Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaire :
M. Marc Daunis.
3. Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. – Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ; Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, rapporteur.
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Haïti
5. Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) : M. Charles Revet, Mmes Esther Benbassa, Catherine Morin-Desailly, MM. Thierry Foucaud, Robert Tropeano, Jean-Marc Todeschini, Marc Massion.
MM. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ; Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique
Clôture de la discussion générale.
MM. Thierry Foucaud, Martial Bourquin.
Adoption de l'article.
M. Thierry Foucaud.
Adoption de l'article.
MM. Marc Massion, le garde des sceaux, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Charles Revet, Alain Fouché, Thierry Foucaud, Martial Bourquin, Philippe Bas.
M. le garde des sceaux.
Adoption définitive, par scrutin public, de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
6. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Jean-Marie Bockel, Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
moralisation du capitalisme - superprofits des patrons du cac 40
MM. Yannick Vaugrenard, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Mme Esther Benbassa, M. Maurice Leroy, ministre de la ville.
MM. Thierry Foucaud, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
MM. Jacques Mézard, Patrick Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement.
MM. Jean-Claude Carle, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
MM. Jean-Jacques Mirassou, Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Michel Fontaine, Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer.
régime social des indépendants
MM. Gérard Cornu, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
mutuelles santé - surcharge des hôpitaux
MM. Yves Daudigny, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
7. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
8. Communication du Conseil constitutionnel
9. Organisation des manifestations sportives et culturelles. – Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, en remplacement de M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; M. David Douillet, ministre des sports.
Mme Dominique Gillot, MM. Michel Le Scouarnec, Jean-Claude Requier, Claude Domeizel.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Mmes Sophie Primas, Nathalie Goulet.
Adoption définitive de la proposition de loi.
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaire :
M. Marc Daunis.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la proposition de résolution européenne, présentée en application de l’article 73 quinquies du règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (E 7055) (n° 446, 2011-2012), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyée pour avis, à sa demande, à la commission des affaires européennes.
3
Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire
Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet (proposition n° 442, texte de la commission n° 449, rapport n° 448).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, il est de la responsabilité des pouvoirs publics de veiller à toujours répondre aux situations qui, concrètement, fragilisent nos entreprises. Cette priorité est d’autant plus forte que nous traversons une crise économique et financière.
Le Président de la République et le Gouvernement se mobilisent pleinement pour défendre et pour préserver notre tissu économique et les emplois de nos concitoyens. À ce titre, notre engagement pour accroître les perspectives de reprise des sites industriels est total. Nous aurons largement l’occasion d’aborder ce sujet ce matin.
Chacun de nous sait parfaitement que le soutien à la compétitivité économique va de pair avec la capacité de nos entreprises à maîtriser les risques juridiques. La proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui apporte à cet égard de nouvelles garanties.
Ce texte permet de répondre très concrètement aux comportements de certains dirigeants, de fait ou de droit, qui parviennent à organiser leur protection en vue d’échapper à la mise en jeu de leur responsabilité ou qui privent l’entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations en organisant son insolvabilité. Une société mère installée à l’étranger qui impose à sa filiale ses choix de gestion ou un donneur d’ordre qui exerce sur l’entreprise une influence déterminante la plaçant en situation caractérisée de dépendance ne doivent pas pouvoir échapper à leurs responsabilités.
Le vote conforme du texte de l’Assemblée nationale par la commission des lois du Sénat est une excellente chose au regard de l’importance qui s’attache à l’adoption définitive de celui-ci avant la fin, imminente, de la législature. Je veux vous remercier, monsieur le président de la commission des lois, d’avoir su prendre pleinement la mesure des responsabilités qui nous incombent à tous, quels que soient par ailleurs nos engagements politiques, pour essayer de nous armer face aux comportements que je viens de décrire.
Ce vote conforme est, me semble-t-il, le résultat d’un travail fructueux qui s’est instauré entre vous-même, monsieur Sueur, et Mme Guégot, travail auquel l’ancien Premier ministre, M. Fabius, a également été associé. Je tiens, monsieur le président de la commission, à vous remercier de la bonne ambiance de travail que, dès le départ, vous avez su établir avec le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale.
La proposition de loi qui vous est soumise, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a pas pour objectif de traiter l’ensemble des situations délicates que connaissent nos entreprises ; elle vise à répondre à la nécessité de se doter d’outils cohérents de prévention des fuites d’actifs.
En l’état du droit, le juge ne peut autoriser de mesures conservatoires que dans le seul cadre de la liquidation judiciaire : des saisies conservatoires peuvent alors être ordonnées afin d’empêcher les dirigeants de mettre leurs actifs hors de portée.
L’extension de cette possibilité au stade du redressement ou de la sauvegarde, comme le prévoit la présente proposition de loi, est une réponse utile et nécessaire, qui permettra d’agir vite : les mesures conservatoires paralyseront l’organisation de l’abandon d’entreprises, évitant que les véritables maîtres de l’entreprise en difficulté ne puissent faire échapper à la procédure un certain nombre de biens.
Ces mesures préventives seront nécessairement, j’y insiste, l’accessoire d’une action en responsabilité au fond, qu’il s’agisse d’une action en extension, en insuffisance d’actifs ou au titre d’une faute ayant provoqué l’état de cessation des paiements.
Concrètement, la mesure permettra, dans l’attente de la décision au fond sur la responsabilité, de saisir provisoirement les biens de tout dirigeant qui sont entre les mains de l’entreprise en difficulté.
L’intervention de l’autorité judiciaire garantira la mise en balance de l’ensemble des intérêts en cause.
La proposition de loi innove plus encore en ce qu’elle autorise, dans un second temps, la cession de tout ou partie des éléments saisis, afin d’éviter soit qu’ils ne dépérissent, soit qu’ils n’engendrent des frais supplémentaires, ce qui aurait pour effet d’aggraver encore les difficultés de l’entreprise.
Cette cession a été assortie d’importantes garanties et, là encore, placée sous le contrôle du juge, qui devra en déterminer les modalités.
Les sommes résultant de la cession seront sécurisées sur un compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations afin d’en garantir la représentation une fois l’action au fond achevée.
Cependant, et dans les limites du respect du droit de propriété constitutionnellement garanti, le texte prévoit – et ce point est extrêmement important – que ces sommes pourront, sur autorisation du juge, être utilisées par les mandataires judiciaires pour faire face aux obligations, y compris sociales et environnementales, liées à la propriété de ces biens.
L’Assemblée nationale a par ailleurs adopté, avec le soutien du Gouvernement, un amendement, porté par M. Fabius, permettant de renforcer l’information des représentants des salariés sur la mise en œuvre et le déroulement de ces mesures dérogatoires. Je m’en félicite. Il paraît en effet important de favoriser la transparence au sein de l’entreprise, s’agissant de telles mesures dérogatoires.
Je voudrais m’arrêter maintenant sur un second amendement adopté avec le soutien du Gouvernement par l’Assemblée nationale, puisque j’avais pris l’engagement, notamment devant le groupe socialiste de l’Assemblée nationale, de préciser lors de la discussion au Sénat le sens que nous donnions à ce texte présenté par Mme Guégot, sur lequel M. Besson s’arrêtera très certainement aussi puisqu’il a été au cœur des négociations avec les représentants des salariés.
M. Charles Revet. Tout à fait !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je salue d’ailleurs à ce propos ceux d’entre eux qui sont présents ce matin dans les tribunes du public et attendent probablement les précisions que je m’apprête à apporter.
Cet amendement, qui est la traduction d’un engagement pris par le Président de la République lors des discussions qu’il a eues avec les représentants des salariés de la raffinerie Petroplus, visait à élargir au domaine social l’affectation des sommes provenant de la cession des biens faisant l’objet des mesures conservatoires qui seront prises en application de la présente proposition de loi. Ces sommes pourront donc être affectées au paiement des frais engagés, « y compris pour assurer le respect des obligations sociales et environnementales résultant de la propriété de ces biens », selon le texte adopté, avec le soutien du Gouvernement, par l’Assemblée nationale.
Comme M. Besson et moi-même l’avons écrit aux représentants des syndicats des salariés et comme je l’ai dit hier soir à M. le président de la commission, Jean-Pierre Sueur, le terme « obligations sociales » est suffisamment large pour concerner, s’agissant des salariés, des obligations qui relèvent du code du travail, des conventions collectives, d’accords d’entreprise ou de contrats individuels. On mesure donc l’importance de cette rédaction.
Par l’ensemble de ses dispositions, la proposition de loi apporte ainsi une protection efficace et concrète non seulement à l’entreprise Petroplus, à laquelle chacun d’entre nous pense, mais aussi à un grand nombre d’autres entreprises, notamment aux filiales de groupes, et tout particulièrement aux filiales de groupes étrangers défaillants.
Préserver la sécurité juridique, garantir la sécurité des affaires, assurer la prééminence de l’intérêt général sont autant d’objectifs qu’il nous faut concilier. L’équilibre est délicat et mérite d’être toujours consolidé.
En apportant de nouvelles garanties, en les inscrivant rapidement dans notre droit, nous permettrons que des entreprises déjà fragilisées ne voient pas leur situation se dégrader du fait du comportement irresponsable de certains.
Nous devons tout mettre en œuvre pour que l’existence de ces entreprises ne soit pas irrémédiablement compromise. La proposition de loi permet de compléter notre droit en ce sens. Je me réjouis du consensus qui s’est fait autour de ce texte au-delà de clivages partisans par ailleurs légitimes, et vous en remercie tous, car cette proposition de loi contribue à la préservation de notre tissu économique et des emplois de nos concitoyens.
Pour l’ensemble de ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que la Haute Assemblée confirme la position prise hier par sa commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons régulièrement adapter notre droit à l’évolution de l’organisation des entreprises.
Plusieurs dossiers récents ont montré que des entreprises en difficulté peuvent se trouver sous la dépendance de « tiers » qui ont la capacité de prélever les actifs de l’entreprise avant que les difficultés ne soient publiques et de la priver ainsi de toute possibilité de répondre à ses obligations urgentes, notamment sociales et environnementales.
Le dossier le plus récent est celui de la société Petroplus France et de sa raffinerie de Petit-Couronne. Les salariés, dont je tiens à saluer à mon tour les représentants ici présents, avec lesquels nous avons régulièrement des réunions de travail, attendent avec impatience que les stocks de produits qu’ils ont raffinés – le fruit de leur travail – puissent être conservés au service de leur outil de travail.
Il ne s’agit pas d’une proposition de loi partisane. Il ne s’agit pas non plus, convenons-en, d’une grande initiative de politique industrielle. Il s’agit tout simplement de donner à ces salariés, qui sont légitimement inquiets sur l’avenir de leur outil industriel, la garantie que le fruit de leur travail ne sera pas capté par un tiers.
Dès que la nécessité d’un texte législatif a été connue, le Premier ministre, François Fillon, s’en est immédiatement entretenu avec Laurent Fabius, ancien Premier ministre et député de la circonscription de Petit-Couronne, qui lui a donné son accord. Le Président de la République a lui-même évoqué le dossier vendredi dernier lors d’une réunion avec les représentants des salariés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, pour réussir à adopter cette proposition de loi avant la fin imminente de la législature, il faut un vote conforme à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Lors de son examen à l'Assemblée nationale le 28 février dernier, cette proposition de loi a été enrichie par deux amendements, déposés l’un par l’ancien Premier ministre Laurent Fabius, l’autre par Mme Françoise Guégot, rapporteur du texte. Tous deux étendent le volet social de la proposition de loi. Ils répondent à la fois aux préoccupations des salariés, qui demandent à juste titre à être informés des actions engagées, aux souhaits des parlementaires et aux engagements du Président de la République.
Par conséquent, je crois que chacun peut voter ce texte, ainsi amendé, afin qu’il entre en vigueur au plus vite.
Le cas le plus évident auquel nous devons faire face est celui des filiales françaises de groupes internationaux.
L’internationalisation croissante des entreprises conduit le modèle dit de « groupe de sociétés » à devenir toujours plus complexe, tout en reposant parfois sur des prises de décision de plus en plus centralisées, donnant à ces groupes toutes les caractéristiques d’une entreprise unique, avec pour corollaire le fait que les structures françaises de ces groupes se révèlent peu autonomes, voire ne le sont pas du tout.
Ainsi, dans l’industrie pétrochimique, nous avons récemment constaté, s’agissant du groupe Petroplus, l’existence de deux niveaux de filiales. La société mère suisse a en France une première filiale, jouant le rôle de holding, dont dépendent plusieurs autres filiales. Pourtant, une part très importante des décisions remonte à la holding de tête suisse. C’est pourquoi, encore aujourd’hui, les stocks sur le site de Petit-Couronne sont la propriété non pas de la raffinerie, mais d’une autre société, installée en Suisse.
La conséquence pratique d’organisations de ce type est que le dépôt de bilan de l’une des sociétés, voire le dépôt de bilan en cascade de l’ensemble de la pyramide, peut laisser les pouvoirs publics face à une situation où un site de production qui devrait avoir un avenir n’a plus aucune ressource pour organiser celui-ci.
Le texte prévoit déjà certains outils pour faire face à ce type de situation, mais l’expérience montre que l’évolution des structures des entreprises et des groupes doit nous conduire à adapter encore notre droit.
Lorsqu’une société en est au stade de la liquidation judicaire, le juge-commissaire peut d’ores et déjà, en l’état du droit, prendre des mesures conservatoires sur les stocks qui appartiennent à la société mère, voire, dans le cas que j’ai exposé, à la société grand-mère. L’ensemble de ces dispositions permettent d’intervenir après l’arrêt d’activité d’un site, ou lorsque la maison mère se trouve in bonis, mais non pour prévenir l’arrêt du site, lorsque la maison mère a disparu ou fait elle-même l’objet d’une procédure de sauvegarde.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est aujourd'hui soumis vise à combler cette lacune. Il prévoit en effet de donner au juge-commissaire les moyens d’agir pour préserver les intérêts des salariés et de la collectivité publique.
Cette proposition de loi permet ainsi une action en trois temps qui répond bien aux enjeux que je viens de rappeler.
Premier temps, la proposition de loi étend à la procédure de redressement judiciaire les facultés dont dispose déjà aujourd’hui le juge lors d’une liquidation judiciaire, en termes de mesures conservatoires prises sur les biens d’une société tierce.
Deuxième temps, la proposition de loi crée la possibilité de céder ces biens, toujours à titre conservatoire. Elle prévoit ainsi que le juge-commissaire pourra décider d’autoriser la vente des stocks, avec mise sous séquestre des sommes ainsi mobilisées. Il s’agit là d’une mesure très importante.
Troisième temps, la proposition de loi prévoit que les sommes sous séquestre puissent être au moins en partie mobilisées à titre conservatoire pour faire face à des dépenses urgentes.
Enrichie des deux amendements adoptés à l'Assemblée nationale, la proposition de loi consolide les droits des salariés. Elle permet la mobilisation des sommes sous séquestre pour satisfaire aux obligations sociales et environnementales de l’entreprise.
Ce texte va nous permettre d’apporter une protection efficace et concrète à un grand nombre d’entreprises en difficulté. Nous disposerons ainsi d’un outil supplémentaire pour assurer un avenir à ces dernières. C’est pourquoi le Gouvernement soutient la proposition de loi présentée aujourd’hui et vous demande de la voter de manière conforme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet a été rapidement soumise à notre examen en raison de la situation de l'entreprise Petroplus de Petit-Couronne et de l'inquiétude des salariés, notamment quant à la pérennité de ce site. Je tiens à mon tour à saluer leurs représentants venus assister à ce débat.
Mes chers collègues, les divergences entre nous sont nombreuses, en particulier en matière de politique industrielle, et les quelques décisions qui peuvent faire l’objet d’un accord n'effacent pas les indécisions ou les choix politiques, stratégiques, économiques, fiscaux, industriels du Gouvernement que nous sommes un certain nombre, voire une majorité, à ne pas partager dans cet hémicycle.
Pourtant, monsieur le garde des sceaux, sur le sujet qui nous réunit aujourd'hui, vous avez souligné les convergences qui se sont fait jour entre élus politiques de sensibilités différentes. Pour notre part, nous considérons que, quels que soient la situation et le contexte, il est positif que des élus d’opinions diverses, parce qu’ils sont attachés à notre économie, à nos entreprises, puissent se rejoindre pour prendre ou proposer au Parlement un certain nombre de mesures. Nous devons viser le bien commun.
Par ailleurs, nous avons été extrêmement attentifs – et les membres de la commission des lois tout particulièrement – à la position des organisations syndicales de l'entreprise. Le rapport que j'ai rédigé au nom de la commission des lois reproduit la déclaration du représentant de l'intersyndicale de Petroplus, publiée hier matin par l'Agence France-Presse : « Il est primordial que la loi existe. » Et ce, en dépit des regrets qu’a suscités le rejet d’un certain nombre d’amendements à l'Assemblée nationale. Dès lors, les membres de la commission des lois ont jugé nécessaire que nous prenions nos responsabilités, pour préserver les intérêts tant de l'entreprise en France que des salariés.
Cette proposition de loi a été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale voilà quelques jours par Mme Françoise Guégot, qui a ensuite été nommée rapporteur. Elle et moi avons travaillé de conserve et avec une volonté constructive afin d’aboutir à des points d’accord susceptibles de trouver leur traduction dans des rédactions ou des amendements. Pour autant, il reste des sujets sur lesquels nous n'avons pu parvenir à des solutions communes.
Ce texte de six articles est technique. Il modifie le livre VI du code de commerce relatif aux difficultés des entreprises, c’est-à-dire le droit des procédures collectives – sauvegarde, redressement judiciaire et liquidation judiciaire –, en prévoyant que puissent être ordonnées, à l’occasion de certaines actions judiciaires engagées dans le cadre des procédures collectives, des mesures conservatoires à l’égard de biens appartenant à des tierces personnes.
Pour simplifier, la société Petroplus Petit-Couronne, aujourd’hui en redressement judiciaire, raffine dans ses installations du pétrole qui appartient à la holding suisse Petroplus, dont l’avenir économique est, semble-t-il, sérieusement compromis. On pourrait considérer que cette holding, en raison de sa forte immixtion dans la gestion de sa filiale, est de fait le dirigeant de Petroplus Petit-Couronne. Dans ces conditions, il serait possible pour l’administrateur judiciaire de Petroplus Petit-Couronne d’engager une action contre la holding, de manière à faire reconnaître sa responsabilité dans la cessation des paiements de sa filiale, et donc à la faire contribuer à la procédure de redressement.
Or le pétrole qui se trouve dans les cuves de Petroplus Petit-Couronne serait bien utile, par la valeur qu’il représente – on parle de 200 millions d'euros –, pour contribuer au redressement de la société française et à la poursuite de son activité. Pourtant, son propriétaire, la holding de Petroplus, peut vouloir le récupérer, pour contribuer à son propre redressement, avant que le jugement au fond sur sa responsabilité dans la cessation des paiements ne soit prononcé. Il s’agit là d’un grave problème sur lequel m'a particulièrement sensibilisé notre collègue Marc Massion, qui, comme d’autres ici, suit depuis longtemps ce sujet, et à propos duquel je me suis entretenu hier avec Thierry Foucaud et Catherine Morin-Desailly, tous deux élus de ce département.
En commission, notre collègue François Pillet m'a posé une question à laquelle je n'ai pu répondre immédiatement. Selon les informations que vous m'avez transmises, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, outre une enquête pénale ordonnée par le ministère public, les administrateurs judiciaires de Petroplus ont engagé plusieurs actions civiles, dont aucune ne correspond à ce jour à l'une de celles qui sont visées par la proposition de loi : action en extension ou action en responsabilité pour faute des dirigeants. Dès lors, mes chers collègues, si, dans quelques jours, après la promulgation de ce texte que la commission des lois vous propose d'adopter, une action en responsabilité est engagée par les administrateurs à l'égard de la holding de Petroplus, elle pourra donner lieu au prononcé des mesures conservatoires prévues par cette proposition de loi.
Il va de soi que ce qui concerne aujourd'hui Petroplus peut tout aussi bien, à l'avenir, concerner toutes sortes d'entreprises ou d'activités.
La proposition de loi permet d’ordonner des mesures conservatoires, par exemple la saisie, à l’égard des biens des dirigeants de droit ou de fait dans le cadre d’une action en responsabilité qui serait engagée en cas de redressement ou de liquidation. Les biens saisis sont donc indisponibles pour leur propriétaire, dans l’attente du jugement au fond sur sa responsabilité. Ce sont les articles 2 et 3 de la proposition de loi qui organisent ce mécanisme. Les mesures conservatoires sont ordonnées par le président du tribunal, à la demande de la personne ayant introduit l’action.
La proposition de loi permet aussi – c’est l’article 1er – d’ordonner de telles mesures conservatoires dans le cadre de l’action en extension, déjà prévue par le code de commerce pour les trois procédures collectives, grâce à laquelle la procédure peut viser d’autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui de la société ou de fictivité de la personne morale.
À ce jour, le code de commerce ne prévoit les mesures conservatoires que dans le cadre de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Ces mesures conservatoires dérogent au droit commun en la matière, tel qu’il résulte de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution.
Pour mémoire, je tiens d’ailleurs à rappeler, messieurs les ministres, que l’action en insuffisance d’actif, lorsqu’elle a été instituée par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, pouvait être engagée dans le cadre de la sauvegarde, du redressement et de la liquidation judiciaires.
Or, mes chers collègues, une ordonnance du 18 décembre 2008, prise sur le fondement de la loi de modernisation de l’économie, est venue retreindre le champ de cette action pour insuffisance d’actif à la seule liquidation.
À mon sens, si le Gouvernement n’avait pas pris cette ordonnance, dont, je dois le dire, la pertinence et les justifications m’échappent, il n’aurait pas aujourd’hui besoin de cette proposition de loi. En effet, dans le cas d’une société en redressement comme Petroplus, une action en insuffisance d’actif aurait pu être engagée contre la holding, sur le fondement du texte de 2005, hélas ! modifié en 2008, et la saisie du pétrole à Petit-Couronne aurait pu être ordonnée.
Les mesures conservatoires prévues par la présente proposition de loi permettent en pratique d’empêcher que ne disparaissent des biens appartenant à un tiers, mais susceptibles d’être joints à l’actif de la société en redressement, si la responsabilité civile du tiers est reconnue. Elles donnent aussi un pouvoir de négociation avec ce tiers pour discuter de l’avenir économique de sa filiale. Enfin, si la responsabilité du tiers est reconnue, ses biens peuvent être joints à la procédure de redressement et donc servir au paiement des créances et de toutes les obligations de la société en redressement : salaires, avantages sociaux, obligations sociales et environnementales.
Le texte comprend, à l’article 4, une dernière disposition importante qui concerne le droit de propriété, lequel – vous le savez, mes chers collègues – est garanti par la Constitution.
À ce titre, lorsqu’il est apporté des limitations à ce droit – c’est le cas ici avec les mesures conservatoires –, dans un but d’intérêt général qui est la poursuite d’activité de l’entreprise, il importe que des garanties suffisantes déterminées par la loi les accompagnent. Il ne faudrait pas, en effet, qu’une question prioritaire de constitutionnalité vienne mettre en cause l’article que nous nous apprêtons à voter.
À cet égard, je tiens à faire une double mise au point précise, laquelle figurera donc au compte rendu intégral de cette séance.
D’une part, le texte prévoit que les biens faisant l’objet d’une mesure conservatoire peuvent être cédés, lorsque leur conservation engendre des frais ou qu’ils sont sujets à dépérissement. La cession est autorisée par le juge-commissaire chargé de suivre la procédure, aux prix et conditions qu’il détermine. Le produit de la cession doit être consigné à la Caisse des dépôts et consignations, dans l’attente du jugement au fond. C’est somme toute assez pertinent : il est sans doute préférable de vendre un stock de matériel ayant fait l’objet d’une saisie et d’en consigner le produit plutôt que de le laisser dépérir. Peut-être est-il possible de faire le même raisonnement pour le pétrole ?
Le rapporteur de l’Assemblée nationale, Mme Guégot, a apporté des garanties sur les droits du propriétaire des biens au moyen d’amendements sur lesquels nous avions travaillé ensemble. À mon sens, il y a donc là une première garantie par rapport au risque de remise en cause sur le fondement du droit de la propriété.
D’autre part, le texte permet que le produit de la cession des biens faisant l’objet d’une mesure conservatoire puisse, à titre dérogatoire, être affecté aux frais engagés pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire de ces biens. Là encore, il y avait atteinte au droit constitutionnel de propriété. Aussi, Mme le rapporteur de l’Assemblée nationale a prévu, au travers d’un amendement sur lequel nous avons également travaillé, que l’affectation du produit de la cession devait résulter, elle aussi, d’une autorisation du juge-commissaire. Je précise que la gestion des affaires du propriétaire des biens inclut donc – ce point doit être bien noté, car je sais que les représentants des salariés y étaient très attentifs – les obligations sociales et environnementales résultant pour lui de la propriété de ces biens. L’adoption de cet amendement par l’Assemblée nationale, sur l’initiative de Mme Guégot, aboutit donc à lever toute ambiguïté à cet égard.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. J’aborderai, pour conclure, deux sujets importants à mes yeux.
Tout d’abord, la question de l’information des salariés constitue une préoccupation tout à fait légitime, partagée par les membres de la commission des lois.
Le droit actuel des procédures collectives comporte déjà de nombreuses dispositions permettant d’assurer de manière me semble-t-il satisfaisante l’information tout au long du déroulement d’une procédure collective. Je pense notamment aux rapports que l’administrateur judiciaire doit faire régulièrement au comité d’entreprise.
Sur l’initiative du groupe SRC de l’Assemblée nationale, un amendement, modifié par trois sous-amendements du Gouvernement, a été adopté s’agissant de l’information des représentants des salariés.
L’article L. 631-10-2 du code de commerce qui en est résulté organise l’information des représentants des salariés – le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel –, par l’administrateur ou le mandataire judiciaire, lorsqu’une mesure conservatoire est ordonnée dans le cadre d’une action en extension prévue à l’article L. 621-2 du même code.
À cet égard, je note que seule l’action en extension est visée, ce qui semble omettre l’action en responsabilité instituée par l’article 2 de la proposition de loi comme l’action existante pour insuffisance d’actif.
La commission des lois considère qu’il aurait été judicieux de mentionner, outre l’article L. 621-2, les deux articles L. 631-10-1 et L. 651-4 du code de commerce.
Néanmoins, la commission des lois n’a pas proposé d’amendement, considérant comme prioritaire que les mesures soient prises et applicables le plus vite possible. Toutefois, nous tenons à souligner – comme vous le savez, monsieur le garde des sceaux, les propos tenus en séance peuvent être utiles pour l’interprétation de la loi – que ce nouvel article se place dans le titre relatif au redressement, alors qu’il vise une disposition du titre relatif à la sauvegarde. Nous considérons donc que les administrateurs et mandataires judiciaires feront très probablement une interprétation large de leur nouvelle obligation d’information. Telle est, en tout cas, la position de la commission des lois que je tiens à affirmer très clairement : l’intention du législateur est bien que l’information des représentants des salariés, en cas de mesures conservatoires, ait lieu de manière exhaustive, dans les trois cas prévus aux articles L 621-2, L. 631-10-1 et L. 651-4 du code de commerce.
Par ailleurs – c’est le second point très important –, nous avons été informés du fait que les salariés avaient très mal perçu le rejet par l’Assemblée nationale d’un amendement portant sur leurs droits, leurs acquis et les garanties qu’ils ont pu obtenir au fil des années.
Monsieur le garde des sceaux, vous venez de confirmer, comme vous m’en avez informé hier soir, ce que vous avez écrit conjointement avec M. le ministre chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique aux représentants des salariés.
Je tiens donc à dire ici, à la suite des débats que nous avons eus en commission, qu’il nous paraît très important que l’action en extension de la procédure de sauvegarde, liquidation et redressement à une tierce personne emporte « des obligations sociales » – ce sont les termes mêmes figurant dans le texte. Aussi, nous nous réjouissons que vous ayez déclaré à cette tribune, au nom du Gouvernement, que vous entendez par « obligations sociales », non seulement pour l’entreprise, mais aussi pour ses filiales éventuelles, ce qui relève de quatre sources : le code du travail, les conventions collectives, les accords d’entreprises et les contrats individuels.
À mon sens, en l’absence de la disposition qui n’a pas été adoptée par l’Assemblée nationale, ces quatre garanties ici proclamées engagent le Gouvernement – et même, oserais-je dire, les gouvernements futurs – et valent interprétation des termes « obligations sociales » figurant dans la proposition de loi.
Mes chers collègues, au regard de ces différentes observations et après en avoir longuement délibéré, la commission des lois vous propose d’adopter la présente proposition de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE, de l’UCR et de l’UMP.)
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Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Haïti
Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer, en votre nom, la présence, dans notre tribune d’honneur, d’une délégation de présidents de commissions permanentes de la Chambre des députés de Haïti, conduite par M. Guy-Gérard Georges, président de la commission des affaires étrangères de cette assemblée. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
La délégation est accompagnée par notre collègue Bernard Piras, président du groupe sénatorial « France-Caraïbes », que je salue.
Nos collègues haïtiens sont venus étudier auprès des deux assemblées parlementaires françaises les méthodes de travail législatif et de contrôle du pouvoir exécutif mises en œuvre par nos commissions.
Deux ans après l’épreuve du séisme du 12 janvier 2010, je me réjouis que notre coopération interparlementaire reprenne son cours
Soyez les bienvenus au Sénat, chers collègues haïtiens, et que votre visite soit fructueuse. (Applaudissements.)
5
Mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en guise de préambule, je souhaiterais associer à mon propos mon collègue Patrice Gélard, sénateur de la Seine-Maritime, avec qui Catherine Morin-Desailly, qui va intervenir dans quelques instants, et moi-même avons suivi cet important dossier.
Chacun peut comprendre et partager, je crois, l’inquiétude des salariés que nous avons rencontrés sur le terrain, dont la démarche est toujours restée responsable et constructive.
L’annonce par M. le Président de la République, précédé sur le terrain par M. Eric Besson, ici présent, dont je salue l’engagement, d’une reprise temporaire pour six mois de l’activité de raffinage par le groupe Shell, précédent propriétaire de cette raffinerie, va permettre d’explorer les différents projets de redémarrage définitif.
En cette fin de législature, je me réjouis de la discussion de ce texte, assez consensuel, qui vise, selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, à introduire dans le droit « des mesures permettant de faire obstacle à ce que des tiers prélèvent les actifs de l’entreprises défaillante, organisent leur protection face au risque de voir leur responsabilité engagée, ou privent cette entreprise de toute possibilité de répondre à ses obligations », notamment environnementales et sociales urgentes.
En effet, des exemples récents démontrent la nécessité d’introduire dans notre droit ce type de mesures pour mettre fin à une faiblesse juridique avérée.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il existe déjà dans le code de commerce des dispositions permettant de déroger aux exigences de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, sur le fondement desquelles, même en l’absence d’une créance paraissant fondée dans son principe, le juge peut ordonner des mesures conservatoires. Cependant, ces mesures nécessitent qu’une procédure de liquidation judiciaire soit en cours.
Or, même dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, la mise en cause de tiers est possible. C’est la raison pour laquelle deux nouvelles mesures nous sont proposées dans le cadre de ce texte.
Il s’agit, d’une part, d’étendre aux autres procédures collectives que la liquidation judiciaire la faculté pour les personnes pouvant exercer de telles actions d’obtenir du juge qu’il ordonne des mesures conservatoires permettant, notamment, d’éviter que tous ceux qui sont visés par ces actions ne fassent échapper à la procédure un certain nombre de biens.
Ainsi, si le responsable de l’affaire, véritable dirigeant de la société en difficulté, est propriétaire d’éléments que cette dernière détient pour son compte, il sera possible de saisir à titre conservatoire ces éléments d’actif dont il aurait pu exiger la restitution avant qu’une décision judiciaire ne retienne sa responsabilité dans la défaillance de la société. Il appartiendra au juge de veiller à ce que la mesure conservatoire soit adaptée à la nature et à l’objet des actions exercées à l’encontre du propriétaire.
Il s’agit, d’autre part, de permettre la cession, par décision de justice, des éléments d’actif, ou d’une partie d’entre eux, dans un certain nombre de cas. Par principe, les fonds provenant des opérations de la procédure sont versés à la Caisse des dépôts et consignations et ainsi protégés par la disposition suivante figurant dans le code de commerce : « Aucune opposition ou procédure d’exécution de quelque nature qu’elle soit sur les sommes versées à la Caisse des dépôts et consignations n’est recevable. »
Dès lors, si la cession est autorisée ou ordonnée, le propriétaire pourra éventuellement en percevoir le prix, notamment s’il est mis hors de cause. Cependant, les sommes perçues en paiement de la cession de ces éléments doivent pouvoir, en totalité ou en partie, être utilisées par les mandataires de justice, administrateur judiciaire ou liquidateur, pour faire face à un certain nombre de dépenses liées à la détention de ces biens. Il s’agira, par exemple, des dépenses de conservation ou de celles qui sont rendues nécessaires pour prévenir des risques imminents générés par ces éléments, comme les risques de pollution, ou encore pour assurer la mise en œuvre de mesures de sécurité urgentes les concernant.
Nous nous réjouissons que l’ensemble de ces dispositions soient applicables aux procédures collectives en cours.
Face à la crise, nous avons tous un rôle à jouer. Le Gouvernement, dont je tiens à saluer la persévérance sur ces dossiers économiques complexes, car de portée internationale, n’a cessé de tenter de trouver des solutions pour répondre aux situations les plus graves et éviter, en particulier, de voir disparaître des entreprises et des emplois.
Dans ce contexte, il est essentiel de prendre des mesures destinées à prévenir le risque que des tiers fassent échapper des biens à une procédure ou puissent éviter la mise en cause de leur propre responsabilité.
C’est dans le cadre de cette rare complexité des relations économiques, susceptible de favoriser des pratiques par lesquelles certains pourraient se constituer une garantie d’immunité, que la raffinerie de Petit-Couronne, appartenant au groupe suisse Petroplus, placée en redressement judiciaire le 24 janvier dernier, aurait vu ses comptes de trésorerie en France vidés en totalité par les banques de sa société mère quelques heures avant le dépôt de bilan.
Le groupe Petroplus, propriétaire des stocks de pétrole brut présents sur le site, qui s’élèveraient à 200 millions d’euros, ne semble prêt à assumer ni sa responsabilité sociale à l’égard des 550 personnes employées par sa filiale française ni sa responsabilité environnementale quant aux risques de pollution liés à la vétusté du site.
Ce type de multinationale met ainsi en cause la survie de ses filiales et d’entreprises, souvent performantes, comme celle de Petit-Couronne, parfois même bénéficiaires, et ce sans tenir compte de ses responsabilités.
L’État n’est pas impuissant face aux difficultés de ces entreprises et de leurs salariés ; il peut et doit agir, notamment en faisant évoluer le cadre législatif et réglementaire applicable afin de sanctionner les abus.
Je me réjouis, monsieur le garde des sceaux, que la proposition de loi fasse consensus et qu’elle puisse être adoptée conforme, car, la navette s’arrêtant là, elle sera opérationnelle dès la fin de la procédure législative.
C’est pourquoi le groupe UMP soutient cette proposition de loi pertinente et opportune. En tant qu’élu de la Seine-Maritime, comme mes collègues, de gauche ou de droite, j’y suis d’autant plus sensible. (M. Marc Massion s’exclame.)
Certains ont dit que la procédure législative était bâclée : certes, la discussion a été rapide ; mais comment ne pas saisir l’occasion que le calendrier législatif nous offre pour résoudre une faiblesse de notre droit et répondre ainsi à plusieurs difficultés récentes rencontrées par des entreprises françaises ?
Mes chers collègues, cette proposition de loi nous donne la possibilité d’apporter une protection efficace et concrète à un grand nombre d’entreprises en difficulté, tout particulièrement dans le cas de filiales de groupes étrangers défaillants ou sous-traitants dépendant d’un seul client.
C’est pourquoi, ainsi que je l’ai indiqué il y a quelques instants, le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que, à défaut d’avoir défini une stratégie globale en matière de politique industrielle, le Gouvernement attend d’être au pied du mur pour réagir.
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Très bien !
Mme Esther Benbassa. Avec sa majorité présidentielle, il n’a pas su exploiter les atouts existants pour accompagner en amont la reconversion des sites en déclin vers les secteurs industriels d’avenir. Quelque 100 000 emplois dans l’industrie ont été supprimés en France au cours des trois dernières années, plus de 750 000 depuis dix ans.
Les économistes s’accordent à dire que les déstructurations d’usines et les licenciements ne sont pas uniquement imputables à la crise. On tente de nous faire croire que celle-ci serait à l’origine de tous les maux et difficultés que connaissent aujourd’hui nos entreprises, mais il en va autrement. C’est bien à la politique catastrophique menée depuis dix ans dans ce domaine qu’incombe une grande part de responsabilité.
Avec un taux de chômage de 9,7 % pour le troisième trimestre 2011, nous avons malheureusement atteint tous les records, et ce en dépit des promesses du Président de la République. Celui-ci n’était-il pas en effet censé mettre en œuvre une politique industrielle contre les délocalisations « en choisissant les secteurs stratégiques sur lesquels concentrer nos efforts », comme lui-même l’avait annoncé en 2007 ?
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Hélas !
Mme Esther Benbassa. Tel n’a malheureusement pas été le cas. De nombreuses usines ont effectivement été délocalisées, entraînant le licenciement de centaines de salariés, la diminution de la qualité des produits et la remise en cause des acquis sociaux.
Par ailleurs, la regrettable situation de la raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, appartenant au groupe suisse Petroplus, à l’origine du texte qui nous est aujourd’hui soumis, est le symbole d’une industrie française abandonnée à la seule logique financière. Les sénatrices et sénateurs écologistes font donc, une fois de plus, le même constat : les salariés paient le prix de l’imprévoyance environnementale et sociale du Gouvernement.
Il eût, en effet, été préférable d’anticiper ces phénomènes, d’accompagner la reconversion des secteurs industriels du passé, à l’instar de l’acier ou de la pétrochimie, en investissant dans les industries d’avenir, pour encourager le développement durable, la dépollution des sites, la filière bois et biomasse ou les énergies renouvelables de haute technologie. Le développement de ces secteurs a d’ailleurs permis à l’Allemagne de créer un grand nombre d’emplois et, partant, de diminuer son taux de chômage, désormais à 5,5 %.
La présente proposition de loi met en place, à bon escient, un dispositif permettant de prendre des mesures conservatoires pour protéger les actifs des entreprises dès la procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire.
Je salue, d’ailleurs, les amendements adoptés à l’Assemblée nationale, bien que déposés par des députés de l’opposition parlementaire. Grâce à cette proposition de loi, votée en l’état par la commission des lois du Sénat, l’accent est mis désormais sur l’obligation faite aux entreprises défaillantes de répondre à leurs obligations sociales et environnementales, ainsi que sur la nécessaire information des représentants des salariés.
Le texte qui nous est soumis va donc dans le bon sens. Je m’étonne, cependant, que le Gouvernement se soit appliqué, au cours des dernières années, à faire en sorte de diminuer la responsabilité des dirigeants, réduisant ainsi à une peau de chagrin les mesures introduites par la loi du 26 juillet 2005.
Il était donc temps d’inverser la tendance, en nous intéressant de nouveau aux salariés victimes de dirigeants fautifs ayant contribué à la cessation de paiement de l’entreprise.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour toutes ces raisons et parce qu’il importe de trouver des solutions permettant de soutenir au mieux les intérêts des salariés confrontés à de telles difficultés, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Marc Massion. Très bien !
M. Charles Revet. Bravo !
M. René Garrec. Bonne conclusion, ma chère collègue !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 12 janvier dernier, sitôt après la reprise de nos travaux parlementaires, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, j’avais tenu à alerter ce dernier sur la situation critique de la raffinerie Petroplus, située à Petit-Couronne, dans notre département.
M. Philippe Bas. Vous avez bien fait !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je dis « notre département » à dessein, puisque nous sommes plusieurs, chers collègues de la Seine-Maritime, à nous être mobilisés ce matin sur un texte de loi, certes de portée générale, mais de nature à répondre à la situation de cette entreprise.
Je ne rappellerai pas par le menu la longue histoire de la Société maritime des pétroles, de la raffinerie de Petit-Couronne construite et mise en service en 1929, longtemps exploitée par la Shell avant d’être cédée au groupe suisse Petroplus en 2005. La presse s’est fait largement l’écho non seulement des péripéties qui ont conduit malheureusement ledit groupe, enregistrant de lourdes pertes d’exploitation depuis 2009, à la cessation de paiement, occasionnant l’arrêt de la raffinerie, mais surtout, à chaque étape, du désarroi grandissant des salariés.
Au moment où nous avons été alertés sur le sujet, j’ai personnellement reçu les salariés à leur demande à la fin du mois de décembre, puis je me suis rendue sur place, une première fois, comme beaucoup d’autres élus, au début du mois de janvier. Entre-temps, les choses se sont accélérées. Aujourd’hui, il nous faut répondre à une situation d’urgence, dont chacun aura pris la mesure, le groupe Petroplus ne semblant prêt à assumer ni sa responsabilité sociale à l’égard des 550 employés ni sa responsabilité environnementale quant aux risques de pollution liés à la vétusté du site ainsi abandonné.
Monsieur le rapporteur, messieurs les ministres, vous avez bien exposé l’objet de ce texte technique, mais stratégique : permettre de faire obstacle à ce que des tiers prélèvent des actifs au sein d’entreprises défaillantes. Il est de notre responsabilité, à nous, législateurs, de veiller à répondre aux situations qui fragilisent nos entreprises tout en complétant les dispositifs existants pour faire évoluer notre droit.
Aussi, je tiens à saluer l’initiative de nos collègues députés de la Seine-Maritime, notamment Françoise Guégot, qui ont déposé le texte à l’Assemblée nationale. S’agissant du cas présent, la raffinerie de Petroplus, il s’inscrit dans la continuité d’une mobilisation générale des parlementaires et de l’ensemble des élus locaux. Cette mobilisation fut suscitée, il faut le reconnaître, par l’ensemble des salariés, dont je tiens à saluer ici l’esprit de responsabilité.
La présente proposition, de bon sens, vise donc à faire face efficacement aux comportements abusifs, en permettant l’adoption de toute disposition paralysant l’organisation de l’abandon d’une entreprise. Le code de commerce présente actuellement une lacune sur ce point. Il prévoit que des mesures conservatoires spécifiques, dérogatoires au droit commun des procédures civiles d’exécution, peuvent être adoptées au stade de la liquidation judiciaire, mais pas au stade de la sauvegarde ni à celui du redressement judiciaire. Avec les dispositions du texte qui nous sont soumises, des saisies conservatoires et des sûretés judiciaires pourront désormais être prises afin d’empêcher des dirigeants, peu scrupuleux, d’organiser leur insolvabilité.
Pour dire vrai, ce texte de portée générale fait partie intégrante d’un plan de sauvetage plus large du site visant à permettre le redémarrage de la raffinerie.
Il permettra certes de sanctuariser les 200 millions d’euros que représentent les stocks de la raffinerie, ce que les salariés appellent leur « trésor de guerre », mais il ne peut suffire à lui seul à régler la situation, comme l’a très clairement rappelé le Président de la République lors de son déplacement sur le site, vendredi dernier. Une bataille essentielle reste donc à mener : trouver un repreneur solide et sérieux qui veuille investir dans l’usine afin d’assurer la pérennité – je dirais même la durabilité ! – de l’entreprise. Je sais, monsieur le ministre chargé de l’industrie, que vous êtes particulièrement mobilisé sur cette question.
Dans l’intervalle, la raffinerie bénéficiera d’un contrat de travail à façon pour le compte de Shell, qui devrait permettre de redémarrer les unités de la raffinerie et d’effectuer les travaux nécessaires.
Il est incontestable que la fermeture de cette raffinerie serait un drame pour notre région.
Un drame humain, avant tout : n’oublions pas que, si une entreprise, c’est un capital financier, des outils, c’est avant tout un capital humain. Ce sont 550 emplois directs et des centaines d’emplois indirects qui sont en jeu !
Un drame écologique aussi, compte tenu non seulement de la vétusté du site, mais aussi des conséquences qu’entraînerait sa fermeture.
Un drame économique enfin, sachant que le trafic lié à l’entreprise représente 10 % de celui du port de Rouen et 10 % de celui du Havre. En tant qu’ancien ministre de l’aménagement du territoire, chargé du Grand Paris, monsieur le garde des sceaux, je pense que vous serez très sensible à cette précision.
L’attention portée à notre région à travers le projet ambitieux du Grand Paris, sur lequel le commissaire général pour le développement de la vallée de la Seine, Antoine Rufenacht, vient de rendre ses conclusions, doit se traduire, de prime d’abord, par le maintien des activités de premier plan, telles que celles de la raffinerie.
Il est vrai que la situation de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne illustre les difficultés rencontrées par tout un secteur industriel, celui du raffinage. Du fait de la baisse de demande des produits pétroliers liée à la crise, particulièrement en Europe, et surtout en raison de l’inégalité de traitement entre les produits pétroliers raffinés en France et ceux qui sont importés, le raffinage tend à se développer dans les pays émergents, où les normes sociales et environnementales sont moins contraignantes.
Il était nécessaire, monsieur le ministre chargé de l’industrie, que soit mis en œuvre ce plan d’action pour le raffinage décidé par le Gouvernement, en juin dernier, pour pérenniser durablement nos capacités de raffinage sur notre territoire, nos emplois et notre indépendance énergétique.
Avant de conclure, j’ajouterai que la proposition de loi trouve un écho malheureux dans l’actualité des entreprises de Haute-Normandie, région dont je suis l’élue. Après Petroplus, nous avons en effet appris, lundi après-midi, le placement du pôle des quatre quotidiens normands du groupe Hersant, qui détient notamment Paris Normandie, en redressement judiciaire.
La proposition de loi répond donc à des préoccupations très prégnantes pour les élus haut-normands et seinomarins, soucieux de se mobiliser sur le front de la sauvegarde des emplois.
Bien que les deux entreprises précitées connaissent ces difficultés pour des raisons très différentes, elles ont cependant un point commun : leur situation illustre la nécessité d’affronter et d’accompagner aujourd’hui des mutations industrielles de grande ampleur. La crise sans précédent que nous vivons a bel et bien accéléré ce phénomène. Ce qui est en jeu ici, c’est notre capacité à nous mobiliser auprès des entreprises, grandes, petites et moyennes, en veillant à ce que les seules logiques financières de dirigeants peu scrupuleux ne prennent pas le pas sur l’intérêt général.
En conclusion, je tiens à saluer le travail effectué par la commission des lois sur ce texte, compte tenu des délais pour le moins serrés – pour ne pas dire « hors norme » ! – auxquels nous étions soumis. Je remercie également, pour leur travail, notre rapporteur, Jean-Pierre Sueur, ainsi que les administrateurs du Sénat.
Le groupe de l’Union centriste et républicaine votera évidemment la proposition de loi, qui a été améliorée dans le sens d’une plus grande transparence de l’information due aux salariés. Je sais que l’objectif était d’aboutir à l’adoption rapide d’un texte qui soit juridiquement solide, fasse consensus sur le fond et permette de combler un vide juridique.
J’espère que ce texte, qui relève de l’intérêt général, recueillera l’assentiment de l’ensemble de nos collègues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à dire d’emblée que nous ne nous opposerons pas à ce texte.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Thierry Foucaud. Qu’il me soit toutefois permis de préciser, après avoir relu le rapport de la commission, que le consensus n’est qu’apparent. Il faut donc cesser de dire n’importe quoi !
Charles Revet a indiqué qu’il associait Patrice Gélard à ses propos. Or celui-ci déclarait, hier, en commission : « Je suis le régional de l’étape, Petit-Couronne étant dans ma circonscription, en Seine-Maritime. Les parlementaires de tous bords se sont penchés sur le problème, afin de trouver une solution aux difficultés de cette entreprise, dont le propriétaire s’est comporté comme un voyou. Je partage les inquiétudes de Jean-Jacques Hyest sur la rédaction de ce texte, imparfaite à tous points de vue et susceptible de poser problème par la suite. »
M. Charles Revet. Pas du tout !
M. Thierry Foucaud. Cher Charles Revet, je sais que vous connaissez très bien cette entreprise, vous qui n’y avez jamais mis les pieds ! Il aura suffi que le Président de la République vienne y faire une visite pour que, tout à coup, tous les députés et sénateurs de l’UMP de la Seine-Maritime la découvrent !
M. Charles Revet. M. Besson ainsi que les salariés de Petroplus peuvent témoigner que j’étais présent à leurs côtés, tout comme Catherine Morin-Desailly !
Mme la présidente. Seul M. Foucaud a la parole !
M. Thierry Foucaud. On connaît en effet l’engagement de la droite en faveur de l’emploi...
Qu’il me soit également permis de citer Gaëtan Gorce, qui déclarait lors de cette même réunion de commission : « Je suis totalement interloqué, mais peut-être finirai-je par m’y habituer, de voir que l’on continue d’expliquer à nos concitoyens, particulièrement dans les périodes électorales, que nous pourrions garantir l’emploi par la loi. Si le législateur peut tout, c’est qu’il a méconnu auparavant ses responsabilités juridiques et politiques ! Pour toutes ces raisons, je m’abstiendrai [...] ». Comme chacun peut le constater, le consensus n’est pas total.
Quoi qu’il en soit, notre groupe, je le répète, ne s’opposera pas à la proposition de loi, malgré le chantage gouvernemental visant à nous empêcher de déposer des amendements, ce qui est pourtant un droit parlementaire fondamental, au motif, a-t-on expliqué aux salariés, que si le texte était amendé, son examen serait repoussé au mois de septembre. C’est du chantage !
M. Philippe Bas. Non, c’est la vérité !
M. Thierry Foucaud. Ces remarques étant faites, je vais à présent donner notre point de vue sur ce texte et indiquer quelle autre direction nous aurions pu prendre.
Il aura donc fallu quelques visites d’entreprises en difficulté et une couverture médiatique minimale ou, pour le moins, réduite aux faits et gestes de quelques candidats à l’élection présidentielle, pour que l’on se souvienne, d’un seul coup, que la France est d’abord, et avant tout, celle qui travaille, qui produit les richesses et qui, parfois, désespère de garder son emploi ou de voir ses enfants en trouver un.
Pour des raisons politiciennes qui n’échapperont à personne, une proposition de loi a été déposée par cinq députés de l’UMP de Seine-Maritime, le 22 février dernier, et nous sommes, ce 1er mars – soit huit jours après le dépôt du texte ! –, pratiquement mis en demeure de l’adopter conforme, afin qu’il soit appliqué le plus rapidement possible. La preuve est donc faite que « quand on veut, on peut ». Ce vieux proverbe populaire prend soudain tout son relief, mais aussi toute sa saveur !
À la vérité, cette apparente précipitation dissimule assez mal les intentions réelles des véritables auteurs de la proposition de loi.
En tant que parlementaire de Seine-Maritime, je suis interpellé, depuis plusieurs années déjà, par les salariés de la raffinerie Petroplus, ex-Shell France, inquiets pour le devenir de l’activité de leur site.
Le temps me manque évidemment pour évoquer la situation de cette entreprise historique des bords de Seine et pour souligner dans quelles conditions la Shell s’était délestée – déjà ! – de cette unité de raffinage, comme elle s’était débarrassée de la raffinerie de Berre-l’Étang, actuellement gérée par le groupe LyondellBasell.
Voilà donc plusieurs années que les salariés du site m’informent de la situation de leur entreprise.
Le groupe suisse de raffinage Petroplus, douillettement installé dans le canton de Zoug, dont la « spécialité » est d’être le paradis des paradis fiscaux, est aujourd’hui au bord de la cessation de paiement.
Il aura donc fallu que je convoque une conférence de presse sur le site de l’entreprise, vendredi 17 février, afin de présenter une proposition de loi relative à notre politique industrielle, élaborée en concertation avec les salariés de l’entreprise, notamment l’intersyndicale, et relative, entre autres dispositions, au renforcement des droits des salariés dans le cadre des procédures collectives et de la gestion courante des entreprises industrielles importantes, pour que, dans le secret des cabinets ministériels, quelques plumes commencent à rédiger le texte de la proposition de loi dont nous débattons ce matin.
Sans surprise, les choses n’ont pas traîné ! Et comme il fallait aller vite, on a cru bon de tirer de leur torpeur cinq députés seinomarins qui n’avaient jamais déposé, ni même inspiré, la moindre proposition de loi depuis le début de la législature, afin qu’ils assument le « portage » du texte et que son examen puisse intervenir au plus tôt.
Il est évident que, pour le Gouvernement et le Président de la République, la situation appelait des réponses, même partielles, au plus haut niveau, ne serait-ce qu’en raison de l’illusoire croyance en l’adhésion de quelques travailleurs au discours électoral de campagne présidentielle.
Que le Président de la République se rassure : il n’est pour rien dans la décision de Shell de confier à l’unité de Petit-Couronne six mois de raffinage, puisque la chose était réglée avant.
M. Thierry Foucaud. Avant son passage à Petroplus !
M. Thierry Foucaud. J’ai été stupéfait d’entendre le Président de la République dire que c’était grâce à lui que le problème avait été résolu.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Comme il fait tout, on se demande à quoi sert le Gouvernement !
M. Thierry Foucaud. Le patron de Shell, pour sa part, a déclaré qu’il n’avait jamais été en contact avec lui. C’est la presse qui le dit, ce n’est pas moi !
Venons-en au contenu de la proposition de loi, dont le cadre est strictement délimité.
Sur le fond, ses auteurs se contentent, comme l’a bien expliqué le président de la commission des lois, qui est aussi rapporteur du texte, de renforcer quelque peu les pouvoirs du président du tribunal de commerce, invité à statuer sur des « mesures conservatoires », qui étaient prises jusqu’à présent dans le cadre de procédures conduisant à la liquidation judiciaire des entreprises et qui pourraient désormais être étendues aux procédures de redressement.
Une telle procédure a effectivement été ouverte dans le cas de Petroplus France, dès lors que le groupe suisse de tête s’est déclaré en cessation de paiement, faute d’avoir pu mobiliser – du moins le prétend-il ! – le tour de table financier dont il avait besoin pour acheter, sur le marché spot, le pétrole brut à raffiner.
Évidemment, il paraissait presque inconcevable au Gouvernement que le texte puisse aller beaucoup plus loin que ces dispositions. Or on aurait très bien pu prévoir, par exemple, d’accorder au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel, la possibilité de saisir le président du tribunal de commerce afin qu’il exerce la faculté qui lui est ouverte dans le présent texte.
Il faudra bien un jour ou l’autre – le plus tôt sera le mieux ! – se demander pourquoi seuls l’administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire ou le ministère public sont habilités à saisir le président du tribunal de commerce pour mettre en œuvre les mesures conservatoires prévues par la loi. Les premiers concernés, me semble-t-il, sont tout de même les salariés !
Soyons clairs : le texte qui nous est soumis est d’une portée limitée, même si l’on peut supposer qu’elle sera immédiate et que le président du tribunal de commerce de Rouen prendra quelques dispositions pour s’assurer du maintien du stock de produits raffinés sur le site de Petroplus.
La proposition de loi ne permet pas de faire le tour de la question posée par le devenir de cette entreprise, ni de toutes celles qui ont souffert d’une gestion défaillante et fautive, mais elle est considérée par les salariés comme un point d’appui dans la poursuite de leur mouvement. Elle est aussi, en quelque sorte, une concession faite par l’actuel gouvernement – dont nous sommes nombreux à espérer, y compris au sein de l’entreprise Petroplus, le remplacement dans les meilleurs délais – face à la force d’un mouvement qui a suscité une large sympathie de la population, l’engagement des élus locaux et un soutien dépassant largement les limites de la Seine-Maritime.
Les salariés de Petroplus, comme ceux de Photowatt, de Lejaby et d’autres entreprises, posent directement la question cruciale de l’emploi, singulièrement de l’emploi industriel, dans notre pays. Reste que je ne m’étendrai pas maintenant sur le secteur du raffinage, ni sur les importations de produits : j’en parlerai au moment de l’examen des articles.
Je ne peux qu’être heureux que ces questions occupent désormais le devant de la scène politique, loin devant les combinaisons et les calculs politiciens des uns et des autres.
Soyons-en sûrs : comme le disent à juste titre les salariés eux-mêmes, quel que soit le texte final de la proposition de loi, « nous ne lâcherons pas l’affaire » tant qu’une solution industrielle viable et pertinente n’aura pas été trouvée. Qu’ils sachent que nous serons à leurs côtés !
C’est précisément parce que nous sommes avec eux que nous ne nous opposerons pas à la proposition de loi, même si sa portée est limitée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette fin de session parlementaire laisse à nos concitoyens l’étrange sensation que la majorité ne cesse de découvrir à quel point l’urgence sociale est criante dans notre pays.
Hier, le hasardeux projet de loi relatif à la majoration des droits à construire se voulait la réponse percutante du Président de la République à la crise du logement.
Aujourd’hui, cette proposition de loi nous est présentée comme la solution devant mettre un terme aux agissements scandaleux de certaines entreprises. Faut-il donc que la campagne électorale ouvre enfin les yeux du Gouvernement sur les désastres sociaux qui frappent jour après jour nos concitoyens…
La désindustrialisation de notre pays est une réalité et ses conséquences sont particulièrement dramatiques pour nos compatriotes les plus modestes. Non seulement les politiques appliquées depuis près de dix ans ont été inefficaces à l’enrayer, mais on pourrait même dire qu’elles ont été contre-productives. À l’évidence, le dernier subterfuge que constitue la TVA sociale, censée lutter contre les délocalisations, sera le baroud d’honneur de ces choix erratiques.
Sur la forme, la majorité des membres de mon groupe, le RDSE, ne peuvent que s’étonner du calendrier de la discussion de cette proposition de loi, qui intervient quelques jours à peine avant la suspension de nos travaux. Certes, le problème traité est lié à une circonstance particulière : le redressement judiciaire de la raffinerie de Petit-Couronne, en Seine-Maritime, dans les conditions qui ont déjà été rappelées.
Pour autant, de tels agissements ne sont, hélas ! pas une nouveauté. Les cas des sociétés Sodimedical, Ethicon ou Viveo, sanctionnées en appel pour mise en faillite frauduleuse, font figure de tristes précédents. Encore faut-il souligner que la Cour de cassation se prononcera prochainement sur ces trois affaires différentes et que, dans la dernière d’entre elles, les conclusions de l’avocat général ne sont pas favorables aux salariés.
Mes chers collègues, nous savons que le cœur du problème est d’arriver à garantir la survie d’entreprises défaillantes et des emplois qui leur sont liés lorsque certains de leurs dirigeants détournent sciemment les actifs pour échapper à leur responsabilité. Or le rapporteur a rappelé que, sur cette question, le droit est encore très parcellaire.
Aujourd’hui, en effet, le juge ne peut pas mettre en œuvre le droit commun des procédures civiles d’exécution ; il peut décider de mesures conservatoires dans le cadre d’une action en comblement de passif contre les dirigeants de l’entreprise uniquement au stade de la liquidation judiciaire et non au moment de la sauvegarde ou du redressement. Pourtant, en toute logique, les mesures à même de permettre la préservation d’un maximum d’emplois devraient pouvoir être prises dans toutes les procédures, et ce le plus en amont possible.
De même, il est indispensable d’empêcher au plus tôt les manœuvres qui aboutiraient à déprécier de façon dolosive l’actif net d’une société ou d’un groupe.
Tel est le sens de la présente proposition de loi. Pour notre part, nous la voterons, afin d’apporter aux salariés aujourd’hui confrontés à ces problématiques une réponse rapide et adaptée. Reste que notre soutien à ce texte n’est pas naïf. Il est circonscrit à une actualité brûlante, mais lourde de sens, sur l’avenir de l’emploi dans notre pays si toutes les choses restent en l’état. Rappelons que, pour la Cour de cassation, il n’appartient au juge ni de vérifier ou d’apprécier les motifs économiques invoqués par un employeur ni d’opérer le choix économique qui revient à ce dernier.
Pour la majorité des membres du RDSE, il est urgent d’élargir le débat à deux questions : le droit des représentants du personnel à prendre davantage part aux choix de gestion et la situation des entreprises réduisant leurs activités bien qu’elles soient bénéficiaires.
Nous estimons que le tribunal de commerce devrait pouvoir non seulement se prononcer sur les offres de reprise, mais aussi sur une obligation de cession afin de préserver l’emploi. Un tel dispositif permettrait en outre d’inciter les entreprises à investir pour développer leur appareil productif.
Alors que nos collègues députés ont débattu dans cet esprit, nous regrettons que l’urgence sociale n’ait pas constitué un argument suffisant aux yeux du Gouvernement. Aussi la présente proposition de loi reste-t-elle finalement centrée sur la seule question des mesures conservatoires.
Le groupe du RDSE votera ce texte avec responsabilité, afin qu’il entre en vigueur dans les meilleurs délais. Mais nous attendons surtout que soient enfin opérés des choix politiques volontaires et volontaristes pour maintenir l’emploi industriel dans notre pays ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention ne portera pas sur les mêmes points que celle de Marc Massion, qui va suivre. Pour part, je veux faire le lien entre la situation des salariés de Petroplus et celle des salariés d’ArcelorMittal à Florange, en Moselle. D’ailleurs, mes chers collègues, je suis sûr que vous pourriez tous citer dans vos départements de nombreux cas où notre potentiel industriel est mis à mal.
La proposition de loi qui nous arrive de l’Assemblée nationale vise à doter notre pays d’outils législatifs nécessaires. Les députés socialistes ont d’ailleurs souhaité les compléter pour tenir compte du cas où un groupe industriel rentable veut abandonner un site tout en refusant de voir un concurrent reprendre la production sur place. L’adoption des amendements qu’ils ont défendus aurait permis l’intervention du tribunal de commerce.
Le Gouvernement et sa majorité ont rejeté ces propositions, répétant comme une litanie qu’ils se battaient pour l’emploi et la reprise de l’activité à Florange par ArcelorMittal. Qui pourrait dire qu’il ne souhaite pas la poursuite de l’activité sidérurgique d’ArcelorMittal en Lorraine ?
Pourtant, vous le savez bien, il y a longtemps qu’ArcelorMittal se comporte non plus en industriel, mais en financier à la recherche de toujours plus de profit. D’ailleurs, il vient de dégager un bénéfice de plus de 2 milliards d’euros.
Comme vous l’aviez fait pour Gandrange voilà quelques années, vous nous expliquez que tous les signes sont favorables à une reprise de l’activité des hauts fourneaux de Florange. Vous évoquez les investissements de maintenance réalisés, et je ne sais quoi encore. Or Gandrange a fermé, comme ont fermé les hauts fourneaux de Liège, après deux années d’une fermeture prétendument temporaire, comme ont fermé les hauts fourneaux de Madrid et comme fermeront en mars ceux de Schifflange au Luxembourg.
M. Sarkozy est un homme de coups médiatiques.
M. Jean-Marc Todeschini. Je parle du candidat.
Sa déclaration de ce matin en est une nouvelle preuve. Conscient que la sidérurgie lorraine restera le symbole de l’échec de sa politique industrielle, il a annoncé, sur France Inter, 17 millions d’euros d’investissements pour Florange. Mais ces fonds correspondent à ce qui a déjà été prévu et ne concernent que des parties non menacées du site !
Sur cette somme, seuls 2 millions d’euros concernent réellement les hauts fourneaux. Encore ne s’agit-il pas d’investissements nouveaux, mais simplement d’une maintenance que les salariés, en octobre, ont exigée et obtenue auprès du préfet pour conditionner les accords de chômage partiel.
Quant aux 15 millions d’euros nouveaux, permettez-nous d’être perplexes et sceptiques. En effet, 7 millions d’euros concernent le gazomètre de la cokerie. Or ces travaux ne garantissent en rien la reprise de la filière liquide, car le coke peut être envoyé sur n’importe quel site. D’ailleurs, alors que les hauts fourneaux sont actuellement à l’arrêt, la cokerie de Florange fonctionne toujours.
Les autres 8 millions d’euros concernent des produits nouveaux dans la filière froide. Là aussi, il s’agit d’une entité totalement séparée des hauts fourneaux, actuellement alimentée par un acier venu de Dunkerque. En outre, ces sommes étaient elles aussi prévues depuis plusieurs mois pour le projet Usibor.
M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, je ne vous interromprai pas lorsque vous parlerez.
Quant à la promesse de redémarrer les hauts fourneaux au second semestre, elle n’a aucune valeur d’engagement. Je rappelle qu’ArcelorMittal a fermé les hauts fourneaux de Liège quarante-huit heures après avoir pris l’engagement écrit de recruter et d’investir sur le site. Osez dire que ce n’est pas vrai, monsieur le ministre !
Vous nous aviez déjà joué le même cinéma pour Gandrange.
M. Philippe Bas. Ne soyez pas grossier ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Nous ne sommes pas grossiers, nous posons des questions !
M. Martial Bourquin. De vraies questions !
Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser M. Todeschini s’exprimer.
M. Jean-Marc Todeschini. Si vous trouvez cette expression grossière, monsieur Bas, je la retire. Disons que vous avez déjà utilisé ces arguments… Cela vous convient-il ?
M. Philippe Bas. C’est mieux !
M. Jean-Marc Todeschini. Il n’en reste pas moins que vos arguments sont toujours les mêmes.
Pour parer au risque de fermeture, les députés socialistes ont déposé des amendements qui allaient dans le bon sens, pour le site d’ArcelorMittal comme pour d’autres sur notre territoire.
Votre réponse a simplement consisté à prétendre qu’il s’agissait d’un coup politique, à la suite du déplacement de François Hollande sur le site de Florange. Eh bien non ! Les salariés et les élus, même s’ils espèrent la poursuite de l’exploitation du site par ArcelorMittal, ne veulent pas revivre ce qui s’est passé à Gandrange. Ils souhaitent défendre l’outil industriel, les emplois industriels et la sidérurgie en Lorraine. C’est pourquoi ils nous ont demandé de proposer l’adoption d’un dispositif permettant la poursuite de l’activité avec un autre repreneur.
Je le répète, vous avez qualifié cette initiative de coup politique, de proposition absurde, et de je ne sais quoi encore. Mais à qui ferez-vous croire que votre texte n’est pas une commande politique à quelques jours d’une élection capitale ? Pourquoi n’a-t-il pas remédié à de telles situations auparavant, celui qui veut aujourd’hui être le candidat du peuple alors qu’il a été pendant cinq ans le Président des riches ? (M. le garde des sceaux soupire.)
Pour notre part, nous prenons nos responsabilités. Nous aurions pu reprendre les amendements des députés socialistes, avec une chance de les voir adoptés dans l’intérêt de l’emploi et celui de la France. Mais compte tenu de l’attitude du Gouvernement à l’Assemblée nationale et des déclarations du ministre du travail imputant aux socialistes l’échec éventuel d’un dispositif souhaité par les salariés de Petroplus, nous avons décidé de voter conforme la proposition de loi pour ne pas retarder son adoption.
M. René Garrec. Très bien !
M. Jean-Marc Todeschini. Nous regrettons que le Gouvernement se contente de caricaturer nos propositions et qu’il s’enferme dans un jeu politicien de pure tactique électorale en rejetant une initiative socialiste qu’il sait être pertinente. Celle-ci nous aurait permis de nous doter d’outils législatifs nécessaires pour maintenir dans certains cas des emplois industriels et pour peser sur la stratégie, industrielle mais surtout financière, de certains grands groupes rentables qui se moquent des logiques de territoire et de l’emploi.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, c’est donc à vos successeurs qu’il appartiendra de compléter la législation en faisant adopter ces outils. Ceux-ci permettront à notre pays de mener une véritable politique industrielle ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis vise à combler un vide juridique, dont le Gouvernement s’est accommodé jusqu’à ce jour. J’ose même dire qu’il l’a laissé persister.
En vertu du droit en vigueur, le code de commerce ne permet au juge de prononcer des mesures conservatoires que dans le cadre d’une liquidation judiciaire, c’est-à-dire au moment de la dissolution d’une entreprise. Avec le nouveau dispositif, de telles mesures pourront être décidées en amont, c’est-à-dire au moment de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire d’une entreprise. Espérons que cette intervention en amont permettra d’éviter que des dirigeants indélicats organisent leur insolvabilité ou dépouillent une entreprise de ses actifs, qui ont une valeur certaine.
On peut d’autant plus saluer cette disposition qu’elle s’inscrit à rebours de ce que tous les gouvernements ont fait depuis dix ans en matière de responsabilité des dirigeants, à savoir la limiter toujours un peu plus. À cet égard, je pense à l’ordonnance du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises en difficulté,…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Très juste !
M. Marc Massion. … qui a supprimé l’action en paiement des dettes sociales créée par le législateur trois ans plus tôt par la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Absolument !
M. Marc Massion. Cette dernière permettait pourtant d’intenter une action contre un dirigeant, notamment lorsqu’il avait « détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. »
Je songe également à l’ordonnance du 9 décembre 2010 portant adaptation du droit des entreprises en difficulté et des procédures de traitement des situations de surendettement à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui a considérablement contraint le champ de l’action en insuffisance d’actif introduite également par la loi de 2005 en l’excluant des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire et en réduisant le montant éventuellement dû par le dirigeant fautif à la seule insuffisance d’actif, à l’exclusion des autres dettes.
Avec le présent texte, souvent qualifié de « proposition de loi Petroplus », on a l’impression que le Gouvernement s’offre une session de rattrapage. Mais, bien entendu, la loi qui résultera de nos travaux ne concernera pas uniquement Petroplus. Elle devrait permettre à d’autres entreprises malheureusement en difficulté, notamment à leurs salariés, de préserver leur avenir.
Sénateur de Seine-Maritime, j’interviens en cet instant en tant qu’élu local, et même très local, puisque ma commune Grand-Quevilly jouxte Petit-Couronne. J’associe d’ailleurs à mon intervention mon ami Alain Le Vern, qui est provisoirement empêché.
Je ne crois pas en l’intérêt spontané du Gouvernement à l’égard du devenir de cette raffinerie. Les faits sont là : ils montrent l’engrenage du désintérêt de la Shell, qui porte la première et lourde responsabilité de l’actuelle situation. Souvenons-nous : d’abord, fermeture du centre de recherche de cette société, puis vente à Petroplus, alors pratiquement inconnue. Hier soir, à l’Assemblée nationale, Laurent Fabius a rappelé qu’il avait interrogé Mme Lagarde, alors ministre de l’économie, au moment de la cession. Celle-ci s’était alors portée garante de la fiabilité et du sérieux de cette entreprise. Or, trois ans après, nous voyons le résultat !
À l’automne 2011, l’annonce de 120 suppressions d’emplois a conduit les salariés concernés à s’interroger. Au mois de décembre suivant, Petroplus déclarait qu’elle n’avait plus suffisamment de liquidités pour acheter du brut. Le 24 janvier, elle a été mise en redressement judiciaire, alors que peu de temps auparavant – peut-être quelques heures seulement – ses comptes avaient été totalement vidés.
Les syndicats sont alertés depuis longtemps, plus particulièrement depuis l’annonce des 120 suppressions d’emplois, et le mouvement social monte en puissance. C’est seulement en raison de cette démarche volontaire, responsable que les pouvoirs publics se sont intéressés au devenir de l’entreprise et, par voie de conséquence, à l’emploi. N’oublions pas non plus que l’élection présidentielle approche…
Il était urgent d’agir. Le présent texte est donc destiné à mettre hors d’atteinte des prédateurs les stocks existants, lesquels s’élèvent, dit-on, à 200 millions d'euros, et à préserver les intérêts des salariés. Je dis bien les intérêts et non les droits, car, à la suite de la lecture du compte rendu des débats à l’Assemblée nationale, je suis obligé de vous demander de lever la confusion qui existe entre les propos de Mme la rapporteur et les vôtres, monsieur le ministre.
Ce matin, vous nous avez bien indiqué, si je ne me trompe, que les obligations sociales visées par l’amendement présenté par Mme Guégot comprennent les droits acquis des salariés. Pouvez-vous nous le confirmer ? Il vous suffit de répondre à mon interrogation par « oui » ou par « non », à l’instar des citoyens lorsqu’ils sont consultés par référendum, dont il est beaucoup question actuellement…
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Marc Massion. Vous nous devez la vérité !
Il est aussi urgent d’assurer le redémarrage de la raffinerie. Les conditions de celui-ci ont d’ailleurs été présentées par un représentant de l’intersyndicale lors d’un grand rassemblement devant l’entreprise le 20 janvier dernier.
Lors de la visite à Petit-Couronne du Président de la République – mais peut-être était-ce le candidat à l’élection présidentielle –, beaucoup ont pensé qu’il venait non pas pour confirmer ce que tout le monde savait déjà, mais pour annoncer le nom d’un repreneur. En réalité, il a simplement parlé des 50 millions d'euros nécessaires à la réalisation des travaux permettant le redémarrage, et il a insisté sur la participation de Shell en déclarant aux salariés : Shell met 20 millions d'euros sur la table, et ça donne du boulot pour six mois ! Il ne s’agissait donc que d’une visite médiatique.
M. Roland Courteau. Encore une !
M. Marc Massion. Le jour même, le président de la Société des pétroles Shell déclarait que seuls étaient acquis 10 millions d'euros. Le reste est attendu sous forme de commandes si les travaux de redémarrage s’effectuent correctement. Il a également annoncé un contrat de processing d’une durée de six mois maximum.
Monsieur le ministre, j’y insiste, quel accord avez-vous vraiment signé avec la Shell ?
La question essentielle demeure : quel repreneur ? Les syndicats exigent avec raison un repreneur industriel et non un financier, qui, après avoir engrangé quelques profits, risque de mettre la clé sous la porte. Tout le monde est conscient de la difficulté, mais pouvez-vous nous dire aujourd'hui s’il existe des pistes sérieuses ? Je comprends que vous ne puissiez nous donner trop de précisions, mais au moins fournissez-nous une indication.
Je suppose que la date du 15 mars fixée par l’administrateur pour trouver un repreneur sera reportée de la durée du contrat de processing. Monsieur le ministre, j’espère que vous nous confirmerez ce report.
Au-delà de l’avenir industriel de Petroplus se pose la question de l’avenir du raffinage en France. Dunkerque, Berre-l’Étang, Petit-Couronne, faut-il poser la question : « Et après ? ».
Pourtant, au mois de juin dernier, à l’issue d’une table ronde, qui avait duré plusieurs mois, un plan d’action national avait été annoncé d’ici à la fin de l’année 2011. Qu’en est-il aujourd'hui ? Rien en faveur de la compétitivité du raffinage français ! Rien sur les débouchés des produits issus du raffinage ! Rien sur l’anticipation des restructurations et la préservation de l’emploi ! Rien à l’échelon européen, alors que c’est à ce niveau que l’essentiel devrait se jouer !
Monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement pour assurer la pérennité du raffinage, filière industrielle si importante pour l’économie de notre pays et pour l’emploi ?
La rive gauche de la Seine, dans la toute proche banlieue de Rouen, est de tradition industrielle. Trois entreprises témoignent de ce patrimoine industriel : à Grand-Couronne, Chapelle-Darblay – ce nom rappelle peut-être des souvenirs à quelques-uns –, à Petit-Couronne, Petroplus, même si tout le monde parle encore de la Shell, à Grand-Quevilly, Grande Paroisse. Malgré les nuisances, malgré les risques, ces usines en activité symbolisent la vie économique et sont des repères pour toute la population, attentive à toutes les menaces pesant sur l’emploi. J’en veux pour preuve le grand rassemblement du 20 janvier, que j’évoquais précédemment. Salariés, retraités, commerçants, bref, toute la population s’est mobilisée pour défendre cet outil de travail et, malgré son inquiétude, elle ne baisse pas les bras.
Pour terminer, je veux saluer la détermination des salariés et l’engagement de leurs représentants ici présents dans une démarche empreinte de volontarisme et de lucidité.
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre, j’espère obtenir des réponses aux questions précises que j’ai posées. Les membres du groupe socialiste ont l’intention de voter la proposition de loi, même s’ils ont bien conscience – ne nous voilons pas la face – que Petroplus est en sursis. Nous demandons donc au Gouvernement de faire tous les efforts pour arriver à la seule solution possible : la reprise industrielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Dans le cadre de ma réponse, je m’en tiendrai au droit ; Éric Besson, eu égard à son engagement constant au service de notre industrie, des entreprises et des salariés, se chargera d’apporter un certain nombre de précisions sur la politique industrielle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à tous vous remercier d’avoir décidé de voter en faveur des dispositions tendant à modifier le code de commerce. Cet outil manquait à notre arsenal juridique. De ce fait, des mesures conservatoires pourront être prises. Grâce aux amendements d’ores et déjà adoptés, il sera même possible d’aller au-delà puisque, sous le contrôle du juge, le produit de la cession des biens qui feraient l’objet de mesures conservatoires pourra assurer l’exécution des obligations sociales et environnementales.
Je sais bien que votre décision ne remet pas en cause vos convictions politiques, et d’ailleurs je ne vous demande pas d’y renoncer. Simplement, il est bon que, de temps en temps, lorsque cela est nécessaire, nous puissions aboutir à une solution commune.
D’aucuns m’ont reproché de faire de la politique. Oui, je le revendique : nous sommes élus pour cela ! Faire de la politique, ce n’est pas forcément se livrer à des calculs politiciens : « Si la politique n’est pas tout, elle est en tout », écrivait Emmanuel Mounier.
Les mesures conservatoires proposées ont pour objet de faciliter la reprise des entreprises en difficulté. Elles ne prendront tout leur sens et ne produiront leur pleine efficacité que si, demain, il y a un repreneur, comme l’a dit M. Massion, et si le produit de la cession éventuelle des biens qui appartiennent aux propriétaires de la société de raffinage est confié à la Caisse des dépôts et consignations. De ce fait, les nécessaires négociations précédant la reprise de la raffinerie seront plus aisées.
L’outil qui manquait jusqu’à présent à notre arsenal juridique, nous pouvons l’offrir ce matin à Petroplus et demain à l’ensemble des entreprises qui se trouveront dans une situation identique. C’est pourquoi je tiens à nouveau à remercier M. Sueur et tous les autres sénateurs de permettre à une telle disposition de figurer dans le code de commerce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Quelle que soit votre appartenance politique, je vous remercie tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous apprêter à voter la présente proposition de loi. Mes remerciements s’adressent singulièrement à ceux d’entre vous qui siègent sur la gauche de cet hémicycle. Malgré vos réserves, je sais que vous agissez ainsi afin d’aider Petroplus et ses salariés.
Nous n’allons pas engager un grand débat sur la politique industrielle aujourd’hui. Cependant, force est de reconnaître que la situation est contrastée.
Des pans entiers de notre industrie se portent bien. Je pense à l’aéronautique, à l’espace, aux transports, à l’industrie du luxe, aux cosmétiques – l’Oréal gagne des parts de marché partout dans le monde. Reste que d’autres secteurs connaissent incontestablement des difficultés et des restructurations. Malgré ce que l’on peut entendre, nous ne les découvrons pas. Dire le contraire, ce serait faire injure à l’action quotidienne du Comité interministériel de restructuration industrielle. Le CIRI sauve en effet des entreprises ainsi que des dizaines, des centaines, voire des milliers d’emplois chaque année. C’est aussi le cas de la médiation du crédit, de la médiation de la sous-traitance. Sachez que les services du ministère et les organismes associés travaillent en permanence dès qu’une entreprise est en difficulté.
Ce n’est pas notre faute si les projecteurs médiatiques sont braqués sur un certain nombre de sujets, pour cause de campagne électorale. Ne venez donc pas nous dire qu’on s’agite à cause des élections. On agit tout le temps !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Agit ou s’agite ?
M. Éric Besson, ministre. La clé d’une politique industrielle, c’est l’innovation, la recherche et le développement. Convenez qu’aucun autre gouvernement n’a investi autant d’argent en ces domaines, et ce pendant cinq ans. Cela nous renvoie au débat sur la compétitivité de notre pays, le financement de nos prélèvements obligatoires et de la protection sociale. C’est l’un des enjeux de la période actuelle ; je n’y reviens donc pas.
Pour ce qui concerne le Président de la République, je ne ferai pas d’effet de tribune ici, mais je constate que vous lui reprochez tout et son contraire, en l’accusant soit d’immobilisme, soit d’électoralisme.
Par exemple, quand Petroplus rencontre une difficulté, le candidat socialiste va devant la raffinerie et demande où est le Président de la République. Il travaille, avec le Gouvernement, à négocier ce qu’on appelle un contrat de « processing », un contrat à façon, non seulement avec Shell, mais aussi avec l’ensemble de la filière pétrolière pour trouver une solution rapide. Soit dit par parenthèse, les experts et les salariés savent qu’une raffinerie ne peut rester longtemps à l’arrêt sinon elle « rouille » et le coût du redémarrage est important.
Il aura fallu des jours et des nuits de tractations et d’âpres négociations pour arriver à ce résultat, que vous qualifiez d’électoraliste.
Le texte est utile, mais il constitue juste une étape. Il précise simplement qu’une société-mère ne peut pas vider les caisses la veille du dépôt de bilan, car cet argent sera nécessaire pour la reprise.
S’agissant des déclarations du Président de la République, il a, me semble-t-il, dit les choses très honnêtement en indiquant que le contrat permet une relance de l’activité pendant six mois : nous avons donc six mois pour trouver un repreneur dans de bonnes conditions. La relance de l’activité favorise la reprise : personne ne peut contester cette réalité !
Pour ce qui concerne Florange, monsieur Todeschini, c’est exactement la même chose. Quand ArcelorMittal arrête les hauts fourneaux en disant que c’est temporaire, on entend instantanément : « Que fait le Gouvernement ? Que n’exige-t-il d’ArcelorMittal que Florange reparte et que les hauts fourneaux soient remis en activité ? ». Comme s’il appartenait à un gouvernement de donner un ordre de reprise d’activité à une entreprise et comme s’il fallait nier la conjoncture.
Oui ou non la demande d’acier a-t-elle baissé en Europe l’année dernière ? Oui ou non la reprise de la demande d’acier est-elle moindre en Europe que dans le reste du monde ? Ce n’est pas le gouvernement français qui décrète la demande d’acier dans le monde. Elle est simplement beaucoup plus forte en Asie ou en Amérique latine qu’en Europe, où les experts prévoient cette année 0,5 %, voire 1 % de demande d’acier supplémentaire.
Quand, hier après-midi, le Président de la République reçoit Lakshmi Mittal, mettant fin à des semaines de discussions et de négociations avec ArcelorMittal, et annonce ce matin un certain nombre de bonnes nouvelles, c’est de nouveau un procès en électoralisme !
Monsieur Todeschini, je répondrai maintenant très précisément à deux questions que vous avez posées.
Concernant le contrat avec Shell, ce sont bien 20 millions d’euros qui sont mis sur la table : 10 millions d’euros tout de suite pour les travaux de redémarrage ; 10 millions d’euros pour les investissements de maintenance payés par Shell au fur et à mesure du processing. Je vous ai dit par ailleurs qu’il s’agit de six mois au maximum. C’est donc une étape. Cela permettra de discuter avec les repreneurs.
Pour ce qui concerne Florange, beaucoup nous demandaient si les hauts fourneaux allaient repartir. Les doutes sont désormais levés. ArcelorMittal a clairement réaffirmé le caractère stratégique de la France pour la production d’acier et annoncé la relance des hauts fourneaux dès que la conjoncture le permettra. D’ailleurs, le groupe, après avoir déjà investi 2 millions d’euros dans la maintenance, réinvestit tout de suite 2 millions d’euros supplémentaires pour préparer la reprise d’activité, l’objectif étant la relance au deuxième semestre.
Certains disaient récemment que, derrière le dossier des hauts fourneaux, c’était l’ensemble du site de Florange qui serait déstabilisé. Nous affirmions au contraire que, à notre connaissance, ArcelorMittal voulait continuer à investir sur le site. Les 15 millions d’euros d’investissements que vous avez évoqués nous confirment dans cette idée.
Enfin, je n’insiste pas – parce que vous connaissez le dossier – sur le fait que le Gouvernement et ArcelorMittal sont mobilisés sur le projet Ulcos de captage-stockage de CO2. (M. Jean-Marc Todeschini se montre dubitatif.)
Vous froncez les sourcils, mais la réalité est que nous agissons. Le Premier ministre a en effet indiqué à la Commission européenne que nous voulions privilégier ce dossier dans les demandes que nous avons adressées. L’État affectera 150 millions d’euros d’investissements d’avenir, ce qui n’est pas rien, et je me suis moi-même rendu à Bruxelles, le 8 novembre dernier, pour rencontrer, au cours du même après-midi, les trois commissaires concernés par ce dossier, afin de plaider notre cause. Que voulez-vous que nous fassions de plus pour pousser le projet de captage-stockage de CO2, qui est un dossier majeur pour l’avenir de l’industrie sidérurgique en France et en Europe ?
J’en reviens à la proposition de loi.
Ce texte technique, j’en conviens, n’est pas majeur en matière de politique industrielle. Il ajoute une petite pierre à notre édifice juridique pour éviter les abus des montages en cascade de certaines sociétés-mères pour s’exonérer de leurs responsabilités tant sociales qu’environnementales. Quoi qu’il en soit, il favorisera la reprise de l’activité à Petroplus. C’est pourquoi je remercie à nouveau toutes les sénatrices et tous les sénateurs de leur soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Fouché. C’est un très bon texte !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
proposition de loi relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet
Article 1er
(Non modifié)
L’article L. 621-2 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application des deuxième et troisième alinéas du présent article, le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens du défendeur à l’action mentionnée à ces mêmes alinéas, à la demande de l’administrateur, du mandataire judiciaire, du ministère public ou d’office. »
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Avec cet article 1er, nous entrons dans le vif du sujet puisqu’il concerne les mesures conservatoires, par principe jusqu’ici appliquées en cas de liquidation, en vertu des dispositions de l’article L. 651-4 du code de commerce.
L’exemple de Petroplus, où la trésorerie disponible a été littéralement asséchée par la maison mère, en Suisse, quelques heures ou quelques jours avant la déclaration de cessation de paiement, est suffisamment parlant pour que des mesures soient prises.
Je souhaite cependant appeler l’attention sur plusieurs aspects de la question.
Le moindre n’est pas d’étendre de manière non négligeable les possibilités existantes de maintien de la cohérence d’un site industriel, puisque toute mesure conservatoire prise dans le cadre d’une gestion fautive ayant conduit à la procédure collective permettra la préservation de certaines capacités de production, particulièrement intéressantes dans la perspective de cession et de reprise de l’activité. C’est d’ailleurs pour ces raisons qu’il nous semble fortement souhaitable que les pouvoirs dévolus au comité d’entreprise comme aux délégués du personnel, s’il y a lieu, soient étendus dans l’ensemble des entreprises où ces instances existent.
L’affaire Petroplus comme les dossiers Photowatt ou Lejaby montrent à l’envi qu’il est temps que nous sortions de la monarchie patronale qui garde encore tout son poids dans la vie de nos entreprises.
M. Alain Fouché. N’importe quoi !
Mme Éliane Assassi. Allez voir les salariés !
M. Thierry Foucaud. Renseignez-vous, vous verrez ce qu’est encore aujourd'hui la monarchie patronale !
M. Alain Fouché. On a vu les profits avec Pinault quand vous étiez au pouvoir !
M. Thierry Foucaud. Je n’ai pas encore parlé des profits patronaux, mais je veux bien dialoguer avec vous sur tous ces sujets.
Quand des chefs d’entreprise « organisent » la faillite d’une entreprise – avec Petroplus, c’est bien de cela qu’il s’agit, puisque l’unité de Petit-Couronne présentait tout de même, mes chers collègues de la minorité sénatoriale, malgré le climat social dégradé, une rentabilité de 5,5 % à 7 % –, le bien-fondé du pouvoir patronal tout-puissant est de moins en moins établi.
Les salariés de Petroplus, puisque c’est là l’exemple qui nourrit cette proposition de loi, sont porteurs de projets et d’idées pour le développement de leur entreprise, et ils ne sont aucunement convaincus, contrairement à ce que certains ont pu dire et écrire, que le secteur du raffinage soit « perdu » en France, au seul motif que les réserves de pétrole s’épuisent ou que raffiner ailleurs coûterait sensiblement moins cher.
En revanche, il est vrai que, lorsque l’Europe signe un accord d’importation privilégiée avec les Antilles néerlandaises, où le seul raffineur en activité est évidemment Shell, elle joue elle-même contre ses propres intérêts, notamment ceux de la filière de production de produits raffinés en France.
Oui, les salariés de Petroplus ont des idées pour la relance de l’activité du site ! Ainsi s’interrogent-ils sur la rationalisation de l’arrivage de pétrole sur le site, notamment par le réaménagement de l’accès par la voie fluviale, ou encore sur la possibilité de capter le CO2 émis sur le site.
Il est temps, pour cette affaire Petroplus comme pour bien d’autres, que cesse le processus privant les salariés, leurs représentants et leurs instances de tout moyen d’agir, de concert avec l’administrateur ou le mandataire judiciaire, pour concevoir les pistes d’une reprise de l’activité et, à tout le moins, de sa viabilité.
Cette dimension n’est certes pas vraiment contenue dans le texte qui nous est soumis, et nous prendrons celui-ci comme ce qu’il est : une concession faite à l’égard d’un mouvement social. Mais cela ne vaut pas quitus ni solde de tout compte. Le groupe CRC souhaite que toutes ces questions, qui émanent, bien sûr, du groupement des salariés soient réellement prises en compte.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, sur l'article.
M. Martial Bourquin. Le dossier Petroplus, cela a été rappelé à plusieurs reprises, est hautement symbolique d’une lutte courageuse non seulement pour l’emploi et pour l’indépendance énergétique de notre pays, mais également pour mettre un terme au déficit abyssal de notre balance commerciale.
Mes chers collègues, j’ai ici un document qui a été rédigé par l’intersyndicale de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne ; il mérite que vous le lisiez. On y apprend que nous consommons environ 85 millions de tonnes de produits raffinés, que nos capacités de production s’élèvent à 67 millions de tonnes et, surtout, que nous importons 41 millions de tonnes.
Pour moi, France ouverte ne doit pas signifier France offerte. J’estime que, telle qu’elle a été réalisée, l’ouverture du marché est discutable ; en tout cas, il faut en discuter.
Je tiens à saluer les représentants syndicaux et les salariés du site de Petit-Couronne, qui ont eu le courage, alors que les financiers quittaient la place, d’affirmer que la France, ce n’est pas la désertion industrielle et que l’énergie et l’emploi, ce sont des combats très importants. Ils n’ont pas lâché prise et, heureusement, des élus les ont entendus et ont défendu ce dossier avec conviction. Reconnaissons que la proximité des élections a donné davantage d’écho à leur combat.
Je voudrais également dire, puisque Thierry Foucaud a soulevé la question de l’abstention, que notre groupe, le président du Sénat en tête, votera cette proposition de loi. Nous voulons qu’il n’existe aucun obstacle à la reprise de l’entreprise. C'est pourquoi aucune de nos voix ne manquera.
Pour autant, tout restera à faire pour trouver un repreneur. Quel rôle l’État jouera-t-il dans l’élaboration d’un plan de reprise offensif, pour redonner enfin à la politique du raffinage toute sa place en France ? Quels plans d’investissement seront-ils conçus en matière énergétique ? Il a été déclaré tout à l'heure qu’il suffirait de quelques mois pour amortir 5,5 millions d'euros. Or le groupe Petroplus n’a même pas consenti ces investissements. En tant qu’ancien syndicaliste, je regarde toujours le niveau d’investissement d’une entreprise, car, quand une société n’investit plus, cela signifie qu’elle s’apprête à fermer.
Tout à l'heure, nous avons évoqué l’innovation. De fait, c’est bien le remède aux délocalisations. L’intersyndicale de Petit-Couronne propose d’ailleurs un plan d’investissement audacieux.
On résume souvent l’investissement à sa dimension matérielle, aux machines, au site industriel. Or il faut aussi prendre en compte le capital humain. À cet égard, la fermeture du site de Petit-Couronne aurait constitué un véritable gâchis. Il faut investir dans ces hommes et ces femmes et préserver leurs acquis sociaux. Il ne faudrait pas que, lors de la reprise de l’usine, des financiers sans scrupule mettent ces acquis sociaux de côté ; ces derniers doivent donc être au cœur des négociations avec les éventuels repreneurs.
La réindustrialisation est une grande cause nationale. Si près de cinq millions de personnes recourent aux services de Pôle Emploi, si certains évoquent une France sans usines, c’est parce que des chefs d’entreprise et des grands groupes décident, discrètement ou ouvertement, en utilisant le coût du travail comme alibi, d’investir ailleurs qu’en France.
Or, selon une étude de l’INSEE qui vient de paraître, la productivité horaire est aussi importante que le coût du travail. Lorsque des entreprises – j’en vois dans le Jura – reviennent en France, elles s’aperçoivent que, si l’on tient compte des coûts logistiques, cela n’est pas toujours plus rentable de s’installer hors de France, dans les pays émergents par exemple.
Voilà pourquoi nous devons promouvoir une culture de l’industrie. Il faut une volonté politique farouche, pour que chaque emploi industriel soit préservé et même pour que de nouveaux emplois soient créés. C’est seulement à ce prix que la France sera forte ; c’est seulement à ce prix que nous mettrons fin au désastre social, humain et économique que représente le chômage de masse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
(Non modifié)
Après l’article L. 631-10 du même code, sont insérés deux articles L. 631-10-1 et L. 631-10-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 631-10-1. – À la demande de l’administrateur ou du mandataire judiciaire, le président du tribunal saisi peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens du dirigeant de droit ou de fait à l’encontre duquel l’administrateur ou le mandataire judiciaire a introduit une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements du débiteur.
« Art. L. 631-10-2. – Les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel sont informés par l’administrateur ou, à défaut, le mandataire judiciaire des modalités de mise en œuvre des mesures conservatoires prises en application de l’article L. 621-2. »
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.
M. Thierry Foucaud. Marc Massion a parlé de la rive gauche de Rouen. Pour ma part, j’évoquerai la zone industrielle d’Oissel, qui est située un peu plus au sud, où le groupe Pechiney s’était implanté. Nationalisée dans les années quatre-vingt, puis dénationalisée par la suite, cette entreprise, dans laquelle je travaillais, a perdu 500 salariés. Un peu plus loin se trouve l’usine Chapelle-Darblay, où s’est déroulée, à la même époque, la lutte contre le plan Parenco ; là aussi, 500 emplois ont été supprimés.
Si je rappelle ces événements, notamment à mon collègue et ami Martial Bourquin, c’est parce que les salariés ont de la mémoire. C’est pour cette raison qu’ils demandent aujourd'hui des garanties, non pas à la droite, en laquelle ils n’ont pas confiance, mais à la gauche, qu’elle soit socialiste ou communiste.
M. Charles Revet. Pour l’instant, c’est la droite qui règle les problèmes !
M. Thierry Foucaud. Nous n’oublions pas l’histoire, mais nous sommes également tournés vers l’avenir : nous souhaitons une véritable politique industrielle, notamment dans le domaine du raffinage, afin de garantir l’indépendance énergétique de la France. Tel est le sens de notre abstention, qui n’empêchera en rien l’adoption de la proposition de loi.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 651-4 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut maintenir la mesure conservatoire ordonnée à l’égard des biens du dirigeant de droit ou de fait en application de l’article L. 631-10-1. » – (Adopté.)
Article 4
(Non modifié)
Après l’article L. 663-1 du même code, il est inséré un article L. 663-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 663-1-1. – Lorsque les mesures conservatoires ordonnées en application des articles L. 621-2, L. 631-10-1 et L. 651-4 portent sur des biens dont la conservation ou la détention génère des frais ou qui sont susceptibles de dépérissement, le juge-commissaire peut autoriser, aux prix et conditions qu’il détermine, l’administrateur, s’il a été nommé, le mandataire judiciaire ou le liquidateur à les céder. Les sommes provenant de cette cession sont immédiatement versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations.
« Le juge-commissaire peut autoriser l’affectation des sommes provenant de cette cession au paiement des frais engagés par l’administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire de ces biens, y compris pour assurer le respect des obligations sociales et environnementales résultant de la propriété de ces biens, si les fonds disponibles du débiteur n’y suffisent pas. » – (Adopté.)
Article 5
(Non modifié)
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna. – (Adopté.)
Article 6
(Non modifié)
La présente loi est applicable aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire en cours à la date de sa publication. – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Marc Massion, pour explication de vote.
M. Marc Massion. Nous voterons la proposition de loi, comme Martial Bourquin et moi-même l’avions indiqué, mais la réponse de M. le garde des sceaux m’a laissé sur ma faim. Par conséquent, le flou du débat d’hier soir à l’Assemblée nationale concernant le problème des obligations sociales n’a pas été dissipé.
M. Marc Massion. Ma question était pourtant simple : les obligations légales et contractuelles, comme l’a dit hier François Guégot, reprennent-elles les droits acquis des salariés ? Les représentants de l’intersyndicale présents en tribune aimeraient être fixés.
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. M. Massion répond lui-même à sa question.
Voici un extrait d’une lettre adressée aux salariés de Petit-Couronne, que j’ai signée : « Le terme “obligations sociales” est suffisamment large pour concerner, s'agissant des salariés, les obligations qui relèvent du code du travail, de conventions collectives, d’accords d’entreprise et de contrats individuels ». Il me semble donc que c’est évident.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Au terme de ce débat, je réaffirme que le groupe de l’UCR votera cette proposition de loi, qui fait partie d’un plan de sauvetage visant à permettre le redémarrage de la raffinerie Petroplus et à assurer un avenir industriel au site de Petit-Couronne et à ses salariés.
Cette proposition de loi complète opportunément les procédures judiciaires en cours s'agissant des conditions de mise en faillite par la société. Gageons que le contrat de processing conclu avec Shell, le financement public et l’investissement de redémarrage permettront la recherche active de repreneurs porteurs d’un véritable projet industriel pour la région. En tout cas, monsieur le ministre, sachez que nous resterons extrêmement vigilants sur le sujet.
Pour compléter mon propos, et sans vouloir créer de polémique inutile, je tiens à apporter quelques précisions afin de rétablir la vérité devant les représentants des salariés de Petroplus, qui nous écoutent avec beaucoup d’attention.
Thierry Foucaud a déploré que cette proposition de loi ait été débattue dans l’urgence. Nous non plus, nous n’aimons pas la procédure accélérée. Je crois d'ailleurs pouvoir dire que les centristes ne sont jamais les derniers à déplorer que le Gouvernement y recoure. Cependant, en l’espèce, il y a réellement urgence. Lors de la discussion générale, j’ai rappelé les délais qui nous sont imposés ; l’accélération des événements est telle que nous ne pouvons pas attendre le mois de septembre. Si nous voulons créer les conditions d’une reprise de l’entreprise, nous devons adopter les dispositions juridiques nécessaires dès maintenant.
Par ailleurs, Marc Massion a déploré que cette proposition de loi comporte des mesures de dernière minute et de rattrapage. D’aucuns parleront plutôt de réactivité…
Je veux dire à Marc Massion, qui a rappelé à juste titre qu’il est un élu de proximité, que nous avons nous aussi, en tant que parlementaires, un pouvoir d’initiative. Nos collègues députés l’ont d'ailleurs démontré en déposant cette proposition de loi, qui aurait tout aussi bien pu être présentée par certains de nos collègues, qui ont peut-être été avertis plus tôt de la situation de la raffinerie.
En tout état de cause, la révision constitutionnelle de 2008 a accru les pouvoirs du Parlement en matière d’initiative législative ; vous le savez, cher collègue, comme nous le savons tous dans cet hémicycle. C’est peut-être plus compliqué pour Alain Le Vern, que vous avez tenu à associer à ce débat ; il a certes un véritable empêchement aujourd'hui, mais, d’une manière générale, il est peu présent lorsqu’il s’agit de débattre de dossiers importants (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), comme la réforme portuaire ou le Grand Paris, qui ne sont pas sans lien avec le dossier actuel puisqu’ils concernent l’avenir de notre région.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cette proposition de loi prolonge et complète les initiatives déjà prises par le Président de la République et le Gouvernement, en particulier les procédures judiciaires ouvertes sur les conditions de mise en faillite de la société, le contrat de processing conclu avec Shell, le financement public de l’investissement de redémarrage et la recherche active de repreneurs porteurs de véritables projets industriels. Elle traduit, comme je l’ai dit tout à l’heure, l’engagement fort des pouvoirs publics, aux côtés des salariés et de leurs représentants, pour la défense de l’emploi et de l’activité dans notre pays.
Mes chers collègues, pensant aux pratiques qui sont en train de se développer dans cet hémicycle, à travers l’adoption de motions tendant à opposer la question préalable ou tendant au renvoi à la commission, et qui ont abouti à empêcher le Sénat de légiférer sur des textes importants,...
M. Martial Bourquin. Oh !
M. Alain Gournac. C’est vrai !
M. Charles Revet. ... je m’étais dit qu’il en serait de même aujourd’hui. Je remercie donc nos collègues d’avoir compris l’enjeu de la proposition de loi.
N’en déplaise à certains, lorsque M. Éric Besson, notamment, s’est rendu sur le site pour rencontrer les salariés, avec Catherine Morin-Desailly, Françoise Guégot et d’autres élus, nous étions présents !
M. Charles Revet. Certes, je comprends que légiférer à partir d’un cas précis, Petroplus, pour résoudre les problèmes et apaiser les inquiétudes, puisse agacer quelque peu. Mais d’autres entreprises pourront également bénéficier du dispositif que nous allons adopter.
M. Charles Revet. Je remercie aussi M le garde des sceaux de s’être impliqué et d’avoir précisé l’importance et l’enjeu de ce texte pour l’avenir.
Bien entendu, le groupe de l’UMP apportera à l’unanimité son soutien à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Au cours de ma vie politique, qui a commencé il y a déjà un certain temps, j’ai constaté qu’on demandait toujours au gouvernement, quelle que soit sa couleur, d’intervenir sur les dossiers difficiles. Il est heureux que, dans ces cas-là, il réponde présent.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui est importante et contient des dispositions cohérentes. C’est la raison pour laquelle je la voterai.
Personnellement, j’ai déjà suivi M. Éric Besson, hors période électorale, pour d’autres dossiers importants, comme la Fonderie du Poitou, les porcelaines et d’autres. Le rôle d’un gouvernement est...
M. Charles Revet. De travailler jusqu’au dernier jour !
M. Alain Fouché. ... d’être à l’écoute des élus, des travailleurs des entreprises, qui n’appartiennent à aucun parti politique. D’ailleurs, nous les défendons tous, quel que soit notre bord.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Alain Fouché. Ce qui m’importe, c’est de faire des propositions intelligentes pour l’avenir et que tous, Gouvernement, élus locaux, parlementaires, nous ayons la volonté de sauver des emplois. Aujourd’hui, une telle volonté existe, et ce texte apporte quelque chose de très positif pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Rémy Pointereau. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Mme Catherine Morin-Desailly nous a sans doute mal compris. Bien sûr qu’il y a urgence ! Mais ce que nous dénonçons ici, c’est la manipulation : on nous met devant le fait accompli en nous demandant de voter le texte conforme, sinon, dit-on aux salariés, il ne pourra pas être adopté avant le mois de septembre compte tenu de la fin de la session.
Dans ces conditions, nous ne pouvons pas exercer notre droit de parlementaire en déposant des amendements, ni réellement avoir un débat de fond technique et politique, afin d’aller un peu plus loin, notamment sur les questions de garantie, du raffinage et du droit des salariés. Voilà pourquoi je soutiens totalement mon collègue Marc Massion lorsqu’il pose la question des garanties sociales.
M. Thierry Foucaud. Si vous garantissez que le comportement de l’administrateur nommé par le tribunal de commerce peut être totalement encadré, dites-le clairement, monsieur le garde des sceaux, pour que votre réponse figure au Journal officiel. Selon moi, ce n’est pas possible !
Si Marc Massion vous a demandé si, oui ou non, la prise en compte des obligations sociales était considérée comme une dépense irréductible, préservant ainsi les droits acquis des salariés, c’est parce qu’il connaît bien la question.
Mes chers collègues, vous comprenez bien que ces sujets auraient dû être débattus ce matin dans le cadre de notre droit parlementaire d’amendement. Peu importe notre vote ! De toute façon, nous n’aurions pas voté contre, puisque nous serions allés dans le sens de ce que nous demandaient les salariés, mais nous aurions au moins eu un véritable débat, ce que le Gouvernement a refusé.
Cela étant, j’entends notre collègue Charles Revet annoncer que son groupe votera le texte. Évidemment, il émane de l’UMP ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Quel sectarisme !
M. Alain Gournac. Nous sommes plus ouverts que cela !
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. J’ai été profondément choqué par l’intervention de Mme Morin-Desailly, qui a mis en cause notre collègue Alain Le Vern, que j’ai cité dans mon intervention.
Mme Catherine Morin-Desailly. J’ai dit qu’il était « empêché » !
M. Marc Massion. Afin que, tous, vous connaissiez la situation, mes chers collègues, sachez qu’il est actuellement à l’hôpital de Rouen, où il se remet d’une fracture du bassin. Chacun comprendra donc qu’il ne pouvait être présent ce matin. Soyez assurés que, s’il avait été en bonne santé, il serait venu.
Mme Catherine Morin-Desailly. Bien sûr !
M. Marc Massion. J’ai trouvé cette intervention indigne de vous, ma chère collègue !
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. La question des statuts sociaux est importante.
M. Martial Bourquin. Oui, mais votre réponse n’est en aucune façon une garantie, monsieur le garde des sceaux !
À chaque reprise d’entreprise, vous le savez très bien, on assiste à une course au moins-disant social. Je pourrais citer plusieurs exemples où, malgré les statuts des personnels, les repreneurs ont imposé leurs conditions en disant : « C’est à prendre ou à laisser ! ». Cela se traduit parfois par des charrettes de licenciements, des déqualifications de postes.
Vous nous répondez qu’il existe des textes, mais ceux-ci ne constituent pas des garanties. Il faudra une vigilance de tous les instants – et là l’État doit peser de tout son poids ! – pour faire en sorte que la reprise ait lieu dans de bonnes conditions et que les statuts, les savoir-faire de ces salariés soient respectés.
Il est d’autant plus important de le dire qu’il n’y a aucune automaticité en la matière. Vous le savez bien, car vous connaissez des cas de dépôts de bilan, de reprises assorties d’une course au moins-disant social. À un moment où une campagne est menée pour dire que le coût du travail pose un gros problème pour notre compétitivité, heureusement que l’étude de l’INSEE – un institut très important ! – qui vient de sortir remet les pendules à l’heure !
Vous pensez bien que, pour contrebalancer le risque, un repreneur peut mettre fin à certains statuts sociaux. Je le répète, il faudra être très vigilant. L’État – celui d’aujourd’hui et de demain, car, bien sûr, il peut y avoir alternance après les élections – doit peser de tout son poids !
C’est une question très importante, et je comprends que, sur ces sujets-là, les salariés soient extrêmement vigilants et aient certaines craintes pour l’avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. On peut comprendre que ce débat en fasse surgir d’autres ; c’est souvent le cas. Toutefois, à ce stade, il s’agit seulement d’adopter des dispositions permettant de prendre des mesures conservatoires pour éviter que le propriétaire de fait d’une entreprise n’organise son insolvabilité, empêchant ses créanciers, en premier lieu les créanciers sociaux, de faire valoir leurs créances.
Alors que nous sommes mis face à nos responsabilités dans cette affaire de Petroplus, il est éminemment regrettable que certains d’entre nous se réfugient dans l’abstention. C’est un peu facile ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Ce n’est pas glorieux !
M. Jean-Pierre Michel. Que chacun s’occupe de son troupeau, cela suffira et les vaches seront bien gardées !
M. Philippe Bas. Si leurs voix étaient déterminantes pour l’adoption de ce texte, leur abstention empêcherait tout simplement la mise en œuvre de cette première étape du sauvetage de l’entreprise. Par conséquent, cette attitude dénote un certain manque d’esprit de responsabilité, y compris face aux salariés de Petroplus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je sais parfaitement qu’il n’est pas d’usage que le Gouvernement prenne la parole après les explications de vote. Toutefois, ayant été interrogé par MM. Thierry Foucaud, Martial Bourquin et Marc Massion, je veux leur préciser les conséquences qu’aura l’adoption de ce texte technique.
Monsieur Massion, j’ai répondu clairement à votre question par l’affirmative. Les droits sont acquis par le contrat individuel de travail, le code du travail, les conventions collectives et les accords d’entreprise.
Monsieur Bourquin, vous avez souligné que la portée de ce texte était limitée. C’est vrai, c’est un texte technique et non de politique industrielle, comme l’a dit Éric Besson. Reste que nous en avons grand besoin,…
M. Alain Fouché. Voilà !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. … et ce pour deux raisons.
D’abord, nous pourrons prendre des mesures conservatoires dérogatoires au droit commun, les biens concernés pouvant être vendus et le produit de la vente déposé sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations. Il sera également possible, sous le contrôle du juge, d’utiliser la somme en question pour assurer l’exécution des obligations environnementales et sociales de l’entreprise, alors que le bien appartient non pas à l’entreprise, mais à des propriétaires ou à des donneurs d’ordre.
Ensuite, vous avez eu parfaitement raison de l’indiquer, il faut nous armer pour la discussion.
M. Charles Revet. Oui !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cet aspect est très important : l’adoption de ce texte nous permettra de disposer d’une arme.
Je veux attester, puisque ces questions ne relèvent pas de mon ministère, de l’engagement permanent et total du ministre chargé de l’industrie, du Premier ministre et du Président de la République pour avancer sur ce dossier, comme sur ceux de Florange et de Lejaby, car tous correspondent à une réalité humaine. Or c’est cela qui nous intéresse ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UMP.
Je rappelle que l'avis du Gouvernement est favorable, de même que l’avis de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l’adoption | 326 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, la proposition de loi est définitivement adoptée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR. – M. Martial Bourquin applaudit également.)
M. David Assouline. Voilà ce que c’est que la gauche responsable !
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
6
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
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M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative et porte sur les priorités de l’enseignement dans le premier degré.
Aujourd’hui, l’éducation mobilise la moitié des fonctionnaires de l’État, eux-mêmes représentant 55 % du budget de la France. Sans remettre en cause le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui concourt à la maîtrise des dépenses publiques et à la résorption du déficit public, reconnaissons cependant que l’enseignement du premier degré est touché.
Ainsi, par exemple, à la rentrée 2012, mon département, le Haut-Rhin, comptera 108 postes de moins, dont 36 postes d’enseignants en « classes », 55 postes de RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, et 17 postes de décharges syndicales et missions diverses.
Les suppressions des postes RASED et la modification des seuils d’ouverture et de fermeture des classes dans l’enseignement primaire inquiètent les enseignants et les parents d’élèves.
Les fameux dispositifs RASED se trouvent réduits sur tout le territoire français alors que les solutions de remplacement sont insuffisantes, ce qui crée inévitablement un manque, avec les conséquences qui peuvent en résulter pour les plus fragilisés des élèves.
Pour autant, monsieur le ministre, je souscris à l’idée qu’un suivi individualisé d’une partie de ces élèves soit assuré par les enseignants eux-mêmes dans les classes.
Les propositions de Nicolas Sarkozy dans le débat politique actuel, dont l’éducation est un thème majeur, à savoir une plus grande présence des enseignants, d’une part, la prise en compte de la spécificité du premier degré par le gel du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux en maternelle et dans le primaire, d’autre part, vont dans le bon sens.
M. Jean-Pierre Caffet. Quel fayot !
M. Jean-Marie Bockel. C’est d’autant plus vrai que le système actuel, que certains veulent conserver à tout prix, a montré ses limites en matière de réussite scolaire.
Qui peut penser sérieusement que la fuite en avant inhérente à certaines promesses – je pense à la création massive de postes dans le contexte actuel – soit la réponse pertinente ? Si tel était le cas, cela se saurait ! Elle l’est d’autant moins compte tenu des évolutions démographiques, le nombre des élèves ayant baissé cependant que celui des enseignants augmentait. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il faut donc une réponse plus adaptée !
Aussi, monsieur le ministre, je souhaite connaître les mesures que le Gouvernement envisage d’adopter pour garantir un enseignement de qualité à l’école primaire, et ce afin de rassurer les enseignants, les élus et les parents d’élèves. (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le sénateur, je vous remercie de souligner l'importance de l'école primaire.
M. Claude Domeizel. Ah oui ! Il faut le remercier !
M. Luc Chatel, ministre. C'est parce qu’il considère que l'école primaire est fondamentale que le Gouvernement a décidé de la réformer en profondeur au cours de ce quinquennat.
D’abord, nous avons revu en profondeur l'organisation des programmes. Les élèves apprenant trop de choses à l'école primaire, ils en oubliaient, finalement, les fondamentaux. C’est pourquoi nous avons recentré les programmes sur l'essentiel : savoir lire, écrire et compter.
Mme Michèle André. Ce n’est pas possible !
M. Luc Chatel, ministre. C'est ce que l'on attend d'un élève qui entre au collège, en classe de sixième.
Ensuite, nous avons mis en place un dispositif révolutionnaire (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Jean-Jacques Mirassou. N’exagérons rien !
M. Luc Chatel, ministre. … consistant en une aide personnalisée en faveur des enfants rencontrant des difficultés, notamment des difficultés de lecture. C'est leur maître lui-même qui, après les avoir repérés dans sa classe, dispense ces deux heures d'aide personnalisée.
Enfin, nous avons organisé des stages de remise à niveau, en particulier en français. Près de 240 000 élèves en bénéficient, soit 15 % des effectifs des classes de CM1 et de CM2. Ces élèves rentrent une semaine plus tôt à la fin des vacances pour cette remise à niveau portant sur les fondamentaux.
Monsieur le sénateur, nous travaillons actuellement à l'organisation de la rentrée 2012. Le Président de la République a pris un engagement : qu'il y ait le même nombre de classes à la rentrée 2012 qu'à la rentrée 2011.
M. Claude Domeizel. Douze mille postes de moins !
Un sénateur du groupe socialiste. Tu parles !
M. Luc Chatel, ministre. Contrairement à ce que j'ai entendu ici ou là de la part de personnalités politiques ou de représentants syndicaux, je le répète, le nombre de classes sera identique à la rentrée 2012 à ce qu’il était à la rentrée 2011. (Mme Dominique Gillot s’exclame.)
M. Claude Domeizel. À quel prix !
M. Luc Chatel, ministre. Certes, nous procéderons à des réaménagements, à des réorganisations, mais, comme vous l'avez dit, monsieur le sénateur, l'école doit se réformer.
À cet égard, l’OCDE vient de publier une étude qui démontre une nouvelle fois que, fondamentalement, ce ne sont pas les pays qui investissent le plus en matière d'éducation qui réussissent le mieux dans ce domaine et qu'il ne suffit pas de réduire le nombre d’élèves dans chaque classe pour obtenir des résultats. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Luc Chatel, ministre. Au contraire, il convient de différencier, d'individualiser, de personnaliser l'enseignement, de faire plus pour les élèves qui rencontrent les plus grandes difficultés, mais aussi de mieux rémunérer nos enseignants. S’agissant de ce dernier point, je peux dire que des efforts ont été faits depuis 2007 puisque les enseignants en début de carrière ont vu leur traitement augmenter de 18 %.
C'est ce à quoi Nicolas Sarkozy s'est engagé : moins d'enseignants, mais des enseignants mieux rémunérés, mieux valorisés, mieux formés. Telle est notre vision de l'école. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Claude Domeizel. Mauvaise réponse !
moralisation du capitalisme - superprofits des patrons du cac 40
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre ou à son représentant.
Mes chers collègues, récemment, nous avons appris que le nombre de pauvres dans notre pays aurait augmenté de 340 000. Dans le même temps, le nombre de bénéficiaires des Restos du cœur passait de 700 000 à 860 000.
Mme Frédérique Espagnac. Tout à fait !
M. Yannick Vaugrenard. Or, parallèlement, était divulgué le palmarès des rémunérations des grands dirigeants du CAC 40 : 34 % d’augmentation, les dix plus grandes rémunérations atteignant parfois 240 fois le SMIC. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce double constat est accablant pour votre gouvernement, comme il est accablant pour un Président de la République sortant, qui a l’outrecuidance de se prétendre candidat du peuple contre les élites.
M. Roger Karoutchi. Cela n’a aucun rapport !
M. Yannick Vaugrenard. Les élites, elles furent très tôt son choix, dès le soir de son élection, quand il est allé les rejoindre au Fouquet’s…
M. Alain Gournac. Et celles du Carlton !
Mme Sophie Primas. Et de la place des Vosges !
M. Yannick Vaugrenard. … et quand il est allé passer ses vacances sur le yacht d’un des patrons du CAC 40.
Les élites, elles furent privilégiées par le bouclier fiscal, par la diminution de l’assiette de l’impôt sur la fortune, par la suppression des droits de succession.
Le peuple, lui, a dû subir la diminution de son pouvoir d’achat et l’augmentation du chômage,…
M. David Assouline. Écoutez donc ça, à droite !
M. Yannick Vaugrenard. … la diminution de ses remboursements de soins et l’augmentation de ses mutuelles.
Et le peuple devra encore subir l’augmentation de la « TVA sociale », sous prétexte de désendettement du pays, alors que les cadeaux aux plus riches sont responsables aux deux tiers de l’endettement de la France.
M. David Assouline. Eh oui !
M. Yannick Vaugrenard. Le Sénat l’a refusé, comme le peuple le refusera. En revanche, une imposition à 75 % au-dessus d’un million d’euros de revenus ne serait que pure justice. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Alain Gournac. C’est idiot !
M. Yannick Vaugrenard. Pourquoi n’avez-vous pas « moralisé le capitalisme », comme le Président l’avait promis ? Un Président qui, par ailleurs, propose aujourd’hui ce qu’il a toujours refusé de faire au cours de ces cinq dernières années.
Ce qui marquera le plus le bilan du Président sortant, c’est l’injustice sociale, c’est le manque d’attention portée au peuple, accompagnés d’une navigation à vue et de changements de cap qui donnent le mal de mer, y compris à ses propres collaborateurs.
M. Alain Gournac. La question ! (M. David Assouline s’exclame.)
M. Yannick Vaugrenard. Nous comprenons qu’il soit difficile de présenter un bilan, un bilan qu’il serait en fait beaucoup plus logique de déposer !
Messieurs les ministres, vous et le Président sortant avez négligé le peuple.
M. Yannick Vaugrenard. Ce peuple, révolté contre l’indécence des élites que vous avez favorisées, saura vous le rappeler à l’occasion du seul référendum qui aura lieu d’ici à l’été : celui de l’élection présidentielle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l'industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vous soulevez plusieurs points dans votre question.
S’agissant du pouvoir d'achat, convenez avec nous qu’il n'a cessé d'augmenter. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Ce sont les statistiques officielles qui le disent ! Si vous en avez d'autres, nous sommes preneurs !
Je disais donc que le pouvoir d’achat n'a cessé d'augmenter au cours de ce mandat, et ce en dépit de la crise. Dans le même temps, dans bien d'autres pays confrontés à cette même crise, celui-ci a baissé, tandis que les traitements des fonctionnaires et les pensions de retraite diminuaient.
M. David Assouline. Tout va bien ! Les Français sont contents !
M. Éric Besson, ministre. Tel n'a pas été le cas en France. Le Président de la République, il l’a dit, aurait aimé que nous puissions faire davantage, mais ces résultats sont appréciables compte tenu de l’ampleur de la crise.
S’agissant des entreprises du CAC 40, il convient de distinguer deux aspects. D'abord, on peut se réjouir qu’elles réalisent des profits, ce qui est le signe de leur bonne santé.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Éric Besson, ministre. Comme l’avait théorisé le chancelier Helmut Schmidt, les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain, qui font les emplois d'après-demain.
Un certain nombre d'entreprises du Club 40 (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)…
Lapsus très révélateur ! J’avais créé ce club voilà vingt ans ; je l’assume et j'en suis très fier !
Je disais donc que les importants profits réalisés par les entreprises du CAC 40 sont une bonne nouvelle pour l'économie française.
S’agissant des rémunérations, convenez d'abord que c'est le Gouvernement, à la demande du Président de la République, qui a favorisé ce qu'on appelle le code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées, élaboré par l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, et le Mouvement des entreprises de France, le MEDEF, à la fin de l’année 2008.
M. Jean-Pierre Caffet. Pour quel résultat ?
M. Éric Besson, ministre. Le Président de la République a agi sur deux fronts : d’une part, il a été le fer de lance d’une tentative de régulation internationale, qui a connu des succès et rencontré des limites, mais il n'était guère possible d’aller plus vite ; d’autre part, sur le plan interne, il a promu ce code de gouvernement que j’évoquais à l’instant.
Ce code porte ses premiers fruits. Par exemple, dans certaines banques ou dans certains établissements de crédit, les bonus ont diminué de 40 %.
De même, le Président de la République et le Premier ministre ont voulu une taxe sur les retraites chapeaux et une taxe sur les rémunérations les plus importantes, celles qui dépassent 500 000 euros. (Mme Annie David s’exclame.)
Telle est la voie qui a été tracée.
Cela étant, vous avez raison, le niveau de certaines rémunérations est choquant. À cet égard, le Président de la République a fait d’importantes propositions. Ainsi, il souhaite aller plus loin et demande que les retraites chapeaux soient supprimées…
M. Jean-Pierre Michel. On a déjà entendu ça !
M. Éric Besson, ministre. … que les rémunérations soient désormais validées par l'assemblée générale et non plus seulement par le conseil d'administration et que des représentants des salariés siègent au sein du comité des rémunérations.
Monsieur le sénateur, c’est du bon sens ! En revanche, vous savez comme moi que la création d’une tranche marginale de 75 %, auxquels s’ajouteraient les 8 % de CSG, soit un total de 83 %, provoquerait instantanément la fuite de tous ceux qui ont ce niveau de revenus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je ne parle pas seulement des footballeurs, mais c’est un fait que, lorsque ceux-ci partiront, alors vous réclamerez des mesures d’aide en faveur du football professionnel ! (Mêmes mouvements.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Éric Besson, ministre. Ne masquez pas la réalité : cette tranche de 75 %, c’est un écran de fumée. Vous ne ferez croire à personne que vous parviendrez à toucher le haut de la pyramide sans affecter les étages intermédiaires. Or chacun sait que la fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG, ce serait le matraquage fiscal pour tout le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. N’importe quoi !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Ma question s'adresse à M. le ministre de la ville et porte sur la situation des banlieues.
Monsieur le ministre, M. Sarkozy, candidat à l’élection présidentielle, ne s’est pas déplacé, contrairement à ses homologues de gauche, au « ministère de la crise des banlieues », installé dans un hôtel particulier abandonné qu’a investi la semaine dernière, sans violence, l’association ACLEFEU, née à Clichy-sous-Bois à la suite des émeutes de 2005.
Je viens donc, ici même, porter la voix de ces citoyens des banlieues pour interpeller le Gouvernement sur la situation d’urgence dans laquelle se trouvent nos quartiers populaires, pour rappeler à son bon souvenir ces oubliés qui ne sont pas la « racaille karchérisable » que certains se plaisent à évoquer.
Qu’a donc fait la majorité présidentielle pendant ces dernières années,…
M. David Assouline. Rien !
Mme Esther Benbassa. … pour ces familles négligées par les pouvoirs publics, réduites à vivre dans des logements vétustes et exigus, victimes d’un chômage touchant 40 % de leurs jeunes, pour ces populations abandonnées par l’école (M. Alain Gournac s’exclame.) en dépit des efforts d’enseignants vaillants mais à bout de souffle, pour ces populations humiliées par les contrôles au faciès récurrents, régulièrement stigmatisées dans leur culture ou leur mode de vie par votre gouvernement et par certains médias à la botte, trop heureux de dénoncer un monde de délinquants, de dealers, de barbares à la religion primitive ?
Nos banlieues sont en colère depuis des années. Pire, aujourd’hui, elles sont désabusées. Que ferez-vous donc si, par malheur, vous restez au pouvoir,…
M. Roger Karoutchi. Un malheur n’arrive jamais seul ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Esther Benbassa. … pour que ces jeunes, qui ont la rage au ventre, deviennent enfin ce qu’ils sont, à savoir les dignes enfants de notre République, ses citoyens actifs et respectés ?
Quand donc romprez-vous avec le laisser-aller, les effets rhétoriques, les mesurettes, les nominations d’affichage, les prétendus « plans Marshall » se dégonflant comme des baudruches ?
La désespérance est mauvaise conseillère. Elle pousse vers les extrêmes. Si l’on continue ainsi, ce seront deux nations distinctes, détachées l’une de l’autre, qui, à terme, se feront face, engendrant une situation pire que la pire des émeutes : une nation dans la nation ; des Français étrangers chez eux, que l’on pourra toujours abandonner aux initiatives du Qatar, ainsi que s’en réjouissait, voilà peu, M. Guéant. Les Arabes n’ont qu’à s’occuper des Arabes, n’est-ce pas ?
M. le président. Ma chère collègue, il est temps de conclure !
Mme Esther Benbassa. Éducation, emploi, logement, pratiques policières et judiciaires, démocratie locale, responsabilisation citoyenne, santé, ascension sociale, lutte contre le racisme, tout cela est de notre responsabilité. En ces domaines, qu’avez-vous fait ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Que ferez-vous ?
Cette question, je vous la pose, monsieur le ministre. Mais je la pose aussi, vous l’aurez compris, à tous nos responsables politiques, présents et à venir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville.
M. Maurice Leroy, ministre de la ville. Madame la sénatrice, grâce à vos propos d’une modération sans commune mesure, tout en nuances (Rires sur les travées de l'UMP.)…
M. Jean-Pierre Sueur. L’ironie est facile !
M. Maurice Leroy, ministre. Sur la question des banlieues, monsieur Sueur, vous devriez le savoir, nous n’avons besoin ni d’ironie ni de caricature ; ce qu’il faut, c’est s’inscrire dans la durée et dépasser les clivages partisans ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ne commencez pas par ironiser sur les propos de Mme Benbassa !
M. Maurice Leroy, ministre. Monsieur Sueur, vous le savez parfaitement, tout comme M. Claude Dilain que j’ai plaisir à saluer ici, si nous avions, sur ces travées, osé simplement dire le millième de ce que vous dites, vous seriez debout et vous auriez raison ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
M. Maurice Leroy, ministre. Madame Benbassa, les choses sont assez claires : vous auriez pu relever que la rénovation urbaine est un succès reconnu sur toutes les travées de cet hémicycle, et qu’il faut s’en réjouir.
Mme Dominique Gillot. Le nettoyage au karcher !
M. Maurice Leroy, ministre. Permettez-moi de vous dire que les 43 milliards d’euros d’intervention pour la rénovation urbaine, comparés aux 50 millions d’euros du Qatar qui, je le sais, défraient beaucoup la chronique, c’est un peu plus sérieux !
En outre, nous faisons en sorte de conjuguer l’humain et l’urbain dans l’ensemble de ces quartiers populaires.
M. Roland Courteau. Ce sont des mots !
M. Maurice Leroy, ministre. Non, ce sont des engagements.
J’étais hier, avec Xavier Bertrand, au Campus des métiers et de l’entreprise de Bobigny. Nous y avons salué la présence de 50 grandes entreprises,…
Mme Éliane Assassi. Et des élus !
M. Maurice Leroy, ministre. … qui se sont mobilisées, parce qu’il faut se mobiliser pour l’emploi. En effet, si l’emploi se décrétait au Journal officiel de la République, cela se saurait !
Franchement, la politique de la ville mérite nettement mieux que la caricature ou des invectives.
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait !
M. Maurice Leroy, ministre. En tout cas, il est une constante que, depuis Michel Delebarre, vous devriez saluer : tous les gouvernements successifs se sont battus avec plus ou moins de difficultés pour les valeurs de la République. Ce combat mérite une union nationale, et non les propos négatifs que nous avons entendus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
petroplus
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, des milliers d’emplois industriels, vous le savez, ont été supprimés au cours des cinq dernières années. Depuis 2007, l’industrie a perdu plus de 300 000 emplois. Notre pays compte aujourd’hui 4,25 millions de chômeurs.
Pour 2011, plus de 40 milliards d’euros de dividendes ont été servis aux actionnaires des entreprises du CAC 40. Vos politiques, qui demeurent tournées vers une économie au service des actionnaires, saccagent l’industrie.
Monsieur le ministre, Renault, qui poursuit sa politique de délocalisation et dont l’État est actionnaire, a versé 324 millions d’euros de dividendes pour 2011, soit une hausse de plus de 38 % par action par rapport à 2010. Vous indiquiez tout à l’heure que le pouvoir d’achat des salariés avait augmenté, mais, depuis trois ans, les salariés du constructeur ont vu, eux, leur salaire n’augmenter que de 1,8 %.
Mme Éliane Assassi. Et voilà !
M. Thierry Foucaud. C’est pourquoi nous disons : plus la droite en rajoute à la droite, plus l’argent va à l’argent ! L’hémorragie continue. Chaque fois qu’un site industriel ferme, c’est tout un bassin d’emplois et de vie qui bascule dans les difficultés. Je pense ici à l’industrie automobile avec la fermeture prévisible du site de PSA d’Aulnay-Sous-Bois, aux salariés de Sevelnord et à ceux de Bosal.
La raffinerie Total de Dunkerque, qui, selon vos affirmations, devait fonctionner, est désormais fermée. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Que proposez-vous pour que la politique du raffinage en France garantisse notre indépendance énergétique ?
Dans le secteur de la sidérurgie, le constat est le même. Après Gandrange, Nicolas Sarkozy récidive à Florange. Il promet, ce matin, le redémarrage des hauts fourneaux au second semestre.
Monsieur le ministre, le Président Sarkozy, qui, hier, promettait de moraliser le capitalisme – on sait ce qu’il en est aujourd’hui ! –, qui promettait aux salariés de Renault Sandouville de revenir les voir – il n’est jamais revenu –, continue de faire des annonces électoralistes. Cela ne suffit pas ! Il faut des engagements pour une politique industrielle forte.
Êtes-vous prêts, messieurs les ministres, à poser une obligation de réinvestissement des bénéfices des groupes pour pérenniser et développer les sites ? Êtes-vous prêts à donner aux salariés dans le code du travail, comme dans le code de commerce, des droits nouveaux afin qu’ils soient impliqués dans la gestion des entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, votre question balayait un spectre tellement large qu’il me faut choisir parmi les thèmes que vous avez évoqués.
M. Thierry Foucaud. Vous êtes très fort !
M. Éric Besson, ministre. Tout à l’heure, je vous ai dit que, si l’on était de bonne foi, on devait reconnaître que la situation de notre industrie méritait un jugement contrasté.
Des pans entiers de notre industrie se portent bien, se développent, exportent, entraînant avec eux les PME et les PMI. C’est vrai dans le secteur des transports, de l’aéronautique et de l’espace, du luxe, de la cosmétique, etc. Or ces secteurs florissants, nous les avons largement encouragés par la suppression de la taxe professionnelle, par le triplement du crédit d’impôt recherche, par les investissements d’avenir, par toute la politique d’encouragement à l’innovation, à la recherche et à l’investissement qui a été menée depuis cinq ans.
Certains secteurs rencontrent effectivement des difficultés, qu’elles soient conjoncturelles ou structurelles. Notre action est permanente : le Comité interministériel de restructuration industrielle, le CIRI, aide en permanence les entreprises en difficulté. La médiation du crédit, la médiation de la sous-traitance permettent de sauver ou de consolider chaque année des dizaines, voire des centaines de milliers d’emplois.
Par conséquent, la politique industrielle qui est menée mérite mieux que la caricature que vous en faites.
Le deuxième aspect de mon propos porte sur nos constructeurs automobiles. Il me faudrait du temps pour vous exposer la situation, mais je tiens à vous le dire, soyez justes et ne caricaturez pas nos constructeurs nationaux !
Prenons le cas de Peugeot, que vous venez d’évoquer et qui est d’actualité. Ce constructeur produit deux fois plus de voitures en France qu’il n’en vend à travers le monde : 40 % des investissements mondiaux de PSA sont localisés en France, comme 80 % de la recherche. En dépit de difficultés conjoncturelles, cette entreprise contribue positivement au solde de notre balance commerciale.
Mme Annie David. Pourquoi Peugeot va-t-il fermer des sites ?
M. Éric Besson, ministre. Par conséquent, le sujet mérite d’être nuancé.
S’agissant de Petroplus et du raffinage, réjouissons-nous ensemble, avec les sénateurs de gauche qui ont accepté de voter ce matin la proposition de loi visant à empêcher le détournement d’actifs d’une entreprise défaillante, d’avoir franchi aujourd’hui une étape très importante pour le sauvetage de l’entreprise. La raffinerie va redémarrer. Nous allons pouvoir utiliser l’argent des stocks qui étaient jusque-là gelés, et dès la semaine prochaine, nous organisons une réunion pour le futur. Or le futur, c’est déjà le début des discussions avec les repreneurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
décision du conseil constitutionnel sur la loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, mais M. Ollier, ministre chargé des relations avec le Parlement, pourra y répondre.
Saisi en application de l’article 61 de la Constitution par 82 sénateurs appartenant aux six groupes politiques de la Haute Assemblée, le Conseil constitutionnel a rendu mardi une décision aussi importante qu’attendue : il a déclaré contraire à la Constitution la loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi.
Indépendamment des clivages partisans et sans remettre en cause la loi de 2001, pour tous les auteurs de cette saisine, il s’agit avant tout d’une victoire du droit. C’est la raison pour laquelle nous saluons l’analyse du Conseil, qui s’impose au Parlement comme au Gouvernement, aujourd’hui mais également demain.
En se fondant sur les articles VI et XI de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel a jugé que, en réprimant la contestation de l’existence et de la qualification juridique de crimes qu’il aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels, le législateur a porté une atteinte inconstitutionnelle à l’exercice de la liberté d’expression et de communication, valeur républicaine fondamentale. (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
En conséquence, il a censuré logiquement cette loi, sur laquelle, d’ailleurs, nous étions un certain nombre à vous avoir mis en garde dans cet hémicycle le 23 janvier dernier,…
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Jacques Mézard. … comme certains membres de votre Gouvernement, d’ailleurs. Mais vous ne nous avez ni écoutés ni entendus, et il n’est pas raisonnable de faire voter en toute connaissance de cause un texte que l’on sait contraire à la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Jacques Mézard. Aujourd’hui, force est de constater que nous avions raison ! Monsieur le ministre, puisque la période est aux mea-culpa, allez-vous reconnaître l’erreur du Gouvernement ?
Nous pouvons entendre que les candidats de différentes sensibilités veuillent conforter leur électorat, mais nous comprenons mal la réaction surprenante du Président de la République, qui doit être le garant de nos institutions, lorsqu’il a déclaré, avant même la décision du Conseil constitutionnel, que, en cas de censure, il récidiverait, puis, après la décision, lorsqu’il a demandé au garde des sceaux de préparer un nouveau texte sur le même sujet... Pourquoi autant d’obstination ?
N’est-il pas temps d’arrêter une aventure qui n’aboutit qu’à renforcer les communautarismes, qu’à opposer entre eux nos concitoyens, qu’à raviver les conflits dans une région du monde sensible ?
Allez-vous faire preuve de sagesse comme vous y invite la décision du Conseil constitutionnel ? Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur diverses travées du groupe socialiste, du groupe CRC et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
M. Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, ce qui est inacceptable, c’est la négation du génocide !
De tels agissements sont une insulte à la mémoire des personnes défuntes et disparues, une atteinte à la dignité de leurs descendants et un facteur de fragilisation de notre cohésion sociale. Il faut en être conscient.
La République doit se donner les moyens de réprimer ceux qui nieraient l’existence des génocides ou qui les banaliseraient. C’est ce qu’elle a essayé de faire.
Le texte censuré par le Conseil constitutionnel, voté par des membres de la majorité comme de l’opposition, monsieur Mézard,…
M. David Assouline. Bien sûr !
M. Patrick Ollier, ministre. … répondait précisément à cette exigence pour tous les crimes de génocides reconnus par la loi comme le génocide arménien, solennellement reconnu par le législateur français en 2001.
Le Conseil constitutionnel se penchait pour la première fois sur cette question. Sa décision, dont le Gouvernement prend acte,…
M. Jean-Pierre Sueur. Elle s’impose !
Mme Bariza Khiari. À tous !
M. Jean-Pierre Sueur. Elle s’impose à toutes les autorités de la République !
M. Patrick Ollier, ministre. Bien évidemment !
Cette décision ne remet nullement en cause la reconnaissance solennelle de l’existence du génocide arménien par le législateur en 2001. Nous sommes d’accord sur ce point. En outre, elle ne nous empêche pas d’avancer. Elle laisse au contraire ouvertes de nombreuses pistes de réflexion que le Gouvernement est en train d’explorer afin d’élaborer un nouveau texte, comme l’a souhaité le Président de la République, dans le strict respect de nos institutions.
C’est précisément ce à quoi nous invite la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 28 novembre 2008, relative à la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal, adoptée sous la présidence française.
Cette décision-cadre nous fait obligation, je vous le rappelle, de pénaliser la négation des génocides et des autres crimes contre l’humanité. Elle comporte toutefois de nombreuses options, réserves et conditions laissées à la discrétion des États membres. Nous devons les étudier attentivement et sereinement pour que l’absolue nécessité de réprimer les comportements négationnistes se conjugue pleinement avec le respect de la liberté d’expression garantie par notre Constitution. C’est ce que le Gouvernement s’apprête à faire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
florange
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Ma question s'adresse à M. le ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
Monsieur le ministre, il n’est pas de grand pays, de grande nation sans une industrie puissante, vous venez d’ailleurs de le rappeler. Notre voisin allemand en est un bel exemple.
La vision de court terme qui domine depuis plus de trente ans chez une partie de notre élite politique et administrative – quel que soit son bord, d’ailleurs – a conduit notre pays à abandonner des pans entiers de son tissu industriel ; je songe en particulier à la machine-outil et au textile.
Pour les mêmes raisons, la sidérurgie se trouve aujourd’hui dans une situation difficile. Dans les années quatre-vingt, alors que l’Allemagne engageait la deuxième restructuration de son industrie sidérurgique, nous restions passifs !
Or ce secteur est stratégique, au niveau tant économique que politique ! De fait, il est indispensable au fonctionnement de filières qui comptent parmi les plus beaux fleurons de notre industrie : l’automobile, l’aéronautique, le BTP, le nucléaire, ainsi que des milliers d’entreprises de sous-traitance.
Monsieur le ministre, il est de notre devoir de sortir de la seule vision de la rentabilité à court terme et d’engager des actions de plus long terme afin d’assurer la pérennité et le développement de ce premier maillon du « produire en France ».
Les annonces importantes faites ce matin même par le Président de la République, concernant le site Arcelor de Florange, s’inscrivent dans cette démarche.
Les salariés de ce site sont inquiets depuis la mise en arrêt temporaire du haut-fourneau en octobre 2011. En effet, le site de Florange emploie 2 900 salariés, dont environ 500 travaillent dans ce haut-fourneau.
Je sais que, dès l’origine, vous vous êtes personnellement saisi de ce dossier : à plusieurs reprises, vous avez reçu le PDG français d’Arcelor, qui a pris devant vous l’engagement de relancer dès que possible l’activité du haut-fourneau.
Je sais également que vous vous êtes rendu à Bruxelles en novembre 2011 pour plaider auprès de la Commission européenne la cause du projet ULCOS, chantier innovant de captage et de stockage de CO2 qui, s’il obtient une aide de l’Union européenne, permettra de faire du site de Florange l’un des plus compétitifs d’Europe.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous détailler, dans ce cadre, les importants engagements complémentaires que le Président de la République a annoncés ce matin ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement résumé la situation. Le Président de la République l’a souligné : la France a besoin de sa sidérurgie, l’acier revêt une importance stratégique et nous n’abandonnerons pas cette filière. (M. Alain Gournac acquiesce.)
M. Didier Boulaud. Il faut surtout des nerfs d’acier !
M. Éric Besson, ministre. La France a été confrontée – ainsi, bien entendu, que le groupe Arcelor-Mittal – à une difficulté conjoncturelle : du fait de la situation internationale, la demande d’acier a baissé en 2011, tout particulièrement en Europe, par rapport au reste du monde.
Aujourd’hui, on observe un mouvement de reprise, assez fort en Asie mais malheureusement très faible et très limité sur notre continent.
Dans ce contexte, des doutes persistaient quant aux engagements d’Arcelor-Mittal, et quatre questions ont été portées sur la place publique.
Premièrement, le groupe Arcelor-Mittal considère-t-il sa présence en France comme stratégique ? Désormais, sa réponse est claire : oui. Son PDG, Lakshmi Mittal, l’a affirmé hier après-midi au Président de la République, avant de le confirmer publiquement.
Deuxièmement, Arcelor-Mittal est-il prêt à investir dans ce haut-fourneau ? La réponse est également dénuée d’ambiguïté : oui. Quelque 2 millions d’euros ont d’ores et déjà été investis et 2 millions d’euros supplémentaires seront engagés pour assurer le redémarrage du haut-fourneau, dès que la conjoncture le permettra : l’objectif est fixé au début du second semestre 2012.
Troisièmement, Arcelor-Mittal continuera-t-il d’investir sur l’ensemble du site de Florange ? Là encore, la réponse est très clairement affirmative : 15 millions d’euros supplémentaires seront investis. À ceux qui, il y a encore quarante-huit heures, se disaient certains qu’Arcelor-Mittal souhaitait se désengager de ce site, je réponds ceci : il est assez rare qu’un grand groupe industriel investisse 17 millions d’euros dans des infrastructures dont elle est sur le point de se défaire. Ce raisonnement relève tout simplement du bon sens !
M. Didier Boulaud. On en a vu d’autres !
M. Michel Le Scouarnec. Paroles… Paroles…
M. Didier Boulaud. Ce ne serait pas la première fois !
M. Éric Besson, ministre. Le groupe Arcelor-Mittal, comme l’État français, croit au projet ULCOS : c’est précisément pour cette raison que, le 8 novembre dernier, je suis allé plaider cette cause auprès des trois commissaires européens concernés. Le captage et le stockage du CO2 constituent un enjeu majeur pour l’acier, dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre.
Le Président de la République et le Premier ministre l’ont réaffirmé : le Gouvernement mobilisera 150 millions d’euros au titre des investissements d’avenir, et les négociations sont en cours avec la Commission européenne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces jours derniers, vous avez examiné une proposition de loi tendant à obliger Arcelor-Mittal à vendre le site de Florange, tandis que le Président de la République et le Gouvernement tout entier ont négocié avec les représentants de ce groupe, afin que ce dernier investisse et qu’il s’engage au bénéfice de Florange ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
politique du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, j’ai comme l’intuition que c’est M. Besson qui va me répondre.
Tout récemment, nous avons assisté à une hausse record des prix du carburant, puisque le litre de super sans plomb 95 s’élève désormais à 1,60 euro tandis que le litre de gazole coûte aujourd’hui 1,44 euro. Cette augmentation pénalise considérablement tous ceux qui, pour une raison ou pour une autre, sont prisonniers de l’utilisation de leur voiture et subissent donc de plein fouet la hausse du prix des carburants.
Faut-il également préciser que les plus modestes de nos concitoyens sont victimes de ce que l’on nomme pudiquement la précarité énergétique,…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. … ce qui, pour être clair, signifie qu’ils n’ont pas pu se chauffer correctement au cours de la période de grand froid que nous venons de traverser ? Ceux-là subissent donc, en quelque sorte, une double peine.
M. Roland Courteau. Et ils sont huit millions !
M. Jean-Jacques Mirassou. Cependant, par la voix de son PDG, le groupe Total annonce fièrement que son bénéfice net s’élève à plus de 12 milliards d’euros pour 2011, tout en évoquant comme une fatalité l’augmentation du litre de super 95 à 2 euros, à moyen terme. Force est de le constater, M. de Margerie mêle dans ses déclarations, non seulement de la détermination – on ne peut pas le lui reprocher ! – mais aussi du cynisme, voire de la provocation.
Pour ce qui le concerne, le Gouvernement avance comme explication les tensions s’exerçant sur les pays exportateurs et la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. Certes ! Mais c’est passer un peu vite sur le constat que les taxes prélevées par l’État représentent 60 % du prix du sans plomb 95, et 50 % du prix du gazole.
La semaine dernière, Mme Pécresse a d’ailleurs eu l’occasion de s’expliquer sur ce sujet ici même, et sa démonstration laborieuse n’a pas réussi à masquer l’embarras d’un gouvernement qui manque cruellement de volonté politique pour venir en aide aux ménages et aux entreprises les plus fragilisées.
Le Président de la République s’est exprimé à son tour. Dans une de ces déclarations lapidaires dont il a le secret, il a qualifié de « plaisanterie » l’hypothèse d’un blocage des prix du pétrole. Du reste, je serais curieux de savoir si cette « plaisanterie » est de nature à faire rire les Français, notamment ceux que je viens d’évoquer : je ne le crois pas.
Monsieur Besson, pour ce qui vous concerne, vous avez déclaré que le blocage d’une augmentation de 10 centimes pendant trois mois engendrerait un manque à gagner de 1,25 milliard d’euros pour l’État. En réalité, c’est là l’aveu patent d’un Gouvernement sans états d’âme et aux abois, à la recherche perpétuelle et éperdue de nouvelles recettes fiscales, qui – on l’a bien compris – pèseraient sur le dos du plus grand nombre.
M. David Assouline. Toujours ! Toujours sur le peuple !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est la raison pour laquelle vous ne voulez entendre parler ni d’un blocage transitoire des prix, ni d’un retour à la TIPP flottante.
M. Roland Courteau. Exact !
M. Jean-Jacques Mirassou. Pour autant, le problème reste entier pour les Français. Ma question est simple : allez-vous enfin agir et, si oui, comment ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’industrie.
M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique. Monsieur le sénateur, vous avez raison sur un point : c’est effectivement moi qui ai l’honneur de vous répondre ! Pour le reste, c’est moins sûr…
Tout d’abord, vous avez mis en cause les profits de Total. Ce faisant, vous illustrez parfaitement les propos que j’ai tenus précédemment. Le groupe Total gagne-t-il de l’argent en France ? Quasiment pas, notamment du fait des pertes qu’accusent ses raffineries ! Où Total gagne-t-il de l’argent ? À l’étranger,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Nécessairement, c’est là que se trouvent les ressources pétrolières !
M. Éric Besson, ministre. … sur le secteur exploration et exploitation !
Total contribue-t-il, oui ou non, à la lutte contre notre dépendance énergétique et à la sécurité de nos approvisionnements ? La réponse est oui !
Souhaitez-vous qu’un grand groupe français gagne de l’argent à l’étranger, assure nos approvisionnements et crée de nombreux emplois en France ? Vous avez le droit de répondre non, mais, pour nous, la réponse est claire : oui !
Ensuite, pour ce qui concerne les prix actuels du pétrole et donc ceux de l’essence, vous tentez de transformer un problème planétaire en une question politicienne strictement française.
Je le souligne, le prix du pétrole constitue un enjeu mondial. Partout, chacun constate et déplore l’augmentation du prix du baril de pétrole. Pourquoi ?
Premièrement, parce que la demande en provenance des pays émergents augmente sans cesse.
Deuxièmement, parce que persistent des tensions géopolitiques que vous connaissez fort bien.
Troisièmement, du fait de la parité de l’euro.
Dans ces conditions, pourquoi tenez-vous à transformer une question planétaire en un débat franco-français ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Parce que je m’intéresse aux Français !
M. Éric Besson, ministre. Pour ce qui concerne la France, vous répandez l’idée selon laquelle il existerait une sorte de baguette magique,…
M. Claude Bérit-Débat. Pas du tout !
M. Éric Besson, ministre. … qui s’appellerait blocage des prix ou TIPP flottante.
Or chacun sait ce qu’il en est : Laurent Fabius a tenté d’appliquer un tel mécanisme – je m’en souviens personnellement – et il y a lui-même mis un terme. De fait, la réduction de 2 ou 3 centimes d’euros à la pompe avait coûté entre 1 milliard et 2 milliards d’euros au budget de la France !
Aujourd’hui, baisser le prix du litre de gazole de 10 centimes en jouant sur la TIPP ou sur les autres taxes coûterait entre 4 milliards et 5 milliards d’euros aux caisses de l’État ! Qui peut estimer une seule seconde qu’il s’agit là d’une réponse structurelle ?
Quant au blocage des prix, je maintiens qu’il exige des circonstances tout à fait exceptionnelles. Il n’a d’ailleurs été employé qu’une fois, par Pierre Bérégovoy, lors de la guerre du Golfe. Au demeurant, les effets d’une telle mesure ne portent pas sur les prix – vous le savez pertinemment – mais sur les marges ! Et, puisque vous avez cité Total, sachez que la marge nette que ce groupe dégage sur un litre d’essence s’élève à 1 centime d’euro ! Dès lors, comment pouvez-vous souhaiter bloquer les marges ? À quoi cela pourrait-il servir aujourd’hui ?
La véritable réponse réside dans des véhicules propres. C’est la raison pour laquelle nous avons instauré le bonus-malus, et c’est pourquoi nous avons ouvert le chantier des véhicules électriques et des véhicules hybrides, qui constituent les transports de l’avenir.
Enfin, la réponse se trouve également dans les énergies décarbonées. Voilà pourquoi, alors que nous dépendons si étroitement des hydrocarbures, nous nous battons pour défendre la filière nucléaire française, celle-là même que vous souhaitez abattre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
situation à la réunion
M. le président. La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. Ma question s'adresse à Mme la ministre chargée de l'outre-mer.
Madame la ministre, si nous pouvons nous réjouir du calme qui paraît revenir progressivement à la Réunion, nous avons tous été frappés par les mouvements extrêmement violents qui ont secoué plusieurs villes de notre territoire.
Ces émeutes ne peuvent qu’être condamnées. Néanmoins, elles sont, à plusieurs égards, révélatrices d’un profond malaise social.
Comme vous, je suis convaincu que les véritables enjeux sont la précarité et le chômage, et que la résolution de ce double problème passe indubitablement par l’emploi, qu’il soit aidé ou pérenne, public ou privé.
Aujourd’hui, je salue tout particulièrement le préfet de région de la Réunion, qui a su mener avec succès les négociations aboutissant à la baisse du prix de soixante produits de consommation courante, mesure couplée aux dispositions exceptionnelles relatives aux énergies.
Toutefois, notre devoir est de poursuivre les efforts d’ores et déjà engagés et d’apporter des réponses précises et urgentes aux attentes et préoccupations des Réunionnaises et des Réunionnais, notamment des plus jeunes d’entre eux.
Favoriser le développement endogène, ce n’est pas : « Débrouillez-vous vous-même », comme l’a lancé un de nos collègues. C’est plutôt accompagner et soutenir les mutations nécessaires de notre économie par une bonne utilisation de nos ressources locales et du potentiel extraordinaire que constitue le bassin de l’océan Indien. »
Madame la ministre, pouvez-vous nous préciser les mesures que le Gouvernement a déjà prises, ainsi que celles qu’il compte mettre en œuvre dans cette optique ?
Je conclurai mon propos en évoquant le dispositif de contrats aidés du secteur non marchand à la Réunion.
Savez-vous que, en 2011, le Gouvernement a attribué une enveloppe globale de 27 790 contrats aidés à notre département et que plus de 2 000 d’entre eux n’ont pas été attribués ! Parallèlement, l’enveloppe du premier semestre de cette année a cru de près de 30 %.
Cette situation constitue un paradoxe et une aberration. Elle s’explique ainsi : aujourd’hui, les collectivités locales et les associations ne sont plus en mesure d’assumer les parts résiduelles qui leur reviennent.
Madame la ministre, à situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles : pouvons-nous, partant, envisager une augmentation de 10 % des taux d’aide de l’État pour les contrats aidés du secteur non marchand, ainsi qu’une réévaluation de la limite de prise en charge hebdomadaire à vingt-six heures ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée de l’outre-mer.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, je me réjouis comme vous du retour au calme que nous constatons à la Réunion. Par ailleurs, je vous remercie de souligner le rôle joué par le préfet dans le dénouement de ces événements.
Je souhaite également rendre hommage au sens des responsabilités dont ont fait preuve les différents élus locaux, qu’il s’agisse du président du conseil régional ou de la présidente du conseil général, sans oublier votre implication, qui ne fait pas l’ombre d’un doute, notamment pour ce qui concerne les événements qui se sont déroulés dans le sud de l’île.
Avant de répondre très précisément à la question des contrats aidés, que vous venez de soulever, je tiens à dresser ce constat devant la représentation nationale : à mes yeux, le problème de fond qui se pose aujourd’hui à La Réunion comme dans tous les territoires ultramarins, concerne non seulement les prix mais aussi et surtout les revenus et l’accès à l’emploi. Pour répondre véritablement aux difficultés de nos outre-mer, il convient de leur donner la capacité de créer des emplois dans le secteur privé.
De fait, le secteur public ne peut plus, à lui seul, résorber le chômage : nous le constatons, ce modèle a atteint ses limites. Le nier reviendrait à refuser de dire la vérité et de voir la réalité !
C’est pourquoi, avec le Président de la République, nous promouvons depuis de nombreuses années un modèle économique qui consiste à tirer le meilleur du potentiel des économies ultramarines.
C’est tout le sens du développement endogène, qui se trouve au cœur de la politique que nous menons depuis plusieurs années, et qui ne signifie pas « débrouillez-vous », comme je l’ai entendu la semaine dernière.
Ces efforts commencent à porter leurs fruits, notamment à la suite de la restructuration de la filière agricole. Comme vous le savez, monsieur le sénateur, grâce à cette restructuration, la filière viande permet aujourd’hui de créer des emplois à la Réunion, et les prix ont pu baisser de 5 % à 20 %.
En attendant, je comprends bien évidemment votre souci d’optimiser l’utilisation des contrats aidés, le développement endogène passant aussi par la solidarité nationale.
Vous avez raison, monsieur le sénateur : aujourd’hui, il n’y a pas de problème d’enveloppe, contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, car le nombre de contrats aidés augmente depuis deux ans dans tout l’outre-mer, la Réunion ayant pour sa part bénéficié de 28 000 contrats en 2011.
Il faut surtout savoir consommer cette enveloppe. C’est pourquoi, avec le ministre du travail, Xavier Bertrand, nous avons donné des instructions pour réduire le reste à charge des employeurs afin qu’ils mobilisent ce dispositif au bénéfice des jeunes et des bénéficiaires du RSA.
Je suis en mesure de vous annoncer que le taux de prise en charge par l’État passera à 90 %, voire à 95 % pour les jeunes, ce qui permettra de débloquer immédiatement, dans l’enveloppe que nous avons allouée à la Réunion, plus de mille contrats pour les jeunes.
Je partage votre point de vue, monsieur Fontaine : la réponse ne passe plus par les contrats aidés, comme l’a récemment proposé le candidat socialiste.
Nous faisons au contraire le choix de changer de modèle économique, pour créer des emplois durables et donner de nouvelles perspectives d’avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
régime social des indépendants
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Didier Boulaud. Et du chômage !
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, le régime social des indépendants, le RSI, résulte de la fusion de trois organismes de sécurité sociale pour les travailleurs indépendants. Il est, depuis le 1er janvier 2008, l’interlocuteur social unique des commerçants, artisans et professions libérales pour leur protection sociale obligatoire.
Au travers d’un partenariat entre le RSI et les URSSAF, il s’agissait donc de simplifier le quotidien et d’alléger les démarches administratives de plus d’un million et demi d’assurés, les artisans et commerçants de notre pays, sans compter leurs ayants droit.
La tâche était lourde, car la simplification n’est jamais facile dans notre pays.
Le RSI, on le sait, a connu d’importants dysfonctionnements, qui ont pénalisé de très nombreux assurés.
Les commerçants et les artisans doivent pouvoir se consacrer à faire prospérer leur activité sans être régulièrement gênés par des complications administratives, surtout s’ils ont le sentiment que ces complications constituent au fond des problèmes administratifs internes.
Je sais que, depuis votre retour au ministère du travail, vous ne ménagez pas votre énergie afin de trouver des solutions pour parachever cette simplification majeure. Le premier bilan du plan d’action ISU – interlocuteur social unique – que vous avez lancé en septembre 2011 est d’ailleurs très positif.
Cette difficulté étant réglée, une autre surgit, qui concerne les droits à retraite des artisans et commerçants affiliés au RSI qui valident moins de quatre trimestres par an d’assurance vieillesse alors qu’ils travaillent toute l’année.
Pour remédier à cette situation, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 avait créé un mécanisme de rachat d’années incomplètes à un tarif avantageux.
Mais, là encore, la mise en œuvre de ce dispositif est difficile. Monsieur le ministre, qu’avez-vous prévu de faire pour remédier à cette situation vraiment très problématique pour les artisans et commerçants ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur Cornu, oui, il existe un projet de décret qui permettra de racheter à un tarif avantageux ces quatre trimestres pour celles et ceux qui n’ont pas eu de revenus réguliers pendant l’année. Avec Valérie Pécresse et Frédéric Lefebvre, nous transmettrons ce projet de décret avant la fin de la semaine au conseil d’administration du RSI. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je sais que le Parlement avait voté en ce sens voilà déjà un certain temps, mais ce décret s’avérait complexe à mettre en œuvre, car sa première version comportait une hausse des cotisations.
Or, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la hausse des cotisations, c’est la proposition des socialistes, et non la position du Gouvernement ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vous protestez, mais le candidat socialiste a lui-même déclaré fin janvier que son programme prévoyait des augmentations de cotisations de 2 000 à 27 000 euros par an pour les 2,5 millions de bénéficiaires du RSI.
Mme Bariza Khiari. Décidément, vous n’arrêtez pas de citer son programme !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous nous efforçons de trouver des solutions avantageuses, quand vous choisissez simplement d’augmenter les charges des bénéficiaires du RSI. Cela fait quand même une sacrée différence ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Marc Pastor. Ce n’est pas la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Ce n’est d’ailleurs pas moi, mais Gérard Quévillon, le président du conseil d’administration du RSI, qui, le premier, s’est ému de cette proposition, sur laquelle les socialistes n’ont pas fait beaucoup de publicité. Pourtant, je n’invente rien et j’invite tout un chacun à se référer aux documents officiels du parti socialiste !
Quoi qu’il en soit, ce texte sera bientôt transmis au conseil d’administration du RSI, en vue d’être publié dans les semaines qui viennent. Nous pourrons ainsi prendre en compte les disparités et les difficultés particulières. Mais, à la question de savoir s’il existe une spécificité du régime social des indépendants, je réponds clairement oui, et il ne s’agit certainement pas, comme le proposent les socialistes, d’aligner le système de cotisations des indépendants sur le régime général.
M. Jean-Marc Pastor. Avec la droite, il faudrait une élection présidentielle tous les ans pour obtenir quelques avancées sociales !
M. Xavier Bertrand, ministre. Un dernier point, monsieur le sénateur : il est vrai que nous avions voulu simplifier les choses avec l’interlocuteur social unique. Malheureusement, l’informatique n’a pas suivi…
M. David Assouline. La méchante informatique !
M. Xavier Bertrand, ministre. J’assume ces difficultés, monsieur Assouline. Je précise que de nombreux parlementaires de tous bords m’ont régulièrement saisi de ces questions.
La différence, c’est que nous cherchons des solutions pour répondre aux attentes des indépendants !
M. David Assouline. Arrêtez de donner des leçons !
M. Xavier Bertrand, ministre. En ce qui concerne les affiliations doubles, qui entraînent des appels de cotisations indus, j’ai demandé clairement à ce que l’on mette un terme à toutes les procédures de recouvrement forcé dans lesquelles il n’aura pas été vérifié préalablement l’existence d’un problème.
Car nous ne voulons pas que certains indépendants se trouvent confrontés à des difficultés dont ils ne sont pas responsables. Voilà comment nous agissons, nous, pour les indépendants ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Didier Boulaud. Puisse son retour prochain au Parlement le rendre plus modeste !
mutuelles santé - surcharge des hôpitaux
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la santé est au cœur des préoccupations de nos concitoyens, nous constatons une progression régulière des retards ou des renoncements à l’accès aux soins pour des raisons financières, dans un contexte de pauvreté également en augmentation, un phénomène récent de démutualisation, l’embouteillage des services d’urgence des hôpitaux ou encore des pathologies souvent aggravées.
Aujourd’hui, plus d’un Français sur trois a été confronté à des problèmes d’accès aux soins, 35 % ont déjà renoncé à se soigner, 50 % ont dû reporter leurs soins. Ces proportions sont plus fortes chez les personnes disposant de faibles revenus.
Une récente étude de l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, confirme que le pouvoir d’achat influence directement le renoncement aux soins. Elle établit que les pratiques tarifaires en honoraires libres conditionnent ces renoncements, plus fréquents dans les départements où les tarifs sont les plus élevés.
La baisse du taux de prise en charge de la sécurité sociale, confirmée par la Commission des comptes, qui relève que « le ralentissement des dépenses reflète celui des prestations versées » et que « la décélération des prestations légales explique l’essentiel du ralentissement des charges », relativise la notion de maîtrise de l’ONDAM.
La seule raison d’être d’un système de santé et de protection sociale est de soigner, de protéger et de prévenir. Les résultats et le bilan des dix dernières années de gouvernement de droite sont, à cet égard, un triste échec.
Dans ce contexte, vous venez d’annoncer, monsieur le ministre, la mise en place forcée d’un nouveau secteur tarifaire, dit optionnel, dont, à vrai dire, personne ne veut – certes pour des raisons différentes, il faut bien l’admettre.
L’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire, l’UNOCAM, représentant les organismes complémentaires, n’en veut pas. La Confédération syndicale des médecins s’y déclare opposée. Les conseils de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie ont majoritairement voté contre hier.
Le principal motif de rejet de ce dispositif est qu’il ne comporte aucune mesure d’encadrement des dépassements dans le secteur à honoraires libres, alors qu’il est justement supposé en permettre la maîtrise !
Ce secteur optionnel sera sans intérêt pour les praticiens dont les honoraires dépassent déjà 50 % du tarif de sécurité sociale ; il risque, en revanche, de tirer vers le haut les dépassements plus modérés. Il n’est évidemment porteur d’aucune amélioration pour les généralistes du secteur 1.
Quant à la prise en charge obligatoire par les contrats « solidaires et responsables », n’y a-t-il pas risque de renoncement ? N’est-ce pas surtout conforter et sanctuariser la pratique des dépassements d’honoraires ?
Monsieur le ministre, quelle est votre volonté réelle de lutter contre les dépassements d’honoraires, devenus un obstacle majeur à l’accès aux soins et qui installent et confortent une médecine à deux vitesses dans notre pays ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Vous n’êtes pas un sénateur comme les autres, monsieur Daudigny : en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales, vous êtes en principe celui qui, dans cette Haute Assemblée, devrait connaître le mieux les chiffres et la réalité de la politique de santé.
M. David Assouline. Et c’est le cas !
M. Xavier Bertrand, ministre. Dans ces conditions, avez-vous le droit de prononcer des contre-vérités et des mensonges comme vous venez de le faire pendant deux minutes trente ? Ce n’est pas la tradition du Sénat ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. David Assouline. On va se lever et sortir !
M. Xavier Bertrand, ministre. Une chose est certaine : il est faux de dire que le reste à charge a augmenté dans notre pays.
M. Yves Daudigny. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il n’est pas d’usage qu’un membre du Gouvernement lance un défi à un parlementaire. C’est bien dommage, car je vous mettrais bien au défi de prouver que le reste à charge a augmenté, monsieur Daudigny !
Mme Frédérique Espagnac. Ce n’est pas ce qu’il a dit !
M. Alain Gournac. Il dit n’importe quoi de toute façon !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut savoir que le reste à charge en France est le plus faible d’Europe après les Pays-Bas. Les chiffres sont constants et l’on a même noté un léger mieux.
Est-ce le temps de parole qui vous a manqué, monsieur le sénateur ? Dans ce cas, je suis prêt à vous céder une partie du mien…
M. David Assouline. Commencez par vous excuser !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour le reste, je tiens à remettre les pendules à l’heure. Quand il s’est agi de favoriser l’accès aux soins, nous avons mis en place une aide à la complémentaire santé pour tous ceux qui n’étaient pas assez démunis pour avoir droit à la CMU ou à la CMUc, mais qui n’avaient pas les moyens de cotiser à une forte mutuelle. C’est cette majorité qui l’a proposée ; jamais la gauche n’a voté de telles mesures ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Richard. Répondez à la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cela montre bien le décalage immense entre vos propositions généreuses et la réalité.
M. Yves Daudigny. Dites plutôt que c’est la vérité qui vous met en colère !
M. Xavier Bertrand, ministre. De la même façon, ne vous faites pas un mauvais porte-parole des syndicats de médecins libéraux comme la Confédération des syndicats médicaux français, la CSMF. Ils n’ont rien dit de tel !
Il est vrai que vous avez beaucoup à vous faire pardonner auprès des médecins libéraux. Mais la ficelle est un peu grosse, monsieur Daudigny ! Je comprends pourquoi vous n’avez plus aucun crédit auprès des médecins dans notre pays !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Répondez à la question !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quant au secteur optionnel, il vise à permettre, sur la base du volontariat, aux médecins exerçant en secteur 2 de pouvoir faire rembourser leurs actes par le régime général et par les complémentaires. N’est-ce pas un progrès ? Bien sûr que si !
M. Alain Richard. Il n’aura aucun effet modérateur !
M. Xavier Bertrand, ministre. Un document signé par l’assurance maladie, les complémentaires santé et les syndicats de médecins faisait état d’un accord. Mais, comme par hasard, la mutualité a aujourd’hui décidé de différer sa signature. Est-ce la conséquence d’un certain calendrier électoral ? Je n’en sais rien…
En attendant, je prends mes responsabilités.
Vous avez beau parler fort, vous ne parlez pas toujours juste sur les questions de santé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Alors que vous n’avez jamais fait la moindre réforme, nous agissons en réformant ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Vous-même, monsieur Daudigny, êtes en totale contradiction avec le candidat socialiste lorsque vous vous déclarez partisan de l’obligation et de la coercition vis-à-vis des professionnels de santé ! Mais il est vrai que votre candidat n’en est pas à un atermoiement de plus !
C’est aussi votre majorité qui, à l’époque, avait décidé qu’avec moins de médecins il y aurait moins d’actes, et donc moins de dépenses.
M. Alain Richard. Un mensonge de plus !
M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd’hui, nous devons gérer des situations particulièrement difficiles, notamment dans le département de l’Aisne et, plus généralement, dans toute la Picardie. Mais de cela, vous ne dites rien !
Vous pouvez essayer par tous les moyens de vous montrer sympathique, mais personne n’est dupe. La vérité, c’est que vous n’avez jamais aimé le monde de la santé, en particulier les médecins libéraux, alors que nous nous efforçons de construire un système de santé.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si je me permettais de poser une question à un parlementaire, je vous demanderais bien dans quel autre pays que la France vous aimeriez vous faire soigner ou faire soigner vos enfants, monsieur Daudigny. Pour ma part, je choisirais la France, car nous avons le meilleur système de santé ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de mobilisation du foncier en faveur du logement.
La liste des candidats établie par la commission de l’économie a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.
Je n’ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Daniel Raoul, Thierry Repentin, René Vandierendonck, Gérard Le Cam, Mme Esther Benbassa, MM. Charles Revet et Vincent Capo-Canellas ;
Suppléants : Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Jacques Filleul, Joël Labbé, Robert Tropeano, Michel Houel, Gérard César, Mme Élisabeth Lamure.
8
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 1er mars 2012, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-240 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
9
Organisation des manifestations sportives et culturelles
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles (texte de la commission n° 419, rapport n° 418).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, en remplacement de M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, en remplacement de M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte qui nous est présenté aujourd’hui est sur le point d’être adopté, un peu plus d’un mois seulement après son dépôt à l’Assemblée nationale.
C’est le signe que le Sénat a été coopératif.
C’est le signe que les différents groupes politiques peuvent travailler en bonne intelligence pour améliorer notre législation chaque fois que l’intérêt général est en jeu.
C’est aussi le signe que le sport et la culture peuvent rassembler ceux qui croient en l’importance de leurs valeurs et de leur promotion.
En un mois, le travail parlementaire a été à la fois intense et productif, et je tiens à cet égard à féliciter tous les membres de la commission, qui se sont investis sur le sujet dans des délais très brefs.
Je salue également le rapporteur de la proposition de loi, M. Lozach : la pertinence de ses propositions a été unanimement reconnue. Retenu par son conseil général, il lui est malheureusement impossible de se joindre à nous aujourd’hui.
Je tiens à dire d’emblée que la commission de la culture est favorable à l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire, tout simplement parce que le travail du Sénat a été reconnu.
Nous sommes passés d’un article unique relatif à la responsabilité civile des pratiquants sportifs à un texte de six articles ayant pour objet de faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles. La plupart des dispositions ont été introduites par le Sénat ; elles n’ont pas été modifiées, sinon de manière marginale.
L’article 1er, qui était l’objet initial de la proposition de loi, a été amélioré à l’Assemblée nationale et au Sénat dans le sens d’un retour à la situation antérieure à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010.
Selon le texte de la commission mixte paritaire, que celle-ci a repris du Sénat, l’exonération de responsabilité civile du fait des choses concernera les pratiquants sportifs exerçant leur activité au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation, et lorsque cette manifestation ou cet entraînement a lieu sur un terrain dédié au sport de manière temporaire ou permanente.
La responsabilité civile sera donc reconnue dans de nombreux cas au bénéfice des victimes de dommages, mais ne sera pas appliquée dans les situations où les sportifs assument en connaissance de cause les risques de leur activité.
L’intérêt du sport et l’intérêt général devraient ainsi être tous deux préservés.
L’article 1er bis, légèrement modifié par la commission mixte paritaire, prévoit dorénavant une large concertation avant le dépôt du rapport relatif aux perspectives d’évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive.
L’article 2 avait été voté conforme par le Sénat dans la mesure où l’Assemblée nationale élargissait aux manifestations culturelles et au spectacle vivant une disposition relative à la revente illicite de billets que le Sénat avait déjà introduite dans le code du sport.
Les pré-ventes sauvages et la spéculation sur la rareté des billets, laquelle se traduit par des tarifs supérieurs de 150 % ou 200 %, voire de 400 % et plus au tarif initial, spolient les artistes, les financeurs et organisateurs de spectacles, et entament de façon significative l’accès à la culture.
La présente proposition de loi devrait permettre de mettre fin aux pratiques agressives de certains sites Internet qui devenaient de véritables entraves au bon déroulement des manifestations culturelles et sportives.
L’article 3, relatif à la mise en place du passeport biologique des sportifs, introduit sur l’initiative de notre commission, a fait l’unanimité dans cet hémicycle. Il n’a pas été modifié par la commission mixte paritaire, qui a considéré qu’il s’agissait d’un outil novateur et efficace dans le cadre de la lutte contre le dopage. C’est un petit pas pour le législateur, mais un grand pas pour le sport.
L’article 4, issu d’un amendement du Gouvernement adopté au Sénat, prévoit que les modalités d’instauration du passeport biologique feront l’objet d’un rapport établi par un comité de préfiguration et remis au Gouvernement et au Parlement. Rappelons en effet que l’article 3 prévoit l’entrée en vigueur du passeport le 1er juillet 2013. La commission mixte paritaire a amélioré la rédaction du dispositif sans le remettre en cause. Le cadre très précis de son application, limité au domaine sportif et conforme aux exigences de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le rend garant du respect des libertés individuelles, ce qui est fondamental quand il peut y avoir fichier.
L’article 5 concerne les sanctions qui pourront être prises sur la base des éléments recueillis dans le cadre du passeport biologique. Le respect de la procédure contradictoire et du droit des sportifs est assuré. La rédaction de la disposition avait fait l’objet d’un débat au Sénat. Les deux rapporteurs ont donc proposé aux membres de la commission mixte paritaire un nouveau texte reprenant parfaitement l’esprit de la disposition adoptée au Sénat, tout en en modifiant la lettre.
L’article 6, introduit par le Sénat, a en revanche été supprimé. Il avait pour objet d’interdire aux clubs professionnels de rémunérer les agents de joueurs. La majorité sénatoriale considérait que cette nouvelle possibilité, introduite en 2010, était contre-productive, voire dangereuse pour l’éthique du sport. Soyons francs : nous n’avons pas changé d’avis. Il reste que, dans un esprit consensuel et parce que nous considérions que d’autres dispositions du texte devaient aboutir rapidement, nous avons choisi d’accepter le retrait de cette disposition.
C’est donc dans un esprit constructif que la commission mixte paritaire est parvenue à un accord unanime, et je viens d’apprendre que l’Assemblée nationale avait adopté ses conclusions.
Mes chers collègues, c’est au nom de l’intérêt général et de l’ambition que l’on peut avoir en matière d’éducation par le sport et la culture que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication vous invite à adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. David Douillet, ministre des sports. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier d’avoir permis l’adoption de la proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles, laquelle portait à l’origine uniquement sur la responsabilité des sportifs.
Je salue en particulier le travail constructif mené par le sénateur Jean-Jacques Lozach avec le député Éric Berdoati en commission mixte paritaire. Je me réjouis qu’un consensus ait pu être trouvé sur des questions aussi importantes pour le sport français.
La future loi va permettre de régler une grande partie des problèmes d’assurance liés à l’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010. Il faut rappeler que c’était l’objet premier de cette proposition de loi, qui répondait ainsi à une difficulté réelle pour le mouvement sportif. De nombreux sports, comme le cyclisme, la voile ou les sports mécaniques, étaient menacés du fait de l’explosion des primes d’assurance. Grâce à cette loi, l’avenir de ces sports, comme de tous les emplois qui y sont associés, est désormais assuré.
La proposition de loi a été enrichie au Sénat d’une disposition relative à l’instauration du passeport biologique. Le Gouvernement y a été favorable. J’ai, au demeurant, toujours été très clair sur ma volonté de mener une lutte acharnée contre le dopage et j’avais d’ailleurs déjà demandé au député Éric Berdoati de mener un travail de concertation sur la mise en place du passeport biologique, en lien avec tous les acteurs concernés.
Il était important que la loi ne donne pas qu’une valeur juridique au passeport biologique et qu’elle permette aussi d’infliger des sanctions. Je suis donc très heureux que la commission mixte paritaire ait abouti à une rédaction précise sur la possibilité d’ouvrir une procédure disciplinaire.
Par ailleurs, le Gouvernement a tenu à compléter cette disposition en proposant la rédaction d’un rapport définissant les modalités de contrôle en lien avec le mouvement sportif. Sur un sujet aussi important, on ne peut pas avancer sans se concerter avec le monde du sport, qui est le premier concerné. Je suis très satisfait que cet amendement, que j’avais défendu devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ait également été retenu en commission mixte paritaire.
Enfin, la loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles permettra aussi d’interdire la revente illégale de billets. Cette disposition a, dès le début, fait l’unanimité tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Je peux vous dire qu’avec le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, nous avons reçu beaucoup de témoignages de satisfaction de la part non seulement du monde du sport, évidemment, mais aussi et surtout du monde de la culture.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite que, depuis mon arrivée au ministère des sports, deux propositions de loi sur le sport aient pu être adoptées. L’une, très attendue par le mouvement sportif, a été déposée à l’Assemblée nationale, l’autre, au Sénat. Cela montre l’intérêt du Parlement pour les questions sportives et je tiens à vous en remercier très sincèrement. J’espère qu’ensemble nous aurons encore d’autres occasions de défendre le sport français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon un calendrier de débat un peu étonnant et tellement inattendu qu’il nous vaut l’absence du rapporteur de la commission mixte paritaire et de celui qui devait être le principal orateur, que je vais m’efforcer de remplacer, nous arrivons au terme de l’examen de cette proposition de loi.
Celle-ci a, contre toute attente, fait l’objet de discussions nourries et d’échanges d’arguments propices à l’amélioration du texte initial. Nous avons le sentiment que les débats, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, ont permis de l’enrichir considérablement.
Partis du simple article initial sur la responsabilité civile des pratiquants sportifs, nous sommes parvenus à y inclure, de façon équilibrée et responsable, d’autres sujets d’importance. Ainsi, le passeport biologique et la revente de billets figurent dans le texte final. Ce sont des avancées très intéressantes, qui n’ont été possibles que grâce à un travail constructif entre le Gouvernement et les deux assemblées. Je salue à cet égard le travail opiniâtre et approfondi de Jean-Jacques Lozach, qui a rapporté ce texte au nom de la commission de la culture.
Bien que n’ayant pas participé à la commission mixte paritaire – du fait d’une autre incongruité du calendrier ! –, je me félicite que celle-ci ait pu aboutir, même si je regrette que les dispositions relatives aux agents sportifs aient dû être retirées. L’article 6 est en effet le seul article sur lequel la commission mixte paritaire n’a pu trouver de compromis. Sur ce point, nous nous en tiendrons donc à la législation de 2010, mais une nouvelle réflexion devra être engagée, car chacun s’accorde à dire que le système actuel de paiement des agents est loin d’être parfait.
D’ailleurs, plus globalement, comme ce texte traite de sujets très mouvants, nous devrons rester vigilants, de manière à faire évoluer cette législation, tout en en respectant l’esprit.
Quoi qu'il en soit, le désaccord sur l’article 6 ne doit pas masquer le travail constructif qui a été mené sur l’ensemble des autres articles.
L’article 1er porte sur la responsabilité du fait des choses dans le domaine sportif. Il vient répondre aux conséquences d’un revirement jurisprudentiel opéré par la Cour de cassation en novembre 2010. Cette jurisprudence permet une indemnisation plus facile de la victime d’un préjudice corporel ou matériel du fait d’une chose. En cela, elle revient complètement sur la théorie de l’acceptation des risques qui, depuis longtemps, voulait que le sportif mesure ceux-ci et en accepte les éventuelles conséquences, plus ou moins négatives.
Concrètement, depuis cette jurisprudence, ce sont les fédérations ou les organisateurs qui doivent recourir à leurs assurances pour dédommager les victimes.
S’agissant du dédommagement corporel, le Sénat a pensé que cela allait dans le bon sens, et nous en restons donc à la jurisprudence de 2010 qui est satisfaisante sur ce point.
En revanche, le dédommagement par les fédérations des dégâts matériels posait problème. Souvent et lourdement sollicitées, les assurances des fédérations ont bien évidemment augmenté leurs tarifs, d’où un surcoût pour les organisateurs d’événements sportifs. Il était donc devenu urgent d’agir. Il fallait exclure le matériel du champ de la responsabilité de plein droit, toutes les fédérations subissant les répercussions financières de la jurisprudence de 2010 et les juges eux-mêmes étant réticents à appliquer un tel droit.
La portée exacte de cet article aurait mérité une plus ample expertise. La procédure accélérée ne l’a pas permis et nous ne sommes pas à l’abri de devoir, demain, reprendre notre ouvrage.
En outre, reste en suspens la mise en place d’un fonds d’indemnisation des dommages corporels. Vous aviez, monsieur le ministre, évoqué ce sujet en première lecture, lors de la discussion générale, en indiquant que nous y reviendrions dans la discussion des articles. Mais il n’en a finalement plus été question et le flou subsiste donc.
Malgré tout, la commission mixte paritaire a choisi de retenir la rédaction du Sénat pour l’article 1er, suivant en cela la recommandation des rapporteurs des deux assemblées.
Par l’article 1er bis, introduit sur l’initiative de Jean-Jacques Lozach, il est demandé au Gouvernement de rédiger un rapport sur les enjeux et perspectives d’évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive, avec l’appui du Comité national olympique et sportif français.
Les deux rapporteurs ont proposé en CMP de préciser les modalités de la concertation devant être menée par le Gouvernement pour l’écriture de ce rapport, de manière qu’y soit associé plus largement le mouvement sportif.
L’article 2 ayant été voté conforme par le Sénat, il n’a pas été examiné par la CMP.
La revente illégale de billets avait déjà fait l’objet de nombreuses tentatives législatives infructueuses. Cette fois, elle a abouti, sur l’initiative de l’Assemblée nationale. Claude Domeizel évoquera ce sujet tout à l’heure.
L’article 3 s’attaque à un domaine qui fait, lui aussi, l’unanimité, à savoir la lutte contre dopage.
C’est un sujet grave, car il touche à l’esprit même du sport et il est chargé d’enjeux de santé publique. Le dopage est aussi le symbole d’un monde où certains sont prêts à passer au-dessus de toute règle, de tout principe, de toute prudence pour sortir vainqueur et être, de manière généralement très éphémère, le meilleur.
Cela ne correspond évidemment pas à notre conception du sport. Nous avons toujours été en pointe contre le dopage. C’est un combat qui n’est jamais fini, qui doit se renouveler sans cesse, contre un adversaire qui cherche toujours à avoir un temps d’avance.
Suivant une suggestion fort judicieuse de notre rapporteur, le Sénat a introduit des dispositions sur le passeport biologique, permettant sa mise en place à compter du 1er juillet 2013.
Le passeport biologique est un moyen très dissuasif et, en même temps, très respectueux des athlètes, car il est fondé non sur un contrôle ponctuel, mais sur un suivi de long terme. Avec des indications biologiques, il est beaucoup plus difficile pour les tricheurs de recourir au dopage, notamment lors des phases de préparation.
Nous avons, en France, un vrai retard sur ce sujet, alors même que les connaissances scientifiques sont disponibles. Il faut dire qu’il n’y avait pas eu, jusqu’ici, de volonté gouvernementale forte de faire avancer ce dossier.
D’ailleurs, monsieur le ministre, les parlementaires socialistes ont rappelé en CMP que, récemment encore, vous n’étiez pas favorable au passeport biologique. Lors de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer l’éthique du sport et les droits des sportifs, vous aviez prétendu que le passeport biologique n’était techniquement et scientifiquement pas au point. Pourtant, des pays comme l’Allemagne ou la Suisse, des fédérations comme l’Union cycliste internationale l’avaient déjà adopté. J’ajoute que le tribunal arbitral du sport, instance sportive de référence, en a fait une preuve reconnue pour l’établissement de sanctions contre le sportif dopé.
Vous vous êtes donc converti à la mise en place du profilage de paramètres biologiques des sportifs, et nous saluons votre évolution sur le sujet.
En tout état de cause, en instituant le passeport biologique, cette proposition de loi vient combler une partie du retard de la France. La CMP a donc logiquement adopté cet article dans le texte du Sénat.
Dans un échange constructif avec vous, monsieur le ministre, le Sénat a souhaité l’instauration d’un comité de préfiguration du passeport biologique, qui devra remettre un rapport au Gouvernement et au Parlement sur les modalités de mise en place du profil biologique des sportifs. Ce comité de préfiguration permettra de procéder à la concertation qui est apparue nécessaire pour ne pas laisser subsister des failles dans lesquelles pourraient s’engouffrer les tricheurs.
Il a été observé en CMP que ce comité, dans sa composition, ne saurait en aucun cas porter atteinte à l’indépendance de l’Agence française de lutte contre le dopage. Son indépendance est en effet la garantie de sa crédibilité. Sous le bénéfice de cette remarque, l’article 4 a été adopté dans la rédaction du Sénat.
Si ce passeport est mis en place, c’est pour permettre d’aller plus loin dans la lutte contre le dopage. Il doit protéger les sportifs, garantir que ceux-ci restent sains et mieux cibler les tricheurs, avec, à terme, un effet dissuasif et préventif. Aussi, il nous est apparu indispensable de lier le passeport à la possibilité d’engager une procédure disciplinaire en cas d’anomalies avérées, détectées dans les paramètres biologiques. Nous avons voulu encadrer solidement cette procédure disciplinaire.
Ainsi, au-delà du juste avertissement sur les conséquences légales, mais aussi éthiques et sanitaires du dopage, un comité d’experts se réunira et son unanimité sera requise pour engager la procédure.
C’est un dispositif responsable, unanimement demandé. L’article 5 a donc été adopté en CMP dans une rédaction élaborée par les deux rapporteurs.
Tout comme la question du dopage, celle des agents sportifs renvoie à une éthique sportive. Cette profession a fait l’objet, en 2010, d’une loi qui présente certes des qualités, mais également bien des défauts. Le Sénat a donc voulu revenir sur cette loi imparfaite en introduisant un nouvel article – l’article 6 – dans la proposition de loi. Celui-ci visait à mettre fin à la possibilité pour les clubs de rémunérer eux-mêmes les agents de leurs sportifs et entraîneurs. Vous vous étiez, monsieur le ministre, publiquement prononcé en faveur de cette disposition. Mais, jugeant que le dispositif était incomplet, c’est « à contrecœur », nous avez-vous dit, que vous avez appelé à rejeter l’article. Pourtant, il est clair qu’il permettrait d’éviter bien des conflits d’intérêts.
Sur ce point, la CMP a révélé un vrai clivage, certains craignant peut-être qu’une plus grande transparence ne nuise aux clubs et n’encourage la fuite des talents. Ce raisonnement ne nous paraît pas juste. Nous sommes persuadés qu’une transparence accrue servira toutes les parties prenantes. En tout cas, le milieu sportif en sortirait grandi.
La commission mixte paritaire dans son ensemble a néanmoins pointé le besoin de rouvrir la réflexion sur les agents de sportifs et leur mode de rémunération. Nous pourrons ainsi appréhender le sujet de manière globale et proposer, à l’avenir, un texte qui prévoie bien tous les cas de figures, puisqu’il est patent que les intervenants prennent des formes diverses pour jouer le rôle d’agent. Il ne s’agit pas de stigmatiser la profession ; il s’agit simplement de repérer les dérives et de les limiter.
Le consensus n’ayant pu se faire en CMP, nous avons sagement écarté l’article 6, avec l’idée d’y revenir bientôt.
Malgré cette renonciation, le texte conserve une grande portée et améliore, comme nous le souhaitions, des aspects spécifiques de la vie sportive et culturelle auxquels nous sommes attachés : reconnaissance des droits des victimes, sécurisation des dédommagements et indemnités, encadrement de la responsabilité civile, moralisation de la vente de billets, éthique et sécurité sanitaire des sportifs grâce à une nouvelle étape de contrôle et de lutte contre le dopage.
La commission mixte paritaire a d’ailleurs adopté le nouvel intitulé proposé par le Sénat pour mieux englober ces aspects et donner sens à cet acte législatif auquel nous avons affecté notre détermination et nos valeurs.
En conclusion, je pense que nous pouvons largement nous réjouir des résultats de la commission mixte paritaire et adopter ses conclusions, comme l’a fait l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je voudrais rappeler les raisons de fond qui ont conduit le groupe CRC à s’abstenir sur ce texte, à défaut de voter contre, car le texte issu de la CMP n’est pas de nature à nous faire changer d’avis.
Le texte déposé à l’Assemblée nationale ne comportait originellement qu’un article qui concernait le régime de responsabilité sans faute du fait des choses dans le cadre de la pratique normale d’une activité sportive.
La proposition de loi visait alors uniquement à revenir sur un arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010. Cette décision a en effet modifié les règles de responsabilité sans faute, faisant porter cette dernière sur les fédérations, que ce soit lors des compétitions sportives, comme cela était déjà le cas, mais aussi pendant les entraînements, et c’était là une nouveauté.
Ce n’est donc plus le sportif gardien de la chose qui doit indemniser la victime, mais la fédération, que le dommage soit corporel ou matériel. En conséquence, les fédérations ont vu leurs primes d’assurance augmenter. L’enjeu est donc quasi exclusivement financier.
L’article 1er vise à établir une nouvelle distinction en prévoyant que les fédérations sont responsables, et donc que leurs assurances indemnisent les éventuels préjudices corporels des victimes, mais non ceux qui sont causés sur des biens : la victime en a alors la responsabilité et son assurance, la charge.
Nous restons donc formellement opposés à cet article, n’y voyant pas de justifications théoriques et juridiques valables. Il est le fruit d’un bon travail de lobbying de la part des fédérations de sports mécaniques, qui ne sont pourtant pas, à nos yeux, celles qui connaissent les plus grandes difficultés. C’est sur ce point que nous divergeons.
En revanche, nous ne nous opposons pas totalement à ce texte, car il comporte de nouveaux articles auxquels nous sommes très favorables.
Il en est notamment ainsi de l’encadrement de la revente illicite de billets, qui permettra de lutter contre la prolifération de sociétés commerciales dont l’activité consiste en la revente de billets de manifestations culturelles ou sportives à des prix dépassant largement la valeur initiale du titre d’accès. Cette mesure est donc parfaitement morale.
Il s’agit non de pénaliser les personnes qui, de manière exceptionnelle, revendent leurs billets à cause d’un quelconque empêchement, mais bien de condamner ceux qui font commerce de l’achat et de la revente de billets de manière régulière, spéculant sur la valeur du billet en créant une pénurie factice au détriment du consommateur et en nuisant à l’accès du plus grand nombre à la culture.
De même, les dispositions visant à lutter contre le dopage ont été introduites avec le suivi du profil biologique des sportifs, sous la responsabilité de l’Agence française de lutte contre le dopage. Il s’agit là d’un point très positif.
Pour conclure, je regrette que, sur la forme, nous ayons aujourd’hui un texte qui traite de sujets qui n’ont pas vraiment de liens entre eux. Cette méthode de travail fondée sur des cavaliers législatifs nuit à la clarté des débats puisque nous devons in fine nous prononcer par un vote unique sur des dispositions diverses : c’est ce qui nous conduit à nous abstenir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, en dépit de leur caractère hétérogène, les dispositions de la présente proposition de loi ont un même objectif, l’égalité : égalité des pratiquants sportifs victimes d’accidents face à l’indemnisation, égalité de tous les citoyens dans l’accès aux manifestations culturelles et sportives et égalité des sportifs lors des compétitions, à travers le renforcement de la lutte contre le dopage.
Tout d’abord, l’égalité est améliorée entre les pratiquants sportifs victimes d’un accident.
Qu’on trouve à l’origine d’un accident matériel un pratiquant ou la chose dont celui-ci avait la garde, le régime de responsabilité applicable sera le même : la victime devra apporter la preuve de la faute de l’auteur du dommage pour être indemnisée.
Est ainsi partiellement reprise la jurisprudence de la Cour de cassation antérieure à son arrêt du 4 novembre 2010, pour les dommages matériels. Au contraire, en cas de dommages corporels, la remise en cause de la responsabilité du fait des choses sera facilitée, car il suffira de démontrer que l’auteur du dommage avait la garde de la chose.
L’arrêt de la Cour de cassation du 4 novembre 2010 avait abandonné la théorie des risques, cause exonératoire de responsabilité du fait des choses, ce qui entraînait pour la victime de plus fortes probabilités d’obtenir gain de cause lors de la demande d’indemnisation.
Or les fédérations, sociétés et associations organisatrices d’événements sportifs ont l’obligation de souscrire des contrats d’assurance couvrant la responsabilité de leurs pratiquants. Certaines compagnies d’assurance ont donc décidé d’augmenter les primes, notamment pour les organisateurs de manifestations de sports mécaniques, mettant ces derniers en péril, alors que leur budget est largement soutenu par l’État et les collectivités locales.
Au-delà des conséquences financières, la facilité de remettre en cause la responsabilité des pratiquants sportifs aurait conduit à une augmentation du contentieux et à une détérioration des relations entre les pratiquants.
Afin de répondre à la préoccupation croissante du monde sportif, l’article 1er prévoit que l’article 1384 du code civil relatif à la responsabilité des choses ne s’appliquera pas lorsque le dommage survenu est un dommage matériel.
En première lecture, l’adoption d’un amendement de notre collègue Ambroise Dupont a permis de préciser que seuls seront concernés les manifestations sportives et les entraînements qui préparent à ces manifestations, afin d’exclure les pratiquants occasionnels, lesquels ne sont pas couverts par les assurances que les organisateurs ont l’obligation de souscrire.
Toutefois, nous sommes conscients que cette solution est provisoire et ne répond que très partiellement à l’augmentation des primes d’assurance, les dommages matériels étant seuls visés par l’exonération prévue à l’article 1er, à l’exclusion des dommages corporels, de manière à assurer une meilleure protection de la victime. Le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement avant le 1er juillet 2013 nous apportera, je l’espère, un éclairage sur l’ensemble des conséquences de l’article 1er et sur les possibilités de réforme du régime de responsabilité en matière sportive.
Ensuite, l’égalité des citoyens dans l’accès aux manifestations culturelles est garantie par l’interdiction de revendre de manière habituelle les titres d’accès sans l’accord préalable de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation, comme c’est déjà le cas depuis le 1er février dernier pour les manifestations sportives. Ceux qui, récemment, ont ainsi acheté très cher des billets pour le match France-Irlande qui a été annulé du fait du sol gelé ont dû nourrir quelque amertume...
L’extension de l’interdiction et l’augmentation de la peine d’amende, qui passe à 15 000 euros – 30 000 euros en cas de récidive –, devraient permettre d’éradiquer la spéculation sur la valeur des titres d’accès, qui leur font atteindre des prix exorbitants, et de limiter les escroqueries.
Enfin, l’égalité est assurée par le renforcement de la lutte contre le dopage avec la création du passeport biologique pour les sportifs de haut niveau, les sportifs espoirs et les sportifs professionnels, à compter du 1er juillet 2013. Il s’agit d’un dispositif reconnu pour son efficacité : il permettra de sanctionner ceux qui trichent et de rendre justice à ceux qui s’entraînent dur pour améliorer leurs performances et atteindre leurs limites.
L’Agence française de lutte contre le dopage mettra en place un comité d’experts – dont il faudra garantir la parfaite indépendance – chargé de décider, après recueil des observations du sportif concerné, des sanctions disciplinaires à l’unanimité.
Par ces trois mesures, ce texte répond à des préoccupations légitimes qui ne pouvaient être plus longtemps ignorées. C’est pourquoi l’ensemble des membres du groupe du RDSE soutiendront cette initiative, qui nous invite aussi à une plus vaste réflexion sur l’organisation des manifestations sportives. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour répondre au souhait de ma collègue Dominique Gillot, j’aborderai exclusivement la question particulière de la revente illicite des titres d’accès à une manifestation, qu’elle soit culturelle, de spectacle vivant, sportive ou commerciale, question que traite l’article 2 de cette proposition de loi et qui, je l’espère, sera enfin réglée de façon définitive dans les prochains jours avec la promulgation de ce texte.
Depuis quelques années, les pratiques de revente massive de billets ou de titres d’accès à des manifestations tant sportives que culturelles, dans le but d’en tirer un bénéfice, ont tendance à s’amplifier.
Il est fréquent que, dès les premiers jours de mise en vente de billets par un producteur ou un organisateur de spectacle ou de manifestation sportive, la pénurie soit créée : une grande partie, voire la totalité des titres d’accès à la manifestation est achetée par une poignée d’individus, qui les revendent ensuite à un prix qui leur permet d’en tirer un substantiel bénéfice.
Lors des événements très courus, cette pratique est devenue… très courante. À voir le nombre de sites de revente de billets sur Internet, on est conduit à penser qu’il s’agit d’une activité des plus lucratives ! Les contentieux fleurissent entre les sociétés qui se sont spécialisées dans cette activité et les organisateurs, producteurs ou institutions proposant des spectacles, concerts, matchs et compétitions sportives, voire des expositions.
Lors de l’examen de ce texte en première lecture, le 21 février dernier, ma collègue Maryvonne Blondin a fait état de l’affaire dont a eu à connaître le tribunal de grande instance de Brest, au mois de juillet 2011, pour la revente du pass au festival des Vieilles Charrues à un prix représentant plus de quatre fois son montant officiel ! Le juge a estimé que cette revente créait un trouble illicite et a condamné la société fautive à des sanctions financières pour différents types de préjudices.
Généralement, les prix proposés par ces revendeurs non officiels sont plutôt équivalents au double de leur valeur faciale. Les exemples sont légion ; nous en connaissons tous. Je ne citerai que le dernier cas en date. On m’a rapporté que, dans les jours précédant la fin de l’exposition Léonard de Vinci, qui vient de se tenir à la National Gallery à Londres à guichets fermés – en quelques jours, plus aucun billet n’était disponible –, certains billets se sont revendus à des prix atteignant 500 euros, alors que le musée vendait ces mêmes titres 13,20 livres sterling, soit à peine plus de 15 euros !
La Commission européenne a pourtant entamé, voilà deux ans, une opération de contrôle de ces sites de vente de billets pour des manifestations culturelles et sportives. Les infractions constatées avaient principalement trait aux prix et aux clauses et conditions déloyales : informations absentes, incomplètes ou mensongères sur les prix des billets, coordonnées du vendeur manquantes, incomplètes ou mensongères et, surtout, clauses et conditions déloyales dans 73 % des cas.
Je ne peux donc que me réjouir du consensus que je constate pour légiférer de façon large et définitive afin de réprimer ces abus.
La loi du 27 juin 1919 portant répression du trafic des billets de théâtre, toujours en vigueur, a montré ses limites, même si les contentieux actuellement formés le sont toujours sur ce fondement. Elle ne s’applique qu’aux pratiques de revente des billets pour des prestations de spectacle vivant et subventionné.
Je ne rappelle pas le parcours quelque peu chaotique de cette législation depuis le vote de la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ».
Plusieurs tentatives législatives ont suivi cette censure. Sans les détailler toutes, je rappelle que l’une d’entre elles a abouti et qu’une loi réprime d’ores et déjà les reventes de titres d’accès aux seules manifestations sportives.
Je ne peux donc que saluer cette nouvelle initiative, qui vient d’aboutir puisque l’article 2, issu d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, n’a pas été modifié par le Sénat et n’était donc pas soumis à l’arbitrage de la commission mixte paritaire.
Le dispositif ainsi adopté permet de satisfaire aux exigences posées par le Conseil constitutionnel : tout lieu, tout support et toutes modalités de vente étant désormais appréhendés, la notion de bénéfice réalisé n’est plus prise en compte pour fonder l’infraction. Ce nouveau texte assurera aussi une protection des consommateurs et la gestion intégrale, par les détenteurs des droits sur les manifestations concernées, de la vente de leurs prestations.
Il ne me reste donc plus qu’à espérer que cette énième mouture du texte satisfera aux exigences du Conseil constitutionnel, si d’aventure celui-ci devait en être saisi, et à celles de Bruxelles, la Commission européenne étant toujours susceptible de s’élever contre des pratiques entravant la liberté du commerce. Je souhaite que cette nouvelle législation permette de protéger davantage le spectateur-consommateur en lui assurant des prestations de qualité au juste prix. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat, lorsqu’il est appelé à se prononcer après l’Assemblée nationale, procède à un vote unique sur l’ensemble du texte en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
proposition de loi tendant à faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles
(Intitulé du Sénat)
Article 1er
(Texte du Sénat)
Après l'article L. 321-3 du code du sport, il est inséré un article L. 321-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 321-3-1. – Les pratiquants ne peuvent être tenus pour responsables des dommages matériels causés à un autre pratiquant par le fait d'une chose qu'ils ont sous leur garde, au sens du premier alinéa de l'article 1384 du code civil, à l'occasion de l'exercice d'une pratique sportive au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation sportive sur un lieu réservé de manière permanente ou temporaire à cette pratique. »
Article 1er bis
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Avant le 1er juillet 2013, le Gouvernement remet au Parlement un rapport, élaboré après concertation avec le comité national olympique et sportif français et les parties concernées, relatif aux enjeux et perspectives d'évolution du régime de responsabilité civile en matière sportive.
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Article 3
(Texte du Sénat)
I. – Après l'article L. 232-12 du code du sport, il est inséré un article L. 232-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-12-1. – S'agissant des sportifs mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 232-15, les prélèvements biologiques mentionnés au premier alinéa de l'article L. 232-12 peuvent avoir pour objet d'établir le profil des paramètres pertinents dans l'urine ou le sang de ces sportifs aux fins de mettre en évidence l'utilisation d'une substance ou méthode interdite en vertu de l'article L. 232-9.
« Les renseignements ainsi recueillis peuvent faire l’objet, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, d'un traitement informatisé par l'Agence française de lutte contre le dopage dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'information, aux fichiers et aux libertés. »
II. – Le I s'applique à compter du 1er juillet 2013.
Article 4
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
Les modalités d’instauration, sous la responsabilité de l’Agence française de lutte contre le dopage, du profil biologique des sportifs mentionné à l’article L. 232-12-1 du code du sport font l’objet d’un rapport remis au Gouvernement et au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, par un comité de préfiguration dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé des sports.
Article 5
(Texte élaboré par la commission mixte paritaire)
I. – Le code du sport est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 232-22, il est inséré un article L. 232-22-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 232-22-1. - En cas de recueil d’éléments faisant apparaître l’utilisation par un sportif d’une substance ou d’une méthode interdite en application de l’article L. 232-9 dans le cadre de l’établissement du profil mentionné à l’article L. 232-12-1, un comité d’experts, mis en place par l’Agence française de lutte contre le dopage et composé de trois membres, est saisi.
« Si ce comité estime que les éléments recueillis indiquent l’utilisation d’une substance ou méthode interdite, puis s’il confirme sa position à l’unanimité après avoir mis le sportif concerné à même de présenter ses observations, ce dernier encourt des sanctions disciplinaires prises dans les conditions prévues aux articles L. 232-21 et L. 232-22. »
2° Le b du 2° de l'article L. 232-9 est abrogé.
II. – Le 1° du I s'applique à compter du 1er juillet 2013.
Article 6
(Supprimé par la commission mixte paritaire)
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du groupe UMP, je veux saluer la qualité du travail effectué par nos deux assemblées, qui a permis d’aboutir à un texte commun, substantiellement enrichi par rapport à la proposition de loi initiale. Il est en effet passé d’un à six articles au cours de sa discussion.
Avant tout, je tiens à réaffirmer le soutien total du groupe UMP au dispositif posé par l’article 1er. Comme vous le savez, dans sa rédaction originelle, cet article visait à rétablir un régime juridique équilibré en matière de responsabilité civile des sportifs dans les lieux réservés à la pratique sportive. Au-delà de l’aspect technique de la question, il s’agit aussi, indirectement, de préserver l’organisation de nombreux événements sportifs et les milliers d’emplois qui dépendent de ce secteur d’activité.
En outre, grâce à l’adoption d’un amendement de notre collègue Ambroise Dupont, il a été précisé qu’il ne suffira pas que le dommage matériel ait lieu sur un terrain de sport pour que l’exonération de responsabilité joue automatiquement : il faudra aussi que le dommage matériel ait lieu au cours d’une manifestation sportive ou d’un entraînement en vue de cette manifestation. Nous nous félicitions que la commission mixte paritaire ait conservé la rédaction du Sénat.
Les évolutions du texte ne se limitent évidemment pas à ce seul aspect. Les ajouts ont été nombreux et portent sur des sujets importants. Je pense en particulier à l’article 2, qui renforce les sanctions contre la revente illicite de billets pour des manifestations sportives, culturelles et commerciales, portant l’amende à 15 000 euros, voire à 30 000 euros en cas de récidive.
Nous sommes naturellement favorables au passeport biologique, auquel l’article 3 donne une portée juridique. Nous saluons également la mise en place d’un comité chargé de le préfigurer, dont la composition sera fixée par arrêté du ministre des sports. Toutefois, nous insistons sur le fait le travail de ce comité ne doit ni entraver ni retarder la mise en œuvre du passeport biologique.
Par ailleurs, comme l’a fait remarquer notre collègue Alain Dufaut lors de l’examen du texte en première lecture, nous souhaitons que le Gouvernement se mobilise pour que l’Agence mondiale antidopage généralise le plus rapidement possible à tous les États et à toutes les fédérations sportives la pratique du passeport biologique, qui est probablement l’un des moyens les plus efficaces de lutter contre le dopage.
Le texte qui nous est proposé répond à des impératifs légitimes de protection des sportifs, des organisateurs d’événements, mais aussi des consommateurs. Il encourage la pratique sportive et permet le bon déroulement des manifestations sportives et culturelles, dans des conditions juridiques sereines.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si aucun membre du groupe de l’UCR n’est intervenu au cours de la discussion générale, ce n’est pas par manque d’intérêt. Au contraire, mon groupe apporte un soutien sans faille à ce texte, dont il approuve toutes les dispositions.
En cette période de turbulences, nous ne pouvons que nous réjouir de l’accord trouvé en commission mixte paritaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme Sophie Primas. Bravo !
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 6 mars 2012, à quatorze heures trente :
1. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la gouvernance de la sécurité sociale et à la mutualité (n° 432, 2011-2012) ;
Rapport de Mme Patricia Schillinger, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 444, 2011-2012) ;
Texte de la commission (n° 445, 2011-2012).
2. Conclusions de la commission mixte paritaire ou nouvelle lecture du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire
3. Proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des lois en application de l’article 73 quinquies du règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (E 7055) (n° 406, 2011-2012)
Rapport de M. Simon Sutour, fait au nom de la commission des lois (n° 446, 2011-2012)
Avis de M. Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes (n° 457, 2011-2012)
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART