale de faire connaître à l’administration fiscale, jusqu’au 30 juin 2012, toute erreur entachant les calculs de la garantie de ressources. La rectification de ces erreurs sera suivie de nouveaux calculs à l’automne 2012, puis d’une nouvelle notification des montants ainsi rectifiés.
Ces corrections progressives ont paru nécessaires pour garantir, comme le Gouvernement s’y était engagé, le niveau des recettes des collectivités locales dans le cadre de la mise en œuvre de cette réforme fiscale de grande ampleur qu’est celle de la taxe professionnelle.
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux.
Mme Caroline Cayeux. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir confirmé que les collectivités et les établissements publics de coopération intercommunale auront jusqu’au 30 juin 2012 pour prévoir des clauses de revoyure afin que soient corrigées d’éventuelles erreurs qui auraient pu être diagnostiquées sur les exercices précédents.
associations d'aide à domicile et respect du taux d'emploi de travailleurs handicapés
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1383, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Daniel Laurent. Ma question porte sur les difficultés que rencontrent les associations d’aide à domicile pour respecter le taux d’emploi de travailleurs handicapés.
Ces structures ont du mal à recruter des personnes ayant un handicap léger, leur permettant de faire le ménage et d’aider les personnes dans leurs actes essentiels de la vie courante ou d’effectuer le portage de repas. En outre, compte tenu des horaires atypiques et du faible nombre d’heures, les salariés ou agents sont souvent recrutés dans un secteur géographique proche de leurs lieux d’intervention, ce qui augmente les difficultés de recrutement.
Les contacts réguliers avec les services de placement des personnes handicapées, Cap emploi, font apparaître que les personnes proposées sont souvent en inadéquation avec l’emploi à domicile auprès des personnes âgées, en raison de leur handicap, et même si celui-ci est léger.
Quant à l’aménagement de poste, il se révèle également complexe.
La solution pourrait être recherchée du côté des services administratifs, mais au vu de la taille de ces structures et de leur budget, il est quasiment impossible de procéder à de nouveaux recrutements.
La loi n° 87-517 du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés instaure l’obligation d’emploi de personnes handicapées à hauteur de 6 % des effectifs ou, à défaut, le versement d’une contribution financière annuelle.
Le montant de la contribution annuelle versée à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, dépend de la situation de l’employeur par rapport à son obligation d’emploi des travailleurs handicapés et du nombre de bénéficiaires de la loi handicap présents dans les effectifs.
Si aucune action n’a été engagée en matière d’emploi des travailleurs handicapés pendant une période supérieure à trois ans, le montant imputable s’élève à 1 500 fois le SMIC par bénéficiaire manquant, quels que soient les effectifs. Ainsi, le coût pour ces petites structures, déjà fortement fragilisées financièrement, peut avoir des conséquences sur leur pérennité même.
Pour illustrer mon propos, je citerai la situation d’une structure d’aide à domicile en milieu rural, qui a tout mis en œuvre pour répondre à ses obligations en matière d’emploi de travailleurs handicapés, mais sans résultat. L’évolution du versement de la contribution AGEFIPH est sans appel. Entre 2006 et 2008, cette contribution est passée de 3 308 euros à 3 528 euros. En 2010, elle s’élevait à 13 290 euros. En 2011-2012, son montant atteint 53 509 euros.
En conséquence, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre en matière d’accompagnement, voire d’assouplissement de la charge financière pour les associations qui, malgré leur action en matière d’accès à l’emploi des personnes handicapées, ne parviennent pas à réaliser de recrutements viables ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Xavier Bertrand, qui se trouve actuellement à Mulhouse, aux côtés du Président de la République, pour les vœux au monde de la santé.
Les établissements d’aide à domicile entrent, comme tout établissement privé ou public occupant au moins vingt salariés, dans le champ de l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés. Selon les données recueillies auprès de l’AGEFIPH, environ 350 établissements sont aujourd’hui concernés ; ils accueillent plus de 650 personnes handicapées.
Le Gouvernement a conscience des difficultés des associations d’aide à domicile que vous évoquez. Elles sont en effet communes à un certain nombre d’établissements, dès lors qu’ils sont situés sur des territoires qui ne correspondent pas à des bassins importants de population, ce qui est bien souvent le cas en milieu rural.
Les dispositions régissant l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés sont inspirées par la double volonté d’assurer l’égalité des chances entre ces personnes et les autres catégories de travailleurs et de permettre à toute personne handicapée qui est en mesure de travailler de trouver un emploi. L’insertion professionnelle des personnes handicapées est en effet l’une des priorités du Gouvernement.
Toutefois, afin de répondre aux préoccupations soulevées, la loi prévoit également, outre l’embauche directe de personnes présentant un handicap, quatre modalités pour permettre à ces entreprises d’acquitter partiellement ou totalement leur obligation d’emploi.
Premièrement, il est possible de conclure des contrats de fournitures, de sous-traitance ou de prestations de services avec des structures adaptées ou des structures du milieu de travail protégé. Selon les données fournies par l’AGEFIPH, les structures d’aide à domicile ont recours à cette modalité, mais de manière encore relativement peu importante.
Deuxièmement, l’accueil en stage de personnes handicapées est prévu.
Troisièmement, la conclusion ou l’application d’un accord de branche, de groupe, d’entreprise ou d’établissement qui repose sur une approche pluriannuelle de l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés négociée et maîtrisée à l’intérieur de l’entreprise est autorisée.
Quatrièmement, une contribution au Fonds de développement pour l’insertion professionnelle des handicapés géré par l’AGEFIPH peut être versée. Comme vous l’avez indiqué, cette contribution est modulée à la baisse pour les entreprises qui choisissent l’emploi direct et le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés, notamment les plus lourdement handicapés.
Ces différentes modalités ont pour objectif de prendre en considération la diversité des situations, notamment la spécificité des associations d’aide à domicile.
M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.
M. Daniel Laurent. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse, mais j’insiste !
En milieu rural, les quatre modalités que vous avez rappelées ne répondent pas aux problèmes des associations d’aide à domicile : d’une part, elles les pénalisent financièrement, comme vous l’avez souligné, et, d’autre part, il ne leur est pas toujours possible de recruter des personnes handicapées pouvant occuper les postes qui leur sont proposés. Cette difficulté, qui est réelle, mérite une attention toute particulière du Gouvernement.
recommandations de la cour des comptes relatives à la régulation de l'installation des médecins
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1414, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Hervé Maurey. Dans son dernier rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale remis au mois de septembre 2011, la Cour des Comptes déplore la redondance des aides accordées par l’État, les collectivités territoriales et l’assurance maladie en matière de lutte contre la désertification médicale. Elle souligne leur coût important et s’interroge sur leur efficacité.
En effet, alors que la France n’a jamais compté autant de médecins – plus de 216 000 –, des territoires entiers connaissent un dramatique phénomène de désertification médicale, qui touche particulièrement les territoires ruraux. Ainsi, le département de l’Eure dont je suis l’élu est le moins bien doté en termes de médecins, avec une densité de 101,2 médecins généralistes en exercice pour 100 000 habitants, dont plus d’un tiers sont âgés de plus de cinquante-cinq ans, contre 226,9 à Paris.
Les causes de ce phénomène, qui touche aussi certains quartiers périphériques de grandes agglomérations, sont multiples et connues : féminisation de la profession, baisse de l’intérêt pour l’exercice libéral, faible attractivité de la médecine générale, augmentation de la demande de soins,...
Cette situation est doublement inacceptable. D’une part, elle aggrave les inégalités dans l’accès aux soins entre nos concitoyens : selon le lieu où l’on habite, le droit à la santé n’est pas le même, ce qui est tout à fait contraire au pacte républicain de notre pays qui, justement, repose sur l’égalité. D’autre part, elle entraîne une surconsommation manifeste de soins dans les zones surmédicalisées. À ce titre, je m’étonne que le Président de la République, dans son discours de Bordeaux du 15 novembre dernier intitulé « Préservation de notre modèle social et lutte contre les fraudes à la sécurité sociale », n’ait pas évoqué ce sujet.
Dès le mois de mai 2009, lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, j’ai défendu devant la Haute Assemblée des amendements visant, comme le recommande la Cour des comptes, à réguler l’installation des médecins. Force est de constater qu’ils n’ont été soutenus ni par la droite ni par la gauche, à quelques exceptions près...
Au mois d’avril 2011, lors de l’examen de la proposition de loi dite « Fourcade », j’ai rappelé ma conviction selon laquelle tenter de régler le problème de la désertification médicale uniquement par des mesures incitatives était une démarche coûteuse et inefficace.
La Cour des Comptes n’affirme pas autre chose quand elle souligne qu’« une action publique efficace en faveur d’une meilleure répartition géographique apparaît comme une exigence impérieuse ». C’est pourquoi elle recommande une révision de l’avenant n° 20 à la convention médicale pour, a minima, moduler la prise en charge des cotisations sociales des médecins, y compris ceux déjà installés, en fonction de leur répartition territoriale et plafonner les aides perçues.
Aussi, j’aimerais connaître le coût des mesures dites incitatives mises en place tant par l’État que par les collectivités territoriales ou par l’assurance maladie ainsi que leur retour sur investissement. Par ailleurs, je souhaiterais savoir quelles suites le Gouvernement entend donner à ce très intéressant rapport de la Cour des comptes.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, les solutions à apporter au problème de la démographie médicale sur le territoire, telles que les mesures incitatives existantes, l’augmentation depuis plusieurs années du numerus clausus et le rééquilibrage entre médecine générale et médecine de spécialité, ont été complétés par des mesures portant sur l’installation des praticiens libéraux.
Ainsi, en application de l’article 46 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, les missions régionales de santé ont été chargées de définir des zones différenciées en fonction de la densité des professionnels de santé, et non plus en fonction du nombre de zones déficitaires en professionnels de santé. Cela est de nature à permettre aux dispositifs conventionnels de s’appliquer dans les zones sous-dotées. Cette compétence est désormais exercée par les agences régionales de santé.
En ce qui concerne la régulation démographique des médecins libéraux, l’avenant n° 20 à la convention nationale médicale de 2005 prévoit un dispositif incitatif visant à encourager l’installation en exercice regroupé des médecins dans les zones très sous-dotées. Celui-ci prévoit une majoration de 20 % de l’activité des médecins dans ces zones. Selon les estimations de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, cet avenant aurait permis l’installation de 773 médecins en zones déficitaires en 2010.
Ce dispositif a été repris avec quelques aménagements par la nouvelle convention médicale de 2011, approuvée par arrêté du 22 septembre 2011, qui prévoit deux nouvelles options : la première, dite « démographie territoriale », a pour objectif d’encourager les médecins à s’installer, à maintenir leur cabinet de groupe ou à être organisés en pôles dans les zones à faible densité en professionnels de santé pendant trois ans ; la seconde, dite « santé solidarité territoriale », tend à inciter les médecins qui n’exercent pas en zones sous-dotées à venir prêter main-forte aux médecins y exerçant, au moins vingt-huit jours par an.
Les médecins qui adhéreront à la première option percevront une aide à l’investissement d’un montant de 5 000 euros par an pour une installation au sein d’un groupe et d’un montant de 2 500 euros par an si elle s’effectue au sein d’un pôle. Par ailleurs, ils recevront une aide proportionnelle à leur activité dans la zone sous-dotée : 10 %, dans la limite de 20 000 euros, s’ils exercent au sein d’un groupe, et 5 %, dans la limite de 10 000 euros, si c’est dans le cadre d’un pôle.
Les médecins qui adhéreront à la seconde option bénéficieront d’une rémunération complémentaire d’un montant de 10 % de leur activité dans la zone sous-dotée, dans la limite de 20 000 euros, et de la prise en charge des frais de déplacement.
Il est vrai que les options « démographie territoriale » et « santé solidarité territoriale » ne comportent pas de modulation de la prise en charge des cotisations pour les médecins qui s’installent en zone sous-dotée, comme vous l’indiquez dans votre question. Je rappelle que ces mesures relèvent de la seule compétence des partenaires conventionnels, qui n’ont pas jugé opportun de mettre en place une telle modulation.
Enfin, des contrats d’engagement de service public pour les étudiants et internes en médecine ont été créés en 2009. Ils prévoient le versement à leur profit d’une allocation mensuelle de 1 200 euros jusqu’à la fin des études médicales en contrepartie de leur engagement à exercer dans une zone où l’offre de soins est insuffisante à l’issue de leurs études. Pour assurer la montée en charge de ce dispositif, 400 nouveaux contrats ont été mis en place à la rentrée 2011.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la ministre, vous avez rappelé l’attachement du Gouvernement aux mesures incitatives en décrivant les dispositifs mis en place à cet effet.
Pour ma part, je pense que de telles mesures ne suffiront pas à régler les problèmes de démographie médicale que connaît aujourd’hui notre pays. Je suis sûr que, dans quelques années, nous serons conduits à prendre des décisions plus fortes, la situation ne cessant de se dégrader.
La Cour des comptes rappelle d’ailleurs qu’un certain nombre de pays, comme l’Allemagne, l’Autriche, l’Angleterre ou la Suisse ont déjà fait ce choix. Son rapport précise également que la négociation qui prévoit la régulation de l’installation des infirmières donne d’ores et déjà des résultats positifs.
À défaut de vous convaincre, ce à quoi je ne m’attendais pas ce matin, j’aurais au moins aimé avoir une réponse à une question purement statistique, factuelle : puis-je enfin savoir quel est le coût total des mesures incitatives mises en place par l’État, les collectivités et la Caisse nationale d’assurance maladie ? Malheureusement, cette interrogation semble taboue, couverte par je ne sais quelle loi du silence. Je la réitère donc !
diminution des moyens attribués à l'ap-hp et devenir de son patrimoine
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la question n° 1542, adressée à M. le ministre du travail, de l’emploi et de la santé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question porte sur la situation très préoccupante que connaît l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l’AP-HP.
Dès le mois d’octobre, j’avais alerté M. Xavier Bertrand sur la situation particulière de l’hôpital Sainte-Périne, où le personnel, à bout, s’était mis en grève. À cet égard, je rappelle que les employés hospitaliers n’ont que le droit de se déclarer en grève, sans cesser le travail dans les faits.
Cet établissement est un hôpital gériatrique où se trouvent beaucoup de personnes en situation de dépendance. Le Gouvernement ne cesse de proclamer son intérêt pour cette question, sans pour autant que ses déclarations soient suivies d’effets.
En l’espèce, le nombre de personnels soignants a été divisé par deux en quelques années. Il manque aujourd’hui vingt infirmières ! Les personnels considèrent que la vie de ces personnes âgées dépendantes est en danger, compte tenu du manque d’effectifs. Sachez par ailleurs que des souris courent dans les chambres des patients.
Je précise que je n’ai toujours pas reçu de réponse de M. le ministre.
Plus globalement, à l’échelle de l’AP-HP, une somme de 35,9 millions d’euros provenant de l’assurance maladie est gelée, ce qui grève les missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC.
Les familles sont obligées de se présenter aux urgences en raison de la décision prise par l’agence régionale de santé de l’Île-de-France de fermer les nuitées du SAMU social. Les missions du service public de santé sont pourtant de prendre en charge toutes les personnes, a fortiori les plus pauvres.
Le budget de l’AP-HP a par ailleurs subi une coupe de 40 millions d’euros pour la prise en charge des personnes étrangères bénéficiaires de l’aide médicale de l’État, l’AME, ce qui n’empêche pas les personnes en grandes difficultés de se rendre aux urgences des hôpitaux.
La convergence tarifaire T2A intra et extra-sectorielle, le taux du coefficient de transition, la baisse des tarifs de remboursement et la péréquation régionale plombent toutes les prévisions d’équilibre budgétaire de l’AP-HP.
Cet étranglement se traduira encore par la suppression de 1 000 emplois en 2012, alors même que cette institution souffre d’un manque d’effectif chronique. L’exemple de Sainte-Périne peut donc plus ou moins se décliner dans de nombreux autres établissements.
On en est au quatrième plan d’économies. À chaque fois, il en résulte la suppression de 1 000 emplois supplémentaires par an, le tout dans un contexte où 30 % de la population avoue renoncer aux soins, faute de moyens et de structures d’accueil dédiées.
Par ailleurs, le sous-financement budgétaire de l’AP-HP l’a conduite à un taux d’endettement de 35 %. Derrière ce pourcentage, c’est la santé des gens qui est dramatiquement hypothéquée.
Pour toutes ces raisons, l’État doit faire face à ses obligations en matière de santé publique. L’AP-HP, qui accueille sept millions de patients dans trente-huit hôpitaux à Paris et dans le reste de l’Île-de-France, était réputée, non seulement pour ses performances, ce qui est certes toujours le cas, mais également pour ses capacités d’accueil des populations, sans distinction de fortune. Or, sur ce dernier point, permettez-moi de tirer la sonnette d’alarme.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Xavier Bertrand, retenu à Mulhouse, auprès du Président de la République, pour les vœux au monde de la santé.
En préambule, je souhaite rappeler quelques éléments de contexte.
L’activité d’hospitalisation de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris augmente faiblement, dans un environnement très concurrentiel. Le déficit de cette structure est important et a tendance, contrairement à la plupart des autres centres hospitaliers universitaires, à se creuser. Il faut cependant préciser que les recettes de l’AP-HP ont augmenté de façon continue entre 2008 et 2011, de plus de 3 % pour les recettes liées à l’assurance maladie et de plus de 8,3 % pour les autres produits de l’activité hospitalière, dont l’aide médicale de l’État.
Ce dernier dispositif a subi non pas une coupe budgétaire, comme vous le sous-entendez, mais les conséquences de la nouvelle tarification des dépenses facturées par les hôpitaux dans ce cadre. Le rapport remis à la fin de 2010 par l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur l’AME montrait de grandes disparités dans sa tarification et préconisait l’application d’une tarification sur la base de la T2A. Une initiative parlementaire a conduit à l’adoption de cette tarification lors d’un collectif budgétaire adopté à l’été 2011, qui entre en vigueur en 2012.
Le Gouvernement a proposé, lors des débats, de tenir compte de la précarité des personnes bénéficiant de l’aide médicale de l’État et des surcoûts qu’elle représente pour les hôpitaux. Sur sa proposition, le Parlement a prévu le principe d’une majoration des tarifs de la T2A, de nature à diminuer les pertes des hôpitaux. Un arrêté l’a fixée à 30 %.
Le Gouvernement a donc trouvé une solution équilibrée, conciliant une tarification de droit commun, tout en tenant compte de la spécificité des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État et des coûts supplémentaires qu’ils entraînent pour les hôpitaux.
Concernant les hôpitaux qui en subissent le plus les conséquences, notamment l’AP-HP, le ministre de la santé a demandé à ses services d’étudier les possibilités de compensation, en lien avec les fédérations hospitalières.
S’agissant des crédits des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, leur gel partiel a permis la maîtrise de l’Objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Le ministre de la santé tient à rappeler qu’il y a eu un dégel de 100 millions d’euros en fin d’exercice 2011, dont 9,2 millions d’euros accordés à l’AP-HP.
D’une manière générale, le regroupement engagé dès 2009 des trente-huit hôpitaux en douze groupes hospitaliers est clairement la mesure centrale de la modernisation de l’offre de soins de l’AP-HP et de l’amélioration de sa performance. C’est dans ce cadre que doivent se poursuivre les efforts de réorganisation d’activités et de mutualisation des ressources.
Enfin, le contexte financier actuel impose également une meilleure valorisation du patrimoine de l’AP-HP, qui compte parmi les plus importants de France. Mieux utiliser ses biens immobiliers revient à repenser son organisation pour agir davantage, dans des espaces optimisés. En outre la cession ou la location d’actifs permet à l’AP-HP de dégager des moyens pour financer ses futurs investissements, au bénéfice des conditions de travail et de l’accueil des patients. L’AP-HP s’est engagée dans cette politique, qui rejoint celle de l’État à l’égard de son propre patrimoine.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, vous m’avez seulement répondu sur l’un des aspects de ma question. En revanche, vous ne dites rien sur la pénurie d’emplois.
La perpétuation des fonctions de l’AP-HP est aujourd'hui en grand danger. Vous avez parlé de la forte concurrence qui règne dans ce secteur. Les personnes qui ne peuvent avoir accès à l’hôpital ont bien évidemment tendance à aller se faire soigner dans des cliniques. Cela fait le bonheur de la Générale de santé, qui, chacun le sait, rachète, notamment à Paris, la plupart des cliniques et des établissements mutualistes, lesquels pratiquent allégrement les dépassements d’honoraires. Le libre choix existe bel et bien à Paris pour ceux qui ont de l’argent !
Vous avez évoqué la vente du patrimoine. Or le personnel est très inquiet. Si l’État brade le patrimoine public de la France pour payer les dettes, l’AP-HP, quant à elle, vend non seulement des hôpitaux, mais aussi des logements proches des établissements hospitaliers. Pourtant, il est très important de pouvoir loger les personnels hospitaliers à des loyers accessibles, c'est-à-dire publics, si l’on veut leur donner la possibilité, à eux qui ont de faibles revenus et des horaires décalés, d’avoir, comme cela est souhaitable, une vie familiale.
Vous savez enfin que ces personnels ont du mal à prendre leurs jours de RTT, alors qu’ils en auraient bien besoin, et qu’ils cumulent, de ce fait, 1,2 million de jours non pris ! Le fait que l’AP-HP se sépare de logements destinés aux personnels, dont la gestion – je vous l’accorde – n’est pas toujours très bonne, ajoute encore aux difficultés du personnel, alors que, au contraire, l’AP-HP, aidée par l’État, devrait favoriser le logement des personnels à horaires décalés à proximité des établissements.
retraite des français ayant travaillé dans plusieurs pays
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, auteur de la question n° 1451, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Robert del Picchia. Je voudrais appeler l’attention sur la situation de nos compatriotes qui ont fait une partie de leur carrière à l’étranger, dans deux ou plusieurs pays, c'est-à-dire soit dans un pays européen et dans un pays avec lequel la France a signé une convention bilatérale de sécurité sociale, soit dans deux pays avec lesquels la France a signé une telle convention. Pour eux, il s’avère que, au moment de la liquidation de la retraite, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, ne prend en considération qu’un seul de ces pays.
Prenons l’exemple d’une personne qui a commencé sa carrière en France pendant deux ans avant de partir travailler vingt ans en Belgique, puis vingt ans aux États-Unis. Sur ces quarante-deux années de travail, la CNAV ne retiendra que vingt-deux annuités : les deux années en France et les vingt années en Belgique ou les vingt années aux États-Unis. Alors qu’elle aura effectué une carrière complète et qu’elle devrait donc pouvoir bénéficier du taux plein, cette personne n’aura droit pour le calcul de sa retraite qu’au taux réduit, et même au taux minimum.
Cette situation, qui concerne un très grand nombre d’expatriés, est extrêmement pénalisante.
La direction de la sécurité sociale justifie sa position en expliquant que les champs d’application des conventions bilatérales concernent uniquement les deux pays signataires de chaque convention. Nous ne contestons pas cette évidence ! Mais elle en déduit qu’il n’est pas possible de cumuler les conventions sans l’accord des différentes parties à ces conventions ; c’est ce point que nous contestons.
La France ne demande pas l’accord de ses partenaires précédents avant de signer une nouvelle convention avec un autre pays. Si elle négocie un accord avec le Brésil, elle ne demande pas l’autorisation de l’Allemagne avec qui elle a signé une convention. De la même façon, elle n’a pas à demander l’accord d’un pays pour prendre en compte les périodes accomplies dans un autre pays, que ce soit d’ailleurs de façon cumulée ou pas, cette décision découlant du seul fait de l’accord avec le nouveau pays et n’ayant pas d’impact sur les partenaires précédents.
Lorsqu’un doute existe sur l’application des textes de loi ou des traités, il revient aux tribunaux de trancher et de donner leur interprétation, ce qu’ils ont fait.
Dans un jugement du 22 février 2002, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Caen s’est clairement prononcé en faveur du cumul des conventions, expliquant que « retenir le raisonnement inverse à l’instar de la caisse régionale d’assurance maladie, aboutirait à ne reconnaître au salarié qui aurait travaillé dans de nombreux pays étrangers, que la validation d’une seule période de travail dans l’un de ces pays ».
La cour d’appel de Caen a confirmé cette interprétation dans un arrêt de principe du 28 mars 2003. Elle a affirmé que, si le champ d’application des conventions bilatérales ne vise, par définition, que les deux pays signataires, aucune règle issue du droit national, communautaire ou international ne s’oppose à l’application conjointe de deux accords bilatéraux. En outre, la cour d’appel a précisé qu’aucune règle, ni même aucune contrainte d’ordre technique, n’imposait à l’assuré d’effectuer un choix entre le bénéfice de l’un ou de l’autre.
Aucune règle de droit ne s’oppose au cumul des conventions bilatérales. Ce qui n’est pas interdit étant autorisé, cela signifie que des mesures législatives supplémentaires ne sont pas nécessaires pour appliquer le cumul. La CNAV peut donc appliquer sans délai la décision de la cour d’appel. Nous demandons qu’elle applique cette jurisprudence !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, vous avez interrogé Xavier Bertrand sur la situation des Français ayant travaillé dans plusieurs pays signataires d’une convention bilatérale de sécurité sociale avec la France et sur la reconnaissance dans le calcul de leur pension de vieillesse d’une partie seulement des trimestres validés dans ces pays.
Les conventions bilatérales de sécurité sociale signées par la France avec des pays étrangers reposent sur les deux principes fondamentaux de réciprocité et d’exportabilité des pensions de retraite acquises. En effet, le pays signataire d’une convention bilatérale avec la France s’engage à reconnaître la même durée d’assurance vieillesse que la France et à rendre exportable la pension de retraite due sur ces bases.
Une convention bilatérale ne peut donc inclure un pays tiers qu’avec l’accord des deux signataires, et non uniquement de la France. Pour cette raison, de nombreuses conventions bilatérales ne reconnaissent pas encore, à ce stade, les périodes d’activité effectuées dans des pays tiers.
Cependant, les conventions de sécurité sociale signées ou modifiées récemment prennent en compte cette préoccupation puisqu’elles intègrent les pays tiers, dès lors qu’ils sont liés par convention aux deux pays signataires. C’est le cas, par exemple, des conventions signées récemment avec l’Uruguay et l’Inde. Cette préoccupation sous-tend ainsi la dynamique actuelle d’élaboration des conventions et s’étend même progressivement aux conventions déjà signées, comme, par exemple, celle avec le Maroc.
Par ailleurs, il convient de rappeler que les Français expatriés qui le souhaitent peuvent cotiser volontairement à l’AVV, l’assurance vieillesse volontaire, qui permet une reconstitution parfaite des droits à l’assurance vieillesse de l’affilié, quel que soit le pays où il se trouve.
Enfin, la loi portant réforme des retraites de novembre 2010 prévoit un droit à l’information des assurés expatriés en matière de retraite. En conséquence, un groupe de travail a été mis en place sur ce sujet en avril 2011 au sein du groupement d’intérêt public connu sous le nom de GIP Info Retraite. Il traitera, notamment, de la manière optimale d’informer les futurs expatriés de leurs droits ainsi que de leur possibilité d’adhérer à l’AVV.
Le Gouvernement sera particulièrement attentif aux conclusions prochaines de ce groupe de travail ainsi qu’à leur mise en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la ministre, votre réponse est parfaite sur le papier. Mais je voudrais vous faire remarquer que peu de Français travaillent dans les pays signataires des nouvelles conventions que vous avez mentionnées.
Il me paraît nécessaire de modifier les conventions signées avec les quelques pays dans lesquels vivent de nombreux Français. Nos expatriés contribuent à défendre le rayonnement de la France à l’étranger dans les domaines culturel, économique et commercial. Or pénaliser de la sorte leur retraite n’encouragera pas nos concitoyens à s’expatrier.
J’ai récemment évoqué cette question avec l’un de vos collègues qui s’occupe également de la question des Français à l’étranger. Il partage mon opinion selon laquelle cette situation ne peut pas durer. Ce qui a déjà été fait en termes d’information est une bonne chose, mais il faut aller plus loin, car ceux qui ont déjà cotisé dans deux pays étrangers successifs sont, je le répète, pénalisés. Nous devons trouver une solution.
permanence des soins dans le sud des hauts-de-seine
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, auteur de la question n° 1466, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.
M. Philippe Kaltenbach. Madame la ministre, je tiens avant toute chose à vous souhaiter une excellente année et une très bonne santé. Nous le savons, la santé n’a pas de prix, mais elle a un coût. Pour permettre l’accès de tous nos concitoyens à une santé de qualité, l’hôpital public joue un rôle essentiel.
J’ai déposé ma question orale sur la permanence des soins dans le sud des Hauts-de-Seine voilà plus de deux mois, car des menaces pesaient sur l’hôpital public Antoine-Béclère. Un partage des gardes de nuit avait en effet été envisagé avec l’hôpital privé d’Antony. Nous savons désormais que le projet de prise en charge alternée de la permanence des soins pour le sud des Hauts-de-Seine n’est plus à l’ordre du jour et que l’agence régionale de santé d’Île-de-France a choisi l’hôpital Antoine-Béclère.
Toujours est-il que la multitude de mauvais coups portés à l’hôpital Antoine-Béclère et à l’AP-HP – Mme Borvo Cohen-Seat a largement évoqué cette question – nous incite à rester mobilisés. À cet égard, la rédaction du document diffusé au début du mois de décembre par l’ARS laisse subsister une interrogation : il y est précisé que l’hôpital Antoine-Béclère assurera bien les gardes de nuit, mais « en lien » avec l’hôpital privé d’Antony.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que le projet de prise en charge alternée de la permanence des soins entre Clamart et Antony pour le sud des Hauts-de-Seine est bien définitivement abandonné ? Pouvez-vous me préciser exactement ce que signifie l’expression « en lien » ? Enfin, quelles sont les motivations de l’ARS et du Gouvernement lorsqu’ils ont décidé de mobiliser une structure privée, gérée par un fonds de pension italien, pour assurer la permanence des soins dans le sud des Hauts-de-Seine aux côtés d’un hôpital public dont la notoriété internationale fait honneur à notre pays et à notre système de santé depuis plus de trente ans ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Monsieur le sénateur, je vous remercie de vos bons vœux. Recevez les miens en retour. J’adresse également mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année à l’ensemble des membres de cette assemblée ainsi qu’aux fonctionnaires du Sénat et au public actuellement présent dans les tribunes.
Je vous prie d’excuser l’absence de Xavier Bertrand, actuellement en déplacement avec le Président de la République, qui m’a demandé de bien vouloir vous apporter les éléments de réponse suivants.
La préoccupation que vous exprimez se rattache à la problématique plus générale de la bonne répartition des soins sur le territoire de santé d’Île-de-France et de l’égal accès de tous les Franciliens à ces soins de qualité. Cette répartition est de la compétence des ARS. L’agence régionale de santé d’Île-de-France assurera donc cette bonne répartition, via son schéma régional d’organisation des soins, dont fait partie la permanence des soins en établissements de santé.
En la matière, la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009 a entraîné une refonte des règles en vigueur : le nouveau régime juridique repose sur un dispositif commun aux secteurs public et privé, fondé sur une contractualisation entre les ARS et les établissements de santé.
L’enjeu de cette réforme, dans laquelle s’inscrivent les travaux engagés par l’ARS d’Île-de-France, est d’optimiser l’organisation de la permanence des soins en établissements de santé pour l’ensemble des activités de soins. Concrètement, cela permettra d’assurer sur tous les territoires un accès aux activités de soins autorisées, en lien avec le réseau des urgences, la nuit, le week-end et les jours fériés, d’optimiser l’utilisation de la ressource médicale et de favoriser l’efficience du dispositif, c’est-à-dire d’éviter les dépenses inutiles et de ne rémunérer que les établissements réalisant la permanence des soins.
L’ARS d’Île-de-France a choisi de procéder en plusieurs temps, en se focalisant tout d’abord sur la permanence assurée pour les spécialités chirurgicales.
Aucun projet n’a été mené et aucune décision n’a été prise à ce jour concernant les activités d’anesthésie et de réanimation.
Une large concertation a été menée s’agissant de la chirurgie et un dispositif d’évaluation de l’organisation retenue sera mis en place dès 2012.
L’hôpital Antoine-Béclère de Clamart a reçu un avis favorable pour continuer à assurer la permanence en chirurgie orthopédique et traumatologique et en chirurgie digestive et viscérale en nuit profonde pour le sud du département des Hauts-de-Seine.
Par ailleurs, l’ARS a légitimement invité l’hôpital Antoine-Béclère à se rapprocher de l’hôpital militaire Percy, situé également à Clamart, et de l’hôpital privé d’Antony, afin que ces trois établissements étudient les possibilités d’articulation entre eux pour l’organisation de la permanence des soins. L’objectif est bien entendu d’éviter une mobilisation excessive du personnel médical la nuit au regard des besoins constatés, tout en garantissant aux Franciliens des soins de qualité aux horaires de permanence.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Permettez-moi d’apporter une précision, madame la ministre. Si l’hôpital militaire Percy a été retenu pour assurer les gardes de nuit, la situation est un peu différente pour l’hôpital privé d’Antony : la permanence des soins devra s’y faire « en lien » avec l’hôpital Antoine-Béclère. Il y a donc là une différence de traitement, et ni le personnel d’Antoine-Béclère ni les élus n’ont bien compris ce que signifiait l’expression « en lien » et quelles en étaient vraiment les conséquences ; nous le verrons à l’usage.
J’insiste pour défendre l’hôpital Antoine-Béclère, qui, depuis deux ou trois ans, est attaqué. Outre cette affaire de gardes de nuit, le transfert de son service de pneumologie, qui compte quarante lits – soit 10 % de l’activité de l’hôpital –, est annoncé pour avril prochain. Ces attaques suscitent l’inquiétude des personnels.
Nous avons la chance d’avoir des hôpitaux publics de qualité. L’hôpital Antoine-Béclère fêtera dans quelques mois les trente ans d’Amandine, premier bébé conçu par fécondation in vitro en France. Le Président de la République, qui adresse aujourd'hui ses vœux au monde de la santé, devrait en profiter pour rappeler que l’hôpital public a un rôle central à jouer pour permettre l’accès de tous à la santé.
Plus que l’hôpital privé, c’est l’hôpital public que le Gouvernement doit défendre ! C’est en ce sens que les élus du sud des Hauts-de-Seine sont mobilisés, parce que l’hôpital public est la garantie véritable d’un accès pour tous à une santé de qualité.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Dépôt de rapports
M. le président. M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 72 de la loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005 de financement de la sécurité sociale pour 2006, le rapport annuel 2011 du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie : « L’assurance maladie face à la crise – Mieux évaluer la dépense publique d’assurance maladie : l’ONDAM et la mesure de l’accessibilité financière des soins ».
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, les rapports sur la mise en application de plusieurs lois qui ont été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois ainsi que, respectivement :
- à la commission des affaires étrangères pour les lois n° 2011-266 du 14 mars 2011 relative à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs et n° 2011-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité ;
- à la commission des affaires sociales pour les lois n° 2010-209 du 2 mars 2010 visant à créer une allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie et n° 2010-1215 du 15 octobre 2010 complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 ;
- à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication pour les lois n° 2010-501 du 18 mai 2010 visant à autoriser la restitution par la France des têtes maories à la Nouvelle-Zélande et relative à la gestion des collections et n° 2010-626 du 9 juin 2010 encadrant la profession d’agent sportif ;
- à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire pour les lois n° 2008-1545 du 31 décembre 2008 pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, n° 2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales et n° 2011-12 du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne ;
- à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française, la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, les lois n° 2011-411 du 14 avril 2011 ratifiant l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France, n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique et n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité ;
- à la commission des affaires sociales et à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale pour les lois n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants et n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge ;
- à la commission des affaires sociales, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi qu’à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire pour la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Enfin, M. le président du Sénat a reçu de :
- M. le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie le rapport d’activité 2011 de l’Observatoire des tarifs bancaires de l’Institut d’émission des départements d’outre-mer, établi en application de l’article L. 711-5 du code monétaire et financier. Il a été transmis à la commission des finances ;
- M. Hervé Gaymard, président du conseil d’administration de l’Office national des forêts, en application de l’article L. 124-2 du code forestier, le rapport d’activité et de développement durable 2010 de l’Office national des forêts. Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
- M. Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, le rapport sur le coût net en 2010 de la mission d’aménagement du territoire assurée par La Poste, établi en application de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l’organisation du service public de La Poste et à France Télécom. Il a été transmis à la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils sont disponibles au bureau de la distribution.
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Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon rappel se fonde sur l’article 29 de notre règlement.
Je rappelle au Sénat que, sous l’égide du président Gérard Larcher et de l’ancien président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Josselin de Rohan, nous avions l’habitude d’organiser des débats de politique étrangère.
J’ai peut-être été inattentive, mais il ne me semble pas que nous ayons eu récemment de tels débats, exception faite lors de l’examen du projet de loi de finances, qui, reconnaissons-le, n’est pas le cadre idéal.
Pourtant, la situation en Syrie n’a fait que se dégrader. La Ligue arabe a montré les limites de son intervention – j’ai déjà attiré l’attention de la Haute Assemblée sur le sujet le 18 octobre dernier. Les massacres de chrétiens au Nigéria doivent aussi retenir notre attention. L’Irak est totalement déstabilisé depuis le départ des derniers soldats américains. Dans les territoires palestiniens, la situation n’est guère plus brillante. J’ajouterai à cette liste le jeu de poker menteur entre les États-Unis et l’Iran dans le détroit d’Ormuz et j’en aurai terminé après avoir évoqué la débâcle diplomatique avec la Turquie.
Monsieur le président, tous ces sujets justifient que nous ayons un débat de politique étrangère avant la fin de cette session, afin que le Gouvernement puisse éclairer la Haute Assemblée sur les diverses positions de la France.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
11
Simplification du droit et allègement des démarches administratives
Rejet d'une proposition de loi en procédure accélérée
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives (proposition n° 33, rapport n° 224 et avis nos 214, 223, 225 et 227).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je prends la parole aujourd’hui devant vous à un moment où la crise mondiale n’épargne pas notre pays et où chacun, dans cet hémicycle, doit avoir à cœur de soutenir les entreprises et le travail.
Je veux le faire solennellement, car la compétitivité de la France, c’est d’abord la compétitivité de nos entreprises. Comme chacun ici, je mesure les attentes de celles-ci, et cela d’autant plus que, trois fois par semaine, je me déplace partout sur le territoire pour rencontrer les acteurs économiques.
Voilà quelques semaines, nous avons eu, dans cet hémicycle, un débat sur la compétitivité qui nous a justement permis d’échanger longuement.
Quels sont nos points forts et quels sont nos points faibles en termes de compétitivité ?
Le point fort est le prix de l’énergie en France. Le choix du nucléaire, assumé par la droite et par la gauche depuis trente ans, a très clairement donné un avantage de compétitivité à l’ensemble des entreprises françaises sur leurs concurrentes, particulièrement en Europe, notamment sur l’Allemagne. Or, nous le savons, un certain nombre d’entre vous entendent remettre en cause cet avantage.
Après ce point fort, que certains sont prêts à sacrifier, j’en viens au premier point faible : le poids des charges sociales qui pèsent sur les entreprises de notre pays, où elles sont 10 % supérieures à celles de notre voisin allemand.
Le Président de la République a décidé d’en faire l’un des points-clés du sommet social du 18 janvier ; il s’en est ouvert à l’ensemble de nos compatriotes au moment des vœux. Il faut alléger les charges sociales qui pèsent sur le travail et réorganiser notre fiscalité en conséquence. Un certain nombre d’entre vous – les mêmes – refusent ce débat en le caricaturant ; c’est pourtant un enjeu majeur de compétitivité.
Deuxième point faible pour notre pays : la complexité administrative. Je citerai brièvement des chiffres que vous connaissez les uns et les autres, et qui traduisent très concrètement l’importance capitale que revêt ce chantier.
Selon l’OCDE, « l’impôt papier » nous coûte chaque année de 3 % à 4 % du PIB. J’ajoute que, selon le dernier rapport du Global Competitiveness Report, nous occupons le 116e rang mondial sur 142 en termes de complexité administrative. Certes, c’est un progrès, puisque nous avons gagné onze places par rapport au dernier classement, mais ce n’est pas admissible pour la cinquième puissance économique du monde !
Enfin, je tiens à dire que, dans chacun de vos départements, de vos territoires, les chefs d’entreprise – ils le savent bien ! – perdent environ cinquante jours par an à régler les problèmes de paperasserie administrative, soit environ un jour par semaine, lequel pourrait être mobilisé en faveur de la croissance, du commerce et de la création.
Nous ne pouvons nous résoudre à une telle aberration et à une forme d’injustice qui fragilise d’abord les patrons des petites structures. C’est pourquoi le Président de la République a voulu simplifier et réorganiser l’État avec la Révision générale des politiques publiques ou RGPP. En modernisant l’appareil public, celle-ci a généré une économie évaluée à 15 milliards d’euros à l’horizon 2013, avec des mesures qui concernent très directement les entreprises de notre pays : je pense notamment à la réorganisation du réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, ou encore à la mise en place du guichet unique de création d’entreprises.
J’ai fait de la simplification administrative une priorité de mon action. Nous avons travaillé, main dans la main avec le Parlement et les entreprises, puisque, à mes côtés, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Warsmann, et un grand chef d’entreprise, Jean-Michel Aulas, ont coprésidé les premières Assises de la simplification que j’ai voulues. Il en est né quatre-vingts décisions, dont vingt-cinq des plus importantes trouvent leur traduction directe dans ce texte.
Mais, là encore, malheureusement, sur ce point pourtant essentiel en matière de compétitivité, je constate que vous refusez purement et simplement le débat.
Je veux vous dire que, dans cette crise multiforme, répétitive, qui engendre de nombreuses inquiétudes, nos compatriotes nous regardent. Les acteurs économiques observent l’attitude des uns et des autres.
Nous ne pouvons pas, sous prétexte que doit avoir lieu une élection présidentielle dans quatre mois, faire l’impasse sur des mesures qui ont autant d’impact pour les acteurs économiques, qui correspondent pour eux à l’allégement des charges pesant sur leur activité et qui apparaissent comme une véritable chance de renouer avec la croissance. Or, chacun le sait bien, renouer avec la croissance, c’est accroître le travail et le pouvoir d’achat dans notre pays, ce qui est attendu par la très grande majorité de nos compatriotes. Ce n’est pas, je veux insister sur ce point, une question de droite ou de gauche !
Bien que le nucléaire soit un avantage en termes de compétitivité, vous voulez tourner la page. Concernant les charges sociales, qui sont une faiblesse, votre réponse est : « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Enfin, s’agissant de la complexité administrative, vous ne voulez pas débattre !
Vous le savez, j’ai souhaité accélérer, institutionnaliser et approfondir le mouvement de simplification avec l’organisation, en décembre dernier, d’une deuxième édition des Assises.
J’ai le plaisir de commencer l’année au Sénat, puisque c’est aujourd’hui votre première journée de séance,...
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Et vous avez terminé la précédente avec nous !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... après avoir, avec un certain nombre d’entre vous, effectivement terminé la précédente...
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... par l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs.
M. Antoine Lefèvre. Une bonne résolution !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez-en convaincus, la deuxième édition des Assises de la simplification, que j’ai organisée au mois de décembre, a permis de faire émerger de nouvelles propositions et d’évaluer les avancées obtenues en un an.
Je peux aujourd’hui vous le dire, le bilan est positif et à la hauteur de la mobilisation qui est la nôtre : les 80 mesures annoncées le 29 avril 2011 ont été activement mises en œuvre, puisque 73 % d’entre elles sont déjà appliquées ou devraient l’être, conformément au calendrier prévu. Il ne faut donc pas s’arrêter en si bon chemin. Car simplifier la vie des entrepreneurs en prenant des mesures concrètes en leur faveur, c'est-à-dire en faveur du travail et de l’emploi, c’est aussi leur permettre de réaliser des économies considérables. Celles qui avaient été retenues dans le cadre des Assises de la simplification, ont été chiffrées par un cabinet indépendant, Ernst & Young, à un milliard d’euros. Cela répond directement à l’« objectif croissance » que je me suis fixé comme priorité : il s’agit d’adopter des dispositions efficaces et rapides pour obtenir des résultats tangibles, qui bénéficient à nos entreprises, à l’emploi et au pouvoir d’achat des salariés.
Au-delà même de ce constat chiffré, il me semble indispensable de restaurer la confiance entre les entrepreneurs et l’État. Ce dernier ne doit plus être perçu comme un adversaire ou, au mieux, un élément bloquant : il doit devenir un partenaire. Je vous rappelle que 90 % des entrepreneurs jugent la charge administrative contraignante ou très contraignante. C’est en restaurant une relation de confiance entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics que nous construirons une croissance durable pour la France. Je crois d’ailleurs que le temps politique et le temps économique exigent – ce n’est pas un choix, mais un devoir – d’agir en ce sens.
Nous devons montrer que l’État est déterminé à « penser entreprise », et un état qui « pense entreprise », ce sont des formulaires moins compliqués, l’accès à plus d’information, des interlocuteurs clairement identifiés et une réglementation plus stable. Au cours des Assises de la simplification, j’ai pu constater à quel point l’attente est forte en la matière. Nous n’avons pas le droit de la décevoir.
Évoquer les remontées du terrain me conduit logiquement à rappeler la méthode mise en œuvre pour élaborer les mesures prévues dans cette proposition de loi. Jusqu’ici, tous ceux qui ont travaillé sur ce grand chantier de la simplification ont été à la hauteur des enjeux. La méthode du Gouvernement et celle de M. Jean-Luc Warsmann se sont en effet renforcées l’une l’autre. J’aurais souhaité, monsieur le président de la commission des lois, que la confrontation de nos deux points de vue consolide également les dispositifs élaborés, car le sujet dépasse la traditionnelle opposition entre la droite et la gauche. Je regrette, je le redis, que vous ayez fait le choix de refuser le débat.
J’évoquerai d’abord les Assises de la simplification : avec un correspondant PME par département, 574 entreprises visitées par ces correspondants, soit autant d’« entretiens simplification », 22 réunions régionales et 700 propositions recueillies, ces assises ont permis de faire remonter du terrain des attentes concrètes et précises.
Cette proposition de loi ne sort donc pas des tiroirs de l’administration française ; elle provient directement du terrain, des acteurs économiques eux-mêmes, des informations recueillies dans les différents entrepôts et magasins.
Je tiens aussi à dire quelques mots au sujet de la méthode utilisée par M. Jean-Luc Warsmann. Avec un comité de pilotage particulièrement actif, près de 70 auditions conduites auprès des organisations professionnelles, des journées régionales et des réunions thématiques, le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale a mené un travail de fond, pour coller au plus près des attentes des entrepreneurs. Je le redis, parce que ce n’est pas si courant, c’est main dans la main, en phase avec le terrain, sans préjugé politique et selon une démarche de dialogue que nous avons travaillé sur le chantier de la simplification du droit et d’allégement des démarches administratives.
Tout cela démontre que le sujet devrait dépasser les clivages partisans et les batailles idéologiques. Dans un tel contexte, je le redis pour la troisième fois, je regrette profondément la position adoptée par la commission des lois du Sénat. Les mesures de simplification figurant dans cette proposition de loi sont attendues par les entreprises et les salariés de notre pays : elles méritent sans aucun doute un débat à la hauteur des enjeux, loin d’une posture qui m’apparaît en réalité partisane.
J’en veux pour preuve la position du rapporteur et des différents rapporteurs pour avis, qui s’accordent unanimement pour reconnaître les avancées très positives contenues dans ce texte. En outre, la critique centrale que l’on entend porter sur ce texte, le qualifiant de « fourre-tout législatif », ne me paraît pas fondée. Elle découle selon moi d’une erreur d’appréciation et, permettez-moi de vous le dire, est en parfait décalage avec les difficultés que rencontrent quotidiennement les entrepreneurs.
En effet, pourquoi ces derniers seraient-ils les seuls à devoir affronter toutes les réalités du droit ? Pourquoi seraient-ils les seuls à devoir jongler entre le code de commerce, le code de l’environnement et les complexités liées à un changement de capital ou encore à un déménagement ? Pourquoi seraient-ils les seuls à devoir faire face un tel empilement de règles ? Rien ne le justifie ! Loin d’être un fourre-tout législatif, ce texte traduit la variété des sujets auxquels sont confrontées nos entreprises et qu’il nous revient, à nous, Gouvernement, et à vous, Parlement, d’avoir l’ambition de simplifier.
Selon les propos de Philippe Bas, cités dans le rapport de la commission des lois : « Il n’est pas de texte de simplification administrative qui ne soit hétéroclite. […] On ne va pas porter 94 projets de loi, modifiant chacun un article d’une loi ou un code. » Ce serait totalement contre-productif et à l’opposé d’une volonté de simplification du droit.
De plus, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez tous, s’il existe un « mal français », c’est bien l’inflation législative, porteuse d’insécurité juridique pour les acteurs économiques. Je n’accuse ni la droite ni la gauche, ce travers national ne datant pas d’hier. Le Gouvernement tente d’apporter enfin à ce problème une réponse adaptée et conforme aux attentes de nos concitoyens.
Je le rappelle, dès 1844, l’homme politique et spécialiste du droit Louis Marie de Lahaye Cormenin dénonçait dans un pamphlet intitulé La Légomanie l’étrange tropisme français qui consiste à inventer sans cesse de nouvelles lois. Simplifier, c’est aussi être capable de proposer un seul texte, qui résolve, une fois pour toutes, un maximum de problèmes.
Tel est exactement l’objet de cette proposition de loi, que l’Assemblée nationale a enrichie de nombreux amendements issus de tous ses bancs. J’aurais souhaité qu’il puisse en être de même lors de son examen par la Haute Assemblée. En effet, dans les différents rapports sénatoriaux rédigés sur ce texte, j’ai relevé de nombreuses propositions.
Je vous le dis sans ambages : si nous n’allions pas au bout de ce chantier, les déceptions seraient immenses, à la hauteur des espoirs qu’a suscités la démarche entreprise. Nous briserions un cercle vertueux, celui de la confiance retrouvée entre les acteurs économiques et les pouvoirs publics. Les entrepreneurs veulent être libérés du fardeau administratif qui pèse sur eux. Ils ne peuvent être les otages de divisions partisanes, même à quelques mois d’échéances électorales essentielles.
Refuser de débattre des articles de ce texte serait en décalage absolu avec la méthode que vous avez suivie. À l’instar de M. Jean-Luc Warsmann, vous avez mené des auditions, ce dont je vous remercie, pour saisir la réalité du terrain. Vous êtes arrivés à des conclusions similaires quant à la nécessité d’agir. Pourquoi faire soudain machine arrière, monsieur le président Sueur ?
Votre position est difficile à comprendre, surtout ici, au Sénat, une institution garante de l’intérêt général et du consensus républicain, familière d’un travail en profondeur sur les textes. Votre décision me semble d’autant plus regrettable que la majorité des mesures prévues offre des solutions pragmatiques aux acteurs économiques, en conformité avec leurs aspirations et leurs besoins. Elles font consensus dans le monde de l’entreprise et, plus généralement, dans l’ensemble de la société. Certaines d’entre elles facilitent aussi bien la vie du chef d’entreprise que celle des employés. Je ne vous citerai que trois exemples, absolument emblématiques de l’utilité des dispositions envisagées.
Il s’agit d’abord de la simplification du bulletin de paye. Admettons-le ensemble, plus personne n’est en mesure de comprendre les informations qui y sont contenues ! Lors de mes visites dans les usines et les ateliers, j’ai pu constater qu’autant les patrons que les salariés étaient dépassés par la complexité de ce document. De nombreuses promesses ont été faites en la matière, par des hommes et femmes politiques de gauche comme de droite. Grâce à l’article 44 de cette proposition de loi, une réponse est enfin apportée pour diviser le nombre de lignes du bulletin de paye et rendre ses informations intelligibles.
Il s’agit ensuite de l’« armoire numérique sécurisée », parfois nommée « coffre-fort numérique », qui découle de la même logique, celle du bon sens. Elle permettra au chef d’entreprise, lequel remplit aujourd’hui quelque 70 déclarations, de fournir une fois pour toutes les informations qu’il doit transmettre à l’ensemble des administrations concernées. Le gain de temps et d’argent, vous vous en doutez, est considérable. Là encore, vous prenez la responsabilité de ne pas discuter de ce dispositif.
Il s’agit, enfin, de l’amélioration du dispositif du rescrit en matière sociale, autre mesure phare portée par cette proposition de loi.
Je me suis battu en faveur de cette procédure, qui permet à l’entreprise de connaître la position de l’administration sur les questions qu’elle lui soumet. Chacun ici connaît les difficultés soulevées en la matière. J’ai été heureux d’entendre de la bouche des représentants des artisans – je parle sous le contrôle d’André Reichardt –, que le dispositif proposé permet d’améliorer le RSI, le régime social des indépendants. Mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, vous aviez saisi le Gouvernement de cette question. Après ma nomination, j’avais immédiatement engagé un travail destiné à dépasser les difficultés. Tel est visiblement le cas aujourd’hui.
Grâce à l’article 36 de ce texte, l’extension du champ du rescrit social à de nouveaux domaines tels que les règles de déclaration et de paiement des cotisations de sécurité sociale est désormais possible. De même, cet article introduit la possibilité de mise en œuvre de décisions tacites. Cela permet un développement significatif du recours à cette procédure, donc des échanges entre les entreprises et l’administration. La proposition de loi contribuera ainsi – je le dis parce que c’est important pour les acteurs économiques – à une sécurisation absolument indispensable du droit social.
Là encore, il s’agit d’instaurer un cercle vertueux et une logique de confiance entre les pouvoirs publics et les acteurs économiques. Vous le savez, je ne refuse jamais le débat. Au mois de décembre dernier, j’ai d’ailleurs montré à quel point j’étais ouvert, en acceptant un grand nombre d’amendements, quelle que soit leur origine, dans la mesure où ils visaient à améliorer la situation des consommateurs. Les sénateurs présents lors de l’examen du texte renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs peuvent en témoigner.
Ma méthode repose en effet sur le dialogue, qu’il ait lieu avant la rédaction du texte, pendant son examen ou après son adoption, afin de corriger d’éventuelles erreurs.
C’est donc avec une grande frustration que j’aborde la discussion de la proposition de loi. En effet, à la lecture des différents rapports, j’avais espéré que nous pourrions aller au cœur du sujet et examiner les amendements que, sans doute, les uns et les autres, vous auriez à cœur de défendre. Il y va de l’avenir des entreprises et de la croissance dans notre pays qui, comme l’Europe et le monde entier, affronte depuis trois ans une crise multiforme qui se perpétue, créant difficultés et inquiétudes.
En pareilles circonstances, je considère que nous n’avons pas le droit – et je mesure mes paroles – de prendre, en adoptant une attitude partisane, la responsabilité de laisser sur le bord de la route des acteurs économiques en attente de solutions concrètes. Il me semble au contraire que toutes les bonnes idées, d’où qu’elles viennent, doivent être prises en considération.
C’est pourquoi, monsieur le président Sueur, je vous demande de revenir sur cette erreur d’appréciation ; même si je vous vois sourire, je suis convaincu qu’il en est encore temps…
Si je mets tant d’énergie à essayer de vous convaincre, c’est parce que les acteurs économiques, sur une question de cette importance, attendent que le Sénat mène un débat digne de ce nom !
Il est encore temps pour nous d’avoir un débat riche, qui améliore la proposition de loi sur certains sujets, d’ailleurs soulevés dans le rapport de M. Michel. Je pense par exemple à la dépénalisation du droit des affaires, à propos de laquelle M. le rapporteur juge plus pertinentes, pour certaines infractions, les évolutions proposées par le groupe de travail présidé par Jean-Marie Coulon.
Pour ma part, je considère que l’article 90 bis de la proposition de loi, relatif aux délais de paiement – une question dont nous avons déjà débattu dans cet hémicycle – pourrait également faire l’objet d’améliorations allant dans le sens souhaité par M. le rapporteur : un encadrement plus fort des dispositifs dérogatoires.
D’autres sujets mériteraient encore d’être abordés. Par exemple, M. Reichardt a proposé des éléments de définition du métier d’artisan, qui apporteraient à la loi une clarification manifeste. Le rapport qu’il m’a remis contient des propositions auxquelles le Gouvernement est favorable. Elles sont attendues par des centaines de milliers d’artisans qui accordent une très grande importance à cette question. Et nous manquerions aujourd’hui l’occasion de les introduire dans la loi ?
Monsieur le président Sueur, si nous pouvions mener ce débat et engager la discussion des mesures concrètes, je crois vraiment que nous ferions œuvre utile pour le pays !
De même, la notion de professionnel libéral n’est pas définie par la loi. Pourtant, il s’agit d’hommes et de femmes qui, partout en France, exercent leur métier avec passion. Chacun sait qu’ils remplissent des fonctions essentielles pour les citoyens et les acteurs économiques et qu’ils contribuent au renforcement du lien social dans notre pays.
Monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi nous offre l’occasion de fixer enfin cette notion, afin qu’elle ne varie plus selon le domaine du droit dans lequel on l’utilise. Les professionnels libéraux en font la demande avec force et, il y a quelques semaines, à l’occasion d’une rencontre avec eux, le Président de la République a réaffirmé sa volonté de les exaucer.
À l’heure où notre pays demeure durement frappé par les effets d’une crise sans précédent depuis la déroute boursière des années trente, nous ne pouvons pas refuser d’accompagner les forces économiques de notre pays.
Je le répète avec beaucoup de solennité : tous, que nous soyons de gauche ou de droite, nous avons le devoir de répondre aux attentes des acteurs économiques qui se battent au quotidien contre la crise.
C’est pourquoi je renouvelle, avec beaucoup d’insistance, la demande que j’ai faite à la commission des lois de modifier sa position. Ce débat est attendu par nos compatriotes et les acteurs économiques ; il est bon pour la croissance, le travail et les emplois en France. Menons-le !
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le président de la commission des lois, j’espère vous avoir convaincu. D’ailleurs, je ne doute pas que les rapporteurs le soient au fond d’eux-mêmes.
Je souhaite simplement que l’on renonce aux postures politiciennes pour entamer la discussion de la proposition de loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’UCR.)
Mme Catherine Procaccia. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’œuvre de simplification du droit est certes nécessaire, mais encore faudrait-il qu’elle s’en tienne à ce qui est nécessaire : la simplification…
Or d’après les calculs réalisés par la commission, seulement un article de la proposition de loi sur cinq opère une véritable simplification ; tout le reste, c’est du droit nouveau !
C’est la quatrième fois depuis 2007 que nous sommes saisis d’une proposition de loi de ce type, déposée par le président Warsmann : en 2010, lors de la discussion de la précédente proposition de loi, le rapporteur, M. Bernard Saugey, parlait d’un « rituel parlementaire »...
Celle qui nous est soumise aujourd’hui a été déposée le 28 janvier 2011, soumise au Conseil d’État et adoptée par l’Assemblée nationale le 18 octobre 2011, après engagement de la procédure accélérée, ce qui n’arrange pas les choses…
Le nombre de ses articles est passé de quatre-vingt-quatorze au moment de son dépôt à cent cinquante-trois au moment de sa transmission au Sénat. Et, si les amendements, y compris ceux que le Gouvernement a déposés aujourd’hui, étaient adoptés, deux cents articles environ seraient transmis à l’Assemblée nationale – et celle-ci ne manquerait peut-être pas d’en ajouter encore…
Compte tenu de la diversité des sujets abordés, la commission des lois a délégué l’examen au fond d’un certain nombre d’articles à quatre autres commissions saisies pour avis : la commission des finances, la commission de l’économie, la commission des affaires sociales et la commission de la culture. Leurs rapporteurs, que je remercie d’avoir assisté aux séances de la commission des lois, vous présenteront après moi l’avis de ces commissions.
Certes, la proposition de loi ressemble un peu moins que les précédentes à un assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence… Elle comprend un ensemble de dispositions qui concernent en gros l’entreprise – M. le secrétaire d’État y a beaucoup insisté –, qu’elles touchent au droit des sociétés, au droit du travail, au droit de la sécurité sociale ou à certains droits sectoriels.
Cependant, l’Assemblée nationale a multiplié les ajouts, transformant la proposition de loi en pavillon de complaisance pour marchandises de toute nature… Je le déplore.
De son côté, le Gouvernement trouve en elle un véhicule où faire figurer des dispositions déjà introduites dans d’autres textes, y compris, monsieur le secrétaire d’État, dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, en attendant de voir dans lequel de ces textes, elles parviendront à être votées en premier. Permettez-moi de vous le dire : c’est une très mauvaise méthode législative !
Enfin, la proposition de loi sert de véhicule à des dispositions que l’on voit aujourd’hui reparaître après que le Conseil constitutionnel les a retoquées à plusieurs reprises comme cavaliers législatifs…
Tout cela n’est guère de nature à simplifier le travail législatif, ni même à le valoriser ; d’ailleurs, le veut-on vraiment ?
En réalité, les simplifications qui nous sont proposées contribuent à l’instabilité législative, alors que les représentants des entreprises que nous avons entendus nous ont dit qu’ils avaient besoin, au contraire, de stabilité et de prévisibilité dans la norme qui leur est applicable.
En lisant mon rapport, vous remarquerez que j’ai entendu quatre-vingt-onze personnes de tous horizons, dont certains fonctionnaires. Les autres rapporteurs ont également procédé à des auditions. Certes, j’ai recueilli un certain nombre de propositions intéressantes ; mais j’ai surtout entendu cet avis : l’instabilité législative n’est pas de nature à favoriser la vie des entreprises.
En outre, il me semble que la clarté et la sincérité des débats parlementaires sont aussi en cause. En effet, devant des textes aussi denses et hétéroclites, les parlementaires peuvent difficilement faire leur travail : des novations juridiques peuvent passer inaperçues, noyées dans le fatras des dispositions, alors qu’elles mériteraient une discussion approfondie ; c’est le cas avec la proposition de loi dont nous sommes saisis, comme je le montrerai tout à l’heure.
Enfin, pourquoi avoir recouru à la procédure accélérée ? Je n’ai trouvé que cette explication : le Gouvernement souhaite voir la proposition de loi adoptée avant que les élections ne modifient la composition du Parlement !
Et en plus le Gouvernement présente aujourd’hui plusieurs amendements qui ajoutent à la confusion…
Certaines auditions ont permis de recueillir des propositions de bon sens sur lesquels je reviendrai peut-être : je pense par exemple à l’audition de la Confédération nationale du logement, à celle du Forum citoyen pour la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et à celle de M. Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers.
Dans un premier temps, j’avais moi-même envisagé d’ajouter quelques wagons sénatoriaux au train qui nous venait de l’Assemblée nationale ; je pensais, par exemple, proposer qu’on y intègre la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, déposée par notre collègue Yung et notre ancien collègue Béteille, qui a été votée à l’unanimité par la commission des lois.
Voyez à quel point votre rapporteur se préparait à patauger dans l’incohérence ! Fort heureusement, on m’en a empêché…
Mme Catherine Procaccia. Malheureusement !
M. Antoine Lefèvre. C’est dommage !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je pourrais arrêter ici mon propos… Mais, ne craignant pas de vous lasser, je vous présenterai quelques observations portant sur une douzaine d’articles sur lesquels, quel que soit le vote du Sénat tout à l’heure – monsieur le secrétaire d’État, on ne peut préjuger de rien… –, j’aimerais que nous prenions date.
Tout d’abord, un ensemble d’articles touchent à la dépénalisation de la vie des affaires : ils visent à remplacer les peines d’emprisonnement, qui ne sont jamais prononcées, ainsi que les amendes par des injonctions civiles et des nullités.
Le référé civil fonctionne bien, avec des astreintes très lourdes pour les entreprises. Toutefois, la proposition de loi reste en deçà des propositions du groupe de travail présidé par l’ancien président de la Cour d’appel de Paris, Jean-Marie Coulon.
J’ai envisagé de rétablir les peines d’emprisonnement et d’amende pour les délits graves et intentionnels, afin de faire peser sur les chefs d’entreprise l’opprobre qui s’attache à de telles peines, même prononcées avec sursis.
Mais j’ai finalement entendu les représentants des entreprises : au cours de leur audition, ils nous ont fort curieusement expliqué qu’ils préféraient souvent les peines d’emprisonnement, jamais exécutées, ou les peines d’amende, vite payées, vite oubliées, aux astreintes ou aux nullités, dont les conséquences juridiques sont très lourdes pour leurs entreprises…
Une autre mesure contestable est la brèche ouverte – certes au profit des PME – dans l’interdiction faite aux administrateurs d’une société dont ils n’ont pas été préalablement les salariés de signer avec elle un contrat de travail. Pour ma part, je suis tout à fait hostile à cette mesure : je pense qu’il y a un conflit d’intérêts latent dans le fait qu’un administrateur d’une société en soit également le salarié.
La proposition de loi supprime aussi toute obligation de dépôt du rapport de gestion pour les sociétés en nom collectif, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés anonymes, à l’exception des sociétés cotées.
Or le critère de la cotation, employé tout au long de la proposition de loi, n’est pertinent dans aucun des cas : pourquoi un traitement différent serait-il réservé aux sociétés cotées et aux sociétés non cotées ? Les problèmes dont il est question sont sans rapport avec le fait que les sociétés soient cotées ou non !
Surtout, je désapprouve sur le fond la suppression du rapport de gestion, qui porte atteinte à la transparence des affaires.
L’article 10 de la proposition de loi revient sur les dispositions relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite Grenelle 2.
En effet, il reporte à 2012 l’entrée en vigueur des obligations pesant sur les entreprises, le décret en Conseil d’État prévu par la loi n’ayant pas encore été pris… En cette occasion, le Gouvernement se prévaut de sa propre turpitude !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. L’article 10 prévoit en outre que les informations données seront différentes selon que la société sera ou non cotée ; or, une fois encore, le critère de la cotation est injustifié au regard de l’objectif poursuivi.
Ce même article exonère les filiales de l’obligation de publication de son bilan social et environnemental, à laquelle seule la holding serait soumise. Ainsi, un grand groupe de consommation et de distribution comme Carrefour publierait son bilan mais ses filiales en seraient dispensées ! Je suis très défavorable à cette disposition.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La proposition de loi prévoit également le relèvement de la part du capital des sociétés anonymes susceptible d’être attribuée aux salariés sous forme d’actions gratuites. Prenons garde que la participation ne soit pas un moyen, fiscalement avantageux, de ne pas augmenter les salaires... Et pourquoi, là encore, opérer une distinction entre les sociétés cotées et les sociétés non cotées, distinction qui est sans rapport avec la mesure envisagée ?
L’entreprise individuelle à responsabilité limitée pouvait, bizarrement, être créée par un mineur, sans condition d’âge – je conviens que ce n’est pas vous, monsieur le secrétaire d'État, qui êtes à l’origine de ce texte totalement farfelu. Cela dit, on en revient à des dispositions un peu plus réalistes puisque l’article 27 bis fixe à seize ans l’âge minimal pour créer une entreprise.
J’ignore les raisons pour lesquelles cette disposition avait été adoptée, si ce n’est pour amuser la galerie… Selon les renseignements que j’ai recueillis de la part de vos services, seules quelques dizaines d’entreprises individuelles auraient été créées par des mineurs, certaines disparaissant même tout juste après l’avoir été.
L’article 49 bis A relève également de la plaisanterie : il introduit une disposition censurée à deux reprises par le Conseil constitutionnel !
L’article 57 crée un fichier national automatisé des interdits de gérer. C’est une bonne chose et j’y suis favorable. Ce fichier public serait tenu par des personnes privées chargées d’une mission de service public, à savoir les greffiers des tribunaux de commerce. Nous les avons auditionnés et nous leur faisons toute confiance pour assurer, à titre gratuit et dans de bonnes conditions, cette tâche. Ils nous ont donné toutes garanties à cet égard. Cependant, il faudra veiller à ce que le décret, qui sera pris après avis de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, précise bien quelles seront les personnes habilitées à accéder aux informations et combien de temps ces dernières pourront être conservées dans ce fichier.
Les articles 78 et 79 revoient le système des annonces légales, grâce auxquelles la presse locale parvient à survivre.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mes chers collègues, bien entendu, vous êtes tous attachés à la presse locale, qui, même si elle ne le fait pas assez à votre goût, ne manque jamais de publier des photos de vous en train de procéder à une inauguration ou de couper un ruban. (Sourires.)
Nous avons auditionné l’ensemble des syndicats de la presse et ceux-ci craignent une dérive si les journaux gratuits devaient, eux aussi, être autorisés à publier ces annonces légales. Ce serait la mort de la presse locale et de la presse régionale, à n’en pas douter.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Le « coffre-fort numérique », devenu « armoire sécurisée numérique », qui permet aux entreprises de regrouper en un lieu unique toutes les informations déclarées à l’administration, n’a pu être créé à temps ; le Gouvernement nous demande donc de l’habiliter à le faire par ordonnance.
Le Sénat, tout comme je le suis moi-même, est hostile, par nature, à cette façon de légiférer. Là encore, sous le contrôle de Jean-Jacques Hyest, ancien président de la commission des lois, je dirai nemo turpitudinem…
M. Jean-Jacques Hyest. Nemo auditur propriam turpitudinem allegans !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Personne ne peut se prévaloir de sa propre turpitude, pas même le Gouvernement !
Enfin, la proposition de loi encadre la possibilité pour les copropriétés de recourir à l’emprunt pour certains grands travaux.
C’est vraisemblablement une bonne chose. En effet, certaines grandes copropriétés comptent de très vieux propriétaires aux faibles revenus : le recours à l’emprunt permettrait d’étaler les dépenses devant être engagées pour faire face aux travaux obligatoires de sécurité ou d’accessibilité. Toutefois, une telle mesure mériterait d’être mieux encadrée qu’elle ne l’est dans cette proposition de loi.
Mes chers collègues, vous avez dû être assaillis de mails au sujet de l’article 94 A. Certes, il s’agit d’un cavalier, mais c’est un bon cavalier : il prévoit l’immunité pour les membres de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la MIVILUDES, qui font l’objet d’attaques quotidiennes, y compris physiques, en particulier au moment de la remise de leur rapport annuel.
Toutefois, il existe deux obstacles à cette immunité, auxquels l’Assemblée nationale remédiera peut-être : d’une part, cette mission n’ayant pas été créée par la loi, il paraît délicat de conférer par la voie législative une immunité à ses membres ; d’autre part, seuls le Défenseur des droits et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté bénéficient d’une telle immunité. Plus largement, il conviendrait donc de réfléchir à l’extension de certaines immunités aux membres de différentes missions ou autorités administratives indépendantes.
Pour conclure, je dirai que je réprouve la méthode utilisée pour ce texte, a fortiori l’engagement de la procédure accélérée. Certes, il comporte quelques simplifications bienvenues, mais aussi des innovations qui auraient mérité un vrai débat. Or l’on sait bien que l’examen de ces propositions de loi ne permet pas d’engager un tel débat.
Les aspects négatifs étant largement prédominants, la commission des lois s’est ralliée aux questions préalables présentées par les groupes CRC et RDSE. Je défendrai donc, en son nom, la motion qu’elle a adoptée en ce sens.
Monsieur le secrétaire d'État, si, en dépit de votre souhait, cette motion était adoptée, le Sénat n’aurait pas bloqué le processus de simplification ; simplement, il laisserait l’Assemblée nationale prendre ses responsabilités avec ce texte vraiment très confus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi, dite « Warsmann IV », comporte quelques dispositions relatives au droit boursier et financier ainsi qu’aux procédures fiscales. Ces mesures ont donc justifié que la commission des finances se saisisse pour avis.
S’agissant de la méthode, tout d’abord, j’avoue que les modalités d’examen de la présente proposition de loi, compte tenu du calendrier, sont très insatisfaisantes. Son inscription à l’ordre du jour de la séance publique au début du mois de janvier a obligé les commissions à se réunir mi-décembre, en pleine période budgétaire, période pendant laquelle le Gouvernement a pressé, plus que de coutume, le Parlement. Jusqu’au bout, ce dernier aura été obligé de travailler dans la précipitation, voire dans l’improvisation, laquelle, si j’ai bien compris, préside à cette fin de quinquennat. De fait, on nous annonce tous les jours de nouvelles mesures législatives sans que nous sachions réellement quels en seront les véhicules. Nous vivons ainsi dans un état de précarité permanente.
L’engagement de la procédure accélérée sur ce texte rend impossible tout dialogue sérieux et approfondi entre les deux chambres. Pourtant, l’une des raisons d’être des lois de simplification est de corriger les erreurs et les approximations qu’a pu commettre le législateur, justement parce qu’il n’a plus le temps d’examiner les textes à tête reposée !
Si, maintenant, les lois de simplification sont élaborées dans les mêmes conditions que la majorité des autres lois, alors il faut craindre que nous ne devions bientôt corriger les lois de simplification elles-mêmes !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous l’avons souvent fait !
Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis. Il n’est pas sûr que le droit y gagne en lisibilité…
Le précédent « Église de scientologie » aurait pourtant dû donner à réfléchir quant à la méthode d’élaboration de ces textes !
Sur le fond, un examen plus détaillé des mesures dont nous nous sommes saisis a révélé quelques surprises. Je dirai même que nous sommes allés de surprise en surprise. Comme le rapporteur Jean-Pierre Michel a eu l’occasion de le souligner, le contenu de la proposition de loi est parfois bien éloigné de son intitulé !
Ainsi, l’article 12 bis étend les possibilités de rachats d’actions pour les sociétés cotées sur Alternext. Une disposition identique, présentée par le Gouvernement, avait été rejetée par le Parlement lors de l’examen de la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière, voilà donc un peu plus d’un an.
La commission des finances avait alors, de manière unanime, rejeté cette disposition, considérant qu’il ne fallait pas, du fait de la profondeur de la crise financière, qu’Alternext s’inscrive dans une logique de financiarisation.
Nous aurions pu accepter des corrections ou des ajustements à la loi de régulation bancaire et financière, mais là, mes chers collègues, il s’agit non plus de simplifier, mais de revenir sur la volonté exprimée par le Sénat et de détricoter le texte finalement voté par le Parlement.
Autre surprise : à l’article 59, au détour d’un prétendu « allégement des démarches administratives » – il faut toujours se méfier quand un gouvernement entend « alléger » et « simplifier », car, en général, la loi s’en trouve in fine plus complexe, ce dont ne manquent pas de profiter ceux qui vivent de la défense d’intérêts souvent corporatistes –, on tend à réduire significativement les obligations en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme des opérateurs de services de paiement en ligne.
C’est un comble, alors même que, en fin d’année dernière, Mme la ministre du budget avait expliqué, au cours d’une conférence de presse, combien le Gouvernement était actif dans la lutte contre la fraude. Cela étant, nous avions bien compris que ses efforts portaient d’abord sur la fraude sociale, marginale, et non pas nécessairement sur la fraude fiscale.
Au surplus, le texte renvoie l’essentiel de la mesure à un décret en Conseil d’État dont nous ignorons les principales orientations.
Surprise, encore, que de constater, à l’article 49 bis, que le Gouvernement demande une habilitation à transposer par ordonnance une directive du 10 décembre 2010. En effet, la partie législative de la transposition demeure très limitée, l’essentiel relevant du pouvoir réglementaire. En outre, les textes de transposition sont déjà prêts puisqu’ils font l’objet d’une consultation publique qui a été close à la fin du mois de décembre.
En matière de législation bancaire et financière, le Gouvernement fait, une fois encore, une mauvaise manière au Parlement en l’ignorant et en légiférant par ordonnance. C’est regrettable car, nous l’avons dit et redit, la technicité de ces matières ne doit pas conduire à faire abstraction de leur dimension politique.
Comme vous le savez, il n’est pas dans les habitudes du Sénat de se dérober à sa tâche et nous avons effectué, bon gré mal gré, un travail d’étude approfondi des dispositions dont nous nous sommes saisis.
À cet égard, j’ai également présenté, devant la commission des finances, un rapport sur la proposition de loi du président Marini tendant à améliorer l’information du marché financier en matière de franchissements de seuils en droit boursier, dont l’essentiel est repris à l’article 21 bis de la présente proposition de loi.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'État, s’agissant de la méthode, l’empressement avec lequel vous voulez voir adopter cette proposition de loi ne permet pas au législateur de débattre sereinement.
Pour ce qui est du fond, on ne peut que regretter qu’un trop grand nombre des mesures en discussion soient mal préparées, mal écrites ou, tout simplement, inadmissibles pour notre assemblée.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des finances a décidé d’approuver la motion opposant la question préalable dont la commission des lois propose l’adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme elle l’avait fait lors de l’examen des précédents textes de simplification du droit, la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis de la quarantaine d’articles de la présente proposition de loi qui entrent dans son champ de compétences.
Ces articles abordent des questions variées, qui relèvent essentiellement du domaine du droit du travail et du droit de la sécurité sociale.
Je remercie la commission des lois, et en particulier son rapporteur, Jean-Pierre Michel, d’avoir fait confiance à notre commission et à son rapporteur pour avis pour étudier ces différentes dispositions.
Je remercie également la présidente Annie David et mes collègues de la majorité sénatoriale de m’avoir désignée comme rapporteur pour avis. Je ne veux croire que l’absence de la plupart d’entre eux cet après-midi soit la traduction d’un certain malaise.
Même si ce texte peut paraître un peu rébarbatif au premier abord, il n’en demeure pas moins important, à l’image des articles dont nous nous sommes saisis. Son examen était donc une première preuve d’ouverture vers l’opposition au sein de notre commission.
Mais l’étude des dispositions de cette proposition de loi et des amendements que je proposais de déposer ne nous aura, à vrai dire, pas occupés très longtemps : la commission des affaires sociales a en effet décidé de rejeter, pour des raisons de principe, l’ensemble des articles qui lui étaient soumis, sans entrer dans le détail de chacune des mesures proposées et sans même attendre que la commission des lois vote la question préalable.
Fidèle rapporteur, je tiens à rappeler les raisons qui ont motivé le rejet de ce texte par la majorité sénatoriale.
Celle-ci a fait valoir que l’ensemble du texte contenait des mesures extrêmement diverses, voire hétéroclites, ce qui rendait difficile le travail parlementaire. Les précédents rapporteurs ayant déjà explicité ces reproches, je ne ferai que citer certains propos qui ont été tenus à cet égard : « On nous demande d’approuver à la va-vite, en passant sans cesse d’un sujet à l’autre, des dispositions sur lesquelles nous manquons de recul et de vision d’ensemble ; si certaines mesures sont anodines, d’autres mettent en cause les droits des salariés ou la protection de la santé et nécessiteraient donc un examen plus approfondi afin d’en apprécier exactement la portée ». Enfin, la commission a regretté la précipitation avec laquelle ce texte a été soumis au Sénat, qui n’a pas disposé d’un délai suffisant pour effectuer un travail approfondi.
En qualité de rapporteur pour avis, je me devais de vous faire part de la position de la commission, que vous me permettrez de compléter par quelques observations plus personnelles.
Je comprends, certes, les critiques exprimées par la majorité sénatoriale à l’encontre de ce texte : faute de ligne directrice, cette proposition de loi ressemble à un inventaire à la Prévert, et cela complique le travail des parlementaires.
Pour autant, il me semble que les conditions étaient réunies pour procéder à un examen sérieux et approfondi de ce texte puisque, en plus de la commission des lois, pas moins de quatre commissions ont été saisies pour avis.
La répartition des tâches judicieusement organisée par la commission des lois devait permettre au Sénat d’être parfaitement éclairé sur tous les enjeux de ce texte, qui comporte de nombreuses mesures techniques difficiles à appréhender par ceux qui ne sont pas des spécialistes ; mais dans chacune des commissions, il y a des spécialistes. Chaque commission aurait pu mettre à profit son expertise pour apporter à la proposition de loi les améliorations souhaitables.
Ayant une certaine expérience en tant que rapporteur de plusieurs textes – certains m’ont été confiés à la veille des vacances de Noël, d’autres avant l’été – dont l’importance n’est pas négligeable– service minimum dans les transports, fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, recodification du code du travail par exemple – j’estime que les délais dont nous avons disposé pour travailler n’avaient rien de particulièrement contraignant par rapport à d’autres que j’ai connus.
Le texte a été adopté à l’Assemblée nationale au mois d’octobre 2011, pour un passage en commission au Sénat au mois de décembre et un examen en séance publique en janvier. Le rapporteur de la commission des lois, cela a été rappelé, a accompli un travail très approfondi et procédé à de nombreuses auditions.
Pour ma part, bien que j’aie été désignée au début du mois de décembre, j’ai eu tout le loisir d’organiser des auditions complémentaires, auxquelles j’ai d’ailleurs convié mes collègues. Plusieurs administrateurs de la commission, chacun dans son domaine de spécialité, sont intervenus pour m’aider.
Sur le fond, il ne me semble pas que le texte contienne – tout au moins en matière sociale – des mesures scandaleuses qui justifieraient un rejet en bloc. La plupart des dispositions qui y figurent visent à répondre de manière pragmatique à des problèmes concrets, qui présentent pour certains un caractère d’urgence.
Je regrette sincèrement que le Sénat refuse de se pencher – du fait de l’adoption probable de la motion tendant à opposer la question préalable – sur la mesure relative au temps de travail des titulaires d’un contrat d’engagement éducatif qui doit être signé par tous les animateurs de colonies de vacances. Si la situation juridique n’est pas rapidement clarifiée, l’organisation des prochaines colonies de vacances, au mois de février, et encore plus cet été, sera compromise ; tous les intervenants du secteur nous l’ont dit.
Un amendement, sans doute perfectible, a été adopté à l’Assemblée nationale, après une large concertation, et je regrette que nous n’ayons même pas pu en débattre en commission. Nous sommes les représentants des collectivités locales et chacun de vous, maires ou présidents de conseils généraux, devra assumer le surcoût consécutif à cette situation et les conséquences de la suppression de ces activités de loisirs, indispensables aux jeunes pour les vacances qui viennent.
Toujours sur le fond, j’ai du mal à comprendre comment la commission a pu refuser de se pencher sur un article relatif à « la rupture du contrat de travail en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle ». Tous les syndicats que j’ai consultés – et ils m’ont presque tous répondu – ont plébiscité cet article qui devait permettre d’éviter que des salariés soient privés de ressources pendant plusieurs mois. La proposition de loi permettait à l’assurance chômage de les indemniser plus rapidement. Pour ma part, j’ai du mal à assumer un tel rejet qui, comme c’est le cas du défaut de décision pour les colonies de vacances, concerne les plus faibles.
D’autres articles qui renforcent les droits des salariés auraient également pu faire l’objet d’un large consensus dans notre assemblée.
Ainsi, il était proposé de supprimer la condition d’ancienneté à laquelle est subordonnée l’ouverture du droit à congés payés, ce qui devrait bénéficier aux salariés précaires, aux intérimaires, aux CDD de courte durée.
Il était également proposé de simplifier les conditions auxquels est soumis le paiement des jours fériés chômés dans l’entreprise.
Enfin, il était envisagé de rendre obligatoire la tenue, sans délai, d’une négociation lorsque le salaire minimum conventionnel est inférieur au SMIC.
Toutes ces mesures étaient demandées par les syndicats et me paraissent aller dans le bon sens.
Je considère que le Sénat aurait donc pu sans difficulté approuver au moins ces mesures, qui sont de nature sociale ou qui concernent le droit du travail, tout en en refusant d’autres, et ainsi renoncer à bloquer un système pendant des mois, si ce n’est une année.
En ce qui concerne les entreprises, le texte contenait également des dispositions tout à fait bienvenues, qui visent par exemple à alléger leurs obligations administratives en mettant en place une déclaration sociale nominative unique, à réduire le nombre de lignes sur le bulletin de paie ou encore à développer le recours au rescrit social. Alors que nous déplorons tous l’excès de complexité administrative qui caractérise notre pays, il est dommage de ne pas se saisir de ce sujet lorsque l’occasion nous en est donnée.
Enfin, je ne peux que déplorer que la commission ait renoncé, par sa décision de rejeter les articles en bloc, à la faculté d’enrichir le texte en adoptant des mesures additionnelles.
J’ai pu constater, au cours des auditions auxquelles j’ai procédé, que certaines associations ou organisations représentatives comptaient sur l’examen du texte au Sénat pour faire adopter des mesures techniques, très attendues par les acteurs concernés.
Je pense par exemple à la demande formulée par l’Union nationale pour l’habitat des jeunes. Elle attend depuis des mois qu’une réponse soit apportée aux problèmes qui se posent en matière d’agrément des foyers de jeunes travailleurs. On voit mal dans quel autre texte ce sujet pourrait être abordé, si ce n’est dans cette proposition de loi de simplification du droit, véhicule idéal pour résoudre ces problèmes juridiques ponctuels qui empoisonnent la vie de nos concitoyens. En attendant, des projets de logements des jeunes travailleurs sont bloqués et ne sortiront pas de terre alors que leur financement était assuré. Pourtant, chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous sais soucieux des questions de logement.
Enfin, j’aurais proposé à la commission des affaires sociales de prendre une initiative sur la question de la transparence des comptes des comités d’entreprise.
C’est un sujet que je porte depuis plus d’un an, avant même le dépôt du rapport de la Cour des comptes, plus précisément après avoir rencontré, il y a quinze mois, des membres de la société SeaFrance. Depuis quelques jours, les insuffisances de nos procédures légales de contrôle sont devenues publiques.
Je suis heureuse que, à la suite de mes interventions, le ministère du travail ait proposé aux partenaires sociaux d’avancer sur ce dossier et que ceux-ci aient accepté. Les syndicats, qui sont tous soumis à des règles de transparence et de publication, auraient ainsi trouvé une base législative qui leur aurait permis d’aller plus vite.
Le Gouvernement a d’ailleurs déjà engagé la concertation avec eux, et nous aurions pu, nous sénateurs, apporter notre pierre à l’édifice en fixant dans la loi quelques grands principes.
Bref, la décision prise par notre commission présente l’inconvénient de nous priver de toute capacité d’initiative et risque de vider le bicamérisme de son contenu en laissant l’Assemblée nationale totalement libre d’élaborer le texte de son choix.
J’aurais par exemple proposé de rejeter certaines dispositions adoptées par les députés, comme celle qui est relative à l’actualisation du document unique d’évaluation dans les TPE.
Je suis persuadée que l’Assemblée nationale n’aurait pas pu s’opposer à toutes les mesures adoptées sur notre initiative et qu’un certain nombre de nos propositions auraient donc figuré dans le texte définitif.
En conclusion, je tiens à souligner que la démarche de simplification du droit et d’allégement des formalités administratives n’est pas une démarche partisane : depuis une quinzaine d’années, tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, se sont attelés à cette tâche. La position adoptée par la commission des affaires sociales ne traduit évidemment pas un rejet de la politique de simplification du droit en tant que telle – nous sommes tous favorables à ce que les règles de droit soient plus stables, plus claires et plus accessibles pour nos concitoyens –, elle résulte d’un désaccord sur la méthode retenue.
Je forme le vœu, en ce début d’année 2012, que nous puissions rapidement surmonter ce désaccord sur la méthode, afin de reprendre ensemble le travail d’amélioration de la qualité du droit qui est dans l’intérêt bien compris de notre pays.
Le texte n’étant pas encore rejeté et espérant, mes chers collègues, vous avoir convaincus au moins sur la partie qui relevait de la compétence de ma commission, j’ai déposé, à titre personnel, les amendements qui me paraissaient les plus importants et que j’aurais souhaité proposer à la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis.
M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a confié, par délégation, à la commission de la culture le soin d’examiner au fond plusieurs articles de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives.
Les dispositions concernées relèvent en effet de nos domaines traditionnels de compétence, tels que le droit de la presse ou l’architecture. D’autres sujets, comme l’affichage publicitaire extérieur ou l’usage de la langue anglaise dans les manuels aéronautiques, méritaient que notre commission se saisisse pour avis.
Le 21 décembre 2011, la commission de la culture s’est ralliée à la position de la commission des lois en donnant un avis favorable à l’adoption par le Sénat de la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble de ce texte. En effet, la commission de la culture a décidé de s’associer à cette démarche pour des raisons principalement de deux ordres.
En premier lieu, la procédure accélérée ayant été déclenchée par le Gouvernement, des délais raccourcis imposés m’ont empêché, en tant que rapporteur, d’entendre convenablement l’ensemble des personnes concernées par les dispositions sur lesquelles la commission de la culture devait se prononcer. Il aurait été utile de disposer de plus de temps afin de pouvoir conduire une consultation plus approfondie de l’ensemble des organisations professionnelles concernées.
En second lieu, plusieurs dispositions de la proposition de loi s’éloignent très sensiblement de la pure œuvre de simplification de notre cadre législatif à droit constant et tendent à faire de ce texte un véhicule d’origine parlementaire déguisé permettant au Gouvernement de faire passer des mesures préjudiciables aux équilibres de certains secteurs d’activité et de remettre en cause des engagements passés.
C’est en particulier le cas de l’article 82 insérant une nouvelle disposition dans la loi de 1977 sur l’architecture. L’objectif est d’encadrer une pratique qui consiste, pour le maître d’ouvrage, à n’avoir qu’un interlocuteur pour la maîtrise d’œuvre, l’architecte se voyant confier une mission de coordination des autres prestataires.
Cette pratique, déjà courante dans le domaine de la construction, n’est pas assez définie dans le cadre de la conception. Pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage publique, l’article 51 du code des marchés publics définit déjà le cadre d’une telle mission de coordination, mais ne précise pas qu’elle constitue une fonction distincte méritant donc une rémunération.
En outre, le code n’impose pas que soit précisée la répartition des responsabilités de chacun des prestataires membres du groupement momentané d’entreprises ainsi constitué.
Pour ce qui concerne la maîtrise d’ouvrage privée, aucune base juridique n’encadre cette procédure. L’article 82, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, soulève plusieurs difficultés. La principale est liée au choix d’insérer cette disposition dans la loi de 1977 sur l’architecture, dont l’article 3 rappelle le monopole de l’architecte en matière de conception architecturale. Compte tenu de la portée de cet article, toute insertion d’une définition de la mission de coordination doit nécessairement concerner exclusivement l’architecte, sous peine d’introduire une brèche dans la définition de son rôle dans la conception architecturale.
Mais, a contrario, ne définir le groupement momentané d’entreprises que pour l’architecte ne manquerait pas de mettre les autres professions susceptibles de jouer ce rôle de coordination dans une situation difficile. En effet, si bien souvent l’architecte se voit confier cette mission de coordination, il arrive que d’autres prestataires soient plus compétents pour coordonner les entreprises de la maîtrise d’œuvre. C’est vrai dans des projets très techniques ou industriels, tels que des constructions de ponts, de tramways ou d’usines de retraitement des déchets. Les représentants des professions de l’ingénierie estiment que 10 % des projets sont ainsi coordonnés par des entreprises autres que les architectes.
Aussi, pour ces professions, se limiter à une définition du cadre des groupements momentanés d’entreprises dont le mandataire est un architecte reviendrait à remettre en cause leur rôle et leur capacité à assumer la coordination de la maîtrise d’œuvre. C’est pourquoi, en plus de difficultés rédactionnelles, l’article 82 de la proposition de loi est davantage une source de complication du droit et mérite d’être rejeté.
Par ailleurs, l’article 55 nous paraît également source de préjudices pour la protection de l’environnement. Les alinéas 15 à 18 en particulier ne répondent pas à un objectif de simplification du droit. Ces dispositions concernant l’affichage publicitaire remettent en cause les engagements du Grenelle 2 de l’environnement, puisqu’ils allongent le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires de deux à six ans. Cette disposition, introduite sur l’initiative de l’Assemblée nationale, revient sur un délai que le Sénat n’avait pas jugé nécessaire de modifier, compte tenu de toutes les dispositions adoptées dans le cadre du Grenelle 2 prévoyant des délais particuliers, comme celui de cinq ans pour les pré-enseignes dérogatoires.
Je vous rappelle enfin que le chapitre relatif à l’affichage publicitaire extérieur avait été adopté à l’unanimité par le Sénat. Les alinéas 15 à 18 reviennent sur l’équilibre du texte et risquent d’entraîner des situations qui seront impossibles à gérer pour les maires dont la durée de mandat, qui est de six ans, ne permettra pas de prendre correctement les mesures de mise en conformité de l’affichage publicitaire dont ils auraient eu l’initiative.
S’agissant de l’article 72 ter de la proposition de loi, la commission de la culture souligne les sérieuses difficultés qu’il pose en matière de respect de la langue française dans le domaine de la sécurité aérienne. En effet, il vise à autoriser les compagnies aériennes à remettre à leurs salariés des documents de travail liés à la maintenance, à la certification et à l’utilisation d’un aéronef en langue anglaise.
Or le passage au « tout anglais » est particulièrement préjudiciable à la sécurité aérienne. Il ne semble donc pas opportun de modifier la législation déjà en vigueur. La commission de la culture estime au contraire qu’il faut maintenir l’obligation, pour les compagnies aériennes, de traduire en français au profit des salariés les documents nécessaires pour l’exécution de leur travail, les exceptions à cette obligation devant continuer d’être limitées aux « documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers ».
Pour toutes les raisons que je viens de développer, la commission de la culture s’est prononcée pour le rejet des dispositions qui la concernent. En conséquence, elle est favorable à l’adoption par le Sénat de la motion tendant à opposer la question préalable à l’ensemble de ce texte qui sera défendue par notre collègue Jean-Pierre Michel. Afin de ne pas préjuger du devenir en séance de cette motion – on ne sait jamais… –, notre commission a adopté, à l’unanimité de ses membres, trois amendements de suppression des dispositions dont elle s’est saisie aux articles 55, 72 ter et 82. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de l’économie s’est saisie pour avis de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. Celle-ci constitue le sixième texte législatif de simplification du droit examiné par le Parlement depuis 2003 et la quatrième proposition de loi déposée sur le sujet depuis 2007 par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, M. Jean-Luc Warsmann.
La commission des lois a délégué au fond à notre commission 32 articles sur les 153 que compte ce texte à l’issue du vote en première lecture de l’Assemblée nationale. En outre, nous avons décidé de nous saisir pour avis de 4 articles supplémentaires. Ce sont donc en tout 36 articles que nous nous sommes répartis avec mon collègue co-rapporteur, M. Hervé Maurey. Celui-ci a traité 16 articles relatifs à l’agriculture et aux procédures environnementales. J’ai examiné les 20 articles restants, qui concernent l’urbanisme, l’artisanat et le commerce, les services postaux, le crédit d’impôt recherche, les géomètres-experts, les transports, le tourisme, le logement et les délais de paiement inter-entreprises.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et les ratons laveurs ? (Sourires.)
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Cette simple énumération nous montre bien l’une des faiblesses des lois de simplification du droit, qui est leur caractère totalement disparate.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il y a trop de dispositions !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. J’irai droit au fait. La commission des lois nous présente une motion tendant à opposer la question préalable à ce texte qui a été adoptée sur l’initiative de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC, et de M. Jacques Mézard, président du groupe du RDSE. Pour ma part, j’ai proposé à mes collègues de la commission de l’économie d’approuver le vote de cette motion par le Sénat, principalement pour quatre raisons.
Avant toute chose, je souhaite remercier toutes les personnes, groupes et administrations que nous avons auditionnés durant ces dernières semaines. Je tiens à leur réaffirmer que leur avis comme leurs propositions sont précieux pour nous, indépendamment des décisions que nous serons amenés à prendre aujourd’hui. En effet, nous aurons certainement différentes occasions de traduire quelques-unes de ces propositions dans des cadres législatifs beaucoup plus pertinents.
Pour autant, et c’est là mon premier point, nous ne pouvons plus accepter de discuter de propositions de lois de simplification du droit qui se présentent comme de vastes « fourre-tout ». Notre collègue Hervé Maurey, dans le rapport pour avis qu’il avait rédigé sur la précédente proposition de loi de simplification, avait déjà exprimé sa préférence pour des lois de simplification sectorielles, et je l’approuve.
Certes, par rapport aux textes précédents, la présente proposition de loi est supposée avoir un champ plus circonscrit, puisqu’elle se limite à des dispositions bénéficiant aux acteurs économiques. Toutefois, sous le couvert de cette thématique générale, ce texte apparaît, tout autant que les précédents, comme un « patchwork » au domaine indéterminé. J’en veux pour preuve l’intitulé choisi pour le dernier chapitre du titre II : « Diverses dispositions d’ordre ponctuel », ce qui ne veut strictement rien dire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Nous sommes en présence du fameux « projet de loi portant diverses dispositions d’ordre divers » que tout Gouvernement a rêvé, un jour ou l’autre, de présenter au Parlement ! Mais je dois regretter qu’une proposition de loi d’initiative parlementaire soit elle-même porteuse d’une telle dérive.
Deuxièmement, nous assistons à un emballement du processus de simplification. Le présent texte a été déposé par M. Jean-Luc Warsmann le 28 juillet 2011, c’est-à-dire moins de trois mois après la promulgation de sa précédente proposition de loi de simplification, le 17 mai 2011, et alors qu’aucune des 46 mesures d’application attendues pour celle-ci n’est encore parue à ce jour.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Si ce rythme devait être soutenu à l’avenir, on aboutirait à une situation dans laquelle le Parlement serait saisi de manière quasi permanente d’un texte de simplification du droit, qui deviendrait le réceptacle naturel de toutes les dispositions législatives isolées ne trouvant pas à s’insérer dans d’autres supports législatifs.
Bref, loin de lutter contre le phénomène d’inflation législative, les lois de simplification, par leur caractère « attrape-tout » et leur succession rapprochée, contribuent à l’alimenter.
Troisièmement, il nous faut regretter la confidentialité de l’avis que le Conseil d’État a rendu sur cette proposition de loi, à la demande du président de l’Assemblée nationale, en application du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution. En effet, l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, qui précise les conditions de mise en œuvre de l’article 39, prévoit seulement que « l’avis du Conseil d’État est adressé au président de l’assemblée qui l’a saisi, qui le communique à l’auteur de la proposition ».
De ce fait, nous n’avons pas pu avoir connaissance de cet avis et devons nous contenter des extraits que le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a jugé opportun de citer occasionnellement. Je déplore le manque de transparence, sur ce point, des relations entre les deux chambres du Parlement et estime que l’article 4 bis de l’ordonnance du 17 novembre 1958 devrait être modifié pour assurer une publicité plus large des avis du Conseil d’État sur les propositions de lois.
Quatrièmement, mes chers collègues, je voudrais vous montrer que ce texte « fourre-tout » abrite des dispositions tantôt parfaitement anodines, comme celles des articles 68 quater ou 87 bis, qui corrigent des erreurs de référence ou assurent des coordinations entre codes législatifs, tantôt, au contraire, lourdes de conséquences et allant bien au-delà de la seule simplification du droit. Ainsi, trois articles soumis à l’examen de notre commission pour avis apparaissent particulièrement contestables.
L’article 10 vise à exonérer les filiales ou les sociétés contrôlées de l’obligation de publier des informations relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises si ces informations sont publiées par la société mère ou la société qui les contrôle. Or ce principe d’une transparence des entreprises de plus de 500 salariés en matière sociale et environnementale a été adopté ici, après de longues concertations, dans le cadre de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ». On nous propose donc de revenir de manière subreptice, au détour d’une loi de simplification, sur une avancée déjà acquise. Cette stratégie, qui entend prendre le Parlement à revers et lui forcer la main, n’est pas acceptable.
Autre disposition inacceptable, l’article 72 bis introduit par les députés vise à élever au niveau législatif la définition du poids maximal autorisé pour les poids lourds, fixé à 44 tonnes pour 5 essieux, sauf exceptions prévues par voie réglementaire.
Sur la forme, cet article pose problème car il s’agit clairement d’un cavalier législatif qui ne présente pas de lien avec les dispositions de la proposition de loi initiale, ce qui est contraire à la Constitution comme le rappelle constamment le Conseil constitutionnel.
Sur le fond, il ouvre un débat technique et difficile. Il va en effet beaucoup plus loin que le décret du 17 janvier 2011, qui autorisait progressivement les 44 tonnes, mais en imposant un sixième essieu pour ne pas détruire nos routes. Je rappellerai un seul chiffre tiré d’un récent rapport du Gouvernement : les camions de 44 tonnes à 5 essieux induisent un surcoût dans l’entretien des routes, pour les départements, estimé entre 400 millions et 500 millions d’euros par an environ.
On ne peut pas, au détour d’une loi de simplification, trancher le débat autour du sixième essieu : ce n’est ni sérieux ni digne du Parlement ! (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Dans cette affaire, je rappellerai que le Gouvernement n’a pas respecté le Parlement, car le rapport demandé par le Sénat et son rapporteur Bruno Sido sur les 44 tonnes a été transmis au Parlement après l’adoption du décret du 17 janvier 2011, ce qui est pour le moins cavalier...
Les acteurs professionnels que nous avons longuement rencontrés n’ont pas été entendus sur le sujet, car le Gouvernement leur a imposé sans concertation le sixième essieu, alors qu’il existe peut-être d’autres mesures compensatoires comme la généralisation des suspensions pneumatiques.
Quelle que soit notre position sur ce sujet, il faut retrouver un peu de sagesse et remettre à plat ce dossier très polémique, à travers de nouvelles concertations pour modifier éventuellement le décret de 2011 et, à terme, adopter une grande loi sur la politique nationale des transports qui décline les engagements du Grenelle de l’environnement et obtenir une harmonisation des règles du transport routier en Europe.
Enfin, autre disposition inacceptable, l’article 90 bis tend à proroger les accords interprofessionnels dérogatoires aux délais maximum de paiement, pour certains secteurs d’activité « au caractère saisonnier marqué ». Le sujet du crédit inter-entreprises est particulièrement sensible.
Au-delà du jargon, il s’agit des délais de paiement : or, en la matière, ce sont souvent les plus petites entreprises qui trinquent !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Alors que la crise économique et financière assèche la trésorerie des plus petites sociétés, je suis convaincu qu’il serait parfaitement contre-productif de reconduire les dérogations aux délais de paiement fixées par la loi de modernisation de l’économie, la LME. En effet, les filières professionnelles concernées se sont organisées dans la perspective d’un retour aux délais de droit commun à compter du 1er janvier 2012.
De plus, le critère de « caractère saisonnier particulièrement marqué » se prête à toutes les interprétations et pourrait conduire, de proche en proche, à détricoter les règles encadrant le crédit inter-entreprises. Qu’il s’agisse du médiateur du crédit, de diverses dispositions réglementaires, des différentes professions, l’attachement au crédit inter-entreprises et aux dispositions de la LME qui le concernent est tel que celles-ci ne doivent pas être modifiées.
En toute hypothèse, il serait abusif de voter une mesure aux conséquences financières aussi lourdes sur la trésorerie des entreprises, nécessitant un débat approfondi, au titre des « diverses mesures d’ordre ponctuel » d’un texte de simplification du droit.
Imaginez un grand donneur d’ordres ne payant pas à temps une PME,…
M. Bruno Sido. Et l’inverse !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. … et se présentant devant la justice : une fois un tel texte voté, on ne pourrait plus discerner qui a tort et qui a raison ; dès lors, tout serait permis, ce serait la jungle !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il fallait proposer de supprimer les dispositions qui ne vous semblent pas appropriées !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. En conclusion, mes chers collègues, je vous invite à voter la question préalable présentée au nom de la commission des lois, qui aboutira à repousser l’ensemble du texte sans engager l’examen des articles.
Certes, nous aurions pu tenter d’amender cette proposition de loi pour la rendre acceptable. Toutefois, le Gouvernement ayant choisi de recourir à la procédure accélérée, ce qui est proprement intolérable,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. … il y aurait peu de chances que les dispositions adoptées par le Sénat soient retenues par l’Assemblée nationale, à l’issue de l’échec plus que probable de la commission mixte paritaire. (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. André Reichardt. On ne peut pas dire ça !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Enfin, à mon sens, nous sommes parvenus à un point où il importe de manifester le désaccord radical du Sénat avec cette manière de légiférer. Sixième du genre, cette proposition de loi apparaît comme le texte de simplification de trop. Il est devenu politiquement nécessaire de la rejeter en bloc,…
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. … au lieu de nous contenter d’essayer de l’améliorer à la marge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis.
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’appréciation que je peux porter sur cette proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des procédures administratives, en tant que rapporteur pour avis de la commission de l’économie, se trouve, bien entendu, influencée par la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est présentée, au nom de la commission des lois.
Mon co-rapporteur, M. Martial Bourquin, nous a rappelé que la majorité de la commission de l’économie a approuvé le principe de cette question préalable.
Pour ma part, si je partage les critiques qui peuvent être adressées aux lois de simplification du droit en général, je n’irai pas jusqu’à considérer que le rejet en bloc de ce texte soit la solution appropriée. (M. Bruno Sido approuve.) Si vous le voulez bien, je développerai ces deux points.
Certes, l’an dernier, dans mon rapport pour avis sur la précédente loi de simplification du droit, j’avais déjà relevé un certain nombre de défauts de cette catégorie de textes législatifs, qualifiés par le professeur Delvolvé de « lois indignes du Parlement ».
Le principal de ces défauts me semble être leur caractère hétéroclite : en effet, les lois de simplification ont pour but de rendre le droit plus intelligible, mais elles sont en elles-mêmes parfaitement illisibles.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très juste !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Ainsi, la loi de simplification du droit du 17 mai 2011 – la dernière en date – traite pêle-mêle : des relations entre les opérateurs de services de communications électroniques et les consommateurs ; du dispositif de déclaration pour la redevance pour obstacle sur un cours d’eau ; de l’agrément par l’État des organismes de contrôle des espèces canines et félines ; des règles applicables aux diagnostics et aux contrôles relatifs au plomb ; de l’accès à l’activité de direction ou de gérance d’une auto-école ; des règles de révision des loyers de certaines catégories de logements locatifs conventionnés ; du régime des stations-services ; de l’affichage des coûts de collecte et de recyclage des déchets d’équipements électriques et électroniques… et j’en oublie certainement.
Encore faut-il préciser que cet inventaire à la Prévert se limite aux dispositions entrant dans le seul champ de la saisine pour avis de la commission de l’économie et n’intègre pas les dispositions relevant de la commission des lois, de celle de la culture et de celle des affaires sociales.
La présente proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des procédures administratives est également hétéroclite : il ne faut donc pas s’étonner qu’elle ait mobilisé pas moins de cinq des six commissions permanentes que compte le Sénat.
Ainsi, les dispositions relevant de la compétence de la commission de l’économie – pour m’en tenir à celles que j’ai eu l’occasion d’examiner – tendent : à préciser le régime des installations géothermiques ; à simplifier les procédures d’élaboration des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE ; à permettre aux chambres d’agriculture d’être maîtres d’ouvrage des projets de retenue d’eau servant à l’irrigation agricole ; à suspendre le délai de prescription des procédures contentieuses en matière de dégâts de gibier ; à permettre aux éleveurs d’accéder de plein droit aux marchés et foires aux bestiaux ; à harmoniser le régime de participation des employeurs agricoles à l’effort de construction ; à aménager les modalités de publicité des ventes de parcelles forestières soumises au droit de préférence ; ou encore à créer, pour le secteur viticole, une exception à l’obligation de contractualiser pour une durée minimale.
Cette complexité pose problème aux parlementaires, mais aussi à l’exécutif, puisqu’un seul secrétaire d’État siège au banc du Gouvernement pour traiter d’une grande diversité de sujets.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est incontestable !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Je ne suis pas certain qu’en dépit d’un travail interministériel intense et sans méconnaître le talent du secrétaire d’État ici présent (Exclamations amusées.),…
M. Bruno Sido. Ne le sous-estimez pas !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … un seul membre du Gouvernement puisse répondre sur le fond à toutes ces questions et éclairer de manière pertinente tous les sujets évoqués.
Pour autant, la présente proposition de loi constitue un certain progrès par rapport aux précédents textes de simplification du droit. En effet, elle présente une plus grande, bien que relative unité, dans la mesure où elle ne regroupe que des dispositions concernant les acteurs économiques : il s’agit là d’une amélioration…
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est vrai !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … qui fait écho au souhait que j’avais émis que les lois de simplification soient plus sectorielles.
Par ailleurs, il ne faut pas se leurrer : l’objectif de simplification du droit se heurte à la nécessité d’adapter les normes à une société de plus en plus complexe.
La simplification du droit est parfois un slogan qui recouvre des dispositions particulièrement denses. J’en prends pour exemple l’article 56 de la présente proposition de loi, qui, pour simplifier l’articulation entre les règles imposées aux installations hydrauliques par le droit de l’environnement et celles prévues par le droit de l’énergie, s’étend sur trois pages et tend à modifier douze articles de trois codes différents.
Un autre point sur lequel j’avais déjà insisté dans mon rapport l’année dernière est le fait que l’accroissement du volume des lois de simplification du droit au cours de la navette parlementaire ne rencontre guère de limites, dans la mesure où ces bornes ne sont pas matériellement définies. Ainsi, la précédente proposition de loi Warsmann, qui comportait 150 articles dans son texte initial, en comptait 227 à l’issue de la première lecture par le Sénat.
De ce fait, certaines dispositions additionnelles constituant des cavaliers législatifs peuvent se multiplier dans chacune des deux chambres. Le principe de la jurisprudence du Conseil constitutionnel tendant à encadrer le droit d’amendement est pourtant bien établi : en théorie, les amendements dépourvus de tout lien avec les dispositions figurant dans le texte initial doivent être censurés. En pratique, le Conseil constitutionnel n’est pas systématiquement saisi des lois de simplification et, lorsqu’il l’est, comme ce fut le cas pour le dernier texte de cette nature, il n’exerce parfois qu’un contrôle minimal, qui, en définitive paraît assez aléatoire.
Ainsi, comme l’écrivait le professeur Rivero il y a déjà plus de vingt ans, bien souvent, le Conseil constitutionnel filtre le moustique et laisse passer le chameau ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. C’est excessif et donc insignifiant !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Pour l’ensemble de ces raisons, je suis enclin à être assez critique sur le principe même des lois de simplification du droit.
Pour autant, faut-il aller jusqu’à rejeter ce texte dans son ensemble ? Je ne le crois pas.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Pour ce qui concerne la question préalable votée par nos collègues de la commission des lois, je n’ai pu qu’en prendre acte. C’est pourquoi je n’ai pas présenté devant la commission de l’économie les amendements que j’avais préparés sur les articles relevant de ma compétence.
Au demeurant, j’estime que cette question préalable est regrettable. En effet, son adoption va mettre fin à nos débats et nous conduira à renoncer à toute possibilité de modifier et d’améliorer ce texte. Ce faisant, nous allons laisser totalement la main à nos collègues députés et accepter ipso facto leur copie.
Ainsi, pour ne citer qu’un seul exemple, j’aurais préféré que l’on transmette à l’Assemblée nationale un article 55 sensiblement modifié.
Je rappelle que, dans le texte initial de la proposition de loi, cet article comportait une simplification des modalités d’élaboration des SDAGE et des autorisations d’exploitation de carrière. Toutefois, l’Assemblée nationale y a adjoint des dispositions qui portent de deux à six ans le délai de mise en conformité des dispositifs publicitaires avec les exigences de la loi portant engagement national pour l’environnement, dite « Grenelle 2 ».
Mes chers collègues, je tiens à attirer votre attention sur ce sujet : cet ajout a suscité de vives protestations de la part des associations d’élus locaux et de protection de l’environnement. Nous avons tous d’ailleurs reçu un volumineux courrier à ce sujet.
J’aurais souhaité proposer au Sénat de modifier le dispositif adopté par l’Assemblée nationale : nous ne le ferons pas et donnerons ainsi pleinement satisfaction aux annonceurs publicitaires. Or je ne suis pas certain que tous nos collègues, notamment au sein de la majorité, se réjouissent de voir adopter, en définitive, une disposition qui est souhaitée par les seuls annonceurs publicitaires !
De même, en votant la question préalable, nous nous priverons de la possibilité d’introduire des dispositions utiles comme nous avions pu le faire dans le cadre de la dernière loi de simplification du droit.
À titre d’exemple, je rappelle que, à mon initiative et à celle de M. Gélard, le Sénat avait opportunément inséré, dans la dernière proposition de loi de simplification du droit, des dispositions permettant aux maires de procéder à l’élagage d’office des plantations privées en bordure des voies communales, aux frais des propriétaires négligents, mesure qui est extrêmement appréciée des élus locaux.
De la même manière, cette année, nous aurions pu profiter de l’examen de ce texte pour améliorer notre droit sur un certain nombre de sujets et, notamment, pour répondre aux préoccupations des élus.
Ainsi, j’aurais aimé pouvoir vous présenter une solution pour résoudre certaines difficultés soulevées par les services de déneigement rendus aux communes par les agriculteurs. (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) En effet, pour des motifs de responsabilité, le droit actuel impose aux communes d’être propriétaire de la lame de déneigement, ce qui pose des problèmes de financement aux plus petites d’entre elles.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Exactement !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. J’aurais également souhaité que nous travaillions à alléger les contraintes parfois excessives qui pèsent sur les communes en manière de police de l’eau et, plus généralement, en termes de normes environnementales, qui se cumulent de manière trop souvent déraisonnable.
Au-delà, j’aurais aimé que nous profitions de ce débat pour tenter de réfléchir à une approche réaliste de l’obligation de rendre accessible aux personnes handicapées tous les établissements recevant du public avant le 1er janvier 2015,…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellent sujet ! (M. le secrétaire d’État acquiesce.)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … ce qui, nous le savons tous dans cet hémicycle, est totalement irréaliste.
À mes yeux, il est éminemment regrettable que le Sénat s’apprête, pour des raisons essentiellement politiques – pour ne pas dire politiciennes – à se priver de son droit, et même de son devoir d’améliorer ce texte.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est bien dommage !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Nous aurions fait, me semble-t-il, œuvre beaucoup plus utile et beaucoup plus conforme à la vocation de la Haute Assemblée en choisissant d’amender ce texte pour le rendre plus cohérent et plus intelligible.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Voilà !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, si nous rejetons en bloc cette proposition de loi, la commission mixte paritaire se prononcera sur la seule base du texte adopté en première lecture par les députés. L’expérience a pourtant montré que, même lorsque la commission mixte paritaire ne parvient pas à aboutir à un accord, l’Assemblée nationale adopte, en dernière lecture, un certain nombre des modifications apportées par le Sénat.
Chers collègues de la majorité, pour conclure, je souhaite vous mettre en garde. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) L’attitude très politicienne qui est celle du Sénat depuis trois mois ne me semble pas conforme à sa tradition de sagesse et à sa réputation de sérieux. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE – Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est du Pif le chien ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Attention, mon cher collègue, Pif le chien, c’est nous ! (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Le Sénat est, au sein des institutions, une chambre de réflexion,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous exprimez à titre personnel ou au nom de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est le rapport de la commission, cela ? C’est incroyable !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … un lieu où l’on prend le temps de travailler au fond, une assemblée où l’on sait s’extraire de la polémique et de la politique politicienne,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes mal placé pour donner des leçons ! C’est scandaleux !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … où l’on préfère, normalement, à l’agitation politico-médiatique à laquelle vous vous livrez, la recherche de l’intérêt général. Or l’image que donne le Sénat depuis trois mois est, à mon sens, très exactement à l’opposé de cela.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Il a raison !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Notre Haute Assemblée est devenue un lieu de politique politicienne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
On cherche non plus à légiférer mais à faire des coups politiques et médiatiques dans le cadre d’une campagne présidentielle (Mme Catherine Procaccia approuve.) qui mobilise toute l’énergie de la majorité sénatoriale. Le détricotage systématique et outrancier des projets de loi, l’adoption de propositions de loi dans l’urgence dans le seul but d’attirer l’attention sur des sujets clivants le prouvent.
Mes chers collègues, le Sénat n’a pas vocation à être l’instrument de communication ou d’expérimentation d’un candidat à l’élection présidentielle, quel qu’il soit. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
La Haute Assemblée doit représenter les territoires et non pas un parti politique ou une écurie présidentielle. (Oh ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Bravo !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. Je vous le dis très solennellement, mes chers collègues, faites attention car, en agissant ainsi, en portant atteinte à l’image et au rôle du Sénat,…
Un sénateur du groupe socialiste. Elle est gratinée l’image du Sénat !
M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis. … c’est sa légitimité institutionnelle, et par là même son existence, que vous risquez de mettre en cause. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
Pour ces raisons, vous l’aurez compris, à titre personnel, je ne suis pas favorable à l’adoption de la motion tendant à opposer la question préalable qui nous est présentée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je tiens à dire mon étonnement que M. Maurey ait ainsi pris sur son temps de rapporteur pour avis de la commission de l’économie pour exprimer des propos qui n’avaient strictement rien à voir avec le rapport qu’il devait faire. C’est une entorse lourde à notre règlement, totalement politicienne, mon cher collègue.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous faites vous-même ce que vous nous reprochez. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je trouve aussi, pour ma part, totalement scandaleux que M. Maurey, en tant que rapporteur pour avis, tienne des propos dignes d’un meeting politique…
Mme Sylvie Goy-Chavent. Vous ne faites pas pareil ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait logique d’en déduire d’autant le temps de parole de son groupe. (Exclamations sur les travées de l’UCR.) Si vous voulez mon avis, je vous le donne.
Mme Sylvie Goy-Chavent. On ne vous le demandait pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La complexité du droit est une réalité que l’on retrouve légitimement et régulièrement au cœur des préoccupations. Nous savons néanmoins, nous parlementaires, que, si la complexité des textes est croissante, c’est aussi parce que l’inflation normative augmente, et ce depuis longtemps. Mais elle s’accélère depuis quelques années et encore plus ces derniers temps puisqu’on nous annonce encore toutes sortes de textes à venir.
Les professionnels du droit, les élus, les citoyens, partagent probablement tous le constat selon lequel notre droit doit faire face à ce mouvement de complexification et y porter remède. D’ailleurs, le discours le dénonçant s’amplifie évidemment au fur et à mesure de l’inflation législative, à tel point que le Conseil d’État a consacré son rapport public pour 2006 au thème « sécurité juridique et complexité du droit ». On ne peut pas mieux dire !
Malheureusement, il est très regrettable que cette mission de simplification, à laquelle tout le monde pourrait adhérer, n’ait pas été définie et encadrée avec précision. À vrai dire, une stricte délimitation des réels objectifs des lois de simplification nous aurait certainement évité les dérives qu’elles ont toutes connues, le rapporteur de la commission des lois l’a très bien souligné, et nous aurait permis de traiter réellement de cette problématique.
Le titre de la présente proposition de loi– il en allait de même du titre de celles qui l’ont précédée – reflète d’ailleurs toute l’ambiguïté de son contenu. Un petit travail de sémantique nous permet de dire que simplifier c’est « rendre simple, moins compliqué ». Rendre le droit moins compliqué, c’est une idée séduisante politiquement mais plus difficile juridiquement, semble-t-il.
D’abord, comment le droit pourrait-il être simple ? On pourrait s’interroger sur ce point, puisqu’il suppose une étude approfondie de concepts juridiques ; c’est une illusion de croire qu’il puisse être simple. Néanmoins, on pourrait retenir que, derrière cette idée de simplification de la norme, il y a confusion avec le concept juridique de clarté de la norme. La clarté est un caractère reconnu de la loi ; celle-ci doit être claire. Par conséquent, il s’agit de rédiger les textes dans un style et une langue facilement compréhensible. Mais si tel était réellement votre objectif, comme les précédentes, cette proposition de loi le contredit totalement.
En effet, comme les précédentes, puisque nous avons eu une loi de simplification tous les deux ans depuis huit ans, elle contribue à l’inflation normative de manière désorganisée pour ne pas dire bafouée. Elle conduit à annihiler les effets prétendument recherchés et même à exacerber le problème. Ces modifications parcellaires et conjoncturelles non seulement posent des problèmes de cohérence, mais aussi soulèvent, bien entendu, celui de la sécurité juridique en consacrant l’instabilité.
Le rapport du Conseil d’État de 2006 le souligne et met en garde contre ces « mesures effectives de simplification qui s’accompagnent de simples réécritures d’autres dispositions, qui auraient mérité une réflexion de fond plus globale ».
Dans un second temps, en prêtant attention aux dispositions de ces textes comme de ceux qui les ont précédés plutôt qu’aux discours qui les entourent, l’idée de clarté du droit passe aux oubliettes et l’on se rend vite compte que la simplification devient synonyme de réforme souhaitée par le Gouvernement. En fait, il s’agit de modifier et rectifier des textes, des procédures, et de transposer des directives communautaires. Donc, sous la plume de Jean-Luc Warsmann, un spécialiste, la simplification du droit se transforme en modification normative.
Nous n’en sommes pas dupes, le véritable objectif de ces lois de simplification est davantage un contournement de la prohibition des cavaliers législatifs qu’une garantie de l’effectivité de l’accessibilité et de l’intelligibilité des normes.
Elles font, par ailleurs, le bonheur des lobbies, qui s’activent pour y glisser les amendements ou propositions qu’ils n’ont pas réussi à faire passer lors des discussions sur des textes précédents. Elles sont aussi pour certains l’occasion de réintroduire des propositions de loi rejetées, qui réapparaissent sous forme d’amendements.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh oui, tel le phénix !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles servent à une mise en œuvre à bas bruit de la politique du Gouvernement quand il a du mal à le faire de façon transparente ; je pense par exemple à la dépénalisation du droit des affaires.
Le fait que la procédure accélérée ait été requise ne fait qu’en rajouter dans ce sens. À bas bruit, en procédure accélérée, tout ce que l’on ne peut pas faire passer de façon transparente et réfléchie se faufile dans les lois de simplification.
Les dérives constatées et relevées dans le rapport sont d’autant plus inquiétantes que chacun a pu apprécier le caractère inédit de l’ampleur et du contenu de ces textes. D’ailleurs, si l’on ne met pas une barrière, on peut penser que, avec vous, au fur et à mesure, les lois de simplification seraient de plus en plus importantes : elles passeraient de quatre-vingts articles à cent cinquante et peut-être deux cents, voire trois cents, on ne sait pas.
À lui seul, le présent texte concerne pas moins de vingt codes, ainsi que quelques grands textes fondamentaux non codifiés dont la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la loi de 1901 sur la liberté d’association ou encore celle du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, contrairement à ce que vous avez largement insinué, à savoir que la majorité du Sénat empêchait le débat, que le Parlement est le lieu de l’expression des choix politiques.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aussi, comme nous prenons nos responsabilités, et, je le précise, mon groupe, qu’il soit dans l’opposition ou dans la majorité, a toujours réagi de la même façon à l’égard des lois de simplification, nous refusons que le législateur soit instrumentalisé et soit obligé de voter des lois que le Gouvernement n’a pas pu faire passer autrement.
Pour cette raison évidente, la question préalable, qui dit clairement le choix politique que nous faisons face à ce type de dérive législative, se justifie pleinement. C’est le droit le plus strict des parlementaires, droit dont ils devraient user chaque fois que nécessaire pour éviter de telles dérives de la procédure législative.
Sur le fond, ce texte se veut d’une portée simplificatrice toute particulière. Outre des dispositions qui affectent la loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, il recèle des dispositions relatives aux entreprises, touchant notamment au droit des salariés au sein de celle-ci. Je me contenterai sans exhaustivité de dénoncer quelques articles qui entament significativement les droits des salariés pour que, au moins, chacun le sache.
L’article 40, par exemple, vise à permettre de moduler le nombre d’heures travaillées sans que cette répartition des heures travaillées aboutisse à une modification du contrat de travail. L’air de rien, cet article remet en cause une jurisprudence de la Cour de cassation, protectrice pour les salariés, leur permettant de refuser la modulation de leur temps de travail prévue par un accord collectif. En effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 28 septembre 2010 indique que « [...] l’instauration d’une modulation du temps de travail constitue une modification du contrat de travail qui requiert l’accord exprès du salarié [...] ». Concrètement, en cas de modification de la durée du travail – sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l’année – prévue par un accord collectif, la protection du salarié apportée par les clauses de son contrat de travail deviendrait caduque. Par exemple, un employeur pourrait exiger de son salarié de travailler une semaine durant quarante-huit heures et dix heures la semaine suivante sans que celui-ci puisse s’y opposer. Outre le fait que cette disposition pourrait être très déstabilisante pour les salariés, elle n’est pas sans conséquence, bien évidemment, sur leur pouvoir d’achat. Le ministère en a été averti par les organisations syndicales : « Cela entraînera des frais supplémentaires pour les familles – gardes d’enfants, déplacements supplémentaires – qui se seront organisées bien avant une modification des horaires ».
Autrement dit, ce sera aux salariés de supporter économiquement le choix imposé par l’employeur pour que l’entreprise soit plus rentable. C’est un transfert de dépenses de l’entreprise vers les salariés. Surtout, c’est, bien entendu, la fin annoncée des heures supplémentaires, qui étaient, comme vous le savez, le fin du fin pour les salariés pour gagner plus. (Sourires.)
L’article 40 bis concerne le télétravail et, pour la première fois, en adopte une définition. D’une certaine manière, cette disposition constitue une protection en reconnaissant ce qui est aujourd’hui un véritable mode d’organisation du travail.
Malgré ce petit avantage, cet article suscite de nombreux problèmes. Tout d’abord, il vise des situations régulières, ce qui exclut de cette définition celles et ceux qui, de manière occasionnelle ou ponctuelle, travaillent chez eux. Or certains salariés, par exemple pendant des intempéries, des mouvements sociaux, ne peuvent pas se déplacer, l’employeur leur demande alors de travailler depuis leur domicile. Ce qu’ils font sans être protégés.
En outre, parce que le télétravail est de fait synonyme de désocialisation, d’isolement, d’augmentation de la charge de travail, il aurait été souhaitable que le contrat de travail ou la convention collective prévoie obligatoirement des moments, à l’initiative du salarié, où ce dernier peut travailler sur son poste, ne serait-ce que pour avoir un accès direct à ses collègues et à ses représentants du personnel éventuellement. Ou encore il aurait été souhaitable de prévoir qu’aucune mesure de télétravail ne puisse être proposée dans le contrat de travail si la convention collective ne prévoit pas des modalités particulières et renforcées d’accès à la médecine du travail, ce qui exige une coordination avec les organisations professionnelles ; ce n’est évidemment pas le cas.
L’article 46, quant à lui, vise à autoriser le pouvoir réglementaire à adapter aux spécificités des très petites entreprises les modalités d’évaluation des risques en matière de sécurité et d’hygiène au travail. Cela n’est pas satisfaisant puisque, à ce jour, les modalités d’évaluation des risques en matière de sécurité dépendent de la nature de l’entreprise et des risques qu’encourent les salariés, non de la taille de l’entreprise. Cela est logique puisque ce qui crée le risque, c’est non pas la taille de l’entreprise, mais le mode d’organisation. Personne ne peut contester que c’est la taylorisation du tertiaire qui engendre des gestes répétitifs, indépendamment de la taille de l’entreprise !
En réalité, tout le monde le sait, les petites entreprises ont accumulé d’importants retards dans l’élaboration du document unique sur les risques professionnels, document qui permet de définir les risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. Il doit servir de support au dirigeant afin qu’il intègre une démarche sécuritaire dans son management. Or, bien que cette obligation soit relativement ancienne – elle a été prévue il y a dix ans –, les TPE ne se sont pas mises en conformité. Aussi risquent-elles de se voir infliger une amende par l’inspection du travail.
En cas d’accident du travail ou de survenance d’une maladie professionnelle dans une entreprise qui ne s’est pas conformée à cette obligation, le salarié peut invoquer la faute inexcusable de l’employeur. Le dirigeant devient alors attaquable sur son patrimoine et doit rembourser tous les frais engagés.
Cette proposition de loi est donc une amnistie pour les employeurs fraudeurs, mais elle constitue aussi – et c’est tout aussi grave ! – une atteinte majeure aux droits des salariés, qui bénéficient, avec la faute inexcusable de l’employeur, d’une modalité de recours.
Enfin, l’article 92 bis, qui résulte de l’adoption par l'Assemblée nationale, en séance publique, d’un amendement déposé par le Gouvernement, nous est présenté comme devant mettre en conformité notre droit national avec le droit européen pour ce qui concerne les dispositions relatives aux personnes relevant d’un contrat d’engagement éducatif, c’est-à-dire les moniteurs occasionnels des colonies de vacances. Il s’agit concrètement de jeunes titulaires du BAFA, le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, qui interviennent durant les vacances scolaires et dont la durée totale de travail ne peut pas excéder quatre-vingts jours.
À la suite d’une action judiciaire, le Conseil d’État a considéré que les dispositions applicables à ces salariés n’étaient pas conformes au droit européen dans la mesure où ceux-ci ne disposaient pas du droit légitime offert à tout salarié de disposer d’un repos de onze heures consécutives. En effet, les moniteurs sont responsables de l’encadrement des enfants de jour comme de nuit. Cet article prévoit donc d’allouer à ces salariés un repos compensateur de onze heures à l’issue de la période de travail effectif.
Mais cette disposition n’est pas du tout satisfaisante. En effet, on ne peut pas, au détour d’un tel texte, régler de tels problèmes !
Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis. Eh bien, il n’y aura pas de colonies de vacances l’été prochain !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous plaisantez !
Toutes ces dispositions, sans doute nécessaires, sont aussi complexes les unes que les autres et méritent de faire l’objet d’une réelle concertation, qui tienne compte du droit des salariés, un mot que vous ne connaissez apparemment pas ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Incluses dans ce texte, elles sont soustraites à la discussion avec les organisations syndicales et au contrôle de celles-ci, et cela au mépris des engagements qui ont été pris.
Mes chers collègues, comment notre droit pourrait-il tendre à la clarté quand les moyens mis en œuvre pour l’élaborer en manquent eux-mêmes ? La clarté du droit se mesure à la qualité et à la sincérité de la procédure législative qui en est l’instrument. Nous ne pouvons que nous indigner devant ce mépris du travail parlementaire.
C’est pourquoi nous rejetons ce texte dans son ensemble pour des raisons de fond et de forme, formulant ainsi une mise en garde contre cette tendance à empêcher l’instauration de réels débats démocratiques et dénonçant la capacité unique qu’a le Gouvernement à simplifier en rendant plus complexe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la forme, ce n’est pas toujours le fond, mais ça l’est souvent.
J’ai défendu en commission une motion tendant à opposer la question préalable à cette nouvelle proposition de loi dite de simplification du droit et d’allégement des démarches administratives, car, une fois de plus, le titre et l’emballage ne correspondent pas au contenu.
Je me réjouis donc que la majorité des membres de la commission des lois ait voté en faveur des deux motions tendant à opposer la question préalable qui leur étaient soumises, et notre excellent rapporteur, Jean-Pierre Michel, présentera tout à l'heure une telle motion au nom de la commission.
Mes chers collègues, il est temps d’exprimer fermement un avis négatif, non pas sur la simplification du droit, laquelle doit commencer, en toute sagesse, par un arrêt de l’inflation législative – dont on nous fournit depuis quelque temps d’exécrables exemples dans les domaines du droit pénal, de la sécurité et de l’immigration ! –, mais sur la méthode suivie, qui a été à juste titre critiquée au cours de ces trois dernières années sur toutes les travées de cette assemblée.
Lors de l’examen de la troisième proposition de loi Warsmann, dont il était rapporteur, notre excellent collègue Bernard Saugey utilisait déjà des mots très clairs : « hétéroclite », « touffu », etc. (M. Bernard Saugey acquiesce.)
J’avais d’ailleurs rappelé, lors du débat sur la précédente proposition de loi de simplification, les propos de Renaud Denoix de Saint Marc, alors vice-président du Conseil d’État : « L’action politique a pris la forme d’une gesticulation législative. [...] La loi doit être solennelle, brève et permanente. Aujourd’hui elle est bavarde, précaire et banalisée. »
La présente proposition de loi en est l’illustration, avec 153 articles issus des travaux de l’Assemblée nationale alors que le texte initial en comportait 94.
Oui, mes chers collègues, il faut mettre un coup d’arrêt à la dérive d’un système qui complique plus qu’il ne simplifie, à un système qui utilise abusivement la procédure accélérée pour favoriser le passage en force de textes dont, souvent, les conséquences réelles ne sont pas suffisamment appréciées.
Oui, il convient de dire « stop » à ce système et de ne pas se réfugier, cher collègue Hervé Maurey, derrière l’argument facile selon lequel, s’il vote la question préalable, le Sénat ne pourra pas négocier avec l'Assemblée nationale. Nous avons l’habitude de ces négociations ! Nous nous rappelons en particulier celles auxquelles a donné lieu la loi portant réforme des collectivités territoriales…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jacques Mézard. C’est en fait une question de principe, et ce rejet d’une procédure viciée doit être entendu par l'Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Jacques Mézard. Faut-il rappeler les errements de ces lois de simplification, concernant, par exemple, l’article qui a permis à l’Église de Scientologie d’éviter les conséquences des décisions judiciaires rendues à son encontre ?
Mme Nathalie Goulet. Ça, c’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Hélas !
M. Jacques Mézard. Faut-il rappeler qu’il fut reproché, à juste titre, à l’auteur de la troisième proposition de loi de simplification, président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, d’avoir mandaté et fait rémunérer par l’Assemblée nationale un cabinet juridique pour préparer ce texte, avec les risques inhérents que comporte une telle méthode ? Ce n’était pas très glorieux pour l'Assemblée nationale et, plus généralement, pour le travail parlementaire !
M. Alain Fauconnier. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. En fait, ces propositions de loi constituent des véhicules législatifs d’un genre particulier : ils sont dotés d’un turbo par la procédure accélérée, mais avec une carrosserie hétéroclite ! C’est un moyen de locomotion législatif à usages multiples, y compris un usage amphibie, ce qui permet à certains articles d’éviter la surface médiatique. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Magnifique métaphore !
M. Jacques Mézard. Ce véhicule a, certes, une fonction de nettoyage de la « voirie législative », mais reconnaissons qu’il est peu efficace à cet égard.
Mme Maryvonne Blondin. Exact !
M. Jacques Mézard. Une partie du véhicule permet le transport des passagers de première classe : des articles d’origine gouvernementale, même s’il s’agit d’une proposition de loi. En seconde classe, un certain nombre de places sont réservées à différents lobbies. En outre, le véhicule législatif dispose à l’arrière d’une voiture-balai, où l’on entasse toute une série de dispositions éparses, selon une méthode de tri qui ne recevrait pas l’assentiment d’Éco-Emballages… (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Daniel Raoul. Bravo !
M. Jacques Mézard. Monsieur le secrétaire d'État, le rituel couplet sur la crise économique – ce texte serait un moyen opportun pour y faire face ! – que vous nous assenez ne constitue pas une argumentation très solide.
S’il y avait des problèmes à régler d’urgence – et il y en a indiscutablement de nombreux ! –, rien ne vous empêchait, pendant les quatre ans et neuf mois écoulés, d’y remédier au travers des projets de loi de finances ou des multiples lois sécuritaires que vous avez présentées, ou des textes sur la dépénalisation de la vie économique, par exemple.
M. Daniel Raoul. D’ailleurs, combien y en a-t-il ?
M. Jacques Mézard. Comme l’a relevé notre excellent rapporteur, vous avez eu recours à des pratiques aberrantes, dont l’introduction de la même disposition dans plusieurs textes, avec l’utilisation parfois concomitante du règlement, comme pour le relèvement à 15 000 euros du seuil en deçà duquel les marchés publics sont dispensés de procédure préalable, puisque cette disposition demeure néanmoins incluse dans le présent texte.
Vous n’hésitez pas à faire figurer, à l’article 49 bis, une disposition qui a déjà été deux fois censurée par le Conseil constitutionnel, ni à revenir dans plusieurs articles sur des dispositions adoptées récemment par le Parlement, y compris dans une précédente proposition de loi de simplification, ce qui est vraiment le comble !
Surtout, une fois de plus, ce texte n’a plus rien à voir avec une loi de simplification, car il comporte de vraies novations juridiques – on peut en contester certaines, mais on peut aussi en approuver d’autres –, et vous reconnaissez d’ailleurs qu’elles sont centrées sur la vie des entreprises. Mais, je l’ai déjà dit, la dépénalisation de la vie des affaires, ce n’est pas de la simplification du droit ! C’est une novation, qui mérite un texte spécifique, afin que les choses ne se fassent pas en catimini !
La substitution de sanctions civiles à des sanctions pénales est l’objet d’un vrai débat politique. Or, ce débat, vous l’escamotez. Présentez-nous donc, monsieur le secrétaire d'État, un texte sur ces sujets économiques, à l’instar du texte sur les droits des consommateurs ! On pouvait être pour ou contre ce texte, mais celui-ci avait une cohérence et une unicité sur le plan législatif.
Le rapporteur a relevé à juste titre, dans son rapport, des dispositions contestables, s’agissant notamment des articles 4, 7 et 10, ainsi que des dispositions hétéroclites, dont l’article 25, qui reprend une disposition censurée au titre de la règle de l’entonnoir.
Outre des dispositions relatives à la vie des entreprises, ce texte comprend tout et n’importe quoi, aborde les sujets les plus divers : le droit de préemption des communes sur les fonds de commerce, le recours à l’emprunt pour les copropriétés, la durée de validité des promesses de vente, l’immunité pour les membres de la MIVILUDES – ça, c’est une bonne chose –, les horaires de travail des salariés, le code des douanes, les SDAGE – schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux –, le statut des agences de presse, j’en passe et des meilleurs.
Mes chers collègues, tout cela n’est pas raisonnable et ne témoigne pas d’une bonne pratique législative. C’est pourquoi la grande majorité du groupe du RDSE votera tout à l'heure la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur de nombreuses travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’ai cru comprendre que l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives risquait de se trouver abrégé, me privant ainsi de l’occasion de m’exprimer sur l’article 21 bis, qui est très largement issu d’une proposition de loi que j’avais moi-même déposée en juin 2011 sur les franchissements de seuils en droit boursier.
Je rappelle que notre législation en matière de transparence des acquisitions de participations dans des sociétés cotées demeure lacunaire.
Pourtant, nous le savons bien, il s’agit d’une législation essentielle, et ce à un double titre : assurer la bonne information des marchés ; protéger les entreprises contre des offres non sollicitées et susceptibles de se manifester après des prises des participations successives aboutissant à une situation irréversible ou presque.
La transparence est essentielle à la bonne vie des affaires. Elle doit, en principe, être telle que les acteurs concernés se dévoilent en temps utile et, lorsqu’ils envisagent de prendre le contrôle d’une cible, qu’ils soient à même d’en payer le prix, primes de contrôle comprises, après avoir révélé publiquement leurs intentions.
C’est la raison pour laquelle la législation sur les franchissements de seuils a été conçue. Or cette dernière est devenue critiquable dans la mesure où elle n’englobe pas, du moins pas assez clairement, les nouveaux instruments financiers ; je veux parler de l’acquisition de droits qui ne sont pas immédiatement des droits de vote mais qui y donnent accès selon différentes formules, il est vrai, de plus en plus complexes.
L’affaire dite « Hermès-LVMH », révélée en octobre 2010, l’a montré : dans notre pays, un investisseur peut monter au capital d’une société de façon rampante, en quelque sorte occulte, et y acquérir, grâce à l’utilisation de ces instruments financiers complexes, une position significative.
Pour échapper à leurs obligations de déclaration de franchissements de seuils, des acteurs économiques en viennent en effet à utiliser des outils financiers qui leur confèrent une exposition économique à une action, sans pour autant que celle-ci soit juridiquement détenue dans l’immédiat.
Or les informations données au marché en matière de détention de ce type d’instruments financiers ne sont, dans le droit actuel, que subsidiaires. Pourtant, cela fait déjà bon nombre d’années que la faille est identifiée. Cette situation n’est du reste pas propre à notre pays. L’Allemagne, par exemple, a connu un cas retentissant d’utilisation de tels instruments financiers lors de l’agression du constructeur Porsche sur son concurrent Volkswagen.
Je rappelle que, en 2008, l’Autorité des marchés financiers avait mis en place un groupe de travail, présidé par M. Bernard Field, lequel avait préconisé, pour le calcul des seuils, une assimilation large des instruments financiers susceptibles de donner accès à la détention directe de capital. Par la suite, est intervenue l’ordonnance de janvier 2009, mais son contenu, monsieur le secrétaire d’État, s’est malheureusement démarqué assez sensiblement des recommandations de ce groupe de travail.
J’avais suggéré, pour ma part, lors de la ratification de l’ordonnance, que puisse être mise en œuvre une conception plus exigeante de notre droit. J’observe que j’avais, à l’époque, prêché dans le désert. Il a fallu que survienne une nouvelle situation « spéciale », dans une autre entreprise cotée, pour que la place financière, les professionnels et, il faut bien le dire, la direction générale du Trésor acceptent de faire évoluer leur raisonnement et de prôner une législation d’une plus grande fermeté.
Ainsi, au sein du texte que nous examinons, l’article 21 bis reprend l’essentiel de ma proposition de loi. Même s’il reste en retrait sur quelques points, je suis naturellement heureux que mon initiative ait été relayée dans le cadre du texte de Jean-Luc Warsmann. Je remercie d’ailleurs Mme le rapporteur général de la commission des finances d’avoir rapporté ma proposition de loi en même temps qu’elle rapportait pour avis le présent texte.
Désormais, selon la rédaction de cet article 21 bis, les instruments conférant une exposition économique à une action seront pris en compte dans le calcul des franchissements de seuils et ne pourront plus être utilisés de manière détournée, occulte, pour prendre le contrôle d’une société.
Cette évolution était indispensable. Nombre de nos partenaires européens ont déjà franchi le pas, certains depuis longtemps, et il est plus que probable, monsieur le secrétaire d’État, que, lors de la prochaine révision de la directive Transparence, le droit communautaire choisira également la voie de l’assimilation large.
J’avais, par ailleurs, souhaité que les instruments financiers conférant une exposition économique puissent entrer dans le calcul du seuil de 30 % contraignant au déclenchement d’une offre publique d’achat.
À ce jour, le mode de calcul du seuil de 30 % dans la législation sur les OPA est strictement aligné sur celui qui s’applique dans le cadre de la législation relative à la transparence de l’information financière, c’est-à-dire les dispositions régissant les franchissements de seuils dont il vient d’être question.
Je persiste à penser, monsieur le secrétaire d’État, qu’il serait souhaitable de maintenir un tel alignement. Je doute fort, en effet, qu’un investisseur en arrive à posséder une exposition à une société, notamment par le biais de la détention d’instruments financiers complexes, supérieure à 30 % de son capital ou de ses droits de vote de manière fortuite. En tout état de cause, le fait d’atteindre ledit seuil laisse planer un doute sur la réalité des intentions de l’investisseur.
C’est précisément contre une telle ambiguïté que nous devrions lutter, car elle est dommageable pour le marché et laisse toujours ouverte la possibilité d’une prise de contrôle en quelque sorte « par surprise ». Le droit britannique a retenu ce raisonnement. Le droit français devrait donc aller plus loin que le texte de l’article 21 bis, dont, à la vérité, je m’explique mal la timidité.
De même, ma proposition, non reprise par l’article 21 bis, d’abaisser le premier seuil de déclaration à 3 % du capital ou des droits de vote me semblerait constituer un élément non négligeable en vue d’assurer une plus grande transparence.
Après avoir évoqué ces aspects techniques, qui reprennent le contenu de ma proposition de loi de juin 2011, je conclurai, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en regrettant que l’éventuelle adoption d’une question préalable par le Sénat nous empêche de débattre de manière plus approfondie de ce sujet comme de bien d’autres qui sont abordés par la proposition de loi Warsmann.
Il est clair que l’intitulé retenu pour ce texte, qui le fait passer pour une proposition de loi « de simplification », est pour le moins approximatif…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très approximatif !
M. Philippe Marini. Pour ma part, je préférerais que l’on s’exprime de façon plus transparente et qu’il soit question d’un texte « portant diverses dispositions d’ordre juridique, économique et financier ».
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et social !
M. Philippe Marini. Cher président de la commission des lois, le dépôt de textes de cette nature a été, vous le savez aussi bien que moi, une pratique très fréquente, notamment au cours des années 1990.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et 1980 aussi !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela a été censuré par le Conseil constitutionnel !
M. Philippe Marini. C’est une nécessité législative que de corriger des aspects techniques du droit, sans que cela justifie le dépôt d’un véhicule spécifique pour chacune des mesures.
Selon moi, le rejet par principe de ce type d’outils législatifs va véritablement à l’encontre des droits du Parlement. En effet, c’est bien en examinant des textes portant diverses dispositions que l’initiative parlementaire est maximale,…
M. Philippe Marini. … en ce qu’elle permet à chacun d’entre nous d’apporter des compléments utiles au sein de la législation.
Si je peux comprendre, monsieur le président de la commission des lois, que vous trouviez une certaine opportunité à agir de cette façon, il ne faudrait pas en arriver à jeter le bébé avec l’eau du bain ! (Sourires.) Car le bébé « diverses dispositions » me semble en définitive bien sympathique pour le législateur que nous sommes, du point de vue tant du respect des droits du Parlement que d’un bon partage des tâches au sein de nos institutions.
Ayant le souci de permettre au Sénat d’exercer au mieux son rôle législatif, vous me voyez attristé par la préconisation exprimée tout à l’heure.
Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour en revenir au point principal de mon propos, je me réjouis que l’on fasse quelques petites avancées en matière de régulation des marchés et en faveur d’une plus grande transparence de l’information financière grâce à cette proposition de loi. Il convient d’en remercier particulièrement nos collègues de l’Assemblée nationale, plus spécialement votre homologue, monsieur le président Sueur, l’excellent président de la commission des lois de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la complexité de notre droit et la lourdeur de nos démarches administratives sont régulièrement dénoncées.
Cette complexité est lourde de conséquences, soulignées d’ailleurs de façon récurrente par le Conseil d’État. L’empilement des normes et leur insuffisante clarté altèrent le fonctionnement de notre économie, découragent les citoyens, qui perdent leurs repères, et désorientent l’autorité publique.
L’accumulation des textes finit par brouiller la perception du politique et, en complexifiant souvent le droit, le rend aussi plus incertain.
Dans le même temps, le Conseil constitutionnel a posé comme principe que l’intelligibilité et l’accessibilité du droit constituent désormais des objectifs de valeur constitutionnelle.
Alors, comment sortir de cette contradiction, avec, d’un côté, une inflation législative dénoncée de longue date et, de l’autre, une volonté affichée, et légitime, d’avoir un corpus de règles juridiques plus lisible et plus accessible pour nos concitoyens ?
Répondre à cette question était précisément l’objet de la présente proposition de loi de simplification du droit.
Cela a été rappelé, mes chers collègues, ce texte n’est, il est vrai, que le tome IV de cette « œuvre » de simplification : il prend la suite de la trilogie commencée en 2007 et poursuivie avec les lois de simplification de 2009 et 2011. En effet, tout le monde le sait, la commission des lois de l’Assemblée nationale a décidé de faire de la simplification du droit l’un des fils conducteurs de son action pour la XIIIe législature, ce qui, il faut le reconnaître, relève plutôt d’une bonne intention.
Le texte qui nous est aujourd'hui soumis était attendu, notamment par les acteurs économiques, car il recèle de nombreuses mesures de simplification, applicables au quotidien dans nos entreprises.
Un texte attendu, donc, mais également un texte plutôt conforme aux préoccupations formulées par le Sénat ces dernières années. Notre Haute Assemblée a regretté à de nombreuses reprises que ces textes de simplification soient trop disparates, trop « fourre-tout ». Sans doute cette proposition de loi n’échappe-t-elle pas totalement à cette critique. Mais le souci de centrer l’objet de cette quatrième loi de simplification sur la vie des entreprises est parfaitement clair et mérite d’être salué.
Un texte attendu, plus conforme aux attentes du Sénat, et sans doute amendable, car certaines dispositions vont bien au-delà de la simplification et n’ont donc pas leur place dans cette proposition de loi. Ce travail d’amendement aurait pu être effectué par notre commission des lois à partir de l’analyse détaillée proposée par notre rapporteur.
Comme nombre de mes collègues, je m’attendais donc à un toilettage du texte, ou plutôt à un vrai travail d’amélioration de cette proposition. Mais il n’en est rien ! Contre toute attente, notre commission des lois préfère balayer ce texte d’un revers de la main plutôt que d’y apporter la plus-value qu’on peut attendre du Sénat.
Je le regrette, et d’autant plus que cette attitude est incohérente. Notre rapporteur, M. Michel, qui a effectué un travail de qualité, a lui-même reconnu qu’il aurait pu supprimer un grand nombre de dispositions de ce texte qui constituaient autant de cavaliers législatifs. Alors, pourquoi ne l’a-t-on pas fait ? Même si cela devait vous conduire, cher collègue, à supprimer huit articles sur dix, cela aurait été un vrai travail sur le fond du texte et aurait correspondu à ce que l’on attend de notre assemblée. Alors que la motion qui nous est proposée nous prive d’un débat au fond.
Nous en serons d’ailleurs définitivement privés puisque ce texte fait l’objet de la procédure accélérée et que, après le vote probable de la question préalable, le Sénat sera de facto, une fois encore, dans l’impossibilité d’amender le texte de nos collègues députés.
Que la nouvelle majorité adopte une position de principe sur certains textes plus politiques, quoi de plus légitime ? Je pense, par exemple, à la proposition de loi Ciotti que nous avons examinée récemment. Dans une telle configuration, la motion de procédure est tout à fait défendable : la majorité est contre le principe même du texte et l’amender ne servirait donc à rien ; la question préalable est alors justifiée puisqu’elle signifie que le Sénat refuse de débattre d’un texte qu’il considère comme inacceptable tant sur le fond qu’en opportunité. Mais ce raisonnement n’est pas applicable en l’espèce dans la mesure où l’on ne saurait qualifier le présent texte d’idéologique !
Notre groupe, vous l’aurez compris, est donc hostile à la motion visant à opposer la question préalable et regrette que notre Haute Assemblée ne puisse pas débattre du fond de ce texte, signant ainsi, une fois encore, un blanc-seing à nos collègues députés ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’essentiel a été dit par notre rapporteur, Jean-Pierre Michel, qui a auditionné, ces dernières semaines, une centaine de personnes. Le travail qu’il a ainsi accompli était d’autant plus nécessaire et il est d’autant plus appréciable que le manque de concertation est l’un des points faibles de l’élaboration de ce texte.
Disons-le d’emblée, l’objectif de simplification est certainement louable. Qui pourrait prétendre qu’il ne faut pas simplifier notre droit, sans doute devenu complexe. D’ailleurs, si l’on y réfléchit, il ne peut en être autrement puisque le droit doit dorénavant couvrir un champ multiforme, appréhendant toutes sortes de relations : familiales ou de voisinage, bien sûr, mais aussi commerciales, d’affaires, de travail. Il traite, globalement, de questions de société, il doit répondre à de nouvelles formes de violence ou régler des conflits nés des nouvelles technologies. Dans un monde complexe, le droit l’est forcément, lui aussi !
Cette profusion n’est pas nécessairement un mal : peut-on se plaindre que notre société soit une société de droit, c'est-à-dire une société dans laquelle le droit devient le maître mot de la vie quotidienne ? Je ne le crois pas. D’ailleurs, si l’on remontait l’histoire, on verrait que les sociétés sans droit ou celles qui laissent au droit une place moindre que les nôtres ne sont sans doute pas les meilleures possibles. Et je ne pense pas que, là où il y a moins de droit, le droit soit mieux compris ou mieux appliqué.
Disons-le, l’objectif de ce texte est d’autant plus louable que, selon un adage célèbre, « nul n’est censé ignorer la loi ». Si tel est le cas, il vaut mieux que le citoyen puisse davantage la comprendre !
Si la question posée par le texte est donc juste, la réponse qu’il apporte ne nous convient pas.
En effet, la première façon d’améliorer la loi, c’est de respecter le législateur. Cela signifie qu’il convient de lui donner les moyens de faire son travail, en commençant par lui accorder le temps nécessaire pour cela. C’est ainsi que peuvent ensuite être votées des lois claires, dont l’application ne souffre aucune ambiguïté.
L’objectif du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale est donc digne de respect dans son principe. Mais il est paradoxal de prétendre y parvenir en nous proposant un texte confus et hétéroclite qui, au cours du rituel parlementaire, n’en finit pas de « s’alourdir », pour reprendre l’expression de Bernard Saugey.
Monsieur le secrétaire d'État, j’ai bien entendu ce que vous nous avez dit à titre liminaire. Vous nous avez expliqué avec beaucoup de ferveur que ces lois sont tout à fait nécessaires à l’intérêt de notre pays. Et vous avez même terminé votre propos en lançant un appel à ce dernier.
Nous vous avons entendu, mais vous ne nous avez pas écoutés ! La question que, nous, nous posons est celle-ci : comment fait-on une bonne loi ? Et c’est la réponse à cette question qui explique la position que notre groupe prendra tout à l’heure.
Voilà quelques instants, mon ami Jacques Mézard a cité un exemple auquel je pensais moi-même, celui de la loi « fourre-tout » de 2009, qui est du même acabit que la présente proposition de loi. Le texte de 2009 était tellement fourre-tout qu’on y a même fourré une disposition qui a permis d’empêcher la justice de prononcer la dissolution de l’Église de Scientologie ! Qui a fourré cette disposition dans la loi ? Nous ne le savons toujours pas ! Comment a-t-on pu faire voter cette disposition par le Parlement ? Nous ne le comprenons toujours pas !
Cela est lié à la nature même de ce genre de dispositif : tout est tellement confus, l’ensemble est tellement hétéroclite qu’on peut y fourrer un article qui va modifier le dernier alinéa de tel article de tel code ! Et, au bout du compte, on ne peut plus prendre, à l’encontre de l’Église de Scientologie, les mesures qui devraient s’imposer ! Avouons que ce n’est pas un exemple de bon travail parlementaire !
Nous sommes arrivés au bout de la méthode employée depuis 2002. Ce type de textes cumule trois défauts : la complexification, la précipitation et l’ambiguïté.
La complexification provient du caractère de « loi fourre-tout » – vous n’aimez pas l’expression, monsieur le secrétaire d'État, mais je la reprends quand même – ou de « loi-balai ». On essaie de modifier trente-six textes à la fois ! Voulez-vous quelques chiffres ? Les quatre-vingt-quatorze articles de ce texte visent vingt et un codes, douze lois et cinq ordonnances ! Pas moins ! Au milieu du texte, le seul article 39, long de quatre pages, comporte quatre-vingt-douze modifications du code du travail ! Voilà à quoi vous nous invitez !
Le Conseil d’État, qu’il est toujours bon d’écouter, a lui-même souligné les limites de cet exercice de simplification et les risques d’insécurité juridique. Dans son rapport de 2006, il nous rappelait que « l’effort de simplification du droit ne conduit pas, dans l’immense majorité des cas, à une réduction du nombre d’articles ou de dispositions applicables, voire entraîne, au contraire, un alourdissement de certains textes, ce qui ne peut que rendre plus incertain l’apport concret pour les citoyens de telles mesures ».
Je pose d’ailleurs la question : pourquoi ne disposons-nous pas de l’avis du Conseil d’État sur le présent texte ? Il nous aurait, à n’en pas douter, très vivement intéressés !
Outre qu’ils sont une succession d’empilements, les textes de cette nature constituent le réceptacle idéal de cavaliers législatifs, qu’ils incitent par là même à introduire. C’est ainsi que près de soixante articles de cette proposition de loi ont été ajoutés entre la rédaction initiale et la version qui nous est soumise.
Deuxième défaut, sur lequel vous ne vous exprimez d’ailleurs guère : la précipitation. Toutes choses égales par ailleurs, pourquoi ne faut-il qu’une seule lecture pour un tel texte ? Nous ne le savons toujours pas !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il n’y a pas d’argument !
M. Alain Anziani. Il n’y a pas eu le moindre début d’explication ! Au nom de quel motif impérieux doit-il être examiné selon la procédure accélérée ? Nous n’y voyons que des inconvénients !
Par exemple, la réforme du droit des copropriétés ou la suppression du mandat exclusif des agences immobilières sont sans doute d’heureuses initiatives. Mais l’absence de concertation a été telle que les professions concernées ne comprennent toujours pas le sens des dispositions prévues.
Autre exemple : l’ajout d’un échelon régional aux unions d’associations familiales. Peut-être est-ce une bonne chose, mais, en l’état, cette innovation est contestée à l’échelon départemental.
Cette précipitation vaut pour les amendements. Jean-Pierre Michel l’a dit tout à l’heure, l’article 94 A pose le principe d’immunité des responsables de la MIVILUDES. Auteur d’un rapport sur ce sujet, je suis totalement favorable à un tel principe. Mais la question reste posée de savoir ce que cette immunité vient faire dans un tel texte !
Troisième défaut majeur : l’ambiguïté. Ce texte est ambigu parce que, là où il devrait simplement améliorer la loi, il introduit des novations qui ont un sens politique.
C’est le cas, par exemple, en matière de droit du travail. L’article 46 rend moins fréquente l’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels dans les très petites entreprises. Comme le souligne Mme Procaccia dans son avis, « c’est un bien mauvais signal envoyé aux chefs d’entreprise alors que la prévention est plus que jamais primordiale ».
Un autre exemple d’ambiguïté, qui a été relevé par Martial Bourquin, concerne le Grenelle 2 de l’environnement. Cette loi a posé, après de longs débats, le principe de la transparence environnementale et sociale des entreprises. Et voilà que, dix-huit mois plus tard, l’article 10 du présent texte le remet en cause en prévoyant d’exonérer les filiales de toute publication de cette nature. Les citoyens et les associations auront désormais beaucoup plus de mal à accéder aux informations, surtout si la société mère réside à l’étranger.
Je pourrais multiplier les exemples. Ainsi, l’article 72 bis, va modifier le poids maximal autorisé pour les poids lourds. Sous son apparente technicité, il ouvre un débat de fond : quels types de transports voulons-nous dans ce pays ? Ce débat mériterait d’avoir toute sa place et de ne pas être expédié au détour d’un tel texte.
Il en va de même pour la dépénalisation du droit des affaires. Est-ce que cela relève de la simplification ? Sans doute pas ! Est-ce que cela doit donner lieu à un débat spécifique ? Certainement ! Alors, il faut avoir le courage de l’organiser, de façon que chacun puisse s’exprimer.
En conclusion, je dirai que, pour notre groupe, il ne s’agit évidemment pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, de fuir la discussion et de laisser tous les pouvoirs à l’Assemblée nationale. Notre position est déterminée par des considérations de principe, qui peuvent se résumer dans cette question que je formule une fois encore : comment fait-on une bonne loi ? Certainement pas avec des textes de cette nature ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, M. le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous entendons tous nos concitoyens se plaindre de ce que les lois sont trop complexes, parfois illisibles, et qu’il y en a trop. Ce constat est certes basique, mais tellement vrai !
Et pourtant, nous sommes les premiers à déposer et à défendre des amendements visant à régler des situations dont nous font part les Français, qu’ils soient représentants associatifs, chefs d’entreprise, salariés, artisans ou professions libérales, afin de simplifier leur vie quotidienne, professionnelle ou personnelle. Il est donc peut-être de notre devoir, et c’est un questionnement permanent pour moi, d’éviter de légiférer sur l’exception, pour revenir à une législation globale qui rendra nos lois plus lisibles et compréhensibles.
Le Président de la République a souhaité très clairement une société de confiance, confiance envers les Français comme envers toutes nos entreprises. Bien sûr, cette confiance n’exclut pas le contrôle. Toutefois, la complexification croissante du droit ne contribue qu’à l’insécurité juridique, qui nous pénalise tous. Un vaste mouvement de simplification de notre droit, auquel notre commission des lois a largement contribué, a ainsi été engagé depuis le début de la législature.
En janvier 2009, Jean-Luc Warsmann remettait au Premier ministre un rapport relatif à la politique de simplification et à l’élaboration d’une stratégie pour une norme de meilleure qualité. Puis, le Parlement a adopté deux lois répondant à ces objectifs.
La loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures comporte cinq volets : elle oblige à prononcer l’abrogation des actes réglementaires illégaux ou sans objet ; elle propose des mesures de simplification pour les particuliers, les entreprises et les collectivités locales ; elle abroge diverses dispositions devenues sans intérêt.
La loi du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit améliore la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations, et adopte des dispositions de simplification relatives au statut des groupements d’intérêt public ; elle traite aussi d’urbanisme, de défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives, de droit pénal, du droit électoral applicable aux Français établis hors de France, du domaine sanitaire, social et médico-social ; elle habilite également le Gouvernement à modifier des dispositions législatives.
Le Gouvernement, et le groupe UMP l’en remercie, a proposé quatre-vingts mesures tendant à renforcer l’appui territorial aux PME, mais aussi à simplifier leur environnement administratif. Il est en effet important pour la cohésion de nos territoires de rapprocher deux mondes qui se connaissent mal, celui de l’entreprise et celui de l’administration. Le retour de la confiance commence là.
Parallèlement, le Président de la République avait confié, en janvier 2011, à Jean-Luc Warsmann une nouvelle mission, dont l’objectif était de « proposer des mesures de simplification, ambitieuses et concrètes, pour desserrer les contraintes excessives qui pèsent sur les entreprises, en particuliers les PME, mais aussi sur les artisans, les agriculteurs et les professions libérales ». Le Président ajoutait : « Ces propositions devront avoir pour objectif de rendre notre cadre juridique plus propice à l’initiative économique et à la création de richesses et d’emplois. »
Au terme d’un important travail d’analyse et de concertation, impliquant de nombreuses auditions, Jean-Luc Warsmann a remis, le 6 juillet dernier, son rapport sur la simplification du droit au service de la croissance et de l’emploi, qui préconise deux cent quatre-vingts mesures concrètes, d’ordre réglementaire, législatif ou européen.
Ce rapport a servi de base à la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale et dont nous sommes aujourd’hui saisis.
Vous l’aurez compris, cette proposition de loi est tout à fait digne que nous nous y intéressions en tant que parlementaires. Notre devoir se situe bien à ce niveau, et non dans le tréfonds de guerres politiciennes abortives, telles que celle que vous proposerez de déclarer, monsieur le rapporteur, en défendant tout à l’heure une question préalable que nous savons d’avance arithmétiquement adoptée.
La nouvelle majorité de la commission des lois, comme elle l’explique dans un communiqué, a en effet contesté la méthode consistant à inscrire dans un texte un grand nombre de dispositions extrêmement diverses. Elle déplore également que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée sur ce texte, alors que, selon elle, ce n’était aucunement justifié.
Eh bien, vous avez tout faux, mes chers collègues !
Le principe même d’un texte de simplification n’est-il pas de balayer notre arsenal législatif afin d’en extraire ce qui est inutile et de le rendre cohérent ? N’est-il pas urgent de le faire alors même que les Français expriment leur incompréhension face à certains points de notre droit ? Et n’est-ce pas ce que vous réclamez, mes chers collègues ? Dès lors, votre démarche apparaît incompréhensible : vous semblez raisonner à l’envers du bon sens !
Nous devons au contraire sortir de ces postures dogmatiques et nous montrer enfin pragmatiques ! C’est pourquoi le groupe UMP soutient l’idée essentielle de ce texte.
Oui, monsieur Michel, la nature de ce texte est très composite ! Mais en quoi cela peut-il nuire à la clarté des débats parlementaires ?
Nous partageons, pour partie, l’analyse du président Sueur, qui rappelait récemment : « Nous avons souvent dit notre désaccord avec les lois “ fourre-tout ” ». En revanche, je m’inscris en faux contre ses propos suivants. Ce n’est pas en votant une question préalable que nous mettrons fin au caractère hétéroclite de certains textes. Il eût été plus judicieux, selon nous, de travailler sur le texte adopté par l’Assemblée nationale, de déterminer ce qui relevait réellement de l’essentiel pour les Français dans la période que nous affrontons. Nous aurions ainsi gardé un certain nombre de dispositions et supprimé les autres.
Comme le président Hyest le faisait remarquer en commission des lois, « lors des précédentes propositions de loi Warsmann, nous avions supprimé des cavaliers ou des mesures qui modifiaient toute une législation, au gré de la navette ».
Nous pouvons reconnaître que cette loi de simplification comporte de bonnes choses, et rejeter les novations et les cavaliers ; nous l’avons déjà fait précédemment. Nous pouvons aussi nous appuyer sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous pouvons amender tout ce qui simplifie réellement le droit et supprimer tout ce qui n’a rien à faire dans cette loi.
Ne sommes-nous pas élus pour légiférer? Oui, monsieur le président Sueur, comme vous le dites, « il est essentiel pour la démocratie que l’objet de chaque loi soit clairement énoncé, qu’elle donne lieu à un débat explicite et approfondi sur chaque sujet, ce que ce type de loi-omnibus ne permet pas ». Mais selon une méthode plus intelligible que la vôtre !
D’autant que la question préalable présente un inconvénient majeur : lorsque celle-ci aura été votée, l’Assemblée nationale reprendra, non amendées, les dispositions qu’elle a précédemment adoptées. Ainsi, nous n’aurons en rien progressé, et c’est fort dommage. Si le Sénat débattait de ces mesures, en validait certaines et en rejetait d’autres, il aurait beaucoup plus de poids et, surtout, il accomplirait sa mission législative !
Il n’est pas de texte de simplification qui ne soit hétéroclite ; c’est une donnée de départ. Si on la refuse a priori, on ne simplifie jamais ! On ne va pas examiner 153 projets de loi – puisque tel est le nombre d’articles contenus dans le texte adopté par l’Assemblée nationale – modifiant chacun un article d’une loi ou d’un code ! Le Sénat ne saurait, en tant qu’institution de la République, refuser a priori de débattre d’un texte.
Devons-nous conclure que vous avez décidé de dépouiller le Sénat de son rôle institutionnel et constitutionnel ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Antoine Lefèvre. J’en reviendrai donc au fond, qui nous intéresse beaucoup plus que des manœuvres procédurières.
Pour encourager l’activité des entrepreneurs, le Gouvernement, comme nous l’a annoncé le Premier ministre le 14 novembre dernier, a mis en place une série de mesures de simplification.
Il y avait un certain nombre de progrès à accomplir, notamment dans le domaine de la commande publique. C’est pourquoi a été signé un décret portant à 15 000 euros le seuil de dispense de formalités dans le cadre des marchés publics, qui est aujourd’hui de 4 000 euros. Cette mesure entraînera, pour les collectivités territoriales, une diminution des formalités administratives, et épargnera aux entreprises de devoir établir, comme c’est trop souvent le cas, des devis concernant des travaux de faible montant qui n’aboutissent pas, la plupart du temps, à l’obtention du marché.
De plus, afin d’améliorer les relations entre l’administration et ses fournisseurs, le Gouvernement a compris, et nous l’en félicitons, qu’il fallait inviter les acheteurs publics à ne plus exiger des entreprises la fourniture d’informations qui ont déjà été transmises dans le cadre d’une précédente consultation. Il ne sert en effet à rien que les entreprises qui répondent à des marchés publics transmettent de multiples fois au cours de la même année leur dossier de présentation, comme si les acheteurs publics ne les connaissaient pas.
Il s’agit d’inciter les acheteurs publics à désigner un interlocuteur unique, jouant un rôle de médiation dans la résolution des difficultés qui pourraient apparaître lors de l’exécution du marché. Les entreprises sauront donc à qui s’adresser en cas de problème.
« Pour aller chercher la croissance », il faut penser à agir à tous les niveaux. Il était donc urgent de faciliter, entre autres, la vie des entreprises au quotidien.
C’est pourquoi le groupe UMP trouve totalement dommageable que vous refusiez de discuter de ce texte.
Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, « ce nouveau texte ressemble un peu moins que les précédents à un assemblage hétéroclite de cavaliers législatifs en déshérence, avec un ensemble de dispositions qui concernent en gros l’entreprise, qu’elles touchent au droit des sociétés, au droit du travail, au droit de la sécurité sociale ou à certains droits sectoriels ».
Ces sujets ne seraient-ils pas suffisamment importants à vos yeux pour mériter un débat au sein de notre Haute Assemblée ? Ces dispositions ne seraient-elles pas attendues par nos concitoyens au point qu’il soit urgent que nous légiférions ?
En cette période de crise – car nous ne pouvons nous offrir le luxe de l’oublier ! –, nous devons agir. La crise financière de 2008, puis la crise des dettes souveraines, et aujourd’hui ce qu’on pourrait appeler la « crise de l’Europe », se sont succédé et ont profondément touché nos économies. C’est pourquoi nous devons être plus compétitifs et plus créatifs ; à cet égard, le texte qui nous est soumis trouve toute sa justification.
Vous vous trompez lorsque vous dites que cette proposition de loi a été transformée par l’Assemblée nationale en « pavillon de complaisance pour des marchandises de toute nature ». Peut-on reprocher au législateur de se pencher sur les questions de la vie statutaire et sociale des entreprises, du soutien au développement des entreprises, de la lutte contre la fraude, du droit dans le secteur agricole, du droit des transports et du tourisme, du droit du logement, de l’aménagement et de la construction ?
Je crois surtout que vous avez peur d’affronter ces sujets et d’affirmer que beaucoup des mesures proposées vont dans le bon sens, celui de la simplification, de la lisibilité et de la compréhension pour nos concitoyens.
J’ai moi-même déposé des amendements sur ce texte, considérant que celui-ci sert aussi de véhicule législatif pour des propositions de bon sens visant soit à combler un vide juridique, soit à corriger des points de droit problématiques à l’usage. Mes propositions visent plus particulièrement le monde agricole, cher à nombre d’entre nous !
Je profite de cette tribune pour vous les exposer, monsieur le secrétaire d’État, puisque, si la question préalable est adoptée, mes collègues de la nouvelle majorité m’auront privé de la possibilité de les défendre.
L’une de mes propositions vise à perfectionner le cadre juridique de l’aide ponctuelle et bénévole apportée par les exploitants agricoles aux collectivités territoriales.
En effet, outre le soutien ponctuel et bénévole qu’ils apportent à leurs concitoyens, par exemple pour le déneigement et le salage des voies communales, ces agriculteurs contribuent également au bon déroulement d’un certain nombre d’activités festives, culturelles ou sportives.
Mme Sylvie Goy-Chavent. C’est clair !
M. Antoine Lefèvre. La jurisprudence leur reconnaît alors le statut de collaborateur occasionnel du service public.
Mon amendement tend, tout d’abord, à consacrer dans le droit positif la prise en compte de cette contribution bénévole des agriculteurs à l’animation de nos territoires, ensuite, à faciliter les modalités de l’application réglementaire de la loi en écartant l’exigence d’un décret en Conseil d’État prévue par le droit en vigueur.
Cet amendement, qui a été cosigné par de très nombreux collègues, reprend les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en mai dernier, elle aussi largement cosignée ; c’est la preuve qu’il est attendu dans nos territoires.
Une autre de mes propositions concerne la contribution due au titre de la formation professionnelle continue par les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.
Enfin, mon dernier amendement concerne le Fonds national de gestion des risques en agriculture, le FNGRA.
Lors du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en juillet 2010, l’engagement a été pris de rendre ces fonds opérationnels au début de 2011. Des soutiens publics seront mobilisés pour abonder ces fonds, avec un cofinancement à hauteur de 65 % par des crédits de l’Union européenne.
Le texte que nous tentons d’examiner est donc bien un véhicule législatif propice à l’inscription de ces amendements qui tendent à une plus grande clarté de notre droit, et donc de notre quotidien. Certes, il s’agit parfois de mesures très spécifiques, mais, comme l’a dit une de nos collègues, la vie est aussi faite de ces détails, et le débat permet justement à chacun d’en apprécier le bien-fondé.
J’en veux pour preuve le récent débat sur le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, à l’occasion duquel j’ai présenté un amendement reprenant les termes d’une proposition de loi que j’avais déposée en 2011. Alors même que le rapporteur avait tout d’abord émis un avis défavorable, le débat qui s’est engagé a permis d’emporter l’accord, non seulement du rapporteur, qui a modifié son avis initial, mais aussi du Gouvernement, et s’est conclu par un vote positif unanime des collègues présents, ce dont je les remercie. Voilà bien l’illustration de la nécessité du débat.
M. Antoine Lefèvre. C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe UMP votera tout à l’heure, comme il l’a déjà fait en commission des lois, contre la motion que vous allez présenter, monsieur le rapporteur. Pour nous, en effet, l’avenir se construit aussi par la simplification et la lisibilité de nos normes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce stade de notre discussion générale, nous avons entendu un florilège d’expressions de toute sorte visant à qualifier cette proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives : « loi fourre-tout », « train à trois classes », « voiture-balai ».
Cela me conduit à formuler trois observations, qui ont déjà été formulées à cette tribune. Aussi, je me propose d’être brève sur les deux premières et de développer la troisième au travers d’un exemple.
La critique portant sur le caractère « fourre-tout » de cette proposition de loi est juste, mais aucunement nouvelle. Lors de l’examen de la précédente loi de simplification, nous avons été nombreux – en particulier les rapporteurs, M. Saugey, M. Maurey, Mme Henneron, ainsi que le président Hyest – à déplorer ce type de textes.
Cette critique est juste, mais aussi fort hypocrite, car nous avons tous contribué à surcharger les précédents textes de simplification.
Cette critique est juste, mais la solution proposée est mauvaise et, ajouterai-je, inopportune.
Si je m’en tiens aux articles soumis à l’avis de notre commission des affaires sociales, cette proposition de loi s’avère être principalement un texte technique, qui s’attache à résoudre de nombreux problèmes quotidiens des Français et qui répond aux attentes de nos entreprises, de nos administrations publiques, de nos organismes sociaux.
En ces temps de crise, de crainte de l’avenir, de questionnement, nos concitoyens n’attendent pas de nous que nous nous plaignions des textes brouillons qui nous sont soumis. Ils nous demandent simplement d’y travailler, afin de répondre à leurs préoccupations.
Je trouve inconcevable que la commission des affaires sociales ne puisse améliorer, comme elle l’a toujours fait, un texte où figurent tant de dispositions relevant de son domaine de compétence !
Catherine Procaccia, notre rapporteur pour avis, a bien défendu ce point de vue. Je m’attacherai donc à prendre, pour illustrer mon propos, un exemple significatif, celui de la déclaration sociale nominative. Il s’agit d’une véritable mesure de simplification qui est réclamée depuis plusieurs années tant par nos entreprises que par nos administrations publiques, et qui peut encore être encore améliorée à partir de la version du texte votée par les députés.
Le 28 octobre 2010, j’ai été conviée par l’Association pour la simplification et la dématérialisation des données sociales à une réunion de travail sur le thème de l’allégement de la charge administrative des entreprises, en particulier de leurs obligations sociales.
C’est un sujet sur lequel, je dois l’avouer, j’avais jusqu’alors peu travaillé. Cette invitation m’a permis de m’y intéresser très sérieusement.
L’enjeu est important : la simplification des procédures administratives est un puissant levier de compétitivité pour l’ensemble des entreprises françaises,…
Mme Muguette Dini. … car elle permet aux dirigeants de consacrer leur temps et leurs ressources à leur cœur de métier, à savoir le développement de leurs entreprises.
Si l’on ne tient compte que des déclarations sociales les plus courantes, les entreprises françaises effectuent plus de 70 millions de démarches de ce type par an. Le temps consacré par les employeurs à la réalisation des déclarations sociales autres que la déclaration unique d’embauche par voie électronique varie entre quinze heures par mois en moyenne pour une entreprise de un ou deux salariés et mille heures par mois pour une société employant plus de 2 000 salariés.
À tout moment de son existence, une entreprise doit se plier à un certain nombre de formalités obligatoires, car la plupart des événements ponctuant sa vie entraînent des obligations administratives et déclaratives d’ordre social. Ainsi, j’ai répertorié pas moins de dix-sept déclarations sociales obligatoires par personne et par an.
L’entreprise est aussi encore trop souvent un « guichet d’information » pour l’ensemble des administrations et organismes sociaux, alors que ces derniers devraient échanger directement les données déjà en leur possession.
Ces pratiques reportent sur l’entreprise un poids administratif insupportable et injuste, quand le développement des bases de données et des systèmes informatiques pourrait permettre un transfert efficace d’informations d’un organisme à un autre.
Il faut reconnaître que la déclaration unique d’embauche et les déclarations annuelles de données sociales ont permis de regrouper un nombre significatif de déclarations et de limiter le nombre de leurs destinataires. Cependant, il faut évidemment aller beaucoup loin et être plus ambitieux en matière de simplification des démarches administratives.
Tel est l'objet de l’article 30 de ce texte, au travers de la mise en œuvre de la déclaration sociale nominative.
Aujourd’hui, près de 3 000 données sont demandées en moyenne chaque année à une entreprise, à l’occasion de ses diverses déclarations.
La déclaration sociale nominative, qui serait mise en place grâce à ce texte, a pour objectif de transmettre de façon dématérialisée des données sociales depuis l’entreprise vers les organismes de protection sociale, en se substituant aux nombreuses déclarations sociales ou statistiques.
À terme, elle sera directement issue des logiciels de paie des entreprises pour être déposée sur un site unique, ce qui permettra de simplifier les démarches relatives aux déclarations sociales. En outre, les employeurs n’auront plus à fournir plusieurs fois les mêmes données à l’administration.
Cet énorme bond en avant peut être encore plus important. Une telle simplification de forme doit, en effet, s’accompagner du même mouvement pour le fond, par l’harmonisation des technologies, des assiettes, des indicateurs, des échéances.
Ce sont là des demandes de simplification dont nous sommes saisis régulièrement et que notre commission des affaires sociales aurait pu porter.
Or, chers collègues de la majorité sénatoriale, vous nous proposez une motion empêchant l’examen d’un texte positif, qui aurait pu être encore amélioré par des amendements constructifs. Une fois de plus, vous nous contraignez à l’abandon de notre capacité législative. Aussi, comme l’a indiqué notre collègue Yves Détraigne, les membres du groupe UCR voteront, dans leur grande majorité, contre la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite avant tout saluer le travail de précision que Mme Procaccia, rapporteur pour avis de notre commission des affaires sociales, a mené à l’occasion de l’examen de ce texte.
Pour autant, en commission, au nom de la majorité, j’ai plaidé le rejet de ce texte, et je veux m’en expliquer maintenant devant vous tous.
Quatre raisons éclairent notre position.
La première est une raison de forme, qui a déjà été évoquée ici : cette proposition de loi, inscrite à notre ordre du jour au début du mois de janvier, au cours d’une semaine réservée par priorité au Gouvernement, n’est, à l’évidence, que le faux nez d’un projet de loi. Selon nous, un tel stratagème ne contribue ni à la clarté ni à l’efficacité de la démarche législative.
Mme Nathalie Goulet. Et pour le génocide arménien ?
M. Claude Jeannerot. La deuxième raison de notre opposition tient au caractère fourre-tout de ce texte, maintes fois souligné, qui ne permet de garantir ni la lisibilité ni la sécurité juridique.
Rendez-vous compte, mes chers collègues : cette proposition de loi de M. Warsmann est en fait le sixième texte du genre. Elle succède à deux lois adoptées sous la législature précédente et aux lois Warsmann promulguées respectivement en 2007, en 2009 et le 17 mai 2011.
Parmi les textes fourre-tout, il faut citer également la loi de modernisation de l’économie ou le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, voté au Sénat à la fin du mois de décembre dernier.
Cela ne fait-il pas beaucoup pour une seule législature ?
Au-delà de cet aspect, ce texte modifie une vingtaine de codes et une série de lois non codifiées. C’est dire la complexité et la variété des thèmes qu’il aborde. La commission des lois, compétente au fond, a dû saisir pas moins de quatre commissions pour avis !
Le résultat de ces pratiques est que les lois deviennent illisibles pour nos concitoyens. « Droit ésotérique », « droit à l’état gazeux » ou « droit obscur » : telles sont, vous le savez, mes chers collègues, les critiques formulées contre notre législation par de nombreux observateurs.
Lorsqu’il était président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré a eu souvent l’occasion de souligner les dangers et les lacunes de nos méthodes législatives. Soyons attentifs aux différents rapports du Conseil d’État, qui déplorent ponctuellement la « logorrhée législative » ou les « risques d’insécurité juridique », ces deux caractéristiques étant en général indissociables.
Il est loin, et sans doute définitivement révolu, le temps où Rousseau affirmait que « tout homme qui ne sait pas par cœur les lois de son pays n’est pas un bon citoyen ». Toutefois, comment garantir aujourd'hui que les citoyens, à tout le moins, n’ignorent pas la loi ?
La troisième raison de notre rejet de cette proposition de loi tient aux risques d’incohérence qu’elle comporte.
Les textes de ce type enflent démesurément, sous un triple effet.
Tout d'abord, l’administration s’en sert comme véhicules législatifs pour vider ses fonds de tiroirs ; je pense, et il ne s'agit que d’un exemple parmi d’autres, à la disposition de l’article 37 qui vise à étendre la télétransmission aux petites entreprises et dont le Conseil d’État a souligné la nature réglementaire.
Ensuite, le Gouvernement les utilise pour revenir sur des arrêts de la Cour de cassation qui lui déplaisent.
Enfin, les lobbies en profitent pour y inscrire leurs préoccupations, car tel est bien le risque inhérent à de telles pratiques.
On demande aux parlementaires de sauter d’un sujet à l’autre – transport, fiscalité, droit du travail ou de la sécurité sociale, dépénalisation du droit des affaires – comme on passe du coq à l’âne.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C’est le quotidien des entreprises que de passer du coq à l’âne !
M. Claude Jeannerot. Il n’en résulte qu’un bricolage de dispositifs, sans aucune vision d’ensemble, avec tous les dangers que comporte pareille méthode.
Selon nous, cette façon de légiférer n’est ni efficace ni pertinente. Pis, elle contredit la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a évoqué l’objectif à valeur constitutionnelle « d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi » dans sa décision du 16 décembre 1999 et consacré le principe de « clarté de la loi » dans celle du 13 janvier 2005. Le Conseil constitutionnel, qui a pourtant interdit les lois « portant diverses dispositions », n’a manifestement pas été entendu : bien que l’intitulé du texte ait changé, le fond reste tout aussi incohérent.
Si certaines simplifications sont anodines, d’autres emportent de lourdes conséquences, dissimulées sous des arguments techniques, notamment en matière de droits des salariés ou de droit de la santé.
J’illustrerai mon propos par un exemple emprunté au droit du travail : l’article 46 du texte, qui prévoit que l’employeur rédige un document unique d’évaluation des risques à une fréquence inférieure à un an dans les entreprises de moins de onze salariés, est symptomatique de ce risque d’incohérence. En effet, les salariés des très petites entreprises doivent être aussi bien traités que ceux des grandes sociétés, d’autant que, nous le savons, leurs salaires ne sont pas toujours aussi élevés et que leurs conditions de travail sont souvent moins favorables. Or cette disposition, qui n’est qu’un exemple parmi d’autres, comporte des risques réels de rupture d’égalité dans la protection des travailleurs.
Enfin, et c’est la quatrième raison qui nous conduit à rejeter cette proposition de loi, il nous est demandé d’examiner ce texte dans la précipitation. Quelle que soit la qualité du rapport, qui est réelle, je déplore de telles conditions de travail, car elles ne sont pas dignes de nos fonctions et de notre responsabilité. Nous restons à la surface des choses, sans pouvoir mesurer les conséquences de dispositions adoptées à l’aveugle.
M. Maurey soulignait tout à l'heure que le Sénat devait demeurer un lieu de sagesse et de réflexion. C’est précisément parce que nous voulons le considérer comme tel que nous refusons cette manière de travailler, qui nous semble incompatible avec les exigences de la démocratie représentative !
Pour toutes ces raisons, nous avons considéré que ce texte méritait d’être rejeté. Ce faisant, nous rejoignons Portalis lorsqu’il affirmait que la loi « permet ou elle défend », qu’« elle ordonne, elle établit, elle punit ou elle récompense ». Rendons donc à la loi la force et la clarté qu’elle mérite et qu’elle exige ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, me voilà une nouvelle fois amenée à intervenir sur un texte dont j’aurais voulu qu’il fût autre, un texte dont mes prédécesseurs à cette tribune ont dit que, de simplification et d’allégement, il était devenu un texte de complexification et d’alourdissement de tous les dispositifs législatifs concernés.
Je ne saurais mieux dire que ceux qui sont intervenus avant moi combien la profusion des textes législatifs, souvent de pure opportunité ou utiles à la seule communication, nuit à l’image du Parlement tout entier et des parlementaires, qui perdent leur crédibilité aux yeux de leurs concitoyens quand ils adoptent des lois incompréhensibles, confuses et, plus grave encore, inapplicables. (M. Ronan Kerdraon applaudit.)
J’avais en d’autres temps, en d’autres lieux, alors que j’occupais d’autres fonctions, alerté qui de droit sur les raisons de la prolifération de ces mouvements dits « citoyens » qui, dans les faits, se substituent à la parole des élus, des parlementaires tellement décriés, moqués et mis chaque jour un peu plus devant leurs contradictions.
Aujourd’hui, parlementaire moi-même, je me refuse à être considérée comme œuvrant pour rien, à être tenue pour l’une de celles ou ceux qui ignorent tout de la réalité du terrain et s’ingénient à voter des lois inapplicables et inappliquées, certaines relevant d’ailleurs beaucoup plus du pouvoir réglementaire que du pouvoir législatif.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui appartient à cette catégorie de textes dont on perçoit mal l’objet ou dont, au contraire, on voit parfaitement que, derrière une apparente nécessité, ils cachent des desseins compliqués, voire peu avouables.
M. Claude Domeizel. Très juste !
Mme Anne-Marie Escoffier. Je voudrais souligner le talent de nos excellents rapporteurs, au fond ou pour avis, qui ont tous cherché à justifier la part de texte qui leur revenait. Ils ont eu en cela un mérite que je tiens à saluer.
J’adresse tout naturellement mes compliments à Mme Procaccia, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Avec un art consommé, elle a donné du sens aux dispositions du texte qui relèvent du champ de compétence de cette commission, en les regroupant par thèmes.
Je citerai la situation des salariés, qu’il s’agisse de ceux qui sont privés d’emploi pour inaptitude d’origine non professionnelle, de ceux qui peuvent bénéficier d’un salaire pendant les jours fériés chômés, de ceux qui sont soumis à des risques professionnels dans les très petites entreprises, ou encore de leur situation au regard du droit à congés payés.
Je prendrai aussi l’exemple de la négociation collective, comprenant les obligations de négocier dans différents cas, les accords de modulation du temps de travail, le mandatement dans les toutes petites entreprises de presse, la certification des comptes incombant aux partenaires sociaux et au comité d’entreprise.
Je n’oublierai pas les infractions à la législation du travail, non plus que la définition et l’encadrement du télétravail, les droits et obligations des employeurs agricoles et de leurs salariés en matière de régime de retraite.
Dans le domaine de la sécurité sociale, je citerai l’utilisation de la voie électronique, la déclaration sociale nominative, dont a parlé Muguette Dini, le rescrit social, les contrôles administratifs.
Dans le secteur de la politique de la famille et de l’enfance, je mentionnerai les unions régionales des associations familiales, les moniteurs de colonies de vacances.
J’ai volontairement repris tous les points qui, dans le rapport soumis à la commission des affaires sociales, ont fait l’objet d’un développement et de propositions dont le bien-fondé est incontestable. Mais, mes chers collègues, vous n’aurez pas manqué, d’une part, de relever le caractère disparate des mesures annoncées et, d’autre part, de noter que beaucoup de ces dispositions, de par la nature même des sujets abordés, nécessiteraient de vrais débats.
Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales nous a bien assurés avoir pris langue avec les organisations et organismes représentatifs des salariés. Mais qui peut, dans cette enceinte, imaginer que, sans débat de fond, l’on traite, par exemple, du temps partiel ou encore du télétravail, de la déclaration sociale nominative, et cela dans le cadre de la procédure accélérée ? Ne serait-ce pas une faute de notre part d’accepter purement et simplement de voter des dispositions dont nous aurions été dans l’incapacité de mesurer la portée ? Nos concitoyens seraient en droit de nous reprocher un travail non réfléchi, bâclé.
Ne serait-ce pas trahir l’engagement qui est le nôtre, à savoir servir loyalement, avec rigueur, la République et de pouvoir, la tête haute, justifier auprès de nos électeurs nos prises de position ?
En aucun cas, je ne me sens autorisée à prendre pareille responsabilité dans ce contexte, face à un véritable patchwork, qui n’a rien d’artistique, mais qui présente certaines petites pièces utiles, voire indispensables. Je pense à la disposition relative aux moniteurs de colonies de vacances qui, bien qu’essentielle au bon fonctionnement de celles-ci, ne sera pas votée. Mais pourquoi avoir attendu cette proposition de loi chaotique, alors que cette disposition aurait certainement pu opportunément trouver sa place, et depuis longtemps, dans un autre texte ? (Mme Sylvie Goy-Chavent approuve.)
Dans ces conditions, je ne peux que joindre ma voix au concert de ceux et de celles de mes collègues qui ont refusé d’examiner, dans les conditions qui ont été rappelées, cette proposition de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et de l’UCR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous étions censés commencer aujourd’hui l’examen de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. À mon tour, je regretterais vivement que nous ne puissions nous y atteler, dès lors que le Sénat adopterait la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Tout n’est pas perdu : peut-être va-t-il éviter de commettre cette erreur !
M. André Reichardt. Certes, comme cela a été indiqué, ce texte n’est pas parfait ; il est jugé trop disparate par certains, trop régressif par d’autres. Mais tout l’intérêt est d’en discuter afin de l’améliorer !
J’en suis moi aussi certain, ce texte est utile à la simplification de notre droit. Il s’inscrit dans la démarche de simplification de l’ordonnancement juridique national engagée depuis plusieurs années et vise les normes qui pèsent sur les forces économiques de notre pays.
On le sait, et M. le secrétaire d’État en a fourni tout à l'heure des illustrations, la complexité administrative affecte durement le dynamisme, la compétitivité et l’efficacité de nos entreprises. La simplification des normes se révèle donc être un enjeu majeur pour l’avenir de celles-ci. Nous ne sommes pas sans savoir que les PME représentent un grand potentiel d’emploi.
Pour respecter l’objectif de compétitivité de nos entreprises, de croissance et d’emploi dans notre pays, il est de notre devoir, mes chers collègues, de dépasser les querelles partisanes, de faire abstraction un instant des échéances électorales à venir et de nous mettre d’accord sur des mesures nécessaires et jugées comme telles par les acteurs des différents secteurs économiques.
Quel que soit le côté de l’hémicycle où nous siégeons, nous sommes tous convaincus de la nécessité d’aider les PME et de trouver les meilleurs outils juridiques possibles.
Dans ces conditions, le choix de la commission des lois de déposer une motion tendant à opposer la question préalable afin de ne pas examiner cette proposition de loi est, à mon sens, éminemment regrettable.
En commission, l’opposition sénatoriale a proposé d’éluder les articles à caractère politique et de n’aborder que les points techniques répondant aux attentes de nos concitoyens. Je déplore vivement que la majorité sénatoriale ait rejeté cette proposition.
Si je prends la parole en cet instant, à la fin de la discussion générale, c’est parce que, malgré tout, chers collègues siégeant sur la gauche de cet hémicycle, je ne désespère pas de vous amener à changer d’avis.
Pour monter à quel point la présente proposition de loi est utile, je voudrais revenir sur des amendements que j’ai déposés sur ce texte et qui répondent à des attentes fortes de certains secteurs d’activité.
Le premier thème que je souhaite aborder est celui de la qualification professionnelle dans l’artisanat. Comme a bien voulu le rappeler M. le secrétaire d’État, c’est un secteur que je connais bien.
La loi du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat confie au décret le soin de déterminer les diplômes, les titres ou la durée de l’expérience professionnelle qui justifient la qualification à établir. Or la validation des acquis de l’expérience fait désormais l’objet d’une réglementation spécifique et applicable à tous les métiers sanctionnés par un diplôme ou un titre. Le diplôme pouvant être acquis par l’expérience, la disposition relative à la durée de l’expérience professionnelle est devenue inutile. Par conséquent, il semble souhaitable d’en faire une simple disposition complémentaire, de telle sorte que le décret puisse imposer une telle expérience, si cela s’avère nécessaire, en plus du diplôme ou du titre requis, et non à leur place.
Par ailleurs, la liste fixée à l’article 16 de cette même loi vise tantôt une activité définie de façon très large – telle que « le bâtiment » –, tantôt une activité réduite à un seul métier. Si, dans ce dernier cas, l’application de la loi ne pose pas de difficulté, il n’en est pas de même lorsque l’activité est définie de façon très large. La doctrine administrative considère, en effet, qu’un diplôme ou une expérience suffisante dans l’un des métiers faisant partie de cette activité qualifie son détenteur dans tous les autres. Un peintre serait ainsi qualifié pour effectuer des travaux de charpente, un poissonnier pourrait ouvrir une pâtisserie…
Cette application littérale de la loi, que personne ne comprend, pourrait aisément être corrigée par une simple modification qui préciserait que le décret déterminant le niveau des qualifications requises doit le faire métier par métier.
Mes chers collègues, ces simples modifications à caractère strictement technique sont très attendues par les organisations professionnelles et nous pourrions aujourd'hui leur donner satisfaction.
Le deuxième point que je souhaite développer concerne une forte attente des artisans et commerçants de ma région, l’Alsace-Moselle : il s’agit de clarifier la situation des anciens commerçants et artisans au regard de la faillite civile d’Alsace-Moselle.
Mes chers collègues, c’est bête comme chou ! À compter de la cessation de leur activité professionnelle, ces personnes n’ont plus la qualité de commerçant ni d’artisan. Pour autant, elles sont soumises au droit commun des procédures collectives. Or le passif des personnes retirées de la vie des affaires est très souvent composé d’anciennes dettes professionnelles et de dettes de la vie privée.
De ce fait, le traitement du passif relève de deux types de procédures, à savoir la procédure de surendettement des particuliers pour les dettes non professionnelles et les procédures collectives commerciales pour les dettes professionnelles.
Une telle situation n’est pas heureuse au regard de la lisibilité ; elle l’est encore moins du point de vue de la simplicité de la règle de droit. Pour le débiteur, elle complexifie l’exercice du droit à bénéficier d’une procédure d’apurement de son passif. Il serait donc nécessaire de traiter globalement, par le biais de la procédure de faillite civile, toutes les dettes du débiteur, professionnelles et non professionnelles.
Une telle mesure pourrait être votée aujourd'hui, si tant est, chers collègues des travées de gauche, que vous vouliez bien renoncer à opposer la question préalable.
J’espère vous avoir prouvé à partir de ces exemples strictement techniques que la présente proposition de loi a véritablement pour objet de simplifier le droit et présente une réelle utilité pour nos concitoyens et pour de nombreux secteurs d’activité.
Dans le texte que nous propose notre collègue député Jean-Luc Warsmann, figurent beaucoup d’autres dispositions tout aussi bonnes que celles que je viens d’évoquer. Je pense au coffre-fort numérique, qui vous est cher, monsieur le secrétaire d'État, à la simplification du bulletin de salaire, à la déclaration sociale unique, dont même un âne verrait l’utilité, ou à l’extension du rescrit dans le champ social.
Dès lors, je vous en conjure, mes chers collègues, vous pouvez encore changer d’avis et permettre que le débat se prolonge. Je suis persuadé que M. le président de la commission des lois est, lui aussi, convaincu de l’intérêt de cette proposition de loi, mais qu’il n’ose le reconnaître.
Je vous engage donc tous et toutes à suivre ma position et à ne pas adopter la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les dispositions de cette proposition de loi sont pour le moins disparates, comme nombre d’orateurs l’ont indiqué cet après-midi.
Nous avons bien compris l’activisme du Gouvernement en cette période politiquement difficile, activisme qui ne s’embarrasse guère du strict respect du droit, use et abuse des cavaliers législatifs. Nombre de mes collègues ont dénoncé avant moi cette véritable cavalerie.
Finalement, nous sommes presque étonnés de ne pas trouver dans ce texte des dispositions sur la TVA sociale ou sur le projet d’instaurer une sorte de taxe Tobin à visée non plus internationale, mais nationale. (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Monsieur le secrétaire d'État, c’était une belle occasion, je le reconnais. Je suis donc un peu déçu que vous nous priviez d’un tel débat dans l’hémicycle cet après-midi, mais nous comptons sur votre frénésie législative pour revenir rapidement sur ces deux points. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
On trouve néanmoins, dans ce texte fourre-tout, bien des indications sur vos objectifs politiques, à commencer par les limitations apportées à la publication du bilan social et environnemental des entreprises. L’idée d’exonérer les filiales des grands groupes de l’obligation de publier ce rapport est significative de votre approche des enjeux du développement durable : un monde où de grands groupes pourraient dissimuler dans des filiales peu surveillées leur manque d’ambition en la matière, voire leurs atteintes aux droits sociaux et environnementaux, pendant que leurs maisons mères brilleraient en société en vantant leurs réalisations exemplaires.
À travers cet amendement de soutien à un greenwashing institutionnalisé, vous nous dépeignez un monde – votre monde – où une communication volontariste aurait constamment pour fonction de dissimuler la réalité de faits bien moins glorieux. Ce texte est finalement assez représentatif d’une époque, bientôt révolue nous l’espérons, où le dire et le faire auront souvent été en opposition, cette dernière étant même érigée en système de gouvernance.
Il faut encore souligner, s'agissant toujours de la responsabilité sociale des entreprises, la RSE, que cette séquence parlementaire aura été placée par le gouvernement auquel vous appartenez, monsieur Lefebvre, sous le signe du détricotage systématique des engagements du Grenelle de l’environnement, du point de vue tant financier que réglementaire. Mais, comme l’a dit l’actuel Président de la République, « l’environnement, ça suffit » !
Je prendrai un second exemple, celui de l’article 72 bis, qui, faisant suite à un décret du 17 janvier 2011, vise à inscrire dans la loi le relèvement de la norme maximale du poids total autorisé des véhicules sur nos routes à 44 tonnes pour cinq essieux.
Cette disposition est évidemment un exemple type de cavalier législatif : on peut légitimement se demander ce que l’augmentation du tonnage vient faire dans une proposition de loi dite de « simplification du droit ».
En outre, cette disposition constitue une aberration économique, compte tenu des implications de la circulation des poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux sur l’état des routes. Comme l’a souligné Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, le surcoût d’entretien des chaussées pourrait représenter entre 400 et 500 millions d’euros par an ! Voilà une somme conséquente qui ne se trouve pas sous le sabot d’un cheval, même mené par un cavalier législatif… (Sourires.)
Le décret du 17 janvier 2011 a été adopté avant même la publication des rapports prévus par la loi Grenelle 1. Selon le Gouvernement, le fait de porter « la limite du poids total autorisé en charge des poids lourds de 40 à 44 tonnes » permettrait « d’améliorer la compétitivité du secteur des transports et de réduire le nombre des poids lourds utilisés pour le transport de marchandises pondéreuses et, par voie de conséquence, les émissions de CO2 ».
L’intention est louable sur le papier, mais, en réalité, elle se situe bien loin des engagements du Grenelle de l’environnement, qui visait notamment à soutenir les modes de transport alternatifs à la route ! Avec ce décret, il s’agit encore et toujours de privilégier le transport routier au détriment du fret ferroviaire, fluvial et maritime. De manière significative, la part du fret ferroviaire a été divisée par deux en dix ans en France, alors qu’elle doublait en Allemagne sur la même période.
Cet article est en totale contradiction avec les récentes déclarations du Gouvernement et les engagements, nourris par ce même « volontarisme du dire », pris lors des Assises du ferroviaire sur le nécessaire rééquilibrage des modes de transport au profit du fret. Il s’agit là d’une nouvelle atteinte à l’esprit du Grenelle, mais nous savons que cet esprit n’anime plus le Gouvernement depuis longtemps, monsieur le secrétaire d’État !
Sur la forme comme sur le fond, ce texte est donc « indigne » – le mot a été employé dans cet hémicycle – d’un travail parlementaire sérieux. Par conséquent, mes chers collègues, je ne puis répondre favorablement à la demande que vient de formuler André Reichardt : vous l’aurez compris, les écologistes voteront cette motion tendant à opposer la question préalable. De fait, nous sommes convaincus que le Sénat ne devrait plus avoir à discuter de ce type de textes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de remercier l’ensemble des sénatrices et sénateurs qui se sont exprimés dans ce débat. Chacun a pu préciser les points de la proposition de loi auxquels il était favorable ou défavorable.
Après vous avoir écouté les uns et les autres – j’ai également lu les rapports, comme je l’ai précisé dans mon intervention liminaire –, je pense que ce débat est absolument essentiel. En effet, beaucoup de sujets ont été ouverts par les rapporteurs et par un certain nombre de sénateurs appartenant tant à la majorité qu’à l’opposition sénatoriales. Nous pouvons nous retrouver sur un certain nombre de points, nous expliquer sur d’autres. Dans tous les cas, nous devons engager un débat de fond.
De fait, j’ai bien noté que chacun d’entre vous souhaitait engager ce débat, soit parce qu’il regrettait telle ou telle disposition, soit parce qu’il soutenait telle ou telle autre. C'est la raison pour laquelle j’ai bon espoir que la motion soit finalement rejetée.
Monsieur Michel, je vous remercie du travail que vous avez accompli. En tant que rapporteur, vous avez conduit quatre-vingt-dix auditions, me semble-t-il. Votre soutien à la motion tendant à opposer la question préalable me paraît en décalage avec ce travail effectué minutieusement au nom de la commission des lois.
Je voudrais souligner combien j’ai apprécié la mention, dans votre rapport, de votre attachement à la « nécessaire » simplification du droit. Je pense comme vous que cette simplification est nécessaire.
Vous considérez également que certaines mesures de cette proposition de loi sont « de bonnes choses », notamment la création, prévue par l’article 57, d’un fichier national automatisé des interdits de gérer. Permettez-moi de vous inviter, monsieur le rapporteur, à mesurer l’importance d’aller au fond du débat : les entrepreneurs n’attendent pas de nous que nous exprimions des points de vue ; ils attendent des faits, des décisions. Tel est précisément l’objectif de cette proposition de loi.
À mon sens, l’argument selon lequel certaines dispositions de ce texte constitueraient des cavaliers législatifs ne devrait pas empêcher le débat d’avoir lieu.
Vous critiquez la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre une armoire sécurisée numérique, mais cette initiative est attendue par les acteurs économiques, qui doivent produire jusqu’à soixante-dix fois les mêmes informations. J’espère que vous mesurez à quel point le débat est essentiel.
Mme Nicole Bricq, rapporteur pour avis de la commission des finances sur cette proposition de loi, a indiqué qu’elle soutenait la motion. Pourtant, étant donné l’importance des enjeux de simplification du droit pour nos entrepreneurs, il me semble que cette proposition de loi aurait mérité plus d’intérêt.
Mme Bricq dit regretter la dynamique que le Gouvernement souhaite enclencher à travers ce texte. Je me permets au contraire d’insister sur le fait que le temps politique doit rejoindre le temps économique.
J’ai entendu beaucoup de critiques sur la méthode : le choix d’une loi de simplification, l’insuffisance du temps pour discuter, le passage d’un sujet à l’autre, d’un code à l’autre, d’une loi à l’autre… Vous avez déclaré que cela compliquait le travail des parlementaires. Cependant, imaginez à quel point il est compliqué pour les acteurs économiques de devoir quotidiennement passer d’un texte à l’autre, d’une disposition à l’autre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est l’arroseur arrosé !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, à travers ce texte, de simplifier et d’alléger les charges des entreprises.
Je me joins aux membres de la commission des affaires sociales pour saluer l’excellent travail que vous avez accompli, madame Procaccia. La reconnaissance de la qualité de votre rapport constitue d’ailleurs mon seul point d'accord avec l’intervention de Mme Escoffier, qui n’est visiblement pas convaincue de la nécessité de simplifier le droit.
Comme vous, Madame Procaccia, je suis déterminé à faire en sorte que le pragmatisme – c’est le mot que vous avez employé – puisse triompher. Vous avez cité nombre de dispositions utiles souhaitées tant par les syndicats que par les entrepreneurs. Vous avez également insisté sur l’extrême difficulté dans laquelle se trouveraient un certain nombre d’acteurs économiques ou de citoyens – vous avez notamment mentionné le cas des organisateurs de colonies de vacances – si la proposition de loi n’était pas adoptée. J’en appelle donc à la responsabilité de chacun.
En tout cas, madame Procaccia, vous avez démontré votre détermination à aller au fond des dossiers, et je tiens à vous en remercier.
M. Claude Domeizel, rapporteur pour avis de la commission de la culture, soutient également la motion tendant à opposer la question préalable. Il a déclaré être prêt à empêcher la discussion d’avoir lieu sur ce texte, tout en souhaitant que celui-ci soit amélioré… Mais le meilleur moyen d’amender un texte est encore d’en discuter !
Monsieur Bourquin, vous avez dit regretter, en tant que rapporteur pour avis de la commission de l'économie, le dépôt de cette proposition de loi, et vous avez évoqué un certain nombre de dispositifs. Pour ma part, je regrette votre choix de soutenir la motion. Vous avez dit très justement qu’il fallait mettre un coup d’arrêt à la complexité du droit et à la dérive des lois de simplification. Je comprends votre position, mais ce que veulent les entrepreneurs de notre pays, c’est avant tout que l’on porte un coup d’arrêt à l’opacité du droit. Je pense que vous vous trompez de combat, et ce au détriment des entreprises.
Lorsque j’ai entendu votre dernière phrase, je n’ai pu m’empêcher de sourire, car elle sonnait comme un aveu. Ainsi, il serait « politiquement nécessaire » de rejeter cette proposition de loi. (M. Martial Bourquin proteste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La politique est nécessaire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout le monde ici fait de la politique !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cela résume parfaitement la position adoptée par une partie des sénateurs.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous ne faites pas de politique ?
M. Jean-Michel Baylet. Le Sénat est une assemblée politique !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Bien évidemment, je regrette cette position et je répète ce que j’ai dit au début de mon intervention : à situation exceptionnelle, attitude exceptionnelle.
Nous faisons face à une crise mondiale qui touche les acteurs économiques. J’ai évoqué les questions de compétitivité en ouverture de mon propos. J’ai bien compris que, s'agissant du nucléaire, qui est pourtant l’un de nos atouts, vous n’aviez pas l’intention de revenir sur les propositions que vous avez faites, alors même que leur application nuirait à nos entreprises. J’ai compris également que, pour ce qui est de l’allègement des charges sociales, dont le niveau est l’un de nos points faibles, vous ne vouliez pas que nous ouvrions le débat. Toutefois, permettez-moi de regretter que vous ne souhaitiez pas davantage ouvrir le débat sur la complexité du droit, car l’objectif de simplification devrait rassembler la gauche et la droite.
Je voudrais dire à Hervé Maurey, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, que je suis entièrement d'accord avec lui : cette motion tendant à opposer la question préalable est une erreur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n’est pas là !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Certes, mais il est resté longtemps, et je me permets donc de lui répondre, comme je réponds, du reste, à chacun de ceux qui sont intervenus ; cela me semble la moindre des choses.
Comme M. Maurey l’a parfaitement expliqué, le Sénat aurait pu enrichir la proposition de loi par ses débats. Je me félicite en outre qu’il ait souligné, dans son rapport, la qualité de cette proposition de loi de simplification.
D’aucuns ont affirmé qu’il s’agissait d’une énième proposition de loi de simplification, semblable à toutes celles qui l’ont précédée. En réalité, comme l’a noté Hervé Maurey, cette proposition est différente parce qu’elle est ciblée sur les acteurs économiques.
J’ai bien entendu les remarques portant sur telle ou telle difficulté ayant pu se glisser dans telle ou telle loi de simplification, mais ce n’est pas une raison pour refuser le débat.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous considérez, je le sais, que le travail parlementaire ne peut être de qualité du fait du recours à la procédure accélérée. Je ne partage pas votre analyse : comme je l’ai dit tout à l’heure, j’estime que le temps politique doit rattraper le temps économique.
Le travail parlementaire de l’Assemblée nationale a été riche, et je ne doute pas que, si la motion était rejetée, le travail du Sénat le serait tout autant.
Ce n’est pas, permettez-moi de vous le dire, en refusant le débat que vous aurez la moindre chance d’enrichir le texte !
Je vous reconnais cependant un mérite, madame la sénatrice, celui de la cohérence, puisque vous vous êtes opposée à toutes les lois de simplification.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les dernières années, sûrement !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Ne croyez-vous pas cependant que la situation de crise que vit actuellement notre pays mériterait un changement d’attitude ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plusieurs !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Des emplois sont en jeu !
Monsieur Mézard, vous avez souligné que la proposition de loi contenait des mesures de bon sens acceptées par tout le monde. Dès lors, je regrette que vous n’ayez pas pris le parti de capitaliser sur ce constat et d’améliorer ou de supprimer les dispositions qui vous conviennent moins, ou qui ne vous conviennent pas du tout, comme vous l’avez dit de certaines. La bonne méthode parlementaire, pour reprendre une fois encore vos termes, ne serait-elle pas de tenter de faire le tri ?
La différence, c’est que nous voulons aller vite, pour répondre non seulement à la demande des entreprises, mais aussi aux exigences qu’imposent les réalités économiques de la période.
M. Marini a dit que la simplification du droit était un sujet à la fois très sérieux et très complexe. Il m’avait prévenu qu’il ne pourrait être présent pour entendre ma réponse puisqu’il participe à une réunion de travail avec l’un de mes collègues du Gouvernement, mais je tiens à souligner devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que je suis parfaitement d’accord avec le président de votre commission des finances. La meilleure preuve en est que les députés ont finalement rejoint en grande partie dans cette proposition de loi la position qu’il défend de longue date, comme il l’a d’ailleurs lui-même relevé.
Je partage son souci de protéger les entreprises d’une certaine forme de prédation et j’aimerais pouvoir débattre de ce sujet à l’occasion de l’examen de ce texte.
Monsieur Détraigne, je suis parfaitement d’accord également sur le fait que ce texte ne justifie pas de prises de position idéologiques et que les dispositifs qu’il prévoit, lesquels sont attendus par les acteurs économiques, doivent être discutés. J’engagerais avec beaucoup d’intérêt le débat sur les sujets environnementaux que vous abordez dans vos amendements : ce serait utile pour notre démocratie, car ces thèmes suscitent des inquiétudes, légitimes, du côté tant des acteurs économiques que des associations. Si la motion n’était pas adoptée ou, mieux, si elle était retirée, nous pourrions aller au bout de ces discussions.
Je dis la même chose à M. Anziani, qui a reconnu que la proposition de loi contenait de bonnes choses, notamment dans le domaine de la copropriété. La dépénalisation du droit des affaires mérite un débat, je vous en donne acte, monsieur le sénateur.
Bien légiférer, est-ce refuser de débattre ? Je ne le crois pas. Vous estimez que quatre-vingt-douze articles d’un code modifiés par un seul article – l’article 39 – de la proposition de loi, c’est trop. Je veux simplement relever que, en l’occurrence, il s’agit d’harmoniser, à quatre-vingt-douze reprises, la rédaction relative aux seuils des effectifs salariés dans le code du travail.
M. Alain Anziani. Il n’y a pas que cela !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je ne veux pas dire que l’argument est facile, mais il me semble tout de même un peu simpliste et, à vrai dire, pas parfaitement honnête de l’utiliser pour prétendument démontrer que l’on balaye tout le code du travail ! Pour ma part, je serais ravi de débattre avec vous de tous les points sur lesquels vous avez des désaccords, mais encore faudrait-il qu’il y ait un débat…
Monsieur Lefèvre, je vous remercie de vos propos. Il faut en effet ériger en principe la démarche de simplification du droit pour restaurer la transparence et la lisibilité de notre système juridique.
Vous avez d’ailleurs été nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, à évoquer le principe selon lequel nul n’est censé ignorer la loi. Eh bien, pour que la loi ne soit pas ignorée, commençons par la simplifier ! Aujourd'hui, elle est trop souvent une jungle pour nos concitoyens comme pour les acteurs économiques, qui ont des difficultés tant à la connaître qu’à la comprendre.
Je tiens à vous dire, monsieur Lefèvre, que le Gouvernement vous rejoint sur un certain nombre de vos propositions, notamment sur la possibilité d’appels fractionnés des cotisations agricoles, et j’espère que la question préalable ne sera pas adoptée afin que nous puissions en débattre.
Madame Dini, vous soulignez que la voie de la responsabilité est non pas de rejeter en bloc un texte mais de l’améliorer. J’apprécie votre honnêteté…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Est-ce à dire que les autres orateurs ne sont pas honnêtes ? Ils le sont aussi !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Je parle d’honnêteté intellectuelle, monsieur Sueur ! Je crois en effet qu’il est honnête intellectuellement, face à un texte dont certaines dispositions ne vous plaisent pas, de dire que le mieux pour séparer ce que vous jugez positif de ce que vous jugez négatif est de commencer par en débattre. Le refus du débat n’est, me semble-t-il, jamais la bonne solution en démocratie !
Madame Dini, j’approuve votre analyse sur l’importance de la déclaration sociale nominative, à propos de laquelle j’aurais souhaité que nous puissions avoir des échanges, car les acteurs économiques attendent.
J’ai dit que le cabinet Ernst & Young avait évalué les quatre-vingts décisions que j’ai été amené à prendre – beaucoup d’entre elles figurent dans ce texte – à 1 milliard d’euros rendus, par le biais des simplifications, aux acteurs économiques. Chaque déclaration supprimée représente ainsi l’équivalent de 30 millions d’euros rendus aux acteurs économiques. Or il y a aujourd'hui trente déclarations sociales…
J’estime donc que la déclaration sociale unique serait un bon moyen de renforcer la compétitivité des entreprises et je regrette que le Sénat ou, plus exactement, un certain nombre de sénateurs aient exprimé le refus d’en débattre.
Monsieur Jeannerot, préconiser le rejet de l’ensemble du texte sans entrer dans la discussion n’est pas une bonne façon de légiférer, et je le répète en me tournant également vers Mme Escoffier.
Monsieur Reichardt, vous avez raison de dire que, si la question préalable était adoptée, tout le travail accompli jusqu’ici, y compris par les commissions de votre assemblée, serait réduit à néant et, avec lui, nombre de mesures de bon sens répondant à de vraies attentes, comme celles, que vous avez bien fait de citer, de l’article 27, qui s’adressent aux artisans.
M. André Reichardt. Hélas !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mais je ne désespère pas que nous puissions tout de même en discuter !
Quant à l’intervention de M. Dantec, j’espère simplement qu’elle n’est pas le reflet de la motion tendant à opposer la question préalable qui va maintenant nous être présentée, car ce serait de mauvais augure pour la suite de nos débats, mesdames, messieurs les sénateurs ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Un sénateur de l’UMP. Nous voulons débattre !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez bien voulu m’interpeller, et je vous en remercie, je me permets d’intervenir au terme de cet après-midi de débats.
Un sénateur de l’UMP. De monologue !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ayant été élu député voilà trente ans, j’ai depuis rapporté nombre de textes…
M. Jean-Claude Lenoir. Sur les pompes funèbres ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … avec des intitulés tels que « loi portant diverses dispositions d’ordre social ».
Les textes de cette nature n’ont pas fleuri dans les années quatre-vingt-dix. Commençons par dire qu’ils existaient déjà dans les années quatre-vingt, et même auparavant, mais reconnaissons aussi que le moteur s’est ensuite emballé et que, avec les quatre « paquets » Warsmann, il y a eu une accélération, une amplification considérable du procédé.
Chaque fois, nous avons tenu les mêmes discours. Nous les connaissons par cœur : l’on regrettait de devoir légiférer de cette manière,… mais, bon, toutefois, néanmoins… Là, en revanche, face à une telle masse d’articles, nous sommes arrivés à quelque chose d’inacceptable, qui met tout simplement en cause notre façon de légiférer et le droit du Parlement.
Je rappelle que personne, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’avait vu que l’une des dispositions de la loi de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures adoptée le 12 mai 2009 privilégiait l’Église de scientologie. Pour éviter que ne se reproduise un tel précédent, ce que personne ne voudrait, le Conseil d'État a chargé toutes ses sections d’expertiser chaque article de ce monstre. En revanche, il n’a pas examiné les nombreux articles qui sont venus s’y agréger.
De la sorte, on parvient à un texte protéiforme qui n’a plus aucun sens ni aucune lisibilité. Vous dites, monsieur le secrétaire d'État, qu’il faut simplifier le droit pour les entreprises, mais vous pouviez – et vous pouvez toujours – présenter un projet de loi sur les dispositions relatives aux entreprises au lieu de procéder à tel dévoiement du droit.
C’est pourquoi nous avons décidé, dans la majorité sénatoriale, de mettre un coup d’arrêt à cette pratique. Finis les regrets assortis de « toutefois » et de « néanmoins » : il faut, une bonne fois pour toutes, dire « non », car nous ne pouvons plus légiférer de cette manière.
J’ajoute, mes chers collègues, quitte à être idéaliste – mais ne faut-il pas l’être pour faire de la politique ? –, que ce coup d’arrêt est un message envoyé aux gouvernants d’aujourd'hui et de demain, quels qu’ils soient. Si le Sénat de la République décide de ne plus accepter ce type de méthodes, on reviendra à une législation plus saine.
Lorsque le sujet sur lequel porte un projet de loi ou une proposition de loi en préparation est affiché, l’opinion s’en saisit. Il y a des articles, des débats. Nous, parlementaires, pouvons auditionner les partenaires et acteurs sociaux. Un véritable débat républicain, dans le pays puis au Parlement, peut alors avoir lieu.
Au contraire, nous sommes parvenus avec ce texte à une situation insupportable, qu’aggrave encore le recours à la procédure accélérée, alors que nul n’a répondu – vous pas plus que quiconque, monsieur le secrétaire d'État – à la question de savoir pourquoi il y a urgence.
M. Marini nous a dit que nous avions finalement tort, puisque, sur une telle proposition de loi, nous pouvions en définitive déposer tous les amendements que nous voulions. En effet, mes chers collègues, avec une loi qui ne porte sur rien, on peut faire des amendements sur tout ! C’est magnifique… sauf que le Parlement y perd sa lisibilité et sa force, et que la loi cesse d’être la chose des citoyens lorsqu’il légifère ainsi.
C’est pour alerter nos concitoyens et mettre un coup d’arrêt à cette façon de légiférer à leur égard, et non pas parce que nous refusons de débattre de certains sujets, que nous avons décidé, avec Jean-Pierre Michel, le rapporteur de la commission des lois, et les rapporteurs pour avis qui ont bien voulu s’associer à cette décision, de déposer une motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Jean-Pierre Michel, au nom de la commission des lois, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives (n° 33, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. Jean-Jacques Hyest. Elle vient d’être défendue !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je serai bref, tout ayant déjà été dit sur ce texte. Deux motions tendant à opposer la question préalable ont été déposées en commission, l’une par Nicole Borvo Cohen-Seat pour le groupe CRC, l’autre par Jacques Mézard pour le groupe RDSE. Les arguments qui les sous-tendent sont ceux qui ont été exposés au cours de la discussion générale. Je ne m’y attarderai donc pas.
Tout d’abord, il s’agit d’une proposition de loi fourre-tout et hétéroclite. En outre, pour la première fois, la procédure accélérée a été engagée sur un texte de cette nature. Ce n’était pas le cas auparavant ; je pense notamment à la précédente proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit dont notre collègue Bernard Saugey était le rapporteur.
Monsieur le secrétaire d'État, nous vous avons écouté avec attention. Vous prétendez qu’il y a urgence à légiférer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a urgence à créer des emplois !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pourtant, sur l’armoire numérique sécurisée, vous disposiez de tous les instruments juridiques pour agir ; mais, comme vous n’avez pas eu le temps de le faire, vous nous demandez aujourd’hui de vous laisser légiférer par voie d’ordonnances, ce qui revient à vous déléguer notre pouvoir législatif. Bien entendu, nous y sommes opposés ! Si nous nous retrouvons dans cette situation, la faute en incombe au Gouvernement plutôt qu’au Parlement.
Jean-Pierre Sueur l’a souligné, cette question préalable apparaissait déjà en filigrane lors de l’examen de la précédente loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, auquel j’ai participé en commission et en séance publique. Le sentiment général qui ressortait de ces travaux peut se traduire ainsi : cela suffit !
Aujourd'hui, la majorité sénatoriale considère qu’il est temps de donner un coup d’arrêt à ces pratiques. Et je partage la position du président de la commission des lois : quels qu’ils soient, les gouvernements qui succéderont à l’exécutif en place devront tenir compte de ce message.
Le Conseil constitutionnel ayant déclaré inconstitutionnels les textes portant diverses dispositions d’ordre économique ou social – lorsque je siégeais à l’Assemblée nationale, j’ai moi-même eu l’occasion d’en rapporter un certain nombre –, on nous soumet désormais des lois de simplification, ce qui revient strictement au même. Le Conseil constitutionnel statue totalement en dehors de sa saisine (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame), il trouve des cavaliers, retire certaines dispositions, en laisse d’autres. Tout cela aboutit à un travail législatif brouillon et incompréhensible, tant pour les parlementaires que pour nos concitoyens.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, au nom de la commission des lois, je vous demande d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, contre la motion.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, comme je l’ai exprimé au cours de la discussion générale, le groupe UMP votera contre cette motion.
Nous nous y opposons non pas pour une question de principe, mais parce que la méthode nous prive d’un débat d’idées et de décisions utiles pour les Français.
Alors que la nouvelle année aurait pu laisser augurer un peu plus d’innovations méthodologiques de la part de la majorité sénatoriale élue en septembre dernier, nous nous retrouvons une fois de plus face à un « front anti-discussion ».
Notre méthode, à nous, sénateurs de droite, est tout autre : nous proposons, nous discutons, nous concertons, puis nous décidons. (Mme Gisèle Printz s’exclame.)
Nous aurions par exemple souhaité dire que nous étions favorables à toute mesure permettant de restaurer la confiance entre les entrepreneurs et l’État.
Nous saluons à cet égard plusieurs dispositions, notamment celles qui sont prévues à l’article 44 et qui permettent la simplification du bulletin de paie. Il en est de même pour le déploiement de la déclaration sociale nominative ; là encore, il s’agit d’une réponse concrète à un sujet majeur, cette mesure devant permettre de dématérialiser et de fusionner en une seule transmission près de trente déclarations sociales différentes.
De la même façon, tandis que l’article 28 du code des marchés publics n’impose ni mise en concurrence ni publicité préalables pour les marchés inférieurs à 4 000 euros, l’article 88 de la proposition de loi pose le principe selon lequel un marché public ou un accord-cadre peut être passé sans publicité ni mise en concurrence préalables en deçà d’un montant de 15 000 euros. Un tel relèvement du seuil permettra d’assouplir les contraintes pesant sur les acteurs publics, en particulier les petites communes. Il permettra également d’élargir le recours aux TPE et PME, car le formalisme lié aux procédures de passation des marchés publics est souvent rédhibitoire pour elles.
Je veux aussi mentionner l’armoire numérique sécurisée, dite « coffre-fort numérique ». Là encore, il s’agit d’une avancée considérable qui permettra aux chefs d’entreprise, lesquels remplissent aujourd’hui soixante-dix déclarations en moyenne, de fournir une fois pour toutes les informations qu’ils doivent transmettre à l’ensemble des administrations concernées. Cela constituera un gain de temps et d’argent pour tous ces entrepreneurs.
Ce texte modernise également le code de commerce, ce qui facilitera la vie de millions d’artisans et commerçants. Je pense par exemple à l’assouplissement des conditions de cession d’un fonds de commerce. Qui pourrait s’opposer à ce que les formalités consécutives à une vente soient plus aisées et plus fluides ?
Cette proposition de loi contient également des dispositions qui répondent à de véritables attentes du monde artisanal, notamment dans son article 27. La loi dite « Raffarin » du 5 juillet 1996 a fixé des exigences de qualification minimale pour s’établir à son compte. Cette proposition de loi instaure un contrôle sur ces déclarations de diplôme et d’expérience, qui était inexistant jusqu’à présent.
Vous le voyez, mes chers collègues, la liste est longue... De nombreux autres points ont été évoqués lors de nos débats.
Mes chers collègues, je m’interroge sur votre choix de nier l’intérêt et l’utilité de ces mesures.
Notre volonté affirmée et affichée de simplifier le quotidien des entrepreneurs ne doit ni ne peut rester un vœu pieux. Nous devions agir. Cette proposition de loi était, malgré toutes les critiques, un vecteur intéressant.
Parce que nous sommes favorables à la discussion, nous voterons contre cette motion, qui nous empêche de débattre de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, avant que vous ne vous prononciez sur cette motion, je souhaite apporter quelques précisions.
Étant donné la situation dans laquelle nous nous trouvons, je redis à quel point il est utile pour tous les acteurs économiques de ce pays que le débat ait lieu. Je me souviens du travail constructif que nous avons mené ensemble voilà quelques semaines, notamment lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs. Nous avons pu, avec le président de la commission des lois, avancer et améliorer notre droit sur un sujet très attendu, les contrats obsèques. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
Sur les soixante-sept amendements qui ont été déposés, le Gouvernement est disposé à émettre un avis favorable sur une vingtaine d’entre eux. Encore faut-il, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette motion ne soit pas adoptée...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est trop tard !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Cet argument vous fera peut-être changer d’avis. On ne sait jamais, je tente ma chance ! (Sourires.)
Je veux également évoquer deux amendements du Gouvernement.
L'amendement n° 68 tend à mettre en valeur les artisans titulaires d’une qualification correspondant précisément à l’activité exercée, afin de rendre les métiers de l’artisanat plus attractifs et de donner aux consommateurs une meilleure information sur les professionnels avec lesquels ils sont en relation. Il s’agit là d’une disposition chère à André Reichardt.
Il est proposé que toute personne immatriculée au répertoire des métiers ait la qualité d’artisan. Les chefs d’entreprise qui seront personnellement titulaires de la qualification professionnelle requise pour exercer leur activité bénéficieront en outre de la qualité d’« artisan qualifié ». Ainsi, il existera quatre catégories au sein du répertoire des métiers : artisan, artisan qualifié, artisan d’art et maître artisan.
Enfin, afin de simplifier et de sécuriser le cadre juridique du monde artisanal, il est proposé d’élaborer, sur la base de la nouvelle organisation du secteur ainsi définie, un code de l’artisanat. Il s’agit là d’un sujet extrêmement attendu.
L'amendement n° 63 aborde également une question extrêmement importante, en prévoyant d’inscrire dans le droit une définition positive des professions libérales.
En effet, ce secteur d’activités économiques tout à fait significatif de près de 700 000 entreprises, qui emploie au total environ 1,5 million de personnes, ne fait pour l’instant l’objet que d’une définition négative dans notre droit. Le code de la sécurité sociale prévoit que sont réputés libéraux les indépendants qui ne sont ni commerçants, ni artisans, ni agriculteurs.
Les professions libérales et leurs organisations professionnelles et ordinales demandent unanimement depuis maintenant plusieurs années qu’une définition positive, qui permettrait de bien identifier et de caractériser ces professions, soit inscrite dans notre droit.
Nous avons abouti, après une longue concertation avec tous les professionnels et les ordres, à l’élaboration d’une définition que le Gouvernement vous propose dans ce texte.
Monsieur le président de la commission des lois, il est important que nous puissions évoquer ces deux questions dans cet hémicycle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je nourris encore l’espoir...
M. Claude Bérit-Débat. L’espoir fait vivre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. ... que ces deux sujets, qui concernent tant d’acteurs économiques dans notre pays, pourront conduire un certain nombre d’entre vous à ne pas soutenir cette motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Tout cela n’est pas nécessaire !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le secrétaire d'État, je vous donne acte de votre ténacité. Sur les deux sujets que vous venez d’évoquer, nous sommes tout à fait disposés à continuer à travailler utilement. Vous le savez, l’histoire ne s’arrête jamais ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous pouvons tous nous accorder ici sur le fait que les lois doivent être des actes de justice et de raison qui embrassent la volonté générale. Elles ne sont pas des actes de puissance ! Or, à voir cet amas de dispositions fourre-tout et disparates qui nous sont imposées en procédure accélérée, nous en venons parfois à douter...
L’opposition sénatoriale et le Gouvernement nous ont maintes fois reproché d’empêcher toute discussion sur des dispositions nécessaires et importantes, parce que nous opposions la question préalable. Je veux leur demander à mon tour : est-il de bon sens d’avoir juxtaposé dans ce texte des dispositions qui touchent quasiment à la totalité de nos codes ? Est-il bien sérieux de recourir à de telles techniques législatives, dont le seul objectif est de faire passer un maximum de dispositions en un minimum de temps, qui plus est en engageant la procédure accélérée ?
C’est justement parce que nous défendons l’idée que l’élaboration des réformes, importantes ou non d’ailleurs, doit se faire dans la plus grande transparence, par des débats dignes de ce nom, que ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a déposé cette motion en commission au nom du groupe CRC, à l’instar de Jacques Mézard pour le groupe RDSE.
Nous devons garder à l’esprit que la pertinence d’une réforme implique qu’une réflexion soit menée sur la nécessité d’une nouvelle législation, au regard non seulement de l’objectif visé, mais aussi de l’impact potentiel de cette nouvelle législation. La qualité d’une loi implique un débat qui soit à la hauteur !
Disparates par essence, les lois de simplification ne peuvent avoir de cohérence globale. De multiples acteurs contribuent à leur rédaction. Surtout, elles opèrent souvent des modifications partielles, ce qui pose des problèmes de sécurité juridique. Enfin, n’oublions pas que, sous l’influence des groupes corporatistes, se glissent, dans cet amas, des dispositions pour le moins contestables et dangereuses. À chaque texte de ce type, nous vous mettons en garde contre les effets pervers de dispositions qui ne sont pas toujours parfaitement maîtrisées. Je ne reviens pas sur l’exemple déjà cité de la scientologie, sauf pour dire qu’il illustre bien le fait que les réformes législatives demandent maîtrise et évaluation pour éviter des effets dommageables.
Ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat a pertinemment démontré de façon plus détaillée, et en prenant d’autres exemples, que la proposition de loi de M. Warsmann visait un tout autre objectif que la simplification du droit.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons cette motion, parce que nous refusons ce mode d’élaboration des lois dont l’utilisation abusive contribue au désordre normatif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à une très large majorité, notre groupe votera cette motion.
Monsieur le secrétaire d'État, à constater votre insistance, tout à fait respectable au demeurant, nous avons bien compris que cette proposition de loi était en fait un projet de loi masqué. (M. le secrétaire d'État fait un signe de dénégation.) Aucune étude d’impact n’a été menée. De surcroît, la procédure accélérée a été engagée, alors que cela ne se justifiait pas, comme nous l’avons rappelé les uns et les autres.
Vous affirmez qu’il y a urgence et que les entreprises attendent ce texte. Pourtant, votre sensibilité est au pouvoir depuis dix ans et l’actuel Président de la République a été élu en 2007 ! Est-il donc bien raisonnable de prétendre que nous ne pouvons attendre ? Vous évoquez la crise, mais elle est là depuis 2008 !
Vous nous avez reproché de porter un message politique. Mais nous ne sommes pas dupes : une fois de plus, c’est bien ce texte qui a pour objet d’adresser un message politique à certains de nos concitoyens, lequel semble d’ailleurs particulièrement trouble et opaque au regard des véritables finalités de ce texte fourre-tout.
Au contraire, notre but est éminemment respectable. Il s’agit non pas pour nous de mettre systématiquement en cause les intentions du Gouvernement, mais de signifier que l’on n’utilise pas une loi de simplification pour faire passer des éléments de fond, qui mériteraient d’autres discussions que celles autorisées par la procédure accélérée.
Il suffit de reprendre les arguments avancés aujourd’hui, comme ceux qui ont été développés à l’occasion de la discussion des autres lois de simplification, notamment par des représentants de l’opposition sénatoriale actuelle, pour se rendre compte que tout le monde est opposé à ces méthodes de travail. À l’évidence, ces dernières ne constituent pas un bon mode de fonctionnement législatif.
Nous le savons tous, vous avez voulu introduire des dispositions extrêmement disparates en nous assurant qu’elles allaient profondément modifier la vie des affaires et des entreprises. Vous disposiez pourtant d’autres moyens pour faire adopter ces dispositions que vous jugez importantes, mais vous avez refusé de les utiliser.
À travers un effet d’aubaine législatif que nous avons tous dénoncé, cette loi fourre-tout s’est transformée en un véhicule législatif de contrebande prêt à accueillir toutes les dispositions rejetées par le législateur ou censurées par le Conseil constitutionnel. (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE – Protestations sur les travées du groupe UMP)
Mme Catherine Procaccia. Si ce n’est pas une formule destinée à la presse, je ne m’y connais pas !
M. Jacques Mézard. Je n’adhère pas à cette conception du véhicule législatif auquel on ajouterait sans cesse des compartiments.
Ce n’est pas une bonne façon de légiférer et, pour simplifier le droit, il est temps de revenir à des méthodes plus raisonnables. À cet égard, le vote de cette question préalable permettra d’adresser un message très clair. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Le groupe UMP ne votera pas cette question préalable.
M. Daniel Raoul. Ce n’est pas un scoop !
M. Jean-Claude Lenoir. Cette explication de vote est pour moi l’occasion de revenir sur les propos que j’ai entendus voilà quelques instants, notamment de la part de M. le président de la commission des lois.
M. Sueur a nié l’intérêt de ce type de véhicule législatif.
Monsieur le président Sueur, j’ai appartenu à une autre assemblée parlementaire, dans laquelle vous avez également siégé, qui, depuis 2007, est à l’origine d’une initiative législative annuelle de simplification du droit.
Vous avancez un argument – une loi pour chaque sujet à traiter –, qui, d’un point de vue pragmatique, ne tient pas.
J’illustrerai ma démonstration avec une mesure contenue dans la première proposition de loi de simplification du droit déposée par Jean-Luc Warsmann en 2007. Il s’agissait d’une simplification législative, souhaitée par de nombreux maires depuis longtemps, qui visait à dispenser les personnes désirant se marier de l’obligation de produire un certificat prénuptial.
Selon l’argument avancé par M. Sueur, il aurait fallu mobiliser toute la lourde machine parlementaire, et nous aurions pris des heures et des heures pour adopter une mesure sur laquelle nous étions tous d’accord.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je n’ai pas dit qu’il fallait une loi par article de code !
M. Jean-Claude Lenoir. Force est de constater que la plupart des mesures contenues dans les propositions de loi rédigées par Jean-Luc Warsmann, qui aura fait un travail considérable à l’Assemblée nationale, sont extrêmement pragmatiques et d’une très grande utilité.
J’entendais, à l’instant, les soupçons exprimés par certains sur des intentions cachées, le Gouvernement étant accusé, entre autres, de tenir la plume des parlementaires pour parvenir à adopter des mesures qu’il n’ose pas présenter lui-même.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a des faits !
M. Jean-Claude Lenoir. Non, non et non ! Ce sont des mesures utiles,…
Mme Gisèle Printz et M. Claude Domeizel. C’est vous qui le dites !
M. Jean-Claude Lenoir. … souvent même très opportunes. Il suffit simplement de lire ces textes, adoptés au rythme d’un par an, pour se rendre compte que la plupart des mesures qu’ils contiennent étaient très attendues.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par qui ? Montrez-donc ce texte à nos concitoyens : je ne suis pas sûre qu’ils y voient de la simplification !
M. Jean-Claude Lenoir. Combien de fois entendons-nous, dans l’exercice de nos fonctions, des exhortations à simplifier les lois ? Mais s’il faut un projet de loi par mesure, nous passerons un temps fou à légiférer. La technique utilisée depuis 2007 me paraît donc opportune.
Monsieur Sueur, pour conclure, et sans aucune ironie, je rappellerai que vous avez, en tant que parlementaire, produit un travail législatif conséquent, notamment sur les pompes funèbres. Je déplore donc vivement que vous ayez aujourd’hui choisi d’enterrer en première classe cette excellente initiative ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est facile…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est lamentable !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est certes perfectible, chacun en convient. Certaines de ses dispositions sont inopportunes sur le fond, d’autres sur la forme, car elles n’ont pas leur place dans un texte de simplification du droit.
Nous pourrions donc être assez proches de l’analyse présentée par M. le rapporteur.
Pour autant, ce n’est pas parce que le texte présente des imperfections qu’il nous faut voter une question préalable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La droite l’a déjà fait !
M. François Zocchetto. Ce n’est vraiment pas la bonne solution !
Je pense que notre devoir était de poursuivre en séance le travail important engagé en commission, ce qui nous aurait sans doute conduits à supprimer un certain nombre de dispositions, mais, surtout, à en modifier et à en améliorer d’autres.
Aujourd’hui, je vois mal comment un parlementaire pourrait considérer qu’il n’est pas nécessaire de simplifier notre droit.
Je vous rappelle l’article 44 de notre règlement, qui prévoit que l’objet de la question préalable est précisément de « faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération ».
Que la majorité actuelle du Sénat soit opposée à certaines dispositions du texte me paraît parfaitement légitime. En revanche, qu’elle s’oppose à toutes les mesures de simplification et d’allégement des procédures administratives contenues dans ce texte me semble vraiment incohérent.
Ce faisant, vous laissez penser à nos concitoyens que le Sénat n’est pas concerné par la simplification du droit. (Approbations sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez bien déjà déposé des questions préalables !
M. François Zocchetto. Je suis convaincu – et je voudrais bien convaincre les membres de la majorité sénatoriale – que cette attitude ne sera pas comprise par nos concitoyens, qui subissent chaque jour les désagréments d’un droit souvent peu intelligible, parfois obsolète, avec des procédures administratives qui sont fréquemment des facteurs de ralentissement de l’activité économique.
Faciliter la vie des entreprises était précisément l’objet de ce texte, qui, par rapport aux précédentes propositions de loi dites « Warsmann », présente l’avantage d’être plus ciblé et moins fourre-tout. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Signalons également la qualité, la densité et la quasi-exhaustivité du rapport de Jean-Pierre Michel, la pertinence des remarques des rapporteurs pour avis ainsi que l’opportunité des nombreuses interventions de nos collègues, que ce soit en commission des lois ou dans les autres commissions permanentes.
La richesse des débats que nous avons eus jusqu’à présent montre bien que ce texte répond à un réel intérêt.
En conclusion, je constate que nous éprouvons, en tant que parlementaires, quelques difficultés à nous positionner sur ce type de textes. (Approbations sur les travées de l’UMP.)
Lorsque nous sommes en campagne électorale ou que nous allons à la rencontre de nos concitoyens, en particulier des élus locaux, nous compatissons à l’excès de normes, de législation inadaptée, de réglementations obsolètes, et nous promettons de changer la situation.
Mais lorsqu’un de nos collègues – certes, il n’est pas sénateur ! – s’attèle à ce travail, peut-être de façon malhabile, parfois de manière excessive, nous refusons d’en discuter. Pouvons-nous continuer à nous plaindre et, en même temps, renoncer à changer les choses ?
La démarche consistant à faire le tri entre les problèmes de fond, comme la dépénalisation du droit des affaires, qui mérite sans doute un texte spécifique, et toutes les questions techniques, de détail, qui empoisonnent la vie de nos concitoyens et sur lesquelles nous pouvons nous mettre assez vite d’accord, au travers d’un texte de simplification, me semblait facile à suivre.
Vous aurez donc compris, mes chers collègues, que le groupe UCR n’est pas favorable à la question préalable. J’ajouterai même, au risque de vous faire réagir, que, lorsque l’on fait partie de la majorité, on ne devrait pas utiliser les motions à tort et à travers. Celles-ci seront logiquement adoptées et risquent donc de se banaliser. Il faut, me semble-t-il, les réserver aux questions de principe, que sont, par exemple, les inconstitutionnalités avérées.
Sur un texte susceptible d’être amendé, comme celui qui nous est soumis aujourd’hui, la question préalable n’a pas lieu d’être. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le secrétaire d'État, nous allons vous décevoir. En effet, nous voterons bien évidemment cette motion. Si nous le pouvions, nous la voterions même trois fois !
Nous la voterions en premier lieu pour marquer un principe. À cet égard, je ne comprends pas les arguments qui viennent d’être avancés. Nous ne sommes pas là pour rejeter la simplification, à laquelle personne d’ailleurs ne s’oppose ! Nous ne sommes pas là non plus pour rejeter l’allégement, car personne ne veut alourdir la loi !
M. André Reichardt. Alors, votez la proposition de loi !
M. Alain Anziani. Nous sommes là pour faire un travail parlementaire clair, pour aller au fond des choses, et non pour tenir une discussion de café du commerce au cours de laquelle nous parlerions à quatorze heures du droit du travail, à quinze heures de l’environnement, à seize heures d’un autre sujet et, à dix-sept heures, du droit de l’entreprise ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Nous souhaitons faire un véritable travail parlementaire, ce qui suppose que certaines conditions soient réunies, à commencer par l’exigence de concertation. Or ce texte n’a pas suffisamment fait l’objet de concertation. D’ailleurs, vous le constatez vous-mêmes !
Mme Catherine Procaccia. Et pourquoi pas un référendum sur le sujet ?
M. Alain Anziani. Ainsi, François Zocchetto s’inquiétait des remarques qu’on lui ferait sur le terrain. Mais il doit aussi s’attendre à ce genre de réactions : « Nous n’étions même pas au courant. Vous vouliez faire cela tout seul dans votre coin, mais jamais vous nous avez demandé notre avis ! » (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
La deuxième condition, dont parlait justement Jacques Mézard et qui est une exigence constitutionnelle, c’est de disposer d’une étude d’impact. Voilà tant et tant d’années que nous réclamons sur tous les sujets des études d’impact pour ne pas faire de bêtises, si vous me permettez cette expression familière.
En l’occurrence, aucune n’a été faite. Mais qu’importe ! Nous pouvons bien légiférer sans y voir clair, sans connaître les tenants et les aboutissants de ce que nous allons voter. Pourtant, je l’ai dit tout à l’heure, quelques exemples du passé devraient nous conduire à réfléchir un peu plus !
Bien évidemment, nous ne sommes pas opposés à la simplification. Mais nous sommes surtout favorables à un travail de clarification et de réflexion, car réfléchir, c’est notre devoir de parlementaires !
Nous souhaitons dire une nouvelle fois que nous ne pouvons accepter toute cette précipitation.
Enfin, quels que soient tous vos arguments – je les ai bien entendus ! –, pas un ne résiste à cette idée que deux lectures auraient été mieux qu’une seule. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Dufaut. Vous n’en faites aucune !
M. Alain Anziani. Personne n’a jamais expliqué pourquoi il faudrait engager la procédure accélérée, pourquoi, tout à coup, il y aurait urgence à légiférer sur des matières aussi importantes ! Justement, je ne crois pas que travailler dans la précipitation soit pour le Parlement un mode de fonctionnement !
J’en viens à un dernier point qui n’est pas mineur et que, selon moi, on ne souligne pas assez : comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a de la confusion dans ce texte ! Sous couvert de simplification, on nous glisse de temps en temps une petite innovation – pourquoi pas ? Mais, parfois, on nous glisse aussi, avec beaucoup de discrétion, une régression !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une régression sociale !
M. Alain Anziani. Nous en avons donné des exemples : une régression en matière sociale, une régression en matière environnementale,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
M. Alain Anziani. ... tout cela présenté sous l’étiquette « simplification, allégement et rapidité des procédures » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On nous fait un portrait « Bisounours », mais ce n’est pas du tout cela !
M. Alain Anziani. Bien évidemment, nous ne pouvons que voter cette motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable, motion dont l'adoption entraînerait le rejet de la proposition de loi.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 85 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 167 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est rejetée.
12
Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, déposé le 7 septembre 2011 sur le Bureau de notre assemblée.
13
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’identité est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire est également parvenue à l’adoption d’un texte commun.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 11 janvier 2012, à quatorze heures trente et le soir :
- Projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif à Voies navigables de France (n° 206, 2011-2012).
Rapport de M. Francis Grignon, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 221, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 222, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART