M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans sa décision du 15 décembre 2011, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, considérant qu’il constituait un « cavalier social ». Or cet article encadrait les conditions d’exercice de certains professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne.
Si aucune disposition législative n’est prise rapidement, près de 4 000 professionnels de santé vont devoir cesser leur activité, car ils se trouvent dans une situation d’illégalité que les chefs de service ne pourront plus couvrir longtemps sans risquer de voir engager des actions en responsabilité.
Aussi la proposition de loi que nous examinons vise-t-elle à répondre à une double nécessité.
En premier lieu, sur un plan conjoncturel, aux termes de l’article 83 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, les professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu hors de l’Union européenne n’étaient habilités à poursuivre leur activité, sous des statuts d’exercice restreint, que jusqu’au 31 décembre 2011, au titre d’une procédure dérogatoire d’autorisation. La censure du Conseil constitutionnel ayant empêché la mise en œuvre du dispositif transitoire initialement prévu, ces professionnels de santé sont maintenus dans un statut pour le moins précaire. Nous sommes donc face à un vide juridique.
En second lieu, sur un plan structurel, les établissements de santé ont besoin de recourir aux professionnels en question en raison du manque d’attractivité de l’hôpital public. Il serait irresponsable de laisser partir un personnel formé, qui a démontré ses compétences et son engagement auprès des patients.
Pour ces raisons, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, le Gouvernement avait présenté à l’Assemblée nationale un amendement visant, d’une part, à proroger le dispositif transitoire d’autorisation d’exercice jusqu’au 31 décembre 2014, et, d’autre part, à introduire de nouvelles épreuves de vérification des connaissances pour les médecins étrangers titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne.
Le groupe UMP du Sénat était allé plus loin dans cette logique en déposant un amendement qui avait permis d’élargir et d’assouplir le dispositif.
D’une part, il incluait dans le champ du nouveau dispositif l’ensemble des sages-femmes recrutées jusqu’à la date de publication de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
D’autre part, il tendait à alléger la portée de l’obligation, pour les lauréats de l’épreuve d’aptitude, d’effectuer une période probatoire. En effet, l’amendement ouvrait à la commission habilitée à accorder l’autorisation d’exercice compétente la possibilité de prendre en compte les durées de service précédemment accomplies, afin qu’elles vaillent année probatoire.
Nous rappellerons, pour nous en féliciter, que cet amendement avait été adopté à l’unanimité par le Sénat, ce qui témoigne d’un large consensus sur ce sujet.
La proposition de loi aujourd’hui soumise à notre examen vise à reprendre ce dispositif introduit en première lecture dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Elle comporte en outre un second article prévoyant, de manière rétroactive, une application au 1er janvier 2012, afin de tenir compte du vide juridique dans lequel nous nous trouvons actuellement.
Si le souci de la sécurité juridique nous pousse d’ordinaire à ne pas demander l’application rétroactive des textes votés, la situation particulière dont il s’agit ici le justifie, car il convient de régulariser a posteriori la période d’exercice des praticiens concernés comprise entre le 1er janvier 2012 et la date d’entrée en vigueur de la présente proposition de loi.
Ce texte permettra ainsi de prolonger le système dérogatoire consistant à soumettre les praticiens concernés non à un concours, mais à un examen, puisque les lauréats aux épreuves de vérification des connaissances ne se verront pas opposer une limitation du nombre de postes ouverts. Ce dispositif s’appliquera aux médecins, aux chirurgiens-dentistes, aux sages-femmes et aux pharmaciens.
En outre, comme je l’ai précisé, la proposition de loi introduit une nouvelle épreuve de vérification des connaissances distincte de celle que prévoit la procédure de droit commun et elle tend à réduire la période probatoire à un an, durée pendant laquelle les praticiens travailleront sous des statuts d’exercice restreint.
Mais il est nécessaire que le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière informe précisément les praticiens, afin qu’ils puissent accéder à cette procédure et clarifier ainsi leur situation. Madame la secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que cette information sera bien dispensée ?
Par ailleurs, je souhaite insister sur le fait que l’épreuve d’évaluation des acquis doit être bien adaptée à la spécialisation du médecin. Il serait paradoxal de faire passer des épreuves théoriques à des médecins qui exercent depuis de nombreuses années et dont la qualité du travail est reconnue.
Néanmoins, repousser de deux ans la date butoir pour la porter au 31 décembre 2016, comme le proposent les députés, me paraît plus réaliste. Cela devrait permettre de faire diminuer au plus vite le nombre de professionnels ne bénéficiant plus de la plénitude d’exercice dans les établissements de santé. Même si la procédure d’autorisation d’exercice a permis de régulariser la situation de la majorité des médecins étrangers en fonctions dans nos hôpitaux, il en demeure encore dont la position n’a pas évolué, soit parce qu’ils ont échoué à l’examen, soit parce qu’ils ne se sont pas présentés aux épreuves. Or nous ne pouvons décemment pas les accuser de dilettantisme : leurs journées extrêmement chargées ne leur permettent pas de préparer l’examen dans de bonnes conditions et, dans certains cas, les empêchent même d’en passer les épreuves. Souvent, par crainte d’échouer, faute de préparation suffisante, ils n’osent pas s’y présenter.
Pourtant, ces médecins représentent, dans certaines zones géographiques, jusqu’à 30 % du personnel des établissements de santé. La prorogation du dispositif transitoire jusqu’en 2016 prévue par cette proposition de loi donnera donc une bouffée d’oxygène aux hôpitaux, en laissant cinq années supplémentaires pour parachever le processus de régularisation de ces professionnels de santé.
Avant de conclure, je souhaite saluer la détermination du Gouvernement à trouver une solution au problème de l’accumulation, depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2002 ayant institué les 35 heures à l’hôpital, des journées de congé dues aux médecins hospitaliers au titre de la réduction du temps de travail. Je suis convaincu que cette loi a contribué à déstabiliser l’hôpital. Nous nous félicitons donc de l’accord trouvé avec les praticiens hospitaliers sur ce point.
Le groupe UMP votera naturellement le présent texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est vrai que le département de l’Orne est dans une situation difficile, comme l’a souligné Mme Archimbaud, ce dont je la remercie.
La présente proposition de loi reprend une disposition que nous avions introduite dans un article du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. J’étais intervenue en séance publique à cette occasion, ce qui me permettra d’être brève aujourd’hui.
Il est heureux que les médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne qui exercent dans nos hôpitaux ne suivent guère les travaux du Conseil constitutionnel ! Ainsi, ils n’ont pas nécessairement connaissance de la censure par ce dernier d’une disposition qu’ils avaient tant attendue… Soyons donc discrets sur ce point ce soir !
Mme Nathalie Goulet. Disons qu’il n’est peut-être pas nécessaire de les inquiéter à nouveau en donnant une trop grande publicité à cette décision du Conseil constitutionnel.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est trop tard !
Mme Nathalie Goulet. Comme je le disais à l’instant, le département de l’Orne connaît d’importantes difficultés en matière de démographie médicale, en dépit du remarquable travail accompli par M. Pierre-Jean Lancry à la tête de l’agence régionale de santé Basse-Normandie. Les chiffres cités par Mme Archimbaud ne sont pas tout à fait exacts, mais on dénombre cinq médecins hospitaliers étrangers titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne à Flers, neuf à Argentan, par exemple. Leur situation a ému non seulement la population, mais aussi les élus. Aujourd’hui, on nous propose donc une solution, ce qui ne peut que nous satisfaire.
Concernant le problème de la démographie médicale, la loi HPST comportait des mesures de contrainte pour amener davantage de médecins à s’installer en milieu rural. Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à prôner inlassablement de telles dispositions. L’État paie les études des médecins !
M. Alain Milon. Cela est vrai pour tous les étudiants !
M. Jean-Claude Lenoir. Les élus de l’Orne préfèrent les pôles de santé !
Mme Nathalie Goulet. Encore faut-il qu’ils puissent attirer des médecins !
M. Jean-Claude Lenoir. C’est pour cela qu’ils les paient !
Mme Nathalie Goulet. Certains élus de l’Orne font ce choix, d’autres non ! Il est tout à fait normal que nous puissions avoir des divergences, mon cher collègue, mais je souligne que certains pôles de santé sont dépourvus de médecin !
M. Jean-Claude Lenoir. Pas dans l’Orne !
M. le président. Seule Mme Goulet a la parole, mon cher collègue !
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie, monsieur le président.
En tout état de cause, je sais que je serai comprise du côté gauche de notre hémicycle !
M. Jean-Claude Lenoir. La gauche vous secourt !
Mme Nathalie Goulet. C’est peut-être ce qui m’a permis d’obtenir 60 % des voix lors des élections sénatoriales : ce n’est pas si mal !
Je continue à penser que nous en viendrons un jour à prendre des mesures contraignantes pour développer l’installation de médecins dans les zones rurales et dans les zones urbaines défavorisées.
Bien évidemment, les pôles de santé et les mesures incitatives mis en place, de façon coordonnée grâce notamment à l’action des agences régionales de santé, par les conseils généraux et les conseils régionaux contribuent à lutter contre les déserts médicaux,…
Mme Catherine Génisson. Absolument !
M. Jean-Claude Lenoir. Vive les pôles de santé !
Mme Nathalie Goulet. … mais la création de pôles de santé ne règle rien si l’on ne trouve pas de médecins pour les animer !
M. Xavier Bertrand a pris des engagements importants, retracés dans la lettre que M. Lenoir et moi-même avons reçue. Je m’en félicite, mais il revient maintenant au Parlement de voter les mesures nécessaires. Nous devrons revenir sur ce problème en 2014 ; je ne doute pas que, d’ici là, nous aurons l’occasion d’examiner un texte visant à améliorer la situation des départements ruraux et des zones urbaines sensibles en matière de démographie médicale, fût-ce en contraignant quelque peu les professionnels de santé.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nathalie Goulet. En effet, notre pays n’a jamais formé autant de médecins qu’aujourd’hui ; c’est leur répartition sur le territoire qui pose problème ! Les habitants des zones rurales ne sont pas des Français de seconde zone, et il n’est pas normal qu’ils doivent payer trois fois pour être soignés : par le biais du budget de l’État, en tant que contributeurs au système de protection sociale et au travers de leurs impôts locaux. Il est grand temps de prendre des mesures qui soient appliquées ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR, du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les circonstances qui nous amènent à discuter cette proposition de loi, préférant plutôt insister sur l’enjeu sanitaire immédiat qu’elle recouvre.
Depuis le 31 décembre 2011, près de 4 000 praticiens n’ont plus le droit, en théorie, d’exercer dans nos hôpitaux. Il s’agit de praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays extérieur à l’Union européenne qui n’ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances prévues par la procédure d’autorisation d’exercice mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Cette situation soulève deux problèmes : d’abord, celui de la continuité des soins dans un certain nombre d’établissements publics ou privés d’intérêt collectif, dont le fonctionnement repose en partie sur ces praticiens ; ensuite et surtout, celui de la couverture assurantielle de ces professionnels de santé en matière de responsabilité civile. Imaginons à quelles difficultés s’exposeraient ces derniers et les établissements qui les emploient si un incident médical survenait !
À problème urgent, réponse urgente… Cette proposition de loi vise à prolonger jusqu’au 31 décembre 2016 le dispositif transitoire d’autorisation d’exercice restreint dont bénéficient les praticiens en question et à prévoir une nouvelle épreuve de vérification des connaissances, dont les modalités seront fixées par décret. Une fois de plus, nous aurions souhaité connaître, avant de voter, le contenu exact de celui-ci, ou tout du moins les orientations guidant sa rédaction. Peut-être, madame la secrétaire d’État, pourrez-vous nous apporter des éléments d’information sur ce point.
Cependant, le dispositif du présent texte constitue sans doute la meilleure solution si l’on se concentre sur l’enjeu immédiat, qui est de garantir la permanence des soins.
La grande majorité des praticiens titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne occupent des postes indispensables au fonctionnement des établissements, dans les services des urgences, de réanimation ou de médecine, où ils rendent des services importants pour des rémunérations inférieures à celles de titulaires. Une telle distorsion salariale n’est pas sans nous interpeller ; le retard pris dans la régularisation de la situation de ces professionnels de santé ne lui est-il pas lié ?…
Par ailleurs, nombre de ces médecins sont aujourd’hui français, ayant acquis la nationalité française depuis leur arrivée, notamment par le mariage, et ont des enfants également français.
Enfin, pour connaître plusieurs de ces praticiens et être intervenu en faveur de certains d’entre eux, je sais qu’ils sont, pour la plupart – mais pas tous –, dévoués et compétents. Il faut le reconnaître et le valider en les soumettant à des épreuves adaptées. Ne pas le faire serait injuste et aggraverait les difficultés d’un certain nombre d’établissements confrontés à des vacances de postes.
Cela étant, je m’interroge : pourquoi nombre des praticiens concernés n’ont-ils pas présenté les épreuves de vérification des connaissances avant la date fatidique, alors qu’ils ont très souvent acquis une expérience et une compétence réelles ? Comment expliquer que l’on ferme les études médicales à un certain nombre d’étudiants français, par l’instauration d’un numerus clausus trop strict, tandis que l’on a mis en œuvre une procédure dérogatoire au bénéfice des praticiens étrangers ?
Que l’on ne se méprenne pas, je ne m’oppose nullement à l’exercice de la médecine dans notre pays par des praticiens étrangers, pour autant que leurs compétences ont été validées. Je note au passage qu’on n’en serait pas là si la vérification des connaissances intervenait avant la prise de fonctions, même pour les praticiens recrutés sous statut d’exercice restreint. Une fois leur compétence établie, ils devraient pouvoir prétendre à un statut professionnel et salarial identique à celui de leurs homologues à diplôme français.
M. Jacky Le Menn. Tout à fait !
M. Gilbert Barbier. Je crois, madame la secrétaire d’État, que nous devrions réfléchir à l’adaptation de notre système de formation aux enjeux sanitaires. Alors que près de 10 000 postes ne sont pas pourvus par des praticiens titulaires, est-il raisonnable d’imposer une sélection si drastique à la fin de la première année des études médicales ? Manque d’attractivité de certains postes hospitaliers, désaffection pour la médecine générale et inégale répartition sur le territoire : la situation est préoccupante. Certes, des mesures ont été prises pour y remédier, avec en particulier la création de la spécialité de médecine générale, la multiplication des maisons pluridisciplinaires de santé, la régionalisation du numerus clausus et la mise en place des contrats d’engagement de service public, mais je ne suis pas convaincu que cela soit suffisant. Le ministère de la santé réfléchit-il à des dispositions plus efficaces, peut-être d’ordre salarial, en cette période de régularisation en matière de RTT ?
Quoi qu’il en soit, le secteur de la santé a aujourd’hui besoin de ces quelque 4 000 praticiens à diplôme étranger. La présente proposition de loi permet d’apporter une réponse à leur besoin légitime de reconnaissance et tend à fixer des conditions garantissant leur compétence. C’est la raison pour laquelle nous la voterons.
Espérons que le problème sera réglé à l’échéance de 2016 et que nous pourrons trouver de nouvelles solutions –autres que coercitives, car la contrainte ne changera évidemment pas la donne – pour répondre aux besoins en professionnels de santé de nombreux territoires qui désespèrent.
J’ajouterai, pour conclure, qu’il est également urgent de se préoccuper du sort des praticiens étrangers ayant obtenu leur diplôme dans leur pays d’origine et qui exercent des fonctions paramédicales dans nos hôpitaux, dans des conditions difficilement acceptables. Leur cas n’est pas réglé par ce texte, ce qui est bien regrettable. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord rendre hommage à tous ces praticiens qui, ayant obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne, exercent en France. C’est en partie leur travail, accompli dans des conditions souvent précaires, qui permet de maintenir la qualité du système de santé français.
S’ils ont obtenu leur diplôme à l’étranger, nombre d’entre eux sont français et ont effectué au moins une partie de leur formation dans notre pays. Alors que leurs compétences n’ont rien à envier à celles des médecins diplômés en France et en Europe, leurs conditions d’exercice sont particulièrement difficiles et incertaines.
Le recrutement de praticiens à diplôme hors Union européenne – les PADHUE –, théoriquement interdit depuis 1999, s’est poursuivi dans la pratique, illégalement et en l’absence de statut. Et pour cause : ces professionnels pallient une véritable carence de l’hôpital public français, liée à l’insuffisance du nombre de praticiens formés en France et à l’inégale répartition de ceux-ci sur le territoire.
Le numerus clausus appliqué aux études de médecine et le manque d’attractivité des carrières hospitalières sont tels que, sans ces praticiens à diplôme hors Union européenne, certains hôpitaux et services seraient tout simplement amenés à fermer. Que l’on ne vienne pas nous dire que la récente augmentation de ce numerus clausus permettra, fût-ce à terme, de résoudre les problèmes : cela est faux, et il est facile de le démontrer !
En réalité, ces praticiens sont indispensables à l’existence d’un service public de la santé de qualité sur l’ensemble du territoire français. En effet, ils sont souvent affectés dans des zones de désertification médicale et sont parfois les seuls garants du maintien d’hôpitaux publics de proximité. Ces médecins sont injustement traités et leur besoin de reconnaissance est légitime, eu égard au rôle qu’ils remplissent.
La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, avait d’ailleurs estimé, dans un délibéré du 27 février 2006, que ces praticiens, cantonnés à des statuts précaires, sous-payés et empêchés d’exercer pleinement la médecine, sont victimes de discrimination. L’absence de statut a permis l’exploitation de ces professionnels de santé qui exercent pourtant des responsabilités identiques à celles de leurs homologues ayant obtenu leur diplôme dans un pays membre de l’Union européenne.
Afin de remédier à cette situation intolérable, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a instauré un processus d’autorisation d’exercice dérogatoire permettant aux praticiens à diplôme hors Union européenne, après examen, le plein exercice de la médecine et leur ouvrant la possibilité d’occuper officiellement les fonctions qui de fait sont déjà les leurs depuis de nombreuses années.
Reconnaissant la valeur probatoire de leur pratique professionnelle et l’injustice de leur situation, la loi leur a donné jusqu’au 31 janvier 2011 pour régulariser leur pratique. Au-delà de cette date, leur droit d’exercer dans les établissements de santé publics a pris fin s’ils n’ont pas satisfait aux épreuves de vérification des connaissances.
Alors que ce processus est arrivé à son terme, force est de constater qu’il n’a pas suffi : on peut estimer aujourd’hui à 4 000 le nombre de praticiens à diplôme hors Union européenne n’ayant pu bénéficier de cette autorisation d’exercice.
Qu’ils aient été remerciés ou qu’ils continuent d’exercer depuis le 1er janvier 2012 sans statut juridique, ces praticiens se trouvent dans une position très difficile. Quant aux hôpitaux qui continuent de les employer pour assurer la continuité du service public et la permanence des soins, ils se placent ainsi dans une situation juridique périlleuse.
La situation est connue depuis longtemps, mais ce n’est que voilà quelques mois seulement, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, que le Gouvernement a enfin consenti à déposer un amendement visant à proroger la procédure d’autorisation d’exercice jusqu’au 31 décembre 2014. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, qu’il a considérée comme un cavalier législatif. Il y a donc aujourd’hui urgence à légiférer, en raison de l’incapacité ou de la négligence du Gouvernement, qui n’a pas su traiter le problème à temps. Nous déplorons cette situation.
Nous sommes donc contraints d’adopter rapidement cette proposition de loi, qui reprend l’article censuré de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, afin de ne pas pénaliser davantage des hommes et des femmes plongés dans l’insécurité et la détresse. Ce débat est précipité, j’oserai même dire amputé, car si nous reconnaissons l’utilité du présent texte, nous en sommes également quelque peu prisonniers. L’urgence de son adoption interdit en effet de mener une véritable réflexion sur le sujet et nous réduit à voter une loi circonstancielle.
Portant exclusivement sur la procédure de validation dérogatoire, cette proposition de loi permet de faire oublier celle de droit commun et de contourner la question fondamentale des déserts médicaux. Or cette dernière se posera demain avec plus d’acuité que jamais, puisque le nombre des médecins formés en France restera insuffisant, tandis que les PADHUE, qui servaient jusque-là de variable d’ajustement, ne seront plus assez nombreux, à la suite de la régulation introduite par l’arrêté du 3 août 2010.
Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, nous veillerons avec beaucoup d’attention à ce que les décrets d’application donnent les même chances à tous les praticiens ayant obtenu leur diplôme dans un État non membre de l’Union européenne. En particulier, il importe que ces textes n’excluent pas les diplômés en médecine ayant accepté, en France, des postes d’infirmier ou exerçant dans le secteur paramédical, l’enseignement ou encore l’industrie pharmaceutique.
Ajoutons que la procédure de validation est un long parcours. L’examen n’en est que le premier pas, avant l’année probatoire et la délivrance de l’accord de la commission d’autorisation d’exercice, laquelle peut demander, si nécessaire, une prolongation de la période de formation. Quelles mesures d’accompagnement prévoyez-vous pour permettre au plus grand nombre possible des praticiens concernés de réussir dans cette démarche, eu égard à leurs conditions de travail difficiles ?
Par respect pour le travail de ces professionnels de santé, nous voterons la présente proposition de loi, qui tend à prolonger la procédure de validation dérogatoire jusqu’en 2016, ce qui devrait permettre de tous les régulariser. Cependant, nous continuons de déplorer les conditions de son adoption, liées à la situation regrettable dans laquelle l’incurie du Gouvernement a placé ces praticiens, et surtout l’absence de réflexion à long terme.
Bien que ce texte soit utile, il ne constituera qu’une rustine de plus sur notre système de santé, qui a un besoin urgent de réformes structurelles courageuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous examinons, ce 24 janvier, une proposition de loi visant à encadrer les conditions d’exercice de certains professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne, qui a été déposée le 20 décembre 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale et examinée le 18 janvier 2012 par nos collègues députés. Que l’on me permette de saluer l’exceptionnelle efficacité du Parlement… Mais ne faut-il pas plutôt parler de précipitation imposée par l’urgence de la situation ?
Certes, si nous débattons de ce texte aujourd’hui, c’est en raison de la censure par le Conseil constitutionnel, voilà quelques semaines, de l’article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui traitait de la question qui nous occupe.
Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. D’aucuns ont alors fait remarquer qu’il s’était, en l’occurrence, montré particulièrement scrupuleux. Peut-être, mais il n’en demeure pas moins que cet épisode ne serait pas survenu si la majorité présidentielle avait su anticiper : là est bien le problème. Cela nous oblige de nouveau à légiférer dans l’urgence.
Déjà, il avait fallu attendre la fin de l’année 2006 pour que soit mis en place, au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, un examen dérogatoire, parallèlement à la nouvelle procédure d’autorisation d’exercice qui astreint les praticiens titulaires d’un diplôme étranger à passer un concours très sélectif, alors même que leurs compétences sont reconnues et qu’ils occupent déjà un poste.
Il était prévu que cette mesure dérogatoire prendrait fin le 31 décembre 2011. Quelques jours seulement avant cette date, le Gouvernement a donc décidé d’introduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article la prorogeant. C’est ce que l’on peut appeler faire preuve d’une belle capacité d’anticipation…
En définitive, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, ce sont quelque 4 000 praticiens qui, depuis le 1er janvier dernier, exercent dans l’illégalité.
Or, quand on sait que, dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, ces médecins ayant obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne, qu’ils soient français ou étrangers, représentent près de 50 % des effectifs hospitaliers, on mesure aisément les conséquences alarmantes d’une telle négligence.
La désertification médicale est telle que les praticiens à diplôme étranger jouent un rôle absolument essentiel pour assurer la continuité du service public de santé en France.
D’après le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, le nombre de ces professionnels de santé ayant obtenu leur diplôme dans un pays non membre de l’Union européenne s’établissait, en 2011, entre 6 700 et 7 100 ; s’y ajoutent 3 300 praticiens en formation. Sur les 214 000 médecins en activité au 1er janvier 2007, 17 000 étaient des PADHUE.
Pourtant, aussi indispensables soient-ils, ces praticiens subissent une grande précarité : leur statut contractuel est renouvelable d’année en année, sans prise en compte de leurs nombreuses années d’exercice ; leur salaire est bien inférieur à celui de leurs collègues à diplôme français, alors même qu’ils exercent le même métier et assument de fait les mêmes responsabilités ; ils exercent dans des conditions souvent extrêmement difficiles, dans des zones désertées par leurs collègues titulaires d’un diplôme français ; ils sont contraints d’accumuler les gardes, à la fois pour répondre aux besoins et pour améliorer leur salaire ; enfin, ils n’ont aucune perspective de carrière et n’obtiendront jamais l’autorisation de s’installer.
La proposition de loi que nous examinons ce soir est incontestablement nécessaire, mais elle ne résoudra nullement le problème de la quasi-exploitation de ces praticiens et ne répondra pas à leur légitime besoin de reconnaissance, voire de dignité.
À cet égard, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité avait très clairement dénoncé, dans sa décision du 27 février 2006, une discrimination à l’encontre de ces praticiens à diplôme étranger, trouvant sa source dans « l’exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques ».
Par ailleurs, le vote par nos collègues députés du report du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2016 du terme de la période transitoire est bienvenu. Cela permettra en effet aux praticiens recrutés par les établissements de santé avant le 3 août 2010 de se présenter dans les meilleures conditions aux épreuves de vérification des connaissances, mais qu’en sera-t-il des étudiants et des médecins à diplôme étranger ayant commencé à exercer après 2010 ? À n’en pas douter, en 2016, le Parlement sera de nouveau saisi dans l’urgence d’un texte analogue à celui qui nous est soumis ce soir…
Il importe de prévoir une solution pérenne et de mettre fin à une hypocrisie qui ne nous honore pas : si ces médecins ont les compétences requises, comme en témoignent la place qui leur est accordée dans nos hôpitaux et le fait qu’ils y donnent satisfaction, nous devons, madame la secrétaire d'État, cesser de voter des textes à courte vue et offrir à ces médecins un statut qui leur rende leur dignité.
En tout état de cause, notre groupe votera cette proposition de loi, en dépit de ses imperfections. Bien qu’elle ne fasse que régler provisoirement le problème des PADHUE et n’appréhende pas la question de leur statut dans sa globalité, il convient de ne pas rendre encore plus précaire la situation juridique et statutaire de ces praticiens, dont la France a tant besoin.
Avant de conclure, je souhaite évoquer rapidement la situation spécifique des futurs médecins français à diplôme étranger qui n’ont pas la possibilité de bénéficier d’un recrutement en qualité d’étudiant « faisant fonction d’interne ». J’ai déjà abordé à plusieurs reprises ce problème, qui touche un grand nombre de nos concitoyens, placés ainsi dans une situation parfaitement injuste. Pour mettre fin à l’inégalité dont ils pâtissent, il suffirait, madame la secrétaire d’État, d’amender l’article 1er de l’arrêté du 8 juillet 2008, afin de permettre aux ressortissants communautaires résidant dans un pays extracommunautaire d’accéder aux cycles de formation médicale spécialisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)