M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons donc ce soir, dans l’urgence, un texte essentiel pour garantir à très court terme la continuité des soins dans de nombreux hôpitaux.
Que nous soyons contraints d’étudier cette proposition de loi dans de telles conditions n’est pas neutre, tant s’en faut. La situation difficile que connaissent de nombreux établissements et leurs praticiens a été signalée à de nombreuses reprises. Cela fait non pas des mois, mais des années, que la question qui nous occupe aujourd’hui se pose.
Je ne pense pas que le manque de réactivité de différents ministres, qui met notre système de santé sous tension, soit uniquement imputable à une simple inertie. Le phénomène s’est amplifié, pour de multiples raisons, depuis quelques années, singulièrement depuis l’entrée en vigueur de la tristement célèbre loi HPST, qui n’a pas renforcé, madame la secrétaire d'État, l’attractivité de l’hôpital, bien au contraire.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cette loi aligne de fait la gestion de l’hôpital sur celle d’une entreprise privée, soucieuse de rentabilité. Ce n’est pas un hasard si nombre de praticiens ont fui l’hôpital public après y avoir suivi tout le cursus des études médicales, internat et clinicat compris. Leurs motivations à le faire ne se résument en aucune façon à la seule quête d’une meilleure rémunération dans le secteur privé !
Fort logiquement, nos établissements de soins sont obligés, dans ce contexte, de faire appel à des professionnels de santé qui ne sont pas issus du circuit de formation classique.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. On se satisfaisait jusqu’à présent, avec une sorte de fatalisme, d’utiliser comme variables d’ajustement des médecins compétents titulaires de diplômes obtenus dans des pays extérieurs à l’Union européenne, ces praticiens étant relégués dans les zones grises de la réglementation.
La crise sérieuse que traverse notre système de santé révèle les dysfonctionnements profonds qui affectent l’hôpital. Nous affirmons qu’il revient au politique de donner à celui-ci les moyens de fonctionner ; on ne saurait le condamner à recourir, en matière de recrutement, à des solutions hasardeuses sur les plans juridique et financier, se situant aux limites de la légalité. Nous affirmons également que l’on ne saurait laisser des professionnels de santé compétents à la périphérie du système de santé français, avant de les en exclure totalement pour ne pas avoir adapté les procédures trop contraignantes permettant de régulariser leur activité.
De lourdes incertitudes – le mot est faible ! – pèsent sur l’avenir professionnel des personnes concernées, qui sont de surcroît sous-payées alors qu’elles accomplissent parfaitement leur mission de service public au quotidien, avec compétence et dévouement. Circonstance aggravante, au moment où je parle, personne n’est en mesure de préciser quel est exactement leur nombre !
La contribution de ces médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens est à juste titre qualifiée d’indispensable. Il y a donc urgence à adopter le présent texte, car, depuis le 1er janvier 2012, et malgré les instructions émanant du ministère, il est patent que les établissements et les praticiens concernés courent un risque majeur en cas d’incident ou d’accident médical.
Il faut donc permettre à cette catégorie de professionnels de continuer à exercer sereinement leur activité. Cette proposition de loi ne résout rien sur le fond, elle est loin d’être parfaite, mais nous devons néanmoins l’adopter, afin d’offrir aux professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne la possibilité de rester en fonctions jusqu’en 2016.
Pour autant, madame la secrétaire d'État, nous ne pouvons manquer de nous interroger sur le fait que l’une des premières puissances économiques du monde soit aujourd’hui incapable de former et de recruter des professionnels de santé dans des conditions garantissant un fonctionnement serein de son système de soin.
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Jean-Jacques Mirassou. Je ne reviendrai pas sur l’insuffisance des moyens donnés aux établissements de santé, préférant mettre l’accent sur la question du numerus clausus pour les études médicales.
Lors de la discussion de la loi du 7 juillet 2009 portant création d’une première année commune aux études de santé et facilitant la réorientation des étudiants, beaucoup d’entre nous s’étaient étonnés que la fixation de ce numerus clausus soit déconnectée de toute projection à dix ou vingt ans en matière de démographie médicale. Nous en subissons maintenant les conséquences !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exact !
M. Jean-Jacques Mirassou. En tout état de cause, comment justifier que la sélection soit à ce point sévère, quand les besoins sont très importants et les postes très difficiles à pourvoir ?
Quid, dans ces conditions, de la ventilation des médecins entre les zones urbaines et le milieu rural, entre médecine de ville et hôpital public ? Il ne faut pas non plus oublier que la féminisation croissante de la profession médicale a de fait pour corollaire le développement du temps partiel, ce qui pénalisera à terme le fonctionnement de notre système de soin, qu’il s’agisse de l’hôpital ou de la médecine de ville.
Enfin, j’évoquerai le cas des étudiants en médecine étrangers qui, bien qu’ayant accompli leur cursus en France, ne sont pas certains de pouvoir intégrer dans de bonnes conditions notre système sanitaire, du fait de la circulaire Guéant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
Le IV de l’article 83 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est supprimé ;
2° Le dernier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« Par exception aux dispositions du sixième alinéa du I de l’article 60 de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 précitée et aux dispositions du huitième alinéa du I de l’article 69 de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, les médecins et les chirurgiens-dentistes titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, certificat ou titre, recrutés avant le 3 août 2010 dans des conditions fixées par décret dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif, peuvent continuer à exercer leurs fonctions jusqu’au 31 décembre 2016.
« Les praticiens se présentent à une épreuve de vérification des connaissances, organisée chaque année jusqu’en 2016, dès lors qu’ils justifient :
« 1° Avoir exercé des fonctions rémunérées pendant au moins deux mois continus entre le 3 août 2010 et le 31 décembre 2011 ;
« 2° Avoir exercé trois ans en équivalent temps plein dans des conditions fixées par décret, à la date de clôture des inscriptions à l’épreuve à laquelle ils se présentent.
« Les pharmaciens titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, recrutés avant le 3 août 2010 dans des conditions fixées par décret, se présentent à l’épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sous les conditions prévues aux 1° et 2°.
« Les sages-femmes titulaires d’un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans un État non membre de l’Union européenne ou non partie à l’accord sur l’Espace économique européen et permettant l’exercice de la profession dans le pays d’obtention de ce diplôme, recrutées avant le 1er janvier 2012 et ayant exercé des fonctions rémunérées dans des conditions fixées par décret, se présentent à l’épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sous les conditions prévues au 2°.
« Les médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens et sages-femmes ayant satisfait à l’épreuve de vérification des connaissances exercent durant une année probatoire des fonctions rémunérées, dans des conditions fixées par décret, dans un établissement public de santé ou un établissement de santé privé d’intérêt collectif. À l’issue de cette année probatoire, l’autorisation d’exercer leur profession peut leur être délivrée par le ministre chargé de la santé, qui se prononce après avis de la commission mentionnée au I de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique ou du Conseil supérieur de la pharmacie. Les fonctions exercées avant la réussite à cette épreuve peuvent être prises en compte après avis de ces mêmes instances, dans des conditions fixées par décret.
« Les modalités d’organisation de l’épreuve de vérification des connaissances mentionnée au troisième alinéa du présent IV sont fixées par décret. »
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. Je voterai bien entendu cette proposition de loi, car en cas de feu, il faut appeler les pompiers et éteindre l’incendie ! Il est toutefois irritant de constater que l’on attend toujours le dernier moment pour régler des problèmes pourtant connus de tous depuis longtemps.
Certes, dans l’immédiat, une instruction ministérielle a été donnée pour que les médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne puissent être payés et couverts au titre de leur exercice professionnel, mais cette solution semble juridiquement très fragile.
Voilà des années que le problème qui nous occupe ce soir se pose. Il existait déjà avant la mise en place des 35 heures. J’y ai d’ailleurs été personnellement confronté en tant que directeur d’hôpital, y compris dans l’Orne, où j’ai eu la chance d’exercer mes fonctions pendant quatre ans.
Mme Sylvie Goy-Chavent. L’Orne est à l’honneur, ce soir !
M. Jacky Le Menn. Voilà bien longtemps qu’existent des déserts médicaux dans le secteur hospitalier public. Ainsi, environ un poste à temps plein sur quatre est actuellement vacant dans les hôpitaux publics. C’est une réalité qui pose des problèmes insurmontables dans des structures de soin accueillant des populations déjà confrontées à de nombreuses difficultés, aussi bien en milieu rural que dans la périphérie de grandes villes. Mon expérience passée me permet d’en témoigner.
Madame la secrétaire d’État, il faut prendre le sujet à bras-le-corps, car on ne peut se résigner à voir coexister, dans notre pays, des zones où l’offre de soins est surabondante et d’autres qui manquent de médecins, tandis que les hôpitaux de proximité, pourtant indispensables, se raréfient et peinent à répondre aux besoins d’une population vieillissante, dont l’accueil par les centres hospitaliers universitaires soulève des difficultés.
Pour remédier au manque de personnel, les établissements de santé publics recourent à une main-d’œuvre surexploitée et sous-payée. Cela ne signifie pas pour autant, d’ailleurs, que les médecins hospitaliers titulaires soient payés confortablement.
Madame la secrétaire d’État, il faut trouver des solutions ! On ne peut continuer ainsi ! Comme l’a rappelé M. le rapporteur, il s’agit d’une situation qui perdure depuis les années soixante-dix. Je puis le confirmer, pour avoir débuté ma carrière professionnelle à cette époque. Il faut assurer la prise en charge des malades dans de bonnes conditions. Les médecins titulaires d’un diplôme étranger possèdent de grandes compétences ; leur situation doit être régularisée de façon pérenne, afin que nous n’ayons pas à y revenir en 2016.
La Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, qui est présidée par M. Daudigny, devra se pencher sur la question de l’encadrement des hôpitaux en France, que l’on ne peut continuer à occulter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.
Mme Catherine Génisson. Je voudrais saluer le travail de M. Daudigny, qui a su, dans des délais très courts, rédiger un excellent rapport sur un problème récurrent depuis maintenant une quarantaine d’années. Dans certaines zones, il prend un tour aigu. Ainsi, dans le Pas-de-Calais, sans ces professionnels formés à l’étranger, dont la compétence et le dévouement sont indiscutables, les gardes ne pourraient être assurées dans les hôpitaux et certains établissements généraux devraient fermer. Il en va de même dans de nombreux territoires, même si certains sont plus touchés que d’autres, des spécialités comme les urgences, la radiologie, la chirurgie, l’anesthésie, l’obstétrique souffrant en outre particulièrement du manque de personnel.
Pour autant, nous ne devons pas adopter une approche utilitariste à l’égard d’hommes et de femmes qui méritent tout notre respect, d’autant qu’ils sont maltraités, n’hésitons pas à le dire. Comme vient de le souligner avec fougue M. Le Menn, ils ne bénéficient d’aucune perspective de carrière et leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur, y compris sur le plan financier, au prétexte qu’ils exercent sous l’autorité de médecins titulaires. Je ne dénigre pas ces derniers, bien entendu, mais ils ne sont en général pas sur le terrain, ce qui peut d’ailleurs poser des problèmes de responsabilité. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous nous apporterez des éléments d’information sur ces points avant la fin de notre discussion.
Il est donc vraiment plus qu’urgent d’offrir un statut correct à ces hommes et à ces femmes qui rendent d’immenses services.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier la nécessité de mener une politique de coopération internationale de qualité avec les pays d’origine de ces praticiens. Je rappelle que nous prospectons à l’étranger pour les attirer chez nous. Je le dis sans esprit polémique, il ne faudrait pas que ce soit un moyen pour nos hôpitaux publics, qui sont en grande difficulté financière, de faire des économies à bon compte.
Le recours à des médecins titulaires d’un diplôme étranger pose en outre, sur un plan plus structurel, la question de l’attractivité des carrières à l’hôpital public. Il ne s’agit pas seulement d’un problème financier, la reconnaissance des responsabilités exercées importe aussi. Un praticien qui commence une carrière à l’hôpital public sait très bien qu’il n’aura pas le même niveau de rémunération que son collègue du secteur privé, et ce n’est pas nouveau. Ajoutons qu’il faut alléger la chape de plomb administrative qui, à l’heure actuelle, empêche les praticiens hospitaliers de travailler. De ce point de vue, la loi HPST n’a pas amélioré les choses. Certains professionnels décident de quitter l’hôpital public pour cette raison, ne supportant plus de ne pas pouvoir travailler librement et dans des conditions satisfaisantes.
Le relèvement du numerus clausus ne suffira pas, à mon sens, à remédier à tous les problèmes. Les solutions ne sont pas simples, les médecins hospitaliers s’étant par exemple toujours opposés à une différenciation des carrières selon le degré de pénibilité des spécialités.
M. le rapporteur a évoqué l’annonce d’un accord miracle sur les RTT. Les praticiens hospitaliers croulent sous le travail, du fait du manque de personnel médical et paramédical. Il faut leur permettre de prendre leurs jours de congé supplémentaires ou, s’ils y renoncent, les rémunérer en conséquence. Personne ne le conteste, cette surcharge résulte pour partie de l’application des 35 heures,…
Mme Françoise Férat. Oui !
Mme Catherine Génisson. … mais pour partie seulement. Il faut reconnaître la pénibilité de leur travail et le poids des exigences de sécurité.
Je rappelle que le dispositif qui pose tant de problèmes aujourd’hui a été mis en place sous un gouvernement de droite, par un ministre, M. Jean-François Mattei, pour qui j’ai un grand respect, même si je ne partage pas ses orientations politiques. Faute sans doute d’études d’impact approfondies, il n’avait pas mesuré toutes les conséquences des dispositions qu’il a prises en matière de statut des praticiens hospitaliers dont il est question ce soir.
En conclusion, il est urgent de donner un statut digne aux médecins titulaires d’un diplôme étranger qui exercent dans nos hôpitaux, de les sortir de la fragilité statutaire et de l’instabilité professionnelle dans laquelle ils se trouvent, de renforcer l’attractivité et d’améliorer le fonctionnement de l’hôpital public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Goy-Chavent, pour explication de vote.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Je voterai bien évidemment cette proposition de loi, mais je voudrais profiter de cette occasion pour dénoncer ce numerus clausus qui nous prive de tant de médecins de famille dans nos campagnes, de spécialistes dans nos villes et de praticiens à diplôme français dans nos hôpitaux…
Le numerus clausus, conjugué à un mode de sélection fondé sur les mathématiques et la physique en première année de médecine, incite les jeunes Français à s’expatrier, notamment en Roumanie, pour suivre des études médicales.
Le numerus clausus est dans une large mesure responsable de la raréfaction des médecins dans les zones rurales et du recours croissant, à l’hôpital public, à des médecins étrangers dont les compétences doivent être soulignées mais dont les diplômes ne sont reconnus ni par la France ni par l’Europe.
On m’oppose parfois que former des médecins coûte cher, surtout lorsqu’il s’agit de femmes… En effet, les femmes ont souvent l’ambition, curieuse au goût de certains, de fonder une famille et d’élever des enfants tout en travaillant à temps partiel pendant quelques années.
Madame la secrétaire d’État, cette proposition de loi met l’accent sur de nombreuses difficultés. Le malaise est profond. J’espère que nous saurons enfin un jour venir à l’aide de professions médicales qui – c’est un comble ! – semblent bien malades dans notre pays… (Applaudissements sur les travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. J’estime moi aussi que nous devons respect et reconnaissance aux médecins titulaires d’un diplôme obtenu dans un État non membre de l’Union européenne qui exercent dans nos hôpitaux. Nous savons tous quelle part ils prennent, depuis très longtemps, à la permanence des soins, à l’accueil des malades et des blessés. C’est pourquoi nous sommes sensibles à leur situation.
On a beaucoup évoqué, au cours de ce débat, le cas du beau département de l’Orne, où 73 % des nouveaux inscrits à l’Ordre des médecins sont étrangers, comme le signale M. Daudigny dans son rapport… C’est l’un des taux les plus élevés dans notre pays.
M. Yves Daudigny, rapporteur. Il l’est encore plus dans l’Aisne.
M. Jean-Claude Lenoir. Il atteint même 100 % dans l’Yonne.
Lorsque la question qui nous occupe a été posée avec force, au cours de l’été dernier, je me suis adressé à M. Xavier Bertrand, qui m’a alors associé à l’élaboration de l’amendement ayant été adopté lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l’Assemblée nationale. Nous pensions la mission accomplie, d’autant que le dispositif avait encore été amélioré au Sénat peu après. C’est alors qu’est intervenue la décision du Conseil constitutionnel, que je ne commenterai pas.
Je me réjouis donc que le Gouvernement ait facilité l’examen de la proposition de loi déposée par l’un de nos collègues, le député Jean-Pierre Door, en engageant la procédure accélérée. Je me félicite également qu’une belle unanimité se dégage dans notre hémicycle en faveur d’une adoption la plus rapide possible.
Cela étant, nous sommes en train de créer une nouvelle dérogation à deux textes de loi, que certains de nos collègues ont peut-être oubliés : la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle et la loi du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, qui ont mis fin à la possibilité offerte aux centres hospitaliers publics de recruter des médecins étrangers.
Ces deux lois sont partiellement à l’origine du problème. La première donnait aux professionnels justifiant de titres leur permettant d’être reconnus comme médecins la possibilité d’entreprendre des démarches en ce sens jusqu’au 31 décembre 2001. La seconde, adoptée dans une certaine hâte au début de 2002, soit peu de temps avant les élections, permettait de corriger le tir en leur donnant un peu plus de temps.
Monsieur le rapporteur, je me permets de vous le dire en toute amitié, vous êtes injustement sévère. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a créé les conditions afin que ces médecins disposent du temps nécessaire pour faire reconnaître leurs titres et valider leur parcours professionnel : elle leur a donné cinq ans, délai qui paraissait suffisant. Les professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne avaient donc l’obligation de satisfaire, avant 2012, aux conditions prévues par la loi.
Pourquoi certains de ceux qui étaient concernés par ce dispositif ne l’ont-ils donc pas fait avant la fin de l’année 2011 ?
Ne s’en étaient-ils pas préoccupés ? Je ne le pense pas.
Ont-ils été pris par le temps ? Je le crois. Je pense en effet que l’ampleur des tâches qu’ils ont à effectuer dans les centres hospitaliers ne leur a pas toujours permis d’entreprendre les démarches. Telle est la raison pour laquelle certains n’avaient pas réuni les conditions à l’issue de cette nécessaire période de cinq ans. Il ne faut donc pas renier la loi de 2007, qui était excellente.
Ce constat a inspiré la disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale en octobre dernier ; il inspire aujourd'hui cette proposition de loi.
Reconnaissons ensemble que c’est un sujet complexe. C’est pourquoi j’invite nos collègues de la majorité sénatoriale à ne pas accabler le Gouvernement en parlant, notamment, de « bricolage ». Quand on regarde les choses de près, on s’aperçoit qu’il fallait donner du temps à ces médecins.
Moi qui appartiens à un territoire rural, je crois fortement que les pôles de santé sont une bonne réponse pour permettre de densifier le territoire avec de nouveaux médecins, notamment de jeunes médecins. J’ai d'ailleurs remarqué avec intérêt tout à l'heure que certains de nos collègues de la majorité sénatoriale opinaient du chef à cette idée.
Je peux témoigner que, dans mon département, les élus locaux sont très attachés au développement de ces pôles de santé. À l’instar des professionnels de santé, nous observons qu’il s’agit sans doute là de l’une des voies qui nous permettra d’attirer de jeunes médecins dans des structures adaptées, au sein d’équipes pluridisciplinaires, auxquelles ils sont aujourd'hui eux-mêmes attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l’accueil unanimement favorable que vous réservez à ce texte. Il faut dire que vous aviez déjà adopté une disposition ayant le même objet lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, mais qui a été censurée par le Conseil constitutionnel.
Vous avez évoqué bien des sujets : la situation humaine de ces médecins qui travaillent dans nos hôpitaux et qui leur permettent ainsi de fonctionner, les structures hospitalières, la démographie médicale,…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Sa remise en question, vous voulez dire !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … avec le problème des déserts médicaux, ou encore la gestion hospitalière, avec une pseudo-remise en question de la loi HPST.
Mme Génisson est assez dubitative sur la pertinence de cette loi.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je voudrais simplement lui répondre – ainsi peut-être qu’à M. Le Menn qui a évoqué le manque de résultats en matière de répartition des professionnels sur le territoire – que les ARS ont jusqu’à la fin de l’année 2012 pour élaborer leurs projets régionaux de santé.
Mme Catherine Génisson. Les ARS n’ont aucun moyen !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Ceux-ci intégreront la question de la bonne répartition des professionnels sur les territoires et tiendront compte des spécificités de ces derniers. Je pense notamment au département de l’Orne et à la région du Nord-Pas-de-Calais qui ont été évoqués.
Connaissant beaucoup de professionnels titulaires d'un diplôme obtenu dans un État non membre de l'Union européenne, la question m’a immédiatement interpellée lorsque j’ai pris mes fonctions de secrétaire d’État chargée de la santé. La date butoir du 31 décembre 2011 m’a tout de suite amenée à penser un dispositif alternatif à la procédure d’autorisation d’exercice en vigueur.
Mais il fallait préparer un nouveau texte. Pour cela, il était nécessaire d’évaluer le dispositif en vigueur. Dans cette perspective, nous avons travaillé avec les syndicats des praticiens à diplôme hors Union européenne eux-mêmes, en les recevant à de multiples reprises ; le texte a été fait avec eux. Je crois d'ailleurs que c’est en travaillant avec les personnes concernées que l’on peut aboutir aux textes les plus pertinents et les plus justes.
C’est bien le fruit de cette collaboration qui nous amène aujourd'hui à assouplir le dispositif qui était en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011 ; je veux parler de l’épreuve de vérification des connaissances.
Lors de la discussion générale, M. Daudigny a indiqué vouloir davantage d’informations sur ce sujet. Sachez, monsieur le rapporteur, que, de la même manière que nous l’avons fait pour la proposition de loi, nous travaillerons sur le décret d’application en concertation avec les syndicats afin de veiller à ce que la vérification des connaissances soit conforme à une validation des acquis de l’expérience.
Vous l’avez tous compris, mesdames, messieurs les sénateurs, un médecin ayant terminé ses études il y a cinq ou dix ans ne peut répondre de façon purement académique à des questions posées dans le cadre d’un examen théorique. Il est donc évident qu’il doit être évalué sur ses compétences médicales. C’est pourquoi nous travaillerons avec les syndicats à ce que l’examen reflète l’exercice pratique de la médecine, au quotidien, dans les établissements.
Ces médecins doivent bien entendu pouvoir travailler en toute légalité, avec des titres de séjour appropriés leur permettant de pérenniser leur présence dans les hôpitaux. Faute de quoi, nous en serions les premières victimes.