Sommaire
Présidence de M. Didier Guillaume
Secrétaires :
M. Jean Desessard, Mme Catherine Procaccia.
2. Modification de l’ordre du jour
4. Protection de l'identité. – Rejet des conclusions d'une commission mixte paritaire
Suspension et reprise de la séance
Discussion générale : M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Virginie Klès, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
M. Jean-René Lecerf, Mme Éliane Assassi, MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Yves Leconte.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement n° 1 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois. – Vote réservé.
Rejet de l’ensemble de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
5. Statut de la magistrature. – Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Jacques Hyest, Alain Anziani.
M. le rapporteur.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Adoption définitive, par scrutin public, de l’ensemble du projet de loi organique.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
6. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Michelle Demessine, M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
MM. Jean-Claude Requier, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
MM. Joël Guerriau, Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
M. François Patriat, Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
MM. Jean Desessard, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
MM. Christophe Béchu, Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement.
campagne électorale dans les médias
MM. David Assouline, Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Mme Claudine Lepage, M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.
Mme Élisabeth Lamure, M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
7. Mise au point au sujet d'un vote
MM. Jean-Pierre Vial, le président.
8. Agents contractuels dans la fonction publique. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois ; François Sauvadet, ministre de la fonction publique.
Amendement n° 67 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Claude Requier.
Amendement n° 100 du Gouvernement. – M. le ministre.
Mme le rapporteur, MM. le ministre, Jean-Jacques Hyest, Jean-Claude Requier. – Retrait de l’amendement n° 67 rectifié ; rejet de l’amendement n° 100.
Mme Éliane Assassi.
Adoption de l'article.
Amendement n° 101 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 53 bis
Amendement n° 27 rectifié de M. Michel Delebarre. – M. Roland Courteau, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles 54 à 56, 56 bis (nouveau), 56 ter (nouveau) et 57. – Adoption
Article additionnel après l'article 57
Amendement n° 28 de M. Michel Delebarre. – M. Roland Courteau, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 57 bis (nouveau). – Adoption
Amendement n° 102 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur, MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Vincent Placé. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 103 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 57 quinquies à 57 septies (nouveaux) et 58 à 60. – Adoption
Articles additionnels après l’article 60
Amendements nos 85 à 88, 91, 89 et 90 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Adoption des amendement insérant sept articles additionnels.
Articles 60 bis et 60 ter (nouveaux). – Adoption
Articles additionnels après l'article 60 ter
Amendements identiques nos 5 rectifié de M. Jean-Pierre Vial et 10 rectifié de M. Michel Delebarre. – M. Jean-Pierre Vial, Mmes Virginie Klès, le rapporteur, M. le ministre. – Retrait des deux amendements.
Amendements identiques nos 4 de M. Jean-Pierre Vial et 9 de M. Michel Delebarre. – Retrait des deux amendements.
Amendement n° 112 du Gouvernement. – M. le ministre, Mmes le rapporteur, Jacqueline Gourault, M. Jean-Jacques Hyest. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 6 de M. Jean-Pierre Vial et 11 de M. Michel Delebarre. – M. Jean-Pierre Vial, Mmes Virginie Klès, le rapporteur, M. le ministre. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Article additionnel après l’article 62
Amendement n° 22 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean-Vincent Placé, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Articles additionnels après l’article 63
Amendements nos 95, 92, 93, 96, 94 et 97 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Adoption des amendements insérant six articles additionnels.
Amendement n° 108 de la commission. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 65 et 66 (nouveaux). – Adoption
Articles additionnels après l’article 66
Amendement n° 32 rectifié de M. Jean-Pierre Michel. – Mmes Virginie Klès, le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 33 rectifié de M. Jacky Le Menn. – M. Jacky Le Menn, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
M. le ministre.
9. Communication du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
10. Réforme des ports d'outre-mer. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : M. Thierry Mariani, ministre chargé des transports ; Mme Odette Herviaux, rapporteur de la commission de l’économie.
MM. Joël Guerriau, Paul Vergès, Jean-Claude Requier, Charles Revet, Jean Desessard, Jacques Cornano, Serge Larcher, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Maurice Antiste, Michel Fontaine, Georges Patient.
Clôture de la discussion générale.
MM. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie ; le ministre.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Félix Desplan. – M. Jacques Cornano.
Amendement n° 26 du Gouvernement. – M. le ministre.
Amendement n° 4 rectifié de M. Jacques Cornano. – M. Jacques Cornano.
Amendement n° 11 de M. Serge Larcher. – M. Serge Larcher. – Retrait.
Amendement n° 3 de M. Jacques Gillot. – M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 6 de M. Maurice Antiste. – M. Maurice Antiste.
Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption des amendements nos 5 rectifié bis et 4 rectifié, les amendements nos 26 et 6 devenant sans objet.
Amendement n° 7 de M. Jacques Cornano. – M. Jacques Cornano, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 8 de M. Jacques Cornano. – M. Jacques Cornano. – Retrait.
Amendement n° 12 de M. Serge Larcher. – M. Serge Larcher, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 24 du Gouvernement. – M. le ministre.
Amendement n° 9 de M. Jacques Cornano. – M. Jacques Cornano.
Mme le rapporteur, M. le ministre. – Rejet des amendements nos 24 et 9.
Amendement n° 10 de M. Maurice Antiste. – M. Maurice Antiste, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.
Amendement n° 1 de M. Serge Larcher. – M. Serge Larcher, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° 2 de M. Jacques Cornano. – M. Jacques Cornano, Mme le rapporteur, MM. le ministre, le président de la commission. – Rejet.
Amendement n° 27 de la commission. – Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 13 de M. Thani Mohamed Soilihi. – M. Thani Mohamed Soilihi, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 25 du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 2 bis
Amendement n° 15 de M. Serge Larcher. – M. Serge Larcher. – Retrait.
Amendement n° 17 rectifié du Gouvernement. – M. le ministre, Mme le rapporteur. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 18 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 19 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 20 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 21 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Amendement n° 22 rectifié du Gouvernement. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 8
Amendement n° 14 de M. Maurice Antiste. – M. Maurice Antiste, Mme le rapporteur, M. le ministre. – Retrait.
Amendement n° 23 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Adoption de l’ensemble du projet de loi.
11. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
Mme Catherine Procaccia.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Modification de l’ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé de fixer au mercredi 1er février 2012 la désignation des membres de trois missions communes d’information sur les implants, les pesticides et les inondations dans le sud-est de la France.
Par ailleurs, le groupe de l’Union centriste et républicaine nous a fait savoir qu’il exercerait son droit de tirage pour la création d’une mission commune d’information sur les agences de notation financière, dont la conférence des présidents prendra acte lors de sa réunion du 8 février prochain.
Après un contact avec les groupes politiques et la réunion des sénateurs non-inscrits, M. le président du Sénat propose de reporter ces désignations afin de permettre à la conférence des présidents, lors de sa réunion du 8 février, de poursuivre sa réflexion sur la composition de ces instances à la suite notamment des observations émises par plusieurs groupes.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
3
Renvoi pour avis
M. le président. La proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par M. Éric Doligé (n° 779 [2010-2011]) et inscrite à l’ordre du jour du mercredi 15 février, a été envoyée pour examen à la commission des lois.
J’informe le Sénat que les commissions de la culture et de l’économie ont demandé qu’elle leur soit également renvoyée pour avis.
Dans la mesure où la conférence des présidents, normalement compétente en vertu de l’article 17 de notre règlement, ne se réunira pas avant que ces deux commissions ne rendent leur avis, je propose au Sénat d’autoriser ce renvoi pour avis.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Protection de l'identité
Rejet des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la protection de l’identité (texte de la commission n° 238, rapport n° 237).
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la réunion de la commission des lois n’étant pas encore terminée, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures quarante, est reprise à neuf heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion générale, la parole est M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si nous avons dû demander que la séance fût reportée d’un quart d’heure, c’est parce que nos conditions de travail sont difficiles.
Cette semaine, nous examinons en séance publique trois textes relevant de la commission des lois et, la semaine prochaine, nous en étudierons deux. Hier soir, à minuit, nous avons achevé dans cet hémicycle la discussion de quelques articles du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, et, dès sept heures quarante-cinq ce matin, nous étions réunis en commission des lois pour examiner les amendements sur le projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines.
Le Gouvernement souhaite qu’un certain nombre de textes soient examinés par le Parlement. Il en va de même des différents groupes politiques, dans le cadre du temps qui leur est réservé. Or ces différents textes tombent très souvent dans l’escarcelle de la commission des lois. Je tenais à le signaler à toutes fins utiles.
Nous avons donc fort à faire. Je tiens d’ailleurs à remercier les collaborateurs de la commission, qui travaillent beaucoup, ainsi que la direction de la séance.
Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, il n’est pas habituel pour le président de la commission mixte paritaire que j’ai été sur cette proposition de loi – un président d’ailleurs éphémère puisque la CMP, qui s’est déroulée au Sénat selon l’alternance coutumière et à la date convenue pour permettre le respect de l’ordre du jour prioritaire et la bonne fin du présent texte, cesse d’exister lorsqu’elle a achevé son ouvrage – de prendre la parole à l’occasion de l’examen des conclusions de la CMP.
Si je me résous à intervenir aujourd’hui, c’est pour apporter la réponse qui me paraît absolument nécessaire aux propos qui ont été tenus – ils ne vous ont pas échappé, monsieur le ministre – à l’Assemblée nationale lors de l’examen de ces conclusions, le 12 janvier dernier.
Cette mise au point ne vous concerne en aucun cas, monsieur le ministre, non plus que vos collègues, car ces propos n’ont pas été tenus par le Gouvernement. Le Journal officiel, édition des débats de l’Assemblée nationale, porte témoignage de ce que M. le ministre de l’intérieur s’en est tenu strictement à la défense de son amendement, sans aucunement commenter la procédure d’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire.
Je tiens cependant à faire deux observations au Gouvernement.
En premier lieu, je regrette le dépôt de cet amendement par le Gouvernement après la réunion de la commission mixte paritaire. J’ai toujours été très réticent sur ce procédé, certes inscrit dans la Constitution. J’ai trop vu de fâcheux exemples à cet égard, lorsque les représentants d’une majorité parlementaire se trouvaient de ce fait quasiment contraints d’adopter des dispositions qu’ils avaient refusées lors des débats précédant la commission mixte paritaire. De surcroît, en l’espèce, cet amendement est parfaitement inutile puisqu’il suffisait à l’Assemblée nationale de rejeter les conclusions de la commission mixte paritaire pour obtenir le même résultat et qu’il revenait, en tout état de cause, à chaque assemblée de délibérer de nouveau avant que, in fine, l’Assemblée nationale soit invitée à trancher en dernière instance.
En second lieu, monsieur le ministre, j’observe qu’il est inhabituel de faire examiner les conclusions d’une commission mixte paritaire en premier par la seconde assemblée saisie, a fortiori s’agissant en l’espèce d’une proposition de loi sénatoriale puisque, en l’occurrence, cela ne permettra pas au Sénat de se prononcer séparément sur l’amendement et sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
Ces premières observations sont une première réponse à plusieurs députés, au rapporteur de la commission mixte paritaire et à un autre député qui n’en était pas membre, lesquels ont cru discerner dans la réussite de cette commission mixte paritaire une « manœuvre dilatoire », « une attitude qui a pour objectif de retarder l’adoption du texte » ou encore l’« objectif d’entraver l’action de la majorité de l’Assemblée nationale ». (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.) C’est assez mal connaître la genèse de ce texte et l’état d’esprit qui nous anime.
La proposition de loi relative à la protection de l’identité a été déposée en juillet 2010 par nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel. Elle est une lointaine traduction de travaux menés au sein de notre commission en 2005-2006 par nos collègues Jean-René Lecerf et Charles Guené.
Examinée en séance publique le 31 mai 2011 par le Sénat, elle est inscrite dès le 7 juillet pour sa première lecture à l’Assemblée nationale. Dès la rentrée sénatoriale, le 19 octobre 2011, la commission des lois examine le rapport en deuxième lecture de notre collègue François Pillet, confirmé rapporteur après le changement de majorité au Sénat.
Le texte est adopté en séance publique par le Sénat le 3 novembre, avec un vote conforté par une forte majorité – 340 voix contre 4 – sur la seule disposition qui demeurait en navette à l’issue de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale effectuée le 13 décembre.
La commission mixte paritaire s’est réunie le 10 janvier 2012, c’est-à-dire le jour même de la reprise des travaux du Parlement en janvier. On ne pouvait pas faire mieux ! Elle n’avait à se prononcer que sur un seul article, signe que des convergences ont été trouvées sur le reste du texte au cours de la navette, exemplaire.
Que demande la Constitution aux sept députés et aux sept sénateurs titulaires, ainsi qu’à leurs suppléants participant au débat en tout état de cause, et le cas échéant au vote si un titulaire manque à l’appel, comme ce fut le cas en l’espèce pour François Pillet, rapporteur, qui ne put être parmi nous, ce qui vaudra à Virginie Klès de vous rendre compte du fond du sujet dans un instant ?
La Constitution, dans son article 45, prévoit que la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion ». C’est l’un des libellés les plus simples et les plus limpides qui soit.
On ne demande pas aux membres de la commission mixte paritaire de faire preuve de prescience et d’aboutir à tout coup, comme le voudraient certains députés et comme l’a déclaré Jean-Luc Warsmann, « à une version susceptible de rassembler une majorité dans chacune des deux assemblées ».
On ne leur demande pas non plus, contre la majorité présente en leur sein, de faire plaisir à l’Assemblée nationale parce que celle-ci est impatiente d’avoir le dernier mot et – je cite les propos tenus en séance par un député – d’« aboutir à l’adoption du texte de compromis issu des travaux de l’Assemblée nationale en deuxième lecture, dans la mesure où celui-ci répondait véritablement aux principales inquiétudes exprimées par le Sénat ».
Cette citation du député Philippe Goujon, rapporteur pour l’Assemblée nationale de la commission mixte paritaire, montre qu’il considère qu’une assemblée est subordonnée à une autre, qu’elle est subsidiaire en quelque sorte, ce qui est contraire à la lettre et à l’esprit de notre Constitution.
Cette curieuse conception réductrice, qui imposerait à la commission mixte paritaire de s’autocensurer pour rechercher une majorité en son sein en vue de « proposer un texte sur les dispositions restant en discussion », a conduit mon homologue de l’Assemblée nationale, le président Jean-Luc Warsmann, à parler de « majorité de circonstance » et de « dévoiement de la procédure de la CMP ». Si j’en crois les propos de son rapporteur, de telles pensées ne l’auraient sans doute pas effleuré si la majorité de la commission mixte paritaire avait été d’une autre sorte.
On se croirait revenu au temps d’avant 1981, quand l’Assemblée nationale ne désignait pour la représenter aux commissions mixtes paritaires que des membres de sa majorité. Or tel n’est heureusement plus le cas, l’Assemblée nationale ayant depuis cette époque rejoint le Sénat dans sa pratique et chaque assemblée respectant des proportions homothétiques pour sa composition.
Ainsi Jean Gicquel peut-il indiquer : « Le principe logique est que la composition des commissions mixtes paritaires reflète les rapports des forces politiques ».
Tel fut bien le cas en l’espèce. Chacun était en place et le vote de la commission mixte paritaire reflète bien les votes intervenus au cours de la navette.
Que l’Assemblée nationale ait rejeté le texte élaboré par la commission mixte paritaire, c’est bien sûr parfaitement constitutionnel et prévu à l’article 45. Cela montre à l’évidence que la Constitution attend des membres de la commission mixte paritaire non pas qu’ils fournissent à tout coup un texte « adoptable », mais bien qu’ils tentent de montrer à leurs assemblées la voie d’un compromis, et que, en tout cas, il est évidemment légitime que la commission mixte paritaire puisse adopter une position par un vote majoritaire en son sein. Convenez, mes chers collègues sénateurs – je m’adresse en fait à certains de mes collègues députés… – que c’est la moindre des choses dans une instance démocratique !
Il est donc scandaleux et totalement inacceptable qu’un député – en l’espèce M. Éric Ciotti – ait pu parler à l’Assemblée nationale, s’agissant de cette commission mixte paritaire, d’un « coup de force institutionnel ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Claude Bérit-Débat. C’est vraiment scandaleux !
Mme Éliane Assassi. Surtout de sa part !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je dénonce avec la dernière énergie ce propos absurde et offensant pour celui qui a présidé cette commission mixte paritaire.
M. Claude Bérit-Débat. Vous avez raison !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mes chers collègues, cette mise au point étant faite, je vais laisser la parole à Mme Virginie Klès, que je remercie d’ailleurs chaleureusement d’avoir accepté, en ces circonstances, d’être rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Lors de la très probable nouvelle lecture, nous retrouverons François Pillet, qui est toujours rapporteur de la commission des lois et toujours pleinement d’accord, comme il me l’a confirmé hier, avec la position adoptée par le Sénat en deuxième lecture par 340 voix contre 4 et retenue par la commission mixte paritaire.
Cette mise au point, vous l’avez compris, me tenait à cœur, car nous ne pouvons laisser sans réponse les propos ineptes que je viens de rappeler. Quelles que soient nos légitimes différences, je suis persuadé que nous serons unanimes pour déplorer et condamner de telles déclarations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie M. le président de la commission des lois du rappel qu’il vient de faire concernant la procédure applicable en cas de CMP.
J’en viens maintenant aux conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité.
Le Gouvernement et les députés de la majorité gouvernementale ont la très ferme volonté, pour lutter contre l’usurpation d’identité, de créer une base de données à lien fort, laquelle permettrait d’établir de façon univoque un lien entre, d’une part, les empreintes digitales d’une personne ou sa photographie et, d’autre part, son identité.
On ne peut que s’interroger sur les raisons d’une telle obstination. Des intérêts majeurs, peut-être économiques, sont sans doute en jeu. Mais cette base de données à lien univoque est d’une ampleur et d’une dangerosité telles qu’il me paraît primordial d’évaluer très précisément les intérêts économiques en jeu en même temps que les risques, en dressant un rapport bénéfices-risques, ou contraintes-coûts.
Ce fichier concernera demain tous les Français, y compris les enfants. Il semble donc important d’expliquer la notion de lien fort ou de lien faible avec des mots simples, que tout le monde peut comprendre. Même moi, qui ne suis pas informaticienne, je les ai compris ! Que les spécialistes me pardonnent les quelques approximations un peu grossières qui pourront apparaître au cours de mon explication, mais celle-ci aura au moins le mérite d’être entendue par tous les Français. Les informaticiens que j’ai consultés sur le sujet m’ont d’ailleurs affirmé que l’image utilisée était assez proche de la réalité.
Chaque Français a deux pieds, que l’on habille d’une paire de chaussettes. Imaginons que chacun puisse être identifié par sa paire de chaussettes. Sur une chaussette figurent son identité et son nom, en somme, son identité biographique. Sur l’autre est inscrite son identité biométrique.
Le rangement de cette paire peut se faire de deux façons.
Ces deux chaussettes peuvent tout d’abord être rangées dans deux commodes différentes, reliées l’une à l’autre par un seul fil, dont la loi garantit qu’il ne peut être tiré que dans un sens. Cela signifie que l’on a juste le droit de vérifier que la chaussette présentée par M. Dupond correspond bien à l’autre chaussette, sur laquelle figure son identité biométrique.
Mais ces deux chaussettes peuvent aussi être rangées différemment – et c’est la solution que nous préconisons –, toutes les chaussettes droites, comprenant l’identité biographique des individus, étant regroupées dans un tiroir d’une commode, tandis que toutes les chaussettes gauches, composant l’identité biométrique de ces mêmes individus, étant regroupées dans un tiroir d’une autre commode. En ce cas, ce sont les tiroirs que l’on relie par un fil.
La présente proposition de loi prétend relier les chaussettes par un seul fil, qui ne puisse jamais être tiré que dans un sens. Néanmoins, elle prévoit déjà des dérogations pour tirer le fil dans les deux sens ! Je ne suis donc pas du tout certaine que ce texte offre toutes les garanties juridiques nécessaires.
Que le fil soit tiré entre deux tiroirs me semble préférable. En ce cas, je suis sûre que l’on ne pourra pas, à partir de la chaussette gauche, remonter directement et sans aucun contrôle à la chaussette droite.
La solution que nous préconisons interdira, prétend-on, de remonter jusqu’aux fraudeurs autrement qu’en faisant appel à cent policiers et à dix mille citoyens – c’est l’estimation approximative utilisée par le ministre de l’intérieur –, qui ne compteront pas leurs journées de travail pour apparier les paires de chaussettes en cas de besoin.
Ce n’est absolument pas vrai !
D’une part, les moyens informatiques dont on dispose aujourd'hui permettent facilement, en utilisant un système de tamis, de lier, en cas de besoin, une identité biographique à une identité biométrique. Face à une personne qui allègue une identité, on dispose déjà d’un certain nombre d’informations, qui permettent de faire le tri dans les chaussettes de l’autre tiroir. En effet, on connaît son genre, sa taille approximative, la couleur de ses cheveux, par exemple, ce qui permet de n’avoir plus que quelques identités biométriques entre lesquelles il faut choisir pour vérifier que la personne est bien la bonne.
D’autre part, il ne faut pas oublier que la présente proposition de loi comporte d’autres garanties contribuant à lutter contre l’usurpation d’identité par des fraudeurs. Elles résident notamment dans le contrôle de la délivrance des documents d’état-civil qui permettent l’établissement d’une carte nationale d’identité. Ces contrôles sont en effet renforcés par la loi. Il y aura donc moins de tentatives de fraude.
Lors de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale, le ministre de l’intérieur a lui-même reconnu que le système de base de données à lien fort ne permettra pas toujours de retrouver le fraudeur, lorsque celui-ci voudra se faire délivrer le titre d’identité d’une personne non encore inscrite dans les bases. Cela dit, dans cinq ou dix ans, tout le monde – même les enfants ! – sera enregistré.
Il ne m’a pas échappé que la détention de la carte nationale d’identité n’est pas légalement obligatoire. Mais dans la vie courante, elle l’est. Pour partir en voyage scolaire, au collège, nos enfants ont besoin d’une carte nationale d’identité.
Puisque tout le monde figurera dans la base, la tentation d’usurper l’identité de quelqu'un n’y figurant pas sera rendue impossible, nous dit-on. Il s’agit, là encore, d’un faux argument, car, dans cinq ou dix ans, soixante millions de Français, soixante millions de gens honnêtes, seront enregistrés dans les bases de données.
Mme Sophie Primas. Quel est le rapport ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. En face de cet outil extraordinairement puissant, et donc, de fait, extraordinairement dangereux, combien d’usurpations d’identité ?
Mme Sophie Primas. Oui, mais quelle souffrance !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Je suis d’accord avec vous, chère collègue. Mais on ne sait si cette souffrance frappe dix mille, quinze mille ou deux cent mille Français !
Cela étant, même avec les bases de données à lien fort, il sera encore possible d’usurper des identités. Internet permet, par exemple, de se faire passer pour quelqu'un d’autre, ou d’envoyer des messages avec une identité usurpée. La souffrance ne peut donc être totalement exclue.
De plus, une utilisation frauduleuse du fichier créé permettra de fabriquer les preuves de la présence d’une personne en un endroit précis ou de fausses empreintes digitales. Dès lors, comment prouver votre innocence ? Quelle souffrance ces situations pourraient-elles entraîner !
On prétend, en outre, que la base de données à lien fort entraîne un taux d’erreur de 0 %. Ce n’est pas vrai ! Là aussi, elle entraîne une souffrance immense, parce que l’usurpation d’identité sera forcément perpétrée à des fins de délinquance ou de malveillance. Avec la création de la base de données à lien fort, la souffrance liée à des usurpations d’identité sera donc pire, ma chère collègue.
Mme Sophie Primas. Pas sûr !
M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Mais non ! Ce n’est pas sérieux !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Elle sera pire, monsieur le ministre, parce qu’il vous sera impossible de démontrer que vous n’étiez pas à l’endroit où l’on prétend que vous étiez : on peut fabriquer des empreintes digitales et les laisser où l’on veut, car ce sont des empreintes traçantes.
La grande faiblesse de cette base de données à lien fort est qu’elle autorise la création de fichiers qui permettent de retracer l’histoire de ceux qu’elle recense. Une fois l’outil créé, il sera à la disposition de la délinquance, du grand banditisme, du terrorisme, voire à la disposition d’un gouvernement qui, demain, n’aura peut-être pas les mêmes scrupules que ceux éprouvés par le gouvernement d’une démocratie, dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Il s’agit donc d’une « véritable bombe à retardement », et l’expression figure dans le rapport de notre collègue François Pillet, que l’on ne peut pourtant accuser d’être à gauche !
On prétend aussi que la base de données à lien faible empêchera l’identification des cadavres ou des personnes désorientées, en cas de catastrophe naturelle, par exemple. Pas du tout ! Cette identification sera rendue possible par le système de tamis que j’exposais tout à l’heure. Il suffira de voir la personne désorientée pour disposer sur elle de nombreuses informations, qui permettront, à l’aide du tiroir contenant les données biométriques, de retrouver son identité.
L’identification de personnes désorientées ou de cadavres sera aussi rendue possible par la consultation d’autres fichiers, qui permettront de se livrer à des recoupements, éventuellement sous contrôle judiciaire. On pourra toujours consulter le fichier des personnes recherchées pour retrouver l’identité d’une personne désorientée. Dans le cadre d’une enquête judiciaire ou du traitement de la délinquance, il sera également possible de recourir à des fichiers de délinquants. Un grand nombre de fichiers sont donc à disposition pour procéder, dans un cadre judiciaire, à des recoupements nécessaires, sans avoir besoin de base de données à lien fort.
M. Claude Dilain. Oui !
Mme Virginie Klès, rapporteur. La Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou CNIL, et le Conseil d’État ont d’ailleurs exprimé de fortes réticences sur ce fichier.
On nous rétorque que personne n’a mis en place de base de données à lien faible. Cela prouverait que cette solution n’est pas valable, qu’elle pose des problèmes technologiques, et qu’elle n’est pas fiable.
Ce n’est pas vrai ! Cette base de données à lien faible n’a pas été mise en œuvre parce que le besoin n’en a pas été ressenti, et non pas par absence de volonté. De plus, la mise en place de cette base de données est non pas une affaire de technologie, mais une question de mathématiques et d’informatique, son application étant purement virtuelle et théorique. Pour que cette solution marche, nul besoin de technologie. De nombreuses entreprises peuvent donc mettre au point les techniques informatiques et mathématiques nécessaires à la mise en place d’une base de données à lien faible.
Très sincèrement, monsieur le ministre, un taux d’erreur de 0 %, résultat selon vous de l’utilisation d’une base de données à lien fort, cela n’existe pas ! De même, il est faux de prétendre que la base de données à lien fort ne présente aucun risque : en effet, l’homme peut toujours défaire ce qu’il a fait ! Quels que soient les systèmes informatiques que l’on met en place, quelles que soient les protections qui les entourent, le piratage existe. La base de données à lien fort pourra donc être piratée !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Les moyens de pirater un système informatique, de l’infecter par un virus, existent avant même sa protection. On le sait, les hackers et autres informaticiens de haut niveau ont toujours un train ou deux d’avance sur les pouvoirs réglementaires et sur les démocraties.
Il est donc erroné d’avancer que la base de données à lien fort sera sûre à 100 %. En revanche, cet outil sera extrêmement dangereux quand il tombera dans les mains du premier fraudeur !
Vous prétendez aussi, pour nous rassurer, que la législation, une fois en place, ne sera pas transgressée. C’est bien connu, personne ne transgresse les lois sur les fadettes ou les écoutes ! Certes, sur un plan quantitatif, le phénomène sera peut-être marginal.
M. Philippe Richert, ministre. Si je vous comprends bien, il ne faut plus de carte d’identité ni de passeport ! Ce sera plus simple ainsi !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Même marginale, la situation sera exceptionnellement difficile à accepter pour les personnes qui en seront victimes.
Il a aussi été dit, pour rassurer le Sénat, que la loi, qui met en place toutes les barrières nécessaires à la protection des données, ne bougera pas. Mais, que je sache, la loi créant le fichier des empreintes génétiques a beaucoup évolué.
Ainsi, sur ces trois aspects – un taux d’erreur de 0 %, et donc l’absence de risque, la transgression impossible et l’immuabilité de la loi –, le Gouvernement fait preuve de l’angélisme qu’il reproche souvent à la gauche de manifester quand il s’agit de sécurité ou de délinquance, monsieur le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Cessez de m’interpeller, madame le rapporteur, je vais vous répondre !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Je peux continuer de parler, monsieur le ministre ! Si vous n’écoutez pas, vous aurez du mal à me répondre !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Je ne peux donc pas croire que le Gouvernement fasse preuve d’un tel angélisme sur les trois points que je viens d’évoquer.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Vous me répondrez tout à l’heure, monsieur le ministre, comme vous venez de le proposer.
Je n’ai pas envie de vivre une situation ressemblant à ce que l’on voit dans La Vie des autres ou dans Brazil. Ce scénario, aujourd'hui fictif, pourrait demain être imaginé en France.
Pour toutes ces raisons, le Sénat, dans son infinie sagesse, reviendra, j’en suis sûre, à son texte initial et à la base de données à lien faible, qui est suffisante pour garantir la non-usurpation d’identité et n’est pas dangereuse pour la vie privée des individus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vient aujourd'hui devant vous a déjà fait l’objet de débats approfondis et constructifs. À l’issue de la dernière lecture à l’Assemblée nationale, le texte est parvenu à une version équilibrée et efficace dans la lutte contre l’usurpation d’identité. Je tiens à dire à Mme le rapporteur que l’usurpation d’identité n’est pas quelque chose d’anecdotique. Cela touche les gens de façon profonde, dans leur intimité, et ne mérite donc pas d’être balayé du revers de la main, comme un problème secondaire. Vous comprendrez cela le jour où vous aurez rencontré des personnes qui ont été directement concernées !
Madame le rapporteur, vous expliquez qu’il y aura toujours des fraudes. C’est évident ! Mais ce n’est pas parce que certains voudront frauder ou contourner la loi, qu’il ne faut pas faire d’efforts !
Vous nous dites que certains essayeront de contourner la loi pour obtenir un titre de séjour. Mais si on vous suivait, il faudrait cesser de faire des pièces d’identité ou des passeports sous prétexte que des gens fraudent !
Notre volonté, ainsi que la responsabilité de l’État et de la République, est de protéger les citoyens, en mettant en place les procédures et les moyens qui le permettent !
L’angélisme dont vous faites preuve – c’est bien en effet de l’angélisme – en passant par pertes et profits les tracas causés et les atteintes aux personnes me laisse pantois.
À l’issue de la dernière lecture à l’Assemblée nationale, le texte est parvenu à une version équilibrée, efficace dans la lutte contre l’usurpation d’identité et présentant de sérieuses garanties au regard des libertés publiques.
La commission mixte paritaire qui s’est réunie le 10 janvier dernier a souhaité revenir sur ce travail en rétablissant le concept de « lien faible », remettant ainsi en cause le lien univoque entre les données enregistrées dans la base titres électroniques sécurisés, ou TES.
Le Gouvernement a réaffirmé à plusieurs reprises son opposition à la fausse solution que constitue le lien faible. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’adopter un amendement visant à revenir à la version du texte que l’Assemblée nationale a arrêtée en deuxième lecture et confirmée lors du débat sur les conclusions de la commission mixte paritaire.
Je le rappelle en outre, cette version est cohérente avec la proposition de loi initialement déposée par les sénateurs Jean-René Lecerf et Michel Houel, qui s’appuyait sur le rapport adopté par la Haute Assemblée en 2005. Le « lien fort », c’est-à-dire le lien univoque entre les données, est le seul lien qui soit opérationnel et qui garantisse la réalisation de l’objectif que nous nous sommes fixé dans cette proposition de loi : protéger nos concitoyens contre l’usurpation d’identité. Ne perdons jamais de vue cet objectif, qui n’est pas secondaire !
L’usurpation d’identité est un fléau et un traumatisme profond pour les victimes.
C’est un fléau dont les conséquences sont grandissantes. En effet, constater une usurpation ne permet pas d’en faire immédiatement cesser les effets néfastes. Les périodes de difficulté, pendant lesquelles les victimes peuvent se voir privées de leurs droits, peuvent durer des mois, voire des années. Il faut souvent de longues investigations afin de démêler les vraies identités de celles qui sont usurpées.
C’est aussi un traumatisme profond pour les victimes, qui dure longtemps et touche une part de l’intimité des individus. Aux préjudices matériels et financiers s’ajoute ainsi le préjudice moral de voir son honnêteté mise en doute, son nom sali et sa réputation détruite.
Une bonne corrélation entre les éléments d’état civil et les données biométriques au sein de la base TES constitue l’unique moyen d’atteindre notre objectif.
En effet, le concept de lien faible est une dégradation technique plus qu’une garantie. Les promoteurs du lien faible considèrent que seule cette dégradation permet de garantir matériellement les libertés fondamentales. Cela signifierait que le seul recours de la liberté est de promouvoir un défaut technique ; ce serait à désespérer du droit et du rôle de la loi.
La protection des libertés fondamentales mérite d’être gravée dans la loi, et non subordonnée à un dispositif technique. De plus, le lien faible possède de grandes fragilités qu’il convient de ne pas omettre.
Première fragilité, la fragilité technique : l’entreprise qui propose le lien faible indique clairement que celui-ci n’est pas opérationnel et qu’il nécessite encore du temps et des investissements pour être mis au point. Construire un système national sécurisé pour l’identité de nos concitoyens sur la base d’un concept dont la faisabilité n’est pas acquise n’est ni sérieux ni responsable et oblige à rejeter cette proposition.
Deuxième fragilité, la fragilité juridique : le lien faible est un concept protégé par un brevet. Si le cahier des charges du projet en fait mention, il y a donc un réel risque de contentieux porté par des entreprises concurrentes.
En outre, le lien faible permet seulement de constater qu’il existe une usurpation d’identité. Cela ne permet pas de remonter à l’identité du fraudeur. C’est une limitation sérieuse au regard de l’objectif de la loi. Au contraire, le lien fort permet de remonter jusqu’à l’usurpateur via ses empreintes. Ainsi, seul le lien fort répond aux objectifs que nous recherchons.
De plus, il est faux de considérer que le lien fort serait de nature à porter atteinte aux libertés fondamentales reconnues à chacun de nos concitoyens. Le texte que je vous propose de rétablir aujourd’hui comporte en effet toutes les garanties nécessaires au respect de ces libertés.
D’abord, il y a ce que le Conseil d’État et la CNIL ont recommandé en matière d’enregistrement de données, c’est-à-dire une limitation à deux empreintes digitales et l’absence de reconnaissance faciale.
Ensuite, il y a ce que la CNIL impose comme garanties en matière d’utilisation des fichiers, c’est-à-dire un accès à la base restreint aux seuls agents de l’agence nationale des titres sécurisés avec une traçabilité de ces accès, des données segmentées pour une meilleure protection et une sécurité des transmissions et contre les intrusions.
Enfin, il y a les garanties que la loi impose dans la restriction de l’usage de la base.
La première garantie légale, recommandée par la CNIL, consiste à interdire toute interconnexion de la base TES avec d’autres fichiers publics. Cela revient à clairement limiter l’usage de la base TES pour tout objectif autre que celui de la protection de l’identité.
La deuxième garantie réside dans la liste limitative des trois cas où la remontée des empreintes à l’identité est autorisée.
Premier cas, logiquement, au moment de la délivrance ou du renouvellement du titre, afin d’en garantir la bonne fabrication et la remise à la bonne personne.
Deuxième cas, sous contrôle du procureur, dans le seul cadre des infractions pour usurpation d’identité, ce qui correspond à l’objectif initial de la loi.
Troisième et dernier cas, toujours sous contrôle du procureur, pour permettre l’identification de victimes d’accidents collectifs ou de catastrophe naturelle.
Ces garanties inscrites dans la loi sont importantes. Elles sont même plus fortes que celles qui sont théoriquement apportées par le lien faible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à l’inverse du texte qui a été adopté par la commission mixte paritaire, la version à laquelle l’Assemblée nationale était parvenue à l’issue de la deuxième lecture inscrivait dans notre droit les moyens de véritablement protéger l’identité de nos concitoyens sans porter atteinte à leurs libertés fondamentales.
Je le sais, la solution que nous vous proposons n’est pas la réponse à toutes les dérives, à toutes les atteintes que l’homme est capable d’inventer pour dérégler l’organisation de la République. Mais faisons en sorte d’avoir le maximum de garanties. C’est ce que nous vous proposons.
Par conséquent, dans l’intérêt de nos compatriotes, je vous demande de revenir à la version de l’Assemblée nationale, en adoptant l’amendement déposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est la troisième fois que la proposition de loi relative à la protection de l’identité, que j’ai déposée avec mon collègue Michel Houel, revient en discussion devant la Haute Assemblée.
Les deux lectures initiales n’ont pas été vaines, puisque les points de vue de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont considérablement rapprochés, positionnant sans doute à son point d’équilibre le curseur entre les deux ardentes obligations qui nous incombent : la protection de l’identité de nos concitoyens, d’une part, et la protection des libertés publiques, d’autre part.
Chacun reconnaît aujourd'hui l’importance croissante de l’usurpation d’identité, la relative facilité avec laquelle elle peut être perpétrée, les conséquences terribles qu’elle peut engendrer pour les victimes, c'est-à-dire plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens chaque année, et le vide juridique dont elle a jusqu’à présent largement bénéficié.
Les moyens pour s’opposer efficacement à cette forme particulièrement perverse de délinquance, porte ouverte à de multiples infractions, de l’escroquerie bancaire au terrorisme en passant par la fraude aux prestations sociales et le trafic d’êtres humains, ne sont pas légion. La biométrie est la seule technologie permettant l’identification de personnes parmi des masses humaines de plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’individus. La rencontre entre biométrie et informatique, en décuplant la puissance de cette technique d’identification, a révolutionné ses possibilités d’utilisation.
Par chance, les entreprises de notre pays se sont affirmées depuis longtemps déjà comme les plus performantes au monde dans cette discipline. Ces dernières semaines, j’ai cru entendre, de droite à gauche en passant par le centre, chanter les mérites des technologies françaises. Voilà donc un exemple supplémentaire que je propose aux uns et aux autres.
Mes chers collègues, le seul différend qui persiste aujourd'hui entre l’Assemblée nationale et le Sénat, et que la commission mixte paritaire n’a pas permis de dissiper, porte sur un seul article et, plus précisément, sur la pertinence d’un fichier à lien faible ou à lien fort.
Pour ceux qui ne seraient pas encore familiarisés avec de telles expressions, en dépit de l’exemple des tiroirs à chaussettes de notre rapporteur (Sourires.), je rappelle que le lien fort fait correspondre à chaque enregistrement d’identité une seule donnée biométrique.
Avec le lien faible, il n’est plus possible de connaître la donnée biométrique d’une personne à partir de son identité ni de procéder à l’identification d’une personne à partir d’une donnée biométrique. Comme le qualifient ses créateurs eux-mêmes, il s’agit d’un système dégradé, dont les potentialités ne sont bien sûr pas les mêmes. Ainsi, si le lien faible permettra d’attester de l’identité d’une personne, de constater l’usurpation d’identité, il peinera à permettre l’identification des fraudeurs. En particulier, si le fraudeur est le premier à déclarer son identité, il sera quasi impossible de le détecter.
Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, dans cinq ou dix ans, chacun sera dans la base, à l’exception des enfants.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Non ! Pas à l’exception des enfants !
M. Jean-René Lecerf. La carte d’identité n’étant pas obligatoire,…
Mme Virginie Klès, rapporteur. Si !
M. Jean-René Lecerf. … permettez tout de même que l’on se préoccupe également des cinq ou dix ans à venir !
Au contraire, le lien fort permettra de remonter en un clin d’œil jusqu’à l’usurpateur par ses empreintes.
Cela ouvre en outre d’autres virtualités, comme la reconnaissance de personnes désorientées, de victimes de catastrophe ou l’identification d’une personne à partir de traces retrouvées sur une scène de crime. Mais rien n’empêche le législateur de dresser des barrières juridiques afin de limiter les usages au strict nécessaire.
Lors de la deuxième lecture de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, nos collègues députés ont largement répondu aux recommandations de la CNIL et du Conseil d'État, comme aux préoccupations du Sénat.
Les empreintes prélevées et enregistrées ont été limitées à deux. La reconnaissance faciale et l’interconnexion de la base TES avec tout autre fichier sont interdites. La remontée des empreintes à l’identité n’est autorisée que dans trois cas limitativement énumérés : la délivrance ou le renouvellement du titre, l’hypothèse des seules infractions pour usurpation d’identité sous le contrôle du procureur de la République, l’identification, sous ce même contrôle, des victimes d’accident collectif ou de catastrophe naturelle.
Notre collègue Serge Blisko reconnaissait lui-même en commission mixte paritaire que l’Assemblée nationale avait « finalement adopté un texte beaucoup moins attentatoire aux libertés publiques qu’en première lecture », même s’il ajoutait que cette nouvelle rédaction ne le rassurait « pas tout à fait ». J’ai connu des critiques plus véhémentes…
Mes chers collègues, le lien faible ne faisait en aucune manière partie du dispositif que Michel Houel et moi-même avions souhaité instaurer dans notre proposition de loi. Il n’est utilisé dans aucun pays au monde. Et même ceux qui y ont songé, comme Israël, y ont renoncé. Ses inventeurs eux-mêmes n’en recommandent plus l’usage, faute de croire réellement à ses vertus opérationnelles.
Pouvons-nous réellement engager notre pays dans des investissements significatifs avec le risque d’un résultat décevant qui pénaliserait les victimes et nous exposerait au risque d’être totalement dépassés par nos partenaires européens et mondiaux, alors que le compromis auquel l’Assemblée nationale est parvenue et qu’elle a rétabli sur amendement du Gouvernement lors de la discussion du texte de la commission mixte paritaire concilie l’efficacité du lien fort avec le respect scrupuleux des libertés publiques ? Nous ne le croyons pas.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera l’amendement du Gouvernement. Les « 340 voix contre 4 », dont la mienne, de la deuxième lecture étaient fondamentalement – M. le président de la commission des lois le sait bien – les voix des absents, mobilisées par la seule grâce du scrutin public !
En conclusion du rapport de 2005 d’une mission d’information de la commission des lois sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire, je notais que la sécurisation de l’identité n’était pas antinomique de la sauvegarde des libertés et que, tout au contraire, protéger l’identité d’un individu, c’était protéger les droits attachés à sa personne, comme le droit de propriété ou la liberté d’aller et venir, et sécuriser les relations contractuelles.
Pas plus qu’en 2005 je ne saurais me ranger aux côtés d’un certain nombre de personnes, certes de bonne volonté, qui invoquent aujourd'hui encore, au nom de la période de l’Occupation, un droit à la dissimulation d’identité. Beaucoup de temps a passé depuis, et une telle préoccupation ne me semble vraiment plus d’actualité dans l’Europe démocratique qui est aujourd'hui la nôtre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie, à mon tour, M. le président de la commission des lois des différentes mises au point fort appropriées qu’il vient de formuler au sujet de la procédure.
Les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative à la protection de l’identité sont déjà obsolètes, puisque l’Assemblée nationale a fait le choix d’amender ce texte.
Je le rappelle, la commission mixte paritaire avait retenu pour l’article 5 la rédaction issue des travaux du Sénat, qui établissait non pas un lien fort, mais un lien faible entre les données d’identité et les données biométriques. Pourtant, nos collègues députés de la majorité gouvernementale ont adopté un amendement de M. le rapporteur rétablissant le lien fort.
Certes, des assouplissements ont été insérés dans le texte. Je pense, notamment, au passage de huit à deux du nombre des empreintes digitales enregistrées dans la base, conformément aux préconisations du Conseil d’État. Cependant, le cœur du dispositif reste le même.
Du point de vue de la méthode, de telles pratiques ne sont pas très honnêtes et sont contraires à la mission spécifique de la commission mixte paritaire, censée représenter à parité l’Assemblée nationale et le Sénat.
Sur le fond, nous restons extrêmement réservés, pour ne pas dire plus, sur l’idée de créer un fichier généralisé recouvrant l’ensemble des données civiles et biométriques des bénéficiaires de la carte nationale d’identité.
C’est la raison pour laquelle nous avons demandé de manière constante et récurrente la suppression pure et simple de l’article 5.
Une telle suppression aurait permis d’instituer une carte nationale d’identité électronique, sans pour autant créer un fichier attenant, comme cela se pratique, notamment, en Allemagne. C’est du reste la solution recommandée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, dans son avis du 25 octobre dernier.
Par ailleurs, dans sa délibération du 11 décembre 2007, la CNIL considère comme légitime « le recours […] pour s’assurer de l’identité d’une personne, à des dispositifs de reconnaissance biométrique dès lors que les données biométriques sont conservées sur un support dont la personne a l’usage exclusif ». Nous regrettons donc que ces arguments n’aient pu trouver grâce aux yeux de nos collègues parlementaires.
En conclusion, les raisons qui justifient notre vote contre la proposition de loi de MM. Lecerf et Houel sont principalement de deux ordres.
Premièrement, nous sommes opposés à la création d’un fichier intrusif, qui permettra le contrôle de l’ensemble de la population. La CNIL a encore fait savoir récemment qu’elle était extrêmement réservée au sujet de la création de ce fichier.
Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, elle considère que la création de fichiers contenant des données biométriques, pour des citoyens ne faisant l’objet d’aucune poursuite judiciaire en cours, constitue une violation manifeste des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et contrevient à la Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du Conseil de l’Europe.
Elle estime ainsi que « le caractère général et indifférencié du pouvoir de conservation des empreintes digitales, échantillons biologiques et profils ADN des personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions mais non condamnées […] ne traduit pas un juste équilibre entre les intérêts publics et privés concurrents en jeu ».
L’adoption de cette proposition de loi ouvrirait donc la voie à des recours devant la CEDH, créant ainsi inutilement de l’insécurité juridique.
Deuxièmement, nous sommes opposés à la présence, certes facultative, mais néanmoins lourde de sens, d’une puce de service sur la carte nationale d’identité.
À ce titre, la CNIL a paru également extrêmement réservée et a formulé un avis très judicieux. Elle tire, ainsi, un signal d’alarme en estimant que la puce optionnelle, si elle est une idée légitime, ne doit pas faire oublier qu’elle peut permettre « la constitution d’un identifiant unique pour tous les citoyens français ainsi que la constitution d’un savoir public sur les agissements privés ». Elle indique également que « de telles fonctionnalités ne devraient pas permettre le suivi des personnes sur internet ou l’exploitation par l’État d’informations sur les transactions privées effectuées par les citoyens ».
Nous partageons cette analyse et nous ne cautionnons pas le mélange des finalités entre intérêt régalien et intérêt commercial. La citoyenneté, dont la carte nationale d’identité est un symbole fort, ne peut être confondue avec le e-commerce sans porter une atteinte importante à l’idée même que nous nous faisons d’un État républicain.
Convenons, également, que les parlementaires ont subi un fort lobbying poussant à l’intégration de cette puce, promesse de profits importants pour quelques entreprises spécialisées… (Mme Catherine Procaccia proteste.) C’est la vérité, ne vous en déplaise, madame Procaccia !
De même, mes chers collègues, je ne peux m’ôter de l’esprit qu’il s’agit une nouvelle fois d’un transfert de charges rampant de l’État vers les collectivités, principalement vers les communes. Le Gouvernement et sa majorité parlementaire n’ont de cesse de faire des communes des annexes des préfectures, en leur transférant des missions de plus en plus importantes, sans pour autant leur accorder les moyens financiers nécessaires. Par ailleurs, sur les 36 000 communes que compte notre pays, seulement 2 000 seront habilitées à délivrer la carte d’identité nationale électronique, ce qui augure de fortes disparités géographiques et sera certainement source de complexité pour nos concitoyens.
Nous regrettons qu’il y ait, une nouvelle fois, un fossé entre les objectifs affichés par un texte de loi et la finalité inavouée du Gouvernement !
Ce texte marque une nouvelle étape dans la dérive sécuritaire de la politique gouvernementale. Il permet la création d’un énième fichier prétendument anti-délinquance, qui se révélera, comme les autres, participer du fichage généralisé de la population et faire peser de lourds risques sur les libertés publiques.
Nous voterons contre cette proposition de loi et, bien évidemment, contre l’amendement déposé par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen en première lecture au Sénat de cette proposition de loi relative à la protection de l’identité, le groupe RDSE s’était félicité de l’initiative prise par nos collègues Jean-René Lecerf et Michel Houel pour mettre en place des instruments susceptibles de renforcer la lutte contre la fraude à l’identité.
La cause est juste, personne ne le conteste et chaque jour en apporte la preuve : nous observons des cohortes, voire des légions d’attaques ou d’atteintes à la vie privée des personnes et à leur intégrité !
À cause juste, remèdes justes : c’était l’objet du texte initial dont ma collègue Anne-Marie Escoffier avait souligné la pertinence et le juste équilibre, auquel M. le rapporteur et la Haute Assemblée avaient apporté une vigilance particulière pour empêcher que ne soit créé un fichier national où l’ensemble de la population française, soit plus de 60 millions de personnes, serait bel et bien répertorié. Tout l’équilibre du texte était contenu dans son article 5, qui retenait le principe de la constitution d’une base biométrique selon la technique du lien faible. En un mot, il était impossible de la détourner de son objet.
Le texte de l’Assemblée nationale permet, lui, je le rappelle, de croiser les données identitaires de base avec les empreintes biométriques et les images faciales numérisées.
Le texte soumis à la commission mixte paritaire a confirmé les points de vue opposés des deux assemblées, chacune soutenant son analyse.
Le groupe RDSE est trop attaché aux garanties fondamentales des libertés publiques pour accepter des dispositifs de ce type, qui, progressivement et insidieusement, envahissent le champ de notre vie privée.
D'ailleurs, nos réticences sont aussi celles du Conseil d’État, malgré les rectifications apportées au texte, de la CNIL – cela a été rappelé – et de la Cour européenne des droits de l’homme.
On ne peut laisser la technique faire la loi sans le dire. Au contraire, c’est au Parlement de choisir la technique adaptée à l’objectif visé, et seulement à lui : ici, le but est d’éviter l’usurpation d’identité tout en garantissant la protection de la vie privée. Les deux doivent aller de pair.
J’ai bien entendu les arguments qui ont été avancés tout à l’heure, notamment par M. le ministre et par mon collègue Jean-René Lecerf. Néanmoins, ce n’est pas parce que le problème est grave que n’importe quelle solution doit s’imposer, surtout si le remède est pire que le mal – je pense aux détournements d’objectifs.
Sauf erreur de ma part, il s’agit, ici, de permettre de vérifier que le porteur du titre d’identité en est bien le titulaire légitime. Il ne s’agit en aucun cas de créer un fichier de police supplémentaire ni de prendre des dispositions permettant d’améliorer la balance commerciale de la France.
En conséquence, le groupe RDSE, dans sa grande majorité, votera contre la proposition qui nous est faite. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien des choses ont déjà été dites et nous avons déjà débattu de cette question en novembre dernier.
Je réaffirmerai certains principes et certaines convictions du groupe socialiste, qui ont, jusqu’à présent, recueilli l’assentiment de la majorité du Sénat.
La préoccupation de notre assemblée, lors des précédentes lectures du texte, était d’assurer un bon équilibre entre la protection des libertés individuelles et celle de l’identité. Il s’agissait, en particulier, de garantir la protection contre l’usurpation d’identité.
Le Gouvernement, à l’occasion de la mise en place des cartes d’identité biométriques, souhaite créer un fichier à lien fort, ce qu’aucun autre pays n’a prévu de faire jusqu’à présent. Il s’agirait de constituer une base établissant un lien clair et précis entre, d’une part, l’identité des personnes, et, d’autre part, leurs empreintes biométriques.
Or ce type de fichier à lien fort peut conduire à d’énormes dérives. Une caméra de surveillance, des empreintes relevées par-ci par-là permettent de repérer les déplacements et de déterminer les activités de n’importe qui. Les libertés individuelles sont donc, à l’évidence, menacées par ce type de fichier.
C’est pourquoi le Sénat a proposé une voie médiane permettant d’éviter que la base de données ne devienne un fichier de police.
Soyons clairs, le lien faible protège parfaitement des risques d’usurpation d’identité, puisqu’il permet les détections de fraudes. Pourquoi aller au-delà, d’autant qu’établir un lien fort, aujourd’hui pour lutter contre l’usurpation d’identité, demain pour protéger les citoyens d’autres délits, fait courir à l’ensemble de la population un risque réel de fichage, ce dernier pouvant être détourné de son objectif initial ?
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons le maintien d’un lien faible. L’actualité judiciaire de ces derniers mois, le détournement de certains fichiers et l’usage abusif de certaines « fadettes » ont fait naître de larges soupçons au sein de la population.
M. Roland Courteau. Ah oui !
M. Jean-Yves Leconte. Un fichier à lien fort ne permettrait-il pas à ceux qui y ont accès de menacer et d’attaquer les libertés individuelles ?
Compte tenu de l’actualité des derniers mois, des menaces, des usages abusifs et des sérieux soupçons pesant sur la protection des libertés individuelles, nous ne pouvons accepter la proposition du Gouvernement.
Par ailleurs, la plupart des pays qui ont mis en place dans l’espace Schengen des cartes d’identité biométriques n’ont, pour ce faire, créé aucun fichier. Si nous voulons lutter efficacement contre l’usurpation d’identité au sein de la zone Schengen, qui est un espace de libre circulation, nous ne pouvons agir seuls, entre Gaulois ! (Sourires.) Nous devons également convaincre l’ensemble de nos partenaires de l’utilité d’un tel fichier, lequel, je me répète, ne peut être qu’à lien faible afin de ne pas mettre en danger les libertés individuelles.
Aller plus loin serait faire peser une menace pour les libertés individuelles en France. Vous ne réussirez jamais à convaincre nos partenaires européens d’adopter ce type de protection pour lutter contre l’usurpation d’identité dans l’espace Schengen.
La mise en place d’un fichier dans lequel figureront tous ceux qui demandent une carte d’identité, c'est-à-dire tous les Français, y compris les enfants, risquerait, si ce répertoire était détourné de sa finalité à l’occasion d’éventuelles évolutions législatives, de porter atteinte aux libertés individuelles, ce que nous ne pouvons accepter.
De plus, ce fichier est inutile au regard de l’objectif que vous prétendez viser. Le lien faible permet de protéger les victimes et de nous doter d’un outil qui puisse convaincre nos partenaires d’aller dans la même direction que nous. Ainsi, dans l’espace Schengen, nous pourrons lutter réellement et efficacement contre les usurpations d’identité, tout en respectant les libertés individuelles.
Monsieur le ministre, vous prétendez que le brevet empêchera toute dérive. Permettez-moi de vous faire remarquer que le lien faible n’est rien d’autre qu’un concept permettant d’éviter la réversibilité totale entre l’identité d’une personne et ses empreintes biométriques. Il s’agit non pas d’un programme informatique ou d’un objet de consommation, mais, tout comme le lien fort, d’un concept mathématique de gestion de fichiers que de nombreuses sociétés informatiques sont capables de mettre en place. Un brevet ne peut protéger un concept mathématique !
Nous tenons au principe de non-réversibilité complète entre l’identité et les empreintes d’une personne. Je le répète, nous voulons nous doter d’un outil qui nous permette de convaincre nos partenaires de lutter contre l’usurpation d’identité dans l’ensemble de l’espace Schengen tout en protégeant les libertés individuelles.
Nous ne sommes donc pas convaincus par votre idée de brevet. Dans ces conditions, le groupe socialiste restera fidèle aux votes précédents du Sénat et restera sur la position qu’il avait exprimée en novembre dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement.
Je donne lecture du texte de la commission mixte paritaire :
proposition de loi relative à la protection de l’identité
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Article 5
Afin de préserver l'intégrité des données requises pour la délivrance du passeport français et de la carte nationale d'identité, l'État crée, dans les conditions prévues par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, un traitement de données à caractère personnel facilitant leur recueil et leur conservation.
Ce traitement de données, mis en oeuvre par le ministère de l'intérieur, permet l'établissement et la vérification des titres d'identité ou de voyage dans des conditions garantissant l'intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel ainsi que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées par les personnes y ayant accès.
L'enregistrement des empreintes digitales et de l'image numérisée du visage du demandeur est réalisé de manière telle qu'aucun lien univoque ne soit établi entre elles, ni avec les données mentionnées aux 1° à 4° de l'article 2, et que l'identification de l'intéressé à partir de l'un ou l'autre de ces éléments biométriques ne soit pas possible.
La vérification de l'identité du demandeur s'opère par la mise en relation de l'identité alléguée et des autres données mentionnées aux 1° à 6° de l'article 2.
Le traitement ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir des images numérisées du visage qui y sont enregistrées.
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M. le président. L'amendement n° 1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 5
Remplacer ces alinéas par quatorze alinéas ainsi rédigés :
L’identification du demandeur d’un titre d’identité ou de voyage ne peut s’y effectuer qu’au moyen des données énumérées aux 1° à 5° de l’article 2.
Il ne peut y être procédé au moyen des deux empreintes digitales recueillies dans le traitement de données que dans les cas suivants :
1° Lors de l’établissement des titres d’identité ou de voyage ;
2° Dans les conditions prévues aux articles 55-1, 76-2 et 154-1 du code de procédure pénale ;
3° Sur réquisition du procureur de la République, aux fins d’établir, lorsqu’elle est inconnue, l’identité d’une personne décédée, victime d’une catastrophe naturelle ou d’un accident collectif.
Aucune interconnexion au sens de l’article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée ne peut être effectuée entre les données mentionnées aux 5° et 6° de l’article 2 de la présente loi contenues dans le traitement prévu par le présent article et tout autre fichier ou recueil de données nominatives.
II – L’article 55-1 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Si les nécessités de l’enquête relative aux infractions prévues aux articles 226-4-1, 313-1, 313-2, 413-13, 433-19, 434-23, 441-1 à 441-4, 441-6 et 441-7 du code pénal, aux articles L. 225-7, L. 225-8 et L. 330-7 du code de la route, à l’article L. 2242-5 du code des transports et à l’article 781 du présent code l’exigent, le traitement de données créé par l’article 5 de la loi n° … du … relative à la protection de l’identité peut être utilisé pour identifier, sur autorisation du procureur de la République, à partir de ses empreintes digitales, la personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une de ces infractions. La personne en est informée. Cette utilisation des données incluses au traitement susvisé doit être, à peine de nullité, mentionnée et spécialement motivée au procès-verbal. Les traces issues de personnes inconnues, y compris celles relatives à l’une des infractions susvisées, ne peuvent être rapprochées avec lesdites données. »
III. – Le second alinéa de l’article 76-2 du même code est ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas de l’article 55-1 sont applicables. »
IV. – Le second alinéa de l’article 154-1 du même code est ainsi rédigé :
« Les trois derniers alinéas de l’article 55-1 sont applicables. »
V. – La sous-section 1 de la section 3 du chapitre Ier du titre III du livre Ier du même code est complétée par un article 99-5 ainsi rédigé :
« Art. 99-5. – Si les nécessités de l’information relative à l’une des infractions mentionnées au dernier alinéa de l’article 55-1 l’exigent, l’officier de police judiciaire peut, avec l’autorisation expresse du juge d’instruction, utiliser le traitement de données créé par l’article 5 de la loi n° … du … relative à la protection de l’identité pour identifier une personne à partir de ses empreintes digitales sans l’assentiment de la personne dont les empreintes sont recueillies. »
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne répéterai pas les explications que j’ai déjà apportées lors de la discussion générale sur les tenants et les aboutissants de cet amendement. Je me contenterai de demander au Sénat de bien vouloir adopter celui-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Tout d'abord, monsieur Lecerf, je ne crois pas que l’on puisse remettre en cause le vote émis par le Sénat en deuxième lecture, comme vous l’avez fait tout à l'heure dans votre intervention. On ne peut pas parler d’un vote des absents. Nous connaissons tous ici le règlement de notre assemblée et, partant, les modes de votation. Il est possible que certains sénateurs aient changé d’avis entre la deuxième lecture et la commission mixte paritaire. En tout cas, en deuxième lecture, le lien faible a bien recueilli 340 voix.
En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, je souhaite me référer à l’avis de la CNIL, exprimé par la voix de Mme Falque-Pierrotin, interrogée sur ce point en commission par notre collègue Jean-René Lecerf, après la deuxième lecture au Sénat : « Sur la carte d’identité biométrique, nous avions considéré que la création d’une base centrale était disproportionnée au regard de l’objectif de sécurisation des titres. » Les autres pays n’ont d’ailleurs pas créé de base centrale, comme le soulignait précédemment notre collègue Jean-Yves Leconte.
Mme Falque-Pierrotin concluait ainsi son propos : « Si toutefois la base centrale est constituée, la meilleure garantie contre les utilisations détournées serait la garantie technique, celle du lien faible. L'Assemblée nationale et le Gouvernement semblent s'orienter vers une autre garantie, celle qui consiste à réduire, par la loi, les finalités d'accès à la base. Cependant, nous savons qu'une fois un fichier constitué, il est toujours possible d'étendre ses finalités de consultation. C'est pourquoi la CNIL est inquiète : les restrictions juridiques seront toujours moins efficaces que les restrictions techniques, qui rendent impossibles l'utilisation de la base à des fins détournées. »
Telle est bien la position défendue par le Sénat et par notre collègue de l’UMP François Pillet, malheureusement absent aujourd'hui. Je souhaite qu’elle soit maintenue.
Mes chers collègues, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement et vous invite à voter contre les conclusions de la CMP ainsi modifiées.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Le vote sur l’amendement n° 1 et sur l’article 5 est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire modifié par l’amendement du Gouvernement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire modifié par l’amendement du Gouvernement.
(La proposition de loi n'est pas adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
5
Statut de la magistrature
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature (texte de la commission n° 240, rapport n° 239).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il revient au Sénat d’examiner le texte résultant des travaux de la commission mixte paritaire réunie, après une lecture dans chaque chambre, sur le projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature.
À l’origine, ce texte avait pour seul objet d’appliquer aux magistrats l’accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites décidée par le Gouvernement à la fin de l’année dernière.
À plusieurs reprises, la majorité sénatoriale a manifesté son désaccord avec les principes sur lesquels repose la réforme des retraites. Elle l’a notamment fait à l’occasion de l’examen de l’accélération du calendrier de déploiement de cette réforme prévue par la loi de financement de la sécurité sociale, puis lors de l’examen du présent texte.
Ce désaccord politique ayant été acté, et la loi de financement de la sécurité sociale promulguée, la question qui nous est aujourd'hui posée est celle de l’alignement, pour la limite d’âge, du statut des magistrats avec celui des autres agents publics, étant entendu que les autres dispositions de la réforme des retraites, qui relèvent de la loi ordinaire, s’appliquent d’ores et déjà aux intéressés.
À ce premier point de désaccord, le Gouvernement en a ajouté un second, puisqu’il a souhaité profiter de l’occasion que constituait ce projet de loi organique pour y intégrer des dispositions qui n’avaient rien à voir avec la réforme des retraites. On ne peut que déplorer que ces mesures aient été piochées arbitrairement dans un projet de loi plus ample négocié avec les organisations syndicales et portant sur le statut de la magistrature et les conflits d’intérêt, que le Gouvernement n’a pas jugé utile d’inscrire à l’ordre du jour parlementaire.
Toutefois, dans un esprit de responsabilité, tout en laissant au Gouvernement le soin d’assumer le risque constitutionnel y afférent, le Sénat a adopté conformes la plupart des dispositions du texte, qui répondaient à des difficultés avérées.
À l’issue de la première lecture du projet de loi organique par chacune de nos chambres, les désaccords entre nos deux assemblées se réduisaient à deux points.
Tout d’abord, nous désapprouvons, par principe, la réforme des retraites, donc la disposition sur la limite d’âge pour les magistrats de l’ordre judiciaire. Ce désaccord avait, d’une certaine manière, déjà été acté par le vote de première lecture.
Ensuite, nous avons une divergence d’appréciation sur l’extension à douze ans de la durée pendant laquelle un magistrat peut exercer la fonction de magistrat placé au cours de sa carrière.
Le Sénat a considéré qu’une telle évolution était dangereuse, ce qui nous a conduits à refuser d’autoriser qu’un même magistrat puisse exercer cette fonction pendant douze années au cours de sa carrière.
Dans un esprit de responsabilité et en accord avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, M. François Vannson, j’ai proposé aux sénateurs de la commission mixte paritaire d’accepter le maintien de l’accélération du calendrier de déploiement de la réforme des retraites aux magistrats, afin d’éviter l’extension à douze ans de la durée d’exercice maximale des fonctions de magistrat placé au cours d’une carrière.
En effet, l’emploi de magistrat placé constitue une atteinte au principe de l’inamovibilité des magistrats du siège. Certes, un magistrat ne peut occuper cette fonction que s’il y consent. Cependant, une fois qu’il a accepté d’être placé auprès des juridictions d’une cour d’appel, il revient au seul chef de cour de décider discrétionnairement de l’emploi de magistrat qu’il occupera dans son ressort.
Cette « discrétionnalité » d’affectation se concilie mal, dans son principe, avec l’indépendance qui doit caractériser la magistrature.
Bien sûr, le plus souvent, il s’agit pour le chef de cour de répondre pragmatiquement à une vacance de poste pour congé ou à la suite d’une mutation. Toutefois, il arrive que les magistrats placés deviennent un outil de gestion de la pénurie des emplois de magistrats : il en est ainsi lorsque, plutôt que d’affecter un magistrat de manière pérenne, le choix est fait de pourvoir le poste correspondant par une succession de magistrats placés. Il en résulte une désorganisation du travail correspondant à cet emploi, qui nuit à l’institution judiciaire comme aux justiciables.
Conscient de ces risques, le législateur organique avait, à l’origine, limité à six ans la durée d’affectation dans les fonctions de magistrat placé, ce que le Conseil d’État a réaffirmé dans un arrêt récent. La direction des services judiciaires avait toutefois retenu une lecture très souple de ce texte, qui l’a conduite à proposer des affectations pour une durée plus longue, découpée en séquences de six ans.
Le présent projet de loi organique visait à consacrer cette lecture contestable des textes organiques précédents, en confirmant une extension à douze ans au cours d’une carrière de la durée possible d’exercice de la fonction de magistrat placé. Néanmoins, les réserves précédemment énoncées ont logiquement conduit les parlementaires de la commission mixte paritaire à refuser une telle extension.
Mes chers collègues, le texte qui vous est aujourd’hui présenté renforce les limites auxquelles est soumis l’exercice des fonctions de magistrat placé et préserve ainsi les garanties apportées à l’inamovibilité des magistrats. L’accord intervenu en CMP permet à chaque chambre du Parlement d’apporter sa contribution à l’élaboration de cette loi. Grâce à lui sera évitée l’extension d’un dispositif qui suscite parmi nous de très nombreuses réserves. Je vous invite par conséquent à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme M. le rapporteur, je me félicite que la commission mixte paritaire ait abouti à un accord sur ce qu’il faut désormais d’appeler le « projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature ».
L’Assemblée nationale a adopté les conclusions de la CMP le 17 janvier dernier.
Le présent texte a pour objet d’accélérer la montée en charge de l’augmentation, par génération, de la limite d’âge des magistrats, telle qu’elle est prévue par la loi organique du 10 novembre 2010. Il est le pendant, pour les magistrats, de la modification du calendrier de l’augmentation des âges d’ouverture des droits et d’annulation de la décote proposé par le Gouvernement pour l’ensemble des fonctionnaires civils, ainsi que pour les militaires.
Cette mesure fait partie du plan d’équilibre des finances publiques annoncé par le Premier ministre le 7 novembre 2011 « afin de réduire plus rapidement le déficit des régimes d’assurance vieillesse et de sécuriser ainsi les pensions de retraite ».
Monsieur le rapporteur, malgré les divergences que vous avez évoquées, les deux assemblées se sont rejointes sur les conclusions de la CMP ; on ne peut que s’en féliciter.
Le projet de loi initial comportait un article unique, alignant le calendrier de relèvement de la limite d’âge par génération applicable aux magistrats sur celui prévu pour l’ensemble des fonctionnaires civils, relevant des trois fonctions publiques, ainsi que pour les militaires.
Le texte laisse inchangée la limite d’âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952. En revanche, pour les magistrats nés à compter de cette date, l’accélération du relèvement de la limite d’âge interviendra à raison d’un mois pour ceux qui sont nés en 1952, de deux mois pour ceux qui sont nés en 1953, de trois mois pour ceux qui sont nés en 1954 et de quatre mois pour ceux qui sont nés en 1955.
Lors de l’examen du texte, quatre amendements, relatifs à la carrière des magistrats et à la gestion du corps judiciaire, ont été adoptés. Ces dispositions organiques viennent modifier le statut de la magistrature pour répondre à des difficultés techniques rencontrées par la Chancellerie dans la gestion du corps judiciaire ou dans la mise en œuvre de dispositifs statutaires existants. Toutes revêtent une urgence particulière, que vous avez bien ressentie.
Adoptés par l’Assemblée nationale, l’assouplissement de la règle de priorité d’affectation à la Cour de cassation des conseillers et avocats généraux référendaires, comme celui de la règle de mobilité pour l’accès aux emplois hors hiérarchie ont été votés conformes par le Sénat. Il en est allé de même pour les dispositions relatives au comité médical national et au comité médical d’appel ; le Gouvernement s’en félicite, car ces dispositions apportent une réponse indispensable à des difficultés pratiques.
Ces mesures nous permettront de poursuivre dans la voie de la politique rénovée et dynamique des ressources humaines engagée par la Chancellerie ces dernières années.
La commission mixte paritaire était saisie de deux articles, ainsi que de l’intitulé du projet de loi organique.
En premier lieu, le Sénat a accepté de rétablir l’article 1er relatif à la retraite des magistrats.
En second lieu, la CMP est parvenue à un accord sur la disposition relative aux magistrats placés auprès des chefs de cour d’appel, dont la présence contribue à la bonne marche des juridictions.
Monsieur le rapporteur, la CMP a conclu, sur votre initiative, à l’exclusion des emplois d’encadrement intermédiaire dits « B bis » – premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur – du bénéfice de la priorité d’affectation des magistrats placés.
La priorité d’affectation dont bénéficient ces magistrats sur des postes de la juridiction siège de la cour auprès de laquelle ils sont placés ne pourra plus porter sur ce type d’emplois. En effet, ces derniers doivent être occupés par des magistrats ayant démontré de véritables capacités d’encadrement et d’animation au cours de leur carrière.
En revanche, la commission mixte paritaire n’a pas retenu, dans ce compromis, l’augmentation de la durée des fonctions de magistrat placé de six ans consécutifs à douze ans sur l’ensemble de la carrière.
Cette évolution répondait aux vœux de certains magistrats, mais elle n’aurait concerné en pratique qu’un nombre limité de situations. Le bénéfice de carrière que constitue la priorité d’affectation est acquis au magistrat placé au terme de deux ans. Pour être maintenus dans cette position, les magistrats doivent donc s’être portés candidats à cette prolongation.
Le Gouvernement prend acte du compromis trouvé sur la situation des magistrats placés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire est parvenue à un texte d’équilibre, satisfaisant aux objectifs essentiels visés par le projet de loi organique ; je m’en réjouis.
C’est en vertu d’une nécessaire démarche d’équité que le texte aligne le calendrier de relèvement de la limite d’âge des magistrats sur le régime général des trois fonctions publiques. L’amélioration des dispositifs de gestion de carrière des magistrats et du corps judiciaire est venue enrichir le projet de loi organique.
Le Gouvernement est donc bien évidemment favorable au texte issu de la commission mixte paritaire.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de mon groupe, je regrette vivement que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, une majorité se soit dégagée pour valider l’accélération du recul de l’âge de départ à la retraite des magistrats voulue par le Gouvernement et inscrite dans le présent projet de loi organique.
Pour ma part, je ne me suis pas associée à ce consensus. J’ai voté en CMP contre le texte issu de ses travaux, conformément à la position que j’avais prise en première lecture, au nom de mon groupe, en commission puis en séance.
Je constate aujourd'hui que, entre les articles issus des travaux de la CMP et ceux qui ont été adoptés conformes dans les deux chambres, le projet de loi organique pourrait entrer en vigueur dans une version très proche de celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, permettez-moi toutefois de rappeler que la majorité de la commission des lois du Sénat avait supprimé les articles 1er et 2.
Concernant l’article 1er, qui justifiait le dépôt du texte, un certain nombre de remarques très justes avaient été émises – elles sont évoquées dans le rapport –, la commission soulignant que valider cet article reviendrait à acter la réforme des retraites et que l’équité commandait « de retenir d’autres modalités de réforme des retraites que celles finalement adoptées ».
En outre, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, une majorité des membres de notre assemblée avait voté contre l’accélération de la mise en œuvre de cette réforme très contestée des retraites.
Toutefois, mon opposition à l’article 1er ne relève pas seulement aujourd'hui d’un souci de cohérence : elle repose également sur des arguments de fond.
Nous constatons que le Président de la République et le Gouvernement sont pressés d’appliquer leur réforme des retraites, contre l’avis de la majorité des salariés.
L’accélération du calendrier de cette réforme fait partie des dispositions du plan de rigueur du Gouvernement présenté en novembre dernier. « C’est un signal très fort de la volonté de notre pays de maîtriser ses dépenses, d’équilibrer ses comptes sociaux », avait alors souligné le Premier ministre.
Pour notre part, nous n’en sommes pas convaincus, d’autant que la réforme dans son ensemble ne fera que renforcer les inégalités. Hélas, tout aujourd’hui nous confirme que nous avons eu raison de nous opposer à cette réforme : ainsi, depuis que cette dernière a été adoptée, la situation économique du pays s’est encore dégradée, tandis que le nombre de chômeurs a encore augmenté de manière très importante et très préoccupante, tout particulièrement parmi les jeunes et ceux que l’on appelle désormais les « seniors » : le nombre de chômeurs de plus de 50 ans a augmenté de 14 % en un an.
Nous le savons bien, l’objectif de la réforme initiale et de ses nouvelles déclinaisons dans le plan de rigueur n’a jamais été de sauver le financement à terme des retraites ! Bien au contraire, le Gouvernement s’attache à déconstruire tout ce qui fonde la protection sociale, avec un seul objectif : offrir des marchés aux grands groupes d’assurance, aux fonds de pension, aux financiers.
Il n’a donc jamais été question de faire travailler les salariés plus longtemps, puisque, de toute façon, la situation de l’emploi ne le permet pas. Il s’est toujours agi de baisser le montant de leurs retraites !
Dans le même temps, le Gouvernement veut continuer à satisfaire le patronat en réduisant encore et encore les cotisations sociales que ce dernier ne cesse de contester. L’idée de TVA sociale vient sur ce point à leur rescousse.
Les financiers étant pressés, le Gouvernement l’est aussi et accélère la mise en œuvre de la réforme. Pour notre part, nous nous y opposons, qu’il s’agisse des salariés du privé ou des fonctionnaires.
S’agissant plus particulièrement des magistrats, les laisser en poste plus longtemps fera barrage à l’entrée en fonction des plus jeunes. En outre, le report de leur limite d’âge sera peut-être plus onéreux, les magistrats en fin de carrière coûtant évidemment plus cher que leurs jeunes collègues ! L’Union syndicale des magistrats fait d'ailleurs, à juste titre, les mêmes observations.
Concernant l’article 2 du projet de loi, la disposition allongeant la période pendant laquelle un magistrat pouvait exercer la fonction de magistrat placé a, certes, été supprimée : je souscris d’autant plus à une telle suppression que je m’étais moi-même opposée à cette mesure, dont j’avais recensé un certain nombre de conséquences négatives. J’avais notamment souligné le risque d’une utilisation accrue des magistrats placés pour des motifs de gestion, dans un contexte rendu difficile par l’absence des recrutements nécessaires pour faire face à l’augmentation constante des affaires judiciaires.
Toutefois, je rappelle que la commission des lois avait également adopté l’amendement tendant à supprimer l’intégralité de l’article 2 que j’avais déposé ; cette position avait été validée lors du débat en séance publique. La suppression de l’article 2 était d’autant plus justifiée que ce dernier avait été introduit par le Gouvernement, lors du débat à l’Assemblée nationale, sans que rien l’ait annoncé, donc sans le débat nécessaire.
Je déplore d’autant plus le vote imminent des conclusions de la CMP que trois autres dispositions du projet de loi – les articles 4, 5 et 6 –, d’ores et déjà adoptées par les deux chambres, constituent, à n’en pas douter, autant de cavaliers législatifs : elles ont été introduites par le Gouvernement alors que rien ne les relie au projet de loi organique initial, lequel avait pour seul objet l’application de l’accélération du calendrier du relèvement de l’âge limite par génération de départ à la retraite.
Comme trop souvent, le Gouvernement en a profité pour intégrer des dispositions qui, en toute logique, devaient relever d’un projet de loi spécifique, en l’occurrence le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature déposé à l’Assemblée nationale en juillet 2011, que la frénésie législative du Gouvernement n’a pas permis d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement. Je déplore d'ailleurs que, depuis des années, de telles situations se multiplient.
Le procédé est en l’occurrence d’autant plus contestable que la procédure accélérée a été engagée, interdisant tout débat de fond en amont et toute consultation sérieuse des syndicats de magistrats.
Mes chers collègues, vous comprendrez donc que je vote aujourd’hui contre les conclusions de la commission mixte paritaire qui nous sont présentées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à défaut d’un projet de loi modernisant enfin le statut de la magistrature dans sa globalité, c’est d’un texte a minima que le Sénat doit aujourd’hui discuter.
En première lecture, la grande majorité des membres de mon groupe avaient fait part de leur opposition à la philosophie initiale du présent texte, lequel traduisait, à notre sens, un recul des droits dont bénéficient les magistrats de l’ordre judiciaire.
Sans surprise, et suivant en cela la commission des lois, nous avions confirmé notre refus de voir s’appliquer au statut de la magistrature l’accélération du calendrier de mise en œuvre de la réforme des retraites décidée le 7 novembre dernier par le Premier ministre.
Le Sénat et l’Assemblée nationale ont trouvé un accord sur l’essentiel des autres dispositions de ce texte. Comme le rapporteur l’a indiqué, les points de divergence subsistants étaient peu nombreux ; ils étaient toutefois suffisamment importants.
Pour notre part, nous jugeons que la commission mixte paritaire a fait preuve avant tout de réalisme, les représentants du Sénat ayant tout d’abord cherché à travailler dans un esprit constructif, pour parvenir à un compromis acceptable.
Le texte qui nous est aujourd’hui proposé entérine, pour la magistrature, les modifications de la mise en œuvre de la réforme des retraites opérées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Naturellement, la majorité des membres de mon groupe reste fondamentalement opposée à cette réforme, que nous continuons à estimer injuste pour nos concitoyens les plus modestes. Cependant, les dispositions applicables aux fonctionnaires ayant été promulguées, il serait absurde de ne pas procéder aux coordinations nécessaires et de laisser subsister des différences de traitement, infondées sur le plan du droit, pour les magistrats.
C’est à partir du constat d’une nécessaire adaptation à la réalité du moment que nous fondons notre appréciation sur la rédaction de l’article 1er, qui reprend la version votée initialement par l’Assemblée nationale.
La même appréciation sous-tend notre analyse de l’article 2, dont la rédaction est également le fruit d’un compromis empreint de sagesse. Si nous n’avons pas eu gain de cause sur l’exclusion des emplois d’encadrement intermédiaire, dits « B bis », du bénéfice de la priorité d’affectation des magistrats placés, nous nous félicitons que la commission mixte paritaire se soit ralliée à la position du Sénat en supprimant l’allongement de la durée d’exercice de la fonction de magistrat placé. Une telle mesure n’aurait vraiment pas été raisonnable : elle n’aurait fait que consacrer une forme de précarisation de la carrière de ces magistrats. Certes, la gestion des vacances provisoires est nécessaire, mais la pénurie de postes ne doit pas servir de prétexte à la banalisation de l’instabilité des carrières.
Plus généralement, les dispositions de ce projet de loi organique demeurent très en deçà des attentes des magistrats, qui ne sauraient se contenter de réformes à la marge. En toutes circonstances, mon groupe défend l’idée que notre justice a besoin aujourd’hui d’une profonde réforme, fondée sur les principes d’indépendance et d’accessibilité, assortie des moyens lui permettant enfin d’accomplir sa mission avec sérénité et efficacité. Bien évidemment, ce texte ne répond nullement à cette urgence, même si certaines de ses dispositions trouvent leur utilité.
Depuis la première lecture de ce projet de loi organique, le Président de la République a néanmoins proposé, lors de ses vœux aux hautes juridictions, de réformer le mode de nomination des magistrats du parquet, en soumettant les décisions à l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Il est sûr qu’une telle mesure serait un premier pas indispensable pour mettre enfin notre droit en conformité avec les principes fondamentaux du procès équitable, que défend depuis longtemps la Cour européenne des droits de l’homme. Mais que penser d’une annonce aussi tardive, à quelques semaines de la suspension de nos travaux, et alors que nous sommes nombreux à interpeller depuis longtemps le Gouvernement sur l’urgence d’une révision du statut du parquet ?
Nous constatons – une fois de plus, malheureusement ! – l’incohérence de la politique de la justice, caractérisée par la multiplication des annonces contradictoires et des textes votés dans l’urgence, le tout au détriment des justiciables, qui ont pourtant droit à une justice lisible et efficace.
La majorité des membres du groupe du RDSE estime que ce texte représente une nouvelle occasion manquée. Toutefois, même si aucun problème n’a été résolu en réalité, la commission mixte paritaire a travaillé dans un esprit réaliste et constructif : cet effort justifiera notre vote favorable à ses conclusions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant tout, je me réjouis qu’une commission mixte paritaire aboutisse, car cette situation devient très rare ces temps-ci ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. C’est clair !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout dépend du sujet !
M. Jean-Jacques Hyest. Il est vrai que l’objectif initial de ce texte était limité. On peut refuser une réforme, mais, dans la mesure où celle-ci doit s’appliquer à tous, il est impossible que les magistrats y échappent pour la seule raison que leur statut, eu égard à la dignité de leur fonction, est régi par des lois organiques. Il fallait donc bien traduire les effets de la réforme des retraites dans ce statut particulier, car personne n’aurait compris qu’elle ne s’applique pas aux magistrats.
Ce texte n’avait donc initialement pour objet que l’application formelle du relèvement de deux ans de l’âge de départ à la retraite au régime applicable aux magistrats. En ce qui me concerne, cette mesure me semble indispensable : compte tenu de la situation de nos finances publiques et de l’adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, il convenait de mettre en œuvre le nouveau calendrier de cette réforme. Même si certains la contestent, cette mesure s’applique donc aujourd’hui à la magistrature.
J’observe, d’ailleurs, que la limite d’âge des magistrats a connu, au cours des cinquante dernières années, les mêmes évolutions que celle de l’ensemble des agents de l’État. Il était donc logique de procéder ainsi.
Certains l’ont rappelé, la limite d’âge précédemment fixée pour les magistrats nés avant le 1er janvier 1952 n’est pas modifiée. Ensuite, pour les magistrats nés à compter de cette date, l’accélération du relèvement de la limite d’âge interviendra à raison d’un mois pour ceux qui sont nés en 1952, de deux mois pour ceux qui sont nés en 1953, de trois mois pour ceux qui nés en 1954 et de quatre mois pour ceux qui sont nés en 1955.
La limite d’âge à 67 ans s’applique désormais pleinement pour les magistrats nés à compter de 1955, mais, bien entendu, l’âge d’ouverture des droits à pension des magistrats ne fait pas partie intégrante de leur statut. Ceux-ci se voient donc appliquer, par la loi ordinaire, les mêmes règles que pour les fonctionnaires. Enfin, depuis l’adoption de la loi portant réforme des retraites, cet âge est fixé à 62 ans pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1956.
On peut bien sûr s’interroger sur les effets de cette mesure sur le nombre des départs à la retraite, mais le ministère de la justice nous a assuré que le nombre de magistrats concernés ne devrait pas excéder quelques dizaines.
J’ajoute – j’y reviendrai quand j’évoquerai la situation des magistrats placés – que l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature prévoit que « les magistrats sont maintenus en fonction, sauf demande contraire, jusqu’au 30 juin suivant la date à laquelle ils ont atteint la limite d’âge », afin que leur départ coïncide avec les vacances judiciaires. Cette disposition, très largement utilisée, doit atténuer les effets de cette réforme sur la date de cessation effective des fonctions des magistrats concernés.
Il faut aussi rappeler que le magistrat atteignant la limite d’âge dispose de plusieurs régimes lui permettant de prolonger son activité, comme le recul de la limite d’âge applicable à l’ensemble des fonctionnaires de l’État, ou les régimes de maintien en activité spécifiques à la magistrature.
C’est pourquoi, comme pour les autres fonctionnaires, l’accélération du calendrier de relèvement de la limite d’âge pour les magistrats de l’ordre judiciaire se traduira nécessairement par une diminution des dépenses de pensions des agents de l’État et la réduction du déficit budgétaire. Tel était l’objectif essentiel visé par le Gouvernement et sa majorité, et je tiens d’ailleurs à saluer les efforts réalisés dans la lutte contre les déficits.
J’en viens aux autres mesures. Il est vrai, monsieur le ministre, qu’il n’est jamais souhaitable, lorsqu’un projet de loi porte sur un sujet précis, d’ajouter des dispositions dépourvues de tout lien avec son objet. Nous étions dans l’attente d’un important projet de loi organique relatif à la magistrature, mais celui-ci n’a pas pu être inscrit à l’ordre du jour. Je sais que le ministre chargé des relations avec le Parlement est celui qui souffre le plus d’une telle situation… (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. Ce problème est quelque peu lié à la révision constitutionnelle de 2008, qui a permis le partage de l’ordre du jour ; à l’époque, j’avais défendu une autre position et je maintiens que l’organisation du travail qui a été adoptée n’était peut-être pas optimale pour le Parlement.
Compte tenu de l’encombrement du calendrier parlementaire, il est tentant d’ajouter des dispositions aux projets de loi qui se présentent : la commission des lois du Sénat en avait accepté un certain nombre, qui tendaient à une amélioration du fonctionnement de la justice.
En ce qui concerne les magistrats placés, je comprends que l’on ne veuille pas bouleverser les pratiques actuelles, mais je rappelle que les affectations de magistrats posent un problème de transparence.
En effet, à chaque vacance de poste, qu’elle fasse suite à un départ à la retraite ou à une mutation, il faut attendre que toutes les personnes susceptibles de le faire aient postulé pour pourvoir ce poste. Aucune administration ne pourrait fonctionner de cette manière ! Certains postes restent donc vacants très longtemps.
Or, s’il n’y a plus de magistrats placés, et si personne ne postule, certaines juridictions, notamment les plus petites, ne pourront plus fonctionner. On a vu ainsi des juridictions à une seule chambre rester sans juge d’instruction, ou, si un juge d’instruction était nommé, compte tenu du nombre restant de magistrats, ne plus pouvoir siéger en formation de jugement. Il faut donc bien trouver des solutions ! C’est pourquoi les magistrats placés existent depuis très longtemps.
Contrairement à ce que certains pensent, l’allongement de la durée maximale de la fonction de magistrat placé ne constitue pas une demande du ministère de la justice. Il s’agissait en fait de résoudre les problèmes de mobilité rencontrés par certains magistrats, qui préfèrent rester dans une juridiction en qualité de magistrat placé plutôt que d’être affectés dans le ressort d’une autre cour d’appel, pour des raisons familiales notamment. Or cet élément n’est jamais évoqué !
Il s’agissait donc de répondre non pas à un désir du Gouvernement, mais à la demande de certains magistrats, afin de leur permettre de ne pas changer de cour d’appel. Il convient de ne pas adopter une approche uniquement théorique de cette question et de se donner le temps de la réexaminer. Il me semble donc opportun de ne pas prendre position, dans l’immédiat, sur ce sujet, qui du reste n’apporte pas grand-chose à notre débat.
Mes chers collègues, comme vous l’aurez compris, le groupe UMP votera les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a déjà dit M. le rapporteur, nous nous félicitons de l’accord obtenu en commission mixte paritaire et nous nous prononcerons en faveur de ce texte. Toutefois, nous le voterons, sinon avec quelques réticences, du moins avec quelques réserves.
Je tiens tout d’abord à souligner avec force que nous nous sommes toujours opposés à la réforme des retraites. Ayant combattu cette réforme générale, nous ne pouvions que refuser sa déclinaison aux magistrats. Or tel est bien l’objet de ce projet de loi organique.
Pourquoi veut-on étendre la réforme des retraites aux magistrats ? Il suffit, pour répondre à cette question, de citer le Premier ministre : celui-ci déclarait, le 7 novembre 2011, que le plan d’équilibre des finances publiques devait permettre « de réduire plus rapidement le déficit des régimes d’assurance vieillesse et de sécuriser ainsi les pensions de retraites ». Vaste programme ! Toutefois, selon l’étude d’impact qui accompagne ce texte, il n’aboutit qu’à une économie de 475 000 euros : force est de constater la disproportion entre les objectifs et la réalité. Tout cela a été parfaitement expliqué, notamment par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, et je n’y reviendrai donc pas.
Je tiens également à souligner un autre point, à savoir les effets du recul de la limite d’âge applicable aux magistrats sur la bonne administration de la justice. Ce recul aura nécessairement une conséquence sur la démographie judiciaire, car l’application de la nouvelle limite d’âge ralentira le déroulement des carrières.
Nous savons déjà, aujourd’hui, que la structure de la pyramide des âges du corps des magistrats se caractérise par un « goulet d’étranglement » au sommet de la hiérarchie. Avec l’allongement des carrières, les postes « hors hiérarchie » resteront occupés plus longtemps et deviendront hors d’atteinte pour des magistrats plus jeunes. Évidemment, nul ne souhaite abréger la carrière des magistrats, mais il aurait été nécessaire de suspendre l’application mécanique de la réforme des retraites aux magistrats pour « permettre une certaine respiration du corps », selon l’expression de notre collègue député Dominique Raimbourg.
La suspension de cette réforme aurait été d’autant plus aisée que l’économie attendue est minime. Comme le rappelle l’Union syndicale des magistrats, compte tenu du taux de remplacement particulièrement faible du corps judiciaire – aux alentours de 50 % – le gain sera « probablement nul ».
Revenons-en aux conclusions de la commission mixte paritaire : si la disposition relative à l’âge de la retraite avait été la seule en discussion, comme dans le texte initial, aucun compromis n’aurait été possible, je tiens à le réaffirmer avec force après Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le « Sénat de gauche », si l’on me permet cette expression, aurait rejeté ce texte.
Comme l’a souligné notre rapporteur, il nous faut choisir, si j’ose dire, « entre la peste et le choléra » : d’un côté, l’avancement de l’âge de la retraite, de l’autre, des dispositions que nous considérions comme tout à fait attentatoires à l’indépendance de la justice.
Sur la forme – même s’il s’agit d’une critique de principe, il faut toujours l’énoncer, car il y va de notre travail parlementaire –, je constate que nous nous sommes accoutumés à la procédure accélérée, qui est devenue une mauvaise habitude, ainsi qu’à l’adjonction de cavaliers en cours de procédure. Dans le cas présent, monsieur le ministre, vous faites le maximum : vous nous infligez en quelque sorte une double peine, avec une procédure accélérée assortie de cavaliers !
La commission des lois de l’Assemblée nationale avait « enrichi » le texte du projet de loi organique de plusieurs amendements sans rapport avec son objet initial : les articles 2, 4, 5 et 6 relevaient de cette catégorie. L’article 3, en revanche, issu d’un amendement de notre collègue René Dosière adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale, avait, quant à lui, été supprimé en séance publique.
Pour la plupart, ces amendements étaient issus du projet de loi organique relatif au statut de la magistrature. Vous avez donc profité de la discussion parlementaire pour effectuer, en quelque sorte, un transfert. Pour ma part, je regrette que ce projet de loi organique n’ait jamais été inscrit à l’ordre du jour de nos assemblées.
Cette adjonction, ce que j’appelle ce transfert, a évidemment changé la nature du projet de loi organique que nous examinons. Elle vous a aussi permis de renouer avec une très mauvaise habitude, à savoir soustraire ce texte à l’examen du Conseil d’État. Celui-ci a donc été empêché de donner son avis, qui nous aurait sans doute intéressés.
Au passage, vous avez procédé à une autre soustraction, puisque vous avez évité la concertation. Il n’y a pas eu la moindre concertation avec les organisations syndicales des magistrats sur un texte qui les concerne au plus haut degré ! Et, là aussi, nous ne pouvons que le regretter.
Une autre critique précise concerne les magistrats « placés », dont M. Hyest, tout à l’heure, a souligné combien ils étaient nécessaires. Dans la rédaction initiale, il était prévu d’étendre à douze ans, contre six ans aujourd’hui, la période pendant laquelle un magistrat pourrait, durant sa carrière, être affecté à un emploi de magistrat placé.
Ces magistrats placés posent des difficultés. J’ai bien écouté les arguments avancés par l’ancien président de la commission des lois, mais celui-ci oublie tout de même un élément, à savoir que ce dispositif porte atteinte au principe d’inamovibilité des magistrats du siège. Or c’est là une règle sur laquelle nous ne devrions absolument pas transiger, me semble-t-il.
Il y a peut-être à ce système des nécessités techniques, mais il existe sans aucun doute des exigences juridiques, voire constitutionnelles, qu’il nous faut respecter. Jean-Pierre Michel, qui ne peut aujourd’hui s’exprimer à cette tribune et qui m’a chargé de l’en excuser auprès de vous, a rappelé, au cours de précédents débats, que le Conseil d’État avait strictement encadré la durée d’exercice de ces magistrats placés, dits « magistrats volants », ce qui est déjà tout un programme ! Je regrette donc que le Gouvernement ait cherché à contourner cette jurisprudence.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, on nous a donné l’assurance que l’on ne reviendrait pas sur la durée de placement de ces magistrats. Monsieur le ministre, j’aimerais donc que vous nous confirmiez que le Gouvernement ne tentera pas de revenir, d’une façon ou d’une autre, sur la durée de placement de ces magistrats « volants ».
Je dirai également un mot sur les lacunes de ce texte. Puisque le Gouvernement a puisé dans le projet de loi organique qui était en préparation, il aurait pu se remémorer l’exposé des motifs de ce texte, qui se proposait « d’étendre à certains magistrats de l’ordre judiciaire le renforcement des obligations de transparence et la formalisation de certains des mécanismes de prévention des conflits d’intérêt ».
Monsieur le ministre, puisque vous vouliez puiser à cette source, pourquoi ne pas avoir retenu ce point ? Pourquoi lui avoir préféré d’autres éléments, alors qu’un tel volet aurait sans doute été tout à fait nécessaire en matière de déclaration d’intérêt pour les magistrats nommés à la Cour de cassation, comme pour les conseillers et avocats généraux qui y sont en service extraordinaire ?
La seule mesure qui, finalement, aurait pu se rapprocher de cet objectif était la proposition de René Dosière, qui prévoyait que les magistrats judiciaires ne puissent recevoir la Légion d’honneur ou l’Ordre national du mérite « pendant l’exercice de leurs fonctions ou à ce titre ».
Cette suggestion a fait l’objet de nombreux débats. Sur le principe, on comprend le raisonnement de René Dosière. Il s’agissait d’appliquer au troisième pouvoir, à la justice, des contraintes qui sont imposées aux deux autres pouvoirs, notamment au Parlement. Sans doute cette discussion était-elle prématurée.
Monsieur le ministre, je voudrais terminer en évoquant une autre question. Derrière cette histoire de médaille, en réalité, René Dosière nous parle d’autre chose, à savoir de l’indépendance de la justice. Tout à l’heure, mon collègue Nicolas Alfonsi a évoqué ce point, sur lequel je voudrais revenir.
Voilà quinze jours, j’ai interpellé M. le garde des sceaux sur la question de l’indépendance de la justice, plus particulièrement sur le fait qu’un grand nombre de magistrats du parquet – 126 procureurs de la République sur 163 – ont adopté récemment une résolution demandant, d’une part, qu’on leur donne les moyens de travailler, et, d’autre part, que l’indépendance du parquet soit enfin garantie dans notre pays.
M. le garde des sceaux a bien voulu me répondre pour me dire : « Circulez, il n'y a rien à voir ». Il n’est pas là aujourd’hui, mais vous serez mon interprète auprès de lui pour lui transmettre cette question, monsieur le ministre, que je pose à nouveau aujourd’hui, avec encore plus de force.
Nous venons de constater que le procureur de Nanterre avait été mis en examen. Ce n’est pas un événement d’une grande banalité dans une République ! Il a été mis en examen pour son enquête, jugée illégale par la Cour de cassation, sur les sources des journalistes du Monde.
MM. Roland Courteau et Jacky Le Menn. Eh oui !
M. Alain Anziani. C’est là un fait qui, au regard de l’ordonnance de 1958, constitue certainement une violation grave des obligations d’un magistrat. Ainsi en a jugé définitivement la Cour de cassation.
Pourtant, le garde des sceaux ne bouge pas. Il a même annoncé qu’il ne saisirait pas le Conseil supérieur de la magistrature ! Comment peut-il ne pas le faire alors qu’une faute est avérée et reconnue par la plus haute juridiction de notre pays ? Et comment peut-il, parallèlement, saisir le Conseil supérieur de la magistrature afin de poursuivre Mme Prévost-Desprez, également magistrate à Nanterre, pour une opinion qu’elle a exprimée dans un livre au titre, certes, un peu dérangeant pour certains, Sarko m’a tuer ?
M. Roland Courteau. C’est un outrage, en effet !
M. Jacky Le Menn. Deux poids et deux mesures !
M. Alain Anziani. D’un côté, nous avons un comportement fautif qui ne donne pas lieu à saisine du Conseil supérieur de la magistrature, qui n’est pas sanctionné. De l’autre, nous avons une opinion qui, elle, fait l’objet d’une menace de sanction. Sur ce point, nous aurions aimé entendre l’opinion du garde des sceaux !
M. Roland Courteau. Il n’est pas là ! Ainsi va la vie.
M. Alain Anziani. Surtout, à la place de ce projet de loi organique, dont l’intérêt, s’il est réel, est tout de même relatif, nous aurions préféré être enfin saisis du grand texte sur l’indépendance du parquet que nous attendons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie l’ensemble des intervenants à ce débat, en particulier ceux qui ont élargi le champ de la préoccupation qui nous anime ce matin.
Madame Borvo Cohen-Seat, je suis d'accord avec bien des points que vous avez évoqués dans votre intervention. Toutefois, en commission mixte paritaire, notre objectif était d’aller au-delà de l’affirmation des principes ; cela, nous pouvons le faire ici, au Sénat. Il s’agissait pour nous d’être capables de peser in fine sur la loi telle qu’elle sera votée par le Parlement, tout en préservant les principes essentiels. C’est la raison pour laquelle nous sommes arrivés à ce compromis. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique portant diverses dispositions relatives au statut de la magistrature
Article 1er
L’article 2 de la loi organique n° 2010-1341 du 10 novembre 2010 relative à la limite d’âge des magistrats de l’ordre judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. 2. – Par dérogation à l’article 76 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, la limite d’âge des magistrats nés avant le 1er janvier 1955 est fixée :
« 1° Pour les magistrats nés avant le 1er juillet 1951, à soixante-cinq ans ;
« 2° Pour les magistrats nés entre le 1er juillet et le 31 décembre 1951, à soixante-cinq ans et quatre mois ;
« 3° Pour les magistrats nés en 1952, à soixante-cinq ans et neuf mois ;
« 4° Pour les magistrats nés en 1953, à soixante-six ans et deux mois ;
« 5° Pour les magistrats nés en 1954, à soixante-six ans et sept mois. »
Article 2
La seconde phrase du neuvième alinéa de l’article 3-1 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est complétée par les mots : « , premier vice-président, premier vice-président adjoint, procureur de la République adjoint ou premier vice-procureur de la République des tribunaux de grande instance ».
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M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 94 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 173 |
Pour l’adoption | 323 |
Contre | 21 |
Le Sénat a adopté définitivement.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
délocalisation de lejaby
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. C’est une semaine noire pour l’emploi en France, marquée par l’annonce de chiffres catastrophiques : ainsi, le nombre des chômeurs s’est accru de 152 000 en un an, soit une augmentation de 5,6 %. En cinq ans, la France a perdu 750 000 emplois dans l’industrie, et 900 usines ont fermé ces trois dernières années.
La semaine dernière, le repreneur de Lejaby, fleuron du savoir-faire de la lingerie française, annonçait la suppression de 255 emplois et la fermeture du site d’Yssingeaux. Seuls 193 emplois seraient maintenus au siège de l’entreprise, essentiellement au sein du service commercial et de celui des prototypes. Il faut savoir que le repreneur de Lejaby, M. Alain Prost, est un associé de la société Isalys, principal sous-traitant de Lejaby en Tunisie…
Le Gouvernement affirme maintenant vouloir réindustrialiser la France, après avoir laissé son industrie péricliter pendant des années. Le cas de l’entreprise Lejaby montre que, à l’évidence, ces belles paroles ne sont pas suivies d’actes forts, traduisant une volonté réelle d’endiguer cette hémorragie.
Le devenir de cette entreprise est conforme à un scénario désormais classique, hélas ! que nous voyons se reproduire régulièrement depuis des années, ce qui a débouché sur la disparition de la majeure partie de l’industrie textile française.
Que font aujourd’hui les pouvoirs publics pour enrayer cette spirale infernale qui mène du dépôt de bilan au plan de licenciements, décidé par le repreneur choisi par le tribunal de commerce ?
En 1996, l’entreprise Lejaby comptait 1 100 salariés. Au terme de deux plans de restructuration successifs, six sites de production sur huit ont été fermés, tandis que, dans le même temps, 83 % de la production était délocalisée en Tunisie.
En 2009, le groupe Palmers a racheté la marque Lejaby, mais sans avoir élaboré aucune stratégie de développement ni prévu d’investissements. Le dépôt de bilan, intervenu le 22 décembre dernier, était inévitable. Cette fois, après que le tribunal de commerce eut trouvé un nouveau repreneur, le couperet est tombé : la production est abandonnée, Lejaby ne fabriquera plus en France !
M. Roland Courteau. Scandaleux !
Mme Michelle Demessine. Des ouvrières hautement qualifiées, celles que l’on appelle les « doigts de fée », sont jetées à la rue sans se voir offrir aucune perspective, malgré les belles promesses de plans de reconversion que l’on ne manquera pas de leur faire. Il est difficile, en l’occurrence, d’invoquer un coût de main-d’œuvre trop élevé par rapport à ce qu’il est en Tunisie, car le différentiel n’est que de deux euros pour une pièce vendue soixante-dix euros. (« La question ! » sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, ma chère collègue, veuillez poser votre question !
Mme Michelle Demessine. Le cas de Lejaby est emblématique : que compte faire le Gouvernement pour donner de la crédibilité à son discours sur la réindustrialisation de la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la sénatrice, vos propos sur l’action du Gouvernement sont très injustes. En effet, il a contribué à la recherche d’un repreneur pour l’entreprise Lejaby. Deux offres de reprise ont été déposées, et le tribunal de commerce de Lyon a décidé, le 18 janvier dernier, de retenir celle de l’ancien P-DG de Chantelle et de Furla, M. Prost.
Cette offre prévoit malheureusement la fermeture du site d’Yssingeaux, en effet, mais elle permet de sauvegarder 195 emplois, soit davantage que l’offre concurrente. Voilà ce qui explique la décision du tribunal de commerce de Lyon.
Nous nous battons pour que les salariés qui ne seront pas repris bénéficient des meilleures conditions possibles. Ceux du site d’Yssingeaux continueront ainsi de percevoir 98 % de leur salaire net pendant un an, grâce au dispositif du contrat de transition professionnelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et après ?
M. Éric Besson, ministre. Je puis vous dire, pour en avoir parlé avec eux, que ce n’est pas négligeable aux yeux des salariés de Lejaby !
Nous nous battons également pour assurer un avenir au site d’Yssingeaux. Nous avons ainsi obtenu du repreneur que les machines restent sur place. L’outil de production est donc préservé, ce qui était la condition indispensable à une reprise du site. À cet égard, plusieurs pistes existent, et le Gouvernement entend mobiliser tous les moyens financiers nécessaires pour conforter les projets de reprise.
C’est pour sauvegarder l’emploi industriel que le Gouvernement a pris, depuis 2007, des initiatives aussi importantes que la suppression de la taxe professionnelle, le triplement du crédit d’impôt recherche, la création du Fonds stratégique d’investissement, le lancement du programme des investissements d’avenir ou la mise en place d’aides à la réindustrialisation, comme dans le cas de l’entreprise Lejaby.
M. Alain Néri. Quel succès !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour quels résultats ?
M. Alain Néri. Ils sont mauvais !
M. Éric Besson, ministre. Il y a des restructurations industrielles, mais certaines entreprises se portent très bien et se développent : je pense par exemple à Airbus, à Alsthom ou à L’Oréal. Je tiens à souligner, même si cela ne fait pas les gros titres, que, pour la première fois depuis dix ans, le niveau de l’emploi industriel est stabilisé. Par ailleurs, contre toute attente, l’investissement industriel a augmenté de 10 % en 2011 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Ma question s’adresse à M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, a déclaré la semaine dernière, à l’occasion d’un colloque, que le prix de l’électricité pourrait augmenter de 6 % par an jusqu’en 2016, soit une hausse totale de 30 % à cette échéance, en l’état actuel de la réglementation.
Trois raisons expliqueraient une telle augmentation.
En premier lieu, le prix de l’électricité nucléaire historique suivant le rythme de l’inflation à hauteur de 2 % par an, le coût du mégawattheure devrait passer de 42 euros en 2012 à 46 euros en 2016. De plus, il faudra financer les 10 milliards d’euros de travaux de sécurisation des centrales exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima.
En deuxième lieu, il faut assurer le financement du développement des énergies renouvelables.
La contribution au service public de l’électricité, la CSPE, créée en 2001, sert essentiellement à financer le surcoût lié au développement des nouvelles énergies. La Cour des comptes a indiqué que le montant de cette taxe était passé de 1,9 milliard d’euros en 2010 à plus de 5 milliards d’euros aujourd’hui. Il faut dire que le prix d’achat de l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables est sept fois plus élevé que son prix de vente. Selon le régulateur, la CSPE devrait passer de 9 euros par mégawattheure en 2012 à près de 20 euros en 2016.
En troisième lieu, le régulateur évoque une hausse de 4 % par an, inflation comprise, du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, qui rémunère le transport d’électricité par RTE, Réseau de transport d’électricité, ainsi que la maintenance et la modernisation des réseaux par les distributeurs, notamment ERDF.
À tout cela s’ajoute la fin des tarifs réglementés pour les particuliers en 2015, en application de la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite loi NOME, qui risque d’alourdir encore la facture. (M. Roland Courteau acquiesce.)
Vous avez contesté, monsieur le ministre, le chiffre de 30 % d’augmentation et annoncé une hausse « prévisible mais raisonnable », en soulignant que, jusqu’en 2015, c’est le Gouvernement qui fixera le prix de l’électricité.
Qui croire ? Le président de la CRE, qui évoque une forte hausse, ou le Gouvernement, qui annonce une augmentation raisonnable ?
Pouvez-vous, monsieur le ministre, éclairer la Haute Assemblée, ainsi que les 39 millions de clients du réseau électrique français, sur les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, nous pouvons déjà nous accorder sur le constat suivant : le prix de l’électricité est aujourd’hui en France de 40 % inférieur à la moyenne des pays européens. (« C’est vrai ! » sur les travées de l'UMP.) L’électricité coûte notamment deux fois moins cher chez nous qu’en Allemagne.
M. Alain Néri. Ce n’est pas une raison pour augmenter les prix !
M. Éric Besson, ministre. Certes, monsieur le sénateur ! Je vais y venir.
Par ailleurs, grâce au recours à l’énergie nucléaire, nous produisons deux fois moins de gaz à effet de serre que l’Allemagne.
Le président de la CRE a émis un certain nombre d’hypothèses. Dès le lendemain, j’ai indiqué que le Gouvernement ne les faisait pas siennes et rappelé que c’est lui qui, en application de la loi NOME, fixera jusqu’en 2015 les tarifs de l’électricité.
Cela étant, soyons honnêtes : personne ne peut affirmer que le prix de l’électricité n’augmentera pas dans notre pays dans les années à venir. C’est pourquoi j’ai parlé d’une hausse raisonnable des tarifs.
Notre scénario de travail est fondé sur la réalisation d’économies d’énergie et le développement des énergies renouvelables, parallèlement au maintien de notre parc nucléaire, dans le respect des exigences posées par l’Autorité de sûreté nucléaire en matière de travaux de maintenance. La réalisation de ces travaux, dont le coût s’établit à environ 10 milliards d’euros, entraînera une augmentation des prix de l’électricité de 2 % en dix ans, ce qui reste raisonnable.
Un second scénario consiste à réduire de 75 % à 50 % la part de l’électricité d’origine nucléaire, mais il est difficile de savoir ce que préconisent vraiment ses partisans : ils affirment vouloir remettre en cause la filière de retraitement du combustible nucléaire, puis expliquent qu’on les a mal compris ; ils annoncent qu’ils fermeront vingt-quatre réacteurs sur cinquante-huit en treize ans, avant d’indiquer que, finalement, ils se contenteront de fermer une centrale dans les cinq ans ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Alain Néri. Pour retourner sa veste, c’est vous le spécialiste !
M. Éric Besson, ministre. Vous ne nous dites pas par quoi vous remplacerez le nucléaire, ni quelles seront les conséquences de vos choix pour notre indépendance énergétique et leur coût pour nos concitoyens. Vous nous avez seulement annoncé que, à l’avenir, les tarifs de l’eau, de l’électricité et du gaz seraient progressifs et indexés sur le revenu… (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Néri. Absolument !
M. Éric Besson, ministre. Comment une telle mesure pourrait-elle être mise en place ? Personne ne nous le précise !
Plutôt que de critiquer l’action du Gouvernement, grâce à laquelle l’électricité est peu chère dans notre pays, présentez-nous vos propositions ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
fiscalité
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ma question s'adresse à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
L’exécution budgétaire pour l’exercice 2011 s’est soldée par une amélioration des comptes publics de 4,6 milliards d’euros, soit plus de 0,2 % du PIB, par rapport à ce que prévoyait la dernière loi de finances rectificative.
Cet excellent résultat témoigne de la rigueur, de la sincérité et de la persévérance avec lesquelles le gouvernement de François Fillon gère les comptes publics ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. C’est une question téléphonée !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce chiffre, s’il est confirmé, marque un véritable record en matière de rigueur : c’est du jamais-vu depuis plus de trente ans, sinon davantage ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trop, c’est trop ! Halte à la propagande gouvernementale !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il manifeste aussi la sincérité des prévisions gouvernementales, que l’opposition avait donc eu tort de critiquer.
Il témoigne enfin de la persévérance du Gouvernement à poursuivre l’objectif qu’il s’est fixé, à savoir réduire les déficits publics et mener des réformes structurelles. (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Luc Carvounas. C’est la méthode Coué !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ces bons résultats sont dus à l’expérience du Gouvernement, qui s’est fixé une trajectoire budgétaire pluriannuelle, à la cohérence de ses choix en matière de politique budgétaire et à sa réactivité face à la crise.
M. Alain Néri. Votre trajectoire mène dans le mur !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout indique qu’il faut tenir ce cap ; c’est le bon sens même ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Luc Carvounas. Le changement, c’est maintenant !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je regrette que l’on ait ignoré totalement, dimanche dernier au Bourget, l’impératif de redressement de nos finances publiques. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez donc un petit effort à vos amis !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. En s’en prenant aux classes moyennes, en voulant supprimer le quotient familial, en annonçant la fusion de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée en un unique prélèvement progressif sur le revenu, on suscite des inquiétudes, que les déclarations de ce matin du candidat Hollande n’ont pas contribué à dissiper ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer l’amélioration du solde budgétaire pour l’exercice 2011, ainsi que la volonté du Gouvernement de maintenir ce cap en 2012 ? À cet égard, ne pensez-vous pas que le programme socialiste représente un risque pour les finances publiques de notre pays ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice, la réduction du déficit public entre l’année 2010 et l’année 2011 est sans précédent depuis 1945 ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une honte ! Gardez cette propagande pour vos meetings !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans le passé, un effort de réduction du déficit des comptes publics avait été réalisé en 1979 et en 1996, mais nous aurons fait mieux en le ramenant de 7 % du PIB en 2010 à moins de 5,5 % en 2011. J’espère même que le chiffre définitif que je vous annoncerai dans quelques semaines sera encore meilleur !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces propos sont scandaleux ! Heureusement, personne ne vous croit !
M. Alain Néri. Vous faites plus contre le déficit que contre le chômage !
M. Alain Néri. … que vous allez dans le mur !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … que les efforts que nous avons demandés aux Français ont porté leurs fruits. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quels efforts avez-vous demandés à vos amis ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Ils signifient surtout que le Gouvernement a été sincère, prudent et réactif. Nous avons mené une politique équilibrée, fondée autant sur la baisse des dépenses que sur la hausse des impôts.
M. Alain Néri. Parlez-nous du nombre de chômeurs ! C’est cela, votre bilan !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il est vrai que les propositions de l’opposition ont de quoi inquiéter, alors que nous sommes engagés sur une trajectoire de désendettement. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Notre dette publique s’élève, je le rappelle, à 1 700 milliards d’euros. Pour nous désendetter, nous devons revenir à l’équilibre budgétaire. Nous sommes sur ce chemin : le déficit public a déjà été réduit de 7 % du PIB à moins de 5,5 %, et il sera de 4,5 % en 2012, mais la France s’est engagée devant ses partenaires européens à le ramener à zéro en 2016. Pour atteindre cet objectif, un effort supplémentaire de 115 milliards d’euros est nécessaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui demandez-vous les efforts ? Toujours aux mêmes !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Or M. Hollande annonce que, s’il est élu, aucune économie supplémentaire ne sera réalisée, la révision générale des politiques publiques sera abandonnée, le nombre des fonctionnaires cessera de baisser… Aucun de nos partenaires ne suit cette voie ! En agissant ainsi, M. Hollande donnerait un coup fatal au désendettement de la France. Il oublie qu’il faut rétablir l’équilibre des comptes publics avant de commencer à dépenser un argent qu’on n’a pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
mali
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Depuis le printemps arabe, le Mali et le Niger, pays démocratiques et pacifiques, sont touchés par des enlèvements d’otages et des affrontements de plus en plus violents à leurs frontières.
Par leur position géographique, ces pays sont au cœur de toutes les circulations transsahariennes. Ils sont également traversés par le Sahel, qui, des côtes du Sénégal à celles de la Somalie, constitue un couloir propice au trafic de drogues.
Dans cette zone, à la suite de la chute de Kadhafi, un millier d’anciens soldats libyens sont venus renforcer les troupes rebelles du Mouvement national de libération de l’Azawad, le MNLA, né à la fin de l’année 2011.
Sur le plan militaire, le MNLA dispose d’un matériel de guerre provenant de Libye : des centaines de chars, des lance-missiles, des bazookas…
Le 18 janvier dernier, la rébellion a attaqué trois villes du nord du Mali. Quarante-sept personnes ont été tuées et dix ont été blessées, sans compter les victimes des combats qui se sont déroulés à Ménaka le 17 janvier.
Il est à craindre que de nouvelles attaques ne se produisent dans cette zone, dont les civils seront les victimes innocentes. Plus généralement, une déstabilisation sécuritaire de la région sahélo-saharienne risquerait d’entraîner la chute des régimes démocratiques du Mali et du Niger, ce qui emporterait des conséquences dramatiques.
Des intérêts à la fois militaires, religieux et mafieux convergent. Les rebelles ont les armes, l’argent, l’espace, le temps. Leurs motivations sont nourries par la revendication territoriale historique des Touaregs.
Le caractère transnational de ces menaces terroristes impose une réponse internationale coordonnée. Lutter efficacement pour la restauration de l’ordre et le maintien de la paix suppose d’accroître de manière significative les moyens mis en œuvre.
Allons-nous attendre que le pire se produise, que des villages soient pris pour cibles, que de nouvelles prises d’otages surviennent ? Souvenons-nous de Philippe Verdon, actuellement retenu en otage, de Pierre Camatte, libéré en 2010, et de Michel Germaneau, mort faute de soins en Mauritanie.
Nous sommes exposés à trois risques : la résurgence des mouvements terroristes, l’intensification du trafic de drogues et la déstabilisation de gouvernements démocratiques.
Monsieur le ministre, l’implication de la France dans le maintien de la stabilité aux frontières du Mali, du Niger, de l’Algérie et de la Libye semble incontournable. En effet, cette crise extérieure affecte aussi la sécurité des Occidentaux. Pouvons-nous faire inscrire cette question prioritaire à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de l’ONU ? Dans le cadre de l’Europe de la défense, pouvons-nous apporter un soutien matériel et technologique aux pays concernés, d’autant plus nécessaire que leur situation économique est très difficile ? (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur Guerriau, le Gouvernement partage entièrement votre préoccupation, concernant notamment le sort de nos otages. Je rappelle que deux jeunes Français ont été assassinés dans le nord du Niger, au mois de janvier 2011.
Il s’agit bien entendu d’une question extrêmement sensible ; nous devons être audacieux, mais responsables, et ne rien faire qui puisse mettre en péril la vie de nos otages.
La question touareg est ancienne. Elle a fait l’objet d’un accord en 2009, qui, manifestement, est aujourd’hui remis en cause.
Il est tout à fait exact que, à la suite des événements de Libye, un certain nombre d’hommes qui avaient été recrutés par M. Kadhafi sont retournés dans leur pays d’origine après s’être copieusement servis dans les stocks d’armes, ce qui a encore aggravé la situation.
Cela étant, je pense qu’il faut faire une distinction entre la rébellion touareg contre le pouvoir central et les actions d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, Aqmi. D’ailleurs, ces deux mouvances ne collaborent pas.
La France considère que, en démocratie, le dialogue doit primer sur l’épreuve de force. Nous appelons donc à un cessez-le-feu et à l’ouverture d’un dialogue associant tous les acteurs. Bien entendu, nous militons pour le respect de la stabilité, de l’unité et de l’intégrité territoriale du Mali. Telle est la position que M. Juppé a rappelée au président du Mali il y a quelques jours.
J’ajouterai qu’une bonne coordination entre les États de la zone est nécessaire. À cet égard, la réunion de Nouakchott est positive.
Dans l’état actuel des choses, il est évident que la mise en place d’une force étrangère d’interposition militaire n’est pas envisageable, les pays concernés y étant opposés.
À l’échelon européen, la France joue un rôle important dans la mise en œuvre de la stratégie pour le Sahel. En outre, un rapport sur la situation au Sahel doit être présenté aujourd’hui au secrétaire général des Nations unies.
Enfin, je souligne que si nous ne pouvons pas décider de l’inscription de telle ou telle question à l’ordre du jour des travaux de l’Union africaine, aucune réunion de cette organisation ne se tient sans que le sujet de la sécurité au Sahel soit abordé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
politique de l'emploi
M. le président. La parole est à M. François Patriat.
M. François Patriat. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre.
On le sait, le chef de l’État avait fait de la lutte contre le chômage le thème d’action majeur de son quinquennat. Or, au terme de ce dernier, on dénombre malheureusement un million de chômeurs de plus qu’en 2007… C’est là, madame Des Esgaulx, un record absolu depuis 1945 ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Nous ne nions pas l’ampleur de la crise, mais nous dénonçons le fait que les mesures prises aient toujours été contracycliques au regard de l’évolution dramatique de la situation de l’emploi.
Hier, le Premier ministre a enjoint aux membres du Gouvernement de ne surtout pas dire que tout avait été essayé. De fait, vous n’avez pas tout essayé, puisque les mesures décidées ces cinq dernières années, en particulier dans le cadre des différentes lois de finances, ont systématiquement joué contre l’emploi ! En cinq ans, vous avez démantelé notre système de protection de l’emploi ! (M. Jean-Pierre Raffarin rit.)
M. Éric Doligé. Et les 35 heures ?
M. François Patriat. Lors des derniers débats budgétaires, je me suis élevé contre la réduction des crédits alloués à la politique de l’emploi. Ils ont en effet baissé de 11 %, soit une diminution de 1,4 milliard d’euros.
Madame Pécresse, vous avez soutenu hier que cette baisse était seulement nominale. Or il n’en est rien ! Le budget de 2012, malgré l’apport des crédits prévus au titre de la fin du plan de relance, est marqué par une réduction des moyens affectés aux missions locales et aux maisons de l’emploi, ainsi que par des ponctions sur les fonds paritaires, une diminution du nombre des contrats aidés et, quoi que vous en disiez, la poursuite d’une mise en œuvre drastique de la RGPP à Pôle Emploi…
M. Roland Courteau. Cela fait beaucoup !
M. François Patriat. Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la ministre, que nous jugions indigentes et inefficaces les mesures qui ont été annoncées, de façon quelque peu cynique, le 18 janvier dernier.
En effet, le redéploiement de 480 millions d’euros de crédits n’est pas à la hauteur de l’enjeu. D’autres pays ont mobilisé des moyens beaucoup plus importants pour remettre à niveau leurs services de l’emploi et accompagner les chômeurs. Chez nous, plus les chômeurs sont nombreux, moins vous leur consacrez de moyens !
M. Roland Courteau. Et voilà !
M. François Patriat. Les crédits destinés à la formation ont été mis à mal.
Le chômage et l’endettement ont aujourd’hui atteint des niveaux records, hélas ! Le chef de l’État a endetté notre pays autant que tous ses prédécesseurs de la Ve République réunis ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Madame Des Esgaulx, ce sont les classes moyennes et les chômeurs qui paient les pots cassés de la politique menée ces cinq dernières années !
Madame la ministre, pensez-vous que les mesures annoncées le 18 janvier, avec un grand battage médiatique, sont réellement de nature à inverser la tendance, à rendre espoir à nos compatriotes et à restaurer une politique de l’emploi que vous avez mise à mal pendant cinq ans ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Il serait temps de changer de siècle !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur Patriat, nous avons en effet changé de siècle ! Il faut ouvrir les yeux sur le reste du monde ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est de la propagande !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous traversons malheureusement une crise économique sans précédent, qui touche tous les pays. Vous seriez en droit d’imputer au Gouvernement la responsabilité de l’augmentation de la dette et du chômage si les chiffres n’étaient pas singulièrement meilleurs en France que chez nos voisins ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À quels pays comparez-vous la France ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Patriat, rétablissons la vérité des chiffres : selon l’OCDE, depuis le début de la crise, si le nombre des chômeurs a augmenté de 31 % en France – c’est énorme, je le reconnais –, il a progressé de 51 % au Royaume-Uni,…
M. Didier Guillaume. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … de 115 % en Espagne et, en moyenne, de 41 % dans l’Union européenne ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
MM. François Patriat et Roland Courteau. Et en Allemagne ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. La hausse du chômage a donc été en France de dix points inférieure à la moyenne de l’Union européenne depuis le début de la crise.
M. Didier Guillaume. Les politiques libérales, c’est l’échec !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela signifie peut-être que nous avons su prendre les bonnes mesures pour endiguer cette hausse et mettre en œuvre les réformes structurelles propres à soutenir nos entreprises, qu’il s’agisse de la création du crédit d’impôt recherche, de la suppression de la taxe professionnelle ou de la réforme des universités.
M. Alain Néri. Et le record du chômage ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous l’aurez compris, la stratégie du Gouvernement, c’est l’action !
M. Alain Néri. Allez le dire aux salariés de Lejaby !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous allons en parler, monsieur Néri !
Au cours du sommet social du 18 janvier dernier, nous avons pris toute une série de mesures.
M. Didier Guillaume. C’est raté !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je citerai l’exonération totale de charges pour l’embauche d’un jeune par une très petite entreprise,…
Un sénateur du groupe socialiste. Trop tard !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … applicable dès maintenant, l’assouplissement du dispositif de chômage partiel, qui permettra le maintien des salariés dans l’entreprise… (Mme Frédérique Espagnac brandit le programme socialiste pour l’élection présidentielle.) Cette mesure entrera en vigueur dans les semaines qui viennent.
Monsieur Patriat, les propos que vous avez tenus sur Pôle emploi sont totalement erronés ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Depuis 2007 et la fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC, 5 000 agents supplémentaires lui sont affectés, et nous lui en accorderons encore 1 000 de plus cette année.
M. François Patriat. Ce n’est pas vrai, c’est moins !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Patriat, révisez vos chiffres !
Au-delà, pour améliorer la compétitivité de nos entreprises dans la concurrence mondiale, des réformes structurelles doivent être conduites, que je ne retrouve pas dans le programme socialiste. (Plusieurs sénateurs du groupe socialiste brandissent le programme socialiste pour l’élection présidentielle.) C’est pourtant la seule façon de sauvegarder les emplois. Des accords de compétitivité doivent être conclus, le dialogue social doit être rénové, le coût du travail doit être abaissé.
M. François Patriat. Travailler moins pour gagner moins !
M. Didier Guillaume. Nous allons vous le donner, le programme de François Hollande !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … prévoit une hausse des charges sociales afin de financer l’abandon de la réforme des retraites. Ce sont les classes moyennes et les salariés qui paieront ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
licenciements
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Voici encore une question sur l’emploi, me dira-t-on, mais qui peut aujourd’hui comprendre la politique du Président de la République ?
Je ne reviendrai pas sur le début du quinquennat, quand tout était possible, surtout les promesses, les largesses fiscales. C’était l’époque du Fouquet’s (Exclamations sur les travées de l'UMP.), des amis, du bouclier fiscal, dont la mise en œuvre a aggravé notre dette publique au point de faire perdre à notre pays sa note « triple A » !
Aujourd’hui, je voudrais plutôt évoquer le fameux slogan « travailler plus pour gagner plus ».
De SeaFrance, à Calais, à Lejaby, en Haute-Loire, en passant par Pétroplus, en Seine-Maritime, les emplois disparaissent, sont délocalisés. Depuis 2007, l’industrie a perdu 350 000 emplois, et 750 000 en dix ans. Vous êtes responsables de cette situation ! Ainsi, vous avez détruit la filière industrielle de l’énergie solaire, par l’application d’une politique irrésolue, changeant du jour au lendemain. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
Malheureusement, l’industrie n’est pas la seule victime de votre inaction : le secteur des services n’est pas en reste !
À Angers, à Tours et à Montpellier, 119 salariés de la société Aréas assurances sont menacés de licenciement économique. Alors qu’ils ont en moyenne trente ans d’ancienneté, c’est par email qu’on les a informés de leur licenciement… Qui pis est, ce gâchis humain n’a aucune légitimité économique ; les motifs de licenciement de ces salariés restent flous et non fondés. Contrairement à ce que la loi exige, tout n’a pas été fait pour éviter les licenciements.
Et que fait le Président de la République ?
MM. Claude Bérit-Débat et Luc Carvounas. Rien !
M. Jean Desessard. Il accourt au chevet de chaque entreprise ! Mais ses belles déclarations volontaristes, reprises par les médias, n’ont aucun effet sur l’emploi, au contraire : où le président passe, l’entreprise trépasse ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Les chiffres du chômage parlent d’eux-mêmes : on a enregistré 152 000 chômeurs supplémentaires en 2011 ! Plus l’emploi se fait rare, plus le président est prolixe ! Un jour il annonce l’instauration de la TVA sociale, le lendemain celle de la taxe sur les flux financiers. Que d’énergie dépensée, que d’agitation, avec pour seul résultat un chômage galopant ! Le slogan du début du quinquennat est devenu : « plus de chômage pour gagner moins » !
Monsieur le ministre, quelles mesures efficaces comptez-vous mettre en œuvre pour contrer la désindustrialisation et les destructions d’emplois dans l’industrie et les services ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur Desessard, je regrette que vous vous laissiez aller à la caricature. (Protestations sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.) En matière de chômage, la France a-t-elle oui ou non mieux résisté à la crise que la plupart de ses partenaires européens ? (« Oui ! » sur les travées de l’UMP. – « Non ! » sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En Espagne et au Portugal, pays pourtant gérés par des socialistes modernes et intelligents, le chômage n’a-t-il pas davantage augmenté qu’en France ? L’endettement ne s’est-il pas davantage aggravé dans ces pays que chez nous ? Les salaires des fonctionnaires et le montant des retraites n’y ont-ils pas été réduits ? À toutes ces questions, la réponse est : « oui » !
M. Jean-Louis Carrère. Vous gouvernez la France, pas l’Espagne !
M. Didier Guillaume. Parlez-nous de la France !
M. Éric Besson, ministre. Il apparaît donc clairement que la France a mieux résisté à la crise que la plupart des autres pays européens, même si, malheureusement, elle n’a pas été épargnée.
Qu’avons-nous fait, monsieur Desessard ?
M. Jean-Louis Carrère. Rien !
M. Éric Besson, ministre. Comme vient de le dire Mme Pécresse, nous avons tout mis en œuvre pour améliorer l’environnement fiscal,…
M. Alain Néri. Celui des plus riches !
M. Éric Besson, ministre. … favoriser l’innovation, encourager l’investissement. Ce sont là non pas des mots, mais des faits !
Je citerai à ce titre la suppression de la taxe professionnelle, qui représente 2 milliards d’euros,…
M. Luc Carvounas. La TVA sociale !
M. Éric Besson, ministre. … la création du crédit d’impôt recherche, pour 4,7 milliards d’euros, l’instauration du Fonds stratégique d’investissement, mesure que vous appeliez d’ailleurs de vos vœux, la mise en œuvre du programme des investissements d’avenir… Voilà des mesures concrètes !
Demandez aux dirigeants de Peugeot et de Renault s’ils n’apprécient pas le soutien que nous apportons au développement du véhicule électrique !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par une exonération d’impôt !
M. Éric Besson, ministre. Demandez aux opérateurs internet s’ils n’apprécient pas notre aide au déploiement de la fibre optique ! Je pourrais également évoquer notre soutien à l’entreprise STX pour la conception des navires de l’avenir… Au total, ce sont des milliards d’euros qui ont été affectés à l’innovation et à l’investissement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des cadeaux aux plus riches !
M. Alain Néri. Vous êtes en court-circuit !
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes débranchés !
M. Éric Besson, ministre. Je ne doute pas de votre soutien moral à la lutte contre la désindustrialisation (M. Alain Gournac rit.), mais il est dommage que vous ayez voté contre toutes ces mesures ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Pour le reste, il faut poser un diagnostic juste. La France est le deuxième exportateur européen et le cinquième mondial. Contrairement à ce que vous semblez suggérer, monsieur Desessard, nos principaux concurrents se trouvent au sein de l’Union européenne, la France réalisant les deux tiers de son commerce extérieur avec les pays membres de celle-ci. Par conséquent, c’est bien à l’Allemagne et à nos proches voisins qu’il faut se référer. Cela va amener très prochainement le Président de la République à proposer des réformes importantes, s’agissant notamment du financement de notre système de protection sociale, pour l’heure assis dans une mesure excessive sur les salaires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est ça !
M. Éric Besson, ministre. Nous menons en outre une forte politique d’encouragement à l’innovation, mais, excusez-moi de le dire, monsieur Desessard, la lutte contre la désindustrialisation passe aussi par le maintien sur notre territoire de nos trente-sept gros industriels électro-intensifs, qui bénéficient aujourd’hui d’une électricité particulièrement bon marché par rapport aux tarifs pratiqués dans le reste de l’Europe. Or la mise en œuvre des mesures figurant dans le document que certains membres de cette assemblée ont brandi tout à l’heure aboutira, par la destruction d’une filière qui marche, le nucléaire, à une forte augmentation de notre dépendance énergétique, du prix de l’électricité et du volume de nos émissions de gaz à effet de serre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
politique du logement
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.
M. Christophe Béchu. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du logement.
Monsieur le secrétaire d’État, le logement est un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens et un thème central des politiques publiques, tant nationales que locales.
Dimanche dernier, lors d’un meeting au Bourget, un candidat à l’élection présidentielle a indiqué vouloir agir en faveur du logement.
M. Didier Guillaume. Il va le faire !
M. Christophe Béchu. Il a évoqué quelques pistes : mise à disposition des collectivités locales par l’État de ses terrains disponibles, renforcement de l’isolation thermique des logements, encadrement des loyers, doublement du plafond du livret A, aggravation des sanctions à l’encontre des communes ne respectant par la loi SRU.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Didier Guillaume. Très bon programme !
M. Christophe Béchu. De telles propositions ne laissent pas d’étonner !
En effet, le Gouvernement a déjà lancé un plan de cession du foncier de l’État, voilà plusieurs années.
M. Jean-Louis Carrère. On ne le voit pas !
M. Christophe Béchu. Il a déjà encouragé le renforcement de l’isolation thermique ; ainsi, le respect de la norme BBC sera obligatoire au 1er janvier prochain.
Au-delà de ces actions, déjà mises en place, un certain nombre des mesures annoncées au Bourget sont dangereuses ou incohérentes.
Ainsi, l’encadrement des loyers risquerait plus de décourager les investisseurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) que d’être favorable aux locataires. Sa mise en œuvre susciterait des difficultés supplémentaires, par la diminution de l’offre locative et le moindre entretien des logements. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Notre collègue Gérard Collomb l’avait brillamment démontré voilà quelques mois !
De même, doubler le plafond du livret A serait à mon sens une mesure inefficace, sachant que les dépôts sont inférieurs à 150 euros sur la moitié de ces livrets ! Cela profiterait non pas au logement social, mais aux banques et aux détenteurs des patrimoines financiers les plus importants.
Enfin, vouloir alourdir les sanctions contre les communes qui construisent des logements sociaux sans atteindre encore le taux prévu par la loi SRU n’est absolument pas réaliste ! Il faut du temps pour bâtir, il ne suffit pas d’un claquement de doigts. Les socialistes doivent d’ailleurs le savoir, eux qui, au temps du gouvernement de Lionel Jospin et de la gauche plurielle, construisaient 40 000 logements sociaux par an, tandis que le gouvernement actuel en a construit 124 000 rien qu’en 2011 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question !
M. Christophe Béchu. Au-delà de ces considérations, je crains que le candidat socialiste n’ait pas voté hier en faveur de l’adoption des lois ayant permis les avancées qu’il prône aujourd’hui. D’ailleurs, nos collègues socialistes n’ont pas non plus soutenu l’adoption du dispositif destiné à lutter contre les loyers abusifs pour les microsurfaces.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est simple : pouvez-vous nous confirmer que, pendant que certains parlent, le Gouvernement agit ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR. – Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trop drôle !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé du logement. Monsieur Béchu, je vous le confirme, pendant que certains font des discours, le Gouvernement agit en faveur du logement. Il continuera à le faire jusqu’au bout ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Alain Néri. Jusqu’au bout !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Pendant ce quinquennat, le Gouvernement aura financé 600 000 logements sociaux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. De 1997 à 2002, le gouvernement de M. Jospin en avait financé 265 000 !
M. Luc Carvounas. Nous sommes en 2012 !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est toute la différence entre ceux qui font des discours sur le logement social et ceux qui peuvent se prévaloir d’un bilan !
Cette année, au total, 400 000 logements seront construits dans notre pays,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … dont les deux tiers selon la norme BBC.
Lors de son discours du Bourget, M. Hollande…
M. Jean-Louis Carrère. Qui est ce M. Hollande ? Il vous obsède !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … a dit vouloir construire 1 million de logements performants sur le plan énergétique. Je lui rappellerai que cette décision a déjà été prise : à partir du 1er janvier 2013, tous les logements construits devront satisfaire à ce critère.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous faites payer les collectivités locales !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. À raison de 400 000 logements réalisés par an, cela représente 2 millions de logements énergétiquement performants sur la durée d’un quinquennat.
Quant à l’encadrement des loyers, il s’agit à mon sens de l’une des propositions les plus néfastes qu’ait formulées M. Hollande. Si elle est mise en œuvre, cela signifiera concrètement qu’un propriétaire qui touche aujourd'hui 1 000 euros de loyer ne recevra plus que 900 euros. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Non ! Ce n’est pas ça, l’encadrement !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Que fera ce propriétaire ? Il décidera d’aller investir ailleurs, et se retirera du marché du logement.
M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Néri. Arrêtez votre cinéma !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Tel est le risque que comporte la mesure préconisée par le candidat Hollande.
M. Jean-Louis Carrère. C’est de la caricature ! Vous n’avez rien compris !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Enfin, M. Hollande a affirmé qu’il financerait la construction de logements sociaux en relevant le plafond des dépôts sur le livret A. Or, comme vous venez de l’indiquer, monsieur Béchu, l’encours de la moitié des livrets A ne dépasse pas 150 euros, et le plafond actuel n’est atteint que dans à peine 10 % des cas.
J’ajoute qu’il n’y a aucun rapport entre le niveau du plafond du livret A et la construction de logements sociaux ! Alors que, actuellement, l’encours total du livret A s’élève à 180 milliards d'euros, 120 milliards seulement sont utilisés : la ressource est donc largement disponible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
campagne électorale dans les médias
M. le président. La parole est à M. David Assouline. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Je souhaite interpeller M. le ministre de la culture et de la communication sur une situation qu’aucune démocratie ne devrait banaliser.
Nous assistons à une confusion des genres absolue : le Gouvernement mène campagne au lieu de s’occuper des Français en cette période de crise. D'ailleurs, ici même, une représentante de l’UMP a tout à l'heure interrogé le Gouvernement sur le programme de François Hollande !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Excellent programme !
M. David Assouline. Le Président de la République parcourt le pays ès qualité pour présenter ses vœux aux Français. (« Et alors ? » sur les travées de l’UMP.) Or, au cours de ces cérémonies, qui constituent normalement un moment de concorde et de rassemblement, il ne manque jamais d’attaquer le candidat socialiste !
M. Alain Gournac. N’importe quoi !
M. David Assouline. Le président-candidat entend utiliser les moyens de l’État pour faire campagne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Qu’a fait François Mitterrand à son époque ?
M. David Assouline. Le summum sera atteint dimanche : les six principales chaînes de télévision seront mobilisées, à l’heure de plus grande écoute, pour diffuser la parole présidentielle !
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela vous fait peur ?
M. Roger Karoutchi. Et les primaires socialistes ?
M. David Assouline. Aucun Français ne pourra y échapper ! Jamais on n’avait vu cela, sauf peut-être au temps de l’ORTF et de la chaîne unique…
Monsieur le ministre, trouvez-vous qu’une telle situation de captation des moyens et de confusion des genres soit saine dans une démocratie ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Assouline, je voudrais faire une bonne action en ce début d’année, en vous aidant à réparer votre téléviseur !
En effet, si vous aviez pu regarder la télévision cet automne, vous n’auriez pas manqué un programme de téléréalité de longue haleine particulièrement réussi : les primaires socialistes ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UCR.)
Mme Isabelle Debré. Absolument !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le suspense était prenant : qui serait admis à revenir en deuxième semaine ? Des millions de téléspectateurs n’ont pas eu d’autre choix que de suivre cette sorte de loft politique, diffusé sur toutes les antennes.
Je ne sache pas non plus que le formidable show de la rock-star du Bourget ait pu échapper aux téléspectateurs (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Alain Néri. Vous êtes jaloux !
M. Jean-Louis Carrère. Cela vous est resté en travers de la gorge !
M. François Patriat. Ni sur TF1, ni sur France 2, ni sur France 3, ni sur M6 !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Quand, dans une période de crise extrêmement grave, le Président de la République souhaite informer les Français, il est légitime qu’il utilise tous les moyens de communication appropriés pour ce faire.
Je constate en outre, monsieur Assouline, que vous n’avez manifestement assisté à aucune cérémonie des vœux du Président de la République. En effet, pour avoir participé à plusieurs d’entre elles, je puis témoigner qu’elles ont été d’une très grande élévation et d’une très grande équanimité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Vos propos à ce sujet sont donc tout à fait injustes !
Cela étant, je rappelle qu’il existe des règles très précises et claires en matière de répartition des temps de parole en période électorale. Elles répondent parfaitement aux préoccupations que vous avez exprimées d’une manière quelque peu polémique.
Les recommandations du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatives à l’élection présidentielle sont entrées en vigueur le 1er janvier dernier, pour une durée de dix-huit semaines, c'est-à-dire jusqu’au dimanche 16 mai, date de la publication par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats. L’équité dans la répartition des temps de parole et des temps d’antenne sera assurée par les chaînes de télévision, qui procèdent en s’appuyant sur un faisceau d’indices, tels que les résultats des précédents scrutins, la notoriété ou les résultats de sondages.
M. Jean-Louis Carrère. Elles subissent des pressions !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. De quoi parlez-vous ? Elles ne subissent aucune pression !
Les chaînes mesurent les temps de parole et d’antenne des candidats et de leurs soutiens liés à l’actualité électorale. Dans ce cadre, les interventions du Président de la République sont évidemment comptabilisées, en fonction de leur sujet.
M. Luc Carvounas. C’est ça la réponse ?
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Les règles sont claires, elles s’appliqueront. Les propos relevant du débat électoral seront imputés sur le temps de parole des candidats déclarés ou présumés. Il appartient aux chaînes, sous le contrôle du CSA, de veiller à l’équilibre des temps de parole entre les candidats, selon ce principe d’équité.
Faites donc preuve d’un peu de modération et d’objectivité, monsieur Assouline ! Ne vous inquiétez pas : les règles seront respectées. Ne réveillez pas, je vous en prie, ce vieux fantôme de la manipulation des médias : au contact de la réalité, il s’évanouira ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UCR.)
fusion entre france 24 et rfi
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il est très bon !
Mme Claudine Lepage. Demain, le conseil d’administration d’Audiovisuel extérieur de la France, AEF, se réunira pour confirmer la fusion juridique entre Radio France internationale, RFI, et France 24.
Le 16 janvier, cette opération menée à marche forcée avait été suspendue par la cour d’appel de Paris pour irrégularité de procédure. Qu’à cela ne tienne, le Gouvernement a promulgué ce matin même, en toute hâte, le cahier des charges de la fusion, et le présente en ce moment même au comité d’entreprise.
La fusion, soutenue aveuglément par M. de Pouzilhac, premier dirigeant de l’audiovisuel public nommé par le Président de la République, sera réalisée, au mépris de son coût social et financier. Une subvention exceptionnelle de 45 millions d’euros a ainsi été votée en décembre pour financer le déménagement de RFI dans un bâtiment qui n’accueillera même pas les équipes de France 24, et le nouveau plan social, qui se traduira par la suppression de 126 postes, s’ajoutant à celle de 206 postes déjà intervenue en 2009.
Quant au gain stratégique à attendre d’une fusion entre la troisième radio internationale et la toute jeune chaîne de télévision, il reste à démontrer ! Depuis sa création il y a près de quatre ans, AEF nage en plein marasme : quasi-crise diplomatique avec les partenaires francophones, climat social délétère et plus longue grève de l’histoire de l’audiovisuel public, gabegie financière et scandales à répétition, gouvernance à la recherche d’une véritable ligne stratégique…
Notre audiovisuel extérieur mérite beaucoup mieux que cette casse sociale, cette dilapidation de l’argent public et cette terrible mise en péril d’un formidable outil qui permet de porter haut la voix de la France dans le monde.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour mettre un terme à ce gâchis et reconsidérer la réforme de notre audiovisuel extérieur, dans le respect de tous : salariés, contribuables, auditeurs et téléspectateurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, je reconnais que France 24 a connu des difficultés, même si vous les exagérez à loisir. Ces difficultés sont aujourd'hui derrière nous. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) L’impact de France 24 pendant les révolutions arabes en témoigne : elle est devenue une chaîne respectée, suivie et à l’évidence nécessaire.
Mme Catherine Tasca. Et un peu chère…
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le fait que France 24 ait réussi le passage en version arabe vingt-quatre heures sur vingt-quatre est également à porter à son crédit. Certes, il y a eu des problèmes de gouvernance, mais ils sont désormais réglés.
Quant à RFI, je ne vais pas rappeler les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’engager une réforme de cette chaîne. Son cadre général d’intervention était obsolète. Par exemple, des programmes étaient diffusés dans un certain nombre de langues très peu parlées et faisaient l’objet d’une forte concurrence. En revanche, certains pays, notamment en Afrique, étaient insuffisamment couverts par RFI, en dépit d’une demande considérable. Il fallait donc réformer l’entreprise en profondeur, pour lui redonner la force nécessaire.
Dès lors que France 24 sortait de sa terrible crise d’adolescence et que l’on refondait RFI, il était parfaitement logique que les deux entreprises se rapprochent pour donner à l’ensemble de l’action audiovisuelle extérieure de la France une cohérence et une homogénéité. Cela permettra de rassembler les talents, de définir une ligne stratégique d’entreprise. Cette démarche me semble tout à fait normale ! Dans cet esprit, il est en outre logique que RFI déménage pour se rapprocher de France 24.
Mme Claudine Lepage. Ce n’était pas ma question !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. S’agissant du problème de procédure que vous avez évoqué, il sera réglé aujourd'hui, en présence du personnel de RFI. Le tribunal administratif avait invalidé un volet de la procédure sur quatre : AEF a mis sa gouvernance en conformité avec cette décision de justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
rtt à l'hôpital
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Ma question s'adressait à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mais je remercie par avance M. Sauvadet de me répondre.
Monsieur le ministre, un peu comme une malédiction, les conséquences de l’application des 35 heures se rappellent à nous régulièrement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et celles du chômage ?
Mme Élisabeth Lamure. Ses effets sont désastreux : coût économique, au détriment de la compétitivité et de la croissance, coût humain, supporté par les salariés et la société, coût budgétaire pour l’État, les collectivités locales et les contribuables…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ceux du chômage ?
Mme Élisabeth Lamure. Notre majorité n’a eu de cesse de rechercher les moyens de les atténuer.
À l’hôpital, les modalités de mise en œuvre des 35 heures imposées à l’origine par Élisabeth Guigou, alors ministre de l’emploi et de la solidarité du gouvernement Jospin, représentaient une véritable bombe à retardement, que le Gouvernement doit maintenant déminer.
Les chiffres sont impressionnants : en dix ans, environ 2 millions d’heures ont été « stockées » sur des comptes épargne-temps, faute pour les personnels hospitaliers, notamment les médecins, de pouvoir prendre leurs journées de congé supplémentaires, sauf à désorganiser le fonctionnement de l’hôpital. Le paiement d’une journée de RTT s’élevant à 300 euros en moyenne, il faudrait débourser au total 600 millions d’euros pour régler le problème !
Comment sortir de cette situation ?
L’alternative est la suivante : soit on permet aux médecins de réellement bénéficier, d’une manière ou d’une autre, de ces journées de repos supplémentaires, sachant qu’elles ne peuvent être « stockées » plus de dix ans ; soit ils devront faire une croix dessus, ce qui serait évidemment une grande injustice.
Il convient de rendre hommage aux médecins hospitaliers : nous connaissons tous la dureté de leur métier et leur engagement au service des patients.
M. Bertrand a réuni les organisations syndicales représentatives des médecins hospitaliers ce lundi, afin de sortir « par le haut » d’une situation difficile, dont l’apparition était prévisible dès la mise en place du dispositif. Un accord-cadre a été signé, qui semble convenir aux parties. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en décrire les grandes lignes, en mettant plus particulièrement en perspective les enjeux financiers ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Xavier Bertrand et Nora Berra, retenus à l’Assemblée nationale par l’examen de plusieurs propositions de loi.
Comme vous l’avez dit, Xavier Bertrand et Nora Berra viennent de signer un accord-cadre avec sept syndicats représentant les médecins hospitaliers, les internes, les chefs de clinique. Il vise en premier lieu à renforcer l’attractivité des carrières médicales hospitalières.
M. Yves Daudigny. Elles en ont besoin !
M. François Sauvadet, ministre. C’est là un enjeu particulièrement important, en vue de garantir une offre de soins de qualité dans nos hôpitaux sur tout le territoire.
Un autre volet de cet accord-cadre a trait à « l’optimisation de la gestion du temps de travail médical à l’hôpital ». Il comporte des dispositions relatives aux comptes épargne-temps applicables aux médecins hospitaliers.
La mise en œuvre des 35 heures a coûté très cher à notre pays. Elle a affecté notre économie et nos comptes publics, ainsi que le fonctionnement de nos hôpitaux. L’accord-cadre vise à régler les problèmes liés à l’application des 35 heures à l’hôpital, qui avait été très mal préparée. Le Gouvernement entend en effet assumer jusqu’au dernier jour ses responsabilités devant les Français. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Patriat. Les 35 heures ont quand même permis de créer 400 000 emplois !
M. François Sauvadet, ministre. La solution préconisée par le Gouvernement pour résorber le stock d’heures accumulées au fil des années repose sur le dialogue avec les principaux intéressés.
M. Jacky Le Menn. Dix ans de dialogue…
M. François Sauvadet, ministre. C’est la méthode que nous avons pratiquée de façon constante dans la fonction publique. Aucun gouvernement n’avait signé autant d’accords dans le cadre du dialogue social que celui de François Fillon.
Il semble que la gauche ait oublié, lorsqu’elle a mis en place les 35 heures, qu’un hôpital fonctionne 365 jours par an et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
M. Yves Daudigny. Ah bon ?
M. Jean-Louis Carrère. Quel scoop !
M. François Sauvadet, ministre. Je profite de cette occasion pour rendre à mon tour hommage au dévouement de l’ensemble du personnel hospitalier.
L’accord-cadre prévoit notamment une liberté de choix entre trois options pour utiliser les jours accumulés sur le compte épargne-temps : leur paiement, leur conversion en épargne retraite ou la prise de jours de congé. Cela vaut tant pour le passé que pour l’avenir.
Vous avez évoqué une dépense de 600 millions d’euros, madame la sénatrice, mais cette somme a été calculée de façon théorique, sans tenir compte des options autres que le paiement. J’ajoute que les hôpitaux ont budgété, année après année, des crédits destinés à couvrir la rémunération des jours de congé supplémentaires liés à la réduction du temps de travail.
Il était indispensable de trouver une solution pour régler une situation découlant d’une décision qui, je le répète, a coûté très cher à notre pays et à son économie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) C’est la vérité ! C’est en toute responsabilité et par le dialogue avec les praticiens hospitaliers que nous sommes parvenus à cette solution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 93 du 23 janvier 2012, M. Jean-Pierre Cantegrit a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Agents contractuels dans la fonction publique
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (projet n° 784 [2010-2011], texte de la commission n° 261, rapport n° 260).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre III
Dispositions relatives au recrutement et à la mobilité des membres du Conseil d’État et du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, des membres de la Cour des comptes et du corps des chambres régionales des comptes
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons l’examen du chapitre III, consacré aux juridictions administratives et financières, je souhaite rappeler dans quel état d’esprit la commission des lois a travaillé.
Conscient que des améliorations doivent être apportées au fonctionnement des juridictions administratives et financières, le Gouvernement a lui-même souhaité que la représentation nationale, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, se penche sur la situation de ces instances. Il leur a ainsi consacré six des soixante-trois articles que comptait la rédaction initiale du projet de loi. Il s’agit donc d’une thématique importante de ce texte.
La commission des lois a d’ailleurs salué cette initiative, en adoptant les six articles en question, tout en y apportant quelques ajustements. Elle a en outre enrichi le texte de mesures importantes, toutes inspirées par le souci d’assurer une plus grande mobilité des agents concernés et de valoriser leur carrière, ce qui a conduit à l’introduction de neuf articles supplémentaires.
Je tiens à souligner l’esprit de responsabilité des membres de la commission, qui n’ont pas immodérément alourdi le texte et ont concentré leur réflexion sur les mesures immédiatement nécessaires, eu égard notamment au choix du Premier ministre de diminuer l’importance des promotions de l’École nationale d’administration, ce qui conduit à un appauvrissement des effectifs de tous les corps concernés au sein des juridictions administratives et financières. Or ce qui est en jeu, c’est bien, au-delà du seul intérêt de ces juridictions, le bon fonctionnement général de l’État, compte tenu du rôle de ces dernières.
Je ne reviendrai pas sur les deux projets de réforme avortés de 2008 et de 2009 ; ce texte est la dernière occasion, pour le Gouvernement, de renforcer les moyens, en particulier humains, des juridictions administratives et financières. Il est donc forcément le bon vecteur pour insérer les mesures que la commission des lois a adoptées.
Comme je l’ai déjà dit lors de la discussion générale, je regrette que le Gouvernement n’ait pas souhaité déposer, au cours de la législature, un projet de loi spécifiquement consacré à l’organisation et aux moyens humains des juridictions administratives et financières. Quoi qu’il en soit, je souhaite aborder cette question avec pragmatisme.
Nous avons pris le temps du dialogue. Nous avons ainsi eu de nombreux échanges avec vous-même, monsieur le ministre, les membres de votre cabinet, les représentants des juridictions, les associations des membres des corps concernés et les syndicats. Cela est d’autant plus vrai que le Parlement a eu l’occasion à plusieurs reprises, ces dernières années, d’aborder ce sujet.
Je pense donc que nous sommes en mesure de traiter la question en profondeur et dans un esprit de responsabilité à l’occasion de l’examen du présent projet de loi, même si nous sommes loin d’avoir réglé la totalité des problèmes.
En tout, quinze articles sont concernés, ce qui n’est tout de même pas énorme. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j’espère vivement que le Gouvernement soutiendra les dispositions mesurées que la commission a insérées. Je souhaiterais en particulier que nous puissions trouver un terrain d’entente sur les mesures visant à élargir, dans des proportions tout à fait raisonnables, l’accès au Conseil d’État et à la Cour des comptes et à pérenniser le concours d’accès aux chambres régionales des comptes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Nous abordons un chapitre important de ce projet de loi.
Je note tout de même une certaine inflation du nombre d’articles, puisque ce chapitre en comporte désormais quinze, contre six à l’origine… Il ne faudrait pas perdre de vue, pour autant, que l’objet premier de ce projet de loi est la résorption de la précarité au sein de la fonction publique, et non les moyens humains des juridictions administratives et financières.
Madame le rapporteur, vous avez évoqué une réduction des promotions de l’ÉNA et ses conséquences éventuelles sur l’accès à certaines fonctions.
Je ferai d’abord observer que, depuis deux ans, les effectifs sont stables, les promotions comptant 80 élèves.
Par ailleurs, je souhaite moi aussi que nous débattions des conditions de sortie de cette école.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, je suis d’accord avec vous : les juridictions administratives et financières doivent évoluer. Cela étant, si nombre des dispositions introduites par la commission sont incontestablement pertinentes, je ne voudrais pas que l’on se trompe d’objectif. Je vous propose donc que nous nous en tenions à la méthode qui a guidé nos travaux depuis l’origine : concentrons-nous sur les dispositions consensuelles et remettons l’examen des autres à une occasion ultérieure. J’espère que j’occuperai alors encore mes fonctions actuelles ! (Sourires.)
En tout cas, je tiens à vous remercier, madame le rapporteur, de la tonalité que vous donnez depuis le début à nos travaux.
Article 53
L’article L. 133-8 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Art. L. 133-8. – Pour chaque période de deux ans, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel est nommé au grade de conseiller d’État en service ordinaire, sans qu’il en soit tenu compte pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 133-3.
« Chaque année, deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont nommés au grade de maître des requêtes, sans qu’il en soit tenu compte pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4 du présent code.
« Les nominations prévues au présent article sont prononcées sur proposition du vice-président du Conseil d’État, délibérant avec les présidents de section, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier et MM. C. Bourquin, Alfonsi, Baylet, Collin, Fortassin, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 133-4 du code de justice administrative sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Un tiers au moins des emplois vacants des maîtres des requêtes sont réservés au tour extérieur des magistrats affectés dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel.
« Nul ne peut être nommé maître des requêtes, en dehors des auditeurs de première classe en exercice, s'il n'est âgé de trente ans et s'il ne justifie de sept ans de services publics, tant civils que militaires.
« Les modalités d'application de cet article sont définies par décret en Conseil d'État. »
II. - Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 3 de l’article 53 prévoit que, chaque année, deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel soient nommés au grade de maître des requêtes au Conseil d’État, sans qu’il soit tenu compte de la règle selon laquelle les trois quarts au moins des emplois vacants sont réservés aux auditeurs de première classe, issus de l’ÉNA.
Il convient de saluer la modification apportée au texte par la commission des lois, tendant à rendre obligatoire la deuxième de ces nominations. Toutefois, cela ne fait qu’entériner la pratique actuelle en matière de nomination de membres de ce corps.
Nous proposons donc d’aller plus loin, en élargissant l’accès de ceux-ci au grade de maître des requêtes au Conseil d’État, par le biais d’un relèvement d’un quart à un tiers de la part des nominations réservées aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Cet amendement tend également à ramener de dix à sept le nombre d’années de services publics que les candidats nommés par la voie du tour extérieur au grade de maître des requêtes doivent avoir accomplies.
En facilitant l’accès au Conseil d’État des membres de ce corps, qui sont forts d’une expérience de terrain acquise au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, il s’agit de remédier au tarissement de l’effectif des membres du Conseil d’État prévu par l’étude d’impact et de favoriser la diversification des profils.
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Chaque année, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est nommé au grade de maître des requêtes, sans qu'il en soit tenu compte pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 133-4. Un autre membre de ce corps peut être nommé chaque année dans les mêmes conditions.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 67 rectifié.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. L'amendement n° 67 rectifié tend à introduire une rigidité inutile, en portant à un tiers au moins des emplois vacants la part des nominations réservées aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Son adoption aboutirait à une forte réduction des emplois vacants réservés aux auditeurs de première classe. La mise en œuvre d’une telle réforme nécessiterait une analyse approfondie du pyramidage des deux corps concernés. Enfin, l’abaissement de la durée de services publics requise pour accéder au grade de maître des requêtes au tour extérieur n’apparaît pas justifié.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n° 100 tend à revenir sur la rédaction de l'article 53 issue des travaux de la commission des lois du Sénat, qui prévoit de porter à deux le nombre de nominations annuelles de membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel au grade de maître des requêtes. En effet, au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel nommés au grade de maître des requêtes au Conseil d’État a été de 0,84 par an en moyenne.
L’objectif du Gouvernement est de faciliter l’accès des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à ce grade. La version initiale de l'article 53 du projet de loi prévoyait une nomination à titre obligatoire et une autre à titre facultatif chaque année. Il me paraît important de la rétablir, afin de conserver une marge de manœuvre pour ajuster chaque année le nombre de ces nominations, en fonction des besoins du corps et pour tenir compte de la qualité du profil des candidats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. L'amendement n° 67 rectifié tend à prévoir qu’un quota d’un tiers des emplois vacants de maître des requêtes au Conseil d’État soit réservé aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Il vise à modifier, en conséquence, l’article L. 133-4 du code de justice administrative.
Le texte adopté par la commission a d’ores et déjà élargi l’accès au grade de maître des requêtes au Conseil d’État pour les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, dans des proportions similaires. En effet, la commission des lois a prévu que deux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel seront nommés par cette voie chaque année, hors quota prévu à l’article L. 133-4 du code des juridictions administratives.
Dans la mesure où, aujourd'hui, seuls cinq auditeurs de première classe issus de l’ÉNA accèdent au Conseil d’État chaque année, l’adoption de l’amendement n° 67 rectifié pourrait conduire, dans quelques années, lorsque l’affaiblissement de l’effectif des auditeurs se sera accru, à ne plus ouvrir qu’un tiers de cinq places, soit moins de deux places, aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Ce dispositif pourrait donc, à terme, être de fait moins favorable aux intéressés que celui figurant dans le texte adopté par la commission.
Enfin, cet amendement vise à ramener de dix à sept le nombre d’années de services publics requis pour l’accès au grade de maître des requêtes par la voie du tour extérieur. Or cela ne paraît pas souhaitable : d’une part, la nature des missions conférées justifie qu’une expérience antérieure importante soit exigée ; d’autre part, dans les faits, les candidats à ces nominations au tour extérieur justifient le plus souvent d’une expérience de services publics supérieure aux dix années actuellement requises. La disposition en vigueur ne semble donc pas poser problème en pratique.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 100, il va à l’encontre de l’objectif affiché par le Gouvernement de faciliter la mobilité et la promotion des personnels. La mise en œuvre de son dispositif favoriserait paradoxalement l’amoindrissement de l’effectif du corps des membres du Conseil d’État.
La disposition proposée par la commission ne me paraît pas déraisonnable : passer d’une nomination à deux ne semble pas excessif. Elle serait de nature à donner aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel une perspective de carrière et je ne crois pas qu’elle soit source de rigidité.
Monsieur le ministre, l’esprit qui a présidé à la préparation de ce texte montre votre volonté d’élargir le vivier de recrutement. Vous enverriez un signal positif en acceptant la rédaction de la commission des lois, qui ne peut donc émettre qu’un avis défavorable sur l’amendement n° 100.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, nos positions ne sont pas très éloignées : vous et moi parlons de deux nominations.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Précisez votre position !
M. François Sauvadet, ministre. Simplement, je préfère que l’une soit obligatoire et l’autre facultative, tandis que vous inclinez pour deux nominations obligatoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. La position de la commission et celle du Gouvernement ne sont pas fondamentalement différentes. Le dispositif prévu dans l’amendement n° 100 donnera bien souvent lieu à deux nominations, si des candidats paraissent devoir être prioritaires.
Cela étant, je trouve que l’on s’attarde beaucoup trop sur les fonctions juridictionnelles du Conseil d’État, oubliant qu’elles ne constituent pas son unique mission. L’ouverture à des personnalités extérieures se justifie donc pleinement pour ses fonctions de conseil, lesquelles sont extrêmement importantes.
Madame le rapporteur, à vous entendre, on a l’impression que le Conseil d’État se résume à ses fonctions juridictionnelles. Or, historiquement, les fonctions consultatives les ont précédées.
Faisons attention à ne pas limiter le recrutement du Conseil d’État au seul corps des magistrats administratifs. Or l’amendement n° 67 rectifié va dans ce sens, ce qui est regrettable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Monsieur Hyest, cette disposition n’empiète en rien sur le tour extérieur, qui peut apporter les profils différents que vous souhaitez voir rejoindre le Conseil d’État. C’est d’ailleurs aussi pour promouvoir cette diversité dans le recrutement que la commission a créé un cadre nouveau de maître des requêtes en service extraordinaire.
Nous n’oublions pas que le Conseil d’État a aussi des missions autres que juridictionnelles.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 100.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 53, tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois, transcrit dans la loi une situation de fait résultant d’un accord non formalisé entre les organisations syndicales des juges administratifs et le Gouvernement.
Nous y sommes tout à fait favorables, puisqu’il tend, sinon à augmenter, du moins à stabiliser le nombre de juges administratifs intégrant le Conseil d’État. Il faut savoir que ces derniers ne représentent actuellement que 10 % des effectifs, alors que le recrutement au tour extérieur a concerné près de 30 % des maitres des requêtes et des conseillers d’État en activité.
Cette situation n’est pas pleinement satisfaisante. C’est pourquoi nous considérons, à l’instar de Mme le rapporteur, que l’accès au Conseil d’État constitue, pour les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, un mécanisme régulier et normal d’évolution hiérarchique.
Nous voterons en faveur de cet article, même s’il nous aurait semblé légitime que cette augmentation entraîne une diminution des postes ouverts par le biais du tour extérieur de droit commun, afin que ne soit pas réduit le nombre de postes ouverts dans le cadre de l’auditorat, et respecte un principe que nous défendons fermement, celui de la nomination en fonction du rang de sortie des élèves de l’École nationale d’administration.
M. le président. Je mets aux voix l'article 53.
(L'article 53 est adopté.)
Article 53 bis (nouveau)
I. – Le chapitre III du titre III du Livre Ier du code de justice administrative est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Dispositions relatives aux maîtres des requêtes en service extraordinaire
« Art. L. 133-9. – Des fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l’École nationale d’administration, des magistrats de l’ordre judiciaire, des professeurs et maîtres de conférences titulaires des universités, des administrateurs des assemblées parlementaires, des administrateurs des postes et télécommunications, des fonctionnaires civils ou militaires de l’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois de niveau équivalent ainsi que des fonctionnaires de l’Union européenne de niveau équivalent peuvent être nommés par le vice-président du Conseil d’État pour exercer, en qualité de maître des requêtes en service extraordinaire, les fonctions dévolues aux maîtres des requêtes pour une durée qui ne peut excéder quatre ans.
« Art. L. 133-10. – Les maîtres des requêtes en service extraordinaire sont soumis aux mêmes obligations que les membres du Conseil d’État.
« Art. L. 133-11. – Il ne peut être mis fin au détachement ou à la mise à disposition de maîtres des requêtes en service extraordinaire, avant l’expiration du terme fixé, que pour motif disciplinaire, à la demande du vice-président du Conseil d’État, et sur proposition de la commission consultative mentionnée au chapitre II du titre III du présent code.
« Art. L. 133-12. – Chaque année, un fonctionnaire ou un magistrat ayant exercé, pendant une durée de quatre ans, les fonctions de maître des requêtes en service extraordinaire, peut être nommé au grade de maître des requêtes. La nomination prévue au présent article est prononcée sur proposition du vice-président du Conseil d’État délibérant avec les présidents de section.
« Il n’est pas tenu compte de ces nominations pour l’application des dispositions de l’article L. 133-4 du présent code. »
II. – L’article L. 121-2 du code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Le 6° et le 7° deviennent respectivement le 7° et le 8°;
2° Après le 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 6° des maîtres des requêtes en service extraordinaire ; ».
III. – Les dispositions de l’article L. 133-12 du code de justice administrative sont applicables, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, aux fonctionnaires et aux magistrats ayant exercé, avant l’entrée en vigueur de la présente loi, les fonctions normalement dévolues aux maîtres des requêtes et aux auditeurs.
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la mesure introduite en commission des lois du Sénat, qui confère la qualité de maître des requêtes en service extraordinaire aux fonctionnaires et magistrats de l’ordre judiciaire détachés auprès du Conseil d’État ou mis à disposition du Conseil d’État, ouvrant ainsi la voie à leur intégration.
Ces fonctionnaires apportent incontestablement une contribution précieuse à l’institution au travers des compétences qu’ils ont acquises dans leur parcours antérieur au sein de la fonction publique. Mais, j’y insiste, ils ont aussi vocation à faire bénéficier leur administration d’origine ou une autre administration publique de l’expertise acquise au Conseil d’État. Ils constituent, de ce point de vue, un important vivier de recrutement pour l’ensemble de la fonction publique, qu’il convient de ne pas appauvrir.
Je rappelle que les voies d’accès à la plus haute juridiction administrative sont déjà nombreuses : l’ENA, le tour extérieur, la nomination des membres du corps des tribunaux administratifs et cours administratives d’appel, cette dernière voie étant élargie par le présent projet de loi et clairement dissociée du tour extérieur.
L’ajout d’une nouvelle procédure, elle aussi déconnectée du tour extérieur, nuirait à la lisibilité des voies de recrutement. L’ouverture d’une voie d’intégration directe créerait par ailleurs des attentes fortes, il ne faut pas se le cacher, pour les fonctionnaires en mobilité,…
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. François Sauvadet, ministre. … que le quota d’un recrutement par an, convenons-en, ne permettrait pas de satisfaire. À cet égard, le dispositif actuel présente le mérite de la clarté.
La création d’un statut de maître des requêtes en service extraordinaire n’apparaît donc pas nécessaire. D’ores et déjà, les fonctionnaires en mobilité exercent leurs fonctions dans les mêmes conditions que les membres du Conseil d’État.
Par ailleurs, l’impossibilité de mettre fin à la mobilité avant le terme des quatre ans, sauf motif disciplinaire, créerait une rigidité d’organisation et limiterait les possibilités de renouvellement de ce vivier, de nature à en garantir l’excellence.
Madame le rapporteur, forte de votre attachement à la mobilité et à l’enrichissement des parcours, je ne doute pas que vous suivrez le Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Tout cela est fort clair, mais disproportionné par rapport à l’initiative prise par la commission.
Je ne pense pas que les équilibres seront bouleversés par une nomination. Il convient non seulement de prendre en considération la préoccupation de mobilité, mais aussi d’enrichir le recrutement des membres du Conseil d’État.
Cette nouvelle voie d’accès au Conseil d’État va dans le sens de l’objectif affiché par le Gouvernement et partagé par la commission, à savoir lutter contre une baisse des effectifs de cette juridiction administrative.
Je persiste donc en disant que la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 53 bis.
(L'article 53 bis est adopté.)
Article additionnel après l'article 53 bis
M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Delebarre et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 53 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 2 du chapitre Ier du titre II du livre II du code de justice administrative est complétée par un article L. 221-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 221-2-1. – En cas de nécessité d’un renforcement ponctuel et immédiat des effectifs d’un tribunal administratif, le vice-président du Conseil d’État peut déléguer, avec son accord, un magistrat affecté auprès d’une autre juridiction administrative, quel que soit son grade, afin d’exercer, pour une durée déterminée, toute fonction juridictionnelle auprès de ce tribunal.
« L’ordonnance du vice-président précise le motif et la durée de la délégation ainsi que la nature des fonctions qui seront exercées par le magistrat délégué.
« Un décret en Conseil d’État fixe le nombre et la durée des délégations qui peuvent ainsi être confiées à un magistrat au cours de la même année. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. L’article L. 221-2 du code de justice administrative, dans sa version issue de la loi du 13 décembre 2011, permet à un tribunal administratif de « délibérer en se complétant, en cas de vacance ou d’empêchement, par l’adjonction d’un magistrat appartenant à un autre tribunal administratif ».
Conformément à sa lettre, cette disposition ne peut être utilisée que pour « compléter » un délibéré, c’est-à-dire autoriser un assesseur extérieur à siéger auprès de la formation de jugement. Elle ne peut, en revanche, être utilisée pour permettre à un magistrat extérieur d’assurer d’autres fonctions juridictionnelles, notamment celles de juge statuant seul. Ainsi, la législation en vigueur ne permet pas de répondre à la nécessité d’un ajustement immédiat et imprévisible, ce qui peut arriver notamment dans le cadre du contentieux de l’éloignement des étrangers.
Cet amendement, qui s’inspire de l’article L. 121-4 du code de l’organisation judiciaire, a donc pour objet de permettre d’assurer, de façon ponctuelle et immédiate, le renfort d’un tribunal administratif par un ou plusieurs magistrats d’une autre juridiction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement vise à renforcer ponctuellement une juridiction administrative dont la charge d’activité s’accroît par la délégation provisoire d’un magistrat administratif – bien évidemment avec son accord – affecté auprès d’une autre juridiction administrative.
Dans la mesure où ce dispositif est temporaire et permet aux juridictions administratives d’effectuer leurs missions dans de meilleures conditions, la commission a émis un avis favorable.
Je signale que l’effectif de chaque juridiction administrative est ajusté d’une année sur l’autre pour renforcer les juridictions dont la charge d’activité s’accroît durablement. La mise en œuvre de cette mesure ne peut donc en aucun cas excéder la durée d’une année.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. Il me semble que cet amendement favoriserait une souplesse organisationnelle pouvant s’avérer utile pour les tribunaux administratifs, en permettant le renfort, pour une durée déterminée, d’un ou plusieurs magistrats affectés auprès d’une autre juridiction administrative.
Je peux paraître manquer d’allant, mais, au-delà du principe, qui semble intéressant, il m’est difficile de me prononcer en l’absence d’éléments quantitatifs ou statistiques permettant d’analyser la réalité du besoin.
Mme Jacqueline Gourault. Cela nous arrive souvent !
M. François Sauvadet, ministre. Madame la sénatrice, je prends bonne note de votre remarque. (Sourires.)
En l’occurrence, le déficit d’informations que je pointe du doigt me conduit à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 53 bis.
Article 54
(Non modifié)
Il est ajouté à la section 2 du chapitre III du titre III du livre II du même code un article L. 233-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 233-4-1. – Le Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel peut proposer, lorsque le nombre de nominations susceptibles d’être prononcées au grade de premier conseiller, en application de l’article L. 233-4, n’est pas atteint, de reporter ces nominations sur le grade de conseiller. » – (Adopté.)
Article 55
(Non modifié)
La section 4 du chapitre III du titre III du livre II du même code est ainsi rédigée :
« Section 4
« Recrutement direct
« Art. L. 233-6. – Il peut être procédé au recrutement direct de membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel par voie de concours.
« Le nombre de postes pourvus au titre de ces concours ne peut excéder trois fois le nombre de postes offerts chaque année dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel aux élèves sortant de l’École nationale d’administration et aux candidats au tour extérieur.
« Le concours externe est ouvert aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au premier concours d’entrée à l’École nationale d’administration.
« Le concours interne est ouvert aux fonctionnaires ainsi qu’aux magistrats de l’ordre judiciaire et autres agents publics civils ou militaires appartenant à un corps ou cadre d’emplois de la catégorie A ou assimilé et justifiant, au 31 décembre de l’année du concours, de quatre années de services publics effectifs. » – (Adopté.)
Article 56
Le chapitre IV du titre III du livre II du code de justice administrative est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 234-3 est ainsi rédigé :
« Les présidents occupent les fonctions, dans une cour administrative d’appel, de vice-président, de président de chambre ou d’assesseur ; dans un tribunal administratif, de président, de vice-président ou de président de chambre ; au tribunal administratif de Paris, ils occupent en outre les fonctions de président ou de vice-président de section. Ils peuvent également occuper au Conseil d’État des fonctions d’inspection des juridictions administratives. » ;
2° La première phrase de l’article L. 234-4 est ainsi rédigée :
« Les fonctions de président de chambre dans une cour administrative d’appel, de président d’un tribunal administratif comportant moins de cinq chambres, de président de section au tribunal administratif de Paris ou de premier vice-président d’un tribunal administratif comportant au moins huit chambres sont accessibles aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel titulaires du grade de président depuis au moins deux ans. » ;
3° La première phrase de l’article L. 234-5 est ainsi rédigée :
« Les fonctions de président ou de vice-président du tribunal administratif de Paris, de premier vice-président d’une cour administrative d’appel et de président d’un tribunal administratif comportant au moins cinq chambres sont accessibles aux magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel titulaires du grade de président depuis au moins quatre ans. » – (Adopté.)
Article 56 bis (nouveau)
I. – L’article L. 222-4 du code de justice administrative est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les fonctions de président d’une cour administrative d’appel ne peuvent excéder une durée de sept années sur un même poste. »
II. – Au chapitre IV du titre III du livre II du code de justice administrative, après l’article L. 234-5, il est inséré un article L. 234-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 234-6. – Les fonctions de chef de juridiction exercées par les présidents de tribunal administratif ne peuvent excéder une durée de sept années sur un même poste.
« À l’issue de cette période de sept années, les présidents qui n’auraient pas reçu une autre affectation comme chef de juridiction sont affectés dans une cour administrative d’appel de leur choix.
« Cette nomination est prononcée, le cas échéant, en surnombre de l’effectif des présidents affectés dans la juridiction. Ce surnombre est résorbé à la première vacance utile. »
III. – Les dispositions des I et II s’appliquent aux chefs de juridiction dont la nomination est postérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)
Article 56 ter (nouveau)
L’article L. 231-1 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Art. L. 231-1. – Les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont des magistrats dont le statut est régi par les dispositions du présent livre et, pour autant qu’elles n’y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l’État. » – (Adopté.)
Article 57
Les quatre premiers alinéas de l’article L. 212-5 du code des juridictions financières sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Peuvent être détachés dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les magistrats de l'ordre judiciaire, les fonctionnaires appartenant à un corps recruté par la voie de l'École nationale d'administration, les professeurs titulaires des universités, les administrateurs des postes et télécommunications et les fonctionnaires civils et militaires issus de corps et cadres d'emplois appartenant à la même catégorie et de niveau comparable, apprécié au regard des conditions de recrutement ou du niveau des missions prévues par les statuts particuliers. » – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 57
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Delebarre et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 57
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° L’article L. 123-5 est ainsi modifié :
a) Les deux premières phrases du premier alinéa sont remplacées par trois phrases ainsi rédigées :
« Le conseil supérieur de la Cour des comptes est saisi des faits motivant la poursuite disciplinaire par le premier président ou par le président de chambre à laquelle est affecté le magistrat en cause. Lorsqu’il est saisi par le premier président, celui-ci ne siège pas, le conseil étant alors présidé par le président de chambre en activité le plus ancien dans son grade. Lorsqu’il est saisi par le président de la chambre à laquelle est affecté le magistrat en cause, et si ce président de chambre est membre du conseil supérieur, il ne siège pas au conseil supérieur où il est remplacé par le président de chambre suivant en termes d’ancienneté dans ce grade. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le secrétariat du conseil supérieur de la Cour des comptes statuant en formation disciplinaire est assuré dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État ».
2°) L’article L. 223-1 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots et deux phrases ainsi rédigées : « ou par le premier président de la Cour des comptes. Lorsqu’il est saisi par le premier président, celui-ci ne siège pas, le conseil étant alors présidé par le président de la mission permanente d’inspection des chambres régionales et territoriales des comptes. Lorsqu’il est saisi par le président de la chambre à laquelle est affecté le magistrat en cause, et si ce président de chambre est membre du conseil supérieur, il ne siège pas au conseil supérieur. »
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le secrétariat du conseil supérieur des chambres régionales des comptes statuant en formation disciplinaire est assuré dans des conditions définies par un décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement a pour objet d’améliorer le fonctionnement des conseils supérieurs de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes en formation disciplinaire.
Les dispositions actuelles ne sont pas conformes à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et des juridictions administratives françaises sur l’impartialité des juridictions. L’amendement vise donc à bien distinguer entre les autorités de saisine et les autorités chargées de présider les instances disciplinaires.
En l’état actuel des textes, cette séparation n’est pas assurée, et il peut arriver que le conseil supérieur, présidé par le Premier président, ait à délibérer d’une affaire disciplinaire dont il aurait été saisi par ce dernier.
Nous proposons que la saisine puisse être le fait soit du Premier président, soit du président de la chambre d’affectation, car en aucun cas l’autorité de saisine ne devrait pouvoir siéger.
Il est également prévu de renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de régler les modalités selon lesquelles est exercée la fonction de secrétariat des conseils supérieurs ; lorsque ces derniers interviennent en formation disciplinaire, les fonctions de secrétariat et de greffe doivent être assurées de façon très précise et complète, ce que ne permet pas le cadre juridique actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. L’objet du présent amendement, qui vient d’être clairement explicité par notre collègue Roland Courteau, vise à permettre au Premier président de la Cour des comptes de saisir les conseils supérieurs en matière disciplinaire, sans pour autant lui ouvrir la possibilité de siéger au sein desdits conseils.
En l’état actuel du droit, le Premier président de la Cour ne peut saisir les conseils supérieurs en cette matière que pour les présidents de chambre ou pour les magistrats financiers sans affectation.
La commission a donc émis un avis favorable sur cette extension du pouvoir de saisine du Premier président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. Monsieur Courteau, les dispositions que vous proposez d’introduire dans le texte sont susceptibles d’améliorer les conditions de saisine et le fonctionnement des conseils supérieurs de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes statuant en formation disciplinaire. Elles permettent de clarifier les pouvoirs de l’autorité de saisine et ceux de l’autorité de sanction.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement s’en remet de nouveau à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 57.
Article 57 bis (nouveau)
Après la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code des juridictions financières, il est inséré une section 4 bis ainsi rédigée :
« Section 4 bis
« Participation de magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes aux travaux de la Cour des comptes
« Art. L. 112-7-1. – Sur décision du premier président de la Cour des comptes, des magistrats des chambres régionales et territoriales des comptes peuvent participer aux travaux de la Cour des comptes à temps plein ou à temps partiel, y compris dans le cadre des procédures juridictionnelles, sur leur demande et après avis de leur président de chambre. » – (Adopté.)
Article 57 ter (nouveau)
Au dernier alinéa de l’article L. 122-2 du code des juridictions financières, le mot : « quarante » est remplacé par le mot : « quarante-cinq ».
M. le président. L’amendement n° 102, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Le Gouvernement est défavorable à la mesure introduite par la commission des lois du Sénat, qui a pour objet de relever de quarante à quarante-cinq ans l’âge minimal requis pour être nommé conseiller maître au tour extérieur à la Cour des comptes. Les conditions actuelles d’accès à ce grade sont satisfaisantes pour garantir à la Cour les recrutements diversifiés dont elle a besoin.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission des lois a inséré cet article pour répondre à deux préoccupations : l’harmonisation des règles applicables aux juridictions administratives et financières et, plus fondamentalement, la prise en compte de l’expérience nécessaire à l’exercice des missions d’un conseiller maître nommé au tour extérieur à la Cour des comptes, laquelle requiert un tel relèvement de l’âge minimal.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, si je veux bien entendre votre premier argument, je me refuse à considérer que l’âge est un indicateur d’expérience et de compétence.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Naguère, on était censé atteindre la sagesse à trente-cinq ans, âge suffisant pour devenir sénateur et en assumer les responsabilités ! Je partage donc l’avis de M. le ministre.
Madame le rapporteur, si vous voulez vraiment passer de quarante à quarante-cinq ans, tenez-vous-en à la première partie de votre explication et épargnez-nous la seconde.
Personne, à quarante ans, n’aurait, selon vous, l’expérience requise : qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Moi qui croyais que le Sénat venait d’évoluer…
La valeur n’attend pas le nombre des années, dit-on. Supprimons donc cet article, c’est une question de principe. Si tout fonctionne bien aujourd’hui, pourquoi opérer un tel relèvement d’âge ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Par souci d’harmonisation !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans ce cas, harmonisons dans l’autre sens !
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour explication de vote.
M. Jean-Vincent Placé. Je découvre un peu le sujet en direct, mais, ayant moi-même quarante-trois ans, vous comprendrez que ce débat me préoccupe. (Sourires.) Cela dit, je ne cherche pas à être nommé au tour extérieur, car ma fonction d’élu me satisfait amplement.
Plus sérieusement, je suis surpris par les arguments qui ont été échangés. Je ne ferai pas plus de commentaires, sinon pour indiquer que je serais même plutôt favorable à un abaissement de l’âge requis à trente-cinq ans. Je voterai donc l’amendement du Gouvernement.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Ils ne doivent pas arriver trop tôt à la Cour des comptes, monsieur le ministre !
M. le président. Je mets aux voix l’article 57 ter.
(L’article 57 ter est adopté.)
Article 57 quater (nouveau)
L’article L. 122-5 du code des juridictions financières est ainsi modifié :
1° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Chaque année, sont nommés conseiller référendaire à la Cour des comptes au plus deux magistrats de chambre régionale des comptes ayant au moins le grade de premier conseiller, âgés de trente-cinq ans au moins et justifiant, à la date de nomination, de dix ans de service public effectifs. » ;
2° Au cinquième alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » ;
3° Au sixième alinéa, les mots : « a émis un avis » sont remplacés par les mots : « a émis, dans une proportion double au nombre de postes à pourvoir, un avis favorable ».
M. le président. L’amendement n° 103, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cette mesure introduite en commission des lois du Sénat, qui modifie substantiellement les conditions de nomination au grade de conseiller référendaire de la Cour des comptes.
Les conditions actuelles d’accès à ce grade sont satisfaisantes pour garantir à la Cour les recrutements diversifiés dont elle a besoin. Il n’y a donc pas lieu de les modifier.
Puisque l’on peut être élu sénateur à quarante ans, pourquoi ne pourrait-on pas accéder à d’autres responsabilités au même âge ? Franchement, je m’étonne de l’argumentation qui a été développée.
Il convient de tenir compte, pour les carrières professionnelles dans la haute fonction publique, des compétences de chacun et des conditions d’accès à certains grades. Or vous décidez, madame le rapporteur, de mettre un coup d’arrêt aux perspectives d’évolution, sous prétexte qu’à quarante-cinq ans on accéderait tout juste aux rivages de la compétence permettant d’assumer des hautes responsabilités. Voilà une curieuse vision de la réalité ! Dois-je en conclure que vous n’êtes pas hostile au « plafond de verre » ?
Pour ma part, je souhaite offrir de réelles opportunités de carrière à ceux qui ont fait le choix d’un métier particulier, celui d’être au service du public et de l’intérêt général, fût-ce dans les hautes fonctions. À persister dans cette voie, vous risquez de décourager un certain nombre de grands talents, qui, ne voyant pas leur carrière progresser, seront amenés à faire d’autres choix pour trouver un épanouissement professionnel plus marqué.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement s’en est remis à votre sagesse sur plusieurs amendements. Puissiez-vous à nouveau faire preuve de sagesse pour celui-ci ! Après tout, Laurent Fabius ne fut-il pas nommé Premier ministre à trente-huit ans ?
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà !
M. François Sauvadet, ministre. Je m’empresse de préciser que je n’aurais pas choisi cette référence spontanément… (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Roland Courteau. Mais si !
M. Jean-Vincent Placé. C’est assez habile, monsieur le ministre !
M. François Sauvadet, ministre. … si je n’avais pas voulu montrer que son camp a pu, en son temps, reconnaître en lui un jeune talent.
Mme Virginie Klès. Monsieur le ministre, tout le monde va travailler beaucoup plus longtemps : il ne faudrait pas obtenir son bâton de maréchal trop vite !
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, nous avons comme objectif de moderniser, autant que faire se peut, notre fonction publique, et nous souhaitons ouvrir de nouveaux chemins en termes d’évolution de carrière. (MM. Jean-Jacques Hyest et Jean-Pierre Vial applaudissent.) Ne soyez pas repliée sur des survivances du passé, car il ne faudrait pas détourner des hautes fonctions les jeunes talents dont la République française a grand besoin.
M. Jean-Pierre Vial. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Monsieur le ministre, nous n’aimons pas les jeunes, pensez-vous ? Je vous rétorquerai que, vous, à l’évidence, vous n’aimez pas le changement !
Mme Catherine Tasca, rapporteur. En réalité, vous nous proposez de ne toucher à rien. Or la durée de vie professionnelle va inéluctablement s’allonger…
M. Jean-Jacques Hyest. Ah bon !
Mme Catherine Tasca, rapporteur. … compte tenu des décisions que votre majorité a prises en ce qui concerne les régimes de retraite.
Mme Éliane Assassi et M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Nous n’allons pas nous disputer plus longuement sur l’opportunité ou non de passer de quarante à quarante-cinq ans. Je maintiens que c’est un souci d’harmonisation qui a présidé, pour l’essentiel, à la décision de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest. Mieux aurait valu harmoniser dans l’autre sens !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, j’observe que vous n’envisagez pas de renoncer à l’allongement, nécessaire, de la durée du travail. Je me réjouis de cette convergence, même tardive, qui figurera en tout cas au compte rendu de nos débats.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas ce que Mme le rapporteur a voulu dire !
M. François Sauvadet, ministre. Par ailleurs, ne l’oublions pas, le fait d’offrir de nouvelles perspectives de carrière passe aussi par le développement de la mobilité, non seulement au sein des trois fonctions publiques, mais aussi à l’extérieur, en prévoyant des passages par le privé.
Tout l’objet de l’accompagnement des carrières est de permettre aux talents de s’exprimer, au travers d’un enrichissement des fonctions qu’ils sont appelés à occuper. Nous n’aimons pas le changement, dites-vous, alors que c’est vous qui vous opposez à ce que les plus jeunes aux tempéraments prometteurs, reconnus pour leurs qualités, puissent accéder à des grades ou à des fonctions importantes au seul motif de leur âge. Convenez avec moi que le camp de la modernité est, de ce point de vue, plutôt du côté du Gouvernement !
M. le président. Je mets aux voix l’article 57 quater.
(L’article 57 quater est adopté.)
Article 57 quinquies (nouveau)
L’article L. 141-4 du code des juridictions financières est complété par un second alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’expérience des experts mentionnés à l’alinéa précédent est susceptible d’être utile aux activités d’évaluation des politiques publiques de la Cour des comptes, cette dernière conclut une convention avec les intéressés, indiquant, entre autres, s’ils exercent leur mission à temps plein ou à temps partiel. Ils bénéficient alors des mêmes prérogatives et sont soumis aux mêmes obligations que les magistrats de la Cour. Le cas échéant, ils ont vocation à être affectés en chambre par le Premier président, devant lequel ils prêtent le serment professionnel. Ils prennent alors le titre de conseiller expert. » – (Adopté.)
Article 57 sexies (nouveau)
Le cinquième alinéa de l’article L. 221-2 du code des juridictions financières est supprimé. – (Adopté.)
Article 57 septies (nouveau)
I. – Le titre II du livre II du code des juridictions financières est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Recrutement direct
« Art. L. 224-1. – Il peut être procédé, sur proposition du Premier président de la Cour des comptes, au recrutement direct de conseillers de chambre régionale des comptes par voie de concours.
« Le nombre de postes pourvus à ce titre ne peut excéder, pour le premier concours organisé, le nombre de postes offerts, à compter de la promulgation de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, dans le corps des magistrats de chambre régionale des comptes au titre des articles L. 221-3 et L. 221-4 et, pour les concours suivants, le nombre de postes offerts au titre des mêmes articles à compter des nominations au titre du précédent concours.
« Le concours est ouvert :
« - aux fonctionnaires et autres agents publics civils ou militaires appartenant à un corps de catégorie A ou assimilé et justifiant au 31 décembre de l’année du concours de sept ans de services publics effectifs dont trois ans effectifs dans la catégorie A ;
« - aux magistrats de l’ordre judiciaire ;
« - aux titulaires de l’un des diplômes exigés pour se présenter au premier concours d’entrée à l’École nationale d’administration.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État. »
II. – L’article 31 de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 modifiée relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes est supprimé. – (Adopté.)
Article 58
(Non modifié)
I. – À l’article L. 222-4 du même code, les mots : « cinq ans » sont remplacés par les mots : « trois ans ».
II. – À l’article L. 222-7 du même code, les mots : « cinq années » sont remplacés par les mots : « trois années ». – (Adopté.)
Chapitre IV
Dispositions relatives au dialogue social
Article 59
(Non modifié)
L’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État prévoit les adaptations aux obligations définies par les articles L. 2135-1 à L. 2135-6 du code du travail que justifient les conditions particulières d’exercice du droit syndical dans la fonction publique. » – (Adopté.)
Article 60
(Non modifié)
I. – Au second alinéa de l’article L. 6144-4 du code de la santé publique, les mots : « par collèges en fonction des catégories mentionnées à l’article 4 de la même loi, » sont supprimés.
II. – Au second alinéa de l’article L. 315-13 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « par collèges en fonction des catégories mentionnées à l’article 4 de la même loi, » sont supprimés.
III. – Les I et II s’appliquent à compter du premier renouvellement général des comités techniques des établissements visés à l’article 2 de la loi du 9 janvier 1986 précitée suivant la publication de la présente loi. – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 60
M. le président. L’amendement n° 85, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 100 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un article 100-1 ainsi rédigé :
« Art. 100-1. - Sous réserve des nécessités du service, les collectivités et établissements accordent un crédit de temps syndical aux responsables des organisations syndicales représentatives. Celui-ci comprend deux contingents.
« I. - Un contingent est utilisé sous forme d’autorisations d’absence accordées aux représentants syndicaux mandatés pour participer aux congrès ou aux réunions statutaires d’organismes directeurs des organisations syndicales d’un autre niveau que ceux indiqués au 1° de l’article 59. Il est calculé proportionnellement au nombre d’électeurs inscrits sur la liste électorale au comité technique compétent.
« Pour les collectivités territoriales et établissements publics affiliés dont le comité technique est placé auprès du centre de gestion, ce contingent d’autorisations d’absence est calculé par les centres de gestion. Ceux-ci versent les charges salariales de toute nature afférentes à ces autorisations aux collectivités et établissements précités dont certains agents ont été désignés par les organisations syndicales pour bénéficier desdites autorisations d’absence.
« II. - Un contingent est accordé sous forme de décharges d’activité de service. Il permet aux agents publics d’exercer, pendant leurs heures de service, une activité syndicale au profit de l’organisation syndicale à laquelle ils appartiennent et qui les a désignés en accord avec la collectivité ou l’établissement. Il est calculé selon un barème dégressif appliqué au nombre d’électeurs inscrits sur la liste électorale du ou des comités techniques compétents.
« Les centres de gestion calculent ce contingent de décharges d’activité de service pour les collectivités et établissements obligatoirement affiliés et leur versent les charges salariales de toute nature afférentes à ces décharges d’activité de service concernant l’ensemble des agents de ces collectivités et établissements.
« III. - Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Monsieur le président, si vous le permettez, je présenterai en même temps les amendements nos 86, 87, 88, 91, 89 et 90.
M. Jean-Vincent Placé. Excellente initiative !
M. le président. J’appelle donc en discussion l’ensemble de ces amendements.
L’amendement n° 86, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les 11° et 12° de l’article 23 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée sont remplacés par un 11° ainsi rédigé :
« 11° Le calcul du crédit de temps syndical et le remboursement des charges salariales afférentes à l’utilisation de ce crédit dans les cas prévus aux deuxièmes alinéas des I et II de l’article 100-1. ».
L’amendement n° 87, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 59 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 59.- Des autorisations spéciales d’absence qui n’entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels sont accordées :
« 1° Aux représentants dûment mandatés des syndicats pour assister aux congrès professionnels syndicaux fédéraux, confédéraux et internationaux et aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations dont ils sont membres élus. Les organisations syndicales qui leur sont affiliées disposent des mêmes droits ;
« 2° Aux membres du Conseil commun de la fonction publique et des organismes statutaires créés en application de la présente loi et de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 précitée ;
« 3° Aux membres des commissions mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 225-2 du code de l’action sociale et des familles ;
« 4° Aux fonctionnaires, à l’occasion de certains événements familiaux.
« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article, et notamment, pour les autorisations spéciales d’absence prévues au 1°, le niveau auquel doit se situer l’organisme dans la structure du syndicat considéré et le nombre de jours d’absence maximum autorisé chaque année. Pour l’application du 2°, le décret détermine notamment la durée des autorisations liées aux réunions concernées. »
L’amendement n° 88, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième alinéas de l’article 77 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée sont ainsi rédigés :
« L’avancement des fonctionnaires bénéficiant, pour l’exercice de mandats syndicaux, d’une mise à disposition ou d’une décharge de service accordée pour une quotité minimale de temps complet fixée par décret en Conseil d’État, a lieu sur la base de l’avancement moyen des fonctionnaires du cadre d’emplois, emploi ou corps auquel les intéressés appartiennent.
« Pour le calcul de la quotité de temps complet prévue à l’alinéa précédent, sont pris en compte la décharge d’activité de service dont l’agent bénéficie ainsi que ses droits individuels à absence en application des 1° et 2° de l’article 59, du I de l’article 100-1 et à congés en application des 1° et 7° de l’article 57. »
L’amendement n° 91, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 100 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « affichage », sont insérés les mots : « et la diffusion » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Sous réserve des nécessités du service, les collectivités et établissements mettent des fonctionnaires à la disposition des organisations syndicales représentatives. Ces collectivités et établissements sont remboursés des charges salariales de toute nature correspondantes par une dotation particulière prélevée sur les ressources affectées à la dotation globale de fonctionnement. » ;
3° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À défaut d’une telle mise à disposition, ces collectivités et établissements leur versent une subvention permettant de louer un local et de l’équiper. » ;
4° Les sixième et dixième alinéas sont supprimés.
L’amendement n° 89, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 59 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 59. - L’avancement des fonctionnaires bénéficiant, pour l’exercice de mandats syndicaux, d’une décharge d’activité de service accordée pour une quotité minimale de temps a lieu sur la base de l’avancement moyen des fonctionnaires du corps auquel les intéressés appartiennent. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cette disposition. »
L’amendement n° 90, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 70 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée est ainsi rédigé :
« Art. 70. - L’avancement des fonctionnaires mis à la disposition des organisations syndicales nationales en application de l’article 97 ou bénéficiant d’une décharge d’activité de service pour l’exercice de mandats syndicaux pour une quotité minimale de temps a lieu sur la base de l’avancement moyen des fonctionnaires du cadre d’emplois, emploi ou corps auquel les intéressés appartiennent. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cette disposition. »
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Tous ces amendements ont trait à un sujet très important, à savoir la réforme des moyens syndicaux, sur lequel nous avons souhaité travailler avec les organisations concernées.
Nous sommes convenus, dans le cadre d’un relevé de conclusions, qu’un principe guiderait désormais la mise à disposition de tels moyens : à périmètres constants, moyens constants. Je rappelle qu’il s’agit d’un outil essentiel pour faire vivre la démocratie sociale dans ses différentes instances. Nous sommes également convenus, après un long débat, de la nécessité d’introduire de la transparence dans l’utilisation de ces moyens, et ce dès la première mise à disposition comme dès le premier euro. Je sais qu’un débat s’est déroulé à l’Assemblée nationale aujourd’hui même, notamment sur cette question.
En tout cas, il faut nous féliciter d’être parvenus à ce relevé de conclusions. Nous avons débattu de cette réforme pendant de longs mois avec les organisations syndicales représentatives. Aucun gouvernement ne s’était attaqué à ce problème depuis pratiquement les années quatre-vingt. Il était temps d’agir, de privilégier la transparence et de définir un cadre stabilisé en matière de mises à disposition.
Le Gouvernement est très attaché à la démocratie sociale. Il était donc légitime que les organisations syndicales aient l’assurance de disposer des moyens de fonctionner, afin de faire vivre les instances de concertation dans l’ensemble de la fonction publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai également souhaité que le sujet soit réglé avant les élections professionnelles, qui se sont déroulées le 20 octobre dernier et pour lesquelles plus de 3 millions d’agents se sont rendus aux urnes en vue de choisir leurs représentants et leurs délégués dans la fonction publique d’État et dans la fonction publique hospitalière.
Si nous avions attendu l’issue des élections, nous aurions évidemment pris le risque que les syndicats censés sortir victorieux de cet exercice de démocratie sociale impriment leur rythme. Or, sur ce sujet, j’ai pu constater des divergences très marquées entre les différentes organisations, selon leur histoire et leur importance. Nous avons donc considéré qu’il fallait tenir compte, dans le cadre d’une telle mise à disposition de moyens, de la représentativité et de ce pluralisme syndical dont nous sommes les héritiers. Nous avons trouvé sur ce point un facteur d’équilibre avec l’ensemble des organisations syndicales.
Des représentants ont donc été élus dans plus de 5 000 instances de dialogue social, conséquence directe de l’adoption de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Je veux d’ailleurs saluer l’excellent rapport de M. Vial sur cette loi, qui nous a beaucoup aidés à réformer la représentativité en la fondant sur le fait démocratique. C’est une révolution, en tout cas dans la démocratie sociale.
Il y a donc eu, je le répète, une intense concertation. J’ai remis aux organisations syndicales, le 29 septembre dernier, un relevé de conclusions dont les syndicats ont « pris acte ». Nous sommes allés aussi loin que possible dans la convergence de vues.
Je vous rappelle les principes retenus : d’une part, à périmètre constant, moyens constants ; d’autre part, un principe de transparence sur la mise à disposition et l’utilisation de ces moyens, auquel j’étais personnellement attaché. Il ne s’agit nullement d’inquisition, mais de s’assurer que les moyens mis à disposition sont bien consacrés à l’exercice de la démocratie sociale. Le projet de loi comporte d’ailleurs un article spécifique sur ce point, inspiré des travaux de votre collègue Mme Procaccia, dont je tiens à saluer la clarté et la finesse d’analyse.
Cette réforme permet donc de simplifier les catégories de moyens. Dans la fonction publique de l’État et dans la fonction publique hospitalière, je le répète, la traduction de ce relevé de conclusions est de nature réglementaire. En revanche, chacun le sait, pour la fonction publique territoriale, une partie des règles appartient au domaine de la loi : tel est l’objet des amendements nos 85, 86, 87 et 91, que je soumets à la Haute Assemblée.
Un point particulier me semble devoir être souligné s’agissant de la fonction publique territoriale : outre le fait que cette réforme intervient à moyens constants, elle ne doit pas conduire à des transferts de charges entre les collectivités et les centres de gestion, ces derniers jouant un rôle particulier en la matière. Nous y avons veillé.
Par ailleurs, l’axe 4 du relevé de conclusions traite des garanties devant être apportées aux représentants syndicaux dans le déroulement de leur carrière. Le Gouvernement a souhaité aborder ce point avec les organisations syndicales, notamment offrir de nouvelles perspectives à des personnes qui se sont engagées pendant plusieurs années au service de leurs collègues. Ainsi un leader syndical s’apprête-t-il à mettre un terme à ses fonctions après treize ans passés à la tête d’une grande confédération. Ces personnes doivent être accompagnées. Si nous voulons avoir des partenaires sociaux de qualité, les agents ne doivent pas être pénalisés dans leur avancement.
Aujourd’hui, comme vous le savez, le statut de la fonction publique prévoit que les agents bénéficiant d’une décharge à temps plein avancent au taux moyen de leur corps ou de leur cadre d’emploi. Il faut assouplir cette règle pour qu’elle puisse également profiter à des agents ayant une décharge à temps partiel. Il est souhaitable qu’une partie des représentants des agents puisse conserver une activité professionnelle dans les services pour ne pas perdre le contact avec la réalité du terrain.
Les amendements nos 88, 89 et 90 prévoient cette évolution dans chacune des trois fonctions publiques en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer, à l’issue de la concertation qui doit se poursuivre avec les organisations syndicales, la quotité du temps de travail ouvrant le bénéfice de cet avancement moyen. Nous vous invitons à les adopter.
Je saisis l’occasion de vous dire combien j’ai apprécié la solidité et l’engagement des organisations syndicales. Elles auraient pu céder, à la veille des élections, à la facilité de la démagogie. Elles ont souhaité assumer leurs responsabilités, avec un grand sens de l’engagement. Je tiens vraiment à saluer devant vous l’élaboration de ce relevé de conclusions, qui n’est pas un accord compte tenu des positions très divergentes des syndicats.
En tout cas, nous avons beaucoup travaillé à rechercher des voies de convergence. Je rappelle qu’aucun gouvernement, depuis les années quatre-vingt, ne s’était consacré à la question centrale des moyens attribués à la démocratie sociale et de son corollaire, la transparence dans la mise à disposition de moyens publics pour l’exercer.
Ce relevé de conclusions fait honneur à la conception du dialogue social que nous partageons, en dehors duquel il n’y aurait que des chemins de traverse, dans un monde confronté à des mutations, avec une fonction publique qui devra s’adapter, être accompagnée, ce qui implique l’existence de syndicats représentatifs, qui aient les moyens d’apporter leur concours sans pénaliser ceux qui se mettent à la disposition de ce dialogue.
C’est dans cet esprit, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous vous proposons ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 85, 86, 87, 88,91, 89 et 90 ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a considéré que la traduction du relevé de conclusions du 29 septembre 2011 suffisait à établir la cohérence entre le prolongement de la négociation amorcée avec l’accord du mois de mars 2011 et le travail accompli avec les organisations syndicales.
Ce texte a le profond mérite de traiter des moyens du dialogue social. La prise en compte des décharges à temps partiel constitue en particulier un véritable progrès par rapport aux règles actuellement en vigueur.
Dans leur ensemble, ces dispositions nous semblent aller dans le bon sens. C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis favorable sur cette série d’amendements.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Je mets aux voix l'amendement n° 86.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Je mets aux voix l'amendement n° 88.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Je mets aux voix l'amendement n° 91.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Je mets aux voix l'amendement n° 89.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Je mets aux voix l'amendement n° 90.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
Article 60 bis (nouveau)
Après le deuxième alinéa de l’article 13 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le Conseil siège en tant qu’organe supérieur de recours, il comprend, en nombre égal, des représentants de l’administration et des représentants des organisations syndicales de fonctionnaires, tous appelés à prendre part aux votes. » – (Adopté.)
Article 60 ter (nouveau)
Le neuvième alinéa de l’article 15 de la loi du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale et complétant la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cependant, dans le cas où le nombre d’organisations syndicales susceptibles de disposer d’au moins un siège excéderait le nombre de sièges prévu au 4°, les sièges sont réservés aux organisations syndicales ayant obtenu le plus grand nombre de voix à ces élections, par ordre décroissant jusqu’à épuisement du nombre de sièges disponibles. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 60 ter
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 rectifié est présenté par MM. Vial, Portelli et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par M. Delebarre, Mme Klès, MM. Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
A. – Après l’article 60 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 22 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les collectivités et établissements non affiliés contribuent au financement des missions visées au IV de l’article 23 dont elles ont demandé à bénéficier, dans la double limite d’un taux fixé par la loi et du coût réel des missions exercées. » ;
2° Au début de la seconde phrase du premier alinéa, les mots : « la cotisation est assise » sont remplacés par les mots : « la cotisation et la contribution sont assises » ;
3° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le conseil d’administration fixe annuellement le montant de la contribution des collectivités et établissements non affiliés visée au premier alinéa selon les modalités prévues au même alinéa. »
II. – L’article 48 de la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988 d’amélioration de la décentralisation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le taux maximum de la contribution mentionnée au premier alinéa de l'article 22 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est fixé à 0,20 p. 100, nonobstant la compensation financière visée à l’article 22-1 de la même loi. »
B. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
CHAPITRE IV BIS
Dispositions relatives aux centres de gestion de la fonction publique territoriale
La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour présenter l’amendement n° 5 rectifié.
M. Jean-Pierre Vial. Cet amendement porte sur une disposition technique : il vise à définir le montant de la contribution des collectivités et établissements non affiliés qui choisiront d’adhérer à un socle insécable de prestations. Arrêté par délibération du conseil d’administration de chaque centre de gestion, il ne peut excéder un plafond fixé par la loi et le coût réel des prestations.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas étonné que je n’en reste pas à cette présentation quelque peu réductrice d’un dossier sur lequel la commission des lois a beaucoup travaillé. Notre collègue Hugues Portelli a déposé voilà plus d’un an une proposition de loi tendant à modifier les dispositions relatives aux centres de gestion de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Elle traduisait une très forte demande des centres de gestion qui en avaient unanimement arrêté les orientations, toutes présidences confondues.
Cette proposition de loi a été examinée en commission, qui l’a amendée et est finalement parvenue à un consensus avec l’aide d’un « groupe de travail » constitué en son sein.
Il était important non pas de faire une grande loi sur les centres de gestion, voire de créer un établissement public, comme certains le souhaitaient, mais plutôt de revoir un certain nombre de points.
Les centres de gestion ont des dimensions et des organisations très diverses sur l’ensemble du territoire. Ceux de la petite couronne et de la grande couronne sont tels que beaucoup de collectivités, y compris des départements, ont été amenées à déléguer une partie de leurs compétences dans le domaine de la gestion des salaires. Des centres de gestion, dans les départements, sont de vrais outils d’accompagnement.
Ce constat nous a conduits à privilégier une réorganisation qui tienne compte du socle commun de missions obligatoirement assurées par les centres de gestion pour l’ensemble des collectivités et établissements, qu’ils soient ou non affiliés, et du fait que les collectivités non affiliées bénéficient de prestations auxquelles elles ne contribuent pas financièrement.
Dans ce contexte, nous étions parvenus à un dispositif relativement satisfaisant, qui s’est malheureusement trouvé « barré », si vous me permettez l’expression, par l’invocation de l’article 40 de la Constitution, au motif qu’il y avait là un transfert de charges.
Nous avons été très surpris par cette irrecevabilité. Nous avions justement veillé à éviter que cette modification n’entraîne une majoration de cotisations, l’équilibre reposant sur des contributions volontairement consenties par les collectivités qui acceptaient que les missions soient arrêtées au niveau des centres de gestion. Nous aboutissons ainsi à un texte sans cohérence ni substance par rapport à la volonté initialement partagée par les différentes composantes de notre assemblée et, surtout, par les centres de gestion qui souhaitent voir mises en place les réformes nécessaires.
Monsieur le ministre, vous allez dans notre sens puisque vous avez repris une partie des amendements déclarés irrecevables, même si, vous en conviendrez, ceux-ci sont loin de satisfaire l’ensemble des demandes des centres de gestion. En tout cas, vous semblez prêt à profiter de la navette parlementaire pour aboutir à un texte acceptable avant que le projet de loi ne vienne devant l’Assemblée nationale. J’aimerais donc avoir l’assurance que nous parviendrons ensemble à élaborer un texte qui soit la vraie réponse qu’attendent les centres de gestion.
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié.
Mme Virginie Klès. Nous nous étions accordés sur un ensemble d’amendements permettant de définir un socle insécable de missions et donnant lieu à une adhésion partielle choisie par les collectivités, qu’elles soient petites ou grandes, moyennant quoi les collectivités rétribuaient les centres de gestion à hauteur des moyens engagés.
Toutes les collectivités qui profitaient de ces services rétribuaient donc les centres de gestion, selon une cotisation volontairement plafonnée, ce qui leur permettait également d’avoir une voix délibérative au sein des conseils d’administration pour tout ce qui concernait ce socle insécable de missions. Ce dispositif faisait jouer la solidarité entre les collectivités et permettait de régler le problème des « petites » collectivités payant certaines missions au profit des « grosses ».
Certes, le dur couperet de l’article 40 est tombé, mais je pense que les discussions ne sont pas closes, monsieur le ministre. Vous allez pouvoir renouveler publiquement l’engagement que vous avez pris hier en dehors de la séance publique de nous permettre de reprendre le travail avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale afin que nous puissions élaborer un dispositif cohérent et consensuel.
Aujourd'hui, certains amendements n’ont plus de socle du fait de leur irrecevabilité au titre de l’article 40. Nous attendons donc, je le répète, que vous vous engagiez à nous donner l’occasion de retravailler sur cette question.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Je ne reviendrai pas sur les arguments que viennent d’exposer excellemment Mme Klès et M. Vial.
Un large consensus s’était dégagé. Malheureusement, un pilier de l’édifice construit a disparu lors du passage des amendements en commission des finances. En conséquence, les amendements nos 5 rectifié et 10 rectifié restent aujourd'hui « en l’air ». Je demande donc à leurs auteurs de bien vouloir les retirer, afin que je n’aie pas à émettre un avis défavorable.
J’espère cependant que ces deux amendements seront l’amorce d’un travail fructueux avec M. le ministre, afin que nous puissions trouver une issue sur ce qui constituait le cœur de la prise de position de la commission, à savoir la création d’un bouquet de missions. Un tel bouquet est en effet indispensable pour que le dispositif que tendent à introduire les amendements nos 5 rectifié et 10 rectifié aient un véritable fondement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. J’ai bien pris acte du consensus qui s’est dégagé concernant les centres de gestion de la fonction publique territoriale. Je vous confirme donc ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous indiquer hier soir : la porte reste ouverte.
J’ai également pris acte de la décision de la commission des finances du Sénat. Je vous propose donc de réunir, avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale, un groupe de travail, composé de sénateurs et de députés, qui sera chargé d’étudier les conditions dans lesquelles nous pourrions avancer, notamment sur la question des blocs de compétences. Ces blocs conditionnent en effet la suite du dispositif.
Pour vous montrer que je suis très engagé sur cette question et que je prends acte du consensus auquel vous êtes parvenus, mesdames, messieurs les sénateurs, je présenterai dans quelques instants un amendement portant sur la coordination interrégionale.
Comme je l’ai déjà dit s’agissant du classement de l’ENA, il n’est pas question de créer une commission chargée d’enterrer le problème. Il s’agit au contraire de trouver une solution stable et susceptible de faire l’objet d’un consensus. Il faudra bien que les deux assemblées votent un dispositif pour qu’il puisse y avoir une traduction législative. Ce texte est en effet attendu par les organisations syndicales et par l’ensemble des fonctionnaires.
Compte tenu de l’engagement que je viens de prendre, je vous demande, monsieur Vial, madame Klès, de bien vouloir retirer vos amendements.
M. le président. Monsieur Vial, l'amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Vial. Compte tenu de l’engagement que vient de prendre M. le ministre, qui va dans le sens des échanges que nous avons eus hier, je le retire.
J’espère que nous pourrons entamer les travaux très rapidement, afin d’aboutir à un texte avant l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié est retiré.
Madame Klès, l'amendement n° 10 rectifié est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Compte tenu de l’engagement qui a été pris aujourd'hui, du climat de confiance qui a régné sur ce sujet et du consensus qui se dégage sur les objectifs à atteindre, je retire également mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par MM. Vial, Portelli et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Delebarre, Mme Klès, MM. Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’article 60 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 13 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Un collège spécifique représente les collectivités et établissements non affiliés au conseil d’administration des centres pour l’exercice des missions visées aux IV de l’article 23, selon les modalités fixées au deuxième alinéa, sans toutefois que le nombre des représentants de l'une des catégories de collectivités et de l'ensemble des établissements puisse être supérieur à trois. Le nombre des membres du conseil en est d'autant augmenté. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
CHAPITRE IV BIS
Dispositions relatives aux centres de gestion de la fonction publique territoriale
La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour présenter l’amendement n° 4.
M. Jean-Pierre Vial. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
La parole est à Mme Virginie Klès, pour présenter l'amendement n° 9.
Mme Virginie Klès. Je le retire également, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 9 est retiré.
L'amendement n° 112, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I - Après l’article 60 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 14 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « auquel ils peuvent confier tout ou partie de leurs missions » ;
2° Au début du troisième alinéa, sont ajoutés les mots : « Sous réserve des dispositions des I et, III de l’article 23, » ;
3° Les quatrième à onzième alinéas sont remplacés par dix alinéas ainsi rédigés :
« Les centres de gestion s’organisent, au niveau régional ou interrégional, pour l’exercice de leurs missions. Ils élaborent une charte à cet effet, qui désigne parmi eux un centre chargé d’assurer leur coordination, détermine les modalités d’exercice des missions que les centres de gestion décident de gérer en commun, ainsi que les modalités de remboursement des dépenses correspondantes. À défaut, le centre coordonnateur est le centre chef-lieu de région. L'exercice d'une mission peut être confié par la charte à l'un des centres pour le compte de tous.
« Des conventions particulières peuvent être conclues entre les centres de gestion dans des domaines non obligatoirement couverts par la charte.
« Les centres de gestion visés aux articles 17 et 18 et le centre de gestion de Seine-et-Marne définissent les conditions d’organisation de leurs missions.
« À l’exception des régions d’outre-mer et sous réserve des dispositions du II de l’article 12-1, figurent, parmi les missions gérées en commun à un niveau au moins régional :
« - l’organisation des concours et examens professionnels relatifs aux cadres d’emplois de catégorie A ;
« - la publicité des créations et vacances d’emploi de catégorie A ;
« - la prise en charge, dans les conditions fixées par les articles 97 et 97 bis, des fonctionnaires de catégorie A momentanément privés d’emplois ;
« - le reclassement, selon les modalités prévues aux articles 81 à 86, des fonctionnaires de catégorie A devenus inaptes à l’exercice de leurs fonctions ;
« - le fonctionnement des conseils de discipline de recours prévus à l’article 90 bis.
« La charte est transmise au représentant de l’État dans la région, à l’initiative du centre de gestion coordonnateur. »
4° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article. »
II – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
CHAPITRE IV BIS
Dispositions relatives aux centres de gestion de la fonction publique territoriale
La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Cet amendement est en fait la reprise des deux amendements identiques déclarés irrecevables par la commission des finances au titre de l’article 40.
Le Gouvernement souhaite en effet que les centres de gestion puissent mutualiser davantage certaines de leurs attributions à un niveau territorial pertinent, sans modifier l’équilibre des compétences entre les centres et les collectivités adhérentes ou non adhérentes et sans augmenter les charges pesant sur les collectivités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
Je tiens à souligner, mais après les échanges que nous avons eus avec M. le ministre, je pense que cela est clair, que le bloc de dispositions concernant les centres de gestion n’est pas accessoire pour la commission des lois. Il est même très attendu.
Nous comptons donc fermement sur vous, monsieur le ministre, avec l’appui de M. Vial, de M. Portelli, de Mme Klès et de tous ceux qui participeront à ce travail, pour trouver un débouché dans les plus brefs délais.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Gourault. Je ne comprends pas très bien pourquoi la commission des finances a considéré que l’article 40 s’appliquait. En effet, le dispositif proposé visait à répartir différemment des financements existants, non à créer de nouvelles dépenses. C’était une mesure de justice pour les petites communes, lesquelles financent souvent toutes les actions des centres de gestion, y compris celles des grandes communes, voire parfois celles des départements pour l’organisation des concours ou autres.
Franchement, la position de la commission des finances me paraît excessive, et je modère mon propos !
M. Jean-Pierre Vial. C’est bien de le dire !
M. Roland Courteau. Oui !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je pense qu’il faut remercier le Gouvernement d’avoir repris une partie du dispositif concernant la coordination interrégionale.
Pour ma part, je ne fais jamais de commentaire sur l’irrecevabilité d’une disposition au titre de l’article 40, car une fois que la commission des finances a pris sa décision, c’est trop tard.
M. Roland Courteau. Il y a quelques abus !
M. Jean-Jacques Hyest. Je rappelle que la loi précédente a clarifié les responsabilités du Centre national de la fonction publique territoriale, dont la mission de gestion ne concerne plus que les fonctionnaires de catégorie A+.
Les centres de gestion sont chargés de la gestion des personnels, mais aussi des concours. Or il leur avait demandé de s’organiser entre eux, à l’amiable, à l’échelon régional ou interrégional, comme l’avait d’ailleurs déjà fait le CNFPT antérieurement. Le problème est qu’il existe des centres de gestion de tailles différentes, de très petits et de plus grands. Je pense notamment aux deux gros centres interdépartementaux de la petite et de la grande couronne. Au final, on s’est aperçu que cela ne fonctionnait pas.
Les centres de gestion eux-mêmes ont beaucoup réfléchi. Certains souhaitaient la création d’un grand centre national, mais cela aurait entraîné des cotisations et des dépenses administratives supplémentaires. En outre, nous avons craint qu’un tel centre ne veuille avoir son propre siège et être l’égal du CNFPT, ce qui était hors de question.
Depuis, les choses ayant changé et l’association des centres de gestion en étant venue à quelque chose de raisonnable, je pense qu’il faut prévoir une coordination pour l’organisation des concours, à l’échelon régional, interdépartemental, voire national. Cette organisation légère est nécessaire. L’amendement du Gouvernement tend d’ailleurs à prévoir l’instauration d’une partie d’un tel dispositif.
Comme l’a indiqué Mme Gourault, les centres de gestion organisent des concours non seulement pour les collectivités adhérentes, mais également bien souvent pour de nombreux départements, lesquels leur confient la gestion des concours d’attaché, de secrétaire administratif ou de rédacteur. Il faut donc renforcer le dispositif, ne serait-ce que pour harmoniser l’organisation des concours.
Nous connaissons tous ces questions. Dans le cas particulier de la sécurité civile, les concours successifs organisés pour les sapeurs-pompiers ont vu s’inscrire 1 500 candidats pour quelques postes, certains courant d’un bout à l’autre de la France afin de réussir l’examen d’aptitude.
Une telle organisation ne permet pas aux collectivités de recruter dans de bonnes conditions. Je pense que c’est du gaspillage d’argent. Comme on ne sait jamais quand les concours seront organisés – c’est totalement aléatoire aujourd’hui –, cela conduit à l’embauche de nouveaux contractuels !
Monsieur le ministre, il faut mettre en place le dispositif tel qu’il a été prévu par Hugues Portelli, Jean-Pierre Vial, Virginie Klès et tous ceux qui y ont travaillé, afin d’aboutir à un ensemble cohérent. Nous comptons sur vous pour qu’il soit introduit dans le texte que nous examinons aujourd'hui. N’attendons pas encore plusieurs mois alors que tout le monde s’accorde sur le dispositif proposé. Profitons de ce consensus !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Je partage le point de vue de Mme Gourault. La décision prise par la commission des finances, qu’il ne nous appartient pas de contester, bien sûr, illustre parfaitement les difficultés que nous pose souvent dans cet hémicycle le fait de devoir traiter dans les mêmes textes les petites et les grandes collectivités.
M. Roland Courteau. Absolument !
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Nous avons parfois l’impression que la diversité de l’organisation du territoire est méconnue.
Je tenais à souligner ce problème, source de préoccupation constante non seulement pour la commission des lois, mais également pour la plupart des groupes politiques de cet hémicycle.
Nous devons évidemment voter des lois applicables à l’ensemble du territoire, mais il faut parfois savoir trouver des solutions concrètes, pratiques, qui tiennent compte de la disparité de l’organisation de notre démocratie locale.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Je remercie Mme le rapporteur d’avoir noté mon engagement et M. Hyest d’avoir salué la reprise d’une partie du dispositif par le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, sachez que, dès la semaine prochaine, j’organiserai une réunion de travail sur ce sujet au ministère.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60 ter.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par MM. Vial, Portelli et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Delebarre, Mme Klès, MM. Richard, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l’article 60 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 14 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, il est inséré un article 14-1 ainsi rédigé :
« Art. 14-1. - Les coordinations régionales ou interrégionales des centres de gestion peuvent par convention s'organiser au niveau national pour exercer en commun leurs missions.
« La convention fixe les modalités de mise en œuvre de cette organisation et du remboursement des dépenses correspondantes. »
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle ainsi rédigée :
CHAPITRE IV BIS
Dispositions relatives aux centres de gestion de la fonction publique territoriale
Monsieur Vial, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Vial. À vrai dire, dans la mesure où nous allons retravailler le dispositif, il me paraîtrait plus judicieux de nous prononcer une fois que son architecture sera connue. Je m’en remets donc aux auteurs de l’amendement identique au nôtre.
M. le président. Que décidez-vous pour l’amendement n° 11, madame Klès ?
Mme Virginie Klès. Ces deux amendements identiques n’ont pas le même objet que l’amendement précédent : il s’agit ici de la coordination des centres de gestion à l’échelon national.
Je vous propose de les adopter, mes chers collègues. Ainsi, le travail aura été fait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. Compte tenu de l’importance que revêt la mise en place des plateformes mutualisées à l’échelle nationale pour l’exercice de missions des centres de gestion organisés à l’échelon régional ou interrégional, le Gouvernement, par souci de cohérence – j’ai en effet repris l’un de vos amendements, monsieur Vial –, émet un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 11.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60 ter.
Chapitre V
Dispositions diverses
Article 61
Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d’ordonnance à l’adoption de la partie législative du code général de la fonction publique.
Les dispositions codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l’ordonnance, sous réserve des modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes, l’harmonisation de l’état du droit et l’adaptation au droit de l’Union européenne ainsi qu’aux accords internationaux ratifiés, ou des modifications apportées en vue :
1° De remédier aux éventuelles erreurs ;
2° D’abroger les dispositions obsolètes, inadaptées ou devenues sans objet ;
3° D’adapter les renvois faits respectivement à l’arrêté, au décret ou au décret en Conseil d’État à la nature des mesures d’application nécessaires ;
4° D’étendre, dans le respect des règles de partage des compétences prévues par la loi organique, l’application des dispositions codifiées, selon le cas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, aux Terres australes et antarctiques françaises et aux îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et de procéder si nécessaire à l’adaptation des dispositions déjà applicables à ces collectivités.
L’ordonnance doit être prise dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi. Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance. – (Adopté.)
Article 62
(Non modifié)
I. – Après l’article 6 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public sont insérés deux articles 6-1 et 6-2 ainsi rédigés :
« Art. 6-1. – I. – Sous réserve des exceptions légalement prévues par des dispositions spéciales, la limite d’âge des agents contractuels employés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, les établissements mentionnés à l’article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi que par toutes autres personnes morales de droit public recrutant sous un régime de droit public est fixée à soixante-sept ans.
« II. – La limite d’âge mentionnée au I est, le cas échéant, reculée conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi du 18 août 1936 précitée, sans préjudice des règles applicables en matière de recrutement, de renouvellement et de fin de contrat.
« III. – Après application, le cas échéant, du II, les agents contractuels dont la durée d’assurance tous régimes est inférieure à celle définie à l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites peuvent sur leur demande, sous réserve de l’intérêt du service et de leur aptitude physique, et sans préjudice des règles applicables en matière de recrutement, de renouvellement et de fin de contrat, être maintenus en activité. Cette prolongation d’activité ne peut avoir pour effet de maintenir l’agent concerné en activité au-delà de la durée d’assurance définie au même article 5, ni au-delà d’une durée de dix trimestres.
« Art. 6-2. – La limite d’âge définie à l’article 6-1 n’est pas opposable aux personnes qui accomplissent, pour le compte et à la demande des employeurs publics mentionnés au même article, une mission ponctuelle en l’absence de tout lien de subordination juridique.
« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
II. – La limite d’âge mentionnée au I de l’article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 précitée évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 28 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.
III. – L’article L. 422-7 du code des communes et l’article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d’ordre financier sont abrogés. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 62
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 62
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article 7-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, les mots : « si ce renouvellement intervient dans les dix-huit mois suivant le jour où ils ont atteint la limite d’âge » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement assez technique tend à permettre à certains emplois fonctionnels, titulaires ou contractuels, de la fonction publique territoriale de demander leur maintien en activité au-delà de la limite d’âge légale.
Il apparaît normal de supprimer la formule de restriction figurant à la fin du premier alinéa de l’article auquel il s’applique : « si ce renouvellement intervient dans les dix-huit mois suivant le jour où ils ont atteint la limite d'âge ».
Il s’agit, en effet, avant tout, d’une possibilité de demande offerte aux agents concernés, ce qui signifie clairement que la collectivité employeur peut la refuser et donc y mettre fin à tout moment. Par voie de conséquence, il semble superfétatoire d’imposer une limite chronologique particulière par crainte de reports excessifs, ce report étant effectué pour l’intérêt du service.
Par ailleurs, j’indique que, pour les fonctionnaires de l’État en détachement, l’administration d’origine doit donner son autorisation.
Cet amendement technique me paraît être utile pour différentes collectivités. Étant par ailleurs élu régional d’Île-de-France, je puis témoigner en ce sens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la limite temporelle au maintien en activité au-delà de la limite d’âge de certains emplois fonctionnels jusqu’au prochain renouvellement de l’assemblée délibérante de la collectivité d’emploi : directeur général des services et directeur général adjoint des services des départements et des régions ; directeur général des services et directeur général des services techniques des communes de plus de 80 000 habitants et des EPCI à fiscalité propre de plus de 80 000 habitants.
Pour permettre aux exécutifs locaux de conserver plus longtemps leurs principaux collaborateurs de l’administration locale, cette dérogation a été introduite par la loi du 19 février 2007, sur l’initiative du Sénat, sous la condition que le renouvellement de l’assemblée délibérante intervienne dans les dix-huit mois de la limite d’âge. Depuis lors, je rappelle que cette limite d’âge a été portée de soixante-cinq à soixante-sept ans.
En 2007, la modification avait été motivée par la difficulté évidente, pour les exécutifs locaux, de pourvoir ces postes de responsabilité à l’approche du renouvellement des assemblées locales.
Supprimer la condition temporelle reviendrait à permettre le maintien en activité de l’intéressé pendant presque toute la durée du mandat, au cas où il atteindrait la limite d’âge dès le lendemain des élections. Tel n’était pas l’objectif poursuivi lorsque cette dérogation a été établie.
La commission a donc émis un avis défavorable, mais je souhaiterais entendre le Gouvernement sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. S’agissant d’un amendement présenté par Jean-Vincent Placé, j’ai naturellement étudié avec beaucoup d’attention ce dispositif.
Cet amendement vise à assouplir les conditions de prolongation d’activité de certains directeurs généraux des services ou de directeurs généraux adjoints des services des départements, des régions et de certains EPCI. Cette prolongation, comme vous l’avez rappelé, madame le rapporteur, est actuellement soumise à une limite : le renouvellement de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale, s’il intervient dans les dix-huit mois suivant le jour où les titulaires des emplois en question ont atteint la limite d’âge.
Monsieur Placé, vous proposez de supprimer cette seconde limitation, qui est superfétatoire, en faisant prévaloir l’intérêt du service et le lien de confiance qui a pu se développer entre une collectivité et des collaborateurs de premier plan. Même si ce dispositif n’existe pas pour la fonction publique de l’État, je dois dire que les arguments que vous avez développés m’ont convaincu.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. J’ai entendu avec plaisir le Gouvernement émettre un avis favorable sur cet amendement. Toutefois, je ne peux modifier l’avis de la commission. À titre personnel, je m’en remettrai donc à la sagesse du Sénat.
Reste que l’idée que ces fonctionnaires demeurent en place durant la quasi-totalité d’un nouveau mandat me paraît non optimale.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Peut-être pourrait-on aller dans le sens souhaité par M. Placé, en lui suggérant de porter la possibilité de prolongation de dix-huit à vingt-quatre mois, par exemple ? Je pense que des possibilités de recrutement devraient pouvoir se faire jour dans ce laps de temps.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62.
Article 63
(Non modifié)
L’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est complété par les mots : « , même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite » ;
2° Au sixième alinéa, après les mots : « de l’accident » sont insérés les mots : « ou de la maladie ». – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 63
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 6-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils fixent également le nombre maximal d’emplois de cette nature que chaque collectivité territoriale ou établissement public peut créer, en fonction de son importance démographique. »
La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Je défendrai en même temps les amendements nos 95, 92, 93, 96, 94, et 97.
Comme je l’ai indiqué au cours de la discussion générale, j’ai souhaité, dans le cadre de ce projet de loi, aborder une réforme tout aussi importante, qui concerne l’encadrement de la fonction publique territoriale, engagée en liaison étroite avec Philippe Richert.
Voilà deux ans, le conseil supérieur de la fonction publique territoriale avait formulé, sous la responsabilité de celui qui est devenu son président, Philippe Laurent, des propositions ambitieuses de revalorisation de l’encadrement supérieur dans un rapport intitulé Quels cadres dirigeants pour relever les défis de la République décentralisée ?
Les amendements reprennent donc les propositions formulées par le conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Il importait là aussi d’avancer dans un souci de parité entre les trois fonctions publiques.
Sur ce dossier, l’objectif du Gouvernement est double : assurer une transposition harmonieuse de la réforme d’encadrement supérieur telle qu’elle a été mise en œuvre dans la fonction publique de l’État, tout en garantissant la cohérence d’ensemble des carrières et des emplois dans la fonction publique territoriale.
C’est dans cet esprit que nous proposons de séparer les ingénieurs territoriaux en deux cadres d’emplois distincts. Cette mesure ouvrira aux ingénieurs de nouvelles perspectives de carrière. Elle mettra également cette filière en cohérence avec le reste de la fonction publique territoriale, pour mieux distinguer un encadrement de haut niveau technique et mieux répondre ainsi aux besoins des collectivités.
Nous proposons également de mettre en place un mécanisme de sélection des administrateurs territoriaux confié au CNFPT, qui permettra aux employeurs locaux de choisir librement leurs collaborateurs sur une liste d’aptitude.
Nous souhaitons en outre créer un statut d’emploi pour développer l’attractivité des parcours professionnels au sein des collectivités – ce sujet a été évoqué à diverses reprises au cours de notre débat – en donnant la possibilité de créer des postes de directeur des services, en particulier pour les directeurs territoriaux, ainsi que des emplois de directeur de projet ou d’expert de haut niveau.
Nous voulons par ailleurs créer au bénéfice des administrateurs territoriaux un grade à accès fonctionnel, un GRAF, sur le modèle de ce qui devait être fait dans la fonction publique de l’État pour les administrateurs civils, afin de valoriser les carrières dans les emplois supérieurs de la fonction publique territoriale.
Enfin, nous proposons des mesures pour renforcer l’attractivité des postes de directeur général adjoint dans les collectivités.
Cette série d’amendements est très attendue, comme j’ai pu le constater à Brest, où je me suis rendu récemment pour entendre les aspirations de nos collaborateurs de haut niveau au sein des collectivités territoriales. Je souhaite que nous puissions rendre la fonction publique territoriale et les carrières en son sein plus attractives. J’insiste aussi sur le fait que les rendre plus attractives facilitera les possibilités de mobilité des fonctionnaires territoriaux vers l’État et des fonctionnaires de l’État vers les collectivités territoriales. En effet, il est reproché au système actuel de faciliter les mobilités dans un sens plutôt que dans un autre.
J’espère que, sur ce sujet, le point de vue du Gouvernement et celui du Sénat convergeront.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 95 ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement vise à compléter le régime des statuts d’emplois introduits dans la fonction publique territoriale par la loi du 3 août 2009, pour permettre la prise en compte de situations spécifiques qui ne correspondent ni aux emplois fonctionnels ni aux cadres d’emplois. Rappelons qu’il s’agit d’emplois comportant des responsabilités d’encadrement, de direction de services, de conseil ou d’expertise, ou de conduite de projets.
Les conditions de nomination et d’avancement sont fixées par décret en Conseil d’État.
Ces emplois sont pourvus par la voie du détachement.
L’amendement vise à fixer par décret le nombre de ces emplois que peuvent créer les collectivités en fonction de leur effectif démographique. Cette limite est apparue opportune à la commission des lois, au regard de la spécificité et du coût de ces emplois. L’avis est donc favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
L'amendement n° 92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 12-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale est modifié comme suit :
1° Le premier alinéa du II est ainsi rédigé :
« Le Centre national de la fonction publique territoriale est chargé des missions suivantes pour les cadres d’emplois de catégorie A auxquels renvoient les dispositions de l'article 45 : » ;
2° Le 1° du II est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° L'organisation des concours et des examens professionnels prévus au 1° de l'article 39 et au 2° de l'article 79.
« Pour les concours et examens professionnels de promotion interne, le président du Centre national de la fonction publique territoriale fixe le nombre de postes ouverts en tenant compte des besoins prévisionnels recensés par les collectivités territoriales et leurs établissements, ainsi que du nombre de candidats qui, inscrits sur les listes d’aptitude établies à l’issue des épreuves précédentes, n’ont pas été nommés. Il contrôle la nature des épreuves et établit, au plan national, la liste des candidats admis. Il établit les listes d’aptitude et en assure la publicité ; ».
II. - Les dispositions du 1° du I du présent article prennent effet à la date d’entrée en vigueur du décret portant statut particulier du cadre d’emplois des ingénieurs en chef territoriaux.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement s’inscrit dans la réforme de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale. Il vise à tirer les conséquences de la réforme des ingénieurs territoriaux, en disposant que les ingénieurs en chef doivent être réunis au sein d’un nouveau cadre d’emplois. Il tend également à préciser la compétence du président du Centre national de la fonction publique territoriale en matière de concours et d’examens professionnels pour la promotion interne.
Rappelons que le CNFPT est aujourd’hui compétent pour les fonctionnaires de catégorie A+. Son président fixerait le nombre de postes ouverts à la promotion interne en tenant compte des besoins prévisionnels recensés par les collectivités et du nombre de candidats sur les listes d’aptitude. Il établirait les listes d’aptitude et en assurerait la publicité.
Cet amendement se présente à la fois comme une conséquence de la création du cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux et conforte la gestion des emplois de catégorie A+ à l’échelle nationale.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
L'amendement n° 93, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le cinquième alinéa de l’article 39 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi rédigé :
« Sans préjudice des dispositions du 1° du II de l’article 12-1 et de la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 28, les listes d'aptitude sont établies par l'autorité territoriale pour les collectivités non affiliées à un centre de gestion et par le président du centre de gestion pour les fonctionnaires des cadres d'emplois, emplois ou corps relevant de sa compétence, sur proposition de l'autorité territoriale. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement de coordination avec l’amendement n° 92 vise à prévoir l’établissement des listes d’aptitude des concours et examens professionnels pour la promotion interne par le président du CNFPT.
La commission a émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
L'amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un article 53-1 ainsi rédigé :
« Art. 53-1. – Un décret en Conseil d'État détermine le nombre maximal d’emplois de directeur général adjoint des services mentionnés aux articles 47 et 53 que chaque collectivité territoriale ou établissement public peut créer, en fonction de son importance démographique. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement se présente comme une conséquence de l’extension du bénéfice de la prime de responsabilité – aujourd’hui réservée au seul directeur général des services – aux emplois de directeur général adjoint.
L’amendement renvoie à un décret en Conseil d’État la fixation du nombre maximal d’emplois de directeur général adjoint des services par collectivité en fonction de son importance démographique. Il s’agit d’établir une proportion raisonnable entre la taille de la collectivité et ces emplois d’un type particulier.
Conformément à la logique que nous avons déjà exprimée, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
L'amendement n° 94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article 67, les mots : « des cadres d’emplois de la catégorie A mentionnés à l’article 45 et les ingénieurs territoriaux en chef » sont remplacés par les mots : « de l’un des cadres d’emplois de catégorie A visés à l’article 45 » ;
2° Au deuxième alinéa du I de l’article 97 :
a) À la troisième phrase, les mots : « Si le fonctionnaire concerné relève d’un cadre d’emplois mentionné à l’article 45 ou du grade d’ingénieur en chef du cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux » sont remplacés par les mots : « Si le fonctionnaire concerné relève de l’un des cadres d’emplois de catégorie A auxquels renvoient les dispositions de l’article 45 » ;
b) À la huitième phrase, les mots : « s’il relève d’un cadre d’emplois mentionné à l’article 45 ou du grade d’ingénieur en chef du cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux » sont remplacés par les mots : « s’il relève de l’un des cadres d’emplois de catégorie A auxquels renvoient les dispositions de l’article 45 ».
II. – Les dispositions du présent article prennent effet à la date d’entrée en vigueur du décret portant statut particulier du cadre d’emplois des ingénieurs en chef territoriaux.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement vise à tirer les conséquences de la création de la scission du cadre d’emplois des ingénieurs territoriaux en deux cadres distincts : les ingénieurs territoriaux et les ingénieurs en chef territoriaux.
Cet amendement s’inscrit dans la valorisation de l’encadrement supérieur de la fonction publique territoriale à l’égal de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière.
L’un des mérites de ce projet de loi est de s’efforcer de créer une véritable harmonisation entre les trois versants de la fonction publique.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
L'amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 63
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 78 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, il est inséré un article 78-1 ainsi rédigé :
« Art. 78-1. - Lorsque le statut particulier le prévoit, l'échelon sommital d'un ou de plusieurs grades du cadre d'emplois peut être un échelon spécial.
« Cet échelon peut être contingenté en application du deuxième alinéa de l'article 49 de la présente loi ou en référence à un effectif maximal déterminé, en fonction de la strate démographique d'appartenance de la collectivité concernée, par le statut particulier.
« Dans le cas prévu à l’alinéa précédent, par dérogation à l'article 78, l'accès à l’échelon spécial s’effectue selon les modalités prévues par les statuts particuliers, par voie d'inscription à un tableau annuel d'avancement établi après avis de la commission administrative paritaire, par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l'expérience professionnelle des agents. »
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement a pour objet de transposer à la fonction publique territoriale la création d’échelons spéciaux déjà prévus pour les corps de la fonction publique de l’État, dont celui des administrateurs civils. L’échelon sommital d’un ou plusieurs grades d’un cadre d’emplois pourrait être un échelon spécial.
Il est proposé de créer un régime spécifique pour y parvenir, alors que le droit commun de la loi du 26 janvier 1984 prévoit que l’avancement de grade a lieu de manière continue d’un grade au grade immédiatement supérieur ; il ne peut y être dérogé que dans les cas où l’avancement est subordonné à une sélection professionnelle.
En outre, l’avancement d’échelon a lieu de manière continue, et il est accordé de plein droit à l’ancienneté maximale.
L’amendement vise donc à instituer des règles nouvelles pour l’accès aux échelons spéciaux. Prévus par le statut particulier, ceux-ci pourraient être contingentés soit par application d’un taux de promotion à l’effectif des fonctionnaires proposables, soit en référence à un effectif maximal déterminé en fonction de la strate démographique de la collectivité. L’accès s’effectuerait par l’inscription au tableau d’avancement par appréciation de la valeur professionnelle et des acquis de l’expérience professionnelle des agents.
Destinée principalement aux administrateurs territoriaux, une telle mesure est de nature à conforter l’attrait des carrières de la fonction publique territoriale et à permettre aux collectivités d’attirer les talents qu’elles recherchent.
Il y a, me semble-t-il, un problème de recrutement à partir d’un certain niveau de compétence. Or je pense qu’il est de notre intérêt à tous de conforter la fonction publique territoriale. La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 63.
Article 64 (nouveau)
L’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Par dérogation au premier et au quatrième alinéas de l’article 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, les fonctionnaires bénéficiant d’un congé spécial avant le 1er janvier 2012 peuvent continuer à bénéficier de ce congé, le cas échéant, au-delà de la durée maximale de cinq ans mentionnée au premier alinéa, jusqu’à ce que les intéressés atteignent l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite.
« Dans les cas où le congé spécial est arrivé à expiration entre le 1er juillet 2011 et la date d’entrée en vigueur de la présente loi, il est prorogé jusqu’à la date à laquelle le fonctionnaire a atteint l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite. »
M. le président. L'amendement n° 108, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel. Il ne semble pas souhaitable qu’une disposition à caractère transitoire figure dans la loi statutaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 64, modifié.
(L'article 64 est adopté.)
Article 65 (nouveau)
À la deuxième phrase du seizième alinéa de l’article 89 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée, les mots : « trois mois » sont remplacés par les mots : « un mois ». – (Adopté.)
Article 66 (nouveau)
I. – Au 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, après les mots : « au moins 80 % » sont insérés les mots : « ou qu’ils avaient la qualité de travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du code du travail ».
II. – Les dispositions du I sont applicables aux fonctionnaires relevant de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ainsi qu’aux ouvriers régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État – (Adopté.)
Articles additionnels après l’article 66
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par M. J.P. Michel et Mme Klès, est ainsi libellé :
Après l'article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les reclassements intervenus, sans perte de rémunération pour les salariés, en application de l’article 7 de l’avenant n° 2002-02 du 25 mars 2002 portant rénovation de la Convention collective nationale des établissements privés d’hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951, sur la base de la position occupée sur l’échelle ou la grille indiciaire au 30 juin 2003.
La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Cet amendement assez technique vise à prendre en compte un accord signé par les partenaires sociaux et la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés, en 2002, portant rénovation de la convention collective nationale de 1951.
Cet accord prévoyait le reclassement des salariés avec des garanties quant au maintien de leur salaire et à la prise en compte de leur ancienneté. Pour autant, à la suite de la demande de certains salariés d’obtenir des reclassements supérieurs, la Cour de cassation a remis en cause un certain nombre de choses.
L’amendement tend donc à clarifier la situation et à éviter des reclassements avec des demandes supérieures à ce qui était prévu dans l’avenant portant rénovation de la convention collective nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Le Sénat a déjà été examiné à deux reprises un tel dispositif, qui me laisse, je l’avoue, un peu perplexe. En effet, nous nous sommes efforcés d’être rigoureux dans l’interprétation du champ d’application du présent projet de loi.
Sans me prononcer sur le fond, j’estime donc que cet amendement, qui vise à valider le reclassement de salariés de droit privé en application d’un avenant à une convention collective, va au-delà de l’objet du projet de loi.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, son avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission : le dispositif proposé est un cavalier législatif et n’a rien à faire dans un texte sur la fonction publique.
Au demeurant, le Gouvernement est opposé à l’adoption à cette mesure pour des raisons de sécurité juridique. L’avis est donc défavorable.
M. le président. Madame Virginie Klès, l'amendement n° 32 rectifié est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès. Non, je le retire, monsieur le président. Nous essaierons de faire en sorte qu’une telle mesure fasse l’objet d’un texte de loi comportant un article unique.
M. le président. L'amendement n° 32 rectifié est retiré.
L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Le Menn et Daudigny, est ainsi libellé :
Après l’article 66
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 23 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels recrutés en qualité de fonctionnaires par un syndicat interhospitalier conservent ce statut nonobstant cette transformation. »
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. L’article 23 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires prévoit que les syndicats interhospitaliers seront « transformés, sans dissolution ni création d’une personne morale nouvelle, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, soit en communauté hospitalière de territoire, soit en groupement de coopération sanitaire, soit en groupement d’intérêt public » avant le 21 juillet 2012.
Le décret fixant les conditions d’application de cette disposition n’a toujours pas été publié. En l’état actuel du droit, les personnels fonctionnaires ne peuvent pas être recrutés dans les nouvelles structures, les communautés hospitalières de territoire, ou CHT, les groupements de coopération sanitaire, ou GCS, et les groupements d’intérêt public, ou GIP, en gardant leur statut.
Lors de l’examen de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, déposée par M. Jean-Pierre Fourcade, mon groupe et moi-même avions déposé un amendement similaire à celui qui est présenté aujourd’hui afin de permettre aux personnels concernés de poursuivre leur carrière de fonctionnaires jusqu’au bout dans ces nouvelles structures.
À l’époque, Mme Muguette Dini, la présidente de la commission des affaires sociales, et M. Alain Milon, le rapporteur de la proposition de loi, avaient émis un avis favorable. Le ministre de la santé, M. Xavier Bertrand, nous avait répondu qu’il s’agissait d’un « véritable sujet » et promis de présenter au plus vite des solutions à la représentation nationale.
Le ministre s’étant engagé, nous lui avions accordé notre confiance et nous avions retiré notre amendement. Or rien n’a été fait depuis lors.
Cet amendement vise donc à nouveau à inscrire dans la loi le maintien du statut des personnels ayant été recrutés en qualité de fonctionnaires par un syndicat interhospitalier par la suite transformé en CHT, en CGS ou en GIP. Le présent véhicule législatif permettra ainsi de sécuriser juridiquement la situation administrative de ces personnels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. L’adoption de cet amendement permettrait aux fonctionnaires déjà employés au sein des syndicats interhospitaliers de conserver leur statut lors de la transformation du syndicat en groupement d’intérêt public ou en groupement de coopération sanitaire, comme cela est prévu par la loi HPST.
Cette mesure destinée à garantir la bonne organisation de ces structures répond à l’évidence à un principe d’équité à l’égard des fonctionnaires ayant déjà rempli leurs fonctions au sein des structures concernées. En effet, il est indispensable de maintenir en leur sein les compétences nécessaires à un bon fonctionnement. De ce point de vue, le changement de forme juridique ne doit pas provoquer des ruptures ou des régressions.
La commission a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Sauvadet, ministre. M. le Menn soulève un vari problème, que nous sommes en train de régler par voie de circulaire. Je ne pense donc pas qu’il faille une mesure législative. En effet, le ministre de la santé a pris les dispositions en cas de transformation des établissements en GIP.
Je vous propose donc de retirer votre amendement, monsieur le sénateur.
M. Jacky Le Menn. Certainement pas ! On l’a déjà fait une fois !
M. François Sauvadet, ministre. Je le répète, une mesure législative ne s’impose pas, puisque le problème est sur le point d’être réglé par une circulaire. D’ailleurs, je peux vous la faire parvenir si vous le souhaitez.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 66.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais saluer l’état d’esprit qui a présidé à ces travaux pendant deux jours et vous en remercier.
La transcription dans la loi d’un accord syndical qui, vous le savez, a été signé par six des huit organisations syndicales est un moment important non seulement pour l’ensemble des fonctionnaires, mais aussi, et Mme le rapporteur l’a rappelé, pour la démocratie sociale.
Je me réjouis que ce projet de loi permette de régler le premier problème, celui de la précarité, grâce à la CDIsation, qui pourra concerner 100 000 fonctionnaires, à la valorisation des acquis de l’expérience et à une possibilité de titularisation qui concernera 50 000 agents.
Le projet de loi comporte également des mesures facilitant la mobilité, c'est-à-dire les évolutions de carrière et la prise en compte dans cette évolution de l’aspiration des agents eux-mêmes. Il porte aussi sur la question des moyens syndicaux, qu’aucun gouvernement n’avait abordée depuis une trentaine d’années. Ces moyens seront sécurisés et la transparence sera assurée. Nous procédons également à une réforme de l’encadrement supérieur, notamment pour la fonction publique territoriale. Je tenais donc vraiment à saluer cette belle unanimité.
Pour ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ainsi que l’égal accès de tous aux emplois de la fonction publique, une première étape a été franchie au Sénat. À ce titre, je remercie particulièrement Mme le rapporteur de l’aide qu’elle nous a apportée.
J’indique que la loi fera obligation de remettre annuellement un rapport et d’organiser chaque année un débat public sur cette question. J’espère que la disposition sera validée par le Sénat. Ainsi, les évolutions pourront être mesurées avec précision. Il en va de même pour le handicap.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le futur conseil commun de la fonction publique a recueilli aujourd’hui même l’avis favorable du Conseil d’État. Là aussi, je me réjouis de la coopération avec le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et le conseil supérieur de la fonction publique de l’État. Le futur conseil commun sera installé, comme j’en avais pris l’engagement auprès des organisations syndicales et, à travers elles, des fonctionnaires, le 31 janvier prochain.
Cette avancée offre des perspectives professionnelles aux fonctionnaires en tenant compte de leurs goûts et leur ouvre l’accès aux trois fonctions publiques afin d’améliorer les évolutions de carrière. Ces personnels pourront, ainsi, assumer pleinement une mission qui n’est pas comme les autres, car s’engager dans la fonction publique, c’est être au service de l’intérêt général et défendre certaines valeurs.
Le Sénat, c’est tout à son honneur, a adressé aujourd’hui un signal fort de convergence, qui prend en compte les mutations profondes et les efforts qui sont demandés à chaque agent.
Je vous remercie très sincèrement de la qualité des débats et du fort engagement manifesté par l’ensemble des groupes. (Applaudissements sur diverses travées.)
9
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 26 janvier 2012, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-231 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)
M. le président. La séance est reprise.
10
Réforme des ports d'outre-mer
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports (projet n° 205, texte de la commission n° 268, rapport n° 267).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est une traduction concrète de la politique maritime voulue par le Gouvernement.
Le comité interministériel de la mer du 10 juin dernier a décidé de réformer en profondeur la gouvernance des ports d’outre-mer, dans le prolongement de la réforme portuaire métropolitaine de 2008.
Quatre ports sont concernés par cette réforme : les ports de Fort-de-France en Martinique, de Dégrad-des-Cannes en Guyane, de Port Réunion à La Réunion relevant de l’État et le port autonome de la Guadeloupe.
En raison de la disparité des statuts des ports maritimes des départements d’outre-mer, le Gouvernement avait décidé, dès 2008, que la réforme serait engagée, dans un premier temps, dans les seuls ports métropolitains. Cette réforme métropolitaine étant aujourd’hui achevée, il s’agit d’étendre, dans les meilleurs délais, la modernisation des ports aux départements d’outre-mer.
À ce jour, les installations des trois ports d’outre-mer relevant de l’État sont confiées en gestion aux chambres de commerce et d’industrie.
Cette dualité entre l’État et son concessionnaire est cause de dysfonctionnements et de dilution des responsabilités. Par ailleurs, elle n’est pas adaptée aux exigences croissantes de réactivité du commerce maritime international.
Enfin, la représentation des collectivités territoriales au sein des instances de gouvernance paraît insuffisante, en dépit de leur rôle croissant dans le développement économique local.
Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui vise donc essentiellement à permettre aux ports d’outre-mer de mieux s’intégrer dans leur environnement régional et de valoriser pleinement leur potentiel de développement.
Pour ce faire, la réforme doit contribuer, dans chacun des départements d’outre-mer, au développement de l’économie locale, notamment par une meilleure maîtrise des tarifs portuaires. Les ports sont en effet au cœur de la chaîne logistique d’approvisionnement de ces territoires et sont, à ce titre, un élément essentiel de la compétitivité de ces derniers. Ils jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant dans la lutte contre l’inflation, qui, nous le savons tous ici, est un enjeu décisif pour le maintien de la paix sociale.
Le projet de loi a également pour objet de renforcer la place des collectivités territoriales afin que le développement des ports d’outre-mer accompagne et favorise l’évolution des territoires sur lesquels ils sont implantés. La représentation des chambres de commerce et d’industrie, jusqu’à présent très importante en raison, notamment, de leur position particulière de concessionnaire, a également été prise en compte.
Le projet de loi qui vous est soumis comprend trois grands axes.
Le premier est de prévoir de transformer les trois ports d’intérêt national, ainsi que le port autonome de la Guadeloupe, en grands ports maritimes, établissements publics nationaux. Ce statut leur permettra, d’une part, de diversifier leurs ressources, notamment par la mobilisation d’emprunts, et, d’autre part, de se recentrer sur des missions d’aménageurs et de pôle commercial. Ils seront mieux à même de répondre aux exigences de performance et de compétitivité qu’imposent l’évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers.
Les futurs grands ports maritimes regrouperont les personnels des services portuaires des directions de l’environnement, de l’aménagement et du logement, soit environ 80 agents, avec les personnels actuels des concessions portuaires, soit environ 340 personnes. Ce rapprochement permettra d’instaurer une véritable communauté de travail et de regrouper les compétences techniques et les moyens sous une seule entité. Le projet de loi vise à garantir, en ce sens, l’unicité de fonctionnement et de gestion des ports. J’y vois un gage d’efficacité et de fiabilité.
Le deuxième apport du projet de loi concerne la gouvernance.
Comme dans le régime des grands ports maritimes métropolitains, ces nouveaux établissements publics portuaires seront dotés d’une gouvernance modernisée, mais celle-ci sera adaptée aux spécificités ultramarines. Le projet de loi prévoit, ainsi, la création de plusieurs structures : un conseil de surveillance de dix-sept membres permettant d’assurer la représentation de l’État et des collectivités, du personnel, des personnalités qualifiées et des chambres de commerce et d’industrie ; un directoire collégial composé de trois membres ; un conseil de développement, consultatif, composé de vingt membres. Ce dernier permettra, notamment, d’assurer la représentation des milieux professionnels, sociaux et associatifs intéressés par la vie portuaire.
Pour répondre aux attentes des acteurs locaux, nous avons prévu une représentation renforcée des collectivités territoriales ainsi qu’une représentation accrue des chambres de commerce et d’industrie, très impliquées dans les ports d’outre-mer.
J’ai bien noté, par ailleurs, votre souci d’associer au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement. Sachez que je serai attentif à cette demande dans le cadre de la désignation des membres du conseil. Je sais combien il est important de maîtriser les prix afin que les ports d’outre-mer continuent à être des poumons économiques stratégiques pour ces territoires.
En outre, le projet de loi prévoit désormais, et je m’en félicite, l’institution d’un conseil de coordination interportuaire pour la zone Caraïbe. Ce nouveau conseil permettra à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Guyane d’adopter une stratégie partagée pour faire face aux enjeux actuels, qu’il s’agisse de l’élargissement du canal de Panama ou du développement de l’activité de croisière.
Pour autant, je souhaite revenir, mesdames, messieurs les sénateurs, sur une disposition adoptée par l’Assemblée nationale, qui vise à prévoir la consultation des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées au sein du conseil de surveillance. Le Gouvernement a déposé un amendement rédactionnel sur ce point afin de faciliter le dispositif de consultation.
Le troisième élément du projet de loi concerne les activités de manutention.
L’ensemble des activités de manutention demeureront de la compétence des nouveaux établissements publics portuaires créés en outre-mer. Le projet de loi prévoit, cependant, la faculté pour chacun d’entre eux d’envisager à terme, s’ils le souhaitent, une cession des outillages selon les possibilités d’ouverture à la concurrence locale.
Comme vous le savez, ce projet de loi est le fruit d’une concertation préalable approfondie que Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer, et moi-même avons menée avec chaque catégorie d’acteurs de la place portuaire ultramarine concernée. Je pense, notamment, aux collectivités territoriales, aux chambres de commerce et d’industrie, aux professionnels portuaires, ainsi qu’aux représentants des personnels.
Ce texte représente, en ce sens, un compromis équilibré entre la nécessaire modernisation des ports ultramarins et la prise en compte des situations locales, compromis très attendu par l’ensemble des acteurs locaux, qu’il s’agisse des professionnels ou des organisations syndicales. Le Gouvernement est par conséquent très attaché au respect des équilibres trouvés, qui visent à apporter les meilleures garanties possibles à la mise en œuvre de ces nouveaux établissements publics portuaires.
Au-delà de ces dispositions, je tiens à rappeler que l’État continuera à soutenir une politique d’investissement durable et significative en outre-mer afin de permettre à ses ports de moderniser leurs infrastructures et de s’adapter à l’évolution du commerce maritime. Comme il le fait pour les grands ports métropolitains, l’État poursuivra également sa participation aux opérations de dragage dans les ports ultramarins concernés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, alors que s’achève en France « l’année des outre-mer », le texte sur lequel vous allez vous prononcer constitue une étape cruciale dans le développement de la compétitivité de nos territoires ultramarins.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Jusque-là, tout va bien !
M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le président de la commission, j’ai presque achevé mon propos : je ne devrais donc pas vous décevoir !
Cette réforme constitue l’assise d’une ambition renouvelée pour notre économie maritime ultramarine, une ambition partagée par nombre d’entre vous, au-delà des clivages politiques. La France ne serait pas une grande puissance maritime sans ses outre-mer, et nous devons, plus que jamais, nous donner les moyens d’une politique forte pour le développement de ces territoires. Pour cela, nous avons besoin de nouvelles structures organisées de manière optimale.
Par ailleurs, le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnances, les mesures nécessaires à la mise en œuvre de six textes européens dans le domaine des transports.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. In cauda venenum !
M. Thierry Mariani, ministre. Rassurez-vous, les ordonnances pour lesquelles l’habilitation est sollicitée ne contiennent pas de venin ! Elles contribueront, pour plusieurs modes de transport, à améliorer la sécurité et à faciliter les formalités administratives ou l’exercice des activités des opérateurs économiques.
Pour répondre à cet objectif, le projet de loi vise notamment à parfaire la transposition du règlement de 2009 dit « paquet routier » concernant les conditions d’accès à la profession de transporteur.
Les ordonnances visent, par ailleurs, à étendre, conformément à la position défendue par mon prédécesseur, les dispositions relatives au temps de travail au profit des conducteurs routiers indépendants.
Elles ont également pour objectif de permettre l’adoption du cadre technique nécessaire, tout d’abord, à la sécurité aérienne et à la conduite des enquêtes de sécurité à la suite d’accidents aériens ; ensuite, au déploiement de systèmes dits de transport intelligents destinés à permettre aux différents utilisateurs d’être mieux informés et de faire un usage plus sûr, plus coordonné et plus « intelligent » des réseaux de transport ; et, enfin, à la mise en place, pour les navires, de procédures dématérialisées de déclaration d’entrée et de sortie des ports.
Je connais les réticences du Parlement à accepter les demandes d’habilitation du Gouvernement à prendre certaines dispositions urgentes par voie d’ordonnance. L’Assemblée nationale a d’ailleurs réduit le délai accordé au Gouvernement, lequel a accepté cet effort qui lui était demandé.
Votre commission a décidé de supprimer les ordonnances du texte que nous examinons. Mais, dans le cas présent, il s’agit véritablement pour la France de respecter ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens. Seules les ordonnances portant sur des dispositions pour lesquelles la France risque d’être condamnée pour défaut de transposition ont été introduites dans le projet de loi initial. Le Gouvernement souhaite leur réintroduction par voie d’amendements. Chacun le sait, si nous ne mettons pas rapidement en œuvre les dispositions communautaires concernées, la France encourra des sanctions financières que nous pouvons encore éviter.
Aussi, à l’instar du débat constructif qui s’est tenu à l’Assemblée nationale au-delà des clivages politiques, je forme le vœu que la Haute Assemblée prenne conscience, dans sa légendaire grande sagesse, de ces enjeux déterminants pour la crédibilité de la France en Europe et pour l’avenir de nos finances publiques, quels que soient ceux qui en seront responsables à l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. le président de la commission de l’économie applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Odette Herviaux, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quatre ans après la réforme des ports maritimes hexagonaux, nous examinons aujourd’hui le projet de réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État.
La commission de l’économie se réjouit à deux titres du dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.
D’une part, la commission se félicite que le Gouvernement ait déposé un texte portant spécifiquement sur les outre-mer. Trop souvent en effet – nos collègues ultramarins l’ont dénoncé à de nombreuses reprises –, la détermination des règles législatives applicables aux outre-mer est renvoyée à des ordonnances, comme ce fut le cas dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
D’autre part, la commission de l’économie salue l’utilisation par le Gouvernement, une fois n’est pas coutume, du premier alinéa de l’article 73 de la Constitution, qui autorise l’adaptation de la législation nationale aux réalités des départements d’outre-mer. Trop souvent également, les dispositions législatives nationales votées par le Parlement sont inadaptées aux réalités des outre-mer, comme l’avait notamment souligné en 2009 la mission d’information sénatoriale sur la situation des départements d’outre-mer, présidée par Serge Larcher et dont le rapporteur était Éric Doligé.
Sur le fond, la commission de l’économie estime que la réforme des ports d’outre-mer telle qu’elle est prévue par l’article 1er du projet de loi constitue une réforme importante pour les outre-mer, attendue avec impatience par les acteurs locaux. Elle est relativement consensuelle, comme vous l’avez souligné dans votre propos, monsieur le ministre.
Ce texte est essentiel pour nos départements d’outre-mer, car le port constitue bien souvent, plus qu’une infrastructure, un « poumon économique » incontournable. Le rôle du port est bien plus important en outre-mer que dans l’Hexagone, où il a pourtant déjà une place importante.
Le port constitue en effet le point quasiment unique d’approvisionnement : dans les quatre départements concernés par le présent projet de loi, à savoir la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, plus de 95 % du fret transite par le port. De ce fait, il est vital pour le bon fonctionnement de l’économie des départements concernés que le port fonctionne en continu. Sa paralysie entraîne celle de l’ensemble de l’économie.
Je souhaite souligner ensuite que la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État est aujourd’hui indispensable.
Le fonctionnement de ces ports, et notamment celui des trois ports d’intérêt national concédés aux chambres de commerce et d’industrie, est plus que perfectible, comme l’a souligné un rapport de 2009 cosigné par l’Inspection générale des finances, l’Inspection générale de l’administration et le conseil général de l’environnement et du développement durable.
Les conclusions de ce rapport étaient particulièrement sévères. Elles dénonçaient le caractère illisible de l’organisation de ces ports, avec une direction bicéphale État-chambre de commerce. Elles pointaient un mauvais fonctionnement de la formule de la concession, les concessionnaires ayant rarement été à la hauteur. Ainsi, la trésorerie des ports a parfois servi à financer la concession aéroportuaire. Elles soulignaient également que l’État s’était désintéressé de la gestion de ces ports, en n’assurant aucun contrôle de l’activité des concessionnaires. Par exemple, bien que la trésorerie des trois ports concédés ait été excédentaire, l’État n’a jamais imposé une baisse des tarifs portuaires ! Monsieur le ministre, cette situation est incompréhensible quand on connaît la sensibilité de la question des prix dans nos outre-mer.
Dans ces conditions, le présent projet de loi prévoit l’application aux départements d’outre-mer de la réforme portuaire de 2008, sous réserve de quelques adaptations.
Ces départements sont en effet restés à l’écart de la réforme portuaire de 2008, comme ils l’avaient été d’ailleurs de celle de 2004.
L’article 1er du projet de loi définit les modalités d’application des dispositions de 2008 aux futurs grands ports maritimes ultramarins que le Gouvernement compte créer entre juillet 2012 et janvier 2013 – j’espère que vous nous confirmerez cette volonté, monsieur le ministre.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que le texte de 2008 prévoyait notamment la réforme de la gouvernance des ports avec la mise en place d’un conseil de surveillance, d’un directoire et d’un conseil de développement, ainsi que l’élaboration d’un projet stratégique par chacun des ports.
La première adaptation prévue par l’article 1er porte justement sur la composition du conseil de surveillance : elle vise à accorder davantage de place aux acteurs locaux, notamment aux chambres de commerce et d’industrie. Par ailleurs, cette composition est adaptée à la situation locale : un siège de plus est ainsi accordé aux collectivités territoriales en Guyane et en Guadeloupe, c’est-à-dire aux territoires dont les ports sont situés sur plusieurs communes.
La seconde adaptation porte sur les outillages, dont la cession constituait une disposition phare de la réforme de 2008 : par dérogation aux règles applicables aux ports hexagonaux, les grands ports maritimes pourront, s’ils le souhaitent, acquérir et exploiter les outillages, éventuellement pour s’agrandir, comme vous l’avez évoqué, monsieur le ministre.
La commission de l’économie estime que la réforme prévue par le projet de loi constitue une avancée importante.
Toutes les personnalités que j’ai auditionnées au cours de mes travaux ont affirmé leur soutien à la réforme, nombre d’entre elles estimant même qu’il fallait qu’elle entre en vigueur le plus tôt possible.
Les adaptations apportées à la réforme de 2008 sont bienvenues.
La modification de la composition du conseil de surveillance me paraît indispensable pour tenir compte des spécificités ultramarines : la surreprésentation des chambres de commerce et d’industrie est justifiée par leur rôle essentiel en matière de développement économique outre-mer et par le fait que trois d’entre elles ont géré pendant plusieurs décennies ces ports.
En ce qui concerne les outillages, le dispositif prévu est également adapté à la réalité ultramarine : il s’agit non pas d’interdire le transfert des outillages, mais de permettre à chaque port ultramarin de décider s’il les conserve. Cette question ne concerne en fait que les départements antillais. Il n’existe en effet pas d’outillage en Guyane, tandis que Port Réunion a été en avance par rapport à l’Hexagone : avant même la réforme de 2008, les outillages y étaient opérés par les manutentionnaires. Dans les Antilles, il me paraît préférable, à court terme, de ne pas prévoir le transfert des outillages, notamment parce que la prédominance au sein des manutentionnaires du principal armement pourrait conduire à une situation monopolistique.
La commission de l’économie soutient également les deux dispositions introduites dans le texte par les députés.
D’une part, la désignation des personnalités qualifiées amenées à siéger au sein du conseil de surveillance sera soumise à l’avis des collectivités territoriales. Cette disposition permettra d’associer davantage les acteurs locaux à la gouvernance des ports.
D’autre part, un conseil de coordination interportuaire est institué entre les trois ports guadeloupéen, guyanais et martiniquais. L’institution d’une telle instance de concertation est indispensable à l’heure où les deux ports antillais portent des projets qui pourraient être concurrents.
La commission de l’économie a complété la semaine dernière le projet de loi par deux dispositions qui ne remettent en rien en cause l’équilibre du texte adopté par les députés. Ces deux dispositions portent sur la question des prix, problématique particulièrement sensible dans les outre-mer et intimement liée à l’organisation portuaire.
Sur l’initiative de notre collègue Serge Larcher, la commission a prévu que le conseil de développement des futurs grands ports maritimes ultramarins comprendra au moins un représentant des consommateurs. Dans les grands ports maritimes hexagonaux, seules les associations de protection de l’environnement représentent les milieux associatifs au sein de cette instance.
Pour ma part, j’ai proposé d’introduire dans le projet de loi un article 2 bis visant à consacrer l’existence des observatoires des prix et des revenus existant dans les outre-mer, en prévoyant qu’ils assurent la transparence des coûts de passage portuaire.
Les amendements que nous examinerons tout à l’heure, déposés notamment par nos collègues ultramarins et pour lesquels la commission a émis un avis favorable, ne visent d’ailleurs pas à revenir sur les grands axes de la réforme. Ils permettent simplement de la compléter utilement.
Au-delà du bilan positif de cette réforme, je souhaite profiter de mon intervention pour appeler votre attention, monsieur le ministre, sur les attentes des acteurs locaux, et notamment des personnels.
Une fois le projet de loi définitivement adopté – nous œuvrerons pour que cela soit fait rapidement ! –, une nouvelle étape s’ouvrira avant la création effective des grands ports maritimes ultramarins. Cette étape sera notamment marquée, dans trois des quatre ports concernés, par les discussions portant sur les conditions du transfert des personnels des chambres de commerce et d’industrie et des services de l’État concernés.
Les personnels, qui soutiennent la réforme, sont légitimement inquiets des conditions de ce transfert. Cette inquiétude s’explique en partie par le fait qu’ils ne disposent pour le moment d’aucun interlocuteur à même de répondre à leurs interrogations. Monsieur le ministre, il sera donc urgent, une fois la loi votée, que le Gouvernement nomme des préfigurateurs à même de prendre en charge cette période transitoire importante.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, la commission de l’économie soutient la réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État, portée par l’article 1er du présent projet de loi. Elle vous invite donc à voter le texte, modifié par les amendements sur lesquels elle aura émis un avis favorable.
Monsieur le ministre, vous l’aurez deviné, la commission n’apporte pas le même soutien aux articles 3 à 8 du projet de loi, qu’elle a supprimés – après de longs débats – la semaine dernière et que le Gouvernement nous propose de rétablir aujourd’hui. Ces articles visaient à mettre en œuvre – pour cinq d’entre eux, via le recours aux ordonnances – six textes européens portant sur des questions variées, telles que le transport routier ou l’aviation civile.
La commission de l’économie juge que les arguments développés par le Gouvernement pour justifier la présence de ces articles dans ce texte ne sont pas recevables.
D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à ne pas être convaincus par ces arguments. Mes chers collègues, permettez-moi de vous lire un court extrait de la première page du rapport de notre collègue député Daniel Fidelin, à qui je rends hommage pour la qualité de ses travaux : « [Le projet de loi] fait office de "voiture-balai". […] Une nouvelle fois, il est insupportable de voir le Parlement être quasiment forcé de se dessaisir de ses compétences car le Gouvernement n’a pas été en mesure de présenter suffisamment tôt les textes adéquats. »…
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Odette Herviaux, rapporteur. … « Sans doute faudra-t-il qu’un jour nous décidions de refuser l’habilitation demandée par le Gouvernement, quitte à prendre le risque de voir la France condamnée par la Cour de justice des communautés européennes. »
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Qui pourrait être plus clair ?
Les articles 3 à 8 du texte transmis par l’Assemblée nationale et, par conséquent, les amendements que le Gouvernement a déposés pour les rétablir ne nous semblent donc pas acceptables.
Tout d’abord, ils n’ont strictement aucun lien avec la réforme des ports d’outre-mer, à moins que M. le ministre ne prenne comme argument que, puisqu’il y a des ports, il y a des bateaux,…
Mme Odette Herviaux, rapporteur. … des camions également, certes. Admettez toutefois que ce raisonnement est quelque peu tiré par les cheveux.
M. Daniel Raoul. En effet, il est « capillotracté » ! (Sourires.)
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Ces dispositions témoignent selon moi d’une forme d’irrespect à l’égard de nos outre-mer : alors qu’il s’agit du premier projet de loi en matière de développement économique spécifique à l’outre-mer depuis le vote, en 2009, de la LODEOM – la loi pour le développement économique des outre-mer –, pourquoi parasiter le débat avec de telles dispositions ?
Monsieur le ministre, vous soulignez ensuite que la mise en œuvre de ces six textes européens – et notamment la transposition des trois directives concernées – est urgente. Mais je vous le demande : qui est responsable de cette situation ?
M. Roland Courteau. En effet, qui ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Qui n’a pas présenté dans les temps de projet de loi en en permettant la mise en œuvre ?
M. Roland Courteau. Bonne question !
Mme Odette Herviaux, rapporteur. La commission de l’économie estime que ces articles constituent une nouvelle illustration des défaillances en matière de mise en œuvre des textes européens. Monsieur le ministre, mes chers collègues, dois-je vous rappeler que, l’année dernière, en raison de ces mêmes défaillances, nos collègues Jean-Paul Emorine, Jean Bizet et Gérard Longuet avaient dû déposer sur le bureau du Sénat une proposition de loi afin d’accélérer la mise en œuvre de plusieurs textes européens ?
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est vrai !
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Prenons un seul exemple : l’article 3 du texte adopté par l’Assemblée nationale vise à permettre la transposition d’une directive datant de 2002, dont la transposition devait intervenir avant le 23 mars 2009. Pourquoi ne pas avoir déposé dans les temps le projet de loi visant à en permettre la transposition ?
L’urgence conduit le Gouvernement à effectuer une fois de plus un « chantage à l’amende » pour obliger le Parlement à accepter le recours aux ordonnances. Il est difficilement acceptable que le Gouvernement demande au Parlement de se dessaisir de ses prérogatives afin de réparer ses propres défaillances ! Il est encore moins acceptable que le Gouvernement reproche au Sénat son refus de valider une telle pratique.
Comme le disent nos collègues ultramarins, « sé kod yanm ki ka maré yanm » (Bravo ! et applaudissements.),…
M. Roland Courteau. Impressionnant !
Mme Odette Herviaux, rapporteur. … ce qui correspond à notre proverbe « Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes ».
Monsieur le ministre, je souhaite souligner que le recours aux ordonnances pour transposer les textes européens est une bien mauvaise habitude ; je pense que nous la déplorons tous. Je prendrai un seul exemple : la loi du 5 janvier 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne – issue de la proposition de loi, déposée par nos collègues Bizet, Emorine et Longuet, que j’évoquais tout à l'heure – comprenait, sur 20 articles, 7 articles d’habilitation visant à mettre en œuvre 12 directives et 9 règlements européens. Au demeurant, un an plus tard, et malgré l’urgence évoquée alors, toutes les ordonnances prévues n’ont pas encore été publiées…
La semaine dernière, lors de l’examen du texte en commission, les échanges ont été nourris sur cette question. Je regrette d'ailleurs qu’ils viennent parasiter le débat d’aujourd'hui, lequel devrait être concentré sur l’avenir des ports de nos outre-mer…
En tout état de cause, il me semble qu’un relatif consensus s’est dégagé en commission autour d’un constat : la méthode de mise en œuvre des textes européens est défaillante et associe bien insuffisamment le Parlement.
En conséquence, la commission a voté, dans sa majorité, la suppression des articles 3 à 8. Elle vous proposera de rejeter les amendements tendant à les rétablir qui seront présentés tout à l’heure par M. le ministre.
En conclusion, je souhaite remercier l’ensemble des membres de la commission de l’économie, notamment M. Raoul, son président, de m’avoir désignée comme rapporteur sur ce texte. Après avoir participé l’année dernière aux travaux du groupe de travail sur la réforme portuaire, institué par notre commission et présidé par notre collègue Charles Revet, que je tiens à saluer, j’ai trouvé passionnant d’avoir pu étudier de si près la mise en œuvre de la réforme de 2008 dans nos outre-mer ; j’y ai pris beaucoup de plaisir.
Je souhaite également remercier tous nos collègues des départements d’outre-mer, que j’ai consultés à plusieurs reprises au cours de mes travaux et qui m’ont été d’une aide très précieuse.
J’espère que notre assemblée adoptera à l’unanimité la réforme des ports d’outre-mer, tout en complétant sur quelques points le texte issu de l’Assemblée nationale. Elle marquera ainsi une fois de plus son attachement à ces territoires ultramarins, qui, comme l’indiquait, en 2009, le rapport de la mission commune d’information du Sénat sur la situation des départements d’outre-mer, représentent tout à la fois un « défi pour la République » et une véritable « chance pour la France ».
Monsieur le ministre, je ne peux bien entendu préjuger de la suite du débat, mais sachez que nous ne chercherons pas à retarder indéfiniment l’adoption de ce texte ; nous veillerons bien évidemment à trouver des solutions conformes aux intérêts des uns et des autres. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la réforme portuaire de 2008, les ports ultramarins n’ont pas été pris en considération en raison de la disparité de leurs statuts.
Deux ans plus tard, le rapport de la Cour des comptes dressant le bilan de la mise en œuvre de cette réforme a souligné la nécessité « d’étudier l’adaptation […] du statut et des conditions de fonctionnement des ports outre-mer ».
En septembre 2009, le rapport rendu par le conseil général de l’environnement et du développement durable, l’inspection générale des finances et l’inspection générale de l’administration a mis en évidence le fait que le dispositif consistant à confier la gestion des ports d’outre-mer aux chambres de commerce et d’industrie n’était plus adapté aux exigences d’une gestion équilibrée et modernisée des ports maritimes. En effet, la gestion bicéphale État-concessionnaire des ports d’outre-mer constitue – entre autres – un frein à la nécessaire réactivité du commerce maritime international.
Ce rapport souligne la tendance de certains concessionnaires à « utiliser la facilité que constituent les excédents de trésorerie, voire les ressources de la concession au profit d’activités connexes, notamment aéroportuaires ».
Il préconise que les acteurs portuaires ne siègent plus au conseil de surveillance, mais plutôt au sein d’un conseil de développement afin d’éviter des risques de conflit d’intérêt.
Enfin, il souligne l’insuffisante représentation des collectivités régionales au sein des instances de gouvernance. Il est vrai que les collectivités territoriales jouent un rôle croissant dans le développement économique local, justifiant un contrôle accru sur les grandes infrastructures.
Le projet de loi qui est soumis à notre examen tire les conséquences de ce rapport lorsqu’il vise à moderniser, en alignant leur statut sur celui des ports métropolitains, la gouvernance de quatre grands ports maritimes ultramarins : Fort-de-France, en Martinique ; Dégrad-des-Cannes, en Guyane ; Port Réunion, à La Réunion ; le port autonome de la Guadeloupe.
Il s’agit là d’un projet de loi plein de bon sens, voire d’un projet de loi évident.
M. Joël Guerriau. C’est pourquoi, monsieur le ministre, nous pouvons légitimement nous interroger sur la raison pour laquelle ces ports n’ont pas été intégrés, dès 2008, dans la réforme des ports métropolitains.
Certes, les situations et les enjeux du développement des quatre ports ultramarins sont très différents, en raison des caractéristiques géographiques et économiques de ces territoires, marqués par l’insularité, l’exiguïté territoriale et l’étroitesse des marchés inhérente à la faiblesse du nombre de leurs habitants. L’urgence était donc peut-être de traiter d’abord de la modernisation des ports métropolitains, qui constituent des portes d’entrée de l’Union européenne, premier marché mondial de consommateurs.
Pour autant, notre groupe considère que ces ports ultramarins ont également un intérêt stratégique international.
En effet, les ports de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique bordent la mer des Caraïbes et se situent sur la route transatlantique à un point de passage obligé avant le canal de Panama.
Ces ports ultramarins constituent donc plus qu’une porte d’entrée de la continuité territoriale avec la métropole. S’ils permettent l’approvisionnement en matières premières et en biens de consommations pour leurs habitants, ils présentent surtout un intérêt stratégique dans le commerce international de conteneurs, à l’heure où 90 % des échanges mondiaux se font par voie maritime. Ces ports peuvent ainsi proposer des services de transbordement aux porte-conteneurs qui traversent chaque jour le canal de Panama.
Au final, si la fonction et les enjeux des ports métropolitains et ultramarins sont différents, il y avait une même nécessité et un intérêt comparable à améliorer leurs statuts. Pourquoi dès lors retarder de quatre longues années la réforme des ports ultramarins, au regard des enjeux en termes d’emplois et de création de richesses ?
Mais, si nous regrettons le retard pris dans cette réforme, cette dernière n’en est pas moins salutaire pour répondre aux exigences de la compétitivité mondiale, afin de tirer les fruits de ce marché dynamique.
Dans le cadre du développement du trafic mondial de conteneurs et de l’élargissement du canal de Panama, le port autonome de Guadeloupe ainsi que le port de Fort-de-France ont le projet de réaliser un nouveau terminal à conteneurs en eaux profondes, permettant d’accueillir des porte-conteneurs plus importants afin de traiter des flux en transbordement avant le passage du canal de Panama. En Guyane et à La Réunion, de grands travaux de mise aux normes des infrastructures sont aussi envisagés, en vue d’une plus grande compétitivité.
Or, pour que ces grands projets se réalisent dans les meilleures conditions, un assainissement préalable de leur gestion est nécessaire.
La transformation statutaire des ports visés en « grands ports maritimes », avec le mode de gouvernance qui y est attaché – mise en place d’un directoire et d’un conseil de surveillance –, est de nature à favoriser, dans le processus de décision, une réactivité accrue par rapport aux clients et aux investisseurs, très attachés à la visibilité de la stratégie portuaire menée. En outre, la compétitivité de ces ports, dans un contexte international très concurrentiel, en serait renforcée.
Les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine soutiennent donc cette réforme visant à améliorer la productivité des ports.
Le coût de la vie dans les territoires ultramarins a été l’une des causes de l’ampleur des mouvements sociaux qui y ont sévi au début de l’année 2009.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Eh oui !
M. Joël Guerriau. En ce sens, nous approuvons l’insertion en commission d’une disposition visant à la publication annuelle des relevés portant sur le niveau et la structure des coûts de passage portuaire : cette disposition permettra de mesurer l’impact des gains de productivité.
En revanche, madame le rapporteur, nous nous interrogeons quant à la suppression en commission des affaires économiques des articles tendant à transposer six directives relatives au transport.
Certes, vous avez raison, ces sujets n’ont aucun rapport avec le projet de loi initial. Or la qualité du travail législatif nous oblige à nous imposer une certaine exigence de cohérence des textes dont nous discutons. Comme vous, j’estime qu’il est donc très discutable d’accepter sans sourciller l’intrusion de cavaliers législatifs – en l’occurrence, des transpositions de directives – la veille du délai limite.
Nous ne cautionnons pas la généralisation de cette démarche et rappelons notre volonté de maintenir des pratiques respectueuses du travail parlementaire.
Pour autant, monsieur le ministre, nous comprenons le sens de ces articles, qui sont guidés par le souci de ne pas creuser le déficit public en payant des amendes à Bruxelles. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Vergès.
M. Paul Vergès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi sur la réforme des ports d’outre-mer est attendu avec beaucoup d’impatience par les professionnels et les partenaires sociaux.
Il a pour ambition de mettre en adéquation la gouvernance du port avec les objectifs de développement. Il doit répondre également à l’attente de nombreux travailleurs du port, les dockers, en leur permettant de faire valoir leurs droits de cessation anticipée d’activité, liés aux dispositifs conventionnels. Sur ce dernier point, l’accélération du calendrier est un enjeu qui doit être pris en compte.
Cette loi vise à faire de nos ports ultramarins des « grands ports maritimes », dans l’esprit du droit applicable sur le plan national depuis 2008. Elle constitue la première reconnaissance de leur importance stratégique pour le développement de l’économie, outre-mer comme en métropole.
Le transport par mer concerne 90 % des marchandises. Entre 1992 et 2007, ces échanges commerciaux ont augmenté de 80 %, passant de 18 235 milliards de tonnes-milles marins à 32 932 milliards de tonnes-milles marins.
La question de la gouvernance de ces nouvelles structures est importante, nos collègues de l’Assemblée nationale en ont largement débattu. Je partage leur point de vue : les collectivités locales – la région, le département, l’établissement public de coopération intercommunale et la commune d’implantation du port – doivent être fortement impliquées dans la prise de décision, notamment parce que le développement d’un port à la Réunion n’est pas seulement une question économique, mais aussi une question d’aménagement du territoire : l’exiguïté de la Réunion et l’augmentation de la population nous obligent à une gestion raisonnable et raisonnée de l’espace. Le point de vue des collectivités locales doit aussi, et surtout, être retenu pour la définition des projets stratégiques. À ce titre, il nous faut bien prendre en compte la réalité de chacune des entités ultramarines : je me contenterai donc de parler de la Réunion.
Nous devons avoir une vision sur le long terme et nous interroger sur les possibilités de développement du port de la Pointe-des-Galets et de Port Réunion. Avant 1869, la Réunion était une escale importante accueillant les navires reliant l’Europe à l’Asie en doublant le cap de Bonne-Espérance. Le développement de ce trafic a provoqué le creusement du canal de Suez, dans le but de faciliter les échanges commerciaux par mer sans passer par le sud de l’Afrique. Cette liaison a permis de réduire considérablement la durée et le coût du transport par navires. Quelle en a été la conséquence ? La Réunion n’a plus été une étape dans ce commerce mondial, nous sommes devenus un terminus : le port de la Pointe-des-Galets n’accueillait plus que les navires qui le desservaient spécifiquement, ceux de la Compagnie des messageries maritimes ou de la Nouvelle compagnie havraise péninsulaire.
Près d’un siècle et demi plus tard, allons-nous connaître une autre évolution aussi importante ? Cette fois-ci, ce sont les changements climatiques qui en seront la cause. Le comité d’évaluation du réchauffement climatique de l’Arctique alerte régulièrement l’opinion sur la rapidité avec laquelle fondent la banquise et les glaciers du pôle Nord. Les conséquences seront multiples pour le monde, mais, pour la Réunion, elles seront décisives.
En effet, la fonte des glaces va ouvrir une nouvelle voie maritime majeure entre l’Europe et l’Extrême-Orient. Aujourd’hui, cette route n’est plus une utopie : le passage est quasiment libre quatre mois par an et il pourrait l’être trois mois de plus si les brise-glace atomiques ouvrent le passage aux tankers. Des brise-glace russes ont accompagné quinze navires en 2011, soit onze de plus qu’en 2010. Dans quelques décennies, cette nouvelle voie maritime sera ouverte. Elle permettra aux navires reliant l’Europe à l’Asie d’éviter le canal de Suez et, ainsi, tous les pays de l’océan Indien, y compris la Réunion !
Il y a un peu plus d’un an, un bateau immatriculé à Hong-Kong a relié la Norvège à la Chine, en passant par l’Arctique. Il a gagné huit jours par rapport au trajet empruntant le canal de Suez ! Effectuant le voyage en 26 jours seulement, soit une réduction de 30 %, il a réalisé, selon ses armateurs scandinaves, une économie de plus de 180 000 dollars sur les frais de carburant, correspondant à 580 tonnes de fioul ! Le développement de cette nouvelle voie de navigation se fera au profit des ports du nord de l’Europe : c’est pour demain !
Notons également que se préparent de nouvelles concentrations dans le secteur du transport maritime, en vrac ou en conteneurs. Dans ce contexte, la question de la sécurité de l’approvisionnement de la Réunion est posée : pouvons-nous rester à la merci des majors du transport maritime ? Or, du fait de notre situation insulaire et des conditions de notre développement, notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur ne cesse de croître : Port Réunion est le premier des ports d’outre-mer par son volume d’activité – 225 000 conteneurs par an – et le troisième port français dans ce domaine. En 1946, nous importions et exportions le même tonnage de marchandises, 300 000 tonnes ; aujourd’hui, nous exportons toujours le même volume, mais nous importons près de 4 millions de tonnes. Toute notre économie, tout le problème de la formation des prix dépendent de notre approvisionnement et du rôle du port. Nous devons donc réfléchir, à la lumière de ces éléments, à la stratégie que nous voulons pour Port Réunion et pour la Réunion, mais aussi pour l’océan Indien.
Rappelons très brièvement que, dans notre voisinage immédiat, Madagascar, avec ses énormes potentialités, est passée de 4 millions d’habitants en 1946 à 21,8 millions d’habitants au recensement de 2011 et en comptera 53,5 millions en 2050, selon l’ONU. Le même phénomène se réalisera au Kenya, en Tanzanie, au Mozambique et en Afrique du Sud, pour citer les États de la côte orientale de l’Afrique, nos voisins les plus proches.
Quel port accueillera les navires assurant les échanges entre ces pays de notre voisinage et les grands pays émergents que sont l’Inde et la Chine ? Port Réunion ? Port-Louis sur l’île Maurice ? Durban en Afrique du Sud ? Mombasa au Kenya ? Maputo au Mozambique ? Ou Dar Es Salaam en Tanzanie ? Comment les autres pays de l’océan Indien et, plus spécialement, des Mascareignes vont-ils être desservis ?
Le groupe CMA-CGM vient d’annoncer le lancement d’un nouveau service entre l’Asie, l’océan Indien et l’Afrique du Sud, pour déployer six navires et permettre de « répondre à la croissance du marché sud-africain, qui réalise plus de 30 % de ses échanges commerciaux avec l’Asie ». Le développement de Port Réunion doit donc aussi être envisagé sous l’angle du codéveloppement que nous envisageons avec les États voisins.
La double question, d’une part, des liaisons maritimes entre ces pays et les îles de notre voisinage et, d’autre part, de leurs relations avec les ports européens, doit donc être posée dans le cadre d’une approche globale et intégrée. Dans cet esprit, nous avions émis le projet d’une compagnie maritime régionale. En octobre dernier, le ministre des affaires étrangères de la République des Seychelles, au nom du conseil des ministres de la Commission de l’océan Indien, faisait de l’interconnexion de nos îles l’une des priorités de son action. La création d’une compagnie régionale maritime permettrait de créer les conditions de desserte directe pour des liaisons sud-sud et sud-nord. En outre, cette compagnie pourrait contribuer à faire baisser les coûts de transport des intrants provenant, notamment, de la zone.
Ainsi, nous devons examiner ce projet de loi en l’inscrivant dans le cadre du développement économique de la Réunion, de son intégration dans son environnement géographique et, également, de sa présence au niveau international et mondial.
C’est donc avec satisfaction que les acteurs réunionnais, sociaux ou institutionnels, vont intégrer cette gouvernance aux côtés de l’État. Cette évolution participe de l’esprit de partenariat qu’il faut mettre en place pour relever les défis exigés par le développement de la Réunion.
Il y a unanimité pour dire que Port Réunion doit être le levier économique incontournable de l’île. Ce projet de loi, une fois adopté, permettra par ailleurs à une centaine de travailleurs portuaires de cesser leur activité professionnelle. Cela rendra possible l’embauche d’autant de personnes : il s’agit d’un gisement d’emplois non négligeable au vu de la situation catastrophique de l’emploi à la Réunion.
Il y a également unanimité pour dire que ce projet de loi permettra à Port Réunion de connaître un nouveau souffle : cet outil de développement et de désenclavement, fonctionnant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sera une source d’activité supplémentaire dont les répercussions, sur les plans économique et social, sont évidentes. L’attractivité de la Réunion, région française dans l’océan Indien, sera ainsi renforcée, à condition que nous ayons toujours à l’esprit les rendez-vous que nous donne le très proche avenir.
En conclusion, nous rappellerons l’urgence de l’adoption et de l’application de ce texte, attendu par l’ensemble des acteurs économiques et sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à adapter aux quatre ports d’outre-mer relevant de l’État les dispositions de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire.
À la suite de cette réforme, sept ports autonomes de métropole sont devenus des « grands ports maritimes », leurs missions ont été précisées et resserrées et leur gouvernance modernisée. Ce texte ne concernait pas les ports d’outre-mer, notamment à cause de la spécificité de leur statut, mais aussi, semble-t-il, parce que le Gouvernement souhaitait pouvoir tirer un premier bilan de la réforme en métropole avant de l’adapter à l’outre-mer.
Cette réforme devait permettre à nos grands ports d’être véritablement compétitifs par rapport à leurs concurrents européens. Le constat était en effet alarmant : alors que le secteur du transport maritime ne cesse de croître, les parts de marché des ports français pour le trafic de conteneurs en Europe avaient considérablement diminué.
Or, depuis l’adoption de cette réforme, devenue pleinement effective en 2011, force est de constater que son objectif n’est toujours pas atteint. Comme l’ont souligné nos collègues du groupe de travail sur la réforme portuaire, dans leur rapport remis le 6 juillet dernier, « la réforme portuaire de 2008 [...] ne suffira pas à enrayer le déclin des ports français ».
Comment pourrait-on mener une réforme portuaire ambitieuse sans des moyens adaptés ? La question avait été posée lors des débats sur la loi de 2008 : sans investissements massifs, notamment dans les infrastructures, les ports français ne pourront pas rattraper leur retard en termes de compétitivité. Or le rapport du groupe de travail sur la réforme portuaire souligne la persistance de ce manque d’investissements, qui, combiné avec d’autres facteurs, freine l’essor de nos ports. En outre, la mise en œuvre de la réforme de 2008 ne s’est pas faite sans heurts, comme l’ont montré les divers mouvements sociaux qui ont paralysé plusieurs ports français en 2010 et en 2011.
Néanmoins, sans une réforme de leur gouvernance, les ports d’outre-mer, à l’instar de ceux de la métropole, pourront difficilement s’adapter aux évolutions du transport maritime mondial. C’est pourquoi, comme l’a précisé le rapporteur, Mme Odette Herviaux, dont je tiens à saluer l’excellent travail, cette réforme est attendue outre-mer. L’ensemble des acteurs concernés en souligne l’importance et souhaite qu’elle soit mise en œuvre le plus rapidement possible : il convient donc de ne pas prendre davantage de retard dans son adoption.
Ce projet de loi arrive déjà bien tard, alors que le rapport de la mission chargée par le Gouvernement d’étudier la situation des ports des départements d’outre-mer, qui concluait à l’urgence d’une réforme des statuts et de la gestion de ces derniers, a été rendu public il y a plus de deux ans !
La France, cinquième exportateur et sixième importateur mondial, peut et doit jouer un rôle de premier ordre dans le domaine du transport maritime. Dans ce cadre, le rôle des ports d’outre-mer est particulièrement important.
Notre pays dispose des plus grandes zones économiques maritimes du monde avec les États-Unis, et c’est grâce aux outre-mer. Avec 1500 kilomètres de littoral et, surtout, 97 % de la superficie des eaux maritimes françaises, les départements d’outre-mer représentent un véritable trésor pour le développement économique local et national. Le niveau d’activité de la plupart des ports ultramarins est largement comparable à celui des grands ports maritimes métropolitains. Port Réunion, par exemple, est le troisième port français de conteneurs après ceux du Havre et de Marseille.
Mais l’énorme potentiel des ports ultramarins n’est pas suffisamment mis en valeur à l’heure actuelle. Leur productivité est bien en deçà de ce qu’elle pourrait être. Or ces ports ont la chance extraordinaire d’être situés au carrefour des continents. Port Réunion est au confluent des routes maritimes Asie-Amérique et Europe-Afrique, tandis que les ports des Antilles constituent une incroyable chance d’ouverture sur l’Amérique. Ces derniers pourraient, d’ailleurs, bénéficier de l’élargissement du canal de Panama, avec l’ouverture d’une troisième écluse prévue pour 2014. En ce sens, la création d’un conseil de coordination interportuaire entre ces trois ports, adoptée par l’Assemblée nationale, me semble très pertinente.
Il faut donc prendre pleinement en considération le potentiel des ports d’outre-mer et leur donner les moyens de s’adapter aux réalités du transport maritime international. Actuellement, les ports d’outre-mer souffrent de divers problèmes de gouvernance qui sont autant de handicaps à leur efficience économique. C’est particulièrement vrai pour les trois ports qui sont concédés aux chambres de commerce et d’industrie, dont la gestion bicéphale pose de graves problèmes en termes de lisibilité des responsabilités et d’efficacité des décisions.
Cette réforme, qui transforme les ports de Dégrad-des Cannes, Fort-de-France, Port Réunion et le port autonome de la Guadeloupe en grands ports maritimes, est donc essentielle. Ces ports bénéficieront, comme cela a été le cas en métropole, d’une gouvernance rénovée qui repose sur un conseil de surveillance au sein duquel la représentation de l’État et des collectivités territoriales est renforcée.
Heureusement, ce projet de loi n’est pas une simple transposition de la réforme portuaire aux outre-mer ; il prend en compte les spécificités ultramarines, comme le permet l’article 73 de la Constitution.
Notre rapporteur l’a souligné, les ports d’outre-mer diffèrent des ports métropolitains en ce qu’ils constituent presque le seul point d’entrée et de sortie de toutes les marchandises de ces territoires. Près de 95 % du fret transitent par ces ports. Un blocage dans le fonctionnement des ports paralyse l’ensemble de l’économie du territoire concerné. Par conséquent, la question des prix et de la transparence de leur formation est particulièrement importante.
En ce sens, l’article 2 bis, introduit en commission de l’économie sur l’initiative de Mme le rapporteur, article qui consacre l’existence des observatoires des prix et des revenus et précise qu’ils assurent la transparence des coûts de passage portuaire, me semble constituer une excellente avancée.
Ce projet de loi a donc été substantiellement amélioré par les amendements adoptés en commission. À ce titre, je tiens à saluer la volonté de Mme le rapporteur et des membres de la commission qui ont voté la suppression des articles 3 à 9, lesquels n’avaient aucun rapport avec la réforme des ports d’outre-mer.
En effet, la plupart de ces articles devaient permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance, pour mettre en œuvre six textes européens. Les députés avaient déjà scindé l’article initial en six pour adapter le délai d’habilitation en fonction de l’urgence. Mais cela n’était pas suffisant. En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas accepter de nous dessaisir ainsi régulièrement de nos pouvoirs sous prétexte que le Gouvernement a pris du retard dans la transposition des textes européens et que notre pays risque d’être sanctionné. Ce chantage a assez duré et il est temps pour le Gouvernement de prendre ses responsabilités en matière de transposition !
Tenant compte de ces avancées, l’ensemble du groupe du RDSE soutiendra le texte adopté par la commission et, personnellement, comme l’un des membres de la nouvelle délégation à l’outre-mer que préside notre collègue Serge Larcher, je le ferai avec d’autant plus de plaisir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, rapporteur de la loi du 5 juillet 2008 portant réforme portuaire, je ne peux que me féliciter du dépôt de ce projet de loi par le Gouvernement.
Nous abordons aujourd’hui, en effet, la suite de la grande réforme des ports de métropole, conduite depuis trois ans et qui est aujourd’hui effective.
Le comité interministériel de la mer, qui s’est tenu le 10 juin 2011 à Guérande, en présence du Premier ministre, avait confirmé la nécessité d’engager une ambitieuse réforme de la gouvernance des quatre ports ultra-marins, Fort-de-France, Port Réunion, Dégrad-des-Cannes, ainsi que le port autonome de la Guadeloupe.
Ce projet de loi reprend donc les principes de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire pour adapter dans les départements d’outre-mer le droit commun relatif aux ports maritimes.
Même si le groupe UMP n’a pas pu suivre le rapporteur, Mme Herviaux, sur certaines dispositions nouvelles qu’elle proposait de retenir, je veux saluer le travail important qu’elle a réalisé dans un laps de temps très réduit, ce qui ne l’a pas empêchée d’auditionner de nombreux acteurs et intervenants.
Comme je l’avais précisé dans mon rapport d’information qui avait donné lieu à un débat au Sénat le 12 octobre dernier, débat auquel vous avez assisté, monsieur le ministre, si l’application de la réforme portuaire métropolitaine a pris du temps, l’heure est venue, pour nos grands ports maritimes, de passer « de la réforme à la relance » pour que notre pays renoue avec sa tradition de grande nation maritime.
Le Gouvernement, avec sagesse, a souhaité pouvoir s’appuyer sur un premier bilan de la réforme dans l’hexagone avant de lancer la refonte des ports ultramarins. Nous avions bien travaillé sur la réforme des ports maritimes de 2008. Notre rapport, qui dressait sans concession, j’en conviens, l’état des lieux trois ans après, a été adopté à l’unanimité en juillet dernier. Il constatait le retard des ports français, retard encore plus flagrant outre-mer. Il est urgent de mieux associer les collectivités locales et les milieux économiques à la gouvernance des ports, tout en préservant la place de l’État, et, surtout, de donner plus d’autonomie de décision au conseil de surveillance et au président du directoire.
Cette réforme des ports d’outre-mer relevant de l’Etat tient compte des spécificités des territoires d’outre-mer, dans lesquels le port représente bien plus qu’une zone d’activités et constitue en fait le poumon économique essentiel à l’approvisionnement des collectivités ultramarines. Celles-ci, pour la plupart engagées dans une réforme institutionnelle d’importance, sont en quête permanente de plus de responsabilités.
Ce projet de loi entend donc répondre au souhait des collectivités ultramarines de se voir plus amplement associées à la gouvernance des ports. Il n’est pas, pour autant, un nouveau texte de décentralisation : les grands ports maritimes demeureront, en métropole comme en outre-mer, des établissements publics de l’État.
Alors que les ports constituent un enjeu central pour l’économie ultramarine, ils souffrent néanmoins pour la plupart d’un handicap majeur : leur gouvernance.
Le port de la Guadeloupe est un cas particulier dans la mesure où il s’agit déjà d’un port autonome, créé par un décret du 6 mai 1974.
Si je souscris à l’idée que nos grands ports maritimes restent des ports d’État compte tenu de l’enjeu qu’ils représentent pour notre pays – je rappelle que 85 % à 90 % du commerce international transite par la mer – il me semble nécessaire, chacun en est conscient, que, grâce à un accroissement du pouvoir de décision des instances de gouvernance de chacun des grands ports maritimes, de nouvelles dispositions soient prises permettant d’obtenir une meilleure efficacité. J’avais traduit ce souhait, monsieur le ministre, par deux mots : proximité et autonomie.
Je suggère, monsieur le ministre, que nous réfléchissions à un projet de convention qui, pour la gestion des grands ports maritimes hexagonaux et ultramarins, confie aux conseils de surveillance la responsabilité de nommer le président et les membres du directoire après avis du ministre en charge des ports.
Dans le même esprit, il est indispensable que tant le conseil de surveillance que le directoire disposent d’une plus grande marge d’autonomie et de décision. Bien sûr, il faudrait prévoir la possibilité pour l’État de remettre en cause cette convention en cas de dysfonctionnement ou d’insuffisance de résultats.
Les nouveaux établissements publics devront être créés et rendus opérationnels entre le 1er juillet 2012 et le 1er janvier 2013, dans un calendrier propre à chacun d’eux.
La mise en place d’établissements publics permettra de répondre aux exigences de performance et de réactivité du commerce maritime international.
Ces nouveaux établissements publics seront dotés d’une gouvernance modernisée, à la composition resserrée, où la place des collectivités territoriales sera nettement accrue par rapport à la situation actuelle afin que le développement des ports d’outre-mer accompagne et favorise l’évolution des territoires sur lesquels ils sont implantés.
Avec une organisation analogue à celle des autres ports européens, les ports français devraient gagner en fiabilité ainsi qu’en attractivité, qu’il s’agisse du trafic de marchandises ou du trafic de passagers, source majeure de croissance et d’emploi.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, cette réforme portuaire, qu’elle concerne les ports maritimes de métropole ou les ports maritimes ultramarins, vise à mieux répondre aux exigences de performance et de compétitivité qu’imposent l’évolution du commerce maritime international et la concurrence avec les ports étrangers.
Cette réforme doit également contribuer, dans chacun des départements d’outre-mer, au développement de l’économie locale, notamment par une meilleure maîtrise des tarifs portuaires. Les ports sont, en effet, au cœur de la chaîne logistique d’approvisionnement de ces territoires ultramarins et sont, à ce titre, un élément essentiel de leur compétitivité.
Ils jouent, par ailleurs, un rôle prépondérant dans la lutte contre l’inflation. C’est pourquoi je me félicite de l’adoption par la commission de l’amendement, introduit sur l’initiative de son rapporteur, qui vise à consacrer dans la loi l’existence d’un observatoire des prix et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à la Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, ayant pour mission d’analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.
Nous sommes tous d’accord pour dire que la question du niveau et de la formation des prix est particulièrement sensible en outre-mer et que l’impact du passage portuaire sur le niveau des prix est un sujet essentiel outre-mer, d’autant que les ports y constituent le point unique d’approvisionnement.
Enfin, à l’instar de la réforme des ports métropolitains, le présent projet de loi confère à l’activité portuaire une responsabilité écologique accrue. Il donne notamment aux futurs grands ports maritimes d’outre-mer les moyens d’assurer une véritable gestion durable du littoral et de ses ressources.
Pour l’ensemble de ces raisons le groupe UMP apportera son soutien à ce projet de loi qui tend à créer les conditions d’un renforcement des ports d’outre-mer, dans la continuité de la réforme portuaire mise en œuvre depuis 2008 en métropole.
Je me permettrai néanmoins de regretter la suppression de la seconde partie du projet de loi et donc des six articles qui visaient à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance des textes européens, même si, monsieur le ministre, nous n’aimons pas voir le Parlement dessaisi de ses prérogatives. C’est une mauvaise habitude, comme le disait notre collègue Daniel Fidelin, rapporteur de ce texte pour l’Assemblée nationale. Je crois que cet avis est partagé sur l’ensemble des travées de cet hémicycle.
Néanmoins, le temps réservé au travail parlementaire est aujourd’hui compté pour raisons électorales et il est important d’analyser les conséquences d’une non- transposition avant de refuser l’habilitation.
C’est la raison pour laquelle, le groupe UMP, favorable au rétablissement de ces articles, votera les amendements du Gouvernement qui seront présentés après l’article 2 bis. Et, bien sûr, il votera pour ce projet de loi si important pour nos départements et territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui concerne l’adaptation de la réforme portuaire de 2008 et précisément la mise en place de nouvelles modalités de gouvernance des quatre ports ultramarins relevant de l’État.
Il est vrai, tout d’abord, qu’il était nécessaire de réformer la gouvernance de ces ports, mais cette réforme est tardive et insuffisante au regard de l’enjeu. Un développement concerté des places portuaires, créateur d’emplois, respectueux de l’environnement et moteur de l’économie locale est une nécessité. Sur le plan de la méthode, cependant, le passage en force du Gouvernement, qui entend légiférer par voie d’ordonnances, est inacceptable.
Nos départements d’outre-mer sont, pour la plupart, confrontés au défi de l’insularité, et le port constitue leur seul point d’approvisionnement.
Les chiffres sont révélateurs : 95 % du fret transite en Guyane par le port de Dégrad des Cannes ; plus de 95 % à la Réunion par Port Réunion et en Martinique par le port de Fort-de-France.
Comme l’ont dit mes collègues, chaque place portuaire a ses spécificités. Néanmoins, des réalités communes demeurent, liées à la dépendance des départements d’outre-mer à l’égard de l’hexagone s’agissant des produits de consommation, des matières premières et de l’énergie. Une autre réalité commune est la faiblesse de l’exportation des produits locaux.
Nous sommes tous d’accord : la gouvernance de ces ports est obsolète. La formule de la concession qui a prévalu jusqu’à présent, hormis pour le port autonome de Guadeloupe, est dépassée et très largement contestée.
En effet, entre autres anomalies, de nombreux concessionnaires ont utilisé les excédents de trésorerie des concessions portuaires pour financer d’autres activités, notamment les aéroports, amputant ainsi des ressources nécessaires au développement de ces places portuaires. Notre collègue Odette Herviaux l’a parfaitement mis en lumière dans son rapport.
M. Roland Courteau. C’est exact !
M. Jean Desessard. Dans le même temps, on ne peut que constater les carences de l’État.
Comme dans bien d’autres domaines, l’État s’est largement désintéressé de la gestion des ports des départements d’outre-mer. Il ne s’est pas acquitté de certaines dépenses dont il a la charge, comme les coûts de dragage, qui sont extrêmement importants, notamment en Guyane. Par conséquent, sous l’effet de ce désengagement, les ports sont devenus des « concessions autonomes », où les concessionnaires ne respectent pas toujours leurs obligations, sans pour autant que l’État y trouve à redire.
En outre, les collectivités territoriales étaient réduites à un simple rôle de co-financeur des infrastructures sans disposer des moyens institutionnels permettant de faire valoir leurs propositions.
Il est par conséquent essentiel de mettre fin à cette dualité de gestion État-chambres de commerce et d’industrie qui existe dans trois de ces quatre ports, et ce projet de loi le permet. À terme, nous soutiendrons la création d’établissements publics territoriaux.
Je le répète encore une fois, cette réforme aurait pu, et aurait dû, intervenir plus tôt. Le texte que vous nous proposez semble avoir été rédigé à la hâte pour faciliter la mise en œuvre de projets d’extension de certains de ces ports, de plus en plus fortement contestés. Je pense au projet d’extension du port autonome de la Guadeloupe, où la création d’un port en eau profonde est envisagée. Ce projet ne serait pas sans incidences graves pour la faune et la flore marines, et ses bénéfices économiques ne sont pas assurés.
Ainsi est-il vraiment insuffisant de limiter une réforme portuaire à des évolutions de gouvernance. Ce projet de loi n’engage pas une réforme de la manutention, pourtant nécessaire. Il n’expose pas non plus de projet stratégique de développement ni de plan d’investissement de ces places portuaires. Enfin, l’enjeu, pourtant crucial, du transfert des personnels des chambres de commerce et d’industrie, ainsi que des services de l’État, vers les nouveaux établissements publics n’est pas évoqué dans ce texte.
En résumé, monsieur le ministre, nous aurions voulu débattre d’une véritable réforme, comprenant notamment un plan de défense de l’environnement. Mes collègues l’ont dit à maintes reprises, les places portuaires sont des lieux stratégiques pour notre économie, et nous défendons leur développement dans un esprit de respect de l’environnement, d’efficacité et de complémentarité.
J’en viens à votre méthode, monsieur le ministre.
Plusieurs articles de ce texte permettent au Gouvernement de prendre par voie d’ordonnances les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre de six textes communautaires et, une fois de plus, de passer outre le vote du Parlement. Certaines directives datent de 2002 et auraient donc dû être transposées bien avant.
Bien sûr, nous devons mettre notre législation en conformité avec les exigences européennes. Mais, prenant prétexte de cette nécessité, une nouvelle fois, le Gouvernement cherche à dessaisir le Parlement de ses compétences en profitant de son incapacité à présenter à temps les textes adéquats. La commission de l’économie du Sénat a supprimé les articles concernés, et nous nous en réjouissons.
Pour conclure, je dirai que cette réforme est insuffisante, mais qu’elle a le mérite d’exister Une meilleure gouvernance de ces quatre ports est nécessaire. Par conséquent, nous soutenons les amendements de nos collègues socialistes qui tendent à améliorer la représentation des différents acteurs concernés, notamment celle des usagers, au sein des organes de direction de ces ports.
Sous réserve de l’adoption de ces amendements, les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste voteront le présent projet de loi.
Enfin, madame le rapporteur, mon collègue Joël Labbé se joint à moi pour saluer la qualité de votre travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux socio-économiques des ports maritimes sont énormes pour les départements d’outre-mer. Plus que de simples zones d’activités, ces ports constituent les portes d’entrée indispensables à l’approvisionnement de ces collectivités et à leurs échanges commerciaux avec l’extérieur.
Ces ports sont des maillons importants des chaînes de transport, qu’il s’agisse de continuité territoriale, de cabotage ou de transport intercontinental.
Les ports des départements d’outre-mer constituent pour la France et pour l’Europe un emplacement commercial et stratégique de première importance.
L’arc Caraïbe et le plateau guyanais sont d’autant plus stratégiques que les travaux d’élargissement du canal de Panama lancés en septembre 2007, et qui doivent s’achever en 2014, permettront d’y livrer passage à des navires de très gros tonnage. En Guadeloupe et en Martinique, on espère des retombées considérables de l’ouverture de la troisième écluse du canal de Panama.
La Guadeloupe, afin de se doter d’un port moderne, performant et attractif, a entrepris un chantier pharaonique. Ce projet de 600 millions d’euros sera réalisé en deux étapes : d’abord l’approfondissement du port, puis son agrandissement.
Nos départements français d’Amérique ne sont pas les seuls à s’être positionnés sur le marché des ports pouvant accueillir de très gros navires. Ainsi Kingston, en Jamaïque, est-il actuellement un port d’éclatement, en raison, notamment, de sa position stratégique sur la route de la côte est des États-Unis.
Il apparaît donc comme une nécessité de faire évoluer l’administration de ces ports vers une gestion plus entrepreneuriale et plus compétitive.
À la Réunion également, le port dispose d’infrastructures, d’équipements et d’outillages conformes aux standards européens, et sa situation géographique, au cœur de l’océan Indien, le place au rang de quatrième port français pour le volume des conteneurs traités.
Les ports français ultramarins se doivent d’adapter en permanence leurs équipements et leurs offres de service pour répondre aux besoins de leurs clients armateurs ou chargeurs, ainsi qu’à l’évolution du transport maritime et du commerce mondial.
Dans ses grandes lignes, le projet de loi aujourd’hui soumis à notre Haute Assemblée a fait l’objet d’un consensus parmi les acteurs locaux, ce dont nous pouvons nous féliciter. Ce n’est pas qu’un simple décalque de la réforme portuaire métropolitaine de 2008. Il eût été préjudiciable, en effet, de nous voir appliquer les mêmes règles alors que nos réalités sont bien différentes. Cette situation a d’ailleurs été singulièrement illustrée, à la suite de différentes études d’impact, par l’impossibilité de céder, dans les départements d’outre-mer, les infrastructures essentielles des ports, en raison de la situation monopolistique qui en découlerait, alors que ce fut une obligation légale en 2008 pour la métropole.
Par ailleurs, le transfert de la tutelle du port des chambres de commerce et d’industrie aux établissements publics fera l’objet de compensations financières, et j’espère sincèrement que l’État tiendra les engagements pris à ce titre.
En dépit de ces aspects positifs, nous regrettons cependant que ce projet de loi n’engage pas les collectivités concernées vers plus de responsabilité locale, alors même que cette voie est empruntée par les territoires engagés dans d’importantes réformes institutionnelles.
Nous débattons aujourd’hui d’un texte relativement consensuel au regard de cette réforme nécessaire. En effet, le diagnostic du mal est unanimement admis : une gestion économique peu efficiente, une gestion des infrastructures à revoir et un manque de participation des collectivités territoriales.
Toutefois, nous devons être attentifs à certains points qui me semblent essentiels.
Premièrement, il nous faut veiller particulièrement à ce que les principales personnes concernées soient les véritables acteurs de la réforme portuaire.
C’est la raison pour laquelle je vous proposerai tout à l’heure, mes chers collègues, d’adopter un amendement tendant à permettre la consultation des usagers des ports sur les politiques tarifaires menées. En effet, une gestion économique efficiente passera nécessairement par une transparence tarifaire, qui ne saurait voir le jour sans la consultation des principaux intéressés que sont les usagers. Et vous savez combien les tarifs, en outre-mer, constituent un véritable enjeu…
Deuxièmement, il nous faut appréhender correctement la coopération entre les collectivités domiennes concernées. Je pense ici surtout à la Guadeloupe et à la Martinique : il est hors de question que l’un de ces ports se développe au détriment de l’autre ; ils devront être complémentaires. Il est donc nécessaire d’instaurer un véritable dialogue entre les organes de direction des établissements publics de gestion des ports.
Troisièmement, nous devrons également veiller à garantir la mise en place d’une gestion vertueuse de la réforme. C’est pourquoi il faut prévenir les conflits d’intérêts, notamment par le non-cumul des mandats de présidence d’exécutifs locaux avec ceux de membres des instances dirigeantes au sein de l’établissement public.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Jacques Cornano. Sur les demandes d’habilitation formulées par le Gouvernement, je ne dirai que quelques mots, car elles feront ultérieurement l’objet de plus longues discussions. Je me contenterai, pour l’instant, de déplorer que le Parlement français soit considéré comme une simple chambre d’enregistrement. En outre, les habilitations demandées ne portent pas sur le même sujet que le projet de loi.
Ne perdons pas de vue que, bien mise en œuvre, cette réforme nous permettra d’augmenter la part du fret maritime et, par conséquent, de réduire les émissions des gaz à effet de serre, mais aussi de développer l’emploi dans des régions où le taux de chômage ne cesse de croître.
Les attentes locales sont énormes, et nous espérons tous que la mise en œuvre de ce texte sera des plus rapides. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une question cruciale – ô combien ! – pour le développement économique de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion : l’avenir de leurs ports.
Avant tout, je tiens à féliciter notre rapporteur, Mme Herviaux, pour son excellent travail.
Certes, le port est un poumon économique pour toute région qui en dispose, qu’elle soit ultramarine ou non. Mais, dans nos territoires, il constitue le seul véritable point d’entrée et de sortie des marchandises, alors que les autres régions bénéficient également de la route et du rail. Autant dire que notre vie économique est organisée, je dirais même structurée, autour du port. C’est de lui et de lui seul que dépend notre capacité à exporter nos produits, ainsi malheureusement qu’à nous nourrir et à nous équiper.
Dès lors que j’ai expliqué le caractère vital que revêt le port dans les territoires ultramarins en général et en Martinique en particulier, vous comprendrez que je porte un grand intérêt au présent projet de loi. Mon analyse à son égard est contrastée : je suis agacé par la forme, plutôt favorable au fond et inquiet quant à sa mise en œuvre.
Sur la forme, mon agacement a plusieurs causes. S’agissant d’abord des délais, je ne comprends pas que ce projet de loi soit soumis à notre examen près de quatre ans après le vote de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire, qui organisait cette réforme au niveau national. Qu’il ait fallu attendre si longtemps montre le peu de considération que le Gouvernement porte à l’outre-mer, alors même que les ports de la Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe sont respectivement les troisième, cinquième et sixième ports français pour le trafic des conteneurs, après Le Havre et Marseille.
Pis, en dépit des délais anormaux qui ont été nécessaires pour que la réforme portuaire soit adaptée aux territoires ultramarins, le Gouvernement a présenté un projet de loi qui s’accompagnait d’une longue série d’habilitations destinées à lui permettre de prendre, par voie d’ordonnance, les dispositions nécessaires à l’application de règlements et de directives de l’Union européenne.
Autrement dit, on confisque au Parlement son pouvoir et on utilise la réforme des ports d’outre-mer comme véhicule législatif, véritable voiture-balai, pour prendre dans l’urgence des dispositions diverses et variées… C’est dire la considération que le Gouvernement porte au travail parlementaire !
S’agissant du fond, le projet de loi est plutôt satisfaisant. Pour l’essentiel, il rationalise la gouvernance des ports en adaptant aux situations ultramarines les principales dispositions de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire.
Reste qu’il est perfectible et que les parlementaires de l’outre-mer ont déposé quelques amendements dans le but de l’améliorer. Sans présenter ici l’ensemble de leurs propositions, je veux insister sur trois d’entre elles qui me tiennent à cœur.
La première proposition consiste à établir un lien étroit entre cette réforme et le chantier, ouvert en 2009, sur le coût de la vie en outre-mer. En effet, les surcoûts supportés par les consommateurs de nos pays ne peuvent pas être exclusivement imputés à l’octroi de mer, ainsi qu’à la voracité des grossistes et de la grande distribution. Une partie d’entre eux s’explique par le port, qui est un maillon de la chaîne d’importation.
Aussi me semble-t-il important que le Gouvernement adosse à la présente réforme une étude relative aux situations monopolistiques dans divers ports des régions d’outre-mer.
En outre, alors que ces ports affichent un résultat excédentaire, il n’a jamais été envisagé de réduire les tarifs portuaires. En outre-mer, la moyenne de ces tarifs s’établit entre six et sept euros par tonne, contre un euro et cinquante centimes par tonne en métropole…
Les deux autres propositions auxquelles je suis attaché sont étroitement liées à la première.
Afin de prendre en considération le problème des surcoûts en toute transparence, il convient que les consommateurs soient étroitement et formellement associés aux organes d’administration des nouveaux ports. C’est pourquoi nous proposons qu’un représentant des consommateurs siège au conseil de surveillance de chaque port, de la même façon qu’un tel représentant siégera au conseil de développement, ainsi que l’a décidé la commission de l’économie.
Peut-être m’opposera-t-on qu’il ne s’agit que d’une loi d’adaptation, déposée en application de l’article 73 de la Constitution, et que ces propositions s’éloignent par trop du cadre national... Mais alors pourquoi avoir attendu plus de trois ans pour procéder à cette adaptation, si l’on se contente de reproduire purement et simplement le dispositif national ?
En fait, compte tenu de l’importance de l’enjeu, il eût été plus pertinent que cette réforme fût l’occasion d’un véritable projet de loi de décentralisation : un projet de loi qui dotât les ports d’une organisation à la mesure de ce qu’ils représentent pour les territoires ultramarins.
S’agissant enfin de la mise en œuvre de cette réforme, je nourris quelques inquiétudes. La principale porte sur les modalités du passage de témoin entre la chambre de commerce et d’industrie et l’État. À ce propos, deux questions me semblent particulièrement importantes.
D’abord, les transferts de personnels devront avoir lieu de manière à ne laisser personne sur le carreau et à ne dégrader la situation sociale d’aucun agent.
Ensuite, les chambres de commerce devront bénéficier d’une juste compensation des efforts qu’elles ont pu consentir. En effet, dans un contexte de crise économique et de l’emploi, il me semblerait déraisonnable de fragiliser financièrement les chambres de commerce, qui doivent continuer de remplir leur mission d’accompagnement des entreprises.
Pour conclure, je veux insister sur le fait que la réforme des ports d’outre-mer ne peut être qu’une simple réforme à caractère administratif. Elle doit être accompagnée d’une réflexion de fond sur les conditions de la croissance économique dans nos territoires. C’est à cette condition qu’elle contribuera vraiment au développement économique des outre-mer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en premier lieu, je tiens à féliciter le Gouvernement d’avoir présenté ce projet de loi adaptant la réforme portuaire de 2008 aux ports des départements d’outre-mer qui relèvent de l’Etat.
Il s’agit de permettre à ces ports de mieux répondre aux exigences de performance et de compétitivité imposées par l’évolution du commerce maritime international et la concurrence des ports étrangers. À ce propos, je m’associe au propos que vient de tenir notre collègue Charles Revet, rapporteur au Sénat de la réforme portuaire de 2008. Ce projet de loi est indéniablement une chance pour l’économie ultramarine.
En second lieu, je me permets de déplorer la suppression pure et simple, par la commission de l’économie, de la seconde partie du projet de loi dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale, qui, conformément à son intitulé, portait également diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports.
Six articles ont donc été supprimés qui avaient en commun de contribuer à l’amélioration de la sécurité et de faciliter les formalités administratives ou l’exercice des activités des opérateurs économiques concernés.
Ces articles visaient trois directives et trois règlements européens relatifs au domaine des transports maritime, routier et aérien. Pour l’un de ces textes, la date limite a été dépassée ; pour les autres, les dates sont sur le point de l’être. Aussi est-il urgent de mettre notre législation en conformité avec les exigences européennes. Pour l’un des textes, mes chers collègues, la France a déjà été mise en demeure !
Les obligations de transposition qui pèsent sur la France résultent tant de la Constitution que des traités de l’Union européenne. Un manquement à ces obligations n’expose pas seulement notre pays à des sanctions pécuniaires ; il affecte également son crédit au sein de l’Union. En outre, le défaut de transposition entrave le bon fonctionnement du marché intérieur, affectant aussi bien la concurrence entre les entreprises que la protection des citoyens de l’Union.
Certes, en tant que parlementaires, nous avons tous des réticences à accepter les demandes d’habilitation déposées par le Gouvernement pour prendre des dispositions urgentes par voie d’ordonnance. Cependant, compte tenu de la réduction de la durée de la session parlementaire pour raisons électorales, je considère que nous pouvons répondre favorablement à la demande de l’exécutif, d’autant plus qu’en l’espèce l’urgence est bel et bien réelle.
Nous regrettons que Mme le rapporteur – dont la qualité du travail n’est pas en cause – n’ait pas cru devoir soutenir ces demandes d’habilitation. Plutôt que d’adopter une attitude constructive et responsable, elle a préféré ne retenir que le retard pris par le Gouvernement. Ainsi, elle a fait fi des conséquences pour la France de ces non-transpositions.
La Commission européenne suit avec une particulière attention le travail de transposition mené dans notre pays. Or, pour que les transpositions soient achevées, il est nécessaire que le projet de loi soit complété par l’adoption des projets d’ordonnances.
Nos collègues de l’Assemblée nationale ont pris l’initiative, sur la proposition de leur rapporteur, de réduire de manière très importante les délais d’habilitation initialement proposés : de dix-huit mois, certains ont été ramenés à six mois, d’autres même à deux mois.
L’attitude responsable adoptée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a été approuvée en séance publique et même saluée par le Gouvernement.
Au Sénat, la commission de l’économie a préféré adopter une position de principe ; c’est un peu dommage.
Pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, les membres du groupe UMP, dans une attitude de responsabilité, voteront les amendements du Gouvernement portant articles additionnels après l’article 2 bis, afin de permettre le respect par la France de ses engagements communautaires dans le domaine des transports. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord pour reconnaître la nécessité de la réforme des ports d’outre-mer, même s’il faut regretter le retard avec lequel elle intervient par rapport à la réforme des ports de métropole. Celle-ci, en effet, a eu lieu en 2008, alors que le poids des ports dans l’économie est plus important en outre-mer qu’en métropole…
Je veux d’abord saluer l’excellent travail de Mme le rapporteur, Odette Herviaux, concernant la suppression de la série d’habilitations à légiférer par ordonnance. Ces habilitations nous privaient, nous législateurs, de nos prérogatives.
Je la félicite également pour la consécration législative des observatoires des prix et des revenus, ainsi que pour l’adoption par la commission de l’économie d’un amendement, déposé par Serge Larcher et moi-même et soutenu par plusieurs de nos collègues, tendant à permettre la présence d’un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement.
Monsieur le ministre, lorsque le dépôt du projet de loi a été annoncé, je me suis d’abord réjoui : comme le dit le proverbe, « mieux vaut tard que jamais » !
M. Maurice Antiste. Mais, très vite, mon enthousiasme a laissé place à une grande perplexité devant le peu d’ambition du texte, la faible représentation des collectivités territoriales dans la gouvernance des ports,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Maurice Antiste. … l’absence de solution pour l’indemnisation des chambres de commerce et d’industrie à la suite de la rupture anticipée de leur contrat de concession, enfin le manque de précision quant aux moyens mis à la disposition des futurs grands ports maritimes d’outre-mer.
L’activité portuaire joue un rôle stratégique dans l’économie ultramarine. En outre-mer, contrairement à la métropole, les ports sont la porte d’entrée et de sortie quasi exclusive des marchandises : 95 % des produits alimentaires, des ressources énergétiques et des biens manufacturés transitent par eux.
Par exemple, le chiffre d’affaires du port de Fort-de-France s’est élevé en 2010 à plus de 19 millions d’euros, pour un trafic de marchandises estimé à un peu plus de 3 millions de tonnes.
Cette prééminence du port est devenue manifeste lorsqu’en février 2009, au cours du mouvement social contre la vie chère en outre-mer, le blocage du port de la Martinique a entraîné la paralysie de l’économie locale dans son ensemble.
Le projet de loi n’est pas à la hauteur de ces revendications sociales. En effet, il ne propose aucune véritable solution au problème du coût de la vie, en particulier à celui du prix des produits alimentaires, importés à 90 %. Pour remédier à ce problème, la nécessité se fait jour d’un arrière-pays dont le développement pourrait être encouragé, par exemple, par la création d’une zone franche d’activités.
Accolée aux ports, cette zone permettrait de produire sur place, donc de créer des emplois – je rappelle que la Martinique compte aujourd’hui trente-cinq mille chômeurs. Elle favoriserait l’installation de nouveaux investisseurs, ainsi que l’implantation d’unités de production et de logistique visant à créer un flux d’importation et d’exportation entre l’Europe et la zone Caraïbe. Elle permettrait l’émergence de nouveaux emplois et de compétences spécialisées.
Rien ne serait acquis, bien sûr, sans l’assurance d’une adhésion financière et administrative de l’État et de la Commission européenne. C’est à ce prix et avec de telles solutions que l’on pourra influer sur les emplois, les activités portuaires et le coût de la vie dans les collectivités d’outre-mer.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais m’attarder sur un aspect qui, alors qu’il est essentiel, ne me semble pas être traité, dans la réforme, d’une manière conforme aux enjeux de l’économie ultramarine : je veux, bien sûr, parler de la gouvernance des ports.
Je regrette que le projet de loi n’accorde qu’une faible place aux collectivités territoriales dans la gestion des ports, car, contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, une présence accrue de celles-ci au sein de ces structures reviendrait non pas à priver l’État de ses prérogatives, mais simplement à transcrire dans la loi la possibilité pour elles d’influer véritablement sur les orientations stratégiques du conseil de surveillance.
Cela est encore plus vrai au regard des importantes participations financières consenties par les collectivités et au rôle fondamental qu’elles ont joué et jouent encore dans le développement du secteur portuaire.
En effet, il est essentiel que les collectivités, que ce soient les communes où sont installés les ports, les collectivités régionales ou les communautés de communes, puissent disposer d’un nombre de sièges leur permettant d’exercer en pleine responsabilité leurs compétences de développeurs économiques, notamment en prenant l’initiative, avec le soutien de l’État, de la création d’une zone franche.
Ainsi, monsieur le ministre, tout en étant conscients de l’urgente nécessité d’une évolution du statut des ports tendant à les redynamiser à de les inscrire dans l’effort national, donnons réellement aux collectivités territoriales, et donc à la future collectivité unique, cette capacité d’agir, ne serait-ce qu’en considération de leur importante participation financière. Nos ports pourront alors devenir la porte ouverte à une nouvelle expérience de zone franche et de développement économique tourné vers la zone du Caricom.
Tout comme vous, nous savons qu’il s’agit du poumon de notre économie, un poumon ouvert, si j’ose dire, sur la France et prochainement, nous l’espérons, sur nos amis de la Caraïbe, voire sur le monde.
Rappelons d’ailleurs l’ouverture programmée pour 2014 de la troisième écluse du canal de Panama, qui devrait permettre aux ports d’outre-mer, à celui de Fort-de-France notamment, de densifier les flux de marchandises. C’est d’ailleurs aussi dans cette optique que d’importants projets de modernisation des installations ont lieu.
Pour conclure, je dirai que la gouvernance imaginée me paraît singulièrement inachevée et qu’elle risque fort de s’apparenter à de l’agitation sympathique si nos amendements ne sont pas pris en compte.
Oui à un nouveau port ! Oui à une nouvelle gestion des ports ! Mais oui aussi à une gestion collégiale permettant à chacun de donner son avis, à chaque partenaire de trouver sa place ! Oui, donc, à une structure nouvelle au sein de laquelle chacun pourra faire entendre sa voix !
Et pourvu que l’outil nouveau serve à casser progressivement la caractéristique économique de nos pays, terre d’« import-import » ! Oui à un véritable import-export, nous intégrant enfin dans nos bassins géographiques naturels !
Puisse ce projet de loi, amendé, être le coup d’envoi d’une nouvelle conception de la notion d’échange commercial et même de la notion d’échange tout court. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi déterminant et indispensable pour l’avenir de nos ports d’outre-mer relevant de l’État.
Ce texte a pour spécificité d’avoir recueilli, lors de son examen tant par l’Assemblée nationale que par la commission de l’économie du Sénat, et cela mérite d’être souligné, le soutien de parlementaires de tous horizons. Effectivement, nous avons tous à cœur de rendre cette réforme possible, afin d’aligner le statut des ports d’outre-mer sur le droit métropolitain découlant de la réforme portuaire de 2008.
La modernisation des ports ultramarins est une question cruciale pour nos territoires, d’autant qu’ils sont pour la plupart insulaires. Nos ports sont, en effet, une ouverture sur le monde extérieur et une zone d’échanges : ils constituent, par conséquent, un élément majeur de nos économies locales. Ils occupent de fait une position géographique stratégique dans les échanges de chacun de nos départements avec l’extérieur. Ils sont les centres vitaux de l’économie et du développement de nos collectivités ultramarines, les trafics de marchandises s’effectuant en quasi-totalité par voie maritime. Le poids des ports dans l’économie ultramarine est donc beaucoup plus important outre-mer qu’en métropole.
Le gain de compétitivité de nos installations portuaires que suscitera le présent texte contribuera à développer nos économies ultramarines, notre tourisme et notre filière pêche.
La situation de Port Réunion, au carrefour des routes maritimes Asie-Amérique et Europe-Afrique, est tout à fait remarquable. La région de l’océan Indien est d’ailleurs l’une des plus dynamiques en matière d’échanges commerciaux par voie maritime.
Dès lors, Port Réunion gagnera en efficience et sera véritablement une plateforme incontournable, notamment dans la région de l’océan Indien. Il est, du reste, le seul port français à cumuler les cinq fonctions de gare maritime, de port de commerce, de port de plaisance, de port de pêche et de base navale. Il dispose, de surcroît, de moyens logistiques performants et modernes. Les 4 millions de tonnes de marchandises traitées en font le troisième port français de conteneurs, derrière ceux du Havre et de Marseille.
Comme l’a indiqué Mme le rapporteur, il constitue le « principal port maritime des départements d’outre-mer et celui dont l’activité se développe le plus ». Il gère ainsi 60 % des échanges entre l’Europe et les îles de l’océan Indien.
Port Réunion s’affiche donc comme un port d’un rayonnement régional majeur, dont les infrastructures, les équipements et les outillages sont remarquables. Il dispose également d’un personnel qualifié, avec un haut niveau de technicité, dont les compétences et les expertises sont reconnues, je tiens à le souligner en cet instant.
Cet outil unique doit pouvoir disposer des moyens nécessaires pour devenir un acteur majeur et jouer ainsi un rôle déterminant dans le développement de la compétitivité de l’île de la Réunion.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Michel Fontaine. Or le management partagé entre l’État et la chambre de commerce et d’industrie n’est plus, aujourd’hui, en mesure de répondre aux nouvelles exigences de performance, de productivité et de réactivité. Ce fait plaide pour la transformation de Port Réunion en grand port maritime.
Grâce à l’unité de fonctionnement et de gestion dont il bénéficiera, ce nouvel établissement public national, avec une gouvernance réformée, sera un atout. Cette nouvelle gouvernance permettra également la mise en place d’outils d’aide à la décision et d’évaluation des politiques tels que l’observatoire des prix, ce qui assurera, notamment, un meilleur fonctionnement concurrentiel.
À La Réunion, le présent projet de loi fait largement consensus et tous les acteurs du secteur appellent de leurs vœux une application rapide de cette réforme portuaire. Cette forte attente est d’ailleurs confortée par le fait qu’il n’existe aucun obstacle technique ou administratif à sa mise en œuvre.
Avec ce projet de loi, monsieur le ministre, vous permettez à nos ports français d’outre-mer de devenir plus performants et mieux armés pour affronter la concurrence qui sévit à l’échelle mondiale.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je me réjouis de cette réforme et apporte mon entier soutien à ce texte majeur pour l’avenir du secteur portuaire ultramarin. (M. Charles Revet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi visant à réformer les ports d’outre-mer s’imposait parce qu’il n’était pas concevable que la réforme de 2008 relative aux grands ports maritimes français ne prenne pas en considération les ports d’outre-mer, plus précisément ceux des départements d’outre-mer, sachant que le port de La Réunion est le troisième port français de conteneurs et que ceux de Fort-de-France et de la Guadeloupe sont respectivement les cinquième et sixième ports français.
Véritables poumons économiques, car c’est par leur biais que transitent l’ensemble des biens manufacturés, les produits alimentaires, les ressources énergétiques, ils ne pouvaient donc être exclus d’une réforme dont l’objectif est de donner aux ports les moyens de leurs ambitions en les modernisant, en améliorant leur compétitivité et en simplifiant leur gouvernance.
Faut-il rappeler une fois de plus que 97 % des surfaces maritimes françaises se trouvent dans les outre-mer et que, grâce aux outre-mer, la France est ainsi la deuxième puissance maritime au monde ?
Aussi ce texte était-il très attendu et a-t-il recueilli, s’agissant des grands principes qu’il pose, un certain consensus parmi tous les acteurs concernés, qu’il s’agisse des chambres de commerce et d’industrie, des collectivités territoriales, des syndicats.
La gouvernance modernisée des ports, l’accroissement de leur compétitivité, le renforcement de leur contribution au développement du territoire sur lequel ils sont implantés étaient souhaité depuis très longtemps déjà par les différents partenaires économiques et politiques.
Le principe d’une loi d’adaptation prenant en considération le contexte particulier de nos territoires est également positif et part d’une bonne intention. Malheureusement, monsieur le ministre, vous avez eu du mal à intégrer cette donnée dans votre texte, singulièrement pour ce qui concerne la Guyane. Le projet de loi ne tient pas compte de la réalité géographique particulière de ce territoire.
Même si le port principal de Guyane, celui de Dégrad-des-Cannes, est le plus petit port maritime de commerce de France, il est néanmoins le point de transit d’environ 95 % du fret de Guyane, constituant ainsi, si je puis dire, le cordon ombilical de notre territoire avec l’extérieur. Certes, ce port accuse une très faible productivité, notamment du fait de la vétusté de ses équipements. L’amélioration de ses infrastructures est donc un préalable à un réel désenclavement. De plus, certaines charges spécifiques – dragage continuel du chenal, frais de manutention – en font l’un des ports le plus chers du monde.
Aussi, avant l’entrée en vigueur de ce texte, il importe que certains préalables soient levés.
La gouvernance de la structure doit être modifiée, par le biais d’une augmentation du nombre de représentants d’élus locaux, comme l’ont demandé tous mes collègues ultramarins.
Une véritable concertation doit être établie, en vue de mieux définir les garanties statutaires des agents de la place portuaire, notamment celles du gestionnaire.
Les modalités d’indemnisation de la rupture anticipée de la concession avec la chambre de commerce et d’industrie doivent être clarifiées.
Le financement par l’État du coût du dragage du port de Dégrad-des-Cannes, opération qui représente une charge de plus de 5 millions d’euros, doit être pérennisé. Cette charge sera-t-elle intégrée par le nouvel établissement public ?
Enfin, la création d’une zone franche, adossée au port, doit permettre le développement des filières endogènes et de donner au port toute sa dimension économique.
Pour ce qui concerne la Guyane, un autre élément doit être pris en compte, à savoir l’existence de deux autres ports, celui de Pariacabo et le port fluvial de l’Ouest, situé à 250 kilomètres de Dégrad-des-Cannes. L’enjeu du développement de ce dernier est particulièrement important, car le potentiel de consommation et d’activité de l’ouest guyanais pèse d’un poids grandissant en Guyane et nécessite des filières d’approvisionnement renforcées. La population de l’ouest de ce territoire, en forte croissance, dépassera celle du reste du territoire d’ici à vingt ans. Il ne serait donc guère sensé de limiter le ravitaillement d’un aussi grand territoire à un seul point d’entrée, en l’occurrence le port de Dégrad-des-Cannes.
Enfin, monsieur le ministre, quid des relations entre les ports de Guyane et les ports en eaux profondes des pays voisins, notamment le Brésil, avec l’ouverture prochaine du pont de l’Oyapock et celui du Surinam ? Par ailleurs, le pétrole de Guyane transitera-t-il par un port guyanais ?
Je ne pourrais pas conclure mon intervention sans saluer le travail de la commission, notamment de son rapporteur, Mme Herviaux, qui a rendu un rapport de très grande qualité et a modifié le texte de façon qu’il prenne mieux en compte la réalité des ports d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. Mes chers collègues, nous avons essayé d’être efficaces lors de l’examen du présent projet de loi, texte relativement consensuel.
Monsieur le ministre, je suis persuadé que, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, les deux assemblées aboutiront à un texte commun.
Pour le moment, alors que nous allons commencer l’examen des articles, j’invite les auteurs des différents amendements, y compris M. le ministre, à la concision afin de gagner encore en efficacité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le président de la commission, je suivrai votre suggestion et serai donc très bref lorsque je présenterai les amendements déposés par le Gouvernement. Vous comprendrez toutefois que je prenne d'abord le temps de répondre aux orateurs qui ont eu la gentillesse de participer à ce débat.
Je vous remercie, madame le rapporteur, de la qualité de votre analyse sur la situation des ports maritimes en outre-mer. Je suis pleinement d’accord avec vous pour considérer qu’il s’agit d’un texte déterminant et indispensable pour les outre-mer, attendu avec impatience par les acteurs locaux et relativement consensuel s'agissant de sa partie relative à l’outre-mer – il en va différemment des dispositions habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances.
Avec cette réforme, nous allons enfin donner les outils de gouvernance nécessaires aux ports d’outre-mer en alignant leur statut sur le droit commun métropolitain, avec les adaptations indispensables en matière d’outillages publics.
J’ai bien noté votre souci d’accompagner la réforme concernant les transferts de personnels et la nouvelle situation des chambres de commerce et d’industrie à l’issue de la réforme. Le Gouvernement sera attentif à la prise en compte de ces deux points dans les négociations à venir, et je veillerai à ce que les préfigurateurs, qui seront la cheville ouvrière de la création de ces futurs établissements, soient nommés dans les meilleurs délais, dès le vote du projet de loi.
Par ailleurs, s’agissant du nombre de représentants des collectivités territoriales au sein du conseil de surveillance, j’ai bien conscience de la particularité de la Guadeloupe. Toutefois, le projet de loi prévoit déjà un représentant supplémentaire pour son port en raison de son caractère « multisites ». Il s’agit d’un aménagement important ; si nous allions plus loin, l’économie générale du projet de loi serait remise en cause.
Concernant vos autres propositions d’adaptation, madame le rapporteur, je souscris à votre volonté de prendre en compte la problématique de la formation des prix, qui a été évoquée par plusieurs intervenants, sur toutes les travées. Il s'agit en effet d’une préoccupation majeure en outre-mer, comme l’a rappelé M. Revet. Toutefois, le Gouvernement considère que l’inscription dans la loi d’un observatoire des prix et des revenus est superflue dès lors qu’il existe déjà un dispositif réglementaire en la matière : il suffit de l’appliquer.
Monsieur Fontaine, monsieur Vergès, je partage votre conviction selon laquelle il faut faire de Port Réunion une véritable plate-forme régionale, et je me réjouis que ce projet fasse largement consensus à La Réunion.
Monsieur Revet, j’ai bien noté votre proposition d’une nomination des membres du directoire par le conseil de surveillance dans un cadre contractuel novateur.
Monsieur Cornano, j’ai noté votre intérêt pour une gestion plus entrepreneuriale des ports ultramarins, ainsi que votre souhait d’une gouvernance vertueuse des ports, qui se traduirait notamment par l’interdiction du cumul des fonctions de président de l’exécutif local et de membre du conseil de surveillance comme représentant des collectivités territoriales.
Comme vous l’avez souligné, nos ports des Caraïbes doivent se préparer à l’évolution des circuits maritimes liée à l’élargissement des écluses du canal de Panama. L’État sera présent pour les accompagner dans leurs projets de développement, qui, complémentaires, seront intégrés dans la stratégie du conseil de coordination interportuaire.
Monsieur Antiste, j’ai entendu votre souci de voir siéger au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement. Bien qu’une telle disposition n’ait pas à figurer dans la loi, sachez que le Gouvernement sera attentif à cette demande, car je sais que la problématique de la maîtrise des prix est cruciale dans tous les départements et territoires d’outre-mer.
Monsieur Patient, je vous confirme la prise en compte de l’ensemble des ports de Guyane dans la présente réforme. Je crois d'ailleurs l’avoir déjà dit à l’Assemblée nationale, en réponse aux mêmes observations ; mes propos figurent déjà au Journal officiel.
S’agissant du volet de ce projet de loi consacré à la mise en œuvre de diverses dispositions communautaires, je ne puis que regretter la position de principe adoptée par la commission de l’économie. Je connais certes les réticences du Parlement à accepter les demandes d’habilitation du Gouvernement à prendre certaines dispositions urgentes par voie d’ordonnance. Lorsque j’étais député – je l’ai été pendant dix-sept ans –, je disais à peu près la même chose… Toutefois, l’urgence impose parfois de changer de discours lorsqu’on est ministre…
M. Jean Desessard. Ce n’est pas bien ! (Sourires.)
M. Thierry Mariani, ministre. C’est la réalité ! Si vous devenez un jour ministre, monsieur le sénateur, vous serez confronté aux mêmes problèmes de calendrier ! Soit on fait siéger le Parlement nuit et jour pendant des semaines supplémentaires, soit on a recours à cette méthode. Ce n’est certes pas glorieux – je ne vous dirai pas le contraire, ayant été vice-président de la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne – d’introduire des habilitations à prendre des ordonnances à la fin d’un projet de loi, mais c’est parfois nécessaire, d’autant que, en l’espèce, nous sommes tous d'accord sur le principe des ordonnances, comme l’a souligné monsieur le président de la commission, dont je salue la lucidité.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l’économie. N’en faites pas trop ! (Sourires.)
M. Thierry Mariani, ministre. Soucieux d’appliquer vos consignes, monsieur le président de la commission, je m’en tiendrai là s'agissant des habilitations à prendre des ordonnances ; j’y reviendrai lorsque je présenterai les amendements qui s’y rapportent.
Certains peuvent estimer que les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, mais, parfois, il vaut mieux adopter immédiatement un texte dont on déplore les lacunes que de reporter la solution de tous les problèmes à une date ultérieure.
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
I. – L’intitulé du titre Ier du livre VII de la cinquième partie du code des transports est ainsi rédigé : « Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion ».
II. – Le chapitre III du même titre Ier est ainsi modifié :
1° Au début de l’article L. 5713-1 et à l’article L. 5713-2, les mots : « Dans les départements d’outre-mer » sont remplacés par les mots : « En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion » ;
1° bis (nouveau) À l'article L. 5713-3, les mots : « aux départements d'outre-mer » sont remplacés par les mots : « en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion » ;
2° Après l’article L. 5713-1, sont insérés deux articles L. 5713-1-1 et L. 5713-1-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 5713-1-1. – Pour leur application aux ports relevant de l’État mentionnés à l’article L. 5713-1, les dispositions du chapitre II du titre Ier du livre III de la présente partie font l’objet des adaptations suivantes :
« 1° L’article L. 5312-2 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« "9° S’il y a lieu, l’acquisition et l’exploitation des outillages." ;
« 2° Au début du premier alinéa de l’article L. 5312-3, les mots : "Sous réserve des limitations prévues par l’article L. 5312-4 en ce qui concerne l’exploitation des outillages," sont supprimés ;
« 3° L’article L. 5312-4 n’est pas applicable ;
« 4° L'article L. 5312-7 est ainsi rédigé :
« "Art. L. 5312-7. – Le conseil de surveillance est composé de :
« a) Quatre représentants de l’État ;
« b) Quatre représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements en Martinique et à La Réunion et cinq représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements en Guyane et en Guadeloupe. En Guadeloupe et à La Réunion, sont membres du conseil de surveillance au moins un représentant de la région et un représentant du département, en Guyane, deux représentants de l’assemblée de Guyane et, en Martinique, deux représentants de l’assemblée de Martinique ;
« c) Trois représentants du personnel de l’établissement public, dont un représentant des cadres et assimilés ;
« d) Six personnalités qualifiées en Martinique et à La Réunion et cinq personnalités qualifiées en Guyane et en Guadeloupe, nommées par l’autorité compétente de l’État après avis des collectivités territoriales et de leurs groupements, dont trois représentants élus de la chambre de commerce et d’industrie territorialement compétente et un représentant du monde économique.
« Le conseil de surveillance élit son président. La voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix" ;
« 5° L’article L. 5312-11 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« "Le conseil de développement comprend au moins un représentant des consommateurs." ;
« 6° L’article L. 5312-17 est ainsi modifié :
« a) Le premier alinéa est complété par les mots : "ou à un port non autonome relevant de l'État" ;
« b) Au 1° , après les mots : "le conseil d'administration", sont insérés les mots : "ou le conseil portuaire" ;
« Art. L. 5713-1-2. – Il est institué entre les grands ports maritimes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique un conseil de coordination interportuaire associant des représentants de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des ports concernés, ainsi que des personnalités qualifiées.
« Ce conseil adopte un document de coordination relatif aux grandes orientations en matière de développement, de projets d'investissement et de promotion des ports qui y sont représentés. Ce document peut proposer des modalités de mutualisation de leurs moyens.
« Les collectivités territoriales de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique, ou leurs groupements, responsables de la gestion d'un port maritime peuvent, à leur demande, être associés à ses travaux.
« La composition du conseil de coordination interportuaire, les modalités de désignation de ses membres, ses règles de fonctionnement et les conditions d'élaboration du document de coordination sont déterminées par décret. »
« Art. L. 5713-1-3 à L. 5713-1-6. – (Supprimés) »
III. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Desplan, Cornano, J. Gillot, Antiste et Antoinette, Mme Claireaux, MM. S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14, première phrase
1° Remplacer les mots :
et cinq
par le mot :
, cinq
2° Après les mots :
Guyane et
insérer les mots :
six représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements
II. - Alinéa 16
1° Remplacer les mots :
et cinq
par le mot
, cinq
2° Après les mots :
Guyane et
insérer les mots :
quatre personnalités qualifiées
3° Après le mot :
dont
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
« - trois représentants élus de la chambre de commerce et d'industrie territorialement compétente en Martinique, en Guyane et à La Réunion et deux en Guadeloupe ;
« - un représentant du monde économique ;
« - un représentant des consommateurs.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. J’ai complété cet amendement en ajoutant la mention d’un représentant des consommateurs, afin d’y intégrer la proposition contenue dans l’amendement n° 11, déposé par M. Serge Larcher, qui voit là un moyen de mieux prendre en compte la problématique de la vie chère.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 16
1° Supprimer les mots :
après avis des collectivités territoriales et de leurs groupements,
2° Remplacer les mots :
et un représentant du monde économique
par une phrase ainsi rédigée :
Les autres personnalités qualifiées, dont un représentant du monde économique, sont nommées après avis des collectivités territoriales et de leurs groupements, membres du conseil de surveillance.
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. Le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit la consultation des collectivités territoriales sur la nomination des personnalités qualifiées appelées à siéger au sein du conseil de surveillance. Or les collectivités territoriales concernées ne sont pas précisément identifiées, ce qui rend la rédaction équivoque.
L’Assemblée nationale a également prévu que l'avis des collectivités territoriales serait requis sur la nomination des membres élus des chambres de commerce et de l'industrie. Or il ne paraît pas nécessaire d'alourdir la procédure dès lors que les représentants des CCI sont proposés par leur institution.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Desplan, S. Larcher, Antiste, Patient, Antoinette, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après les mots :
leurs groupements
Insérer les mots :
dont une partie du territoire est située dans la circonscription
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Six personnalités qualifiées doivent être désignées pour siéger au sein du conseil de surveillance de l’établissement public gestionnaire des ports d’outre-mer. Le projet de loi prévoit que les collectivités territoriales rendent un avis sur les personnalités proposées pour siéger au sein des conseils de surveillance. Il est nécessaire de préciser qu’aux collectivités territoriales concernées s’ajoutent les intercommunalités.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Après les mots :
territorialement compétente
insérer les mots :
, un représentant des consommateurs
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Comme nous l’avons déjà souligné plusieurs fois au cours de ce débat, les coûts de traitement des marchandises qui transitent dans nos ports affectent directement et fortement les prix de revient de ces marchandises, et donc leur prix final pour les consommateurs. Ce sont ces mêmes consommateurs qui sont descendus en masse dans les rues en 2009 pour dénoncer le niveau exagéré des prix en outre-mer.
Il est donc indispensable que des représentants des consommateurs soient présents au sein des différents organes de gestion et d’administration des ports, et plus particulièrement au sein du conseil de surveillance. En effet, non seulement ce dernier détermine les orientations stratégiques de l’établissement et exerce le contrôle permanent de sa gestion, mais il délibère en outre sur les projets stratégiques du port. Ce sont les stratégies décidées à ce niveau qui se répercuteront sur les prix des produits consommés. La représentation des consommateurs est donc bien légitime.
Toutefois, je retire cet amendement puisqu’il est satisfait par l’amendement n° 5 rectifié.
M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par MM. J. Gillot, Cornano, Desplan, Antiste et Antoinette, Mme Claireaux, MM. S. Larcher, Mohamed Soilihi, Patient, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer les mots :
du monde économique
par les mots :
désigné par la région et le département
M. Jacques Cornano. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
L'amendement n° 6, présenté par MM. Antiste, S. Larcher, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, en lien avec l’activité de commerce maritime et portuaire de la circonscription
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement vise à préciser les qualités requises pour la représentation du monde économique, notamment une connaissance pratique des réalités de la place portuaire. En effet, il ne doit pas s’agir de personnes venant de métropole par avion uniquement pour voter, comme c’est actuellement le cas de certains représentants de l’État.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les quatre amendements restant en discussion ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. L’amendement n° 5 rectifié bis apporte à mes yeux une solution équilibrée. En effet, il tient compte de la spécificité de la Guadeloupe, sa dimension archipélagique justifiant une adaptation de la composition du conseil de surveillance de son port.
Cet amendement est d’autant plus pertinent que ce renforcement de la place des collectivités territoriales se fait sans modification des équilibres au sein du conseil de surveillance. La mention de la présence d’un représentant des consommateurs nous satisfait également. La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Elle est, en revanche, défavorable à l’amendement n° 26. Les députés ont prévu que la désignation des personnalités qualifiées du conseil de surveillance serait soumise à l’avis des collectivités territoriales et de leurs groupements dans les départements d’outre-mer. Il s’agit d’une avancée importante. La limitation de l’intervention des collectivités territoriales et de leurs groupements ne nous paraît pas adaptée à la situation.
La commission est favorable à l’amendement n° 4 rectifié, qui paraît apporter une précision utile.
La commission est défavorable à l’amendement n° 6, qui vise à préciser que le représentant du monde économique membre du conseil de surveillance en tant que personnalité qualifiée doit être « en lien avec l’activité de commerce maritime et portuaire de la circonscription ». Si, sur le fond, je comprends votre souci, cher collègue Antiste, je rappelle qu’il s’agit surtout ici d’éviter les problèmes que peuvent causer les situations monopolistiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Vous comprendrez que, le Gouvernement ayant déposé l’amendement n° 26, il soit par définition défavorable aux amendements nos 5 rectifié bis, 4 rectifié et 6.
Je répète que, à notre sens, le texte adopté par l’Assemblée nationale prend déjà en compte la spécificité géographique de la Guadeloupe. Il nous semble que la solution adoptée est suffisante.
Par ailleurs, nous estimons que l’approbation par les collectivités territoriales des membres du conseil de surveillance choisis par les CCI n’est pas nécessaire : il vaut mieux que les CCI puissent les désigner de manière totalement indépendante.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 26 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 6 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 7, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Desplan, S. Larcher, Antiste, Patient, Antoinette, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 16
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les membres du conseil de surveillance ne sauraient cumuler ce rôle avec la présidence d’un exécutif local.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Les ports d’outre-mer constituent, nous le savons tous, des poumons socio-économiques essentiels. Leur gestion doit donc être la plus irréprochable et la plus efficace possible.
Les conflits d’intérêts doivent ainsi être prévenus. En effet, si les dirigeants des établissements publics gestionnaires de ports ont des intérêts ailleurs, notamment en raison de mandats exécutifs locaux, le doute pourrait s’insinuer quant à l’objectivité du dirigeant dans sa prise de décision.
Par conséquent, il est utile de prévoir une règle de non-cumul entre la fonction de membre d’un conseil de surveillance et celle de président d’un exécutif local.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Si je comprends bien votre souci, mon cher collègue, il me paraît difficile d’interdire dans la loi le cumul de quelque fonction que ce soit avec les fonctions d’élu. Je rappelle que non seulement nous sommes nous-mêmes des élus, mais que, au Sénat, nous représentons les élus des territoires.
Je vous demande donc de retirer cet amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur Cornano, votre préoccupation semble déjà satisfaite puisqu’il est prévu aux articles R 102-4 et R 102-8 du code des ports maritimes que les membres du conseil de surveillance doivent fournir une déclaration qui vise notamment à éviter tout cumul de fonctions. Votre amendement me paraît donc superflu.
M. le président. Monsieur Cornano, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Jacques Cornano. Au vu de ces explications, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Desplan, S. Larcher, Antiste, Patient, Antoinette, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La proportion des membres du conseil de surveillance de chaque sexe ne peut être inférieure à 40 %.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. À la suite des explications qui m’ont été fournies par Mme le rapporteur, je retire également cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 12, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« …° – À la deuxième phrase de l’article L. 5312-9 du même code, les mots : « après avis conforme » sont remplacés par les mots : « sur proposition ».
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. La réforme portuaire dont nous débattons en vue de l’adapter aux outre-mer est appliquée dans l’Hexagone depuis quatre ans et l’on peut déjà en tirer certains enseignements pour sa mise en place dans nos régions.
À ce titre, l’analyse et les propositions formulées par le groupe de travail sur la réforme portuaire, présidé par notre collègue Charles Revet, sont particulièrement intéressantes. Le rapport qui a été présenté en juillet dernier conclut en particulier que la réforme de 2008 était insuffisante pour enrayer le déclin de nos ports, et j’ai bien noté qu’une des principales raisons de cette situation, outre le désengagement financier de l’État, était le manque d’ancrage sur les territoires.
Nos collègues du groupe de travail ont souligné la très forte dépendance des établissements portuaires à l’égard de l’État, qui contraste avec le volontarisme des principaux ports européens. Les grands ports du nord de l’Europe ont, en effet, adopté une gouvernance entrepreneuriale, placée sous le contrôle des pouvoirs locaux plutôt que nationaux.
Nos collègues ont donc été amenés à formuler un premier axe de propositions consistant à élaborer une stratégie nationale pour nos ports qui donne la priorité aux collectivités territoriales. Ils conseillent de décentraliser dans un premier temps la gouvernance des grands ports maritimes.
Le présent amendement, qui vise à donner au conseil de surveillance un pouvoir d’initiative sur la nomination du président du directoire, va donc bien dans le sens des préconisations du groupe de travail sur la réforme de 2008.
Pourquoi donc attendre l’adoption d’une nouvelle loi, qui sera certainement appliquée avec retard dans nos régions ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. J’entends bien les préoccupations des auteurs de cet amendement, mais il ne me paraît pas illégitime que, pour des ports relevant de l’État, le président du directoire soit nommé par décret.
Je souhaite cependant vous rassurer, mes chers collègues : le conseil de surveillance n’aura certes pas l’initiative de la nomination du président du directoire, mais il disposera d’un droit de veto. Par ailleurs, les autres membres du directoire seront nommés par le conseil de surveillance sur proposition du président du directoire.
Cela étant, cet amendement me donne l’occasion de vous dire, monsieur le ministre, qu’il est effectivement essentiel que les présidents de directoire des futurs grands ports maritimes d’outre-mer disposent des compétences nécessaires pour gérer un port. Nous ne souhaitons pas, les uns et les autres, que perdure cette pratique des allers-retours parfois très rapides qu’a évoquée Serge Larcher.
Sous le bénéfice de ces observations, mon cher collègue, je vous demande de retirer votre amendement, faute de quoi je me verrai contrainte d’en demander le rejet.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Mon avis est le même que celui de Mme le rapporteur, que je veux toutefois rassurer s’agissant de la nomination des présidents de directoire des ports. Il est évident que, comme en métropole aujourd'hui, ce seront des professionnels confirmés qui seront nommés. Diriger un port est un vrai métier, supposant de vraies compétences, et il n’est pas question de nommer quelqu’un qui ne serait pas en mesure de remplir une mission aussi importante.
M. le président. Monsieur Larcher, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
M. Serge Larcher. Je le retire, monsieur le président.
Bien sûr, monsieur le ministre, je vous fais confiance, mais nous avons vu tant de choses en outre-mer, notamment des gens venant en avion pour assister à un conseil d’administration, puis repartir aussitôt, que nous étions fondés à déposer un tel amendement.
Certaines pratiques doivent être définitivement révolues. Le port est un véritable poumon pour nos territoires et pour leur développement, nous en sommes tous convenus, et celui qui sera désigné comme président du directoire devra être un véritable professionnel : nous ne voulons pas avoir à regretter, demain, la nomination d’un visiteur du week-end…
M. Roland Courteau. C’est logique !
M. le président. L'amendement n° 12 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 24, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 18 et 19
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. La disposition qui prévoit la présence d’au moins un représentant des consommateurs au sein du conseil de développement apparaît superflue dès lors qu’il existe déjà une base légale, en l’occurrence l’article L. 5312-11 du code des transports, qui prévoit que les milieux professionnels, sociaux et associatifs peuvent d’ores et déjà être représentés au sein du conseil de développement.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Desplan, S. Larcher, Antiste, Patient, Antoinette, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Un comité d’usagers peut être instauré. Il s’organise sous forme d’association. Il peut faire des propositions pour améliorer les actions et les services au conseil de surveillance. Quand il existe, il est consulté sur la politique tarifaire de l’établissement public.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Une gestion économique efficiente des ports d’outre-mer passe par une politique tarifaire transparente, laquelle n’est possible que si les tarifs font l’objet de discussions entre les principaux intéressés, au premier rang desquels les usagers.
La possibilité d’instaurer des comités d’usagers au sein des établissements publics gestionnaires des ports d’outre-mer est un outil à la fois de démocratie participative et de bonne gestion.
Idéalement constitués sous forme d’association regroupant une dizaine de membres, ces comités pourraient être consultés sur la politique tarifaire des établissements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Monsieur le ministre, je dois avouer que je ne comprends pas votre amendement n° 24, car les arguments figurant dans son exposé des motifs ne me paraissent absolument pas recevables.
Il est vrai que l’article L. 5312-11 du code des transports prévoit la représentation des milieux professionnels, sociaux et associatifs au sein du conseil de développement des grands ports maritimes et que cette disposition, applicable dans l’Hexagone, le sera également dans nos départements d’outre-mer.
Pour autant, ayant vérifié la composition du conseil de développement des grands ports maritimes hexagonaux qui disposent d’un site Internet détaillé, j’ai pu constater qu’aucun représentant des associations de consommateurs n’y figurait.
Nous sommes régulièrement sollicités pour faire siéger dans les instances de ce genre des représentants des associations de défense de l’environnement, et j’ai souvent l’occasion de demander qu’il en aille de même pour les associations de consommateurs. En l’espèce, comme dans beaucoup d’autres cas, la représentation de celles-ci serait tout à fait bienvenue.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Vous l’aurez deviné, monsieur le ministre, notre avis est donc défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 9, il me semble important que les usagers puissent, s’ils le souhaitent, créer un comité au sein du conseil de développement des futurs grands ports ultramarins. À titre personnel, j’estime en effet qu’un tel comité permettrait de mieux associer les usagers des ports concernés, c'est-à-dire les armateurs ou les manutentionnaires, à la gestion de ces derniers.
La commission ne m’a toutefois pas suivie : estimant que le fait de faire figurer la possibilité d’instituer une telle structure dans la loi n’était pas utile, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 9 ?
M. Thierry Mariani, ministre. Il est logique que j’y sois opposé puisqu’il est contradictoire avec mon propre amendement.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par MM. Antiste, S. Larcher, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Après l’article L. 5312-11 du code des transports, il est inséré un article L. 5312-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5312-11-1. – Dans les régions d’outre-mer où une structure regroupant les acteurs et opérateurs du port est déjà constituée, les représentants des milieux professionnels composant le conseil de développement sont choisis au sein de cette structure. »
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Je propose que les représentants des milieux professionnels composant le conseil de développement soient choisis parmi les membres du CSOP, le comité de suivi et observatoire des activités portuaires, qui, je le rappelle, est le fruit d’une initiative locale destinée à combler un vide dû à l’absence de gouvernance moderne.
Ce comité, mis en place depuis peu par notre collègue député Serge Letchimy, a permis de réunir autour d’une même table tous les acteurs du monde économique portuaire et de contribuer ainsi à la bonne marche du port de Fort-de-France, après le conflit social de 2009.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Cet amendement prévoit que, dans les départements d’outre-mer où une structure regroupant les acteurs et opérateurs du port est déjà constituée, les représentants des milieux professionnels composant le conseil de développement seront choisis au sein de cette structure.
Cet amendement ne concerne en fait que la Martinique, département dans lequel des initiatives ont été prises, notamment par le président du conseil régional, dont il convient de saluer les efforts en ce sens, qui ont conduit à la mise en place du CSOP.
Le présent amendement conduirait à ce que les représentants des milieux professionnels du futur conseil de développement du port de Fort-de-France soient choisis au sein de ce dernier.
Je comprends bien l’intérêt de cet amendement : il s’agit de faire fonctionner le futur conseil de développement sur les bases du comité.
Cependant, cet amendement soulève à nos yeux plusieurs difficultés.
Tout d’abord, que deviendra le CSOP une fois que le conseil de développement aura été mis en place et fonctionnera ?
Ensuite, si le CSOP doit évoluer, il peut devenir une véritable instance de dialogue social, de manière qu’il n’y ait pas d’interférences.
La commission, à qui j’avais proposé de s’en remettre à la sagesse de notre Haute Assemblée, ne m’a pas suivie et a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Peut-être le Gouvernement rassurera-t-il ses auteurs : une période de transition, pendant laquelle les membres du CSOP siégeraient au sein du futur conseil de développement, pourrait être envisagée…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Un an au plus tard après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les possibilités de maîtrise des coûts dans les cas de situation monopolistique dans les ports des régions d’outre-mer.
La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Nos économies sont insulaires, celles de la Guyane exceptée, bien sûr, et toutes sont très dépendantes de l’Hexagone. C’est pourquoi les entreprises locales doivent intégrer des charges bien plus importantes en matière de transport ou de délais d’approvisionnement et de livraison.
Elles subissent en outre les effets d’une concurrence imparfaite. Le secteur des transports, le fret maritime ou encore la production de carburant sont, en effet, marqués par des situations monopolistiques. Les Antilles, par exemple, sont desservies par une compagnie maritime, la CGM, qui détient un quasi-monopole sur les lignes concernées.
Ces situations monopolistiques peuvent quelquefois s’expliquer, mais elles ont un impact important sur les tarifs pratiqués et favorisent les dérapages des prix. On en arrive à des tarifs portuaires très supérieurs à ceux des grands ports maritimes hexagonaux.
C’est, bien sûr, le consommateur final qui subit de plein fouet le niveau des prix trop élevés et les restrictions de concurrence. La grave crise sociale intervenue en 2009 est une des conséquences directes de cette situation.
Le Gouvernement, qui, de par ses fonctions régaliennes, doit faire respecter la libre concurrence, dispose de l’expertise et des outils nécessaires pour assurer la protection des consommateurs. Je propose donc qu’il remette au Parlement une étude sur la maîtrise, dans ces situations monopolistiques, des coûts dans les ports des régions d’outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Mes chers collègues, vous savez que la commission de l’économie, comme les autres commissions permanentes de notre assemblée, n’est guère favorable aux demandes de rapports divers et variés, d’autant que, même lorsqu’elles ont été sanctionnées par un vote, elles ne sont pas toujours suivies d’effet…
En l’occurrence, l’intervention des services de l’État m’aurait néanmoins paru nécessaire puisque la technicité et les nombreuses spécificités du sujet appellent une expertise qu’en toute objectivité ni les collectivités locales ni les ports ne peuvent avoir. Toutefois, fidèle à sa ligne de conduite, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Thierry Mariani, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. La loi n’a pas pour objet de fixer le programme de travail du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par MM. Cornano, J. Gillot, Desplan, S. Larcher, Antiste, Patient, Antoinette, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le délai d’un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’évaluation des besoins en équipement et hautes technologies dans les ports d’outre-mer.
La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Les ports en outre-mer sont situés dans des régions réellement stratégiques du point de vue géographique et commercial. Ils doivent donc être pourvus des moyens de haute technologie les plus avancés afin d’être attractifs pour leurs usagers et de leur offrir les meilleures prestations possibles.
Le projet de loi prévoit que les établissements publics gestionnaires des ports conservent la propriété des équipements portuaires. C’est pourquoi nous demandons que, dans le délai d’un an après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’évaluation des besoins en équipement et hautes technologies dans les ports d’outre-mer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Pour les raisons que j’ai avancées à propos de l'amendement n° 1, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Les rapports demandés par l'amendement n° 1 et par l’amendement n° 2 ne sont pas de même nature.
Le rapport souhaité par Serge Larcher et dont le Sénat vient d’adopter le principe en votant l'amendement n° 1 porte sur les équipements portuaires et il est très technique. À mon avis, seuls les services du ministère sont à même de le produire, car ils disposent de l’expertise et des outils nécessaires. Il n’en est pas de même pour le rapport préconisé maintenant par Jacques Cornano, et l’avis défavorable émis par Mme le rapporteur me semble tout à fait justifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
(Non modifié)
I. – Jusqu’à la première réunion de l’assemblée de Guyane suivant sa première élection en mars 2014, le conseil de surveillance comporte, pour l’application en Guyane du b du 4° de l’article L. 5713-1-1 du code des transports, au moins un représentant de la région et un représentant du département.
II. – Jusqu’à la première réunion de l’assemblée de Martinique suivant sa première élection en mars 2014, le conseil de surveillance comporte, pour l’application en Martinique du même b, au moins un représentant de la région et un représentant du département.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mme Herviaux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
du 4 ° de l'article L. 5713-1-1
par les mots :
de l'article L. 5312-7
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les perspectives de développement de l’activité portuaire dans le département de Mayotte ainsi que sur les réformes nécessaires à ce développement.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
M. Thani Mohamed Soilihi. J’en suis conscient, le port de Mayotte n’est pas intégré dans le périmètre de la réforme, car il ne constitue pas un port relevant de l’État, sa propriété ayant été confiée au conseil général. Pour autant, afin de permettre à ce nouveau département, territoire longtemps oublié, d’effectuer son propre développement économique, j’en appelle au Gouvernement pour qu’il lance une étude sur le potentiel de ce qu’on appelle volontiers sur place le « poumon de Mayotte ».
Peu d’infrastructures sont de nature à atténuer le désenclavement de l’« île hippocampe ». Le port de Longoni et l’aéroport en font partie. Or, trop souvent, des projets et des réformes sont lancés à Mayotte sans véritable étude ni chiffrage.
Cet amendement vise à prévoir l’élaboration et la remise au Parlement d’un rapport faisant l’état de la situation portuaire à Mayotte. Ce serait également l’occasion d’envisager les réformes nécessaires au développement de l’activité économique et touristique de l’île, dans le respect toutefois de son environnement exceptionnel.
J’ai entendu les réserves de la commission sur les demandes de rapport. Néanmoins, compte tenu du retard chronique dont souffre Mayotte, il est peut-être temps de penser à une telle étude.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Il est vrai que le port de Mayotte n’est pas concerné par le présent projet de loi. Néanmoins, nous savons très bien qu’il est confronté à des problématiques spécifiques. Pour autant, la commission n’a pas suivi mes recommandations et a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mon cher collègue, je vous suggère d’évoquer cette problématique dans le cadre de la délégation à l'outre-mer et de solliciter l’élaboration d’un rapport sur ce sujet, qui le mérite indiscutablement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
Article 2 bis (nouveau)
Avant le titre Ier du Livre IX du code de commerce, il est inséré un titre Ier A ainsi rédigé :
« TITRE IER A
« OBSERVATOIRES DES PRIX ET DES REVENUS DANS LES OUTRE-MER
« Art. L. 910-1 A. – En Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon, un observatoire des prix et des revenus a pour mission d'analyser le niveau et la structure des prix et des revenus et de fournir aux pouvoirs publics une information régulière sur leur évolution.
« Chaque observatoire publie annuellement des relevés portant sur le niveau et la structure des coûts de passage portuaire.
« Les modalités de désignation du président, la composition de l’observatoire et ses conditions de fonctionnement sont définies par décret. »
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. L’inscription dans la loi d’un observatoire des prix et des revenus dans les départements et collectivités d’outre-mer ne paraît pas pertinente dès lors qu’un dispositif réglementaire prévoit la création d’un observatoire des prix et des revenus en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La base réglementaire semble suffisante pour prendre en compte les recommandations du rapport de 2009.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Monsieur le ministre, l’article 2 bis n’est pas révolutionnaire, mais il me paraît revêtir une forte portée symbolique. Presque tous les orateurs l’ont dit au cours de la discussion générale : la problématique des prix est importante pour les outre-mer.
Les observatoires des prix et des revenus dans les outre-mer existent aujourd’hui et leur statut est régi par un décret de 2007. Pour autant, il est utile de consacrer leur existence dans la loi, comme cela a été fait pour l’observatoire des tarifs bancaires dans les départements d'outre-mer ou comme le Gouvernement l’a proposé lui-même, dans le cadre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, pour l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.
Par ailleurs, l’article vise à préciser que ces observatoires doivent assurer la transparence des coûts de passage portuaire. Il s’agit d’un sujet essentiel dans les outre-mer, où la question de la transparence de la formation des prix est particulièrement sensible.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2 bis
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. S. Larcher, Antiste, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le capital des sociétés qui contrôlent les aéroports situés dans les départements d’outre-mer est majoritairement détenu par des personnes publiques.
M. Serge Larcher. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 15 est retiré.
L'amendement n° 16, présenté par M. Le Cam, Mmes Pasquet, Didier et Schurch, M. Vergès et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Tout service de cabotage maritime tel que visé à l'article 2 du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l’application du principe de libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres doit respecter l'article 1er dudit règlement ainsi que les modalités définies par le présent article.
II. - Tout armateur communautaire peut constituer et gérer une entreprise maritime sur le territoire national afin d'y exploiter un ou plusieurs navires sur des services de cabotage maritime ou d'assistance portuaire, dans les conditions prévues par la législation française pour ses propres ressortissants, sous réserve d'être en conformité avec la législation relative aux capitaux et aux paiements définie par le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, au titre de la libre circulation des personnes, des services et des capitaux dans le marché intérieur.
III. - Les navires effectuant les services suivants doivent être immatriculés sous le pavillon du premier registre français, conformément aux conditions définies par la législation française pour ses propres ressortissants :
- les navires transporteurs de passagers basés dans les ports français qui assurent des lignes régulières intra-communautaires, des lignes dont la liste est fixée par décret et des lignes régulières internationales telles les lignes régulières avec le Maghreb,
- les navires exploités exclusivement au cabotage national,
- les navires d'assistance portuaire basés dans les ports français, notamment ceux affectés au remorquage portuaire, au dragage d'entretien, au balisage, au pilotage, aux avitaillements et au lamanage,
- les navires de pêche professionnelle basés dans des ports français.
Peuvent être exclus du présent article les navires de croisière et les navires de charge armés au long cours et au cabotage international ainsi que les navires armés à la plaisance professionnelle de plus de 24 mètres hors tout.
IV. - L'admission d'un navire effectuant des services d'assistance portuaire, exploité exclusivement au cabotage national, assurant le transport de passager en lignes régulières ou dédié à la pêche professionnelle est subordonnée à la délivrance, au renouvellement et à la validation des titres de sécurité et des certificats de prévention de la pollution après visite du navire dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'État et par le code des transports.
L'armateur ou son représentant doit informer l'autorité maritime compétente du ou des ports français où sera basé le navire dans un délai préalable défini par décret en Conseil d'État. Ce délai correspond au temps nécessaire aux formalités administratives et aux inspections, conformément à la réglementation nationale et communautaire en vigueur mais ne peut être plus long que les délais nécessaires aux armateurs français.
V. - Est considérée comme cabotage national, la navigation pratiquée entre les ports de la France métropolitaine et ses îles, ainsi qu'entre les ports de ses territoires ultra-marins et entre les ports de la France métropolitaine et de ses territoires ultra-marins.
VI. - Les dispositions régissant l'emploi applicables à l'équipage des navires sont celles régissant l'emploi des marins nationaux.
Cet amendement n’est pas soutenu.
Article 3
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de quatre mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2002/15/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2002, relative à l'aménagement du temps de travail des personnes exécutant des activités mobiles de transport routier, pour ce qui concerne le temps de travail des conducteurs indépendants ;
2° Les mesures nécessaires pour :
a) Instituer ou modifier un système de sanctions pénales et administratives en cas de méconnaissance de la directive de l'Union européenne mentionnée au 1° et des dispositions prises en application du même 1° ;
b) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et du département de Mayotte les dispositions prises en application dudit 1°.
II. - Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication.
La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le président, avec votre autorisation, je présenterai en même temps les amendements nos 17 rectifié, 18 rectifié, 19 rectifié, 20 rectifié, 21 rectifié et 22 rectifié, qui visent respectivement à rétablir les articles 3 à 8.
Dans le prolongement de la circulaire du Premier ministre du 21 juin 2010 relative à la participation du Parlement national au processus décisionnel européen, le Gouvernement est décidé à renforcer encore le rôle du Parlement en ce domaine. Cette orientation a été confirmée et étendue au cas des mesures nationales de transposition des directives : mon collègue Jean Leonetti a exposé les nouvelles modalités d’association du Parlement à ce travail lors du conseil des ministres du 27 juillet 2011. Elle a été accueillie très favorablement par les présidents des deux chambres. Du reste, une première réunion du comité de liaison associant les services du Premier ministre, des ministères concernés et des commissions législatives et européennes devrait se réunir prochainement.
Aujourd’hui, il nous faut cependant résorber le retard pris dans les inscriptions de textes au calendrier parlementaire. Pour l’avenir, nous comptons fortement sur la participation des parlementaires à cette nouvelle dynamique qui se met en place, mais, pour l’heure, il importe que la France respecte ses engagements vis-à-vis de ses partenaires européens et mette rapidement en œuvre les dispositions communautaires concernées, sous peine de condamnations pécuniaires.
À cet égard, je rappelle à la représentation nationale que l’astreinte financière susceptible d’être infligée à la France pour le retard pris à mettre en œuvre ses obligations communautaires est comprise entre 200 000 euros et 360 000 euros par jour de retard, suivant que des mesures de transposition ont déjà été ou non prises, sans préjudice de la condamnation à une amende pouvant être de 10 millions d’euros au minimum.
Quand je vois le programme que présente le candidat socialiste à l’élection présidentielle, je me dis que, pour le cas où il l’emporterait, il y aurait là une source d’économies qui ne serait pas de trop ! (Sourires.)
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. C’est facile ! (Nouveaux sourires.)
M. Thierry Mariani, ministre. Comme cela n’arrivera pas, je suis rassuré ! (Rires.)
Au regard des trois textes pour lesquels le délai de mise en œuvre par la France est à ce jour dépassé, un calcul rapide permet d’estimer que le montant de l’astreinte dépasse d’ores et déjà les 200 millions d’euros.
Sur la directive 2002/15 précédemment évoquée, je tiens à souligner que la carence de la France date non pas de 2002 mais du 23 mars 2009, date prévue par cette directive pour son extension aux conducteurs indépendants.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Quelle incurie ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez, M. le ministre ayant fait une présentation globale de ses six amendements, je ferai à mon tour une présentation globale de l’avis de la commission à leur sujet.
Je souhaite rappeler brièvement les raisons qui ont conduit la commission, après de longs débats, à supprimer les articles 3 à 8.
Tout d’abord, ils n’ont aucun lien avec la réforme des ports d’outre-mer : quel est, en effet, le rapport entre cette réforme et le temps de travail des conducteurs routiers ou les enquêtes relatives aux accidents et incidents dans l’aviation civile et leur prévention ?
Je considère même qu’il s’agit d’une forme d’irrespect à l’égard de nos collègues d’outre-mer que de faire de ce projet de loi portant sur une réforme importante et consensuelle un texte que notre collègue rapporteur à l’Assemblée nationale a qualifié de « voiture-balai ».
Ensuite, comme je l’ai indiqué au cours de mon intervention liminaire, le recours systématique aux ordonnances pour transposer les textes européens constitue à nos yeux une atteinte aux droits du Parlement. Certes, monsieur le ministre, je le reconnais, ce n’est pas nouveau. Mais comment espérer intéresser nos concitoyens à la construction européenne et aux apports de l’Union européenne si même la représentation nationale est exclue des débats sur la mise en œuvre des textes européens ?
Par ailleurs, vous avez mis l’accent sur l’urgence, qui n’est peut-être pas si absolue que vous voulez bien le dire. En effet, il semblerait que la France n’ait été mise en demeure par la Commission européenne que pour la transposition de la directive mentionnée à l’article 3.
La commission de l’économie estime que la méthode de mise en œuvre des textes européens n’est clairement pas adaptée et associe insuffisamment le Parlement. Quand le Gouvernement prendra-t-il des mesures destinées à améliorer ladite méthode, en s’inspirant, par exemple, des propositions du groupe de travail du Sénat « transposition : objectif zéro », qui comprenait des parlementaires et des représentants des ministères ?
Pour toutes ces raisons, la commission a donc émis un avis défavorable sur les amendements nos 17 rectifié, 18 rectifié, 19 rectifié, 20 rectifié, 21 rectifié et 22 rectifié, mais j’espère, monsieur le ministre, que, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, vos services pourront nous faire parvenir les projets d’ordonnance correspondants.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Mariani, ministre. Je souhaite dire à Mme le rapporteur que trois projets d’ordonnance ont été transmis à la commission ou sont sur le point de l’être.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour l'application du règlement (UE) n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 20 octobre 2010, sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile et abrogeant la directive 94/56/CE ;
2° Les mesures nécessaires pour :
a) Instituer ou modifier un système de sanctions pénales et administratives en cas de méconnaissance du règlement de l'Union européenne mentionné au 1° et des dispositions prises en application du même 1° ;
b) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et du département de Mayotte les dispositions prises en application du 1° ;
c) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin les dispositions prises en application du 1° ;
d) Étendre, avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises les dispositions prises en application du 1°, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
II. - Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication.
Cet amendement a déjà été défendu. Je rappelle que la commission y est défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 18 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de dix mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2010/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 7 juillet 2010, concernant le cadre pour le déploiement de systèmes de transport intelligents dans le domaine du transport routier et d'interfaces avec d'autres modes de transport ;
2° Les mesures nécessaires pour :
a) Instituer ou modifier un système de sanctions pénales et administratives en cas de méconnaissance de la directive de l'Union européenne mentionnée au 1° et des dispositions prises en application du même 1° ;
b) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et du département de Mayotte les dispositions prises en application dudit 1°.
II. - Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication.
Cet amendement a déjà été défendu. Je rappelle que la commission y est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 19 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2010/65/UE du Parlement et du Conseil, du 20 octobre 2010, concernant les formalités déclaratives applicables aux navires à l'entrée et/ou à la sortie des ports des États membres et abrogeant la directive 2002/6/CE ;
2° Les mesures nécessaires pour :
a) Instituer ou modifier un système de sanctions pénales et administratives en cas de méconnaissance de la directive de l'Union européenne mentionnée au 1° et des dispositions prises en application du même 1° ;
b) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et du département de Mayotte les dispositions prises en application du 1° ;
c) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin les dispositions prises en application du 1° ;
d) Étendre, avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises les dispositions prises en application du 1°, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
II. - Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication.
Cet amendement a déjà été défendu Je rappelle que la commission y est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 20 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi :
1° Les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour l'application du règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, concernant des règles communes dans le domaine de l'aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne, et abrogeant la directive 91/670/CEE du Conseil, le règlement (CE) n° 1592/2002 et la directive 2004/36/CE ;
2° Les mesures nécessaires pour :
a) Instituer ou modifier un système de sanctions pénales et administratives en cas de méconnaissance du règlement de l'Union européenne mentionné au 1° et des dispositions prises en application du même 1° ;
b) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières des départements et régions d'outre-mer, des collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et du département de Mayotte les dispositions prises en application du 1° ;
c) Adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Saint-Pierre-et-Miquelon, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin les dispositions prises en application du 1° ;
d) Étendre, avec les adaptations nécessaires, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et aux Terres australes et antarctiques françaises les dispositions prises en application du 1°, sous réserve des compétences dévolues à ces collectivités.
II. - Le projet de loi de ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de sa publication.
Cet amendement a déjà été défendu. Je rappelle que la commission y est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 21 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code des transports est ainsi modifié :
1° Les articles L. 1421-3 et L. 1422-4 sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Les frais de gestion des procédures de reconnaissance de la capacité professionnelle et de délivrance des documents relatifs à cette reconnaissance sont à la charge des candidats, selon les modalités fixées par ce décret. » ;
2° Le chapitre III du titre Ier du livre Ier de la troisième partie est complété par un article L. 3113-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3113-3. - Les modalités selon lesquelles, en application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 mentionné à l'article L. 3113-2, les autorités compétentes délivrent les autorisations d'exercer la profession de transporteur par route, suspendent ou retirent ces autorisations sont fixées par le décret prévu à l'article L. 3113-1. » ;
3° Le chapitre Ier du titre Ier du livre II de la troisième partie est complété par un article L. 3211-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 3211-3. - Les modalités selon lesquelles, en application du règlement (CE) n° 1071/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 mentionné à l'article L. 3211-2, les autorités compétentes délivrent les autorisations d'exercer la profession de transporteur par route, suspendent ou retirent ces autorisations sont fixées par le décret prévu à l'article L. 3211-1. »
Cet amendement a déjà été défendu. Je rappelle que la commission y est défavorable.
Je mets aux voix l’amendement n° 22 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 8 demeure supprimé.
Article additionnel après l'article 8
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Antiste, S. Larcher, J. Gillot, Patient, Antoinette, Desplan, Cornano, Vergoz et Mohamed Soilihi, Mme Claireaux, M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les cinq ans suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les conséquences de la mise en place de ce changement de gouvernance.
La parole est à M. Maurice Antiste.
M. Maurice Antiste. Cet amendement tend à prévoir que, dans les cinq ans suivant l’institution des grands ports maritimes d’outre-mer, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport rendant compte des conditions d’application de la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Odette Herviaux, rapporteur. Cet amendement appelle le même commentaire que ceux que nous avons examinés précédemment et qui tendaient à l’établissement de rapports
J’ajouterai seulement que la réalisation de rapports fait aussi pleinement partie de notre travail de contrôle parlementaire. Celui qui est proposé par notre collègue Maurice Antiste me semble relever tout à fait de notre délégation à l’outre-mer.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Maurice Antiste. Je retire cet amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet intitulé par les mots :
et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports
Cet amendement n'a plus d’objet.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
11
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle a d’ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d’une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, que nous venons d’adopter.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 31 janvier 2012 :
De quatorze heures trente à seize heures quarante-cinq :
1. Nouvelle lecture du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle (n° 276, 2011-2012) ;
Rapport de M. Gaëtan Gorce, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 304, 2011-2012) ;
Texte de la commission (n° 305, 2011-2012).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation relatif à l’exécution des peines (n° 264, 2011-2012) ;
Rapport de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 302, 2011 2012) ;
Texte de la commission (n° 303, 2011-2012).
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur l’efficacité énergétique, notamment en matière de transport et de logement ;
À dix-huit heures et le soir :
4. Suite du projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART