M. Roland Courteau. Mais non !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. D’abord, le décret fixe un contenu exigeant pour les accords ou plans d’action, qui doivent définir des actions opérationnelles et des objectifs de progression associés à des indicateurs. Ce point ne figurait pas dans la loi.
Ensuite, la mise en demeure adressée à l’entreprise ne respectant pas ses obligations vise à donner un levier spécifique efficace, bien connu des inspecteurs du travail, qui savent parfaitement utiliser ce type de procédures. C’est donc également une avancée par rapport à la loi.
Enfin, la possibilité de moduler le taux de pénalité permet d’adapter la sanction à la situation particulière de chaque entreprise. Le fait de prononcer une sanction n’empêche pas d’être intelligent et de tenir compte de l’état éventuel de fragilité d’une entreprise ou de ses spécificités. Et celles qui ne jouent pas le jeu seront plus lourdement sanctionnées que les autres.
Le décret a donc pleinement décliné les objectifs de la loi : se donner les moyens d’engager les entreprises dans une dynamique de résultats en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Certains m’ont interrogée sur les motifs de la suppression de l’échéance du 31 décembre 2010, qui était prévue par la loi votée en 2006. Je le rappelle, la loi de 2006 avait fixé cette échéance en vue de l’adoption par branche et par entreprise des mesures destinées à supprimer les écarts de rémunération.
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites a effectivement supprimé cette échéance. Mais les obligations consistant à aborder l’égalité salariale entre les femmes et les hommes dans le cadre de la négociation collective obligatoire sur les salaires ont été maintenues.
Surtout, le principe d’une sanction financière, qui était simplement évoqué dans le texte de 2006, a été retenu ; il s’appliquera lorsque les négociations collectives n’aboutiront pas à des résultats satisfaisants. Il s'agit là d’une avancée considérable.
Enfin, certains ont fait référence à la classification du World Economic Forum pour dénigrer la France. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous en supplie : allez-y voir de plus près. En effet, ce classement est tout simplement grotesque, et je pèse mes mots !
M. Roland Courteau. Ah ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Savez-vous quels sont, dans ce document, les six premiers pays en matière d’égalité entre les hommes et les femmes ? Je ne résiste pas à l’envie de citer ce palmarès et j’invite ceux qui s’y réfèrent à visiter les pays figurant en haut du classement : ils pourront constater à quel point l’égalité homme-femme y est respectée !
Le premier pays pour l’égalité entre les hommes et les femmes est l’Égypte – les manifestants de la place Tahrir apprécieront particulièrement ce coup de chapeau. Deuxième pays, le Lesotho. Troisième pays, l’Albanie. Quatrième pays, la Malaisie. Cinquième pays, Singapour, et sixième pays, l’Ouganda. (Sourires.)
De grâce, cessez de faire référence à ce classement ridicule ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
L’Italie, où l’écart de salaire entre les hommes et les femmes n’est que de 5,5 %, est classée en 125e position ! Or l’Italie est un pays remarquable en matière d’égalité homme-femme. Où a-t-on été trouver cette étude absolument risible ?
Je vous demande donc instamment de ne pas utiliser la classification du World Economic Forum pour critiquer notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
L’article L. 2242-7 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2013, les entreprises qui ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes ne peuvent bénéficier de la réduction de cotisations sociales prévue à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale ni des réductions d’impôt prévues par le code général des impôts. »
Après le premier alinéa de l’article L. 2323-57 du code du travail, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai de quinze jours après l’avis du comité d’entreprise, préparé éventuellement par la commission de l’égalité professionnelle, ou, à défaut, des délégués du personnel, l’employeur transmet le rapport de situation comparée entre les femmes et les hommes, ainsi que l’avis à l’inspecteur du travail. À défaut de cette transmission, l’employeur est soumis à une pénalité équivalente à 1 % du montant des rémunérations et gains, au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et du premier alinéa de l’article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours de l’année écoulée. Les modalités de recouvrement sont fixées par décret. »
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l'article.
Mme Samia Ghali. Madame la ministre, la prise en compte de l’égalité homme-femme est une tâche digne de Sisyphe, un perpétuel recommencement. Il nous faut garder cette priorité en tête, car, en la matière, on dérape vite si l’on ne progresse pas.
Le volontarisme de Claire-Lise Campion est donc le bienvenu et je la félicite du travail qu’elle a effectué.
Les femmes aujourd’hui, cela a été souligné à maintes reprises, ont une rémunération inférieure de 27 % à celle des hommes.
L’une des raisons fondamentales de cette ségrégation professionnelle est l’inégalité entre les hommes et les femmes au regard des devoirs et obligations parentales.
Les femmes ont plus tendance à travailler à temps partiel ou à interrompre leur carrière lorsqu’elles doivent s’occuper de leurs enfants. Lorsqu’elles recommencent à travailler à temps plein après une pause de carrière ou une période de travail à mi-temps, elles se voient proposer des salaires plus bas que leurs homologues masculins qui n’ont pas interrompu leur carrière.
Même les femmes sans enfant sont considérées comme des mères potentielles et se voient parfois refuser des promotions. Or la maternité ne doit pas être un handicap, mais un élément positif ! Force est de constater que l’écart de rémunération entre les hommes et les femmes a tendance à s’accroître davantage là où les systèmes de garde d’enfants se font de plus en plus rares.
Dans son discours de Périgueux, Nicolas Sarkozy, candidat d’hier et d’aujourd’hui à la présidentielle, s’était engagé à faire « cesser la situation insupportable de la mère qui travaille, qui élève seule ses enfants et qui n’arrive pas à les faire garder ». Il avait donc proposé « que le droit de faire garder ses enfants quand on travaille ou quand on est à la recherche d’un emploi devienne opposable afin d’obliger tout le monde à créer au plus vite les capacités d’accueil nécessaires ». Ces promesses sont loin d’être réalisées, madame la ministre !
J’avais eu l’occasion de le souligner lors de l’examen de la branche famille du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en France, seul un enfant sur deux de moins de trois ans peut bénéficier d’un accueil. Dans certains départements, ce taux est plus bas et il est même encore beaucoup plus faible dans certains quartiers défavorisés ou dans les zones rurales.
Il faut donc augmenter l’offre et imaginer de nouveaux dispositifs. Parmi ceux-là, il en existe un, et je terminerai par là mon intervention, qui mérite notre attention, parce qu’il tente de concilier très concrètement vie professionnelle et vie privée. Je veux parler des crèches d’entreprise.
Depuis 2004, l’État a mis en place un nouveau dispositif de financement pour favoriser la création de ce type de crèches en France. La crèche d’entreprise est un mode de garde plébiscité par les parents. Faire garder son enfant à quelques mètres de son lieu de travail offre plus de souplesse et moins de stress. La proximité de la crèche, la possibilité d’aller voir son enfant à l’heure du déjeuner et des horaires adaptés permettent de meilleures conditions de travail et donnent une plus grande tranquillité d’esprit aux parents.
Les entreprises ont tout à y gagner, également, car un parent rassuré est un salarié plus motivé et plus investi dans son travail. Les crèches d’entreprise sont aussi un argument au moment du recrutement, un moyen de fidéliser le personnel et, bien sûr, une façon d’améliorer l’image de marque de la société.
Le plan « crèches 2004 » a été doté de 200 millions d’euros. Malheureusement ces crédits sont loin d’être consommés.
L’information auprès des entreprises, en direction aussi bien des PME que des grands groupes, doit être renforcée et une évaluation du mécanisme des aides financières et des avantages fiscaux effectuée, afin de soutenir cette politique.
Tout à l’heure, j’ai écouté avec plaisir l’intervention de Michèle André, entre autres. Il y a deux jours, j’avais discuté avec ma fille âgée de douze ans de son programme d’éducation civique, qui aborde la question de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Michèle André me faisait remarquer que cette question était sur le tapis depuis 1965. Cette année-là, je n’étais pas née et, aujourd’hui, je parle encore de ce problème avec ma fille de douze ans ! Mme André a rapporté que selon François Mitterrand ce droit deviendrait réalité en 2020 ou en 2030. Finalement, c’était un visionnaire sur cette question !
J’espère que nous arriverons, dès 2012 et après les prochaines échéances électorales, à mettre en place une politique d’égalité salariale entre les hommes et les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Bien évidemment, je voterai cet article unique.
Il est temps d’envoyer un signal fort, permettant d’engager enfin un mouvement d’ampleur susceptible de corriger les inégalités salariales dans les entreprises.
Répétons-le inlassablement, autant de fois qu’il le faudra : les femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes, et depuis une vingtaine d’années cet écart ne se réduit pas. Une telle situation est inacceptable. Rien ne peut justifier de tels écarts ni ces disparités persistantes.
Ceux qui se risquent à expliquer l’injustifiable admettent néanmoins qu’une grande partie de ces disparités est le reflet de pratiques ou de processus discriminatoires. D’ailleurs, le Conseil économique, social et environnemental a semblé reconnaître que cet écart salarial, qui est de l’ordre de 15 % à catégorie professionnelle équivalente, relève, pour partie, de la discrimination pure.
Les inégalités salariales sont bien l’aboutissement, ainsi que Michelle Meunier l’a souligné dans son rapport, d’une accumulation d’inégalités de traitement et de discriminations.
Nous avons là un enchaînement de faits et une conjonction de préjugés qui aboutissent à désavantager gravement les femmes.
Pourtant, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui interdit toute discrimination fondée notamment sur le sexe, précise que « l’égalité entre les femmes et les hommes doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération ».
De nombreuses directives ont mis en œuvre ce principe, ainsi que plusieurs lois françaises. Je pense – je me tourne vers ma collègue Catherine Génisson – à la loi Roudy. Sans doute a-t-il manqué une volonté politique forte et des moyens, à partir de 2002, madame Génisson, pour engager une campagne d’information auprès des femmes sur les possibilités de négociation dans les branches et les entreprises.
J’évoquais à l’instant la nécessité d’adresser un véritable signal. Il faut un déclic. Cette proposition de loi sera ce signal et ce déclic ! Elle est, en tout cas, la manifestation de cette volonté politique indispensable à la résorption des inégalités salariales qui, jusqu’à présent, a tant fait défaut.
C’est ainsi que nous attendions avec impatience le décret d’application relatif au dispositif prévu par la loi portant réforme des retraites. Très sincèrement, je ne me faisais pas trop d’illusions et je ne m’attendais pas à grand-chose. Je n’ai donc pas été étonné de constater que l’amoncèlement des conditions fixées par le décret a rendu, de fait, le dispositif en partie inopérant, madame la ministre.
En tout cas, ce décret est loin, quoi que vous nous disiez, de faire avancer l’égalité professionnelle. Il est révélateur du manque de volonté politique pour appliquer le dispositif de sanctions prévu par la loi.
Si certains doutaient encore de ce manque de détermination, je les renvoie aux choix budgétaires du Gouvernement ces dernières années, plus précisément aux coupes budgétaires dans le programme « Égalité entre les hommes et les femmes » du projet de loi de finances pour 2012.
Bref, il était temps d’en finir avec la persistance, malgré l’existence de nombreux textes, des inégalités salariales entre les femmes et les hommes. L’application des lois doit passer par des mesures plus contraignantes.
J’approuve donc tout à fait l’article unique, qui vise à rendre obligatoire la conclusion d’un accord sur l’égalité salariale entre les femmes et les hommes dans les entreprises, sous peine de suppression des allégements ou exonérations de cotisations sociales et des réductions d’impôt prévues par le code général des impôts.
Je suis tout à fait d’accord, également, avec l’obligation qui est faite à l’employeur de transmettre le rapport de situation comparée sous peine d’une pénalité égale à 1 % de la masse salariale.
Je vous approuve, madame Claire-Lise Campion, lorsque vous affirmez dans votre rapport que cette proposition de loi est la seule façon de faire évoluer la situation actuelle, car des textes votés depuis longtemps ne sont pas appliqués.
Je ne suis donc pas étonné que le MEDEF soit opposé à cette proposition de loi en raison, a-t-il précisé, « des mesures contraignantes et répressives qu’il contient ». L’Union professionnelle artisanale, l’UPA, quant à elle, préférerait que le législateur oriente son action vers un travail pédagogique.
Pourtant, après tant d’années, après tant de lois, le moins que l’on puisse dire, c’est que le MEDEF et l’UPA n’ont manqué ni de temps ni d’explications, et qu’il leur a souvent été demandé de respecter les lois ! Tout a une limite. La période des tergiversations est terminée.
Je voterai donc résolument cet article unique, qui corrige une très grave et inacceptable injustice dont les femmes sont collectivement victimes ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, sur l'article.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je commencerai mon intervention par une question. Pourquoi sommes-nous si peu nombreux dans cet hémicycle chaque fois qu’a lieu un débat de société ? Est-ce une fatalité ?
La gauche, dont il faut souligner que les rangs sont un peu plus garnis que ceux de la droite,…
M. Alain Gournac. Guère plus, n’exagérez pas !
M. Jean-Jacques Mirassou. … est convaincue que l’essence du travail parlementaire est d’arriver à faire « bouger » la société sur un certain nombre de sujets bien précis.
Ce débat sérieux et de qualité peut nous permettre d’évaluer le chemin qu’il reste à parcourir pour déboucher, rapidement nous l’espérons, sur l’égalité professionnelle et salariale entre les hommes et les femmes.
Madame la ministre, vous avez avancé contre ce texte l’argument selon lequel il présenterait, dans son application, des risques d’inconstitutionnalité.
Pourtant, au XXIe siècle, le constat d’une si puissante distorsion entre les hommes et les femmes pour ce qui concerne leurs conditions de travail et leurs rémunérations n’est-il pas anticonstitutionnel parce qu’il est antirépublicain, et antirépublicain parce qu’il bafoue à la fois la liberté et l’égalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je ne voudrais pas m’enfermer dans une sorte de discours de la méthode pour déterminer, de la manière la plus précise possible, ce qui, sur le plan réglementaire, législatif ou constitutionnel, pourrait, ou non, aboutir dans les faits. J’estime que le constat que nous partageons tous sur ces travées justifie un passage forcé, et l’on peut en effet considérer que c’est ce à quoi tend cette proposition de loi. C’est du reste la raison pour laquelle, en ce qui me concerne, je la voterai avec enthousiasme.
Au-delà, il s’agit d’un sujet éminemment politique, au sens le plus littéral du terme, et notre débat d’aujourd'hui n’aurait-il qu’un mérite, ce serait de nous donner l’occasion de redéployer une argumentation de nature politique, singulièrement dans la période où nous nous trouvons.
Qu’on cesse donc enfin de nous faire le coup de la jeune femme issue d’un milieu populaire et devenue capitaine d’un grand groupe industriel ! Qu’on arrête de se servir d’elle comme d’un alibi pour masquer que tant d’autres doivent accomplir un véritable parcours du combattant et sont laissées pour compte ! Il suffit de considérer le pourcentage, qui reste sinistrement bas, de celles qui ont accès aux grandes écoles…
Oui, nous devons manifester notre volonté politique, une volonté qui, certes, nous anime toutes et tous, mais dont j’ai la prétention de penser qu’elle est un peu plus marquée du côté gauche de l’hémicycle. (Mme Chantal Jouanno proteste.) Ma collègue et amie Michèle André hésitait entre une forme de résignation ou de désespoir,…
Mme Michèle André. De lassitude…
M. Jean-Jacques Mirassou. … car ce qui a pu être entrepris au cours des quarante dernières années n’a, au fond, débouché sur rien de très positif, mais elle éprouvait aussi une forme d’espoir au seuil de la période qui nous attend.
Madame la ministre, je ne vous cacherai pas que la gauche tout entière place son « invincible espoir », comme aurait dit Jean Jaurès, dans l’après-mai 2012, sur cette question comme sur les autres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié ter, présenté par Mmes Létard, Morin-Desailly, Dini et Goy-Chavent, MM. Dubois, Guerriau, Roche et Tandonnet, Mme Férat et MM. Merceron, J.L. Dupont, Détraigne, Capo-Canellas, Amoudry et Namy, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
entre les femmes et les hommes
insérer les mots suivants :
, ou qui n’ont pas transmis aux services de l'inspection du travail et aux organisations représentatives du personnel un tel projet d'accord,
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Bien que, comme je l’ai dit dans la discussion générale, nous ne comprenions pas très bien, d’un point de vue juridique et logique, la construction de la proposition de loi, nous souhaitons malgré tout tenter d’introduire de l’efficacité et du bon sens dans les dispositions qui nous sont présentées aujourd'hui.
Ainsi, en application de cet amendement, seules les entreprises qui n’auraient pas transmis aux services de l’inspection du travail et aux organisations représentatives du personnel un projet d’accord relatif à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes pourraient être privées du bénéfice des réductions de cotisations sociales.
Rendre applicable une telle sanction – très dure, surtout en période de crise – à toutes les entreprises non couvertes par un accord pourrait en effet avoir des conséquences problématiques et, surtout, très injustes, puisque les organisations syndicales, après avoir négocié, peuvent décider de ne pas signer un accord.
Dans un tel cas, après avoir tout fait pour s’acquitter de son obligation légale, l’entreprise se verrait pénalisée, alors même que l’accord proposé pourrait être de bonne qualité.
Par cet amendement, nous souhaitons donc introduire un peu de justice et, encore une fois, de pragmatisme dans cette proposition de loi, étant rappelé qu’il a été dit au cours de la discussion générale que la délégation aux droits des femmes s’était elle-même posé la question du réalisme de celle-ci.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Nous venons de comprendre, au travers des explications de Mme Morin-Desailly, que l’objet de l’amendement est de permettre aux entreprises qui ont élaboré un projet d’accord relatif à l’égalité salariale de conserver le bénéfice de leurs allégements de charges et de leurs réductions d’impôt.
À l’évidence, une telle disposition affaiblirait beaucoup la proposition de loi et n’inciterait pas les entreprises à rechercher un accord avec les syndicats, alors que notre objectif est de faire « bouger » les choses.
De plus, elle risquerait de se heurter dans son application à de réelles difficultés du fait de son imprécision. On peut notamment se demander qui serait chargé d’apprécier la qualité et le sérieux du projet d’accord. Serait-ce l’inspection du travail, les instances représentatives du personnel ?...
Ces raisons ont amené la commission à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je remercie Mme Morin-Desailly de sa proposition, qui traduit une vision beaucoup plus pragmatique que celle des auteurs de la proposition de loi. J’ai souligné d'ailleurs, dans mon propos liminaire, le côté irréaliste et disproportionné de ce texte.
Néanmoins, madame Morin-Desailly, l’adoption de votre amendement ne lèverait pas toutes les difficultés que crée ce texte.
Je rappelle que les dispositions de la loi portant réforme des retraites prévoient que, à défaut d’accord signé, l’employeur doit impérativement mettre en place, unilatéralement, un plan comprenant des objectifs de progression, des actions permettant de les atteindre et des indicateurs chiffrés. Ce plan, qui est intégré au rapport de situation comparée, est transmis aux institutions représentatives du personnel et à l’inspection du travail. L’objectif, qui est d’engager l’entreprise à agir, est donc pleinement satisfait, même lorsque la conclusion d’un accord n’est pas possible.
Au bénéfice de ces explications, madame Morin-Desailly, je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Madame Morin-Desailly, l'amendement n° 4 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la ministre, j’entends d’autant mieux vos explications que je sais bien, comme je crois d’ailleurs l’avoir clairement dit lors de la discussion générale, que cet amendement ne lève absolument pas les incertitudes ressortant du texte de cette proposition de loi, avec ces deux paragraphes qui semblent presque se contredire.
Son objet, comme vous l’avez rappelé, était d’apporter un peu de réalisme et de pragmatisme dans la réflexion en montrant que les choses ne sont pas si simples. Si elles étaient si simples, certains des gouvernements qui se sont succédé depuis quarante ans – plusieurs de mes collègues ont en effet souligné que le problème durait depuis aussi longtemps – auraient d’ailleurs réussi à obtenir l’égalité salariale !
Soyons donc conscients de la nécessité de travailler de façon collective sur ces sujets pour avancer.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Continuons donc comme ça ! Ne faisons rien !
Mme Catherine Morin-Desailly. En ce qui concerne mon amendement, je le retire très volontiers, madame la ministre. C’était d’ailleurs d’autant plus logique que j’estime que la proposition de loi présente des risques d’inconstitutionnalité forts, ce qui est aussi la position du groupe UCR.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Laissez donc faire le Conseil constitutionnel !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je rappellerai donc seulement que nous souhaitons la réécriture du décret dans un sens offensif, et non plus a minima. Le dispositif législatif existe ; il a été amélioré dans le cadre de la réforme des retraites. Concentrons-nous donc avant tout sur l’essentiel et mesurons l’efficacité du dispositif dans quelques mois.
Je retire donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l'article unique.
(L'article unique est adopté.)