Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse, qui, malheureusement, ne me satisfait pas totalement.
Vous avez rappelé les dispositions de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en insistant sur leur bien-fondé, mais leur incidence sur la préservation du foncier agricole, si elle est réelle, reste insuffisante. Il faut sans doute faire plus, en concertation avec les jeunes agriculteurs eux-mêmes.
Je me félicite, en revanche, des mesures prises par certaines régions, notamment par la Bretagne, et je vous invite à en prendre connaissance.
Le projet agricole et agroalimentaire régional, le PAAR, a été adopté en décembre 2010 ; l’objectif fixé par l’ensemble des parties prenantes est de réduire d’un tiers, en cinq ans, la consommation de terres agricoles en Bretagne
De plus, le conseil régional, dans ses propositions sur la nouvelle alliance agricole, a inscrit comme première priorité la préservation du foncier agricole et la facilitation de l’accès au foncier pour les jeunes.
Je citerai également l’engagement de certaines communes morbihannaises qui luttent contre la consommation de surfaces agricoles utiles à travers des décisions d’achat de terrains en vue de leur location à de jeunes agriculteurs. Les communes ne disposent pas souvent, hélas, des ressources nécessaires pour engager ce type d’action, mais quelques-unes s’attachent à consentir cet effort.
M. Michel Le Scouarnec. Si chacun apporte sa pierre, la situation peut s’améliorer.
Les agriculteurs du Morbihan ne sont pas opposés au développement des autres activités économiques ni à la construction de logements, notamment s’ils favorisent la mixité sociale, mais je partage leurs avis sur la possibilité de mettre en œuvre une meilleure politique de gestion du foncier, éloignée de la spéculation à tout crin !
situation des fraiseries en dordogne
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 1512, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
M. Bernard Cazeau. J’ai voulu attirer l’attention du ministre de l’agriculture sur la situation des fraisiculteurs de Dordogne.
Dans les années quatre-vingt, la fraise périgourdine a connu un développement spectaculaire : nous sommes passés de 2 000 tonnes en 1962 à 25 000 tonnes en 1990. Premier département fraisicole de France, la Dordogne abritait 1 300 producteurs en 1988.
Aujourd’hui, on ne compte plus que 300 producteurs et, en vingt ans, les surfaces ont été divisées par quatre ! Le département, qui produisait 18 260 tonnes de fraises en 1995, n’en livrait plus que 7 500 tonnes en 2010.
Face à cette situation, les fraisiculteurs de mon département ne sont pas restés inactifs et ont fait récemment le choix de la modernisation, à travers l’usage croissant des serres chauffées et des cultures hors sol. Conséquence : dans le Périgord, entre 2007 et 2010, la production et le nombre d’hectares sont redevenus stables.
Néanmoins, l’année 2011 a fragilisé ce renouveau de la fraisiculture périgourdine. En effet, à la suite de la colonisation des fraiseraies par la mouche Drosophila suzukii, plus du tiers de la production départementale a été touché. La perte financière dans mon département est estimée à 1 585 000 euros, soit une perte moyenne de 5 000 euros par producteur.
Dans ces conditions, les professionnels du secteur se sentent désemparés au regard de réglementations de plus en plus strictes sur l’usage des pesticides, qui les privent de précieux moyens d’action. Et les exigences du plan Écophyto 2018, qui impose de réduire de 50 % l’usage des pesticides, restreignent encore la panoplie des réponses possibles.
Aussi ces exploitants souhaiteraient-ils avoir la possibilité de recourir à des produits phytosanitaires non encore homologués dans notre pays, mais qui sont pourtant utilisés actuellement avec succès en Californie et en Australie. Il s’agit, à leurs yeux, de la seule solution pour éviter la destruction des fruits atteints, opération qui nécessite de surcroît une main-d’œuvre importante.
Je voudrais donc connaître les intentions du ministre de l’agriculture quant à la possibilité d’une évolution de la réglementation concernant le traitement des cultures de fraises infectées. À défaut d’une telle évolution, quelles seraient les mesures concrètement envisagées par le Gouvernement pour soutenir cette filière ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Monsieur Cazeau, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’agriculture, qui m’a chargée de vous transmettre la réponse qu’il aurait souhaité vous apporter lui-même sur le problème important que vous soulevez.
Le nombre des producteurs de fraises en Dordogne et leurs capacités de production sont en effet en diminution depuis vingt ans.
La baisse de la production de fraises s’est accompagnée d’une restructuration de la filière fraisicole, qui s’est recentrée sur des productions à forte valeur ajoutée, dont l’indication géographique protégée garantit justement la qualité et sur des variétés répondant aux attentes du consommateur, notamment la fameuse gariguette.
Dans ce contexte nouveau, la réforme de la gouvernance de la filière fruits et légumes de 2008 a donné lieu à la constitution de l’Association nationale des organisations de producteurs de fraises, reconnue en 2010, qui joue un rôle important d’animation et de coordination, avec le soutien de l’établissement public FranceAgriMer.
Cette structuration de la filière contribue à une meilleure prévention des crises, et force est de constater que la fraise a été sensiblement moins frappée que les autres fruits et légumes par les difficultés de marché que ce secteur a connues au cours des trois dernières années.
S’agissant des enjeux de compétitivité, des moyens importants sont dédiés chaque année à la modernisation des exploitations agricoles et au développement des filières dans le cadre du budget de FranceAgriMer, doté, je vous le rappelle, de 30 millions d’euros par an.
À cela s’ajoute la volonté de réduire le coût du travail, y compris dans les fraiseraies : au-delà de la mesure d’allégement du coût du travail agricole adoptée dans le cadre de la loi de finances pour 2012, une évolution du financement de la protection sociale est inscrite à l’agenda gouvernemental pour alléger les charges pesant aujourd’hui sur le travail.
La mouche Drosophila suzukii, dont vous avez évoqué les ravages, a été identifiée pour la première fois en France en juin 2010 et s’est diffusée très rapidement sur le territoire national. Cet insecte est particulièrement nuisible pour les cultures de fruits rouges.
Dès 2011, les services du ministère de l’agriculture ont mis en place, avec l’aide du centre technique interprofessionnel des fruits et légumes, le CTIFL, et de la station d’expérimentation et de recherche des fruits et légumes Invénio d’Aquitaine, des expérimentations de moyens de lutte contre cette mouche.
Dans le cas des fraises, plusieurs substances autorisées ont été testées – spinosad, thiaclopride ou abamectine – et ont montré de bonnes perspectives d’efficacité. Les travaux de validation scientifique de ces solutions et des modalités d’usage sont en cours ; ils devraient aboutir dans les prochaines semaines.
Le recours à des produits phytopharmaceutiques non autorisés placerait a contrario nos producteurs en situation d’infraction, sans garantie d’efficacité, et avec un risque réel pour leur santé comme pour celle du consommateur. II ruinerait ainsi tous les efforts engagés par la filière en termes d’image.
Monsieur le sénateur, sachez-le, les services du ministère de l’agriculture sont pleinement mobilisés aux côtés de nos producteurs afin d’identifier une solution adaptée à ce problème particulier dans les meilleurs délais.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la secrétaire d'État, dans la dernière partie de votre intervention, vous avez indiscutablement répondu à une des questions que j’avais posées, mais vous l’avez malheureusement fait dans un sens plutôt négatif.
Je veux bien croire que, comme il le dit à chacun de ses déplacements, le ministre de l’agriculture ne reste pas inactif. Les fraisiculteurs espèrent qu’il va rapidement trouver une solution permettant de résoudre ce problème d’infestation, de façon qu’ils puissent continuer à produire dans les meilleures conditions et sans atteinte à la santé des consommateurs. Mais, pour l’instant, ils sont dans l’attente ! Je leur ferai part de votre réponse et, bien qu’elle soit incomplète, j’espère qu’ils y trouveront quelque satisfaction.
avenir du secteur public de chirurgie dans le sud de la seine-et-marne
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1490, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.
M. Michel Billout. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur les incohérences des décisions prises par l’Agence régionale de santé d’Île-de-France concernant le secteur de la chirurgie, notamment dans le sud de la Seine-et-Marne.
À Melun, siège de la préfecture, le bloc chirurgical est fermé la nuit et le week-end depuis plus de trois ans, sur décision de l’Agence régionale de l’hospitalisation. Cette situation contraint le service des urgences à renvoyer les patients vers d’autres établissements ou, pour les cas extrêmes, à traiter les malades au bloc chirurgical de la maternité.
Malgré ces entraves, la chirurgie viscérale de l’hôpital de Melun a, au cours de la même période, augmenté son activité de 15 %, réalisant plus de 2 500 actes opératoires par an.
Ces efforts sont bien mal récompensés puisque, dans le projet de grand hôpital public-privé de Melun qui doit voir le jour en 2015, la chirurgie sera totalement confiée au secteur privé.
À l’hôpital de Fontainebleau, à 25 kilomètres de là, plusieurs chirurgiens ont renforcé l’équipe en 2007 et 2008, après l’arrêt de l’activité chirurgicale à l’hôpital de Nemours. Mais l’accès aux blocs opératoires est difficile par manque de salles d’opération, les moyens en surface et en personnel soignant n’ayant pas été augmentés.
Et, aujourd’hui, l’ARS demande aux chirurgiens de l’hôpital de Fontainebleau de participer aux gardes à Melun, afin d’y permettre la réouverture du bloc chirurgical la nuit. Mais il va de soi que, si les chirurgiens de Fontainebleau se rendent à Melun pour exercer la nuit, ils ne pourront pas assurer le service normal à l’hôpital de Fontainebleau le lendemain matin, réduisant d’autant l’activité de cet établissement.
Enfin, ce type d’organisation n’est pas sécurisé. Le patient opéré dans la nuit à Melun ne sera pas suivi par le même chirurgien, ce qui pose un problème de sécurité pour les patients et de responsabilité pour les praticiens.
Parallèlement, l’hôpital de Fontainebleau est fragilisé par la décision imposée par l’ARS de fermer quinze lits de chirurgie en décembre dernier. Cette fermeture a été « justifiée » par un taux d’occupation prétendument insuffisant, alors même que ces lits servaient de tampon pour le service des urgences et que l’activité chirurgicale a augmenté en 2011. Cela a obligé les équipes à transférer les patients concernés vers d’autres centres et a eu pour effet de supprimer des recettes perçues au titre du séjour, par le biais de la tarification à l’activité.
En résumé, il faut rouvrir la permanence chirurgicale de nuit et de weekend à l’hôpital de Melun, sans que cela se fasse au détriment du fonctionnement de l’hôpital de Fontainebleau, voire de celui de Montereau.
Cette désorganisation de l’activité chirurgicale du secteur public, orchestrée par l’ARS, ne doit-elle pas être rapprochée du projet de disparition totale de ce secteur au seul bénéfice du secteur privé à but lucratif, avec l’ouverture des hôpitaux publics-privés de Melun et Fontainebleau ?
Alors que, selon la Fédération hospitalière de France, les dépassements d’honoraires pour la chirurgie dans le secteur privé à but lucratif ont crû de 6 % chaque année depuis onze ans, soit une augmentation globale de près de 70 %, je souhaiterais connaître les mesures que compte prendre le Gouvernement pour redonner une cohérence à l’activité du secteur public de chirurgie dans le sud de la Seine-et-Marne et garantir l’accès de tous les habitants à une chirurgie de qualité, au tarif du secteur 1 et sans dépassements d’honoraires.
C’est une nécessité absolue à l’heure où nos concitoyens reculent de plus en plus le moment de se faire soigner, au risque de voir s’aggraver leur pathologie, faute d’une prise en charge suffisante par l’assurance maladie.
D’autres solutions que celles qui sont préconisées par l’ARS mériteraient d’être envisagées : je pense à la proposition émanant de la grande majorité des médecins hospitaliers de Fontainebleau d’élaborer un projet médical sur la base d’une offre publique de soins avec les quatre hôpitaux du sud de la Seine-et-Marne. Alors que le département, dont la population augmente de façon constante, est déjà déficitaire en équipements de soins, ce secteur est aujourd’hui largement sous-doté.
Le contre-projet de regroupement des quatre hôpitaux publics en partenariat public de type « communauté hospitalière de territoire », où chaque établissement pourrait garder son identité juridique, sera d’ailleurs proposé à l’ARS le 24 janvier prochain, lors de la venue du délégué départemental de l’agence à Fontainebleau. Madame la secrétaire d’État, soutiendrez-vous cette proposition ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur Billout, le secteur sud de la Seine-et-Marne abrite plus de 550 000 habitants, soit 5 % de la population francilienne sur près de 30 % de la superficie de la région.
Sur ce vaste territoire, l’offre de soins chirurgicale est répartie entre cinq centres hospitaliers publics – ceux de Fontainebleau, Melun, Montereau, Nemours et Provins – et cinq cliniques privées – Saint-Jean et les Fontaines, à Melun, l’Ermitage, à Dammarie-les-Lys, polyclinique de la Forêt, à Fontainebleau, et Saint-Brice, à Provins.
Dans le cadre de la mise en œuvre du schéma régional d’organisation des soins, le SROS, les travaux relatifs à la permanence des soins en établissement de santé ont conduit, au bout de dix-huit mois d’études menées en concertation avec les acteurs concernés, au choix de la candidature commune de Melun-Fontainebleau, avec l’intégration possible des médecins du territoire, qu’ils soient issus du public ou du privé.
Un unique dossier de candidature a été déposé pour le sud de la Seine-et-Marne. Ce sont les centres hospitaliers de Melun et de Fontainebleau eux-mêmes qui, guidés par des impératifs de démographie médicale, ont proposé cette organisation au sein d’un groupement de coopération sanitaire en accord avec les communautés médicales.
Les effectifs actuels de personnels médicaux et paramédicaux ne permettaient pas aux établissements de répondre individuellement dans des conditions satisfaisantes au cahier des charges élaboré en concertation avec les acteurs de terrain.
Actuellement, des praticiens extérieurs à chaque établissement interviennent d’ores et déjà la nuit, sans que la sécurité du patient soit remise en cause.
Parallèlement, l’ARS a demandé aux praticiens des cliniques de Melun de participer au dispositif, de manière que la charge de la permanence des soins en établissement de santé soit plus équitablement partagée entre praticiens du public et praticiens du privé.
Le cahier des charges sur lequel les établissements retenus se sont engagés définit des exigences de qualité de la prise en charge des patients, notamment en favorisant le retour des patients vers l’établissement de leur choix, en garantissant l’accessibilité financière et en dimensionnant les ressources de façon à pouvoir assurer la mission de permanence des soins dans les établissements de santé.
Ce dispositif concerne l’organisation des interventions de nuit en chirurgie orthopédique et viscérale pour les patients qui ne sont pas déjà hospitalisés. Il ne s’agit pas de l’organisation des services de médecine d’urgence, lesquels restent ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sont disponibles pour accueillir les patients franciliens. De même, ce dispositif ne remet pas en question la continuité des soins en établissement : un patient hospitalisé pourra toujours, en cas de nécessité, bénéficier d’une intervention sur le site où il est pris en charge.
Au cours de l’année 2012, un dispositif d’évaluation permanente de cette organisation sera mis en place afin de permettre les ajustements nécessaires. Une adoption définitive du dispositif est prévue à la fin de 2012, à l’occasion de la publication du SROS.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Madame la secrétaire d'État, vous n’avez fait que défendre la position de l’ARS, ce qui ne m’étonne guère.
Je conteste vos affirmations : les informations que j’ai en ma possession montrent que le dispositif n’a pas été décidé en accord avec les communautés médicales des centres hospitaliers de Fontainebleau ou de Melun. D’ailleurs, à Fontainebleau, les médecins ont vivement dénoncé une telle organisation.
Vous n’avez pas répondu sur le fond de ma question. Ces nouvelles dispositions, qui ont été, à mon sens, prises de façon très peu concertée, contrairement à ce que vous prétendez, ont pour unique objectif la déstructuration du secteur public de chirurgie.
Vous m’aviez apporté le même type de réponse lorsque je vous avais interrogée, voilà un an, sur l’avenir de la radiothérapie publique en Seine-et-Marne. Depuis, toutes les dispositions qui ont été prises vont dans le même sens : la disparition du service public de radiothérapie. En ce qui concerne la chirurgie, l’évolution sera la même !
Madame la secrétaire d'État, j’ai exposé la situation du sud de la Seine-et-Marne, mais, depuis le dépôt de ma question, l’ARS – qui n’est pas à court de bonnes idées ! – a décidé d’organiser la permanence chirurgicale de nuit dans le nord du département tantôt à Meaux, tantôt à Lagny, ce qui n’a pas manqué de produire de graves effets sur l’organisation du service de chirurgie et du service des urgences. Le service des urgences de l’hôpital de Lagny est d’ailleurs en grève depuis le 15 décembre pour protester contre cette décision.
Je regrette profondément que la communauté médicale ait été si peu consultée, alors que ces dispositions ne peuvent que nuire à l’organisation du service public de santé.
réforme de la formation des orthophonistes
Mme la présidente. La parole est à M. René Teulade, auteur de la question n° 1495, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. René Teulade. Madame la secrétaire d'État, depuis plusieurs années, les orthophonistes demandent une juste reconnaissance de leur profession et de leur diplôme. Leur revendication porte notamment sur la nécessité d’actualiser le cursus universitaire de leur formation afin qu’il réponde aux critères établis par le schéma européen dit LMD, licence-master-doctorat.
Or, le 28 octobre dernier, le Gouvernement a présenté un projet de réforme de la formation des orthophonistes. J’ai auditionné leurs représentants, qui m’ont fait part de leur mécontentement. En effet, ce projet consacre l’établissement d’une profession à deux vitesses, avec un premier niveau, correspondant au master 1, pour des orthophonistes aux compétences limitées, et un second niveau, correspondant au master 2, complémentaire et non obligatoire, pour des orthophonistes habilités à prendre en charge les personnes laryngectomisées, les enfants sourds, les personnes victimes d’accidents vasculaires cérébraux, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, de troubles de déglutition, etc.
Selon eux, cette nouvelle architecture du cursus universitaire aboutirait à la scission de la profession.
Aujourd’hui, l’ensemble des orthophonistes prennent en charge les patients affectés par les pathologies précitées, et la qualité de leur travail est unanimement reconnue.
La proposition gouvernementale aurait-elle un effet rétroactif, qui obligerait les orthophonistes déjà en activité à suivre une formation en master 2 pour pouvoir continuer à s’occuper de ces patients ?
Par ailleurs, les conséquences de cette réforme paraissent mal évaluées. Qu’adviendra-t-il de la recherche en orthophonie ? Et quid de la mobilité des professionnels, en particulier à l’intérieur de l’Europe ?
Enfin, il semble acquis qu’un tel projet entraînerait mécaniquement une diminution de l’offre de soins orthophoniques de qualité à proximité des patients, et ce au moment même où la désertification médicale n’a jamais semblé aussi forte.
Le Gouvernement entend-il revenir sur son projet de réforme, en reprenant le dialogue avec l’ensemble des professionnels, afin que le niveau master 2 soit reconnu comme la norme pour tous les orthophonistes ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Monsieur le sénateur, vous avez auditionné les orthophonistes. Xavier Bertrand et moi-même les avons, nous aussi, rencontrés à plusieurs reprises, que ce soit au ministère ou lors de nos déplacements. Manifestement, le point de vue du ministère n’a pas été très bien compris : je vais donc l’expliquer une nouvelle fois.
Depuis 2007, le Gouvernement rénove en profondeur les formations paramédicales, pour les mettre au niveau des standards européens. La formation d’orthophoniste bénéficie de cette réforme tout à fait inédite. Cette « réingénierie » des diplômes ne signifie pas pour autant qu’il faille absolument allonger la durée des études. Celles-ci sont déjà suffisamment longues pour qu’il ne faille pas encore les allonger !
La formation actuelle des orthophonistes représente moins de 2 500 heures, stages inclus, étendues sur quatre années, là où les autres formations approchent bien souvent les 4 000 heures, voire les dépassent.
Concrètement, cette réforme prévoit que la formation des orthophonistes sera enrichie et valorisée au niveau master 1, ce qui signifie plus de 6 000 heures de formation, travail personnel inclus. Cette formation plus intense donnera aux orthophonistes des perspectives de progression universitaire bien plus grandes qu’aujourd'hui.
Il s’agit d’une avancée incontestable pour les professionnels. La formation d’orthophoniste, actuellement reconnue dans la fonction publique hospitalière comme équivalente à un bac+2, bénéficiera, grâce à la réforme, d’une reconnaissance universitaire de type bac+4 : c’est une avancée notable.
Certains estiment néanmoins que la formation devrait être encore allongée et durer au minimum cinq années, pour atteindre 9 000 heures… Comme si, tout à coup, quatre ans ne suffisaient plus pour former de bons orthophonistes ! Or nous reconnaissons les compétences des orthophonistes de notre pays et nous savons qu’ils sont déjà des professionnels de qualité.
Je voudrais apporter quelques précisions sur les formations complémentaires. Nous avons proposé aux orthophonistes que celles-ci soient mieux structurées et qu’elles fassent l’objet d’une reconnaissance universitaire. Ni Xavier Bertrand ni moi-même n’avons à l’esprit de mettre en place une orthophonie à « deux vitesses ».
Dans tous les métiers, les professionnels se forment tout au long de la vie, approfondissent un domaine et se spécialisent : il n’y a pas de raison d’interdire cela aux orthophonistes ! Bien au contraire, nous voulons permettre à ceux qui, à un moment quelconque de leur vie professionnelle, ont envie de se perfectionner, d’accéder facilement à des formations de niveau master 2 reconnues par les universités – ce point n’est pas anodin –, quand bien même il s’agirait de formations complémentaires.
Bien entendu, si les représentants de la profession ne veulent pas travailler avec nous sur cette proposition, s’ils tiennent à ce que tous les orthophonistes aient exactement le même niveau, nous ne pourrons qu’en prendre acte, car il va de soi que nous ne pourrons pas avancer sans eux.
En tout état de cause, il faut aujourd'hui que nous puissions finaliser ensemble le nouveau programme de formation initiale. Pour que la promotion 2012-2016 puisse en bénéficier, il faut que la sérénité soit retrouvée le plus rapidement possible.
Mme la présidente. La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Madame la secrétaire d’État, je ferai part aux orthophonistes de votre réponse.
Je pense que le désaccord – à moins qu’il ne s’agisse d’incompréhension – porte justement sur la façon dont la formation complémentaire est structurée.
Le dialogue doit se poursuivre : je conseillerai en tout cas aux orthophonistes d’y être ouverts s’ils veulent obtenir des résultats et maintenir la qualité d’une profession à laquelle nous sommes, bien sûr, tous attachés.
gestion des œuvres sociales du comité d'entreprise d'edf-gdf
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1478, adressée à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le secrétaire d’État, il y a sept mois, lors d’une question d’actualité, j’interrogeais ici même le ministre du travail, de l’emploi et de la santé et le ministre en charge de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique sur les dérives d’un certain nombre de « gros » comités d’entreprises, comme ceux de la RATP, d’Air France, de la SNCF, de SeaFrance – déjà ! – et d’EDF-GDF.
Je leur demandais que les comptes de ces comités d’entreprises soient soumis aux mêmes obligations de contrôles que les comptes des syndicats, contrôles que ces derniers acceptent de publier en toute transparence ; cette requête ne me paraissait ni insupportable ni incongrue.
M. le ministre Éric Besson m’avait alors répondu : « Le Gouvernement a fait son travail, et il demande maintenant instamment aux partenaires sociaux de lui adresser rapidement, comme vous le souhaitez, des propositions quant à la redéfinition de l’assiette du financement des institutions, à leur contrôle, y compris celui que vous avez évoqué [c’est-à-dire la Caisse centrale des activités sociales, la CCAS], et à leur gouvernance. Xavier Bertrand et moi-même avons demandé des réponses très rapides ».
Les dérives de SeaFrance étaient déjà connues de tous – même de moi, qui n’ai aucune attache locale dans la région. Et la vitesse n’est pas vraiment ce qui a caractérisé ce dossier…
Il y a quelques semaines, le ministre du travail m’a fait savoir que les partenaires sociaux acceptaient enfin d’engager une concertation sur la façon de contrôler les gros comités d’entreprises gérant les œuvres sociales.
Qu’en est-il de la CCAS, à propos de laquelle le ministre Éric Besson m’avait répondu : « Vous avez raison, il faut mettre fin à certaines des dérives que vous venez de rappeler, en réformant les institutions sociales du personnel des industries électriques et gazières » ? Il ajoutait : « Le Gouvernement est tout à fait résolu. Les dérives que vous avez rappelées doivent cesser rapidement ! » et déclarait que « le processus a été trop long, et le rapport de la Cour des Comptes montre qu’il faut désormais aller plus vite ».
Monsieur le secrétaire d’État, j’espère qu’aujourd’hui vous pourrez m’apporter une réponse un peu plus précise, non seulement sur la situation d’EDF-GDF, mais aussi sur la réforme de son financement.
À un moment où le prix de l’électricité et du gaz ne cesse d’augmenter, les abonnés vont-ils payer encore longtemps 1 % de leur facture pour financer des actions qui n’ont parfois qu’un lien très lointain avec le social ?
Le Gouvernement entend-il revenir sur le financement unique de ce comité d’entreprise ? Je dis « unique » et non pas « inique », même si un certain nombre d’entre nous pensent qu’il est aussi « inique »… Je souhaiterais également que vous puissiez me communiquer un calendrier de réforme.