Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

MM. Jean-François Humbert, Gérard Le Cam.

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Candidature à des organismes extraparlementaires

4. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

5. Questions orales

liaison ferroviaire lyon-turin

MM. Jean-Pierre Vial, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

modernisation de la rn2

MM. Antoine Lefèvre, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

ligne à grande vitesse montpellier-perpignan

MM. Roland Courteau, Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

enseignement technique agricole

Mme Françoise Férat, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

situation du site des haras nationaux d'aurillac

MM. Jacques Mézard, Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

avenir du centre météorologique du mont aigoual

M. Simon Sutour, Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

difficultés liées à l'implantation d'éoliennes

M. Hervé Maurey, Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

situation des établissements pénitentiaires d’outre-mer

Mmes Aline Archimbaud, Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.

conditions de délivrance des autorisations par la commission départementale d’aménagement commercial

M. Jean-Patrick Courtois, Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

avenir d’eads

M. Jean-Jacques Mirassou, Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.

conditions d’agrément des établissements de formation en ostéopathie

Mmes Maryvonne Blondin, Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

urgence médicale en milieu rural

M. Jean Boyer, Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille.

contrats aidés dans l’éducation nationale

MM. Thierry Foucaud, Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale.

avenir de la décentralisation

M. Philippe Madrelle.

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

assouplissement de certaines règles de la comptabilité publique

MM. Jean-Claude Carle, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.

dégrèvement des taxes foncières et d’habitation pour vacance d’immeuble

M. Bernard Piras.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.

questions économiques et fiscales concernant le secteur viticole

MM. Daniel Laurent, Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances.

avenir de l’hôpital bégin après rénovation

Mme Catherine Procaccia, M. Kader Arif, ministre délégué chargé des anciens combattants.

6. Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

7. Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011. – Adoption définitive d’un projet de loi en procédure accélérée

Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Philippe Marini, président de la commission des finances.

M. Vincent Delahaye, Mme Marie-France Beaufils, MM. François Fortassin, Jean-Vincent Placé, Mme Michèle André, MM. Francis Delattre, Jacques Mézard, Mme Frédérique Espagnac, MM. Richard Yung, Jean-Yves Leconte.

M. le ministre.

Clôture de la discussion générale.

Articles 1er à 8. – Adoption

Article additionnel après l'article 8

Amendement no 1 de la commission. – MM. le rapporteur général, Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. – Retrait.

Adoption définitive, par scrutin public, de l’ensemble du projet de loi.

8. Modification de l'ordre du jour

9. Orientations des finances publiques. – Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales.

MM. Éric Bocquet, Jean-Michel Baylet.

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

MM. Dominique de Legge, Jean-Vincent Placé, Aymeri de Montesquiou.

Suspension et reprise de la séance

Mme Michèle André, MM. Maurice Vincent, Francis Delattre, Roland du Luart.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances ; Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales.

MM. François Marc, rapporteur général ; le ministre délégué.

10. Dépôt de rapports

11. Communications du Conseil constitutionnel

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-François Humbert,

M. Gérard Le Cam.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du jeudi 12 juillet 2012 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Jacques-Richard Delong, qui fut sénateur de la Haute-Marne de 1981 à 2001.

3

Candidature à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.

La commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, a fait connaître qu’elle propose les candidatures de :

- M. Louis Nègre pour siéger en qualité de membre titulaire et de M. Michel Teston pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Conseil supérieur des transports terrestres et de l’intermodalité, créé en application du décret n° 2012-253 du 21 février 2012 ;

- de MM. Rémy Pointereau et Roland Ries pour siéger en qualité de membres titulaires et de MM. Louis Nègre et Jean-Jacques Filleul pour siéger en qualité de membres suppléants au sein du Haut comité de la qualité de service dans les transports, créé en application des décrets nos 2012-211 du 14 février 2012 et 2012-216 du 15 février 2012.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 13 juillet 2012, deux décisions du Conseil sur les questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2012-262 QPC et n° 2012-264 QPC).

Acte est donné de ces communications.

5

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

liaison ferroviaire lyon-turin

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, auteur de la question n° 1630, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le ministre, la liaison Lyon-Turin constitue le maillon central de l’infrastructure européenne considérée comme prioritaire dès le sommet d’Essen, qui s’est déroulé en 1994. Elle a fait l’objet d’un engagement de l’État français et de l’État italien lors du traité de 2001, et l’accord du 30 janvier 2012 a confirmé la répartition des engagements financiers retenus alors entre la France et l’Italie.

Ce corridor méditerranéen Algezira-Ukraine, identifié dans le réseau transeuropéen de transport, constitue une infrastructure majeure non seulement pour les échanges de voyageurs, mais plus encore pour le transport de marchandises.

Au-delà de l’enjeu économique, la réalisation de cette infrastructure ferroviaire permettra, à terme, le report d’un million de poids-lourds de la route vers le rail, report indispensable à la survie des vallées alpines menacées d’asphyxie par le trafic routier.

Mais indépendamment de ces enjeux économiques et écologiques, le tunnel de base constitue une infrastructure toute particulière, et l’on ne saurait écarter les considérations impérieuses de sécurité qui justifieraient à elles seules la nécessité de réaliser un ouvrage moderne bitube.

Il importe de rappeler et de souligner que, aujourd’hui, le trafic ferroviaire en direction de l’Italie utilise une infrastructure constituée d’un monotube sur une distance d’environ quinze kilomètres, dont les travaux ont été engagés par Cavour voilà plus de cent cinquante ans, avant le rattachement de la Savoie à la France.

Or, à l’heure actuelle, cet ouvrage ne répond plus aux exigences de sécurité que l’on est en droit d’attendre d’une infrastructure ouverte à la circulation de voyageurs et de marchandises devant constituer le maillon central de l’infrastructure du Sud de l’Europe.

Il convient d’ailleurs de souligner que le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, ou CFAL, et le développement de l’autoroute ferroviaire alpine, ou AFA, représentent tout autant des éléments essentiels de ce grand projet.

Les financements de l’Europe aujourd’hui disponibles permettent d’engager sans tarder les travaux du tunnel de base, déclarés d’utilité publique et urgents au mois de décembre 2007. Cet ouvrage a vocation à s’inscrire dans les investissements d’avenir projetés par les gouvernements français et italien dans le cadre du plan de relance européen.

Il importe aussi de rappeler que les chantiers préparatoires réalisés et en cours avec la descenderie s’élèvent à 800 millions d’euros et que le financement européen est proche de 50 %.

Le financement du tunnel de base, dont le coût est de 8,2 milliards d’euros, serait assuré pour 3,4 milliards d’euros par l’Europe, le solde étant à la charge de l’Italie et de la France à hauteur respectivement de 58 % et de 42 %, soit une contribution nationale de 2,1 milliards d’euros.

Il est important de souligner cette participation française de 2,1 milliards d’euros, eu égard à la hauteur de l’ouvrage. Précisons que 75 % du chantier du tunnel se déroulera en territoire français pour un montant de l’ordre de 6 milliards d’euros.

Je demande donc au Gouvernement de confirmer l’engagement de l’État à entreprendre immédiatement la réalisation des travaux du tunnel de base, dont la première tranche des financements européens est disponible, tout en sachant que l’Europe a accepté de porter sa participation à 40 % du montant des investissements. Aujourd’hui, en effet, 672 millions d’euros de financements européens sont disponibles et doivent être engagés dès 2013, pour être réalisés avant la période 2014-2015.

Enfin, en marge du conseil européen des ministres des transports, qui s’est tenu le 7 juin à Luxembourg, le mois de septembre a été évoqué pour une ratification par le Parlement français de l’accord du 30 janvier 2012. Monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer ce calendrier ?

Si la situation économique et financière de notre pays peut conduire à étudier de nouveau le calendrier du projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin, voire à réexaminer certaines sections qui, de toute évidence, pourraient être simplifiées, le tunnel de base constitue le maillon central vital de l’infrastructure ferroviaire franco-italienne. L’urgence de sa réalisation exige un traitement prioritaire de ce dossier, point qui correspond aussi à la volonté exprimée, à plusieurs reprises, par le chef du gouvernement italien.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur Vial, la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, qui fait l’objet de votre préoccupation, est en effet un projet majeur, dont la dimension européenne est évidente. Elle permettra de basculer le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes de la route vers le fer et améliorera également les liaisons entre les grandes agglomérations alpines de France et d’Italie.

Ce projet a fait l’objet d’un accord international, à savoir le traité de Turin de 2001. De ce fait, la parole de nos deux pays est engagée, et, je le confirme fermement, il n’est pas question que la France revienne sur sa prise de position. Je me suis d’ailleurs entretenu de ce sujet la semaine dernière avec Corrado Passera, mon collègue italien chargé des transports. J’ai aussi rencontré très rapidement après ma nomination Louis Besson.

Monsieur le sénateur, vous avez indiqué que le tunnel actuel de Fréjus ne répond pas aux exigences de sécurité. Je souhaite vous apporter une précision, voire une rectification sur ce point.

Cet ouvrage a été élargi au gabarit dit « B+ » afin d’y faire passer l’autoroute ferroviaire. À cette occasion, d’importants investissements ont été réalisés en matière de sécurité, qu’il s’agisse de niches ou d’équipements de surveillance, notamment. Ce tunnel a fait l’objet de commissions de sécurité et il est conforme aux exigences formulées.

Pour entrer dans le cœur du sujet, le projet de liaison Lyon-Turin comporte une section internationale – essentiellement un tunnel transfrontalier de cinquante-sept kilomètres de long sous les Alpes – sous pilotage franco-italien, correspondant à un montant d’investissement de 12 milliards d'euros. L’accès au tunnel international depuis l’agglomération lyonnaise nécessite également la réalisation d’une ligne nouvelle jusqu’à cet ouvrage, d’un montant total de 10 milliards d'euros. Dès ce soir, je rencontrerai le sénateur-maire de Lyon, qui ne manquera pas de me sensibiliser à cette question.

Le 29 janvier 2001, par la signature du traité de Turin, la réalisation de l’opération a fait l’objet d’un accord international. Le 30 janvier 2012, un nouvel accord a été conclu, afin de définir les principes de financement et de gouvernance de l’opération.

Monsieur le sénateur, je me permets de souligner que, si le gouvernement précédent a fait avancer l’opération, très soutenue par l’Italie et l’Union européenne, il n’a cependant pas anticipé les montants considérables nécessaires à sa réalisation. En effet, comme vous l’avez signalé, la France supporterait un montant d’au moins 2,5 milliards d'euros.

Dernièrement, la signature de l’accord du 30 janvier 2012 marque le franchissement d’une nouvelle étape importante pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin. À cette occasion, les principes de la répartition du financement de cette dernière entre les deux États ont été actualisés. Je vous confirme que la procédure de ratification suit son cours, afin qu’elle intervienne dans les meilleurs délais.

Je peux également vous assurer que nous sommes déterminés à travailler conjointement avec nos partenaires italiens sur ce dossier. Le prochain sommet franco-italien, qui se tiendra à l’automne, sera l’occasion d’aborder au plus haut niveau des deux États l’avancement de ce grand projet.

Tout en prenant en considération la crise financière et économique que nous traversons, vous comprenez, j’en suis sûr, monsieur le sénateur, que le lancement des travaux définitifs nécessite un engagement financier fort de l’Union européenne. D’ores et déjà, la Commission européenne a rappelé que les futures dispositions communautaires offriront la possibilité de subventionner les grands projets d’infrastructures jusqu’à 40 % du montant total des investissements.

À ce propos, tout le sens du combat mené par le Président de la République en l’espèce est de faire reconnaître les enjeux de croissance que représentent pour l’Europe la réalisation de pareils projets européens et la nécessité d’engager les financements adéquats.

La confirmation du niveau de subvention envisagé sera un élément clé pour l’avenir du projet, et nous continuerons à agir auprès de la Commission en ce sens.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, que le Gouvernement est pleinement mobilisé non seulement pour faire respecter la parole de la France, mais également pour obtenir de nos partenaires les précisions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.

M. Jean-Pierre Vial. Tout d’abord, monsieur le ministre, je tiens à vous remercier, d’avoir indiqué que la parole de notre pays serait tenue, même si nous n’en doutions pas complètement.

En revanche, s’agissant de la ratification de l’accord du mois de janvier dernier, vous avez précisé qu’elle suit son cours : j’aurais aimé obtenir une réponse plus claire sur ce sujet. Pour notre part, nous souhaitons qu’elle intervienne rapidement. Peut-être disposerons-nous d’éléments nouveaux lors du sommet franco-italien qui doit se tenir cet automne.

Je veux en cet instant insister sur deux points.

D’une part, l’accord susvisé est parfait, hormis l’article 4, lequel, in fine, empêche de mettre en œuvre immédiatement le traité de 2001. Si le sommet franco-italien pouvait enlever toute raison d’être à cet article, nous pourrions alors entrer en action, ce qui constituerait une évolution considérable.

D’autre part, aujourd'hui, on le sait, d’un point de vue opérationnel, il est important que le promoteur puisse intervenir.

J’espère que, sur ces deux points, le prochain sommet franco-italien apportera les réponses qui nous manquent pour l’instant.

Quoi qu’il en soit, je vous remercie, monsieur le ministre, de l’attention que vous portez à ce dossier, notamment au tunnel de base. Vous avez quelque peu repris mes propos relatifs à la sécurité. Ce sujet, j’y insiste, est important, et je souhaite qu’il soit étudié avec la plus grande attention, même si tel n’est pas l’objet de la séance de ce matin.

modernisation de la rn2

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 6, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, ma question traitera également de la sécurité : je tiens en effet, aujourd’hui, à attirer une nouvelle fois l’attention du Gouvernement sur le dossier de la modernisation du tracé de la RN2, la fameuse route Charlemagne, axe structurant du département de l’Aisne.

Dans le cadre des précédents contrats de plan État-région, cet axe de circulation, dont la gestion continue de relever de la compétence exclusive de l’État, a pu bénéficier de crédits importants qui ont été utilisés pour rénover la section reliant Soissons à Laon. Mais la RN2 n’apparaît pas dans le dernier schéma national des infrastructures de transport, et les autres sections de la RN2 entre Laon et la frontière belge ne sont pas inscrites au programme de modernisation des itinéraires routiers, le PDMI, de 2009-2014.

Or, pour les régions du Nord-Pas-de-Calais, de Picardie et, bien sûr, d’Île-de-France, il est vital de trouver une solution de circulation alternative à l’autoroute A1, confrontée à une saturation chronique.

Il paraît d’une urgence croissante de réfléchir à l’échelon national à la place stratégique que pourrait occuper la RN2 pour les transports et les flux de marchandises, les poids lourds représentant un tiers de son trafic.

Le désenclavement routier de la région en cause est donc d’une importance plus que locale en raison de son aspect transfrontalier.

Pour l’avenir des territoires situés au nord de Laon, il est crucial que l’ensemble de cet axe, jusqu’à la frontière belge, puisse rapidement faire l’objet d’un aménagement à deux fois deux voies, car la RN2 ne se réduit pas à des sections.

Ce dossier, porté depuis plus de trente ans par la plupart des élus, toutes tendances confondues, connaît petit à petit des évolutions, mais les conditions de sécurité dégradées ont encore causé récemment des accidents mortels à répétition.

Au cours de l’année 2010, le bilan de l’accidentologie relative à la RN2 était de dix-neuf accidents corporels, cinq tués et trente blessés. En 2011, cette route a été le théâtre de vingt et un accidents corporels, et un tué et vingt-cinq blessés sont à déplorer. Dans le seul mois qui vient de s’écouler, trois morts et autant de blessés graves doivent hélas ! être déjà dénombrés. Parmi ces morts figure un élu, Michel Lefèvre, alors vice-président du conseil général de l’Aisne, lui-même fortement impliqué dans la défense de ce dossier. Je veux en cet instant lui rendre hommage, ainsi qu’à toutes les autres victimes.

Est-il besoin de relayer les avis des riverains et des utilisateurs pour lesquels « la RN2 n’est ni accidentogène, ni dangereuse, mais simplement mortelle à chaque instant » ?

Lors de son déplacement dans l’Aisne, entre les deux tours de l’élection présidentielle, le nouveau président de la République avait assuré « qu’il ne pouvait pas y avoir de développement sans infrastructures ferroviaires et routières, qu’aucun territoire ne devait se situer dans l’enclavement, et que, pour la RN2, l’État ferait les efforts nécessaires, indispensables pour les entreprises et les particuliers ».

Nous nous réjouissons de ce constat reconnu, maintes fois proclamé, du frein que cet axe endommagé représente pour la sécurité des passagers et pour l’emploi.

Dans ce souci du « besoin de solidarité territoriale demandé par tous », selon les propos de François Hollande, je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir nous préciser les ambitions du Gouvernement à l’égard de ce projet vital et les actions programmées pour le doublement de la RN2, à commencer par le financement immédiat des études de mise à deux fois deux voies des sections qui ne le sont pas encore, c’est-à-dire de celles qui sont situées entre Laon et Maubeuge.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, permettez-moi de m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage que vous venez de rendre au vice-président du conseil général de l’Aisne ; il est toujours douloureux de perdre un collègue, en particulier dans des circonstances comme celles que vous avez évoquées.

Je puis dès à présent vous assurer que la poursuite de l’aménagement à deux fois deux voies de la RN 2, qui relie la rocade francilienne à la frontière belge, fait l’objet d’une attention soutenue de la part de l’État, attention qui porte plus particulièrement sur les sections où la circulation est grande, comme la section comprise entre la Francilienne et Laon.

Pour entrer dans le cœur du dossier, je précise que plusieurs opérations ont été inscrites au programme de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI, de la région picarde, dont je rencontrerai jeudi le président, M. Gewerc, qui ne manquera pas de relayer à son tour les préoccupations que vous venez d’exprimer, monsieur le sénateur, car ce sont aussi les siennes.

Ces opérations correspondent à une enveloppe d’un montant de 112 millions d’euros, avec des mises en service qui devraient s’échelonner entre 2013 et 2016. Je vous donne l’assurance qu’en 2016 la quasi-totalité de la RN2 entre la Francilienne et Soissons, section qui supporte des trafics élevés et qui est particulièrement accidentogène, aura été aménagée à deux fois deux voies.

Vous m’interpelez également à propos de la section reliant Laon et la frontière belge, où les trafics sont plus faibles. Sur cette partie de l’itinéraire, des actions ont également été engagées. L’aménagement à deux fois deux voies de la section comprise entre Hautmont et Beaufort a ainsi été achevé en 2011, pour un montant, intégralement financé par l’État, de 32 millions d’euros.

Par ailleurs, les besoins d’aménagement résiduels de cette section ont fait l’objet d’une expertise du Conseil général de l’environnement et du développement durable, ou CGEDD, à la fin de l’année 2010. Le CGEDD a notamment préconisé de maintenir une chaussée bidirectionnelle entre Laon et Avesnes-sur-Helpe, avec certains aménagements localisés.

Si ces préconisations peuvent paraître en retrait par rapport à votre souhait d’une mise à deux fois deux voies de cet axe que vous exprimiez à l’instant, elles ont le mérite du pragmatisme et du réalisme, au regard notamment de la situation des finances publiques et des besoins de mobilité.

Vous avez appuyé votre propos sur des considérations relatives à la sécurité. Il est évident que, forts du diagnostic du CGEDD, nous mettrons un soin particulier à vérifier que toutes les zones accidentogènes font l’objet d’un traitement prioritaire. J’ajoute que c’est en concertation avec les élus locaux et les collectivités que seront programmés les différents travaux sur cette importante section qui va jusqu’à la frontière belge.

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces informations. La date de 2016 annoncée pour l’achèvement des aménagements sur l’axe entre Laon et la Francilienne en particulier témoigne d’un engagement fort. Nous serons vigilants quant au respect de celui-ci.

Vous avez évoqué votre prochaine rencontre avec le président du conseil régional de Picardie. Pour ma part, j’ai omis de mentionner l’effort important que fait le conseil général de l’Aisne, que préside notre collègue Yves Daudigny. Alors qu’aucun texte ne le lui impose, le conseil général s’engage très fortement, et il serait appréciable que la région Picardie apporte aussi son écot à l’aménagement d’un axe important pour le désenclavement.

ligne à grande vitesse montpellier-perpignan

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 11, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, je souhaite vivement attirer votre attention sur le projet de ligne nouvelle à grande vitesse Montpellier-Perpignan, maillon stratégique mais manquant sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse.

Il s’agit d’un feuilleton interminable puisque le premier tracé établi par la mission Querrien remonte à 1990 et l’avant-projet sommaire à 1995. Or, récemment, il a fallu tout recommencer, c'est-à-dire faire de nouvelles études et établir un nouveau tracé. Plus de vingt ans ont ainsi été perdus et nous revoilà au point de départ !

Premier point de préoccupation, monsieur le ministre, certaines informations parues dans la presse laissent entendre que le Gouvernement pourrait renoncer à la réalisation de plusieurs lignes nouvelles à grande vitesse. J’espère que la réalisation du maillon manquant entre Montpellier et Perpignan, que nous attendons, je le répète, depuis plus de vingt ans, ne fera pas partie des projets reportés ou abandonnés. Il faut absolument que vous apaisiez mes inquiétudes sur ce point, monsieur le ministre !

Deuxième point de préoccupation, les craintes, remarques, propositions et préconisations des élus, des populations et des associations des communes concernées par les hypothèses de tracés seront-elles ou non prises en compte ?

Il m’a été précisé que Réseau ferré de France, ou RFF, ne travaillait, pour ses études de tracés, que sur la base de la décision ministérielle du 14 novembre 2011, qui retient deux hypothèses : première hypothèse, il s’agirait d’une ligne à grande vitesse dédiée aux seuls trafics de voyageurs uniquement, et ce serait l’option « médiane » qui devrait être retenue ; seconde hypothèse, il s’agirait d’une ligne à grande vitesse mixte – voyageurs et fret –, et ce serait l’option « littorale » qui serait retenue…

Cette décision ministérielle – s’il s’agit bien de cela – constitue un carcan et ne prend de surcroît nullement en compte l’utilisation du fret dans le futur.

Il est clair, monsieur le ministre, qu’élus et populations sont fermement opposés à l’option littorale, qui serait destructrice : une partie du vignoble et des structures économiques qui en dépendent ainsi que plus de cent vingt maisons d’habitation et divers projets de développement économique seraient détruits, et ne parlons même pas des conséquences environnementales, des nuisances diverses et de la sécurité des personnes !

Par ailleurs, un tel choix de tracé ne manquerait pas d’entraîner une multiplication des recours, ce qui pourrait retarder considérablement la construction de la ligne.

Il est essentiel, monsieur le ministre, que l’on parvienne à un choix de tracé qui fasse consensus.

Tel était le cas, je le rappelle, pour le tracé établi par la mission Querrien. Ce tracé n’avait soulevé aucune opposition à l’époque et les communes avaient intégré dans leur plan d’occupation des sols des zones réservées inconstructibles, qui le sont d’ailleurs toujours. Or, je le précise volontiers, la majeure partie du tracé des années quatre-vingt-dix se retrouve dans l’option médiane, qui est celle que veulent les élus et les populations.

Il est donc primordial d’écarter l’option littorale et de faire le choix de l’option qui fait actuellement consensus : l’option médiane.

Mon troisième point de préoccupation a trait aux risques hydrauliques, notamment dans la basse plaine de l’Aude, sur la commune de Cuxac-d’Aude et sur la Narbonnaise. Il importe, monsieur le ministre, de garantir la sécurité des populations par la mise en transparence de l’infrastructure ferroviaire sur la traversée de la basse plaine.

Enfin, s’il est un sujet qui fait consensus dans mon département, c’est bien l’implantation d’une gare TGV dans l’aire narbonnaise, sur la zone dite de Montredon-Lebrette.

Monsieur le ministre, en m’apportant aujourd’hui votre soutien sur l’ensemble des points évoqués, sachez que vous rassurerez élus et populations du département que je représente ici.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, cher Roland, je vais essayer de dissiper vos craintes !

Ces craintes sont légitimes, car il n’aura échappé à personne que l’état actuel des finances publiques et le sens des responsabilités nous imposent une analyse extrêmement pragmatique, notamment s’agissant des innombrables annonces qui ont été faites lors du dernier semestre 2011. Peut-être était-ce la période préélectorale qui a conduit à prendre une succession d’engagements ? Sorte d’inventaire à la Prévert, ces derniers n’avaient qu’un seul défaut, celui de ne pas avoir de pendants financiers et de ne pas avoir été pris dans des conditions permettant à l’État de s’engager réellement.

Nous sommes donc face à un schéma national des infrastructures de transport, ou SNIT, d’un montant de 245 milliards d’euros pour une période de vingt à vingt-cinq années, tel qu’il fut annoncé par mon prédécesseur.

Il est cependant un petit bémol, qui ne vous rassurera pas, monsieur Courteau, et qui, pour ma part, m’inquiète particulièrement : il n’y a pas de début de commencement de financement pour ces 245 milliards, si ce n’est celui qui provient de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, dont le budget annuel est de l’ordre de 2 milliards d’euros,… ce qui nous amène à cent vingt ans pour la réalisation du schéma national si l’on n’y ajoute ni nouvelles infrastructures, ni nouveaux réseaux, ni autres modernisations !

Nous allons donc faire preuve de pragmatisme. M. le Président de la République a indiqué que tout projet engagé sera confirmé. C’est le cas. Nous allons examiner les choses telles qu’elles ont été annoncées, et, avec le renfort d’une commission composée d’experts et de parlementaires, nous allons mettre de l’ordre dans le SNIT et déterminer les critères d’opérationnalité des engagements de l’État et des collectivités territoriales.

Pour le reste, monsieur le sénateur, vous attirez mon attention sur le projet, fort ancien déjà – vingt ans, disiez-vous –, de ligne Montpellier-Perpignan.

Comme vous l’avez rappelé, c’est un maillon stratégique du réseau européen des lignes à grande vitesse. Avec la réalisation du contournement de Nîmes-Montpellier, dont le contrat de partenariat public-privé vient d’être signé – c’est une illustration de ce que je viens de dire : ce qui était engagé sera honoré –, la ligne nouvelle Montpellier-Perpignan permettra de garantir la continuité du réseau à grande vitesse entre la France et l’Espagne.

Cette opération a fait l’objet d’un débat public en 2009. Les études du projet ont bien avancé depuis avec la définition, en novembre dernier, du fuseau de passage de la nouvelle infrastructure.

Dans le secteur des Corbières, il n’a toutefois pas été possible de retenir un seul fuseau de passage, et les études sont aujourd’hui poursuivies selon deux options que vous avez rappelées : une option dite « médiane », dans l’hypothèse où la section serait dédiée aux seuls trafics de voyageurs, et une option dite « littorale », dans l’hypothèse d’une mixité des trafics voyageurs et fret.

La phase d’étude en cours examine également les modalités de desserte des agglomérations situées sur l’itinéraire de la nouvelle ligne.

J’ai entendu les préférences que vous avez exprimées et qui font écho aux préoccupations des élus locaux quant à la localisation, notamment, de la gare de desserte. Il faudra que nous y revenions puisque les résultats de ces études sont attendus à la fin de l’année 2012. Ces résultats seront ensuite présentés à l’ensemble des partenaires – au premier rang desquels vous-même, monsieur le sénateur, et les représentants de toutes les collectivités territoriales concernées –, afin de recueillir leur position préalablement à toute décision.

Comme l’indiquaient le Président de la République et le Premier ministre, nous serons en effet dans la confiance et le dialogue avec les collectivités, en particulier lorsqu’il s’agira d’arrêter des décisions relatives à l’aménagement du territoire et notamment de gommer la fracture territoriale existant dans certaines parties du territoire.

Il est à mon sens important de laisser les études se poursuivre et la concertation se dérouler. Je déciderai ensuite, sur la base de ces études et des échanges avec l’ensemble des partenaires, le tracé qui sera retenu et les modalités de desserte des agglomérations par la nouvelle ligne, dont bien entendu celle de Narbonne.

Le calendrier qui sera alors arrêté devra tenir compte, pour être réaliste – vous en conviendrez, j’en suis sûr, monsieur le sénateur –, des contraintes de financement. Nous n’adopterons pas l’attitude que j’ai dénoncée au début de mon propos : nous ne ferons pas des effets d’annonce, nous ne fixerons pas de dates impossibles à tenir et nous n’irons pas de rapport en rapport. Nous recherchons la crédibilité et nous souhaitons des engagements qui feront honneur à l’État et aux collectivités.

Je sais enfin que l’impact de ce projet sur les risques hydrauliques dans les plaines de l’Aude est un problème majeur en même temps qu’un véritable enjeu. Vous le savez, la sécurité des populations concernées est pour le Gouvernement une priorité absolue, comme je l’ai dit dans une précédente réponse. RFF devra donc présenter dans le détail les mesures techniques apportant toutes les garanties nécessaires de ce point de vue.

À ce propos, je profite du fait que ma collègue Delphine Batho nous ait rejoints pour saluer l’attention que le Gouvernement porte à la protection de l’environnement et aux mesures d’accompagnement nécessaires pour rester fidèle à cet engagement.

Ces mesures seront par la suite affinées tout au long du processus d’études, en concertation avec l’ensemble des partenaires, jusqu’à la définition précise de la consistance de la nouvelle ligne.

Je tiens à vous indiquer également que j’ai reçu hier matin Mme Ana Pastor, ministre des travaux publics chargée des transports espagnole. Nous avons longuement évoqué les enjeux attachés à la nouvelle ligne pour nos deux pays et l’importance de notre coopération. La mise en œuvre de cette ligne devra aussi se faire au rythme de nos partenaires espagnols et nous devrons ajuster de conserve nos capacités de financement.

Enfin, je tiens à vous assurer – mais cela ne vous étonnera pas étant donné l’intitulé de mes fonctions ministérielles – de l’attention que je porte à la préservation des zones littorales, qui sont un véritable enjeu pour notre pays et doivent être respectées y compris dans le cadre des choix d’aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.

M. Roland Courteau. Monsieur le ministre, me voilà rassuré. Je vous remercie de votre réponse particulièrement complète et précise : vous avez rappelé que tout ce qui était engagé sera confirmé et honoré.

Sur le choix du tracé, j'ai bien noté que dialogue, échanges, confiance et crédibilité prévaudront. J'espère qu'il en sera ainsi jusqu'au bout et que nous obtiendrons satisfaction.

enseignement technique agricole

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, auteur de la question n° 1622, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, en cette période d’arbitrage budgétaire, j’ai souhaité attirer votre attention sur l’enseignement technique agricole. Rapporteur pour avis de son budget depuis onze années, j’ai toujours à cœur de défendre au mieux ses intérêts, avec une motivation toujours intacte.

Je tiens tout d’abord à rappeler combien il s’agit d’un enseignement d’excellence. Un taux d’insertion professionnelle exceptionnel de plus de 90 % de ses élèves moins de six mois après l’obtention des diplômes montre toute son importance et sa réussite.

En ces temps de crise et de trouble sans précédent, qui ont une telle incidence sur l’emploi de notre pays et surtout sur celui de nos jeunes, je déplore que l’enseignement technique agricole ne soit pas suffisamment mis en avant et que sa promotion ne soit pas à la hauteur de ce qu’il mérite.

Il est important de favoriser le développement équilibré de toutes les composantes de l’enseignement agricole, qu’il s’agisse du public, du privé temps plein ou du privé rythme approprié. Elles ont toutes leurs spécificités et répondent de façon diversifiée et adaptée aux besoins des élèves, des familles et des territoires. Il faut travailler ensemble !

Malgré les contraintes budgétaires auxquelles doit faire face notre pays, l’enseignement agricole a été plutôt bien traité dans la loi de finances pour 2012. Il a toutefois payé son écot à la RGPP et pris pleinement sa part aux mesures de maîtrise de la dépense publique, notamment via l’optimisation de la gestion et la réduction de 10 % de ses crédits de fonctionnement à l’horizon 2013.

En termes d’emplois, après les nouvelles suppressions de postes, nous sommes parvenus à un taux de non-compensation des départs à la retraite de 45,5 % sur trois ans. Il ne sera pas possible à l’avenir d’aller plus loin sans entraver durablement le développement de l’enseignement agricole. Tous les jeunes qui s’y destinent doivent pouvoir y trouver leur place.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé la création de 110 postes, mais quid de leur financement et du choix des établissements qui en bénéficieront ? Quels critères comptez-vous retenir ?

Je rencontre régulièrement des chefs d’établissement. Leurs demandes, leurs besoins face à la réalité du terrain montrent clairement que l’attente porte principalement sur l’encadrement, avec des postes d’assistant d’éducation, d’assistant de vie scolaire, etc.

Je terminerai en revenant sur les synergies avec le ministère de l’éducation nationale, qui semblent désormais systématiquement recherchées. C’est vrai à l’échelon central, pour la définition des politiques éducatives, la mise en œuvre des réformes, les référentiels des formations et la conception des épreuves. Néanmoins, l’échelon régional doit être également très actif, notamment à travers la mise en commun de locaux ou l’optimisation de la carte des formations. Les échanges de services d’enseignants entre établissements de l'éducation nationale et établissements de l’enseignement agricole se développent également.

Cette consolidation des coopérations entre éducation nationale et enseignement agricole s’opère non seulement dans le respect des spécificités de chacun, mais aussi dans un esprit nouveau de coresponsabilité. Le développement de cette dernière permettra de desserrer l’étau budgétaire, par l’optimisation des fonctionnements et des coûts. Il est primordial que cela perdure et s’amplifie.

Face à l’importance des défis que doit relever l’enseignement agricole, reconnu pour la qualité exceptionnelle de ses performances – j’entends par là une pédagogie en lien avec les secteurs professionnels concernés, des résultats remarquables aux examens et un taux d’insertion professionnelle exceptionnel –, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer quelles mesures vous comptez mettre en œuvre afin de favoriser le développement de ce niveau d’excellence.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Madame la sénatrice, vous avez exposé de manière très claire votre engagement en faveur de l'enseignement agricole. Sachez que le ministre de l'agriculture, donc de l'enseignement agricole, que je suis partage cet attachement. Je considère en effet que cet enseignement, dans sa singularité comme dans son ancrage territorial, dans les formations qu’il dispense comme dans la méthode pédagogique qu'il a élaborée et qui pourrait d'ailleurs être un élément de réflexion plus globale, doit être à la fois soutenu et développé.

Nous aurons sûrement l'occasion d'y revenir, mais nous constatons déjà notre convergence de vues et notre intérêt commun pour cet enseignement qui réussit et permet l'insertion dans l'emploi. Il y a là des méthodes et un ancrage territorial qu'il faut préserver.

Lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère, ma première tâche a été d'inscrire l’enseignement agricole dans le pacte éducatif. La priorité accordée à l'éducation qui a été annoncée par le Président de la République au cours de la campagne électorale nécessite que des moyens soient déployés dans l'éducation nationale, mais également dans l'enseignement agricole. C'est la raison pour laquelle dès la rentrée prochaine seront créés 50 postes d'enseignant supplémentaires et 60 postes d'assistant. Madame la sénatrice, je partage avec vous l'idée que, si des enseignants sont nécessaires, il faut également qu’existe tout ce qui, autour d’eux, permettra d'améliorer et les conditions d'enseignement et les conditions de vie au niveau de la scolarité.

Vous avez également évoqué la nécessaire coordination avec l'éducation nationale. Oui, bien sûr, l’enseignement agricole doit conserver sa spécificité et sa singularité, mais il faut en même temps garantir les relations avec l’éducation nationale et assurer la coordination pour que l'enseignement agricole soit intégré dans ce grand pacte éducatif.

Grâce à la création d'un certain nombre de postes, nous avons déjà mené des actions concrètes à cette fin. Il faudra cependant poursuivre ce travail, car, ainsi que vous l'avez souligné, madame la sénatrice, l’enseignement agricole a des résultats importants et probants. À ce titre, il mérite toute notre attention.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.

Mme Françoise Férat. Monsieur le ministre, je suis ravie de votre réponse. La synergie entre l'éducation nationale et votre ministère doit croître et embellir ; c'est une nécessité. Une complémentarité s'impose entre les deux systèmes éducatifs.

À l'heure du « Refondons l'école », l'enseignement agricole a beaucoup à nous apprendre : il est un exemple en termes d'innovation et d'expérimentation.

Monsieur le ministre, vous me trouverez toujours à vos côtés pour continuer de défendre l'enseignement agricole.

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’y compte bien !

situation du site des haras nationaux d'aurillac

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 1635, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Jacques Mézard. Ma question porte sur la situation du site des haras nationaux d’Aurillac.

En application de la trop fameuse révision générale des politiques publiques, les Haras nationaux sont aujourd’hui devenus l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, après leur fusion avec l’École nationale d’équitation de Saumur. Cette décision malheureuse a eu pour conséquence une redéfinition des missions des haras, synonyme en réalité de suppressions d'emplois et de liquidation partielle de la structure.

Pour le territoire que je représente, l’activité des haras nationaux est fondamentale depuis fort longtemps. En effet, le département du Cantal est l'un des premiers producteurs – sinon le premier – de chevaux lourds en France. Le site d’Aurillac, qui a fait l'objet d'une construction toute nouvelle voilà vingt-cinq ans, inaugurée – vous y serez certainement sensible, monsieur le ministre – par le président Mitterrand, constitue le pivot de cette activité dans la mesure où il coordonne et assure la reproduction des chevaux, par le biais de la récolte de sperme et de l’insémination.

Malgré ce rôle indispensable, la réorganisation de l’IFCE a déjà conduit à programmer l’arrêt de ce volet de l’activité du site d’Aurillac avant le 31 décembre 2014. Or, subrepticement, avant les dernières échéances électorales, le précédent gouvernement a fait prendre la décision, sans communication ni concertation, d'y mettre fin au cours de cette année.

Cette décision, qui constitue en réalité une privatisation de l’étalonnage public, est catastrophique tant pour l’emploi des agents des haras que pour les éleveurs de chevaux. La fin prématurée de la campagne d’insémination aura nécessairement des conséquences sur le patrimoine génétique des chevaux élevés et conduira à terme à la disparition de petits élevages.

J'ai bien sûr alerté le préfet avant le 6 mai et ai reçu, par le canal de la préfecture, une réponse de M. Philippe de Guenin, directeur général de l’IFCE, en date du 20 juin : cette mesure est confirmée, tout comme l’est la fermeture des centres techniques de Saint-Flour et d’Allanche. L’argument invoqué est qu’il ne faut pas attendre l'échéance du 31 décembre 2014 pour mettre fin à l'incertitude exprimée par les éleveurs de chevaux et leurs représentants, pour optimiser les chances de succès des projets de reprise par le privé et pour faire rapidement cesser l'anxiété des agents quant à leur avenir, nombre d'entre eux ayant d’ailleurs l’obligation d'effectuer une mobilité fonctionnelle ou géographique ; voilà qui est lourd de sens.

Cette lettre indique également qu’un repositionnement dans le cadre d'un véritable projet du site est prévu, appuyé par les socioprofessionnels et les collectivités locales. Cela signifie le transfert du poids financier aux collectivités locales, au moins en partie.

Je souhaite que cette position soit modifiée, en accord avec les déclarations du député M. Germinal Peiro, lors de la campagne présidentielle. Dans un article du journal Le Monde, celui-ci avait indiqué qu'il faudrait « mettre en œuvre un soutien efficace aux haras nationaux, totalement abandonnés par le Gouvernement, et leur redonner leur rôle dans la reproduction dans les élevages, les saillies y étant incomparablement moins onéreuses que dans le privé ».

Monsieur le ministre, cette déclaration sera-t-elle confirmée par des décisions rompant avec la politique antérieure ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, j’ai conscience des difficultés que rencontre cet établissement situé à Aurillac. En tant que ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, j’ai également pris la mesure de l’inquiétude qui s’exprime au sein de l’Institut français du cheval et de l'équitation.

J'ai eu l'occasion de rencontrer les syndicats du ministère. Vous avez raison, la RGPP et les choix auxquels elle a conduit, notamment le transfert d’une grande partie de l'étalonnage public vers le privé, sèment un trouble important.

Sur les Haras nationaux et l'IFCE, il me faudra engager une concertation globale pour tenter de trouver le moyen de redéfinir les missions de cet institut et d’équilibrer l'ensemble des missions entre ce qui relèvera désormais du privé et du public.

Monsieur le sénateur, notre situation budgétaire n'est pas celle que nous pouvions attendre. Il me serait difficile aujourd'hui, en tant que ministre de l'agriculture, de vous annoncer que nous reviendrons à la situation ex ante. Je ne peux pas m'engager sur ce point.

Toutefois, parce que je sais la place de l’étalonnage des chevaux de trait sur le site d'Aurillac, nous engagerons une concertation spécifique pour assurer une transition qui soit effective, qui garantisse l'élevage et les petits élevages, ainsi que le capital génétique qui place la France à un rang essentiel à l'échelle européenne, voire mondiale. Dans la Sarthe également, département dont je suis l’élu, un certain nombre de races, notamment le percheron, prouvent la qualité de notre cheptel.

Sur cette question précise, il nous faut assurer une transition en 2013 ; c'est l'engagement que je prends. Je prends également celui d’organiser rapidement une concertation pour redéfinir et revoir les missions de l’IFCE, en particulier tout ce qui concerne l'enregistrement, s’agissant des étalons.

Monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé sur la possibilité de suivre les préconisations de M. Germinal Peiro, dont je salue ici l’action. Je tiens à vous répondre. Compte tenu de la situation budgétaire qui est la nôtre, et même si la négociation engagée par mon ministère avec le ministère du budget n'est pas terminée, je crains qu'il ne soit possible de revenir à la situation précédente. Il nous faut donc assurer maintenant une transition entre, d’une part, les missions de service public des Haras nationaux et, d’autre part, les missions futures de l'Institut français du cheval et de l'équitation.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je suis modérément rassuré, et c’est le moins que l’on puisse dire. Vous nous indiquez vouloir engager une concertation globale rapidement ; c’est très bien et nous y participerons avec plaisir ; mais vous nous dites aussi que la situation budgétaire que vous avez découverte ne permettrait pas de revenir en arrière.

Vous voulez assurer une transition en 2013 ; mais l’intérêt d’une telle démarche est d’aller d’un endroit vers un autre. Or je vous avoue que je n’ai pas encore complètement saisi quel était l’objectif de cette intéressante transition…

Je ne doute pas que nous y travaillerons ensemble, mais, à mon sens, il y a une véritable urgence à faire en sorte que l’instrument important que sont les haras nationaux soit préservé, ces derniers constituant un atout pour l’agriculture et l’économie de nos territoires. Transférer purement et simplement une grande partie de leur activité au secteur privé ne me paraît pas compatible avec la vision personnelle que j’ai du changement.

avenir du centre météorologique du mont aigoual

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 1619, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Simon Sutour. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir du centre météorologique du mont Aigoual, dans le département du Gard, à la suite de la réorganisation des activités et des tâches de Météo France sur l’ensemble du territoire.

Alors même que Météo France réaffirme dans son dernier rapport d’activité l’importance de ses missions de sécurité, l’observatoire météorologique de l’Aigoual, situé au cœur des Cévennes, si souvent exposées à des phénomènes météorologiques dangereux, s’est vu retirer le 1er juin dernier la responsabilité des bulletins de prévision, rédigés et enregistrés quotidiennement à l’observatoire, au profit, de manière transitoire, du centre météorologique territorial de Nîmes-Montpellier.

Ces bulletins sont déterminants, pour les institutionnels, lors de situations sensibles et pour la prévention, mais aussi et surtout pour la gestion des situations de crises, notamment en cas d’épisode dit de type « cévenol ».

L’efficacité et l’expérience des professionnels sur place à l’année ne sont pas à démontrer et font de cette station, depuis plus de cent quinze ans, un maillon indispensable de la prévision météorologique pour la région Languedoc-Roussillon.

Malheureusement, la suppression des bulletins quotidiens n’est que l’élément le plus visible du retrait de Météo France de ce centre, qui est pourtant, de l’avis de tous, l’une de ses principales vitrines. En effet, des doutes subsistent également quant à la mise à niveau de ses équipements techniques, notamment au travers de l’installation du nouveau logiciel d’exploitation, pourtant déjà présent sur tout le reste du réseau depuis le 1er juin. Par ailleurs, des inquiétudes se font jour quant au remplacement des personnels partant en retraite. Ce sont d’ailleurs plus que des inquiétudes, puisque, de fait, ils ne sont pas remplacés.

Tous ces éléments, et notamment la perte du bulletin quotidien, laissent présager un avenir sombre pour ce lieu emblématique de l’observation et de la prévision météorologiques.

Par ailleurs, outre l’aspect prévision, l’observatoire est visité chaque année par plus de 300 000 personnes. Les collectivités locales, au premier rang desquelles la communauté de communes de l’Aigoual, ont beaucoup investi en moyens humains et financiers, en cogérant notamment le météo-site et en organisant des festivals et des expositions. Une convention partenariale entre Météo France et la communauté de communes, signée en 2011 pour cinq ans, lie les deux parties.

Sans perspective ni engagement de la part de Météo France au-delà de cette période, il est problématique pour les élus de poursuivre les investissements envisagés sur ce site, incluant notamment un projet de muséographie et la création d’un espace dédié au changement climatique, qui serait le premier de ce type dans notre pays.

Madame la ministre, vous l’avez compris, cette station est un véritable poumon pour nos Cévennes, et les retombées économiques y sont considérables. Son efficacité technique n’est, de surcroît, plus à démontrer.

C’est pourquoi je souhaiterais que vous puissiez apporter des garanties quant à votre volonté de maintenir les activités du centre météorologique du mont Aigoual, vitrine de Météo France et pour longtemps, je l’espère, dernier observatoire de France encore habité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur Sutour, je suis, comme vous et comme tous les Français, très attachée à Météo France.

Cet opérateur rassemble des compétences de pointe extrêmement précieuses. Je tiens d’ailleurs à saluer tous ses personnels et leur sens du service public.

Comme vous le savez, la réorganisation de cet établissement public a été décidée par le précédent gouvernement.

Sur la période 2010-2013, plus d’un départ sur deux à la retraite n’a pas été remplacé. Il y a eu une baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement. Une réorganisation territoriale a aussi été décidée par nos prédécesseurs pour passer de 108 à 55 centres d’ici à 2017.

Je sais qu’il en résulte une dégradation du climat social et de nombreuses inquiétudes dans nos territoires, dont vous vous faites l’écho aujourd’hui pour cette magnifique région des Cévennes.

Je ne vous cache pas qu’une des difficultés qui se posent est la baisse des recettes commerciales de Météo France du fait tant du libre accès sur Internet aux sources de données alternatives que du droit communautaire qui prévoit la généralisation de l’accès gratuit aux données météorologiques.

C’est dans ce contexte qu’il convient de maintenir un potentiel scientifique, et donc les investissements.

Tels sont les éléments de la situation que je vais examiner, sachant que le contexte de restrictions budgétaires actuel, qui s’applique à tous les opérateurs, ne rend pas les choses faciles, comme vous vous en doutez. Les marges de manœuvre sont quasi inexistantes.

Néanmoins, je peux d’ores et déjà vous affirmer que j’entends veiller à ce que cette réorganisation s’effectue dans des conditions exemplaires au regard des missions de service public de Météo France, en particulier en matière de prévision et de prévention des risques et de sécurité des personnes et des biens.

Je m’attacherai également à ce que les investissements dans de nouveaux systèmes informatiques, les supercalculateurs notamment, permettent effectivement à l’établissement de conserver une expertise et une qualité reconnues sur le plan international.

Du point de vue territorial, je m’assurerai enfin que notre pays conserve le réseau d’information météorologique le plus dense d’Europe.

Comme vous le savez, les prévisions de Météo France se fondent sur un système national d’observation et de prévision, mis en œuvre et piloté depuis le centre national météorologique installé à Toulouse. Les prévisions sont ensuite exploitées et adaptées à l’échelon interrégional, puis déclinées plus finement par des centres départementaux ou territoriaux, chargés de la prévision et de la diffusion des informations au niveau local.

Ces centres appuient les cellules de crise sous la responsabilité des préfets. L’observatoire du mont Aigoual n’exerce ainsi localement pas de responsabilité en matière de sécurité météorologique proprement dite.

Je comprends que le bulletin quotidien est très important. Aussi ai-je demandé à Météo France quelles modalités étaient envisagées pour maintenir ce support quotidien, que vous indiquez comme étant essentiel.

Je rappellerai aussi, pour finir, que Météo France reste très attaché à ce qui constitue, comme vous l’indiquez, monsieur le sénateur, une vitrine historique de l’établissement. La convention de partenariat conclue avec la communauté de communes de l’Aigoual a donc été renouvelée pour cinq ans. Je serai très attentive à l’avancement du projet que vous avez évoqué.

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Malheureusement, des coups sont partis, qui sont durs à amortir localement.

Je retiens de votre réponse une volonté générale de préserver le service public. S’agissant plus particulièrement de la question du bulletin quotidien, il semblerait qu’il puisse être rétabli. En tout cas, vous vous êtes engagée à y travailler, et je vous en remercie tout particulièrement.

J’ajouterai un dernier argument, toujours de l’ordre de l’humain. Le mont Aigoual et son observatoire météorologique accueillent 300 000 visiteurs par an et se situent au cœur des Grands Causses et des Cévennes, qui viennent d’être classés au patrimoine mondial de l’UNESCO.

C’est aussi une région où se sont déroulés nombre d’événements de notre histoire : les Camisards s’y sont battus pour la liberté de culte ; plus récemment, pendant la Seconde Guerre mondiale, les alentours du mont Aigoual et d’Ardaillès notamment ont abrité les plus grands maquis de résistance aux nazis. Ces arguments ne sont pas financiers, mais nous devons y être sensibles, aussi.

difficultés liées à l'implantation d'éoliennes

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 16, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées dans les territoires, notamment dans le département de l’Eure, du fait de l’implantation d’éoliennes.

La France, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, s’est engagée dans une politique ambitieuse en matière de développement des énergies renouvelables, laquelle doit conduire à une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production d’énergies renouvelables d’ici à 2020, grâce notamment à une multiplication par dix du parc éolien.

Sans remettre en cause cet objectif, force est de constater que les conditions d’implantation des éoliennes soulèvent souvent des difficultés en termes de concertation, d’incitation et de réglementation.

Elles entraînent tout d’abord des difficultés en termes de concertation : on observe que, dans certains cas, des permis de construire pour des éoliennes sont accordés contre l’avis unanime des communes concernées et de leurs élus. Une telle situation n’est, de mon point de vue, pas acceptable, car, dans ce domaine comme dans d’autres, il n’est pas admissible que des décisions ayant un impact fort sur un territoire soient prises contre la volonté des élus, qui sont, par définition, responsables du devenir de leur collectivité.

Il n’est pas normal que des préfets puissent donner des autorisations, sans aucune concertation avec les maires, car nul ne peut nier que l’implantation d’éoliennes n’est pas un acte sans conséquences. Celle-ci entraîne en effet des nuisances sonores et visuelles, et même des conséquences financières du fait de la perte de valeur du patrimoine immobilier situé sur ces communes.

Les citoyens et les élus qui les représentent doivent donc être mieux associés aux décisions prises, me semble-t-il.

Concernant l’incitation, ensuite, il faut savoir que les communes ne perçoivent aujourd’hui que 20 % de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, instituée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, alors que les établissements publics de coopération intercommunale en reçoivent 50 % et les départements 30 %. Cette répartition ne me paraît ni équitable ni incitative, les communes directement concernées ne percevant qu’une faible part de l’IFER. À mon sens, il faudrait revoir cette question et prendre en compte la notion de périmètre « impacté » réellement dans la mesure où, bien souvent, c’est non pas la commune d’implantation qui supporte le plus de nuisances et d’inconvénients, mais les communes voisines. Il faudrait donc en tenir compte.

S’agissant, enfin, de la réglementation, je trouve anormal qu’il n’existe quasiment aucune contrainte pour l’implantation d’éoliennes de moins de douze mètres. Comme cela avait été rappelé par le précédent gouvernement en réponse à une question écrite de Mme Grommerch, députée, en février 2012, « aucune autorisation au titre du code de l’urbanisme n’est exigée pour les éoliennes de moins de douze mètres, hors secteur sauvegardé ou site classé ne nécessitant pas d'affouillement ».

Par ailleurs, la distance minimale d’implantation des éoliennes par rapport aux habitations, qui est aujourd’hui de 500 mètres, devrait à mon avis pouvoir être adaptée en fonction de la taille des éoliennes et de la topologie du lieu d’implantation. Dans certains Länder allemands, cette distance, je vous le rappelle, est de 1 500 mètres.

Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir me préciser la position du Gouvernement sur ces différentes questions, et tout particulièrement sur la nécessité d’améliorer la prise en compte des attentes des élus et des populations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le Président de la République s’est engagé en faveur d’un débat national et citoyen sur la transition énergétique. Ce débat sera lancé à l’automne, à l’issue de la conférence environnementale qui se tiendra au mois de septembre.

Le Président de la République s’est aussi engagé à réduire la part du nucléaire dans le mix de production d’électricité de 75 % à 50 % à l’horizon 2025, à développer massivement les énergies renouvelables et à mener une grande politique de sobriété et d’efficacité énergétiques.

Votre question sur l’énergie éolienne s’inscrit dans ce contexte, monsieur le sénateur. Je rappelle que les règles actuelles sur l’implantation des éoliennes, que vous évoquez, ont été fixées par la loi, après le Grenelle de l’environnement. Elles avaient alors été âprement discutées et débattues.

L’énergie éolienne constitue l’une des énergies renouvelables électriques les plus compétitives par rapport au prix du marché de gros de l’électricité. C’est l’une des deux énergies renouvelables dotées du plus fort potentiel de développement, à court et à moyen terme, dans notre pays.

La France a pris du retard sur les objectifs que vous avez rappelés, objectifs qu’elle s’était assignée dans le cadre du paquet énergie-climat et du Grenelle de l’environnement. Pour l’éolien terrestre, je rappelle que l’objectif est d’atteindre, en France, une puissance installée de 19 000 mégawatts à l’horizon 2020. Fin mars 2012, nous étions à 6 870 mégawatts raccordés.

Il conviendra donc d’examiner la réglementation et les problèmes d’acceptabilité locale que vous avez évoqués lors du débat sur la transition énergétique. L’éolien doit se développer dans de meilleures conditions.

Pour ma part, il n’y a pas d’incertitude quant à la volonté du Gouvernement de soutenir l’éolien et d’adapter les systèmes de soutien tarifaire dans les différentes filières pour rendre possible l’essor des technologies au moindre coût.

Vous vous faites l’écho, monsieur le sénateur, de certains blocages, que je ne nie pas. D’autres éminents parlementaires, notamment des sénateurs, trouvent au contraire la réglementation actuelle trop contraignante. Le grand débat citoyen sur la transition énergétique, auquel les parlementaires seront totalement associés et qui débouchera sur une loi de programmation au premier semestre de 2013, permettra de mettre tous ces éléments sur la table.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Vous avez évoqué la volonté du Président de la République d’engager un débat sur la transition énergétique et vous avez rappelé un point que je savais déjà, à savoir que les règles sont fixées par la loi.

Dans le cadre de ce débat, il faudra repenser un certain nombre d’éléments, notamment comment associer davantage les élus aux décisions prises. Ce point me paraît particulièrement important. En effet, il n’est vraiment pas acceptable d’implanter de tels équipements sur leur territoire contre leur volonté.

La question de la répartition de l’IFER devra également être revue, car il n’est pas normal que les communes, qui, par définition, supportent ces équipements, perçoivent la part la plus faible de cette ressource.

Il faudra en outre être capable d’appréhender le périmètre impacté. Il arrive parfois que les éoliennes soient implantées à la limite de plusieurs communes ; or c’est uniquement la commune siège qui perçoit la part communale de l’IFER, alors que l’impact touche bien davantage les communes alentours.

Sans attendre la loi, le Gouvernement pourrait peut-être, par voie de circulaire, rappeler aux préfets qu’il y a un minimum de concertation à mener. Il n’est pas tolérable qu’un maire de mon département apprenne, par un huissier, qu’un permis de construire a finalement été accordé pour l’implantation d’éoliennes sur sa commune. Un tel rappel est d’autant plus nécessaire que, pour développer efficacement et réellement, comme nous le souhaitons tous, l’énergie éolienne, il faut faire en sorte qu’il y ait une véritable acceptabilité de la part de la population et des élus. Nous devons, me semble-t-il, tous travailler dans ce sens.

situation des établissements pénitentiaires d’outre-mer

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, auteur de la question n° 12, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Aline Archimbaud. La liste des problèmes au sujet desquels je suis alertée concernant la situation de la plupart des établissements pénitentiaires d’outre-mer est longue : vétusté, surpopulation endémique, grande promiscuité génératrice de violences, hygiène déplorable, inactivité, auxquelles vient s’ajouter un manque cruel de moyens pour les alternatives à l’incarcération, les aménagements de peine et l’aide à l’insertion.

La situation n’a fait qu’empirer, année après année, bien que les gouvernements successifs aient annoncé pouvoir régler la situation en accroissant la capacité des établissements ou en en construisant de nouveaux.

Le centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania, en Polynésie, affiche un taux de suroccupation record de 250 %. Ce taux est de 194 % pour celui du Camp-Est, en Nouvelle-Calédonie ; de 216 % pour celui de Nouméa, selon des chiffres d’octobre 2011 ; de 166 % pour celui de Ducos, à la Martinique ; de 146 % pour la maison d’arrêt de Basse-Terre, à la Guadeloupe ; de 121 % pour le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, toujours à la Guadeloupe ; de 117 % pour celui de Rémire-Montjoly, en Guyane.

De surcroît, bon nombre d’observateurs, dont le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le Comité pour la prévention de la torture et l’Observatoire international des prisons ont maintes fois dénoncé la vétusté des locaux les plus anciens, la grande promiscuité et la violence qu’elle engendre, ainsi que les conditions d’hygiène déplorables. À cela s’ajoute le manque de travail ou l’absence d’activités proposées aux détenus, contraints de demeurer en cellule ou en dortoir parfois plus de vingt heures par jour.

Des travaux de construction, d’extension ou de rénovation sont certes parfois annoncés, mais leur achèvement n’est pas attendu avant de nombreuses années. Qui plus est, si l’on se réfère aux politiques immobilières menées dans l’Hexagone depuis des décennies, ces travaux ne garantissent pas la maîtrise de la surpopulation ni l’amélioration notable des conditions de vie et du respect des droits fondamentaux des personnes qui y sont placées.

Les rapports annuels récents des juridictions d’outre-mer, portant, comme ceux de 2011, sur l’exécution et sur l’aménagement des peines, font, par ailleurs, état d’un grand manque de moyens humains et financiers pour mener à bien les missions dévolues à ces structures. Au 1er janvier 2012, la France comptait quelque 57 000 condamnés, dont 10 693 en aménagement de peine, soit 18 %. Ce taux est encore très insuffisant, mais il l’est encore plus outre-mer, où, à la même date, seuls 12,6 % des condamnés bénéficiaient d’un aménagement de peine sous écrou.

Bon nombre de courtes peines qui pourraient être aménagées plutôt qu’être exécutées en détention ne le sont pas faute de moyens, ce qui empêche également la mise en œuvre de mesures alternatives à la détention. Ces dispositifs permettraient pourtant de réduire de manière notable la surpopulation carcérale, à un coût moindre pour l’État.

Le développement de ces outils, dont l’efficacité est par ailleurs reconnue en matière de prévention de la récidive, suppose un accompagnement de personnel en nombre suffisant et formé.

Madame la garde des sceaux, des moyens sont-ils prévus à cet effet ?

Ne serait-il pas plus efficace de limiter les programmes immobiliers à la rénovation des établissements les plus vétustes ?

Au lieu d’accroître le nombre de places de détention, ne pourrions-nous pas consacrer les budgets correspondants à la mise en place de peines alternatives à l’incarcération et d’aménagements de peine, mesures dont l’efficacité n’est plus à démontrer ? Quel est le programme du Gouvernement à ce sujet pour l’outre-mer ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous êtes bien avisée de vous préoccuper de l’état des établissements pénitentiaires dans les outre-mer. Vous avez déposé votre question le 5 juillet dernier. Le 14 et le 15 juillet, l’actualité en Nouvelle-Calédonie et en Guyane est venue rappeler que vous aviez parfaitement raison de nous alerter sur la question.

Je partage totalement votre constat, qui vaut, d’ailleurs, pour tous nos établissements pénitentiaires, y compris sur le territoire de l’Hexagone. Les chiffres de la population pénale au 1er juillet 2012 viennent d’être publiés. Ils font état de 67 373 personnes incarcérées, soit une progression de 4,1 % par rapport à la même époque l’année dernière, et ce malgré une augmentation des aménagements de peine et des libérations sous surveillance électronique de fin de peine de 21 % sur la même durée. C’est dire à quel point nos établissements sont surpeuplés.

Au-delà des chiffres que vous avez cités pour les outre-mer, il faut aussi évoquer la situation dans les maisons d’arrêt pour hommes : le taux atteint 324 % en Polynésie ; 318 % à Ducos, à la Martinique ; 160 % à Rémire-Montjoly, en Guyane. À cela vient s’ajouter la vétusté des établissements, notamment à Mayotte et à Basse-Terre.

Les outre-mer souffrent en plus d’un problème particulier d’éloignement et d’isolement, qui limite la possibilité de répartition des détenus dans d’autres établissements. Ainsi, le phénomène de surpopulation carcérale touche également les établissements pour peine, y compris dans le cas des longues peines, alors que, sur le territoire hexagonal, l’administration pénitentiaire parvient à peu près à y faire respecter le principe de l’encellulement individuel.

Évidemment, toutes ces difficultés ne nous tombent pas subitement sur la tête. Elles ont pour cause principale la politique pénale menée au cours des dix dernières années, fortement « crispée » sur l’incarcération. À l’exception de la loi pénitentiaire de novembre 2009, la cinquantaine de lois pénales adoptées sur cette période ont conduit à la multiplication des procédures aboutissant à des jugements d’incarcération.

Bien sûr, la peine d’emprisonnement se justifie, mais elle ne doit être prononcée que pour les situations où elle est nécessaire et utile. Nous savons à quel point les courtes peines sont désocialisantes et, surtout, génératrices de récidive. Il y a donc lieu d’en tenir compte dans le cadre de l’aménagement des peines. Nous n’avons pas tellement de choses à inventer puisque le code de procédure pénale contient déjà toute une série de dispositions en la matière.

Malgré l’article 27 de la loi pénitentiaire, la question de l’activité dans les établissements est réelle, encore plus dans les outre-mer que dans l’Hexagone. L’oisiveté est importante, vous le disiez vous-même, très peu de temps étant consacré à l’activité ainsi qu’à la formation des détenus.

Autre question extrêmement importante, celle de l’insertion et de la probation, que vous avez également évoquée. J’ai lancé un processus pour que se tienne, d’ici à la fin de l’année, une « conférence de consensus », chargée de travailler sur les peines de probation afin de lutter contre la récidive. Il faut faire en sorte de procéder aux aménagements de peine nécessaires pour sortir les personnes concernées du parcours de délinquance et de la récidive.

J’en viens, madame Archimbaud, aux orientations à venir. Vous l’avez dit vous-même, le taux d’aménagement de peine est nettement inférieur dans les outre-mer à ce qu’il est ici, en raison, notamment, de conditions économiques et sociales particulières : la population incarcérée y est souvent plus jeune et parfois d’origine étrangère, ce qui doit nous faire réfléchir à des aménagements de peine qui correspondent à cette socialisation plus réduite.

Dans la mesure où le taux atteint 324 % à certains endroits, il faudra malheureusement prévoir quelques places supplémentaires, même si, vous avez raison, il importe surtout d’aménager les peines et de lutter contre la récidive. Un certain nombre de programmes sont engagés pour la construction de 160 places supplémentaires à Ducos, à la Martinique, de 75 places à Rémire-Montjoly, en Guyane, de 174 places à Majicavo, à Mayotte, de 410 places à Papeari, en Polynésie, de 80 places à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Évidemment, je maintiens les études qui sont en cours, particulièrement en Guyane, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie et à la Guadeloupe, à Baie-Mahault. Toutefois, vous le savez, l’heure est aux arbitrages budgétaires. J’accorde une attention toute particulière aux décisions qui seront prises en faveur des outre-mer. Ces arbitrages doivent aboutir dans quelques jours. Je vous tiendrai, bien entendu, informée.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Madame la garde des sceaux, je vous remercie de votre écoute et de la précision de votre réponse. Vous héritez, je le comprends tout à fait, d’une situation difficile, après dix années d’une politique qui a systématiquement encouragé l’incarcération, y compris pour des peines très courtes.

J’entends votre engagement sur la volonté de réfléchir au parcours de probation. Dans ce domaine, les personnels, notamment ceux des services pénitentiaires d’insertion et de probation, travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et se sentent souvent abandonnés, leurs moyens étant même très inférieurs à ce qui est prévu dans les textes.

J’entends aussi votre préoccupation concernant toutes les actions susceptibles d’être mises en œuvre pour éviter les récidives. La conférence que vous envisagez sur ce sujet est une initiative encourageante.

J’espère que des signaux positifs pourront être donnés rapidement non seulement en direction des prévenus et détenus, des prévenus, dans les maisons d’arrêt et prisons d’outre-mer, mais aussi des personnels. La vétusté de certains bâtiments, les conditions de vie et de travail, pour ne citer que ces problèmes, montrent une situation de total abandon, contraire aux principes de la République. Je ne pense pas que l’actuel gouvernement s’en satisfasse.

conditions de délivrance des autorisations par la commission départementale d’aménagement commercial

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, auteur de la question n° 1626, adressée à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

M. Jean-Patrick Courtois. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les conditions de l’autorisation d’exploitation commerciale délivrée aux divers projets commerciaux.

Selon les dispositions du code de commerce, les projets commerciaux, hors exceptions telles que les pharmacies, halles et marchés, commerces de véhicules automobiles ou motocycles, dont la surface dépasse 1 000 mètres carrés doivent être présentés en commission départementale d’aménagement commercial. Le code de commerce précise aussi que sont regardés comme faisant partie d’un même ensemble commercial, qu’ils soient ou non situés dans des bâtiments distincts et qu’une même personne en soit ou non le propriétaire ou l’exploitant, les magasins réunis sur un même site et conçus dans le cadre d’une même opération d’aménagement foncier.

Pour répondre à ces dispositions, les grandes enseignes déposent donc un seul dossier pour la création d’un hypermarché et d’une galerie marchande sur site. Or, l’autorisation de la CDAC obtenue, rien n’empêche la fusion des boutiques de la galerie marchande pour ouvrir un ou plusieurs magasins de plus grande surface et de natures différentes.

Ces aménagements, qui modifient de façon substantielle la configuration du projet accepté par la CDAC, privent cette dernière de la maîtrise du développement commercial du secteur et mettent en péril l’avenir des magasins déjà implantés. En effet, la réflexion conduite par la CDAC pour autoriser les projets commerciaux est fonction d’une adéquation entre le projet et l’analyse du marché.

Par le stratagème de la fusion, de gros changements de nature des commerces et de distribution des surfaces sont ainsi réalisés dans les galeries marchandes. À dessein, certaines enseignes n’hésitent d’ailleurs pas à présenter à la CDAC des dossiers conformes aux attentes de cette dernière et à dénaturer ensuite le projet pour l’adapter à la réalité de leur objectif commercial.

Cette situation constituant un véritable détournement de la loi, il conviendrait de faire autoriser par la CDAC des projets clairement détaillés quant à l’objet et à la superficie de chacun des commerces aménagés dans l’ensemble commercial et d’imposer une nouvelle présentation de dossier devant la CDAC pour toute modification d’aménagement.

Je vous serais reconnaissant, madame la ministre, de bien vouloir me dire les mesures que vous entendez prendre au regard de cette question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, votre question est inspirée par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Les nombreux élus, professionnels et représentants des commerçants que je rencontre sont très attachés à la stabilité du dispositif législatif, qui a permis une simplification des démarches administratives. Je ne souhaite donc pas réviser cette loi en profondeur. Cela ne veut pas dire pour autant que des ajustements ne sont pas nécessaires afin de prendre en compte certaines limites que nous observons, tout comme vous visiblement.

Sur le fond de votre question, sachez que les CDAC et la Commission nationale d’aménagement commercial vérifient la conformité de chaque projet avec les objectifs fixés par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008. Elles statuent en dressant un bilan des effets positifs et des effets négatifs de chaque projet.

« L’analyse du marché » que vous évoquez ne relève plus aujourd’hui des objectifs pris en compte. En effet, depuis 2008, et en conformité avec la directive Services, tout ce qui aurait subordonné l’autorisation à une évaluation des effets économiques de l’activité a été exclu de l’instruction des dossiers. La réglementation est désormais fondée sur la planification urbanistique, avec des critères d’aménagement du territoire, de prise en compte du développement durable et de protection des consommateurs.

Contrairement à ce que vous affirmez, la marge de manœuvre du porteur du projet est limitée : il ne peut, en cours de réalisation du projet, modifier ni le secteur d’activité, ni la surface de vente globale, ni les enseignes éventuellement annoncées, sauf à redéposer une demande d’autorisation d’exploitation commerciale. Dans ces conditions, il n’est pas possible de « dénaturer », comme vous le pensez, un projet autorisé par la CDAC.

Vous appelez particulièrement mon attention sur la fusion de magasins. Sur ce point, j’irai même jusqu’à être d’accord avec vous, et je n’exclus pas de modifier la loi si des dérives sont observées en la matière. Mais, encore une fois, cette limite relève de la loi, car c’est elle qui autorise de tels regroupements de surfaces de vente lorsque les commerces sont voisins en posant des conditions cumulatives de surface : il ne doit pas y avoir création de surface supplémentaire et chaque regroupement ne doit pas excéder 2 500 mètres carrés ou 1 000 mètres carrés si l’activité nouvelle est à prédominance alimentaire. C’est cette même loi qui ne permet pas d’exiger des demandeurs qu’ils déposent un nouveau dossier en CDAC à la moindre modification, sans impact de surface.

Je pense que la vraie limite de la loi du 4 août 2008 est l’absence d’obligation de conformité pour le même projet entre l’autorisation accordée par la CDAC et le permis de construire. Il s’agit là d’un sujet de réflexion d’autant plus fort que la révision générale des politiques publiques a eu pour conséquence de réduire, voire de supprimer les contrôles qui permettaient de vérifier sur le terrain la cohérence entre le projet autorisé et la réalité de l’aménagement commercial.

M. Jean-Michel Baylet. C’est vrai !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous devons également nous attacher à introduire une obligation d’examen de tout projet de fusion ou de modification importante des répartitions initiales de surface, tout en respectant les prescriptions du droit communautaire. À cet égard, monsieur le sénateur, un cadre ambitieux et clair aurait permis de mieux articuler aujourd’hui le droit de l’urbanisme commercial et l’urbanisme économique.

Devant de telles incohérences, mesdames, messieurs les sénateurs, il nous faut aujourd’hui combler les lacunes de la politique menée par la majorité précédente ! Nous le ferons dans une approche équilibrée entre les différents enjeux de simplification, de développement du commerce, de respect de l’environnement et de protection des consommateurs, mais également, et surtout, dans une démarche intégrant la concertation et l’écoute des parties prenantes.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Madame la ministre, si je partage votre sentiment sur le fait qu’il ne faut pas changer la loi sur le fond – nous en sommes tous d’accord –, je vous engage à vérifier ce qui se passe dans les cités commerciales situées aux entrées de nos villes. Vous verrez qu’entre l’autorisation donnée par une CDAC et la réalisation du projet, disons six mois après – je ne vous parle même pas dans dix ans ! –, les choses ne se passent plus du tout de la même manière. Pourquoi ? Parce que deux magasins auront fusionné, parce qu’on aura fait sauter une cloison, parce que des modifications considérables seront intervenues et parce que, aujourd’hui, il n’y a aucun contrôle, ce dont, d’ailleurs, les CDAC se plaignent !

Si je ne siège pas personnellement à la CDAC, j’entends souvent mon adjointe, qui, elle, y va, me dire que, sur les halles commerciales, il ne sert à rien – strictement à rien ! – de faire partie de cette commission parce que chacun fait ce qu’il veut. Ainsi, les investisseurs présentent à la CDAC un dossier qui lui paraît éminemment sympathique et qu’elle accepte. Les porteurs du projet savent, dès l’origine, qu’ils ne feront pas les magasins tels qu’ils sont prévus dans le dossier. Ils feront autre chose ! Et je crois que la morale nous engage à défendre que la réalisation d’un projet déposé devant une CDAC doit être, sur le fond, conforme au dossier examiné.

Je le répète, je partage votre sentiment sur le fait qu’il ne s’agit pas de remettre en cause fondamentalement la loi. Mais il convient quand même de préciser un certain nombre de choses pour ne pas fausser complètement le jeu de la concurrence dans les magasins situés à l’entrée de nos villes.

avenir d’eads

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1627, adressée à M. le ministre du redressement productif.

M. Jean-Jacques Mirassou. Le 31 mai 2012, Thomas Enders a succédé, à la présidence de l’exécutif du groupe EADS, à Louis Gallois, qui avait occupé cette fonction pendant cinq ans.

Le nouveau président a rapidement fait savoir qu’il entendait exercer son mandat depuis Toulouse, où il implantera un nouveau siège social. C’est une bonne décision, car elle permettra vraisemblablement d’assurer une plus grande réactivité et une meilleure opérabilité entre EADS et Airbus. Pour autant, cette mesure ne saurait suffire à distinguer le mode de management préconisé par M. Enders.

Cette prise de fonctions est donc l’occasion de s’interroger sur le mode de gestion de cette société au moment où le nouveau gouvernement, quant à lui, va afficher et mettre en œuvre sa conception en matière de stratégie et de politique industrielle.

Faut-il le répéter, EADS, géant de l’aéronautique, n’est pas une entreprise comme les autres, ne serait-ce que parce que l’État détient 15 % du capital et que cette entité porte en elle les gênes d’une coopération européenne qui a démontré et qui démontre encore son efficacité.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le nouveau Président de la République entend promouvoir cette coopération dans d’autres domaines industriels avec pour objectifs la reprise économique et la croissance, toutes deux porteuses d’espoir. Faut-il ajouter que ce puissant chef de file de l’aéronautique et de l’espace devrait renforcer le partenariat avec ses sous-traitants français pour les aider à assumer un carnet de commandes bien garni, tout en faisant en sorte d’être, notamment dans le domaine des aérostructures, compétitif face à la concurrence afin d’éviter les délocalisations.

Dans cette optique, une nouvelle impulsion dans l’organisation de cette filière est indispensable. Elle suppose, au préalable, un acte politique fort émanant de l’État et qui, par le passé, a trop souvent fait défaut.

Pour toutes ces raisons et au moment où M. Lagardère, constant dans sa « désinvolture » – je mets des guillemets parce que le mot est faible –, manifeste son souhait de sortir du capital d’EADS, je suis persuadé qu’il importe, au contraire, que le gouvernement français affirme son intention de garder, en tant qu’actionnaire, bien plus qu’un droit de regard sur le devenir d’EADS pour peser véritablement sur les choix.

J’aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet, madame la ministre. Même si l’aéronautique ne se situe pas complètement dans le rayon d’action de votre ministère, la proximité géographique du département concerné avec celui dont vous avez été l’élue va forcément vous donner les moyens de me faire une réponse très pertinente ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi d’abord d’excuser Arnaud Montebourg, retenu ce matin à Bercy où il reçoit tous les opérateurs des télécoms.

Votre question concerne un sujet que je connais bien. EADS est en effet basée dans ma région et beaucoup de sous-traitants de mon département travaillent pour cette entreprise.

Leader européen dans les domaines de l’aéronautique et de la défense, EADS figure parmi les principales sociétés du secteur sur le plan mondial. Avec un chiffre d’affaires et un nombre d’employés qui ont augmenté de manière significative ces dernières années, le succès d’EADS a démontré la pertinence de la décision prise en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin de constituer, avec nos partenaires allemands et espagnols, une société d’envergure mondiale à même de faire face aux champions nord-américains du secteur, en particulier Boeing. Cette société pourrait être prise en exemple pour d’autres projets de rapprochement sur le plan européen.

Le succès rencontré par EADS au cours des dix dernières années ne devrait pas se démentir. Il est notamment porté par le développement du secteur de l’aviation civile sur le plan mondial et la réussite de sa principale filiale Airbus, qui dispose d’un carnet de commandes de plus de 4 400 appareils. Ce succès profite à l’ensemble de la filière aérospatiale française, qui représente plus de 300 000 personnes et qui constitue le premier secteur exportateur du pays avec 18 milliards d’euros d’excédent commercial.

En tant que fer de lance de cette filière, EADS se doit d’être exemplaire et de soutenir l’ensemble des entreprises de la filière dans leur développement. Je pense en particulier aux PME, qui peuvent être confrontées à des difficultés pour financer leur croissance. À ce titre, je salue l’engagement que viennent de prendre les industriels de l’aéronautique au sein du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le GIFAS, d’allonger à six mois la période des commandes fermes adressées à leurs sous-traitants. Une telle mesure prise en concertation avec les banques est de nature à faciliter le financement du besoin de fonds de roulement de la supply chain.

L’annonce récente par Airbus de l’implantation d’une usine d’assemblage aux États-Unis peut être saluée comme une démonstration de la réussite de la filière aéronautique européenne dans son ensemble et, en particulier, du dynamisme d’Airbus pour améliorer sa position sur le marché. Les sites européens d’Airbus et la filière européenne dans son ensemble devraient pleinement bénéficier des retombées positives en termes de volume d’activité attendues de cette usine.

Cet investissement aux États-Unis doit non seulement permettre à Airbus de conquérir des parts de marché aux États-Unis, mais également de créer des emplois dans l’ensemble de la chaîne de sous-traitance française et européenne. Le Gouvernement fera preuve d’une grande vigilance et veillera à ce que cet investissement ne se fasse en aucun cas au détriment des sites européens d’Airbus et de la filière aéronautique européenne et française.

L’année 2012 a marqué une étape dans l’histoire du groupe, avec la prise de fonctions, en application du principe d’alternance des nationalités, de M. Thomas Enders, qui a succédé, le 31 mai dernier, à M. Louis Gallois à la présidence exécutive d’EADS. Je souhaite ici saluer le bilan remarquable de M. Gallois à la tête de la société et encourager M. Enders à poursuivre en ce sens, dans le respect de l’équilibre franco-allemand au sein de la société.

Je me félicite par ailleurs de la décision prise récemment par M. Enders de regrouper à Toulouse le siège d’EADS, dont les différentes fonctions sont actuellement localisées à Paris et Munich. Cette décision souligne le rôle moteur que joue la France dans le domaine aérospatial, plus particulièrement la région Midi-Pyrénées, qui accueille d’ores et déjà la direction d’Airbus.

Du fait du caractère stratégique que représente la société pour la France, que ce soit sur le plan industriel, où elle joue un rôle moteur pour l’ensemble de la filière, ou dans le domaine de la défense, où elle contribue à la dissuasion nucléaire, l’État entend maintenir sa participation au capital et continuer à l’accompagner dans son développement, en tant qu’actionnaire, bien sûr, mais aussi dans le cadre des différents dispositifs de soutien mis en place dans le domaine de la recherche et développement ou du financement à l’exportation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je vous remercie chaleureusement de cette réponse exhaustive, qui a balayé tous les sujets et qui a également eu le mérite de retracer la genèse d’EADS, créée après la décision prise en 2000 sous le gouvernement Jospin.

Compte tenu de la participation de l’État au capital de cette société à hauteur de 15 %, j’ai bien compris, vous l’avez dit clairement, qu’il s’agissait d’encourager M. Enders à suivre le même chemin que son prédécesseur. Grand commis de l’État, M. Gallois connaît par définition le rôle de l’État dès l’instant où ce dernier est actionnaire dans une grande société.

Si la participation de l’État au capital d’EADS est bien sûr maintenue, j’observe que, s’agissant de celle de M. Lagardère, il y a quelques points d’interrogation. Or, il y a quelques mois encore, personne n’était capable de dire qui prendrait en charge cette participation dans l’hypothèse où M. Lagardère l’abandonnerait. J’imagine que cette question sera étudiée très rapidement par le Gouvernement.

Cela étant, madame la ministre, je suis satisfait que vous m’ayez donné des assurances en ce qui concerne la vigilance de l’État.

M. Jean-Michel Baylet. Nous y tenons !

M. Jean-Jacques Mirassou. Comme vous l’avez souligné, cette vigilance est d’autant plus justifiée pour une entreprise qui, comme EADS, fabrique de l’armement.

Nous suivrons conjointement l’évolution de ce dossier dans les semaines et les mois qui viennent.

conditions d’agrément des établissements de formation en ostéopathie

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, auteur de la question n° 1614, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Maryvonne Blondin. Ma question porte sur les conditions d’agrément des établissements de formation en ostéopathie.

Chaque année, environ 3 000 nouveaux ostéopathes sortent des écoles et arrivent sur le marché. Leur nombre a doublé en moins de trois ans. Au total, on évalue à 17 500 le nombre actuel d’ostéopathes en France. De plus, l’offre de formation explose : plus de 50 écoles ont reçu l’agrément en trois ou quatre ans et un arrêté du 21 juin 2012 est venu allonger encore la longue liste des établissements agréés.

Par comparaison, le Royaume-Uni, qui fait figure de bastion de l’ostéopathie, ne compte qu’une dizaine d’établissements agréés et un peu moins de 4 000 professionnels.

Pour la Fédération française d’ostéopathie, c’est beaucoup trop ! Le syndicat français des ostéopathes estime, pour sa part, qu’« une quinzaine d’établissements seulement forment des praticiens sérieux ».

Daté d’avril 2010, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales a été rendu public sur internet en mai 2012. L’IGAS pointe des dysfonctionnements sévères et « une procédure d’agrément des écoles mal organisée, insuffisamment précise et de faible qualité juridique ». Le constat est très sévère : un tiers des écoles ont obtenu l’agrément « sur recours gracieux à la suite, le plus souvent, d’un avis défavorable de la commission nationale d’agrément ».

Il convient donc de mettre un terme à la dérive de la procédure d’agrément, qui doit être vite réformée.

Cette réforme passe par une révision à la hausse de la qualification des enseignants et par une plus forte ouverture des établissements aux mondes universitaire et sanitaire. Aujourd’hui, en effet, les tentatives de rapprochement et de collaboration ont souvent du mal à se concrétiser, notamment avec le secteur public hospitalier.

Si la profession a été reconnue par la loi Kouchner du 4 mars 2002, la réforme de la réglementation sur l’agrément des établissements de formation est toujours en jachère, malgré la pression exercée par les organisations syndicales.

Un alignement sur les critères recommandés par l’Organisation mondiale de la santé paraît indispensable et l’Union fédérale des ostéopathes de France le soutient fortement : il faudrait avoir suivi au moins 4 200 heures d’études pour être diplômé, dont environ 1 000 heures de pratique clinique. Aujourd’hui, en effet, de trop nombreux étudiants commencent à exercer sans avoir une réelle expérience de la pratique.

Je vous remercie, madame la ministre déléguée, de bien vouloir m’apporter des précisions sur ce dossier important, dont nous mesurons les enjeux. Pouvez-vous aujourd’hui m’indiquer la date de publication des décrets d’application ainsi que les mesures que vous comptez prendre dans ce domaine ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, à qui votre question était destinée. Elle est actuellement en déplacement avec le Président de la République.

Les conditions de formation en ostéopathie, notamment les conditions d’agrément des écoles, requièrent en effet toute l’attention du Gouvernement, particulièrement du ministère des affaires sociales et de la santé.

L’augmentation du nombre d’écoles et de professionnels en exercice nous alerte sur les risques en matière de santé. Le secteur de l’ostéopathie s’est considérablement développé ces dernières années, dans des conditions non satisfaisantes. En effet, l’ensemble des acteurs sont unanimes pour reconnaître que le nombre d’écoles agréées est trop important par rapport aux débouchés professionnels et pour dénoncer des manquements en termes de qualité de l’enseignement que les critères actuels ne permettent pas de prévenir.

Le projet de texte élaboré par le précédent gouvernement ne répond en rien à ces problèmes. Les besoins de l’offre de soins doivent fixer le niveau de qualité requis et réguler le nombre de professionnels. Il est donc nécessaire de reprendre le travail commencé en 2002 pour encadrer la pratique de l’ostéopathie, qui n’est pas sans risque lorsqu’elle n’est pas mise en œuvre par un professionnel dûment formé.

C’est pourquoi, sur la base du rapport rendu par l’Inspection générale des affaires sociales en avril 2010, le Gouvernement va réengager très rapidement un travail sur l’encadrement réglementaire de l’exercice de cette profession, tant sur le volet formation que sur l’encadrement des écoles. Si les solutions envisagées devront prendre en compte les attentes des professionnels concernés, qu’ils soient professionnels de santé ou non, elles devront avant tout répondre aux exigences de qualité et de sécurité des soins.

M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin.

Mme Maryvonne Blondin. Madame la ministre déléguée, je vous remercie d’avoir bien souligné tous les risques et toutes les dérives liés à la formation en ostéopathie. J’ajoute que cette formation coûte entre 7 000 euros et 8 000 euros par an. C’est donc bien à une dérive importante que nous assistons.

Comme vous l’avez bien précisé, il est absolument nécessaire que des référentiels soient mis en place au sein de cette profession. L’urgence consiste évidemment, comme vous l’avez rappelé, à mettre en place un encadrement : l’ostéopathie étant une profession médicale, elle doit faire l’objet d’un véritable encadrement qui garantisse la qualité des soins dispensés.

Le syndicat national de l’enseignement supérieur en ostéopathie, le SNESO, a lancé un premier référentiel de formation par compétence. Intitulé Devenir ostéopathe. Agir avec compétence, ce document écrit par un professeur à l’université de Sherbrooke est le fruit de plusieurs années de travail et de la participation des grandes écoles membres du SNESO.

Un encadrement plus rigoureux est nécessaire et indispensable. Il s’agit véritablement d’un problème de santé publique.

urgence médicale en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 1615, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Jean Boyer. Je pense depuis plusieurs semaines à soulever le problème de la démographie médicale en milieu rural, auquel je sais que je ne suis pas le seul à être confronté.

Les perspectives à court et à moyen terme sont inquiétantes. Afin de positiver certains messages, on peut bien remplacer le qualificatif « désert » par celui d’« oasis » – ce qui, reconnaissons-le, est psychologiquement plus porteur –, mais le problème reste le même au niveau de la réalité du terrain.

Certes, cette situation quotidienne ne date pas des derniers mois. Mais le fait est qu’elle s’amplifie régulièrement. Ainsi, si le nombre de médecins n’a jamais été aussi élevé en France, sa hausse a été moins rapide que l’augmentation de la population. Dans ces conditions, comment inciter les médecins à venir sur nos territoires et à bénéficier des atouts du monde rural ?

L’aménagement du territoire, c’est d’abord donner au monde rural une parité humaine et sociale, donc aussi médicale.

N’y a-t-il pas une contradiction fondamentale à vouloir maintenir à domicile dans la France profonde nos aînés, voire nos personnes handicapées, si nous n’assurons pas leur sécurité sanitaire ?

Un service d’urgence situé parfois à plusieurs dizaines de kilomètres n’est vraiment pas rassurant, particulièrement en zone de montagne. Outre un indiscutable surcoût, le transfert des patients occasionne un risque médical aggravé par la longueur du trajet ou les difficultés d’accès au cœur des villes.

Madame la ministre déléguée, est-il possible, par des conventions contractualisées, d’assurer une présence médicale concrète dans nos zones à faible densité, qui sont aussi souvent des zones de revitalisation rurale ? Leurs habitants les plus âgés n’ont aujourd’hui pas d’autre solution que le repli sur une maison de retraite. Quelle nature de convention pourrait-on légalement établir entre les collectivités territoriales et les futurs médecins pour inciter et non contraindre ?

Je sais que vous en avez conscience, la présence médicale de proximité est la première priorité de la France rurale. Elle vient avant la présence des pompiers et de la gendarmerie. On souhaite d’abord pouvoir rester en sécurité et avoir un médecin. C’est pourquoi je souhaite connaître l’orientation du Gouvernement et savoir quelles mesures il compte proposer dans ce domaine.

Le monde rural est une chaîne avec des maillons complémentaires. La présence médicale est un maillon incontournable, qui doit être pris en compte pour l’avenir de nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je me permets d’excuser à nouveau l’absence de Mme Touraine, à qui votre question était destinée.

Nous sommes d’accord avec votre constat. Le gouvernement précédent nous a laissé une situation très difficile en matière d’accès aux soins, notamment en zones rurales.

Plus de 7 % de nos concitoyens habitent dans des zones dont la densité médicale est préoccupante. Notons qu’ils sont deux millions de plus qu’il y a cinq ans. Compte tenu du départ à la retraite des générations du baby-boom, l’avenir est préoccupant.

Nous savons tous que le départ à la retraite d’un médecin, surtout dans les territoires ruraux, est une inquiétude majeure pour la population.

La priorité est de répondre aux situations d’urgence vitale, dans lesquelles le temps d’accès à des soins urgents est primordial pour préserver des vies. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a fixé un délai de trente minutes pour l’accès aux soins urgents.

Les agences régionales de santé ont déjà reçu instruction de réaliser un diagnostic et d’identifier des solutions à mettre en œuvre pour tenir cet engagement.

Au-delà de ces situations extrêmes d’urgence vitale, qui sont heureusement rares, l’accès aux soins courants, c’est-à-dire à un médecin généraliste, doit être assuré partout.

Pour enrayer le processus de désertification médicale, nous ne croyons pas à l’efficacité des mesures coercitives en matière d’installation, surtout si elles ne concernent qu’une partie des professionnels, les plus jeunes, contraints d’assumer à eux seuls toutes les limites actuelles du système.

Il faudra être innovant et, au besoin, faire sauter quelques tabous pour répondre aux réelles attentes des jeunes médecins, à qui nous devons donner l’envie d’exercer ce magnifique métier. Pour cela, nous devons mettre en place les conditions concrètes qui le rendent possible : travail en équipes, horaires décents, installation facilitée pour les médecins libéraux ou nouvelles formes d’exercice, implantation de maisons, de pôles ou de centres de santé le cas échéant, mobilisation des hôpitaux de proximité, parcours professionnels diversifiés.

Nous devrons inventer de nouvelles solutions, en liaison avec les élus locaux, pour attirer les professionnels de santé là où nous avons réellement besoin d’eux.

À cet égard, la formation constitue un levier majeur. Il s’agira par exemple de faire découvrir le métier de généraliste tôt dans les études de médecine en rendant effectifs les stages de deuxième cycle chez les praticiens libéraux.

Nous développerons aussi le nombre de contrats d’engagement de service public pour les étudiants, afin que, en contrepartie des bourses versées, ils s’installent dans des zones en difficulté. La ministre des affaires sociales et de la santé a ainsi décidé d’augmenter de 7 % leur nombre pour la prochaine rentrée.

Enfin, si dans certaines situations extrêmes l’initiative libérale faisait réellement défaut, le service public, comme il le fait partout ailleurs, serait mobilisé pour offrir l’accès aux soins légitimement attendu par les populations.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Madame la ministre, l’évolution de la situation politique a voulu que ce ne soit pas le précédent gouvernement qui réponde à cette question. Je l’avais posée, car – je le dis très modestement – quand on vit dans un département dont vingt-deux des trente-cinq cantons sont classés en ZDR, c’est-à-dire en zones de développement durable – un seul autre département en France se trouve dans ce cas, exception faite des trois dont l’ensemble du territoire est en ZDR –, on a quelques idées sur le problème. Certes, je n’ai pas la prétention d’en savoir plus que les autres, mais j’entends la souffrance et l’inquiétude qui s’expriment. Et quand on me dit que nous ne faisons rien pour faire venir un médecin, je suis souvent un peu désarmé.

Sans prolonger notre débat, je pense que des mesures peuvent être prises, en respectant bien sûr les médecins, car, avec l’évolution de notre société, l’état d’esprit a changé.

J’ai bien conscience que le médecin de campagne d’autrefois, qui vivait presque son métier comme une vocation et travaillait de dix à douze heures par jour, c’est fini. Toutefois, entre cette situation-là et la concentration des médecins dans les grandes villes, il y a de la marge ! Ma question exprimait mon souhait que soient trouvées, quel que soit le gouvernement en place, des solutions légales à ce problème, sur lequel j’ai eu à me pencher. Par parenthèse, madame la ministre déléguée, votre réponse était très complète et constructive, je dois le dire, car parfois les moyens ne suivent pas la volonté.

Aujourd’hui, des règles administratives et constitutionnelles empêchent que les membres des professions libérales fassent la même chose que les instituteurs ou les gendarmes, par exemple commencer leur carrière dans un village de la France profonde. Il n’est même pas possible de les y inciter ! Tel est l’obstacle auquel nous sommes confrontés, me semble-t-il.

Madame la ministre déléguée, vous qui remplaciez un autre membre du Gouvernement, je dois vous dire que vous m’avez répondu avec beaucoup de conviction et de compétence.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Merci !

contrats aidés dans l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 9, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Thierry Foucaud. Je commencerai par un constat : depuis 2006, le ministère de l’éducation nationale a recours aux contrats aidés pour remplir des missions devenues essentielles au bon fonctionnement des écoles, qu’il s’agisse d’apporter une aide administrative aux établissements ou d’accompagner les élèves en situation de handicap.

Ces contrats de droit privé devaient être assortis d’actions de formation et d’accompagnement de la part de l’employeur, pour permettre une réelle insertion dans l’emploi. Or, jusqu’à présent, l’éducation nationale n’a jamais vraiment répondu à ces obligations.

Depuis 2009, les recours déposés devant les conseils des prud’hommes pour défaut de formation se sont multipliés. Différents jugements requalifiant les contrats en CDI ont été confirmés en cour d’appel, comme à Rouen, où quatre-vingt-un anciens salariés ont été indemnisés pour un montant total de près de 1 million d’euros. L’État a alors préféré le paiement des indemnités de licenciement – 10 000 euros en moyenne par recours – à la pérennisation des emplois correspondants.

Dans le même temps, chaque année, des milliers de personnes sortent de ces dispositifs sans aucune perspective d’emploi et sans pouvoir faire valider une quelconque expérience, comme le constate d’ailleurs la Cour des comptes dans son rapport de 2011.

L’incertitude demeure quant aux milliers d’AVS, c’est-à-dire d’assistants de vie scolaire, et d’EVS, c’est-à-dire d’emplois de vie scolaire, dont les contrats arrivent à terme au 30 juin 2012 ou au 31 août 2012.

Monsieur le ministre, compte tenu de tous ces éléments, comptez-vous, à la rentrée prochaine, réétudier le principe de recrutement des contrats aidés et contribuer à pérenniser l’emploi de ceux de ces milliers de salariés en grande précarité qui le souhaitent ? En outre, pourriez-vous m’indiquer si de promptes et véritables négociations pour la création d’emplois statutaires et la titularisation des personnes en fonction sont programmées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, les personnels employés dans le cadre des différents dispositifs de contrats aidés exercent aujourd’hui au sein de l’éducation nationale des missions extrêmement importantes – je veux d’ailleurs rendre hommage à ces agents – visant à aider les directeurs d’école qui en ont besoin, à contribuer au bon fonctionnement de la vie scolaire de façon globale et à accompagner les élèves handicapés en milieu scolaire ordinaire.

Depuis 2010, ils sont recrutés, quelle que soit leur mission, sous la forme d’un même contrat, le contrat unique d’insertion. Ce dernier permet de conserver en poste par renouvellements successifs la même personne jusqu’à vingt-quatre mois en général et, dans certains cas, jusqu’à soixante mois, souvent sous condition d’âge. Ce contrat devrait être assorti d’une formation adaptée et d’un accompagnement personnalisé, afin de permettre l’insertion du bénéficiaire dans un emploi pérenne. Or, vous avez raison d’appeler notre attention sur ce point, l’éducation nationale n’a pas respecté certaines de ces obligations.

En arrivant aux responsabilités, le Gouvernement a constaté que la pérennisation de ces contrats, dans l’éducation nationale ou dans d’autres secteurs, n’avait pas été budgétée. L’une de nos premières mesures, s’agissant de personnes qui se trouvent en grande précarité, a été de renouveler ces contrats, qui, je le répète, n’avaient pas été inscrits au budget. Ils étaient plus de 100 000 si l’on prend en compte l’ensemble des contrats aidés, dont plus de 12 000 pour l’éducation nationale. C’était une tâche d’urgence, car, en l’absence d’une telle mesure, à la fin du mois de juin prochain, ces personnes se retrouvaient à Pôle emploi, alors que leur situation est déjà assez difficile.

Je le reconnais, l’éducation nationale devra se préoccuper davantage de la formation et de l’accompagnement des personnels concernés. Des conventions tripartites associant la direction régionale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, le rectorat et le site régional de Pôle emploi ont été signées, mais elles n’ont été que très peu suivies d’effets. Les récentes condamnations par les conseils de prud’hommes pour défaut de formation ont confirmé, vous l’avez rappelé, la faiblesse du dispositif. C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale s’attaquera à ce problème en agissant sur deux plans.

Premièrement, l’obligation d’organiser des actions de formation prévue pour les contrats uniques d’insertion sera respectée. Un cahier des charges a été établi et transmis aux recteurs pour que la mise en œuvre de ce dispositif soit réelle et contrôlable.

Deuxièmement, la création d’emplois dans l’éducation nationale permettra dans les années à venir d’offrir des contrats plus stables, avec une organisation de la formation construite dans la durée. Sachez que l’une de nos préoccupations essentielles, comme chaque fois que la gauche revient aux responsabilités d’ailleurs, est la résorption de la précarité et la formation de ces personnels, par exemple les auxiliaires de vie scolaire.

J’ai demandé à la ministre déléguée en charge des personnes handicapées et à la ministre déléguée à la réussite scolaire de formuler des propositions pour la rentrée, de s’assurer que des formations convenables soient organisées, enfin, puisque vous avez évoqué les validations, que des certifications soient créées pour permettre à ces personnels d’être recrutés et d’évoluer professionnellement.

Vous le savez, le Gouvernement a pris déjà des engagements pour ce qui concerne les recrutements et nous continuerons en ce sens dans le plan de programmation pluriannuelle présenté à l’automne prochain.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être déplacé pour répondre personnellement à ma question, la seule de notre séance de ce matin à porter sur l’éducation nationale.

Je prends acte avec satisfaction de la volonté affichée par le Gouvernement d’offrir un statut aux professionnels concernés, qui auraient d’ailleurs vocation à voir leur emploi pérennisé et à accéder à une véritable formation. Vous vous y êtes engagé ce matin, en rappelant qu’aucun budget n’avait été inscrit pour cette année mais que les contrats seraient renouvelés, que la formation était pour vous une question centrale et que les obligations de l’État en la matière devraient être respectées. Enfin, vous m’avez répondu en ce qui concerne les validations.

Cela étant, je reste préoccupé par la situation des personnels dont les contrats arriveraient bientôt à l’échéance et ne seraient pas reconduits, même si je sais que le nouveau gouvernement a déjà fait des efforts, comme le montre votre réponse. Vous avez affirmé que les missions de ces personnels étaient d’une extrême importance. C’est vrai, et le fait de le reconnaître montre que nous allons dans le bon sens.

avenir de la décentralisation

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle, auteur de la question n° 3, transmise à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Philippe Madrelle. En tant que président du conseil général de la Gironde, je tiens à exprimer ma satisfaction, qui doit être aussi celle de nombreux collègues présidents de conseil général, de savoir que nous n’aurons pas à mettre en œuvre la réforme territoriale imaginée par le précédent gouvernement et que le conseiller territorial créé par la loi du 16 décembre 2010 ne verra jamais le jour.

Ce motif de satisfaction ne peut dissimuler l’inquiétude liée aux difficultés que les conseils généraux éprouvent à boucler le projet de budget primitif pour 2013. Je ne rappellerai pas le rôle essentiel joué par les départements dans les politiques de solidarité, qui représentent le cœur de métier de nos conseils généraux. Ces politiques sont mises à mal, d’une part, par l’insuffisance des mécanismes de compensation des dépenses liées aux transferts des compétences de l’État, et, d’autre part, par les conséquences négatives de la réforme fiscale, avec la suppression de la taxe d’habitation et de la taxe professionnelle.

Nous avons bien noté la volonté du Président de la République de restaurer des relations de confiance entre l’État et des collectivités fortes, avec une décentralisation aboutie, au service des citoyens. Néanmoins, pour réussir cette troisième étape de la démocratie territoriale dans un contexte budgétaire tendu, il apparaît essentiel de restaurer les capacités financières locales.

Comme chacun le sait, depuis plusieurs années, pour faire face aux compétences qui nous ont été confiées sans être pour autant financées, nous avons dû faire appel à la fiscalité locale. À titre d’exemple de ces transferts, vous me permettrez de rappeler la loi de 2001 créant l’allocation personnalisée d’autonomie, les lois de 2002 et 2004 départementalisant les services d’incendie et de secours et confiant aux départements le soin d’équilibrer leur budget, la loi de 2003 relative au transfert du RMI, devenu RSA en 2010, la loi de 2004 relative au transfert des routes nationales et des personnels chargés de l’entretien et de la restauration dans les collèges, la loi de 2005 créant la prestation de compensation du handicap.

Traduite en coût global cumulé de la compensation, cette lourde énumération représente pour le conseil général de la Gironde la somme de 390 millions d’euros pour la seule année 2011. Ce montant est supérieur à celui que nous consacrons annuellement à nos investissements.

Vous le savez, madame la ministre, cette politique d’accompagnement qui s’adresse aux plus vulnérables constitue le socle de notre pacte social républicain. Mon propos n’est pas de la remettre en question, mais elle concerne des dépenses soumises à une évolution soutenue : entre 2008 et 2011, le coût des trois allocations individuelles de solidarité a progressé de 31 %.

Cette évolution est par nature impossible à maîtriser. Elle est aussi de plus en plus difficile à supporter si on lui ajoute les conséquences négatives de la réforme fiscale imposée par le gouvernement précédent, qui ampute considérablement notre autonomie financière. C’est ainsi que, en Gironde, notre liberté de décision en matière de mobilisation de ressources est passée à moins de 17 %, contre plus de 37 % auparavant.

Dans de nombreux départements, cette situation se traduit par une équation budgétaire d’une limpidité inquiétante : le rythme d’augmentation de ces allocations de solidarité nationale est constamment plus élevé que celui des recettes pérennes de la fiscalité et des compensations.

Dans un tel contexte d’effet de ciseaux budgétaire, l’alternative est simple : soit l’État transfère une nouvelle ressource pérenne ou indexée pour financer ces allocations, soit il les prend à sa charge, au nom de la solidarité nationale et de l’égalité des bénéficiaires, indépendamment de la diversité de fragilité financière des départements.

J’ajoute que ces derniers engagent par ailleurs des dépenses non obligatoires de solidarité et de péréquation territoriale, qu’il serait particulièrement hasardeux de considérer comme des variables d’ajustement au lendemain d’élections présidentielle et législatives ayant révélé les inquiétudes et le désarroi d’un monde rural que les conseils généraux tiennent à bout de bras depuis que l’on a renoncé à toute politique rurale et d’aménagement du territoire sur le plan national.

Dès lors, madame la ministre, une question se pose : quelle est la solution pour boucler un budget constitué de dépenses qui augmentent fortement sans pouvoir être maîtrisées et de recettes qu’il n’est plus possible de faire évoluer suffisamment pour couvrir les dépenses ?

Sachez que nous sommes déterminés à réussir avec vous un nouvel acte fort de la décentralisation : l’approfondissement du rôle et des compétences du département, lequel doit être au service des citoyens qui y vivent.

(M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur, soyez assuré que nous ferons le nécessaire pour apposer le mot « fin » sur cette histoire du conseiller territorial, que le Sénat a d’ailleurs commencé à écrire en adoptant une proposition de loi relative à son abrogation.

Vous avez appelé mon attention, ainsi que celle du ministre de l’économie et des finances ici présent, qui est très intéressé par le sujet, sur la situation des départements, qui sont de toute évidence confrontés à des difficultés financières spécifiques. Comme vous l’avez rappelé, leurs marges de manœuvre ont été limitées par la réforme de la taxe professionnelle puisqu’ils ne peuvent désormais plus voter que les taux de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Certes, le produit des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, a progressé de 1,4 milliard d’euros en 2011, mais, selon les dernières données disponibles, il pourrait se stabiliser en 2012. Il présente en effet l’inconvénient d’être très volatile.

Parallèlement à cette tension sur les recettes, les dépenses des départements en matière d’action sociale sont en forte progression : elles ont ainsi augmenté de 18 % entre 2008 et 2011. Or, en 2011, les départements ont reçu 8,48 milliards d’euros de concours financiers de l’État, pour le revenu de solidarité active – le RSA –, l’allocation personnalisée d’autonomie – l’APA – et la prestation de compensation du handicap – la PCH –, alors que leurs dépenses se sont élevées à 14,28 milliards d’euros – soit un différentiel lourd, de presque 6 milliards d’euros.

Une partie de ce différentiel est liée à la progression du coût des allocations depuis leur transfert aux départements ; c’est en particulier le cas du RSA. Une autre partie résulte du mode de financement choisi pour l’APA, partagé entre les départements et la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Pour faire face à ces dépenses, certains départements ont déjà procédé à des coupes claires dans d’autres postes budgétaires, notamment dans des dépenses d’équipement, ce qui n’est pas bon pour la croissance. Ainsi, entre 2008 et 2011, les dépenses d’équipement direct des départements dans leur ensemble ont diminué de 18,6 %, tandis que les subventions d’équipement ont elles aussi fortement baissé, de 15,6 %. Le Gouvernement en a bien conscience.

C’est notamment pour apporter des solutions pérennes à ce problème de financement que le Président de la République et le Premier ministre ont lancé une réforme de la dépendance. Pour ma part, j’ai proposé que l’on étudie la possibilité qu’une part de l’impôt national – elle reste à définir – contribue au financement. Ma collègue Marisol Touraine et moi-même avons commencé à explorer cette piste. Sur ce point, comme sur bien d’autres, les travaux du Parlement nous seront très utiles.

L’examen du projet de loi de finances pour 2013 sera l’occasion de débattre de la mise en œuvre d’un fonds de péréquation départemental de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE. En effet, comme l’a relevé, dans son rapport, la mission commune d’information du Sénat que présidait Anne-Marie Escoffier, qui vient d’être nommée ministre déléguée, la CVAE est moins équitablement répartie que ne l’était la taxe professionnelle, et la création d’un tel fonds de péréquation permettrait de soutenir financièrement les départements les plus défavorisés.

Le Comité des finances locales a créé un groupe de travail sur le sujet, dont les travaux doivent aboutir rapidement – je l’espère, avant la fin du mois de juillet. Nous travaillerons sur ses propositions pour présenter au ministre de l’économie et des finances, puis au Premier ministre, des hypothèses de mise en œuvre.

De son côté, le Fonds national de péréquation des DMTO, déjà en vigueur, permettrait de redistribuer des sommes non négligeables : 458 millions d’euros attendus en 2012, après 440 milliards d’euros en 2011.

Enfin, je souhaite réaffirmer la volonté du Gouvernement de procéder aux réformes structurelles nécessaires, dont vous avez parlé, pour que la fiscalité, dans les territoires, soit plus juste. C’est la raison pour laquelle j’étudie les propositions des sénateurs François Marc et Pierre Jarlier pour, d’une part, adapter les modalités de révision des valeurs locatives professionnelles et, d’autre part, étendre l’expérimentation à la révision des valeurs locatives d’habitation. Ce n’est pas une mince affaire ! Le processus de révision des valeurs locatives vise à une meilleure justice fiscale et répond à la multiplication des contentieux fiscaux portant sur les assiettes actuelles.

Il faudrait par ailleurs renforcer la péréquation horizontale promue par le Gouvernement ; nous nous y employons.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement est au travail sur cette question comme sur toutes celles qui concernent les collectivités territoriales. Il est soucieux de travailler en étroite collaboration avec les élus locaux et le Parlement. Il prendra notamment en compte les travaux du futur Haut Conseil des territoires, que le Président de la République appelle de ses vœux et dont la création a été confirmée par le Premier ministre lors de sa venue dans cet hémicycle, le 4 juillet dernier.

Il est évident que les sujets de la péréquation et les réponses à apporter au « déficit des départements » – je reprends votre expression – seront à l’ordre du jour de la préparation de la loi de finances comme des lois de décentralisation, lesquelles doivent nous permettre d’avoir des assiettes fiscales justes, répartissant équitablement les recettes sur nos territoires. En effet, si les territoires sont, pour nos concitoyens, des lieux de vie, ils sont aussi des lieux de production et participent au redressement de la France.

M. le président. La parole est à M. Philippe Madrelle.

M. Philippe Madrelle. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très argumentée.

Vous l’avez bien compris, les dépenses des conseils généraux explosent, notamment dans le domaine de la solidarité, tandis que leurs ressources s’effritent inexorablement. Les collectivités territoriales ont progressivement perdu leur autonomie fiscale, réduite à 10 % des recettes des régions et à 17 % de celles des départements.

Vous venez de le dire, il faut préserver à tout prix une filière de proximité et de services autour du couple commune-département, afin d’enraciner la démocratie républicaine au plus près des citoyens, à une époque où, après les quartiers « ghettos », le sentiment d’abandon pousse les votes ruraux vers les mirages et les populismes du Front national.

Je fais confiance à votre volonté politique et à celle du Gouvernement pour trouver des solutions efficaces et durables permettant de sortir du contexte mortifère dans lequel se débattent les départements.

assouplissement de certaines règles de la comptabilité publique

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 5, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, permettez-moi d’appeler votre attention sur les conséquences, pour les finances locales, de certaines règles de la comptabilité publique. Pour illustrer mon propos, j’évoquerais la situation, dans mon département de la Haute-Savoie, du syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais, le SIAC.

Cet EPCI, qui regroupe 62 communes et 124 000 habitants, a, depuis l’annulation, en 2005, du projet autoroutier A400 par le Conseil d’État, participé au financement du contournement de Thonon-les-Bains.

De près de 26 millions d’euros, sa contribution s’est matérialisée par des subventions d’équipement, versées annuellement au conseil général, maître d’ouvrage. Ces fonds proviennent à 90 % d’emprunts contractés par le syndicat – certains sur trente ans, d’autres sur quarante ans. Or l’instruction comptable M14 prévoit que ce type de subventions d’équipement soit amorti sur quinze ans par l’inscription de dotations aux amortissements en dépenses de fonctionnement, durée qui avait pu être allongée à trente ans grâce à une dérogation.

Toutefois, l’importance des dépenses en question générait un déficit de la section de fonctionnement du budget. Le syndicat a donc demandé, en 2009 et en 2010, une nouvelle dérogation lui permettant d’étaler l’amortissement sur quarante ans. Cette dérogation lui a malheureusement été refusée par le représentant de l’État.

Lors du débat d’orientation budgétaire pour 2011, les élus syndicaux ont décidé d’aligner le rythme d’amortissement des subventions d’équipement sur celui du remboursement des emprunts, et ce pour trois raisons : ne pas alourdir les charges pesant sur les communes membres ; générer en recettes d’investissement les crédits permettant seulement d’assurer le remboursement du capital des emprunts souscrits ; éviter l’accumulation de recettes d’investissement dont le syndicat n’avait nul besoin.

Le budget alors établi, avec une dotation aux amortissements inférieure à celle qui aurait dû découler de l’application de la M14, a été jugé insincère par le préfet, qui a saisi la chambre régionale des comptes.

Pour ma part, ce dossier m’apparaît comme l’exemple type des limites de l’application des dispositions de la M14. En effet, les règles de celles-ci ont pour conséquence d’obliger le syndicat, chaque année, à inscrire, d’une part, une somme supérieure à la dépense réellement engagée en dépenses de fonctionnement et, d’autre part, une dotation équivalente en recettes d’investissement. Ces dernières font ainsi l’objet d’un accroissement significatif, alors que le SIAC n’en a aucun besoin ni aucune utilité.

Une telle augmentation suppose bien évidemment de demander aux communes membres une contribution financière plus importante que nécessaire, avec, pour corollaire, une situation totalement ubuesque en période de crise, où les moyens font cruellement défaut : l’immobilisation, pour de simples raisons comptables, de sommes élevées, alors que les besoins en crédits d’investissement sont par ailleurs importants.

Si je comprends parfaitement les impératifs inhérents à la gestion publique, force est de constater que l’on se trouve ici en totale opposition avec la réalité du fonctionnement des collectivités et du seul besoin qui est aujourd’hui le leur, comme d’ailleurs celui de notre État : un assouplissement des règles. Le Président de la République Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs confié une mission en ce sens à notre collègue Éric Doligé, sénateur du Loiret, lequel a déposé une proposition de loi à ce sujet.

En conclusion, monsieur le ministre, à un moment où l’argent public se fait rare mais où la pression sur les collectivités s’accroît, il apparaît indispensable et urgent d’assouplir certaines règles de l’instruction comptable M14. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de mettre en œuvre afin de lever ce type de contraintes qui pèsent aujourd’hui sur les collectivités locales ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, vous le savez, les subventions d’équipement versées par les collectivités locales constituent des immobilisations. De ce fait, elles représentent des dépenses d’investissement, ce qui permet leur financement par l’emprunt ; cela répond d’ailleurs à une demande ancienne des collectivités.

La contrepartie de la qualification d’immobilisation – c’est logique dans les règles comptables – tient dans l’obligation d’amortir. L’amortissement vise à retracer la dépréciation d’un bien en fonction de l’usure : la durée d’un emprunt est corrélée non pas à la durée d’utilisation des biens, mais bel et bien à ce paramètre.

En la matière, les durées initialement fixées étaient de cinq ans lorsque la subvention bénéficiait à une personne privée et de quinze ans lorsqu’il s’agissait d’une personne publique. Vous l’avez dit, ces durées se sont vite révélées inadaptées à la réalité. De nombreuses dérogations interministérielles ont donc dû être accordées, notamment au syndicat intercommunal d’aménagement du Chablais.

Conscientes de ces imperfections, les administrations centrales concernées, la direction générale des collectivités locales et la direction générale des finances publiques, ont demandé que soit réuni un groupe de travail, composé des représentants des administrations, du Conseil de normalisation des comptes publics, de magistrats des chambres régionales des comptes et de représentants des collectivités locales. Ce groupe de travail s’est réuni pendant plusieurs mois pour aboutir à la rédaction de l’avis n° 2011-01 du 15 mars 2011.

Les administrations centrales ont d’ores et déjà traduit les préconisations de cet avis dans les textes. Désormais, les durées d’amortissement des subventions versées par les collectivités ne sont plus fonction de la qualité du bénéficiaire, public ou privé, mais de la nature de l’immobilisation financée, soit cinq ans pour les biens matériels, le mobilier et les études, quinze ans pour les bâtiments et les installations et trente ans pour les projets d’infrastructure d’intérêt national. Cette évolution, positive, permet d’asseoir l’amortissement en fonction d’une réalité non plus statutaire ou juridique, mais bel et bien économique.

En novembre dernier, le Comité des finances locales, qui avait été saisi de cette question, a émis un avis favorable sur le décret et les arrêtés de mise à jour des instructions budgétaires et comptables au 1er janvier 2012.

J’ajoute que la position élaborée par le groupe de travail réuni par le Conseil de normalisation des comptes publics a également pris en compte la problématique de l’équilibre budgétaire qui s’impose aux collectivités locales. En effet, l’allongement à l’excès des durées d’amortissement des subventions, s’il permet dans un premier temps d’alléger les dépenses de fonctionnement d’une collectivité, a également pour conséquence d’obérer sur une longue durée ses marges de manœuvre budgétaires.

Le cas que vous évoquez aura donc provoqué une issue que, je l’espère, vous trouverez positive.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous avez bien voulu m’apporter.

Je prends acte des efforts qui ont été faits. Dans le contexte actuel, où l’argent public se fait rare, une certaine souplesse est nécessaire afin de permettre aux collectivités de gérer leurs budgets au plus près des besoins et des réalités.

Vous sachant pragmatique, je vous fais confiance pour aller dans ce sens.

dégrèvement des taxes foncières et d’habitation pour vacance d’immeuble

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 1616, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Bernard Piras. Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur l’incohérence existant en matière de dégrèvement des taxes foncières et d’habitation pour vacance d’immeuble.

Aux termes de l’article 1389 du code général des impôts, le dégrèvement de la taxe foncière peut être obtenu pour vacance d’immeuble à la triple condition que « la vacance ou l’inexploitation soit indépendante de la volonté du contribuable, qu’elle ait une durée de trois mois au moins et qu’elle affecte soit la totalité de l’immeuble, soit une partie susceptible de location ou d’exploitation séparée ».

Le problème est de savoir à quelles conditions la vacance peut être considérée comme étant indépendante de la volonté du contribuable.

Si les textes sont clairs pour la taxe d’habitation, ils le sont beaucoup moins pour la taxe foncière. En effet, le dégrèvement de la taxe d’habitation sur les logements vacants – taxés au-delà de la cinquième année de vacance – est accordé lorsque le logement est mis en location ou en vente au prix du marché mais qu’il ne trouve pas preneur ou acquéreur. C’est ainsi que l’administration fiscale reconnaît que la vacance est bien indépendante de la volonté du propriétaire. C’est clair, net et précis.

Pour la taxe foncière, il semblerait que cela ne soit pas accepté alors que la vacance répond à cette même condition. Les mots auraient-ils un sens différent pour une même administration selon qu’il s’agit d’une taxe ou d’une autre ? Pour quelles raisons la vacance ne serait-elle pas indépendante de la volonté du contribuable en matière de taxe foncière lorsqu’un logement ou un immeuble, mis en vente au prix du marché, ne trouve pas preneur alors que cet état est reconnu comme indépendant de la volonté du contribuable pour la taxe d’habitation ?

Il serait souhaitable de lever cette ambiguïté, car l’administration fiscale, plusieurs fois interrogée, ne répond pas sur ce point précis. Sa position est que la mise en vente d’un bien est un acte volontaire et que, en conséquence, la vacance, quelle que soit la durée qui peut en découler, ne peut être considérée comme indépendante de la volonté du vendeur, c’est-à-dire du contribuable.

Si la mise en vente est effectivement un acte volontaire du vendeur et n’est donc pas suffisante pour justifier un dégrèvement de taxe foncière, il n’en est pas de même lorsque le bien est en vente depuis plusieurs années aux conditions du marché et qu’il ne trouve pas preneur. Dans ce cas, la vacance devrait être considérée comme indépendante de la volonté du contribuable et justifier un dégrèvement de taxe foncière tout comme cela est clairement admis pour la taxe d’habitation.

Il existe des secteurs géographiques où la demande immobilière est faible, notamment pour certains types de biens. La crise économique que nous connaissons depuis plusieurs années rend plus difficile l’obtention de crédits et ne facilite pas la vente rapide d’un bien. Il serait donc légitime d’accorder un dégrèvement de la taxe foncière dans les mêmes conditions que pour la taxe d’habitation.

Je vous prie, monsieur le ministre, de bien vouloir m’indiquer les mesures que vous entendez prendre pour mettre un terme à cette incohérence.

(M. Jean-Claude Carle remplace M. Thierry Foucaud au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Carle

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je répondrai à une partie seulement de votre question, car le point de savoir s’il y a ou non incohérence mérite un examen plus approfondi.

Vous avez appelé mon attention sur les conditions d’application des dégrèvements de taxe foncière sur les propriétés bâties et de taxe d’habitation sur les logements vacants accordés en cas de vacance d’immeuble. Plus précisément, vous souhaiteriez savoir pour quelles raisons la condition de « vacance indépendante de la volonté du contribuable » s’apprécie différemment – c’est ce que vous appelez une incohérence – pour ces deux taxes, notamment lorsqu’un immeuble mis en vente au prix du marché ne trouve pas preneur.

Cette différence résulte tout d’abord des termes mêmes de la loi.

Les logements vacants ne sont pas soumis à la taxe d’habitation si la vacance est indépendante de la volonté du contribuable. L’appréciation du caractère volontaire ou non de la vacance relève essentiellement de circonstances de fait. Le contribuable doit prouver qu’il a effectué toutes les démarches nécessaires pour vendre ou louer son logement vacant : mise en vente du logement, proposition de location dans plusieurs agences, etc.

En revanche, le dégrèvement de taxe foncière s’applique aux immeubles n’ayant pas trouvé de locataires dans des conditions normales, malgré les démarches effectuées par leur propriétaire afin de pourvoir à leur location. Dès lors qu’un propriétaire n’établit pas qu’un immeuble est destiné à la location, quand bien même il l’aurait proposé à la vente, il ne peut bénéficier du dégrèvement de taxe foncière sur les propriétés bâties.

Cette différence de traitement résulte ensuite, comme l’a rappelé le Conseil d’État dans un arrêt du 13 avril 2005, de la finalité de ces impositions.

La taxe d’habitation sur les logements vacants est une taxe incitative à la remise sur le marché de logements dans certaines communes, cette remise sur le marché pouvant prendre la forme d’une location ou d’une vente.

En revanche, la taxe foncière frappe la détention d’un immeuble bâti, indépendamment de son utilisation. Le dégrèvement au titre de la vacance, qui est une exception d’interprétation stricte, ne trouve sa justification que dans les situations d’impossibilité absolue de générer des loyers pour cet immeuble, donc d’en tirer un revenu.

La logique qui est à l’œuvre est compliquée, je le concède, mais elle résulte de la nature différente de ces deux taxes. Il appartiendra donc à la représentation nationale de se prononcer, si elle le souhaite.

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.

M. Bernard Piras. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que la situation est compliquée.

J’ai bien entendu vos explications sur la finalité de ces deux taxes, mais il n’en demeure pas moins qu’il y a là une incohérence – ce terme n’est peut-être pas le plus approprié –, ou à tout le moins un problème, une même situation donnant lieu à deux traitements différents.

Le débat n’est donc pas clos. Des solutions équitables devront être trouvées, notamment pour les zones où les biens se vendent difficilement, faute d’acquéreurs.

questions économiques et fiscales concernant le secteur viticole

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 15, adressée à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Daniel Laurent. Ma question porte sur cinq problèmes récurrents rencontrés par le secteur viticole.

Le premier point que je souhaite aborder est la libéralisation des droits de plantation, sujet qui a tout particulièrement mobilisé le Sénat à l’occasion de la proposition de résolution sur le régime des droits de plantation de vigne présentée par nos collègues Gérard César et Simon Sutour en février 2011, proposition que j’ai soutenue.

Le règlement européen prévoit la suppression des droits de plantation à compter de 2015, avec une possible prorogation pour les États membres qui le souhaiteraient jusqu’en 2018.

La France a toujours rappelé son attachement à la régulation des marchés agricoles et affirmé son opposition à la suppression des droits de plantation.

Les instruments de régulation sont importants pour les filières agricoles et doivent permettre d’assurer aux agriculteurs un revenu décent et stable. C’est d’ailleurs l’objet d’un engagement franco-allemand signé en 2010, plaçant la régulation des marchés agricoles au cœur des négociations pour la future politique agricole commune.

La filière cognac souhaite pour sa part la mise en place d’un système applicable à tous les vins et géré au niveau de l’interprofession.

Mon deuxième point concerne la réflexion menée par nos partenaires européens sur l’harmonisation de la fiscalité des alcools. Il est nécessaire de mettre en place une vaste discussion entre toutes les parties prenantes, des producteurs aux acteurs de la santé publique, afin de procéder à une refonte globale de la fiscalité sur les boissons alcoolisées.

Le troisième point de mon intervention porte sur les conditions d’exonération de la taxe foncière sur le bâti dans le secteur viticole, conditions sur lesquelles m’ont alerté des viticulteurs de mon département.

Les services des impôts fonciers ont notifié aux viticulteurs contrôlés l’assujettissement à la taxe foncière des bâtiments affectés aux activités de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété, tout comme les bâtiments servant à la distillation des vins en vue d’élaborer des eaux-de-vie de vin, alors même que cette activité de transformation se situe dans le prolongement de l’activité de production.

Les viticulteurs contestent cette interprétation de la législation fiscale. Ils estiment que l’exemption de la taxe foncière aux bâtiments abritant les locaux de présentation, de dégustation et de commercialisation des vins à la propriété est justifiée, car elle s’inscrit dans le prolongement de l’activité de vigneron.

Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?

Mon quatrième point a trait à la problématique de la constitution de provisions pour hausse des prix par les négociants de cognac. La législation en vigueur s’applique aux entreprises de cognac, qui sont exposées aux fluctuations permanentes des cours des matières premières.

Or, en pratique, la constitution des provisions pour hausses des prix sur les eaux-de-vie de cognac connaît de grandes difficultés de mise en œuvre. En effet, l’administration fiscale considère que des cognacs, même d’âges distincts, constituent un produit unique pour l’application du régime des provisions pour hausses des prix. Les professionnels de la région délimitée cognac estiment que cette règle est erronée, car il existe autant d’eaux-de-vie de cognac que de comptes d’âge et de crus.

Ainsi, en raison de l’importance du dispositif des provisions pour hausses des prix pour le produit cognac, et face à l’insécurité fiscale dans laquelle se trouvent les entreprises, les professionnels attendent de l’administration fiscale de pouvoir déterminer les modalités pratiques de calcul des provisions pour hausses des prix, par cru et par compte d’âge, à partir des dispositions posées par l’article 10 nonies de l’annexe 3 du code général des impôts.

Mon cinquième et dernier point concerne les délais de paiement du secteur vitivinicole. Les professionnels du secteur des eaux-de-vie, qui se sont engagés dans une démarche interprofessionnelle impliquant toute la filière, souhaiteraient être soumis au droit commun en matière de délais de paiement, quel que soit le produit.

La réglementation actuelle, en application des dispositions du 3° de l’article L. 443-1 du code du commerce, précise que les délais de paiement applicables aux boissons alcooliques passibles des droits de consommation doivent être inférieurs à trente jours après la fin du mois de livraison.

Dans la note d’information de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n° 2010-18 du 26 février 2010 sur les produits alimentaires visés par l’article L. 443-1 du code du commerce, il est précisé que, pour les boissons alcooliques, « les deux délais qui suivent ne s’appliquent qu’aux boissons destinées à la consommation humaine, à l’exclusion de celles destinées à être transformées » et qu’ainsi « les entreprises qui achètent en suspension de droit sont soumises aux délais légaux ».

Pouvez-vous, monsieur le ministre, m’éclairer sur l’application des délais de paiement ? Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien apporter aux professionnels du secteur viticole sur l’ensemble de ces points.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur, je vais tâcher de répondre à cette série de questions.

En premier lieu, vous avez exprimé votre inquiétude au sujet de la libéralisation des droits de plantation.

Sachez que mon collègue Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et moi-même partageons totalement vos préoccupations.

Le Gouvernement est pourtant convaincu de la nécessité de disposer de moyens de réguler le potentiel foncier viticole, indispensables pour garantir la santé de ce secteur économique, fortement exportateur et dont la France est légitimement fière. C’est pourquoi notre pays affirme avec force et détermination depuis plus de trois ans son opposition – je le redis ici – à une telle dérégulation du secteur vitivinicole.

Dans le cadre du Groupe à haut niveau sur le vin, présidé par le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, la France a exprimé le souhait de maintenir une fiscalité spécifique pour les produits du secteur vitivinicole. À ce jour, aucune suite n’a été donnée à cette première réunion, et il n’existe aucun calendrier de refonte globale de la fiscalité alcoolique aujourd’hui.

Sachez toutefois, monsieur le sénateur, et je le dis à l’ensemble des sénateurs concernés par cette problématique, que le Gouvernement restera très attentif, vous pouvez le croire, à toute reprise éventuelle de ces travaux.

En deuxième lieu, le Gouvernement partage votre préoccupation quant à l’harmonisation à l’échelon européen de la fiscalité sur les boissons alcooliques, qui est une nécessité. Il s’agit, pour l’ensemble des États membres, de respecter un taux minimum. Mais je voudrais que vous ayez conscience de l’extrême difficulté de la négociation communautaire sur les taux : en l’absence d’unanimité entre les États membres, toutes les tentatives de la Commission européenne pour rehausser les taux minimums communautaires ont jusqu’à présent échoué.

Vous pouvez croire, là aussi, en la détermination du Gouvernement, en particulier du ministre de l’agriculture, pour faire évoluer les positions de nos partenaires européens sur le sujet.

En troisième lieu, je vous confirme que l’exonération de taxe foncière pour les bâtiments ruraux affectés à un usage agricole n’intègre pas les activités de commercialisation. Cela s’explique par la volonté de maintenir des conditions équitables de concurrence entre les vignerons et les autres acteurs de la commercialisation du vin.

En quatrième lieu – c’est un point très précis que vous avez soulevé –, je vous confirme que, pour la détermination de la provision pour hausse des prix, les catégories dans lesquelles les eaux-de-vie de cognac sont classées, selon leur cru et leur âge, doivent être considérées comme des produits distincts.

Enfin, vous avez bien voulu appeler mon attention sur les préoccupations des professionnels du cognac relatives aux délais de paiement des transactions sur les eaux-de-vie de cognac.

Les éléments d’information recueillis sur le niveau des ventes ne font pas apparaître de difficultés particulières des entreprises sur le plan économique. Au contraire, le site du bureau national interprofessionnel du cognac met en évidence le fait que les expéditions de cognac demeurent à un niveau élevé, avec un taux d’augmentation de 4,6 % entre juin 2011 et mai 2012. Je m’en réjouis, mais, étant donné la situation économique positive du secteur, et même si nous avions jusque-là beaucoup de points d’accord, monsieur le sénateur, j’en tire la conclusion qu’il n’apparaît pas justifié de réserver, à ce stade, une suite favorable à la demande des professionnels du secteur.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses, qui sont positives, sauf la dernière. Le cognac, c’est vrai, connaît actuellement un niveau d’expéditions record. C’est une bonne chose pour la région. Sur ce point, je suis parfaitement d’accord avec vous. Toutefois, cela se fait malgré les difficultés rencontrées sur le terrain par les commerçants.

Les questions que je viens de soulever sont récurrentes, mais elles sont tellement importantes pour notre viticulture. Je vous remercie donc à nouveau de votre réponse concise et de votre soutien.

avenir de l’hôpital bégin après rénovation

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 1625, adressée à M. le ministre de la défense.

Mme Catherine Procaccia. En 2002, l’hôpital d’instruction des armées, ou HIA, Bégin, situé sur les communes de Saint-Mandé et de Vincennes, avait été menacé de fermeture après l’avis défavorable de la commission civile de sécurité, émis en raison de problèmes relatifs à la mise aux normes incendie et à la modernisation des services.

Depuis 2006, l’établissement a fait l’objet d’une gigantesque rénovation avec la mise en service d’un nouveau bâtiment ultramoderne de 25 000 mètres carrés, répartis sur six niveaux. Il offre désormais une nouvelle capacité d’accueil de 360 lits, dans le respect, qui plus est, des lois du Grenelle de l’environnement. Nous sommes tous très fiers de cet hôpital.

Reconnu comme l’un des pivots de l’offre de soins dans le Val-de-Marne, l’hôpital a largement prouvé son efficacité non seulement dans le cadre des missions militaires prioritaires, mais également en tant que service public de proximité. L’HIA Bégin est en effet intégré dans l’ensemble hospitalier militaire parisien et dans l’organisation régionale des soins développée par l’agence régionale de santé, ou ARS, d’Île-de-France. Il est même l’un des trois hôpitaux du Val-de-Marne agréés pour poursuivre la prise en charge chirurgicale en nuit profonde.

L’HIA, contrairement à d’autres hôpitaux militaires, a su s’intégrer dans l’offre de soins du département et a fait ses preuves en matière de recrutement de personnels de santé non militaires, ce qui est une exception.

Malgré l’importance des investissements réalisés, qui permettaient aux élus de ne plus s’interroger sur l’avenir de cet établissement, le personnel et les professionnels de santé du Val-de-Marne sont inquiets. L’hôpital serait en effet de nouveau menacé, cette fois pour des raisons budgétaires.

Monsieur le ministre délégué, les personnels de l’hôpital ainsi que les professionnels de santé du Val-de-Marne qui m’ont contactée aimeraient connaître l’avenir à moyen terme – à l’horizon de 2018 ou 2020 – de l’hôpital. Je tiens surtout à appeler votre attention sur les conséquences de l’incertitude actuelle : les professionnels de santé, civils ou militaires, envisagent déjà de quitter l’hôpital à court terme, faute d’informations précises sur leur avenir. Ces départs pourraient venir fragiliser l’offre de soins et la situation des patients, civils ou militaires, qui y sont suivis.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de la défense, actuellement en déplacement en Afghanistan.

Votre question a le mérite de replacer la problématique de l’hôpital militaire Bégin dans le cadre plus large de l’évolution du service de santé des armées. Ce service interarmées est une composante majeure du soutien opérationnel des forces armées, dont l’excellence est reconnue par tous, notamment par nos alliés. Vous l’avez rappelé, cette excellence est le fruit du professionnalisme des personnels de santé – médecins et infirmiers, pour ne citer qu’eux –, mais surtout du dévouement des femmes et des hommes qui ont choisi de servir la nation en son sein.

Le ministre de la défense a pu se rendre compte de l’excellence de ce service lors de la visite aux blessés qu’il a effectuée dès le lendemain de sa prise de fonction, ainsi que lors de ses déplacements en Afghanistan, en particulier à l’hôpital militaire de Kaia.

La politique hospitalière du service de santé des armées se situe à l’intersection de deux politiques publiques majeures, ayant chacune leurs exigences et leurs logiques propres : la politique de défense et la politique de santé publique.

Concernant la politique de défense, un grand chantier va être lancé prochainement, avec la rédaction d’un nouveau Livre blanc, dont les conclusions sont attendues pour la fin de cette année. La commission chargée de l’élaborer est d’ailleurs en train de se mettre en place. Les travaux de ce Livre blanc vont évidemment nourrir la réflexion de la politique hospitalière du service de santé des armées.

Mais cette politique devra aussi s’enrichir des débats concernant les évolutions en matière de santé publique : l’organisation de l’offre de soins par les agences régionales de santé, l’application des normes techniques sanitaires ou les modes de financement de l’hôpital public, notamment.

Ainsi, le modèle du service de santé des armées de demain, et donc son format hospitalier futur, sera le fruit d’une réflexion approfondie et sereine ayant pour objet d’assurer en tout premier lieu le soutien médical de nos forces armées, en tenant compte de l’excellence de l’ensemble de ses établissements, que j’ai eu l’occasion de rappeler.

Pour toutes ces raisons, il serait prématuré de vous donner ce matin de quelconques indications concernant l’avenir de Bégin ou d’un autre établissement du service de santé des armées, car rien n’est encore arrêté. Nous sommes totalement investis dans ce débat autour du Livre blanc, qui est en train de s’ouvrir.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Votre réponse, monsieur le ministre délégué, ne va malheureusement pas apaiser l’inquiétude des personnels de Bégin.

Vous invoquez une réflexion approfondie et sereine sur l’avenir du service de santé des armées. En attendant qu’elle porte ses fruits, sachez que les personnels civils, qui concourent à l’excellence de ce service, risquent de quitter l’hôpital. Il en va de même pour certains personnels militaires, qui ont déjà demandé leur mutation. Résultat, on va aboutir à une aberration : un hôpital, dans lequel on a investi des millions pour sa rénovation et dont le travail est reconnu par tous, va manquer de personnel !

Je tiens à vous dire que non seulement les personnels civils et militaires, mais aussi les anciens combattants tiennent à leur hôpital et ils ne comprendraient pas que de nouveaux choix soient faits, soit dit en passant au détriment du Val-de-Marne, ce qui ne serait pas la première fois en matière de santé.

J’ai évidemment contacté l’ARS. Je sais qu’elle intègre totalement l’hôpital Bégin dans son offre de soins et dans sa définition du territoire de santé.

Je vais maintenant contacter tous les élus du Val-de-Marne, quelle que soit leur tendance politique. Je puis vous assurer que nous allons tous être derrière Bégin. Les élus du Val-de-Marne savent se mobiliser ! Nous ne voulons pas laisser partir les personnels de cet hôpital. Nous ne voulons pas apprendre dans un an ou un an et demi la fermeture de cet établissement qui a connu des travaux de rénovation considérables !

Je le sais, monsieur le ministre délégué, cette question n’est pas directement de votre ressort. Reste que l’absence de réponse m’inquiète, tout comme elle inquiétera beaucoup les personnels, qui s’interrogent sur leur avenir.

6

Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

- M. Louis Nègre pour siéger en qualité de membre titulaire et M. Michel Teston pour siéger en qualité de membre suppléant au sein du Conseil supérieur des transports terrestres et de l’intermodalité, créé en application du décret n° 2012-253 du 21 février 2012 ;

- MM. Rémy Pointereau et Roland Ries pour siéger en qualité de membres titulaires et MM. Louis Nègre et Jean-Jacques Filleul pour siéger en qualité de membres suppléants au sein du Haut Comité de la qualité de service dans les transports, créé en application des décrets nos 2012-211 du 14 février 2012 et 2012-216 du 15 février 2012.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

 
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Discussion générale (suite)

Règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011

Adoption définitive d’un projet de loi en procédure accélérée

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 (projet n° 655, rapport n° 658).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, il me revient de présenter, au nom du Gouvernement, le projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2011. Apurant les comptes d’une gestion financière conduite par la majorité présidentielle précédente, ce texte permet au gouvernement de Jean-Marc Ayrault de prendre acte de la situation financière dont il hérite.

Je tiens à m’arrêter brièvement sur quelques-uns des traits majeurs de cet instantané de nos finances, en lien avec les travaux, remarquables d’exhaustivité et d’indépendance, qu’a menés la Cour des comptes à la demande du Premier ministre. Par la suite, Benoît Hamon, qui me relaiera au cours de l’après-midi pour le débat sur l’orientation des finances publiques, reviendra sur nos priorités et sur les moyens que nous entendons mettre en œuvre pour assainir nos comptes.

Le projet de loi de règlement des comptes brosse malheureusement un tableau plutôt sombre de notre situation économique et budgétaire. J’en suis conscient, le Sénat offre un espace de discussion sur les causes et les responsabilités de cette situation : chacun peut s’emparer du débat, telle est même la définition de notre action commune.

Pour ma part, je souhaite avant tout m’en tenir aux faits, c'est-à-dire à une présentation et à une mise en perspective chronologique et géographique de nos principaux indicateurs financiers.

Le règlement des comptes est un point de départ, une base sur laquelle nous pouvons fonder notre réflexion pour proposer, dans un second temps, les inflexions budgétaires nécessaires, tout d’abord dans le cadre du projet de loi de finances rectificative – le Gouvernement reviendra prochainement, à ce titre, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs – et ensuite, à l’automne, dans celui du projet de loi de finances pour 2013.

Pour l’heure, je me contenterai de quelques constats.

Premièrement, nous héritons d’un stock de dette absolument considérable. L’an dernier, la dette publique a poursuivi sa progression, qui s’apparente à une course folle, pour s’établir à plus de 1 700 milliards d’euros, somme qui représente tout de même 86 % du PIB. Au sein de la Haute Assemblée, nul n’ignore que toutes les théories économiques s’accordent sur le diagnostic suivant : dès lors que la dette publique atteint – et nous y sommes presque ! – 90 % du PIB, la croissance est minée à la fois profondément – de l’ordre d’un point – et durablement – ce peut être pour dix ans, si l’on n’y remédie pas.

Globalement, notre dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros au cours du quinquennat précédent. On m’opposera que cette évolution résulte d’une longue dérive, de déséquilibres anciens et par définition accumulés, puisque notre dette s’élève aujourd’hui à 1 700 milliards d’euros. Peut-être ! Toutefois, pour ma part, je retiens que cela ne la rend pas plus acceptable, bien au contraire.

De fait, la dette constitue un impôt différé dans le temps, qui fait peser sur les générations futures les risques et les errances économiques des différents pouvoirs. De surcroît, elle restreint considérablement nos marges de manœuvre : 50 milliards d’euros consacrés au service de la dette, ce sont autant de capacités en moins pour financer notre modèle social, nos politiques de relance de la croissance, bref les grandes actions publiques que les Français attendent de l’État, quel que soit le gouvernement en place.

Nous avons donc la responsabilité de maîtriser la progression de l’endettement national. Lors du débat sur l’orientation des finances publiques, le Gouvernement précisera comment il compte y parvenir. Enfin, Jérôme Cahuzac et moi-même reviendrons devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour présenter le projet de loi de finances rectificative, qui constitue la première correction nécessaire. J’évoquerai ce sujet dans quelques instants.

Deuxièmement, le déficit public s’élève encore à plus de 90 milliards d’euros en 2011. Pis, sans l’action correctrice que nous entreprenons, il aurait dérivé vers des montants représentant 5 % du PIB en 2012. Ce taux n’aurait donc été porté que de 5,2 % à 5 % en un an, si une action volontaire complémentaire n’avait pas été décidée.

On pourrait mener une longue discussion – au demeurant, je ne suis pas certain qu’elle se révélerait très fructueuse – quant au jugement qu’il convient de porter sur ce bilan. Évidemment, comme le souligne la Cour des comptes, le déficit public a été réduit de 1,9 point l’an dernier. Néanmoins, la moitié de cette baisse relevait de phénomènes exceptionnels ou conjoncturels, aux effets très spécifiques, d’une ampleur inhabituelle, dont on ne peut escompter la répétition.

Je le répète, 5,2 % du PIB, cela représente une amélioration par rapport au niveau absolument exceptionnel et inacceptable de 2009, année au cours de laquelle le déficit avait atteint 7,5 % du PIB. Toutefois, ce taux reste deux fois supérieur à celui qui permettrait de stabiliser la dette, objectif que nous visons et que nous atteindrons à compter de 2014 ; nous y sommes contraints !

Certes, ce taux de 5,2 % est inférieur aux prévisions figurant dans la loi de programmation des finances publiques de décembre 2010. Mais, dans l’absolu, il reste très élevé. En vérité, la diminution de 1,9 point de PIB en 2011 est comparable à l’effort accompli en moyenne au sein de l’Union européenne au cours de la même période. Au demeurant, chacun en est conscient dans cet hémicycle, notre déficit reste largement supérieur à celui de notre principal concurrent et partenaire : l’Allemagne. De fait, celle-ci a su réduire son déficit public à 1 %.

Je le précise à l’intention de ceux qui s’interrogent sur notre appartenance à la zone euro ou sur l’impact de la crise au sein de l’Union européenne, nous subissons la même crise, nous utilisons la même monnaie que l’Allemagne, et notre déficit est cinq fois plus élevé que celui de cette dernière. Il y a donc matière à s’interroger sur notre performance économique.

La crise n’explique pas tout : le taux d’endettement que je viens d’évoquer résulte principalement de l’accumulation de déficits structurels élevés avant 2007, endettement que la dernière mandature a très fortement creusé, tout particulièrement en 2008 et 2009.

En d’autres termes, je souhaite dresser le constat suivant, sans la moindre intention polémique, soyez-en assurés : l’ancienne majorité a pour ainsi dire apporté sa « touche personnelle » à la dégradation de la dette française. Quelle que soit l’interprétation que l’on tire des évolutions que je viens d’évoquer, il convient de réduire le déficit à un taux soutenable, et partant bien inférieur à son niveau actuel. Chacun en conviendra au sein de la Haute Assemblée : c’est bel et bien une nécessité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !

M. Pierre Moscovici, ministre. Troisièmement, et enfin, nous héritons d’une situation plus dégradée qu’annoncé.

Au vu de la situation financière de 2011, pour être en mesure de respecter nos engagements européens à la fin de cette année, il aurait fallu procéder à des ajustements accentués au cours du premier semestre. Nous avons évoqué ce sujet devant la commission des finances du Sénat : comme l’a clairement démontré la Cour des comptes, nous devrons compter, en 2012, avec une surévaluation des recettes à hauteur de 7,1 milliards d’euros et des risques sur la dépense de l’État pour un montant de l’ordre de 2 milliards d’euros.

Sans renoncer ni à nos objectifs en matière de trajectoire budgétaire ni à notre programme réformiste, voilà l’équation complexe qu’il nous faut résoudre dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, au titre duquel je reviendrai devant vous.

Corollaires de cette obligation, le sérieux de notre méthode, d’une part, la sincérité des comptes et des prévisions financières, de l’autre, constituent les deux piliers d’une démarche que je souhaite rigoureuse et cohérente. À l’avenir, nous devrons être en mesure de présenter des prévisions économiques suffisamment étayées et documentées, pour limiter des écarts souvent embarrassants et rarement justifiés. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez bien, c’est lassant de voir arriver, en cours d’année, des rectifications budgétaires nécessitant autant de collectifs qui s’insèrent entre le schéma initial et son exécution effective. Chacun en conviendra sans doute dans cet hémicycle : grâce à cette nouvelle méthode, les politiques publiques gagneront en lisibilité et en crédibilité.

J’achèverai ainsi cet aperçu, qui n’a pas vocation à être exhaustif, du projet de loi de règlement des comptes et du contexte financier dans lequel nous sommes placés.

Il est possible et même indispensable qu’un débat s’engage sur les responsabilités qui ont conduit à cette situation ; c’est l’essence de la démocratie. Toutefois, à mes yeux, ce débat ne doit pas occulter le véritable enjeu budgétaire, le seul qui compte aujourd’hui, en vérité, celui du rythme et des moyens permettant de restaurer, demain, nos finances publiques.

Pour ce qui concerne le rythme à adopter, le constat est clair : il doit être soutenu. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement présentera un collectif budgétaire ramenant le déficit de 5 % à 4,5 %. C’est la raison pour laquelle ce taux sera porté à 3 % du PIB en 2014. C’est la raison pour laquelle nous présenterons un projet de loi de programmation des finances publiques qui nous permettra d’atteindre l’équilibre en 2017. Nous devrons procéder à cet effort de réduction des déficits et de désendettement de manière continue, tout au long de la mandature qui est en train de s’ouvrir.

Pour ce qui concerne les moyens à mettre en œuvre, la délibération politique sera la règle. Quoi qu’il en soit, les choix de la nouvelle majorité ne seront pas ceux de l’ancienne. Oui, nous voulons redresser nos comptes publics. Nous voulons redresser notre pays. Mais nous voulons le faire dans la justice, en mettant à contribution ceux qui ont davantage de moyens que les autres et ceux qui, peut-être, ont été plus favorisés au cours des cinq années écoulées. Tel sera l’objet du débat d’orientation qui se déroulera plus tard, cette après-midi, et au cours duquel le Gouvernement détaillera la manière dont il travaillera avec les deux assemblées, notamment avec le Sénat, pour restaurer la crédibilité budgétaire du pays et mettre en œuvre une politique différente.

Faisons un peu de sémantique : ce ne sera pas une politique d’austérité, qui se résumerait à une politique de renoncement, affaissant l’État et bridant la consommation. Ce ne sera pas une politique de rigueur, au sens où s’opérerait un tournant, car toutes les mesures que nous adopterons ont été annoncées, prévues, présentées devant les Français au cours de la campagne électorale.

M. Philippe Dallier. Comme l’augmentation de la CSG !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je vous reconnais bien là, monsieur le sénateur : nous avons déjà débattu de ce sujet, et nous y reviendrons.

Ce sera une politique que je qualifie de sérieuse et de juste : de fait, c’est le sérieux de gauche que nous vous proposons de mettre en œuvre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons nous livrer aujourd’hui à trois exercices : le premier est formel, juridique et découle de l’application de l’article 41 de la loi organique relative aux lois de finances puisque, tant que la loi de règlement relative à l’exercice 2011 ne sera pas adoptée, le projet de loi de finances pour 2013 ne pourra pas être mis en discussion. Je vous invite donc par avance, mes chers collègues, à adopter le projet de loi qui vous est soumis, faute de quoi le Gouvernement ne pourrait pas présenter son budget, ce qui serait évidemment une catastrophe pour notre pays.

Au demeurant, le vote en faveur du texte ne vaut pas approbation de la politique budgétaire conduite en 2011. Ce sera notre deuxième exercice de ce jour : analyser la gestion de la précédente majorité. Il est important d’établir un diagnostic avant de construire une stratégie pour l’avenir.

Enfin, nous nous livrerons en soirée au troisième exercice, c’est-à-dire, à la lumière de l’exercice 2011, à l’examen des orientations budgétaires pour les années à venir.

Que dire de l’année 2011 ?

Au sein de la commission des finances, nous avons depuis longtemps le souci de resituer l’exécution du budget de l’État, sur laquelle porte le projet de loi de règlement, dans le cadre plus vaste des finances publiques dans leur ensemble.

En effet, ce qui compte à la fois du point de vue du droit communautaire et du point de vue des observateurs extérieurs, ce sont non pas les performances budgétaires du seul État mais celles de la France, collectivités territoriales et sécurité sociale comprises.

De ce point de vue, on peut tirer plusieurs enseignements de l’exécution 2011.

Le fait qui vient à l’esprit en premier est le niveau du déficit : 5,2 points de PIB alors que la prévision était de 5,7 points, la moitié de l’amélioration du solde étant due aux administrations sociales.

Cette bonne performance – saluons-la ! – s’explique en partie – pour 0,8 point de PIB – par des phénomènes exceptionnels : l’arrêt du plan de relance, les modalités de prise en compte des investissements militaires en comptabilité nationale et les moindres décaissements au titre des investissements d’avenir.

Mais je voudrais surtout relever les raisons qui ont permis la relative bonne tenue de la croissance en 2011, qui a été – rappelons-le – de 1,7 %. C’est la variation des stocks qui a permis cette croissance forte au premier trimestre. Aux trois trimestres suivants, la croissance a été quasiment nulle. Il ne faut, par conséquent, pas sous-estimer la gravité de la crise économique que nous traversons.

Pour finir avec ces remarques introductives sur le cadrage général, je voudrais exprimer un souhait, Monsieur le ministre. L’exécution du budget de l’État doit être analysée dans le cadre global de l’évolution des finances publiques. Cela implique, en même temps que nous analysons le projet de loi de règlement, de regarder comment a été exécuté le programme de stabilité. Le Gouvernement nous a transmis la semaine dernière le bilan qu’il doit réaliser chaque année. Mais ces éléments – reconnaissons-le – ne sont pas suffisants car les programmes de stabilité eux-mêmes ne sont pas assez précis puisqu’ils ne ventilent pas les objectifs de dépenses et de recettes par catégorie d’administrations publiques. Par conséquent, en exécution, il ne nous est pas possible de savoir d’où viennent les dérapages ou les bonnes surprises. Comme nous attachons beaucoup d’importance à cette question, je tiens à vous dire, monsieur le ministre, que la commission des finances est à votre disposition pour approfondir ce sujet et, si besoin était, pour préciser ses attentes.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un enjeu très important !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Merci, monsieur le président.

Concernant l’exécution du budget de l’État en 2011, je voudrais formuler quelques observations.

La première est que la crise et les réponses qui lui ont été apportées ont considérablement désorganisé les finances publiques et en particulier leur lisibilité. Les données doivent en permanence être retraitées pour refléter la réalité.

Ainsi, en apparence, les dépenses de l’État baissent, mais, si l’on neutralise l’effet du grand emprunt, elles augmentent.

En apparence, les recettes augmentent de 29 milliards d’euros, mais en réalité – une fois démontée la tuyauterie installée pour permettre la réforme de la taxe professionnelle – on s’aperçoit qu’elles sont stables par rapport à 2010 – à 255 milliards d’euros – et que leur progression spontanée est même en retrait de 3,3 milliards d’euros par rapport aux prévisions.

Quant au déficit, il s’établit à 90 milliards d’euros et enregistre une amélioration spectaculaire de près de 60 milliards d’euros, qui doit être ramenée à seulement 14 milliards d’euros une fois pris en compte les effets du grand emprunt, qui a creusé de 35 milliards d’euros le déficit en 2010 pour majorer d’autant ou presque les ressources de trésorerie de l’État. Si l’on y ajoute la réforme de la taxe professionnelle et la fin du plan de relance, on a l’explication complète.

Conclusion : même si 2011 a marqué les dix ans du vote de la loi organique relative aux lois de finances, il n’est pas certain que l’on ait beaucoup progressé en matière de lisibilité des comptes publics…

Ma deuxième observation porte sur l’évolution des dépenses.

Je réserverai d’ailleurs l’analyse des recettes pour mon intervention dans le débat suivant, car c’est en appréciant les recettes au niveau consolidé et pas seulement à celui de l’État que l’on se rend le mieux compte du contraste entre le discours « anti-impôt » que tenait le précédent gouvernement et l’ampleur des hausses de prélèvements obligatoires qu’il a fait voter en 2011.

Le même contraste, par symétrie, s’observe en matière de dépenses. Le gouvernement précédent ne cessait de rappeler son souhait de maîtriser, voire de réduire les dépenses de l’État. Son candidat à la présidence de la République avait même retenu, dans son programme électoral, une trajectoire de retour à l’équilibre reposant à 80 % sur les efforts en dépense.

À la lumière de l’exécution 2011, on se rend compte du décalage entre la rhétorique et la pratique.

Vous le savez, l’État s’est doté de deux normes de dépense transversales. La première vise à stabiliser en volume le montant de l’ensemble constitué des dépenses de l’État et des prélèvements sur recettes. En loi de finances pour 2011, le Gouvernement affichait l’ambition non seulement de respecter cette norme de stabilité, mais d’aller plus loin en faisant reculer les dépenses de 0,2 % en volume, en les plafonnant à 357 milliards d’euros. Ce volontarisme n’a pas complètement payé, puisque les dépenses relevant de cette norme se sont finalement élevées à 357,4 milliards d’euros.

Le dépassement aurait pu être encore plus important si l’on n’avait pas recouru à des contorsions budgétaires, comme celle qui a consisté à attribuer à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, par le biais d’un fonds de concours, 400 millions d’euros qui auraient dû relever de la norme de dépense...

La seconde norme de dépense, celle qui stabilise en valeur les dépenses de l’État hors charge de la dette et pensions, est également dépassée.

Si l’on s’intéresse maintenant aux différentes missions qui composent le budget de l’État, on s’aperçoit que vingt sur trente ne respectent pas les plafonds fixés par la loi de programmation 2009-2011.

Si l’on s’intéresse, enfin, à l’évolution des dépenses en fonction de leur nature, et en particulier aux règles dont l’État s’est doté pour piloter l’évolution des dépenses de fonctionnement et d’intervention, il apparaît que l’objectif d’une réduction de leur montant n’a pas été atteint.

Prenons d’abord les dépenses de fonctionnement. Elles sont stables par rapport à 2010, à 46,2 milliards d’euros, alors que la loi de finances prévoyait qu’elles diminueraient et s’établiraient à 43,6 milliards d’euros. Elles ont donc dérapé de 2,6 milliards d’euros, constatés sur les missions « Défense », « Culture » et « Écologie ».

Il faut aussi relever, au sein des dépenses de fonctionnement, que les subventions pour charges de service public représentent désormais plus de la moitié des dépenses de fonctionnement, ce qui illustre le poids croissant des opérateurs dans la mise en œuvre des politiques publiques.

Prenons maintenant les dépenses d’intervention, dont les unes – les dépenses de guichet – devaient être stabilisées tandis que les autres – les dépenses discrétionnaires – devaient être réduites.

On constate en exécution que les services comptables de l’État ne savent pas distinguer les unes des autres. Je me permets de le relever car je sais que le nouveau gouvernement souhaite conserver cette distinction pour l’avenir. Saura-t-on faire en 2012 ce qui n’était pas possible en 2011 ? On peut, monsieur le ministre, le souhaiter.

Du point de vue de la maîtrise des dépenses, les chiffres étaient plus encourageants puisque l’on constate une diminution de plus de 14 %. Mais cette fois encore, après correction, on s’aperçoit que la baisse résulte exclusivement des phénomènes comptables et des effets des investissements d’avenir et du plan de relance.

Cela étant, il est un poste de dépenses plus dynamique que les dépenses d’intervention, je veux parler de la charge de la dette, dont le montant a augmenté en 2011 de 14,3 % et, avec 46,3 milliards d’euros, a dépassé celui des dépenses d’intervention, et ce alors même que les taux sont restés très bas. Il s’agit d’une matière hautement inflammable, qui explique pourquoi il est vital que la crise de la zone euro ne s’étende jamais à la France.

J’en viens maintenant aux dépenses de personnel.

En 2011, les effectifs ont été réduits de 31 278 équivalents temps plein travaillés. De 2003 à 2012, plus de 183 000 emplois de fonctionnaires auront été détruits au total.

M. Gérard Longuet. Non « diminués » !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En 2011, le taux de non-remplacement des départs en retraite s’est établi à 49,8 % – ce qui est conforme à l’objectif annoncé –, le record étant atteint par le ministère de la défense avec 83 % de départs non remplacés.

Malgré ces suppressions, il faut être conscient que les dépenses de personnel ont continué d’augmenter. Elles se sont élevées à 117,7 milliards d’euros, en hausse de 1,7 % par rapport à 2010 à périmètre constant.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, la fonction publique n’a pas été maltraitée !

M. Gérard Longuet. C’est gentil de le rappeler !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mais ce qu’il faut retenir, encore une fois, c’est l’incapacité du gouvernement précédent à tenir ses objectifs,…

M. Gérard Longuet. C’était notre volonté : moins de fonctionnaires, mieux payés !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … puisque les dépenses constatées en exécution sont supérieures de 600 millions d’euros au montant inscrit en loi de finances initiale. Ce constat n’étonnera pas les rapporteurs spéciaux de la mission « Défense », qui savaient d’avance que les dépenses de personnel avaient été sous-évaluées de 341 millions d’euros.

Au sein des dépenses de personnel, i1 faut souligner que les dépenses de pensions sont toujours dynamiques, avec une augmentation de 4,7 %.

Il est un sujet auquel on aurait voulu s’intéresser mais pour lequel les données ne seront pas disponibles, nous dit-on, avant le projet de loi de finances pour 2013 : il s’agit des dépenses fiscales, un sujet qui nous est cher, monsieur le président.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait, il le reste !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je serais curieux de comprendre pourquoi il n’est pas possible de connaître au mois de juillet, au moins, le coût qu’ont représenté, l’année précédente, les niches fiscales les plus coûteuses.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On verra pour l’année prochaine…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour préparer le projet de loi de finances pour 2013, il n’aurait pas été inutile non plus de dresser un bilan du dispositif de « rabot » qui figurait dans la loi de finances pour 2011. Espérons que nous pourrons en savoir plus bientôt !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était un bon instrument !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens à ma troisième série de remarques : le résultat de toutes ces évolutions, c’est une dette de l’État dont le montant s’accroît de 84 milliards d’euros en 2011, pour s’établir à 1 313 milliards d’euros, tandis que la dette globale des administrations publiques s’élève à 1 717 milliards d’euros. En 2002, le montant de la dette de l’État était près de deux fois inférieur puisqu’il s’établissait à 746 milliards d’euros. C’est dire le chemin malheureusement parcouru depuis cette année 2002 et c’est dire les efforts qui nous attendent pour l’avenir.

En quatrième et dernière remarque, je voudrais évoquer le bilan et le hors bilan de l’État, en me limitant à deux aspects.

D’abord, la France vient d’être lourdement condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne dans le cadre d’un contentieux relatif à la fiscalité des organismes de placement collectif en valeurs mobilières, les OPCVM, non résidents. La commission des finances a étudié cette question de près. La Cour des comptes nous apprend que le risque avait été provisionné, à hauteur de 3,3 milliards d’euros.

Cela montre que les services de la direction générale des finances publiques font bien leur travail. Pour 2011, le document annexé au projet de loi de règlement retrace 10 milliards d’euros de provisions pour litiges.

Je comprends, monsieur le ministre, que, s’agissant d’affaires en cours, le compte général de l’État ne détaille pas les contentieux qui donnent lieu à provisions. Il n’en reste pas moins qu’il nous faut travailler ensemble pour que les parlementaires soient mieux sensibilisés à ces risques.

Enfin, je veux revenir sur un sujet qui nous avait préoccupés l’année dernière : l’absence de recensement des garanties accordées par l’État, qu’il s’agisse des montants en cause ou des risques associés. Le ministre du budget François Baroin nous avait assuré en commission que la situation allait s’améliorer. Le secrétaire d’État Pierre Lellouche nous l’avait confirmé en séance. Or, cette année, la Cour des comptes s’alarme à son tour dans son rapport.

Nous reprendrons ce débat lors de la discussion des articles. En effet, pour marquer le coup, la commission a adopté, sur ce point, un amendement qui a vocation à nous permettre d’engager un débat approfondi sur ce sujet, dont l’importance est croissante.

Il faut se souvenir que nous avons adopté, en 2011, quatre lois de finances rectificatives. Les deux premières, celle de juillet et celle de septembre, comportaient des dispositions importantes en matière de garanties accordées par la France au Fonds européen de stabilité financière, tandis que la troisième, celle d’octobre, accordait la garantie de l’État aux émissions du groupe Dexia.

En 2011, la solidarité européenne majore de 0,7 point de PIB la dette publique, notamment par le jeu des dettes garanties. En 2012, ce sera 2,4 points de PIB, et près de 3 points en 2013.

Nous sommes donc dans une zone où le hors bilan et le budget se rejoignent, et il nous serait précieux d’y voir plus clair.

Pour conclure, monsieur le président, je confirme que la commission des finances invite le Sénat à adopter le projet de loi de règlement et le compte de gestion pour l’année 2011, mais que, dans sa majorité, elle appelle le Gouvernement à conduire une politique budgétaire différente de celle dont je viens de rappeler les grandes lignes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà eu le privilège de voir passer un certain nombre de lois de règlement. Mais celle-ci est originale car, au cours de l’examen du projet de loi en commission des finances, le 11 juillet dernier, pas moins de dix-neuf commissaires se sont exprimés, ce qui montre que les temps ont changé et que l’on s’intéresse de façon beaucoup plus approfondie qu’avant à la réalité de nos finances publiques. Cela montre aussi qu’une première loi de règlement dans une nouvelle législature est une base importante pour étayer nos raisonnements et construire les débats à venir.

Au cours de cet examen par la commission des finances, nous avons pu, dans toute la mesure du possible, nous livrer à des constats techniques. Nous ne sommes pas encore dans le domaine des choix à opérer, que nous aborderons dans le courant de l’après-midi, ou ce soir, à l’occasion du débat sur les orientations des finances publiques.

M. le rapporteur général, dont je salue ici la première intervention en séance publique dans le cadre de ses nouvelles fonctions, s’est livré, dans l’ensemble, à des analyses honnêtes. Et, s’il n’avait pas prononcé la toute dernière phrase de son intervention, je l’aurais applaudi bien volontiers ! (Sourires.)

M. Francis Delattre. Comme quoi, il faut se méfier ! (Sourires.)

M. Gérard Longuet. In cauda venenum !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je voudrais toutefois vous inviter à réfléchir sur deux points principaux, mes chers collègues.

Tout d’abord, le bilan de la gestion 2011 apparaît incontestablement positif.

Pour justifier ce jugement, je ne peux que me référer aux propos qu’a tenus l’excellent Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, lorsqu’il est venu nous présenter, le 30 mai dernier, son rapport sur les résultats de la gestion budgétaire de l’État et l’acte de certification des comptes 2011.

Il constatait, premièrement, que, si « l’amélioration du solde budgétaire est réelle et incontestable, le niveau du déficit demeure cependant très élevé ».

Il déclarait aussi : « La trajectoire de réduction du déficit a été respectée, mais ce résultat repose sur des bases fragiles car l’effort a porté avant tout sur les recettes, alors que les grandes masses de dépenses de l’État ont été stabilisées en 2011, ce qui n’en constitue pas moins un effort notable. »

Dans le langage tout de réserve des magistrats de la Cour des comptes, ces mots équivalent, me semble-t-il, à un véritable compliment, presque à une marque d’enthousiasme !

M. Gérard Longuet. Un satisfecit !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. M. le rapporteur général – c’est de bonne guerre – met en avant le caractère particulier de l’amélioration du solde budgétaire de 2011, dû il est vrai pour une large part à la fin du train de dépenses exceptionnelles engendrées, en 2009-2010, par le plan de relance, les investissements d’avenir et le contrecoup de la réforme de la taxe professionnelle. L’amélioration structurelle du solde de l’État ne serait ainsi que de 14 milliards d’euros, et non de 58 milliards. Dont acte. Toutefois, compte tenu du passé, des habitudes et des performances de toutes les gestions antérieures, l’effort est loin d’être négligeable.

Surtout, il me semble que l’on doit insister sur la volonté du précédent gouvernement de tenir coûte que coûte son objectif de redressement des finances publiques, y compris, mes chers collègues, en année électorale. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

Cela, le Premier président Migaud ne l’a pas dit, mais avouez, mes chers collègues, qu’il est certainement plus facile d’être rigoureux en début de mandat que de le demeurer jusqu’à la fin de son mandat, au moment où il faut se représenter devant les électrices et les électeurs.

M. Roland Courteau. C’est vous qui le dites !

M. Jean-Jacques Mirassou. Vous parlez en connaissance de cause ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous ne pouvez nier l’évidence, mes chers collègues !

D’une part, la loi de programmation des finances publiques de décembre 2010 a été scrupuleusement respectée pour l’élaboration du budget voté en loi de finances initiale pour 2011.

D’autre part, et dans un contexte de détérioration de la conjoncture économique que nous connaissons tous, les lois de finances rectificatives ont eu pour objectif de préserver la prévision de déficit fixée à l’origine et de diffuser le message selon lequel la France tient ses engagements de retour à l’équilibre, en restant sur le sentier de la convergence.

C’est pourquoi il nous a fallu adopter, l’an dernier, les lois de finances rectificatives qui ont concrétisé les plans Fillon I et Fillon II de l’été et de l’automne 2011. Ces mesures continuent de produire leurs effets cette année et continueront à en produire les années suivantes.

C’est bien au prix de ces ajustements, pour une part douloureux, que le solde a été tenu, et même amélioré fin 2011. Car le résultat est là, et M. le rapporteur général l’a reconnu : l’exécution 2011 est meilleure que prévu, avec un déficit des administrations publiques de 5,2 % du PIB, au lieu de 5,7 %, ce qui est évidemment de nature à faciliter les étapes suivantes, en particulier celle qui consiste à atteindre le seuil de 4,5 % au 31 décembre 2012, et qui relève désormais de votre responsabilité, monsieur le ministre.

Ainsi, mes chers collègues, sans forcer les choses, je puis dire, me semble-t-il, que le précédent gouvernement a fait preuve d’honnêteté et de courage. Il a donné des assises fortes à la crédibilité de notre pays sur la scène européenne et internationale.

Venons-en, en quelques mots, au débat sur les efforts respectifs en matière de recettes et de dépenses. Votre nouvelle majorité fait observer que nous aurions obtenu ce résultat au prix de recettes plus dynamiques que prévu, alors que notre action sur les dépenses serait restée plus faible, en contradiction avec notre propre discours.

Cette appréciation me semble biaisée.

En effet, du côté des recettes, n’oublions pas que leur niveau est resté, en 2011, inférieur de 12 milliards, en euros courants, à celui atteint avant la crise de 2007. Certes, nous avons dû prendre des mesures pour préserver le rendement des prélèvements obligatoires, mais ces derniers sont encore bien loin de leur niveau d’avant-crise.

Pour ce qui est des dépenses, je citerai de nouveau Didier Migaud. Ce dernier juge en effet que la progression des dépenses du budget général a été spectaculairement ralentie, puisque, à périmètre constant, c’est-à-dire hors plan de relance et investissements d’avenir en 2010, elles sont pratiquement restées stables.

Il estime aussi, en second lieu, que la mise en œuvre des deux normes de dépenses « zéro volume » et « zéro valeur », ainsi que leur respect global, ont joué un rôle majeur dans la maîtrise de la dépense publique.

Il ajoute enfin qu’un tel ralentissement des dépenses dans leur ensemble, dont certaines composantes sont encore très dynamiques, comme la charge de la dette – elle a augmenté de 5,2 milliards d’euros par rapport à 2010 – « constitue un résultat méritoire et qui n’a guère de précédent ».

Dans la phraséologie normée de notre excellente Cour des comptes, il s’agit d’un véritable accès d’enthousiasme, monsieur le ministre ! (Sourires.)

Il faudrait donc être quelque peu de mauvaise foi pour refuser de saluer la performance !

M. Gérard Longuet. Et même beaucoup !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour autant, on ne peut qu’approuver la Cour lorsqu’elle souligne que l’objectif d’une consolidation budgétaire durable exige que la maîtrise des dépenses publiques soit encore plus résolue sur les champs désignés comme prioritaires par la loi de programmation des finances publiques.

À cet égard, vous vous en souvenez sans doute, monsieur le rapporteur général, la commission a été particulièrement attentive à l’un des graphiques que vous avez projeté sur la gestion de la masse salariale de l’État. Ce tableau révèle que, en dépit de la règle de compensation d’un seul poste sur deux départs à la retraite, la masse salariale de la fonction publique continue de progresser, même si le rythme s’est fortement ralenti.

M. Gérard Longuet. GVT et mesures catégorielles !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est permis d’en déduire que le précédent gouvernement a été beaucoup moins sévère qu’on ne l’a dit et que vous ne le disiez vous-même. Il a fait la part des choses et traité correctement les agents de la fonction publique.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ceux qui restaient !

M. Gérard Longuet. C’était notre objectif : moins de fonctionnaires, mais mieux payés !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous verrons bien si, demain et après-demain, il en va de même compte tenu de la stabilité des effectifs que vous envisagez et par conséquent de la nécessité arithmétique dans laquelle se trouveront tous les ministères autres que ceux qui gèrent la sécurité, la justice et l’éducation de devoir neutraliser, non pas un départ à la retraite sur deux, mais deux sur trois ! Et notre collègue Gérard Longuet est là pour en attester, le ministère de la défense…

M. Jean-Jacques Mirassou. Il n’y est plus !

M. Gérard Longuet. … n’échappera pas à cette règle d’airain malgré tout ce qui a déjà été fait.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, permettez-moi de formuler une dernière remarque, en complément de celle du rapporteur général.

Il faut réhabiliter et mettre en valeur le bilan des investissements d’avenir.

Dans votre rapport d’information préparatoire au débat d’orientation des finances publiques pour 2013, vous avez écrit, si je ne m’abuse, cher rapporteur général, que l’ancienne majorité « a ignoré la nécessité de soutenir la croissance ». Cette remarque est paradoxale, pour ne pas dire davantage, car vous reconnaissez, dans le même temps, que les dépenses de 2010 ont été gonflées par le plan de relance et, surtout, par les investissements d’avenir.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ils n’avancent pas !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En outre, cette remarque est excessive. La précédente majorité a soutenu la croissance, à telle enseigne que la France est, avec la Slovaquie, le seul État, dans la zone euro, qui n’ait connu, en 2011, aucun trimestre de récession. C’est une réalité statistique incontestable.

L’année 2011 a été la véritable année du démarrage des investissements d’avenir. Les deux tiers de l’enveloppe de 35 milliards d’euros ont été engagés, soit 23,6 milliards d’euros. Cette situation s’explique par l’achèvement progressif des procédures, nécessairement longues, mais comportant de nombreuses garanties, d’appels à projets.

Les domaines de priorité les plus avancés sont les filières industrielles et les PME, la recherche et l’enseignement supérieur.

En outre, les cofinancements contractualisés atteignent 13,4 milliards d’euros.

Vous le savez, mes chers collègues, la commission des finances a prêté une grande attention aux conditions du déploiement des emprunts contractés pour financer les investissements d’avenir. À ce titre, elle reçoit dès demain le nouveau commissaire général à l’investissement, Louis Gallois.

Je relève d’ailleurs, avec satisfaction, que le Premier ministre a déclaré vouloir s’appuyer sur le Commissariat général à l’investissement…

M. Gérard Longuet. Il a raison !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et que le nouveau Gouvernement, dans son rapport préparatoire au débat d’orientation des finances publiques, affirme souhaiter « refonder la procédure de décision en matière d’investissement de l’État et des établissements publics et soumettre désormais les projets d’importance à une évaluation socio-économique préalable très poussée et menée de manière indépendante, sous la direction du commissariat général à l’investissement ».

Permettez-moi de me réjouir que le nouveau Gouvernement mette ses pas dans ceux du précédent, qui a créé l’instance susnommée, ainsi que les procédures d’appels à projets, qui a mis en compétition l’appareil de recherche et de technologie, et ce en vue d’accroître le taux de croissance potentielle de notre pays, lequel en a bien besoin. Hommage est ainsi rendu à une procédure qui fera, je l’espère, ses preuves.

En conclusion, je voterai naturellement ce projet de loi de règlement des comptes, qui traduit la réalité d’une gestion que je me suis efforcé de qualifier de manière tout à fait positive. Je le répète, il s’agit d’une base à partir de laquelle nous observerons sans doute, dans le futur, des écarts, mais qui, au moins, nous permettra de construire, dans les semaines et les mois à venir, notre débat démocratique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de règlement des comptes intervient à un moment tout à fait particulier du calendrier politique : c’est un nouveau Gouvernement, soutenu par une nouvelle majorité, qui doit présenter les résultats de gestion de ses prédécesseurs.

On a vu le trouble que cela a jeté en commission des finances puisque, à ma grande surprise, il en est résulté un vote favorable des sénateurs socialistes et une abstention de nombreux membres du groupe UMP. C’est le monde à l’envers!

Permettez-moi de revenir sur les comptes de l’année 2011, avant de formuler quelques observations sur la certification par la Cour des comptes. Enfin, j’aimerais que vous nous précisiez, monsieur le ministre, la voie que vous comptez suivre pour redresser les comptes dans la justice, un objectif que nous partageons bien sûr tous !

Lorsque j’ai pris connaissance des résultats de gestion de l’année 2011 qui nous ont été présentés, ma première réflexion a été de me dire, de façon un peu triviale : « C’est mieux que si c’était pire ! »

D’un côté, il y a ceux qui se réjouissent d’un déficit inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale, soit 5,2 % du PIB. C’est un signal plutôt positif envoyé à nos créanciers.

De l’autre, il y a ceux qui déplorent la situation actuelle et accusent le passé, mais sans montrer le chemin du redressement.

Mes chers collègues, essayons d’y voir un peu plus clair.

Le taux de couverture de la dépense publique par nos recettes est négatif, à hauteur de 28,2 %. Cela signifie tout bonnement que la puissance publique, en général, vit à crédit pendant 3,4 mois de l’année, c'est-à-dire du 20 septembre au 31 décembre. Imaginez un salarié, un ouvrier, un employé ou un cadre qui ne percevrait aucune rémunération durant les trois derniers mois de l’année ! Il ne tiendrait évidemment pas longtemps…

Certes, les objectifs de réduction du déficit ont été meilleurs que ce qui a été annoncé, et c’est bien la première fois depuis 2008 ! Y ont contribué la disparition des dépenses exceptionnelles qui avaient creusé le déficit en 2010 et les recettes d’impôts sur le revenu et sur les sociétés qui ne progresseront peut-être pas tous les ans dans les mêmes proportions : elles ont augmenté respectivement de 5,6 % et de 18 %. Même si de véritables efforts ont été consentis en 2011 pour maîtriser les dépenses et réduire le déficit, il est encore beaucoup trop tôt pour parler d’une amélioration structurelle de notre situation financière.

À ce propos, je voudrais insister sur les frais de personnel de l’État, la prévision de croissance et, bien sûr, l’endettement.

Le précédent gouvernement avait établi un principe de gestion clair : la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. C’était l’un des piliers de feu la RGPP, la révision générale des politiques publiques.

Certes, on peut discuter du bilan de cette politique, mais elle avait au moins le mérite d’exister, et je pense, pour ma part, qu’elle allait dans le bon sens. Pourtant, et sans doute à cause de la trop grande générosité du précédent gouvernement dans la redistribution du surplus économisé, ce principe n’a pas permis de réduire les dépenses de personnel, y compris en 2011 : malgré la suppression de 30 000 postes environ, la masse salariale a encore augmenté.

La Cour des comptes n’avait pas manqué de rappeler dans un rapport de décembre 2009 que le principe du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’avait pas entraîné les économies escomptées et qu’il ne serait plus opérationnel après 2016 du fait de l’évolution démographique de la fonction publique.

Aujourd’hui, je suis inquiet d’entendre que le Gouvernement actuel abandonne ce principe et qu’il veuille vouloir stabiliser les effectifs et maintenir le pouvoir d’achat.

Avec ces annonces, il est clair que les dépenses de personnel, notamment avec le fameux GVT, le glissement vieillesse technicité, augmenteront bien plus vite que la croissance et continueront d’alimenter le déficit.

Concernant la croissance, nos prévisions sont presque toujours trop optimistes. Je rappellerai que nous avions prévu en 2011 une croissance de 2 %, qui s’est établie à 1,7 % et, en 2012, une croissance de 1,75 %, qui n’a été que de 0,3 %.

En matière de budget, l’optimisme est à proscrire et la prudence doit prévaloir.

Il nous faut remettre à plat la construction de notre hypothèse de croissance initiale de manière à éviter les corrections à outrance de la prévision. Vous en conviendrez, mes chers collègues, mieux vaut une cagnotte qu’un déficit trop élevé. Aussi, je renouvelle ici ma proposition d’établir la prévision de croissance sur le consensus des économistes, avec moins 0,5 point de PIB, à l’instar de ce qui se fait au Danemark.

Après la nécessaire réduction des dépenses de personnel et l’adoption d’une ligne claire sur les prévisions de croissance, il convient d’adopter un troisième principe : réhabiliter la rigueur !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. Vincent Delahaye. Il n’y a rien de honteux ou de scandaleux à gérer rigoureusement ses comptes, et le mot « rigueur » n’est pas à mettre sur la liste noire du vocabulaire politique. D’ailleurs, Mme Lebranchu a eu raison de le prononcer.

M. Gérard Le Cam. Faisons donc comme en Grèce !

M. Vincent Delahaye. Nous pourrions ainsi établir une norme ambitieuse de réduction du déficit : pour chaque euro prélevé en plus, un euro de dépense en moins.

La dette publique est un autre souci majeur de nos finances publiques. Elle représente 86 % du PIB, soit l’équivalent de plus de sept années de recettes fiscales à périmètre constant. En dépit de la meilleure tenue, très modeste, de notre déficit public, cette dette a continué de croître de près de 6 % en 2011. Nous ne sommes plus qu’à quatre points du seuil d’alerte, soit 90 % du PIB. Or de nombreux économistes, notamment MM. Reinhart et Rogoff, ont indiqué dans un article publié en 2009 qu’une dette supérieure à 90 % du PIB nuirait radicalement à la croissance économique. Le service de notre dette deviendrait alors vraiment trop lourd et évincerait le financement de nos politiques publiques au profit du seul coût de refinancement de notre dette.

En clair, l’impôt finirait par se confondre avec la seule rémunération de nos investisseurs et prêteurs. Dès aujourd’hui, plus de 90 % des recettes fiscales de l’impôt sur le revenu sont littéralement avalées par le paiement du service de la dette.

Cette situation est bien sûr inacceptable. Nous en avons tous conscience, nous devons refuser de laisser une montagne de dettes à nos enfants et petits-enfants. Moralement, c’est impossible à tenir. Que penseront les nouvelles générations, sachant que nous aurons vécu à crédit, au-dessus de nos moyens, en leur laissant en héritage le soin de rembourser nos dettes ?

Face au drame national de la dette publique, il est plus que temps de réagir vivement.

M. Gérard Le Cam. C’est Sarkozy qui l’a augmentée !

M. Vincent Delahaye. M. Arthuis a eu l’occasion de le rappeler à de nombreuses reprises, il n’y a plus de souveraineté possible dans une telle situation financière.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Vincent Delahaye. Or n’est pas si loin le jour où la France se retrouvera contrainte de demander l’assistance de l’Europe au travers du Fonds européen de stabilité financière et bientôt du mécanisme européen de stabilité, le MES. Ce jour-là, ce ne sera plus devant nous, mes chers collègues, que le Gouvernement devra rendre des comptes, mais devant les fonctionnaires de la Commission européenne, de la Banque centrale et du FMI. J’en suis convaincu, aucun de nous, sur quelque travée que nous siégions, de gauche comme de droite, n’a envie de vivre de pareils moments, qui seraient forcément extrêmement douloureux.

L’enchaînement très négatif que nous observons depuis trente ans et qui apparaît très clairement dans ce projet de loi de règlement, avec l’augmentation des dépenses publiques et des déficits, l’explosion de la dette et la croissance permanente des prélèvements obligatoires, doit absolument être stoppé. Ce n’est pas la Cour des comptes qui dira le contraire : elle l’a suffisamment affirmé dans son dernier audit des comptes publics et elle nous offre un outil intéressant, mais encore perfectible : la certification des comptes.

La France est l’un des seuls pays au monde à faire certifier ses comptes par une juridiction indépendante, ce dont on doit se féliciter, même si le chemin n’a été parcouru qu’à moitié.

Depuis la première certification en 2006, belle initiative à saluer – rendons à César ce qui est à César ! –, le nombre de réserves substantielles émises par la Cour a presque diminué de moitié. Cela signifie que des efforts ont été réalisés. Félicitons-nous-en !

Toutefois, il semble, cette année, que les engagements de l’État plafonnent. Le nombre de réserves n’a pas diminué et, surtout, le montant du risque lié à ces réserves est très significatif par rapport au total du budget de l’État. Cela est dû aux incertitudes pesant sur les actifs et les passifs de l’État, qui posent des questions quant à la fiabilité des comptes qui nous sont présentés. Des réserves formulées voilà six ans n’ont toujours pas trouvé réponse ! Je pense notamment aux actifs et passifs du ministère de la défense. Dans le secteur marchand, il serait inimaginable de certifier les comptes d’une entreprise avec autant de réserves sur l’exhaustivité et la sincérité de ceux-ci.

Aussi, je m’interroge sur la méthode employée par la Cour des comptes. Avec autant de réserves substantielles, pourquoi la Cour n’en viendrait-elle pas, un jour, à refuser de certifier nos comptes ?

Ce risque existe, et ce serait alors un signal cataclysmique envoyé à nos partenaires européens comme à nos investisseurs.

Cette séance publique doit donc être l’occasion pour le Gouvernement de réaffirmer sa volonté de poursuivre les efforts en vue de lever progressivement toutes les réserves, de suivre les recommandations de bon sens de la Cour émises en matière de gestion et d’afficher, enfin, quelques principes de saine gestion financière. Or, sur ce point, il y a beaucoup de choses à dire.

Le précédent gouvernement avait au moins quelques principes de gestion, clairement énoncés et totalement revendiqués. Aujourd’hui, j’ai beau chercher, je ne vois pas ceux du nouveau Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

En la matière, comme sur d’autres sujets, j’ai l’impression qu’on navigue à vue. (Protestations sur les mêmes travées.) C’est visiblement une pratique appréciée de notre nouveau président de la République...

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est un bon marin !

M. Vincent Delahaye. Mais j’espère vraiment que cela ne va pas durer cinq ans parce que cinq ans sans savoir où l’on va, ça risque d’être sacrément long ! J’attends de votre réponse, monsieur le ministre, quelques éclaircissements à ce sujet.

En effet, l’affirmation de tels principes est une nécessité impérieuse aujourd’hui. Il nous faut une garantie plus fiable des comptes de l’État. Les zones d’ombre sont encore trop nombreuses. Certains risques ne sont même pas couverts, ou du moins pas assez. La provision pour litige reste opaque ; cela s’explique, bien évidemment, mais nos engagements hors bilan mériteraient d’être mieux évalués à la lumière des risques souverain et bancaire qui existent aujourd'hui.

Nous ne savons pas à quelle hauteur le budget de l’État pourrait être engagé au titre de la couverture des garanties accordées. Il y a un moment où la confiance ne peut plus servir de monnaie symbolique ; le jour où le risque associé à nos garanties se réalisera, nous perdrons ce que Gilles Carrez, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a décrit comme notre plus précieux héritage : la confiance de nos investisseurs. Or les risques prolifèrent : nous sommes engagés pour plus de 12 milliards d’euros auprès de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal et bientôt de l’Espagne et, pour presque 17 milliards, auprès de Dexia.

Pour conclure sur cette partie concernant la certification de nos comptes, je vous propose que nous nous donnions collectivement jusqu’en 2016 – soit, de manière symbolique, dix ans après la première certification – pour mettre au point un outil de certification fiable. Cet objectif, qui pourrait sembler lointain à certains, ne me paraît pas insensé : la France a eu raison de créer un outil de certification de ses comptes, comme l’on fait d’autres pays, les États-Unis par exemple. Cependant, il faut du temps pour qu’un tel outil soit pleinement opérationnel. Refuser de faire semblant, c’est dévoiler cette vérité : l’outil n’est pas encore au point. L’objectif que je propose inciterait l’administration à se montrer encore plus volontariste dans le suivi des recommandations de la Cour des comptes.

Face aux incertitudes financières et à une telle faiblesse de nos instruments comptables, nous nous retrouvons aujourd'hui pris dans la spirale infernale d’un déficit irréformable qui accroît indéfiniment une dette rendant nécessaire inlassablement de nouveaux impôts, au détriment de la bonne santé de notre économie. Nous traitons les symptômes et non la racine du mal, à savoir la décorrélation structurelle entre notre taux de dépenses publiques, supérieur à 54 % du PIB, et notre taux de prélèvements obligatoires, supérieur à 46 % du PIB. Il n’est pas envisageable, compte tenu de la nature de notre système fiscal et de la fragilité de notre économie, d’aligner ces deux taux. Personne n’oserait affirmer qu’un taux de prélèvements obligatoires de 46 % n’est pas déjà très élevé ; c’est donc qu’il faut réduire la dépense publique !

Je suis d'ailleurs certain que, au fond de vous-même, monsieur le ministre, vous avez envie de suivre la voie que trace le président de la Cour des comptes, que vous voulez suivre ses conseils afin d’être un grand ministre budget, celui qui aura su retrouver le chemin de l’équilibre.

M. Francis Delattre. Ce n’est pas ce qu’il a dit en commission !

M. Vincent Delahaye. Alors ne vous laissez pas prendre par vos prétendus amis, qui veulent nous faire croire qu’augmentation des dépenses publiques est toujours synonyme de progrès social, que les déficits et les dettes ne sont pas graves et que l’on pourra toujours faire payer demain ces investisseurs imprudents qui nous font confiance aujourd’hui... Ils vous engagent à prendre l’autoroute de l’Histoire à fond, mais à contresens !

Contrairement à eux, nous ne croyons pas que le progrès social découle de l’augmentation de la dépense publique. Nous pensons que le progrès social ne peut venir que du progrès économique, du dynamisme de nos entrepreneurs et investisseurs, de leur capacité à être créatifs et porteurs d’activités nouvelles. Il ne faut donc pas alourdir en permanence leur sac à dos ! L’augmentation ininterrompue des taxes et impôts qui pèsent sur eux constitue un véritable boulet qu’ils doivent traîner. Au début, à la sueur de leur front et grâce à leur énergie vitale, ils continueront à avancer. Mais plus lourde sera leur charge et moins vite ils avanceront... Et si l’augmentation des prélèvements confine au matraquage fiscal, ils peineront de plus en plus et finiront par s’arrêter et mourir.

Pour éviter cette issue tragique, Monsieur le ministre, vous devez absolument – même si la pression de vos « amis » est forte – refuser la voie de la facilité. Or les quelques annonces que l’on entend ici ou là vont malheureusement en sens inverse… On commence, ainsi que l’illustre notamment le cas des lignes TGV, à tailler allègrement dans les dépenses d’investissement, qui sont pourtant celles qui préparent l’avenir et font vivre beaucoup d’entreprises et de salariés français. On envisage de réduire sérieusement les budgets du ministère de la défense, au risque d’affaiblir fortement nos capacités d’intervention. On annonce une augmentation massive des impôts et taxes qui, contrairement à ce qui est dit, ne touchera pas exclusivement les gros patrimoines ; je pense en particulier à l’augmentation du forfait social pour l’intéressement et la participation, qui concerne 5 millions de salariés, et à la suppression des avantages sur les heures supplémentaires.

Il faut également mentionner la communication faite autour des soi-disant économies à réaliser, alors que ce sont des impôts nouveaux qui vont être mis en place ! Je crains d’ailleurs – mais j’espère que vous dissiperez mes craintes – que les réductions de dépenses annoncées ne concernent que principalement, voire exclusivement, les dépenses dites fiscales dans notre jargon technique, derrière lesquelles se cachent en réalité les fameuses niches fiscales. La suppression ou la réduction de ces niches se traduit en fait par des augmentations d’impôts, qui sont clairement ressenties comme telles par les citoyens contribuables : il conviendrait donc de ne pas taire leur nom.

M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, cher collègue.

M. Vincent Delahaye. Je suis désolé ; je vais m’efforcer de conclure au plus vite.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, la voie de la facilité n’est pas celle que nous devons emprunter. Monsieur le ministre, je vous propose de suivre le chemin de la vertu. C’est vrai qu’il est difficile et que, à court terme, il est sans doute moins payant politiquement et électoralement, mais ne sombrez pas dans le court-termisme que vous dénoncez chez les investisseurs ; levez plutôt la tête du guidon pour voir loin. Poursuivez la politique de réduction des effectifs de la fonction publique, réduisez de façon sélective les dépenses publiques, favorisez l’investissement d’avenir et mobilisez l’épargne des Français au profit de notre économie !

Si vous choisissez cette voie de la vertu, monsieur le ministre, nous vous suivrons dans une démarche d’opposition constructive. En revanche, si vous optez pour la voie de la facilité, nous serons toujours contre vous. N’oubliez pas le proverbe bien connu : la vertu trouve toujours sa récompense ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion des lois de règlement est un exercice imposé. Il est l’occasion de constater si les positions prises lors de la discussion du projet de loi de finances initiale ont pu trouver quelques motifs de validation. Nous devons donc porter un jugement sur la manière dont les affaires publiques ont été conduites durant l’année 2011. J’observe toutefois que, lors de la séquence électorale de ce printemps, nos concitoyens ont déjà exprimé leur rejet des choix qui ont présidé à cette politique.

La loi de finances initiale pour 2011 a fait l’objet de quatre collectifs budgétaires différents, visant tous à l’adapter aux choix gouvernementaux et à la « conjoncture », comme on dit généralement.

Le premier collectif – la loi du 29 juillet 2011 – comportait comme principale mesure la réforme, pour ne pas dire la mise en extinction, de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, une nouvelle définition de son tarif ayant réduit la recette fiscale de près de 2 milliards d’euros ! Ce choix, comme plusieurs autres pendant le dernier quinquennat, a diminué la participation des plus riches au budget de l’État, alors même que celle des plus modestes allait s’aggraver ; nous le verrons lorsque j’aborderai le quatrième collectif budgétaire. Nous attendons donc avec intérêt que l’article 1er de la loi du 29 juillet 2011 soit purement et simplement rapporté afin que l’ISF retrouve toute son efficacité sociale et économique. Cette décision devrait intervenir la semaine prochaine ; nous y veillerons.

Comme la « disparition » budgétaire des coûteuses mesures du plan de relance en offrait l’opportunité, les mesures fiscales contenues dans ce collectif ont porté sur la seule fiscalité du patrimoine, accentuant un peu plus la hiérarchie des priorités du gouvernement de MM. Sarkozy et Fillon.

J’en viens au deuxième collectif – la loi du 19 septembre 2011 –, que nous avons dû examiner en accéléré. Ce texte a été rendu nécessaire par l’aggravation de la situation économique européenne et de la crise de l’euro. Il comprenait, entre autres mesures, le renforcement des moyens du Fonds européen de stabilité financière, avec pour conséquence un renforcement des garanties hors bilan accordées par l’État.

L’augmentation d’un certain nombre de prélèvements sociaux, notamment sur les revenus du patrimoine, ne faisait aucunement illusion. En effet, le collectif était assorti de 460 millions d’euros d’annulations de crédits frappant toutes les missions budgétaires, les seules ouvertures étant liées au service de la dette et aux remboursements et dégrèvements d’impôts. Ces réductions de dépenses ont touché toutes les actions publiques, mais elles ont plus particulièrement affecté celles que mènent les structures associatives auprès des populations les plus fragiles.

Le troisième collectif – la loi du 2 novembre 2011 – fut pour le Parlement l’occasion de constater que la crise financière et économique pouvait mettre en cause les acteurs même des marchés financiers responsables de cette crise. Le point principal du projet de loi était le plan de sauvetage du groupe Dexia, avec l’instauration d’une garantie partagée entre les gouvernements belge, français et luxembourgeois. Nous nous sommes alors interrogés sur les dispositions proposées, considérant que l’on devait reconstruire un outil public de financement des collectivités locales. Cela nous avait amenés à rejeter le plan proposé.

Aujourd'hui, la situation de Dexia demeure particulièrement préoccupante dans la mesure où la quasi-totalité des garanties prévues ont été appelées – même si elles ne sont pas encore mobilisées ; nous en restons au stade du cautionnement – et où le moyen de permettre à cet établissement de reprendre les activités qui constituaient son « cœur de métier », à savoir le financement des collectivités territoriales, n’a pas encore été trouvé.

Notons également que l’engagement de l’État n’a pas empêché le net ralentissement des efforts d’investissement des collectivités territoriales. Cette réduction a des conséquences évidentes. La faiblesse, pour ne pas dire l’inexistence de la croissance économique, trouve là l’une de ses causes. L’annonce de 6 000 suppressions d’emploi prévues cette année par la Fédération nationale des travaux publics est l’expression de ce ralentissement important, puisque la part des collectivités territoriales dans l’investissement public est passée de 75 % à 70 %. Si ces 6 000 suppressions d’emploi devaient effectivement se concrétiser, elles affecteraient tous nos territoires.

Enfin, nous avons eu droit au traditionnel collectif de fin d’année – la loi du 28 décembre 2011 –, qui fut profondément modifié par le Sénat. Cette loi de finances rectificative prévoyait notamment le relèvement du taux réduit de la TVA, qui concerne évidemment tous les consommateurs mais pèse davantage, comme on le sait, sur ceux qui ont des revenus modestes.

Ce quatrième collectif a également entériné le gel du barème de l’impôt sur le revenu, dont la conséquence principale a été l’accroissement du nombre de ses redevables. Cette mesure a concerné en particulier les redevables d’une cotisation limitée en montant direct mais qui, en raison même de ce faible niveau d’impôt, peuvent prétendre à des droits connexes. Les bénéficiaires des fameuses heures supplémentaires défiscalisées n’échapperont donc pas à ce processus, puisque ce sont eux qui ont les plus bas salaires : de 1 à 1,6 fois le SMIC. Après avoir acquitté une cotisation d’impôt sur le revenu, ils verront progresser leur contribution aux finances locales à travers un autre plafonnement de leur taxe d’habitation. En outre, certaines des aides au logement ou aides sociales dont ils bénéficiaient jusqu’alors seront réduites.

Cette question de l’adaptation des différents barèmes prévus par notre législation fiscale nous semble tout à fait cruciale, en particulier pour les plus modestes. Si ces foyers ne constituaient pas la priorité du précédent gouvernement, ce sont pourtant eux qui participent le plus, par leur consommation, à la dynamique économique. Rappelons-nous que les revenus salariaux représentent plus de 60 % de l’assiette de l’impôt sur le revenu, les pensions et retraites en représentant quant à elles entre 20 % et 25 %. En gelant le barème de l’impôt sur le revenu, le gouvernement de l’époque a donc accru la ponction fiscale sur ces éléments de revenu.

Aussi, quand j’entends certaines réactions d’anciens ministres sur les mesures préconisées en loi de finances rectificative par le Gouvernement, je pense qu’il est bon de raviver leur mémoire !

Pendant ce temps-là, les niches fiscales persistent ainsi que les régimes dérogatoires de traitement des revenus du capital et du patrimoine, voire les exonérations pures et simples. Quant à l’optimisation fiscale, elle demeure un outil à disposition de tous ceux qui ont autre chose que le seul fruit de leur travail pour vivre. C’est d’ailleurs ce que montre le travail réalisé par la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

C’est cette question qui est directement posée par le quatrième collectif de la fin d’année 2011, lequel se drapait d’autant plus dans les habits de l’équité qu’il s’apprêtait à frapper durement les revenus les plus modestes au fil du temps, sans doute bien plus durement que les autres revenus mis à contribution, car la situation était « exceptionnelle » et nécessitait des moyens du même acabit !

Il est probable que, sans le jugement souverain de l’électorat, l’exceptionnel aurait sans doute justifié son nom, tandis que le reste, frappant les plus modestes, serait devenu l’ordinaire.

Toujours est-il que toute démarche de revalorisation des barèmes et tarifs fiscaux doit, à notre avis, aller de pair avec une réflexion sur le bien-fondé de la mesure au regard des éléments d’assiette concernés et doit contribuer à plus de justice fiscale.

Par exemple, il nous semble que la dynamique de progression des revenus ayant assez peu à voir avec celle des patrimoines – si l’on en croit l’INSEE –, il n’est plus tout à fait légitime que les modalités de revalorisation des impositions concernant les revenus du travail et ceux du capital soient forcément identiques.

Pour autant, au terme d’une loi de finances initiale et de quatre collectifs budgétaires, la situation des comptes publics ne s’est pas véritablement améliorée, puisque le présent projet de loi de règlement établit le déficit budgétaire à 90,7 milliards d’euros contre 91,6 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale.

Si le plafond de progression de la dette publique fixé par la loi de finances pour 2011 a été respecté, on ne peut manquer de souligner que les 88 milliards et quelques euros supplémentaires venus s’ajouter au stock déjà existant de dette montrent clairement les limites des choix opérés par le gouvernement d’alors.

Nous sommes dans une situation paradoxale : la France n’a jamais émis autant de titres de dette que lors du dernier quinquennat ; pourtant, le niveau des investissements publics n’a jamais été aussi faible.

La loi de finances initiale et la loi de règlement offrent pourtant l’occasion de faire quelques découvertes, rendant possible ce que nous constatons dans la réalité aujourd’hui.

Ainsi, le Gouvernement avait prévu d’amortir 48,8 milliards d’euros de titres de dette de long terme, 48 milliards d’euros de titres de moyen terme, 600 millions d’euros de dettes reprises par l’État, et de contenir à 91,6 milliards d’euros le déficit budgétaire.

Et qu’avons-nous au final ? Un amortissement plus faible que prévu des titres de moyen terme – 46,1 milliards d’euros au lieu de 48 milliards d’euros –, un niveau d’émissions de bons du Trésor plus faible – 183,4 milliards d’euros au lieu de 186 milliards d’euros –, mais surtout, fort opportunément, un solde négatif des bons du Trésor de court terme pour 9,3 milliards d’euros – soit un gain de 8,2 milliards –, un doublement des ressources diverses de trésorerie – 6,1 milliards d’euros au lieu de 3 milliards d’euros – et un sensible apport des dépôts des correspondants – les établissements publics et les collectivités territoriales –, ceux-ci amenant, en effet, 12,4 milliards d’euros et non pas seulement les 3 milliards d’euros prévus en loi de finances initiale.

Cette situation fait d’ailleurs l’objet d’un intéressant commentaire de notre rapporteur général : le fameux grand emprunt destiné à financer des « investissements d’avenir », monsieur le président de la commission des finances, n’est pour le moment devenu qu’un moyen de financer des placements de trésorerie en attente d’emploi, les revenus tirés de ces opérations étant ensuite mutualisés dans les écritures de l’État.

Au moment où certains appellent les opérateurs de l’État – et donc, entre autres, les grands établissements publics de recherche, de création et d’innovation technologique – à la mesure et au respect de nouvelles contraintes comptables et budgétaires, il serait bon que nous nous interrogions sur le fait que, pour le moment, ces organismes participant à la croissance et au progrès social et économique sont gérés comme un « club d’investissement ». C’est en tout cas l’impression que nous avons avec cet emprunt pour des investissements d’avenir.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous en parlerons en commission demain !

Mme Marie-France Beaufils. L’astuce du plan de relance ainsi que la centralisation des fonds du grand emprunt a offert au gouvernement précédent un panel d’outils supplémentaires d’ingénierie financière pour un ensemble de 20 milliards d’euros au total, en termes de mouvements.

Mais nous ne sortirons pas des déficits et des difficultés avec la répétition de ce type d’expédients qui consiste à placer sa propre dette et d’en minorer le coût en lui opposant le rendement de quelques placements.

Si l’on poursuit la logique jusqu’au bout, il se pourrait, en fait, que l’argent du grand emprunt ait été habilement placé sur les titres de dette allemande, américaine et peut-être même – le sait-on ? – sur la dette grecque garantie par le Fonds européen de stabilité financière, le FESF,...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il vaudrait mieux quand même qu’il n’y en ait pas trop !

Mme Marie-France Beaufils. C’était une interrogation ! On verra ce qui nous sera répondu.

... avant de servir au développement de notre appareil productif, de nos infrastructures, de notre société dans son ensemble !

On peut y ajouter le remboursement anticipé des aides au secteur automobile dans le courant de l’année 2011. Le plan social annoncé par PSA un an après montre clairement à la fois que l’argent ainsi prêté n’a pas été utilisé à bon escient et que l’État s’est trop vite contenté de percevoir le montant du capital et des intérêts avancés sans s’interroger sur le bien-fondé de l’allocation des ressources.

Nous voici clairement face à l’exécution d’un budget 2011 que nous ne pouvons évidemment pas valider. J’ai bien entendu l’appel de notre rapporteur général, mais notre groupe ne pourra s’y rallier et voter ce projet de loi de règlement du budget 2011. Nous ne partagions pas les attendus ni les objectifs de celui-ci. Nous n’en acceptions ni les contours, ni les finalités.

La révision générale des politiques publiques, avec ses conséquences sur nos services publics – dont le Gouvernement avait pourtant vanté l’apport, considérant qu’ils permettaient à la population la plus modeste de mieux supporter les conséquences de la crise ! –, a montré toute sa nocivité.

Et que dire de la politique fiscale, qui est non seulement profondément injuste, mais de plus inefficace pour créer une nouvelle dynamique économique !

Tous ces éléments ne peuvent, bien évidemment, que nous amener à rejeter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les habiles contorsions du président de la commission des finances, dignes des meilleurs transformistes (Sourires.) et les propos incantatoires de notre collègue Vincent Delahaye m’ont amené à considérer qu’ils avaient inventé un nouveau concept, celui de la moralisation en matière financière. Aussi mes propos vont-ils peut-être manquer de relief !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pour un Pyrénéen, ce serait surprenant ! (Sourires.)

M. François Fortassin. Par avance, je sollicite donc beaucoup d’indulgence de la part de l’auditoire !

Ce projet de loi de règlement des comptes que nous examinons aujourd’hui est l’occasion de mettre en lumière les errements et les incohérences de la politique fiscale du précédent gouvernement.

Ces errements et ces incohérences ont, au demeurant, été pointés du doigt par la Cour des comptes, qui, par ailleurs, est extrêmement mesurée dans ses critiques. J’ai donc tendance à considérer que, compte tenu de la confiance que l’on peut accorder à cette noble institution, il doit y avoir une part de vérité !

Ces errements et ces incohérences, les membres de mon groupe et ceux des autres groupes de la majorité n’avaient pas manqué de les souligner lors de l’examen de la dernière loi de finances, avec l’appui du travail de notre excellente rapporteur générale de l’époque.

Nous avions d’ailleurs proposé de nombreux amendements pour éviter ou limiter certaines dérives, mais, mes chers collègues, le gouvernement que vous souteniez n’a pas cru bon de nous suivre sur ce chemin. Sans doute étiez-vous sous l’emprise du magnétisme de votre leader charismatique, qui considérait peut-être qu’en matière de finances quelques tours de prestidigitation, voire de magie, pouvaient régler les problèmes budgétaires !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela vaut mieux que le rêve !

M. François Fortassin. Premier exemple d’incohérence : le gouvernement avait érigé comme priorité absolue la non-augmentation des impôts, sans s’apercevoir que, lorsqu’on n’augmente pas les impôts, on tarit bien entendu la source du revenu indispensable au fonctionnement de notre pays.

Ce n’est qu’à la fin de 2010 que le gouvernement s’est enfin aperçu qu’il était impossible de réduire significativement le déficit sans augmenter les prélèvements obligatoires. Il a alors opéré un revirement à 180 degrés et, tandis que son objectif initial en matière de taux de prélèvement obligatoire était de 43,4 points du PIB, les dernières prévisions le fixaient à 44,5 points.

Le gouvernement de l’époque s’est abrité derrière une excuse universelle, « la crise », pour justifier ces mauvais résultats ou pour faire passer des mesures difficilement acceptables comme les plans de rigueur et d’austérité successifs, qui nous ont conduits à discuter pas moins de quatre lois de finances rectificatives l’an dernier !

Mais, comme l’a d’ailleurs rappelé la Cour des comptes à plusieurs reprises, la crise n’explique pas tout, en particulier en matière de déficit public. Elle a effectivement démontré qu’en 2010 les deux tiers du déficit étaient indépendants de la crise. C’est donc que notre déficit structurel est particulièrement élevé, comme l’ont d’ailleurs confirmé de nombreuses comparaisons sur le plan international.

Certes, l’objectivité m’amène à dire que ce niveau élevé ne résulte pas uniquement de la politique menée dans les cinq dernières années par les gouvernements de droite ; les gouvernements de gauche ont aussi une part de responsabilité.

Mais qu’a fait le gouvernement précédent ? Il a persévéré dans ces errements... En définitive, son action a été très modeste, comme l’a rappelé notre excellent rapporteur général, François Marc, dont je salue le remarquable travail.

Plus des deux tiers de la réduction affichée du déficit de 58 milliards d’euros sont dus à des événements exceptionnels ; donc pas de réduction des déficits. En même temps, on a abîmé les principes républicains et dégradé la fonction publique. Personnellement, c’est peut-être le reproche majeur que j’aurais envie de vous faire.

C’est grâce à une manipulation ingénieuse que le gouvernement a pu afficher une telle réduction du déficit en 2011 et respecter son engagement de le ramener à 5,2 % du PIB. En effet, en « alourdissant » volontairement le déficit de 2010 par certaines mesures exceptionnelles, comme le plan de relance ou les investissements d’avenir – de bonnes choses, mais qui se sont brutalement arrêtées, ce qui montre qu’il n’y a pas eu continuité dans l’action –, le Gouvernement a pu annoncer, comme par hasard avant les élections présidentielles, la réduction du déficit. Mais sans doute n’est-ce pas sur ce point que les Français se sont déterminés...

Pour notre part, nous ne sommes pas dupes : la réduction du déficit de la France reste indispensable si nous voulons garder la maîtrise de notre avenir commun. C’est pourquoi, avec la majorité des membres du RDSE, je soutiens l’action engagée par l’actuel Gouvernement pour poursuivre la réduction du déficit et atteindre l’équilibre en 2017.

La voie choisie dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinerons la semaine prochaine est un bon début pour permettre le redressement de la France.

La politique fiscale de ces cinq dernières années a eu pour conséquence d’affaiblir très fortement non seulement nos finances, mais aussi les principes de justice et d’équité pour ce qui concerne la répartition des charges entre nos concitoyens.

On a réduit considérablement les recettes de l’État. Je prendrai l’exemple de la défiscalisation des heures supplémentaires instaurée en 2007 par la tristement célèbre loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. Non seulement une telle mesure a eu un coût très élevé pour l’État, mais aussi elle a contribué à accroître le chômage, fléau numéro un de notre pays.

La réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune, véritable « cadeau » aux plus fortunés, que certains parviennent à justifier, est difficilement acceptable, pour les radicaux notamment, très attachés à la progressivité de l’impôt en fonction des ressources.

Les mesures adoptées au cours de la précédente législature sont, de ce point de vue, assez éclairantes : elles ont privé l’État de recettes dont il avait grandement besoin en temps de crise.

Il s’agit donc, désormais, de redresser, avec le Gouvernement, les comptes publics, tout en réinstaurant une véritable justice fiscale, à laquelle la majorité des membres du groupe du RDSE sont très attachés.

Pour ce faire, il convient de restaurer la confiance. Or celle-ci ne pourra être rétablie que si l’on s’attache à respecter le principe d’équité fiscale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici dans une situation atypique : un gouvernement de gauche doit présenter le bilan d’une année de mandature d’un gouvernement sortant de droite.

M. Henri de Raincourt. C’est la démocratie !

M. Jean-Vincent Placé. Comme l’a dit mon éminent collègue François Fortassin, cela nécessite quelques contorsions, que M. le président de la commission des finances a exécutées avec le talent et la virtuosité que nous lui connaissons.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je vous remercie, mon cher collègue.

M. Jean-Vincent Placé. Le constat est sans appel : la nouvelle majorité présidentielle, qui hérite d’une situation déplorable (Protestations sur les travées de l'UMP.),

M. Richard Yung. Le mot est faible !

M. Jean-Vincent Placé. En la matière, mes chers collègues, vous pouvez nous donner des leçons...

La nouvelle majorité, disais-je, devra redoubler d’efforts pour, tout à la fois, rééquilibrer les comptes et mener des politiques publiques ambitieuses pour la France. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

En analysant les comptes de l’année écoulée, on réalise que le gouvernement sortant a creusé non seulement la dette économique, mais aussi la dette écologique et les inégalités sociales. (M. Henri de Raincourt s’esclaffe.)

Vous ne devriez pas rire autant, cher collègue, surtout devant un tel bilan !

Alors que la situation économique s’est considérablement dégradée depuis 2007, les choix budgétaires et fiscaux du gouvernement précédent se sont avérés désastreux.

La dette publique n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui le montant astronomique de 1 700 milliards d’euros, soit près de 90 % du PIB. Entre 2007 et 2011, l’augmentation aura été de 600 milliards d’euros.

La hausse des impôts, qui inquiète tant l’UMP aujourd’hui, a pourtant constitué une stratégie constante sous la mandature précédente. Les taux de prélèvements atteignent désormais 45 %, ce qui représente une hausse de presque deux points par rapport à 2007. Mais cette évolution s’est faite seulement au détriment des plus modestes. Dans le même temps, les plus fortunés encaissaient chaque année des chèques de remboursement émis par le fisc.

M. Jean-Vincent Placé. Qu’il s’agisse du bouclier fiscal ou de la réforme de l’ISF, l’ensemble des avantages fiscaux indus concédés par le précédent gouvernement s’est élevé à 22 milliards d’euros !

Vincent Delahaye, mon collègue de l’Essonne, a dénoncé notre niveau de dépense publique. Le problème, c’est que celle-ci a progressé très significativement au cours de ces dix dernières années : alors qu’elle représentait 52 % du PIB en 2002, elle atteint 56 % en 2012 !

Pour finir, la Cour des comptes nous apprend qu’une partie des dépenses votées dans le cadre du budget 2012, soit près de 2 milliards d’euros, ne sont pas financées. La droite nous donne des leçons de bonne gestion, mais le bilan ne ment pas ! Le précédent gouvernement aura réussi le tour de force d’augmenter la dette, d’augmenter la dépense publique, d’augmenter les impôts, tout en diminuant la contribution des plus aisés. Remarquable tour de force, qui vous a d’ailleurs conduits, chers collègues, dans l’opposition !

Au-delà de ce bilan comptable peu glorieux, je souhaite insister, monsieur le ministre, sur les conséquences de l’application dogmatique de la rigueur.

Les suppressions de postes dans l’éducation, la justice ou la police, au nom de la révision générale des politiques publiques, ont gravement détérioré la qualité de nos services publics.

Les suppressions effectives d’emplois représentent, en moyenne, 31 728 emplois équivalents temps plein travaillés par an. La diminution du nombre de postes est même supérieure aux prévisions de la loi de finances initiale.

J’ai pu constater les dégâts causés par cette politique, en particulier pour ce qui concerne la mission « Sécurité », que j’ai examinée pour la commission des finances en tant que rapporteur spécial auprès de M. le rapporteur général, François Marc, que je salue.

L’option choisie pour la police nationale, malgré les discours gouvernementaux, a conduit à substituer à des emplois de fonctionnaires des emplois précaires moins qualifiés et moins rémunérés.

Dans mon département, la brigade territoriale autonome de gendarmerie de Nozay se trouve systématiquement en sous-effectif. Il ne s’agit pas là d’une considération abstraite ou d’une moyenne nationale ! La sécurité due à nos concitoyens et concitoyennes est ainsi mise en péril : on a pu observer plus de 10 000 nouvelles atteintes à l’intégrité physique des personnes. Bravo, monsieur Guéant !

Tandis que les moyens humains manquent pour assurer un climat de sécurité dans nos villes, l’insuffisance des moyens matériels est également dramatique. Les locaux sont dans un état déplorable. Les commissariats souffrent trop souvent d’un état de vétusté avancé. Non seulement cela détériore les conditions de travail du personnel, mais cela pèse aussi sur la qualité de l’accueil des victimes.

Je ne m’attarderai pas sur l’état de nos écoles : classes supprimées ou surchargées, professeurs déprimés et surmenés. La situation de notre système judiciaire n’est pas meilleure si l’on considère les interminables délais d’attente, préjudiciables tant aux justiciables qu’aux personnels de la magistrature.

Évidemment, il y aurait beaucoup à dire. Ces domaines constituent les priorités du Président de la République, et nous aurons l’occasion d’en reparler au cours de l’examen du projet de loi de finances à venir.

C’est tout notre modèle de service public qui est ébranlé. En temps de crise, la notion d’intérêt général est pourtant plus que jamais d’actualité. La valeur des biens communs et des services publics ne s’étalonne pas à l’aune de la rentabilité.

On ne peut pas demander à nos concitoyens et concitoyennes de contribuer à l’effort national, pourtant nécessaire, au nom de l’intérêt public, si on ne leur garantit pas en retour un service public de qualité.

La France possède depuis longtemps un modèle de société envié dans le monde entier, qui repose sur la solidarité et l’égalité d’accès aux biens fondamentaux. Ce modèle, abîmé par la gestion du gouvernement précédent, nous voulons le préserver pour garantir la cohésion sociale qui nous unit.

Au-delà des finances délabrées et des services publics démantelés, le sénateur écologiste que je suis déplore également, dans le bilan dont nous héritons, un accroissement incontrôlé de la dette écologique.

Qui paiera les conséquences du réchauffement climatique, de la destruction des écosystèmes ou de la fonte des glaciers, que nous léguons aux pays du Sud et aux générations futures ?

Les principes de soutenabilité et de responsabilité, qui semblent faire aujourd’hui consensus à propos de l’économie, y compris chez ceux qui ne les ont pas respectés, s’appliquent aussi à l’environnement. Nous sommes les débiteurs écologiques inconscients de notre surconsommation. Malheureusement, cette dette-là est sans doute encore plus grave que la dette économique car, si un État peut toujours restructurer cette dernière, la planète, elle, ne négocie pas.

Nous sommes arrivés à la maturité d’un système ultraproductiviste, poussant à consommer plus de ressources naturelles que celles qui sont disponibles.

La règle d’or ? J’aurais bien aimé que Nicolas Sarkozy l’applique à l’environnement et cesse ainsi de subventionner les vols aériens intérieurs ou le fret routier au détriment du rail, le diesel ou les pesticides cancérigènes !

À cet égard, je vous invite, mes chers collègues, à méditer un très beau proverbe indien. Puisse-t-il, durant ces vacances à venir, vous permettre de réfléchir : « Quand le dernier arbre sera abattu, la dernière rivière empoisonnée et le dernier poisson pêché, alors vous découvrirez que l’argent ne se mange pas. » (Ce n’est pas nouveau ! sur les travées de l’UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Admirable ! (Rires sur les mêmes travées.)

M. Jean-Vincent Placé. Sous l’ère Sarkozy, le gouvernement s’est définitivement trompé de levier : tuer les services publics,...

M. Jean-Vincent Placé. ... subventionner les plus riches et les polluants, ce n’est vraiment pas la bonne méthode. Le groupe écologiste ne peut que déplorer la situation laissée par la droite à la nouvelle majorité. Les dégâts financiers, sociaux et écologiques sont particulièrement inquiétants.

Face à un tel héritage, la tâche ne sera pas aisée pour la majorité présidentielle, mais le meilleur est possible.

Les écologistes ont voté la confiance au nouveau gouvernement pour qu’il fasse les bons choix, de nature à préserver notre modèle social, nos services publics et l’environnement, tout en répondant de façon responsable de nos finances publiques. Que l’on ne se méprenne pas, les écologistes sont très soucieux de l’équilibre des comptes et prônent d’ailleurs les vertus de la sobriété.

La porte est étroite : une réforme ambitieuse de l’État, évitant l’écueil de l’austérité, est nécessaire. Dans tous les cas, les choix budgétaires et fiscaux à venir ne trouveront sens et succès que dans le cadre d’un engagement déterminé en faveur de la transition écologique de notre société.

De tout cela, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous reparlerons naturellement lors du débat sur les orientations des finances publiques et à l’occasion de l’examen des lois de finances à venir.

Bien sûr, la logique de la loi de règlement nous conduit à approuver ce texte.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous serons au moins unanimes sur quelque chose !

M. Jean-Vincent Placé. Vous avez entendu notre opinion sur cette loi de règlement des comptes, sur ce qui a été l’origine stratégique, si j’ose dire, de ses fondements. Pour autant, nous ne pouvons que constater sa sincérité. Il est d’ailleurs malheureux, pour les parlementaires qui soutiennent la majorité sortante, que tel soit le cas...

C’est donc tout à fait naturellement que nous pourrons poursuivre notre discussion avec vous, monsieur le ministre, au cours du débat sur les orientations des finances publiques et à l’occasion de l’examen, la semaine prochaine, du collectif budgétaire, que nous approuverons, ce qui constitue une bonne nouvelle, quoique sans surprise, pour votre gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle André.

Mme Michèle André. Je vous remercie, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, de vos explications relatives à la situation budgétaire. Au nom du groupe socialiste, je me réjouis que l’élan qui a donné cet automne une nouvelle majorité au Sénat se soit poursuivi au printemps et permette aux membres du Gouvernement de venir, en confiance, présenter leurs projets devant un Sénat qui les soutient.

Cependant, dans ce nouveau contexte, ma première intervention ne vous est pas directement destinée, puisque je m’adresserai plutôt à nos collègues de l’ancienne majorité.

Cela a été souligné, ce projet de loi de règlement des comptes a ceci de particulier que le gouvernement qui la présente n’est pas responsable de ce qu’elle contient. Ni le gouvernement issu des élections des 10 et 17 juin dernier ni la majorité sénatoriale ne sont responsables du texte que nous examinons aujourd’hui. Il doit être imputé aux anciennes majorités parlementaires qui ont soutenu Nicolas Sarkozy pendant ces cinq dernières années.

Ainsi, le jour est venu de régler les comptes. Je n’ai pas dit « régler nos comptes », car la situation économique et budgétaire nous impose de laisser derrière nous les polémiques des campagnes électorales.

Mme Michèle André. Toutefois, en examinant les comptes pour 2011, nous sommes bien forcés de revenir sur les incohérences des cinq dernières années, et donc de vous demander des comptes. Car le nouveau gouvernement hérite d’une situation trop grave pour que vous puissiez vous défausser de toute responsabilité, pour qu’il vous soit épargné un examen critique des décisions que vous avez soutenues quand vous étiez dans la majorité.

La semaine prochaine, nous reviendrons une nouvelle fois sur cet héritage. Le projet de loi de finances rectificative actuellement en débat à l’Assemblée nationale a en effet pour objectif principal de rattraper, par des recettes fiscales nouvelles, les manques dus à votre imprévision. (M le président de la commission des finances s’exclame.)

Lorsque cela aura été fait, la nouvelle majorité pourra entamer le redressement dans la justice pour lequel François Hollande a été élu.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Les lendemains vont s’éclairer…

Mme Michèle André. Mais, dans vos critiques à venir, n’oubliez pas ceci : la crise a certes limité nos marges de manœuvre budgétaires, mais, vous le savez bien, elle ne peut pas tout excuser. Ces marges, vous les avez vous-mêmes réduites par des réformes injustes et inefficaces et vous n’avez pas tenu compte de nos mises en garde.

C’est pourquoi j’ai été très étonnée d’entendre notre collègue Philippe Dallier prétendre, la semaine dernière, que le Gouvernement faisait semblant de découvrir la situation actuelle et que François Hollande aurait caché celle-ci aux Français pour se faire élire.

M. Henri de Raincourt. C’est vrai !

Mme Michèle André. S’il y a une chose qui distingue la majorité nouvelle de l’ancienne, monsieur Dallier, c’est bien notre constance et notre lucidité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On n’est jamais si bien servi que par soi-même !

Mme Michèle André. Avec Nicole Bricq et les autres sénateurs de gauche, nous n’avons cessé de vous alerter sur les risques que faisait courir votre aveuglement politique. Et nous n’étions pas les seuls à le faire !

En 2011, la France accuse un déficit de plus de 90 milliards d’euros. M. le rapporteur général l’a déjà dit, la baisse par rapport à l’année précédente s’explique essentiellement par un niveau artificiellement élevé en 2010. Le montant constaté en 2011 n’en demeure pas moins accablant : près du double des montants de 2007 et de 2008, un taux de couverture des dépenses par les recettes de seulement 69 %, ce qui aboutit à un montant de dette publique deux fois plus important qu’en 2002.

Accumuler en dix ans autant de dette que tous les gouvernements précédents : voilà le bilan de la droite !

Pour le seul État, la dette représente deux tiers du produit intérieur brut annuel, soit pour lui cinq ans de recettes nettes. Certes, on ne peut cesser toute dépense publique pendant un quinquennat pour consacrer toutes les recettes au remboursement de la dette, mais il y a un chemin entre cela et l’inaction et c’est l’inaction qui a été choisie, conduisant la France à l’asphyxie financière.

En 2010, puis en 2011, la charge de la dette a ainsi continué d’augmenter, devenant le premier poste de dépenses, devant l’éducation nationale. Drôle de paradoxe : plutôt que de financer l’avenir de nos enfants, nous consacrons plus d’argent à rembourser les intérêts d’une dette qui pèsera sur eux.

Ce risque d’asphyxie financière, Philippe Séguin l’avait pourtant évoqué plusieurs fois devant nous. Et, dès 2009, il avait souligné que ni la crise ni les dépenses conjoncturelles visant à en réduire les effets n’étaient les seules causes du dérapage budgétaire. Déjà, la diminution des recettes – due en premier lieu aux dispositions de la loi TEPA – expliquait une grande partie du déficit. Cela n’a fait que s’aggraver depuis lors.

Ainsi, pour l’année 2011, qui nous intéresse aujourd’hui, l’effet des réformes de ces cinq dernières années représente plus de 22 milliards d’euros de recettes perdues pour l’État. La moitié est due à la loi TEPA, un tiers à la réforme de la taxe professionnelle, le reste à la réforme de la TVA dans la restauration et à celle de l’ISF.

Certes, ces mesures ont profité à certains, mais elles n’ont pas profité à tous les Français, surtout pas aux ménages les plus modestes.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh non !

Mme Michèle André. En revanche, c’est bien sur ces ménages qu’a pesé, pour l’essentiel, la hausse de la TVA, par laquelle vous avez achevé de faire de la progressivité inversée le socle de votre politique fiscale.

En somme, pour reprendre l’expression de Nicole Bricq, le dernier quinquennat aura été celui de l’incohérence et des injustices.

Elle n’était d’ailleurs pas la seule à le souligner. Dans votre propre camp, certains s’inquiétaient de la différence de traitement dont bénéficiaient les ménages les plus aisés. Je citerai ainsi notre ancien collègue Nicolas About, qui regrettait, en 2010, à propos du bouclier fiscal, que « l’effort que les Français devront fournir pour redresser notre situation sera consenti par tous, sauf par nos concitoyens les plus aisés, protégés par le bouclier fiscal ». Il ajoutait : « Il ne faut pas nécessairement beaucoup plus d’impôt, mais il faut parvenir à un impôt plus juste. »

Apparemment, il n’a été guère été entendu. Certes, ces dernières années, vous avez fait le choix de plus d’impôt : 12,5 milliards d’euros en 2011, 21 milliards d’euros en 2012, du fait de vos seules réformes.

C’est d’ailleurs à cela que vous devez la très relative réduction du déficit structurel, plus qu’à une réduction des dépenses, que vous vous êtes contentés de sous-budgéter avant d’être rattrapés par la réalité en cours d’exécution.

Il ne vous est donc plus possible d’opposer une droite responsable devant la dépense à une gauche idolâtrant l’impôt, car vous avez finalement trouvé cet outil très pratique pour rattraper vos erreurs. En revanche, vous n’avez rien fait pour que cet impôt soit plus juste.

Je prendrai pour cela l’exemple de la suppression de la taxe professionnelle. Les effets pour les entreprises sont bien moins clairs que ne l’envisageait le gouvernement de l’époque : dans certains secteurs, seules 40 % d’entre elles en profitent réellement et, en moyenne, seules 60 % sont gagnantes.

En revanche, ses conséquences sur les ménages et sur les collectivités territoriales sont durables. Comme nous l’annoncions, cette réforme a eu un triple effet pervers sur ces collectivités : une perte d’autonomie financière, une perte de prévisibilité des ressources et une disparité croissante entre les différentes collectivités territoriales.

Les effets de cette réforme pour l’État avaient également été sous-évalués. Le coût pour l’État de l’allégement au bénéfice des entreprises était en effet estimé à 5,8 milliards d’euros en régime de croisière ; il devrait finalement s’élever à 7 milliards d’euros les prochaines années, et à plus de 8 milliards d’euros pour 2011.

S’agissant de l’impôt sur les sociétés, là encore, nous vous avions appelés à agir. Peu à peu, le taux de 33,33 % est devenu bien théorique. Grâce à la création successive d’abattements et de niches fiscales, le taux moyen effectif est plus proche de 20 %, avec de très grandes disparités selon la taille de l’entreprise. Vous le savez comme nous, en moyenne, une entreprise du CAC 40 paye en réalité 8 % d’impôt sur les sociétés, soit un quart du taux légal.

C’est pourquoi nos collègues François Marc et François Rebsamen avaient proposé de mettre fin à ce « mitage » de l’impôt sur les sociétés. Leur proposition de loi avait été repoussée. L’Assemblée nationale a finalement fait sienne, tardivement, l’idée d’abroger le régime du bénéfice mondial consolidé. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault en reprend une autre dans son projet de loi de finances rectificative, celle de la modulation de l’impôt en fonction du réinvestissement par l’entreprise des bénéfices dégagés. Il l’accompagne d’autres mesures permettant à l’impôt sur les sociétés de retrouver un rendement acceptable.

Car, non seulement vous n’avez pas souhaité réhabiliter l’impôt sur les sociétés, mais vous avez également surestimé son rendement. En 2011, alors que vous attendiez un produit de près de 45 milliards d’euros, celui-ci est inférieur à 40 milliards d’euros. Certes, c’est mieux qu’en 2010, mais ce n’est mieux que parce que, cette année-là, cet impôt pâtit à la fois des mesures du plan de relance et du régime transitoire de la taxe professionnelle. Encore une fois, il était urgent d’agir ; vous avez préféré attendre.

S’agissant des recettes, votre bilan n’est guère plus brillant. Votre mesure la plus emblématique, c’était le non-remplacement, mécanique, d’un fonctionnaire sur deux. J’y reviendrai ultérieurement. La manière dont vous l’avez mise en œuvre s’avère un désastre. Vous affirmiez que cette politique serait un levier efficace de réduction de la dépense. En définitive, l’économie brute est inférieure d’un tiers à celle que vous annonciez et cette économie en postes n’a même pas correspondu à une économie en charges, car les mesures catégorielles accordées à cette occasion en annulent les effets.

Surtout, ces suppressions mécaniques, sans réflexion globale, ont contribué à augmenter le nombre d’heures supplémentaires, ce qui montrait bien que les réductions ne correspondaient pas, loin de là, à des sureffectifs.

Je prendrai l’exemple des préfectures. Celles-ci ont connu d’importantes suppressions d’effectifs qui ont touché les agents de guichet, lesquels sont chargés d’accueillir le public désireux de faire établir un document d’identité, la carte grise d’un véhicule automobile ou tout autre titre. La suppression de ces postes a rendu nécessaires, à certains moments, non seulement la fermeture des guichets afin de permettre le traitement des dossiers, mais encore le recours aux heures supplémentaires, tout simplement pour que les agents puissent venir à bout de leur travail ordinaire.

Pour quel gain ? L’épuisement des préfectures et des préfets !

Voilà deux ans, j’avais rendu un rapport consacré à la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques dans les préfectures, sujet qui préoccupe aussi bien les personnels que les préfets et les administrateurs.

M. Jean-Claude Frécon. Excellent rapport !

Mme Michèle André. Il est apparu qu’ils étaient déjà à l’os – mes chers collègues, vous comprenez tous le sens de cette expression –, alors n’en rajoutons pas !

Si nous voulons un État fort, celui-ci ne peut s’appuyer sur une administration affaiblie, amaigrie et dont nous voyons bien aujourd’hui qu’elle ne pourrait pas faire face aux demandes. Certains collègues aborderont sans nul doute les problèmes qu’on rencontre dans d’autres domaines.

Faute de réflexion et de concertation, nous avons eu de l’affichage politique, lequel n’a pas permis d’atteindre l’objectif fixé.

De la même manière, vous avez tenté de faire croire aux Français que l’inscription de la règle d’or dans la Constitution changerait tout. Mais pourquoi ne l’avez-vous pas appliquée vous-même, cette règle, qui respectait simplement un traité européen, lequel valait bien une règle d’or ? Vous étiez les législateurs ; rien ne vous empêchait de voter des budgets en équilibre, si ce n’est les recettes que vous avez vous-mêmes supprimées. Renvoyer à l’Europe ou au Conseil constitutionnel et, surtout, renvoyer à plus tard, c’est facile, mais sans véritable efficacité !

J’étais la semaine dernière à Bruxelles et j’ai eu l’occasion d’échanger avec de nombreux parlementaires, en particulier belges et italiens. Ils ne comprennent pas ce qu’a fait la France. L’exemple qu’a donné notre pays à ses voisins européens, c’était celui des paroles et non celui des actes. Le souffle européen vient le plus souvent des grands pays comme la France. Alors, quand les grands pays soufflent le chaud et le froid et se dispensent de respecter les traités européens, il ne faut pas s’étonner que les plus petits ne respectent pas une discipline dont vous avez fait un argument électoral plus qu’un axe de gouvernement.

En somme, Nicolas Sarkozy n’a été qu’un illusionniste, au niveau tant national qu’européen. Votre politique budgétaire n’aura apporté ni stabilité ni croissance. C’est ce que montre ce projet de loi de règlement. Et c’est ce qui nous incite, avec le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, à redresser les finances publiques dans une logique de croissance, de justice et de vérité.

En cela, nous ne renierons pas cette phrase de Pierre Mendès France, toujours d’actualité : « Les réformes actuellement indispensables ne se réalisent pas à coups de baguette magique ou seulement par un scrutin heureux, et leurs fruits ne mûrissent pas aussi vite qu’on le souhaiterait. L’essentiel, c’est que le pays ne soit pas dupé une fois de plus. Pour cela, il faut, avant tout, informer loyalement. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur le plan technique, ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion revêt un caractère particulier puisqu’il s’agit pour le nouveau gouvernement de présenter les comptes du gouvernement précédent, en l’occurrence le gouvernement Fillon.

Sur le plan politique, nous vivons, mes chers collègues, le dernier acte d’une comédie humaine où les vainqueurs, sans beaucoup de retenue, nous resservent un ultime menu d’antisarkozysme et se défoulent une dernière fois dans l’irresponsabilité qui est propre aux opposants.

Vous verrez que, lors des prochains débats d’orientation budgétaire, les choses auront bien évolué.

Les chiffres, certifiés par la Cour des comptes, sont incontestables, mais leur présentation, parfois subjective, peut toujours servir les interprétations d’acteurs plus ou moins exigeants avec la vérité. M. Placé nous en a donné un exemple particulièrement vivant.

Mais, avant de revenir sur ce point, je souhaiterais m’arrêter un instant sur les chiffres et sur les bons résultats de l’année 2011, dont nous devrions tous nous féliciter, si l’intérêt de notre pays primait dans ce type de débat. Hélas ! nous pouvons regretter que tel ne soit pas le cas, comme l’ont démontré les interventions de certains des orateurs précédents.

En 2011, le déficit budgétaire s’établit à 90,7 milliards d’euros, soit 57,8 milliards d’euros de moins qu’en 2010 et 900 millions d’euros de moins qu’en loi de finances initiale.

M. Henri de Raincourt. Il faut le rappeler !

M. Francis Delattre. Le solde s’est amélioré pour la première fois depuis 2007, et la France est le seul pays de l’Union européenne qui, dans le contexte actuel de rebond de la crise de la zone euro, soit parvenu à réduire son déficit budgétaire de près de 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. Est-ce là la catastrophe annoncée ?

Le déficit public de l’année 2011 s’établit certes à 5,2 % du PIB, mais l’objectif prévisionnel était de 5,7 %, et même de 6 % dans le programme de stabilité voté à la fin de 2010.

En outre, le déficit structurel a été diminué de près d’un point, pour la première fois.

La dépense publique, quant à elle, a été maîtrisée en volume et en valeur : 1,7 milliard d’euros de moins que la norme en volume et 200 millions d’euros de moins que la norme en valeur. C’est la première fois depuis 1945 que les dépenses de l’État ont diminué !

Les dépenses de fonctionnement sont stables, mais les dépenses de personnel, d’investissement et d’intervention diminuent, et ce en dépit de toutes les craintes savamment entretenues.

Les concours financiers aux collectivités territoriales sont quasiment stabilisés en valeur, ce qu’aucun orateur précédent n’a bien voulu signaler.

Il s’agit donc d’excellents résultats, à mettre au crédit de l’action du précédent gouvernement, qui a même dépassé les objectifs qu’il s’était fixés.

C’est cette situation qui, au regard de la détérioration de celle des pays du sud de l’Europe, conserve à notre pays un caractère de refuge pour les investisseurs, la meilleure preuve en étant que, le 9 juillet dernier, monsieur le ministre, la France a emprunté pour la première fois de son histoire à des taux négatifs. Cela signifie peut-être que les investisseurs ont lu notre loi de règlement et les appréciations portées par la Cour des comptes. En tout cas, ils paient aujourd’hui pour prêter de l’argent à la France, qui rejoint ainsi le club très fermé comprenant des pays tels que l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse…

Les taux d’emprunt à long terme sont également très favorables, à moins de 3 %.

Mais, du côté du Gouvernement comme du rapporteur général, il a bien fallu trouver dans le débat politique – et c’est normal – quelques angles d’attaque !

Ainsi, la critique de l’actuel gouvernement sur le bilan de son prédécesseur porte notamment sur l’accroissement de la dette.

Effectivement, la dette de la France a atteint, en 2011, 1 717 milliards d’euros, soit 86 % du PIB, en hausse de 122 milliards d’euros par rapport à 2010.

La charge de la dette a augmenté en 2011 de 6 milliards d’euros, passant 40 milliards de 46 milliards d’euros. Cette augmentation de la charge de la dette s’explique, certes, par la hausse de l’encours de celle-ci, mais aussi par la hausse de l’inflation, une partie des emprunts étant indexée, vous le savez bien, monsieur le ministre, sur son taux.

Quant au rapport que François Marc nous a présenté en commission des finances, il critique le doublement de la dette depuis 2002. Je m’étonne d’ailleurs au passage de cette ardeur à remonter au début du quinquennat, alors que cet exercice n’est censé porter que sur les comptes de la seule année budgétaire 2011.

Néanmoins, personne dans cet hémicycle n’ignore que, même si le précédent gouvernement, grâce à une action courageuse et déterminée, a réduit spectaculairement, au-delà des prévisions, le déficit public, la dette ne peut mécaniquement se réduire tant que le déficit n’est pas ramené à un certain niveau, estimé aux alentours de 3 % du PIB. En l’occurrence, le déficit de 90 milliards d’euros enregistré en 2011 est supérieur d’environ 50 milliards d’euros à celui qui permettrait de stabiliser la dette publique.

Le désendettement ne peut donc intervenir qu’après une réduction suffisante du déficit : c’est cette trajectoire qu’avait entamée avec succès le précédent gouvernement, hélas sans avoir eu le temps d’aller jusqu’au niveau permettant la réduction mécanique de la dette.

Il est donc injuste de reprocher à l’ancienne majorité de n’avoir pas réduit le niveau de la dette alors que cela n’était mécaniquement pas encore possible, surtout dans la foulée de deux crises majeures, la crise des subprimes américaine de 2008 et celle de la zone euro de 2010.

Or, selon le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2011, la crise explique près de 40 % de notre déficit : elle a fait baisser brutalement toutes les recettes de près de 50 milliards d’euros en 2009.

Dans le même temps, le Gouvernement a dû, comme tous les gouvernements d’Europe, en 2009 et 2010, augmenter exceptionnellement les dépenses, à hauteur de 46 milliards d’euros, pour simplement protéger les Français et préserver leurs emplois.

La Cour des comptes précise qu’il convient d’ajouter 52 % de notre déficit qui est hérité du passé. C’est le déficit structurel de 2007.

Au total, c’est donc 90 % du déficit public qui, soit est hérité du passé, soit s’explique par la crise !

La Cour des comptes, contrairement à ce que nous avons entendu, analyse clairement cette situation dans les termes que je viens d’exposer, en s’appuyant sur les chiffres que j’ai rappelés.

Il est donc mensonger de vouloir faire porter le poids de l’accroissement de la dette sur les épaules du précédent gouvernement alors qu’il a dû faire face à un lourd héritage et à deux crises sans précédent, et qu’il a su néanmoins maintenir le niveau de vie global des Français.

Une autre de vos critiques porte justement sur cette réduction du déficit en 2011, que vous estimez, monsieur le rapporteur général, liée essentiellement à des événements exceptionnels et conjoncturels.

La fin du programme des investissements d’avenir et du plan de relance explique en effet une diminution de dépenses par rapport à 2010, respectivement de 33 milliards d’euros et de près de 7 milliards d’euros. Mais la gauche peut-elle vraiment critiquer ces dépenses axées uniquement sur un très fort soutien de la croissance, dont vous faites l’alpha et l’oméga de tous vos discours économiques ?

Vous parlez aussi, monsieur le rapporteur général, de diminution artificielle des dépenses, mais sans que la validité de cette observation soit concrètement établie.

Il est en tout cas paradoxal que la diminution des dépenses semble vous préoccuper et que vous la jugiez insuffisante en 2011 quand le Gouvernement et vous-même ne proposez aucune économie de dépenses jusqu’en 2014 !

En outre, je rappelle que la réduction du déficit budgétaire, en dehors des diverses mesures exceptionnelles et conjoncturelles, est évaluée par vous-même, monsieur le rapporteur général, à 14 milliards d’euros, ce qui est loin d’être négligeable. Du reste, la Cour des comptes, après avoir certifié les comptes de l’année 2011, a constaté que l’amélioration du solde budgétaire était incontestable en 2011.

Dans son rapport du 2 juillet dernier, elle a par ailleurs approuvé la stratégie du précédent gouvernement en matière de redressement des comptes sur l’ensemble du quinquennat. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Voilà, monsieur le ministre, l’état des lieux, et il contredit largement la communication gouvernementale sur le « bilan caché », ou l’« ardoise cachée », selon les journaux.

Naturellement, le groupe UMP votera ce projet de loi de règlement, mais c’est avec curiosité, mes chers collègues, que nous étudierons les projets de loi de règlement des exercices 2012, 2013 et suivants, en souhaitant, pour l’intérêt supérieur de notre pays, que le redressement amorcé et relevé par la Cour des comptes sera confirmé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si la Cour des comptes a souligné, dans son rapport du 2 juillet dernier, le respect des engagements de réduction du déficit public en 2011, passé de 7,1 % à 5,2 % du PIB, elle insiste aussi sur le fait que la situation de notre pays reste « très préoccupante » et, surtout, qu’elle est nettement dégradée par rapport à celle d’autres États européens. Beaucoup reste à faire pour respecter nos engagements et éviter l’emballement dramatique de la spirale de l’endettement. On peut d’ailleurs dire simplement que les précédents gouvernements ont laissé les finances de l’État en plus mauvais état qu’ils ne les avaient trouvées.

Je ne reviendrai que brièvement sur l’« illusion » que constitue l’apparente réduction du déficit en 2011, car elle a déjà été soulignée par mon collègue François Fortassin.

Comme l’a très bien montré le rapporteur général, une part importante de l’amélioration de 1,9 point de PIB du solde en 2011 est imputable à trois phénomènes exceptionnels : l’arrêt du plan de relance explique 0,4 point de redressement, tandis que la disparition du surcoût temporaire lié à la réforme de la taxe professionnelle et la fin des livraisons exceptionnelles d’équipements militaires en expliquent chacune 0,2 point.

Le précédent Gouvernement s’est préoccupé bien tard de la réduction du déficit structurel, qui est passé de 2,3 % à 4,8 % du PIB entre 2006 et 2010.

Même lorsqu’il a fini par reconnaître la nécessité de l’augmentation des prélèvements obligatoires pour respecter la trajectoire des finances publiques, à la fin de 2010, le Gouvernement a poursuivi sa politique injuste, caractérisée par des allégements d’impôts pour les ménages les plus aisés et un alourdissement de ces charges pour tous les autres, plutôt que de mettre en œuvre une réforme fiscale véritablement équitable.

Le bilan de la précédente législature fut aggravé par des mesures comme la défiscalisation des heures supplémentaires ou la baisse de la TVA dans la restauration, qui sont autant d’exemples de niches fiscales coûteuses et inefficaces.

Comme pour le déficit, la conformité en 2011 de l’exécution des dépenses aux prévisions n’est pas aussi évidente qu’il y paraît. Ainsi, c’est surtout grâce à un sursaut d’inflation que les dépenses de l’État ont diminué à l’intérieur du périmètre « zéro volume ». À l’intérieur du périmètre « zéro valeur », elles ont diminué essentiellement à cause d’une dépense moins importante que prévu au titre du fonds de compensation pour la TVA.

Mais le désaveu le plus fort des mesures mises en place ces cinq dernières années concerne le symbolique non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dans le cadre de la trop fameuse RGPP.

En effet, malgré des suppressions massives d’emplois, 31 700 en 2011, la masse salariale a tout de même augmenté, mes chers collègues, ce qui est un comble !

Ainsi, l’objectif de stabilisation des dépenses de personnel de l’État, hors pensions, n’a pas été atteint puisque la masse salariale a dépassé de 300 millions d’euros le montant prévu en loi de finances initiale.

Force est de constater que l’économie nette, donc hors « retour catégoriel », de 500 millions d’euros, qui était attendue de la mise en œuvre de la réforme dite du « un sur deux », n’est pas au rendez-vous. Elle a atteint seulement 373 millions d’euros.

Enfin, si une partie de l’augmentation des dépenses de personnel peut s’expliquer par des mesures catégorielles indépendantes du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, d’autres mesures avaient bien pour objectif de faire passer la pilule, difficile à avaler, de la RGPP.

Les compensations très coûteuses accordées dans le cadre de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique au sein du ministère des finances en sont une illustration.

Certaines de ces mesures catégorielles constituent d’ailleurs des engagements pluriannuels de l’État. Le Gouvernement précédent a donc légué à son successeur ce « cadeau empoisonné », qui réduit d’autant les marges de manœuvre dans les prochaines années.

Outre le dérapage des dépenses de personnel, la réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention, sur laquelle le précédent Gouvernement s’était engagé, n’a pas non plus été respectée. Cela s’explique notamment par les sous-budgétisations répétées de certaines dépenses, par exemple en ce qui concerne les opérations militaires. Cette dérive, maintes fois dénoncée par la Cour des comptes, persiste en 2011, ainsi qu’en 2012.

Vu l’état très dégradé de nos finances publiques et la nécessité impérieuse de respecter nos objectifs en matière de redressement des comptes, le nouveau gouvernement devra être exemplaire et très responsable dans la gestion de la dépense publique et corriger les dérives du passé.

Concernant les recettes, leur augmentation de 17 % est surtout due, là encore, à des facteurs exceptionnels comme la fin du versement de la compensation relais aux collectivités territoriales liée à la réforme de la taxe professionnelle, qui réduit de 29 milliards d’euros les prélèvements sur recettes.

En recettes, l’année 2011 se caractérise aussi par la faiblesse du produit de l’impôt sur les sociétés qu’on observe depuis quelques années. Si une partie de ces moindres recettes peut certainement être attribuée à une conjoncture économique difficile – la crise est là –, l’optimisation fiscale pratiquée par les grandes entreprises en est aussi partiellement la cause, mes chers collègues.

C’est pourquoi nous saluons les efforts engagés par le Gouvernement pour lutter contre ce phénomène, grâce à une première série de mesures contenues dans le projet de loi de finances rectificative, que nos collègues députés sont en train d’examiner.

Nous souhaitons que ces efforts soient rapidement suivis d’effets, et nous espérons qu’ils seront poursuivis avec la même détermination par le Gouvernement, au regard notamment des propositions qui seront faites par la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France.

Ce projet de loi de règlement, qui sera suivi ce soir par le débat sur les orientations des finances publiques, est donc l’occasion de revenir sur l’année 2011 afin de mieux prendre conscience du chemin important qu’il nous reste à parcourir pour atteindre l’équilibre des comptes publics en 2017. Si le chemin est encore long, le départ nous semble bon.

Aussi le groupe du RDSE approuvera-t-il ce projet de loi de règlement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne crois pas nécessaire de revenir sur l’état de délabrement des finances publiques laissé par le précédent gouvernement, situation déjà exposée par M. le rapporteur général, François Marc, ainsi que par ma collègue Michèle André.

En ma qualité de rapporteur spéciale de la mission « Politique des territoires », j’orienterai mon propos sur ce thème. Ces derniers temps, j’ai perçu, chez certains, l’enthousiasme que suscite une politique volontaire alliant croissance et maîtrise des comptes publics et, chez d’autres, dont nous ne sommes pas, une tendance marquée à la critique et à l’atermoiement.

Vous, dans l’opposition, vous nous parlez de « règle d’or budgétaire ». Mais les mots « justice » et « humanisme » ont-ils un sens pour vous ? En effet, aucune règle d’or constitutionnelle ne pourra restaurer la confiance, qu’il s’agisse de celle des Français en eux-mêmes, en leur pays et en l’avenir, ou de celle des marchés financiers, qui craignent autant l’excès de dette que les effets négatifs d’une trop grande contrainte budgétaire sur la croissance.

L’État se doit d’assurer l’égalité républicaine, l’équilibre du développement et la péréquation financière. L’examen du projet de loi de règlement, c’est l’heure du bilan. Voyons donc ce qu’il en est.

J’aborderai tout d’abord le développement équilibré des territoires et l’égalité républicaine.

Une réforme de l’État menée à la mode Sarkozy, de manière désorganisée et incontrôlée a abouti à la désertification de certaines régions de France au regard des services publics. Laissez-moi vous exposer la situation cataclysmique qui prévaut notamment dans mon département, les Pyrénées-Atlantiques : suppression de trois tribunaux à la suite de la réforme de la carte judiciaire et d’une cinquantaine de postes d’enseignant, dont huit qui relevaient du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ou RASED ; près de 200 médecins généralistes en moins en l’espace de seulement deux ans ... (M. Alain Fouché proteste.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils ne sont pas nommés par l’État !

Mme Frédérique Espagnac. J’arrêterai là mon énumération, mais il faudrait je pourrais mentionner encore les réductions touchant les services postaux ou les permanences des caisses primaires d’assurance maladie, sans pour autant atteindre à l’exhaustivité.

Montesquieu estimait que « l’amour de la démocratie est celui de l’égalité ». Il semble que la précédente majorité n’ait pas fait de cet adage son cheval de bataille… La dégradation du service public est devenue une réalité incontestable, ce qui montre bien le déni – et j’irai jusqu’à parler de mépris – dans lequel s’est obstiné le précédent gouvernement au cours des dernières années.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On va voir ce que vous allez faire !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous attendons les prochains projets de loi de règlement !

Mme Frédérique Espagnac. Et si l’on s’attache à l’exécution du budget de 2011, sur la totalité des indicateurs de performance, 53 % seulement ont atteint les objectifs fixés, soit huit sur un total de quinze. Quand on sait que ce taux n’était encore que de 40 % en 2010 et même de 14 % en 2009, on pourrait aller jusqu’à féliciter le précédent gouvernement de l’effort fourni…

Je reste cependant assez réservée, tout comme la Cour des comptes, sur ce dispositif de suivi des résultats de la mission et recommande la possibilité d’inscrire davantage ces indicateurs dans une véritable logique de performance.

J’aborderai maintenant la péréquation financière et l’intervention territoriale de l’État.

Si la suppression de la taxe professionnelle, remplacée par la contribution économique territoriale, a eu globalement des conséquences positives pour 60 % des entreprises, comme le rappelle justement un rapport rendu par le Sénat à la fin du mois dernier, il faut tout de même savoir que 20 % d’entre elles sont perdantes et, surtout, que cette réforme a accru considérablement les inégalités financières entre collectivités locales.

En 2011, l’exécution du programme des interventions territoriales de l’État a, par ailleurs, conduit à une consommation de 88 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 63 millions d’euros en crédits de paiement. Si, contrairement aux années précédentes, n’est plus constatée une baisse des crédits ouverts et des crédits consommés, on assiste de nouveau à une sous-exécution budgétaire : seuls 94 % des autorisations d’engagement ont été mobilisées et 74 % des crédits de paiement ont été mandatés.

L’addition de ces phénomènes a conduit nos territoires vers des perspectives pour le moins pessimistes, alors que les investissements des collectivités, en collaboration avec les services locaux de l’État, pourraient être des leviers formidables, voire primordiaux, pour le développement de l’activité économique.

Enfin, un budget correspondant, en quelque sorte, à des choix, l’examen d’un projet de loi de règlement est donc l’heure de relever ces derniers.

André Gide disait : « Choisir, c’est renoncer ». Alors, vous, ancienne majorité, avez renoncé à une action publique locale, équitable, personnalisée, efficace et durable (M. Philippe Dallier s’esclaffe.), et préféré une action centralisée, injuste, déshumanisée, incohérente, et éphémère.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Rien que ça !

M. Philippe Dallier. Trop, c’est trop ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Richard Yung. Voilà effectivement ce que vous avez fait, mes chers collègues !

Mme Frédérique Espagnac. Nous ne voulons pas exercer le pouvoir comme vous l’avez fait pendant dix ans, en particulier durant ces cinq dernières années.

M. Philippe Dallier. Eh bien, on verra !

Mme Frédérique Espagnac. Au contraire, nous sommes porteurs d’un sens de l’action politique guidé par l’intérêt général. Notre devoir est non pas d’imposer des mesures aussi idéologiques et démagogiques qu’injustes, qui ne satisferaient qu’une catégorie de la population, mais bel et bien de proposer celles qui nous rassembleraient toutes et tous dans la solidarité, l’égalité, la justice et l’efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai, si vous le voulez bien, par m’adresser à M. Delattre, qui a qualifié ce débat de « comédie ».

M. Richard Yung. Tout d’abord, nous sommes loin de Dante. Et puis, ce n’est pas le mot qui me paraît convenir. En effet, derrière les chiffres que nous vous rappelons, que nous vous répéterons, et que vous ne contestez pas, même s’ils vous font mal, il y a beaucoup de malheurs, du chômage, de la misère, de la pauvreté. Par conséquent, dans ce débat, je ne me sens guère d’humeur à sourire.

Notre propos est sévère, mais il est juste. En réalité, nous appuyons là où ça vous fait mal !

M. Richard Yung. Non, il n’y a pas de « On verra » ! Nous parlons du passé : on a vu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faudra nous expliquer !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La polémique est inutile !

M. Richard Yung. Monsieur le président Marini, ce n’est pas moi qui ai utilisé le mot « comédie » !

M. Francis Delattre. Le raisonnement élimine la raison !

M. le président. Monsieur Delattre, laissez M. Yung s’exprimer.

M. Richard Yung. Nous procédons donc à l’examen du projet de loi de règlement pour 2011. Cela a déjà été dit, mais je le répète : la réduction du déficit qui y est affichée est un trompe-l’œil.

L’adoption de quatre lois de finances rectificatives l’année dernière est symptomatique, au moins, d’une grande difficulté à assurer la gestion des finances publiques et à suivre l’évolution de l’économie…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela s’appelle de la réactivité !

M. Francis Delattre. De la flexibilité !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela relevait de la nécessité ! Et ne dites pas : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau » !

M. Richard Yung. Le dernier collectif adopté, qui répondait à un impératif budgétaire lié à la crise, était en fait de nature européenne.

En revanche, les autres modifications apportées au budget initial montrent que le gouvernement Fillon n’avait pas anticipé la dégradation de la conjoncture économique, pourtant annoncée depuis longtemps par des instituts de conjoncture.

M. Philippe Dallier. Hollande, lui, a tout prévu !

M. Richard Yung. Dès le deuxième trimestre de 2011, la croissance économique a été faible, voire atone. Or, à cette époque, vous chantiez sur tous les tons les grands mérites de la seule austérité. Et lorsque certains parmi nous osaient avancer l’idée selon laquelle un peu de relance économique améliorerait grandement la situation, vous nous traitiez d’irresponsables. Vous arguiez du fait que vous, vous étiez aux affaires, que nous, nous n’y étions pas, etc.

M. Francis Delattre. Mais nous ne sommes pas des austères !

M. Richard Yung. Et pourtant, la chute des investissements, de notre potentiel industriel et, par conséquent, de la compétitivité s’est poursuivie pendant cette période. Et c’est à nous qu’il revient maintenant de relever le défi de la compétitivité !

Par ailleurs, comme cela a été indiqué, l’exécution budgétaire a été marquée par une réduction des dépenses de l’État. Cependant, celle-ci a été facilitée par différents phénomènes conjoncturels : taux d’inflation de 2 %, moindres dépenses au titre du fonds de compensation de la TVA, etc.

Nous avions noté – ce point a d’ailleurs longuement été évoqué en commission des finances – l’évolution de la masse salariale, qui prouve que la RGPP n’a pas atteint ses objectifs. La mise en œuvre de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’a pas produit les effets escomptés.

M. Francis Delattre. Voilà pourquoi vous allez instaurer la règle du « deux sur trois » !

M. Richard Yung. Elle a été appliquée de façon mécanique, comme plusieurs de mes collègues l’ont souligné. Plaidant un peu pour ma « paroisse », je précise que 72 % des départs à la retraite ayant eu lieu au sein du réseau consulaire n’ont pas été remplacés. De ce fait, eu égard aux effectifs dont elle dispose, la France ne peut plus maintenir un réseau de deux cents consulats à travers le monde.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comment allons-nous faire l’année prochaine ?

M. Richard Yung. Un débat devra d’ailleurs être ouvert sur ce que l’on appelle l’« universalité du réseau consulaire ».

Je ne développerai pas ce point de mon intervention, des exemples ayant été donnés au préalable par différents collègues.

J’en viens maintenant aux heures supplémentaires, auxquelles le journal Libération consacre aujourd’hui une demi-page. Grâce aux heures supplémentaires, dont ont bénéficié en particulier certaines catégories d’enseignants, il en est parmi eux qui ont pu doubler leur salaire !

M. Philippe Dallier. Ce n’est quand même pas la majorité des cas !

M. Francis Delattre. Et ils n’ont pas été reconnaissants !

M. Richard Yung. Pour la seule éducation nationale, le coût de cette mesure s’est élevé à 1,5 milliard d’euros. Il s’agit bien d’un dérapage ! Et vous conviendrez avec moi que, de toute façon, le doublement du salaire des enseignants n’était tout de même pas l’objectif visé.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ne vous fâchez pas avec les membres de l’éducation nationale !

M. Richard Yung. Nous en discuterons la semaine prochaine ! De cela et des cotisations sociales…

S’agissant des recettes, l’année 2011 a été marquée par les effets d’un certain nombre de décisions, que nous avions critiquées en leur temps. Ainsi, la loi TEPA a entraîné pour l’État un manque à gagner de près de 12 milliards d’euros. L’instauration du taux réduit de TVA dans la restauration, grande invention s’il en est, a coûté 3 milliards d’euros.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous allez supprimer brutalement ce taux réduit !

M. Richard Yung. La réforme de la taxe professionnelle a, quant à elle, coûté 7 milliards d’euros.

À toutes ces mesures, dont le coût total atteint 22 milliards d’euros, il faut ajouter l’allégement de l’ISF, adopté en pleine tempête financière – 400 millions d’euros – et la forte baisse du rendement de l’impôt sur les sociétés, soit près de 5 milliards d’euros !

Il y a donc eu conjugaison de cadeaux fiscaux, de niches, et d’une baisse non négligeable du rendement de l’impôt.

Le creusement de la dette fiscale et, par conséquent, de la dette publique aurait pu être vertueux s’il avait aidé à la relance de la croissance économique et à la création d’emplois. Mais ces cadeaux fiscaux se sont mués en dividendes, en dépenses immobilières, voire en gaspillages divers.

Au fond, nous sommes face au paradoxe d’une politique qui a été à la fois injuste et inefficace. Injuste puisqu’elle n’a pas concerné les catégories sociales qui en avaient besoin et inefficace puisque… le résultat obtenu parle de lui-même !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Profitez-en, cela ne durera pas toujours !

M. Richard Yung. Certes, monsieur le président, car, la mémoire étant courte, vous oublierez encore plus vite que tout le monde !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même !

M. Richard Yung. Il est donc tout à fait normal que nous fassions ces rappels. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Francis Delattre. Mais les réalités sont têtues !

M. Richard Yung. Tout à fait, et c’est bien pourquoi vous n’aimez pas qu’on vous les rappelle. En fait, vous n’aimez pas ce débat !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On vous dit simplement : « Profitez-en ! »

M. Philippe Dallier. Vous n’êtes pas honnête !

M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. Yung et à lui seul !

M. Richard Yung. Je ne suis pas honnête ?

M. le président. Ne cherchez pas non plus à provoquer ! Poursuivez votre propos !

M. Richard Yung. Chers collègues de l’opposition, vous ne pouvez pas contester un seul des chiffres que je rappelle.

Le temps de parole qui m’a été accordé arrivant à son terme et l’opposition n’aimant pas mes propos (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais vous lui rendez service, à l’opposition !

M. Richard Yung. … je vais conclure mon intervention.

La dette s’élève à 1 800 milliards d’euros. Avez-vous divisé cette somme par 60 millions de Français ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Richard Yung. Cela fait 30 000 euros par Français ! C’est quasiment un record mondial.

M. Francis Delattre. On verra dans cinq ans !

M. Richard Yung. Chers collègues de l’opposition, vous criez beaucoup mais, paradoxalement, vous allez voter le présent projet de loi.

M. Francis Delattre. Vous aussi !

M. Richard Yung. Effectivement. Par conséquent, nous devrions nous entendre, même si nous n’avons pas les mêmes raisons de voter ce texte.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous n’en faisons surtout pas la même lecture !

M. Richard Yung. Quoi qu’il en soit, le projet de loi de règlement que nous examinons est le reflet fidèle du désastre de la gestion précédente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne vais pas être très original : je vais, moi aussi, me référer à la Cour des comptes, mais en m’appuyant sur des travaux plus anciens, à savoir son rapport d’octobre 2010 sur « les interventions de l’État dans l’économie par des moyens extrabudgétaires ».

Son président, Didier Migaud, indiquait alors que l’État avait multiplié pendant les dernières années les recours aux PPP, les partenariats public-privé, et il émettait les plus grandes réserves sur les conditions d’exercice du contrôle parlementaire sur ces modalités d’intervention.

À l’examen du projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2011, on le constate une fois encore : il n’y a pas une ligne sur ces dépenses puisque, par définition, elles sont extrabudgétaires. Pourtant, elles ont coûté cher à l’État et elles continueront à peser sur nos finances si nous ne modifions pas notre politique en la matière.

Lignes à grande vitesse, travaux du Grand Paris, centre hospitalier sud-francilien à Corbeil-Essonnes, rénovation de campus universitaires, tribunaux, prisons, ministère de la défense…Pour financer les grandes infrastructures publiques, l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics ont sollicité de plus en plus le secteur privé, dans le cadre de partenariats public-privé.

Pour les entreprises privées appelées à participer, c’est la bonne affaire. En revanche, pour l’État, les collectivités locales et les contribuables, ce mode de financement constitue un piège dès lors que, in fine, c’est l’État qui paie.

La Cour des comptes estime d’ailleurs, dans une communication à la commission des finances sur les partenariats public-privé en matière pénitentiaire, que l’engagement de l’État atteint aujourd'hui, rien que pour la construction des prisons, environ 20 milliards d’euros, soit un point de PIB ou encore le tiers de la recette annuelle de l’impôt sur le revenu.

En ces temps de vaches maigres pour les finances publiques, les partenariats public-privé ont fait figure de solution miracle. Depuis des années, les administrations et les collectivités locales ont pu se doter par ce biais d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures routières sans bourse délier – pour l’instant, mais à quel coût en réalité ? –, le coût d’investissement étant supporté par des entreprises privées qui, en contrepartie, se voient garantir le versement de loyers pendant des décennies.

La France a fait sien il y a moins de dix ans ce système importé de Grande-Bretagne, où au moins soixante-six hôpitaux sont aujourd’hui en faillite pour y avoir recouru.

Tout aussi inquiétante est la perte de compétence de l’État que portent en germe les PPP. Que pèsera-t-il demain si ceux-ci se généralisent ? Plus rien ! Il sera asphyxié. Sa capacité à imaginer et à concevoir des projets publics disparaîtra, de même que sa compétence à les gérer. Il y aura alors un transfert, une sorte de « privatisation du patrimoine public ».

C’est d’autant plus inquiétant que ces PPP profitent aux grands groupes et non aux PME, peut-être même pas aux entreprises de taille intermédiaire. En théorie, tout le monde est traité sur un pied d’égalité, mais certains sont « plus égaux que d’autres » et, en pratique, seuls Bouygues, Veolia, Eiffage, Vinci et quelques autres ont la capacité de monter des dossiers. Les entreprises plus petites n’ont pas les reins assez solides pour se mesurer à ces groupes. Dans le cas du « Pentagone à la française », 20 millions d’euros auraient ainsi été déboursés par les candidats à l’opération.

Dans ce contexte, on ne peut que se réjouir que, à la suite des déclarations de François Hollande pendant la campagne présidentielle à propos d’un audit sur les PPP liant l’État, Christiane Taubira, ministre de la justice, ait dit hier avoir demandé une inspection générale sur le mode de financement du futur palais de justice de Paris, dont le contrat en partenariat public-privé a été signé en février dernier.

Christiane Taubira a également annoncé le gel du plan de construction de nouvelles prisons lancé par son prédécesseur en procédure accélérée à la fin de la session parlementaire précédente. C’est heureux, car la seule imputation des loyers dus aux opérateurs des partenariats public-privé pour les prisons aurait conduit à des loyers multipliés par plus de cinq entre 2011 et 2017, ce qui aurait complètement asphyxié le budget de l’administration pénitentiaire.

Oui, mes chers collègues, il est temps d’agir, de revoir les stratégies d’investissement de l’État dans la gestion de son patrimoine immobilier et d’assurer la transparence dans la présentation de ses comptes.

En mai dernier, le premier président de la Cour des comptes et le président de la première chambre, auditionnés devant le Sénat, rappelaient que les 86 milliards d’euros de reste-à-payer entre deux exercices correspondaient à des autorisations d’engagement techniquement consommées sans que les crédits de paiement correspondants l’aient été, cette forte croissance s’expliquant, pour partie, par le recours accru aux PPP. Et Didier Migaud de conclure : « La Cour sera certainement amenée à formuler des observations sur certains PPP, mais cela sera sans doute trop tard. C’est le Parlement qui est force de proposition en la matière. »

Monsieur le ministre, cette intervention sur la question dite extrabudgétaire des partenariats public-privé me semble importante, car elle illustre le mode de gestion de l’ancienne majorité.

À quoi bon parler de règle d’or et d’équilibre si l’on développe année après année le recours aux financements extrabudgétaires, qui permettent à la fois de faire des cadeaux à ses amis et de cacher d’importants engagements de l’État ?

M. Jean-Yves Leconte. Le rapport de gestion pour l’année 2011 est l’occasion de demander qu’à l’avenir puissent figurer dans ce type d’exercice l’ensemble des engagements de l’État, dont les partenariats public-privé. Il faut que ceux-ci fassent l’objet d’un contrôle parlementaire et qu’ils soient comptabilisés de la même manière dans les budgets de l’ensemble de nos partenaires de l’Union européenne, car, pour faire des comparaisons chiffrées entre pays, il faut disposer de chiffres comparables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté attentivement cette discussion qui a été l’occasion de porter un jugement, évidemment différent selon les groupes, sur l’héritage que laisse le gouvernement précédent. Je n’ai pas voulu y insister moi-même dans mon introduction et je m’en suis tenu aux faits. Mais, outre que je suis moi-même un élu, je représente un gouvernement et une majorité : je me dois donc de répondre aux différentes observations que je viens d’entendre.

J’ai bien noté qu’à gauche de l’hémicycle vous aviez été nombreux à mettre en avant une lecture du bilan du précédent gouvernement et dans cette lecture, je tiens à le dire, je ne peux que me reconnaître.

Évidemment, le président de la commission des finances et d’autres orateurs de l’opposition ont insisté sur les résultats isolés de 2011, donnant d’ailleurs des comptes de cette année une analyse que j’ai trouvée partielle autant que partiale. Mais soyons tout de même conscients de ce qu’est 2011 : c’est une année qui s’inscrit, de manière circonstancielle, avec un résultat un peu meilleur que les autres années, dans une séquence tout simplement déplorable.

En effet, avant 2011, il y a eu toutes les années qui ont vu la dette exploser et les déficits s’accroître. Après; si nous n’avions rien fait, le déficit aurait glorieusement décru de 5,2 % à… 5 % du produit intérieur brut et nous aurions complètement dérapé par rapport à nos engagements européens, ce qui aurait été, bien sûr, totalement inacceptable.

C’est donc la séquence d’ensemble qu’il faut considérer.

Il faut rappeler que la France a, oui, hélas ! perdu, au moins pour une agence de notation, son triple A et que cela s’est produit sous le gouvernement précédent.

Il faut rappeler qu’il y a eu une telle instabilité et une telle absence de ligne directrice sur les prélèvements obligatoires que ceux-ci ont augmenté pendant le précédent quinquennat. Je n’aurai pas la cruauté d’évoquer les engagements sur la baisse de ces prélèvements pris avant 2007… En réalité, la France a donné le mauvais exemple !

À l’Eurogroupe, auquel je participe maintenant en tant que ministre des finances, on se souvient de la visite mémorable d’un Président de la République qui n’avait rien à y faire mais qui était néanmoins venu pour expliquer que la France ne tiendrait pas ses engagements.

Quand on tient ce genre de discours, il ne faut pas s’étonner ensuite de constater des dérapages, dérapages qui se traduisent, je rappelle le chiffre – et c’est le chiffre juste –, par 600 milliards d’euros de dette publique supplémentaire pour la France.

Quant au déficit, il reste extraordinairement élevé puisqu’il est encore de 100 milliards d’euros en 2011.

On parle parfois d’« ardoise cachée » ; chacun peut utiliser l’expression de son choix en fonction de sa perception des choses. Pour ma part, je vais rester extrêmement technique.

Si votre assemblée va bientôt examiner un projet de loi de finances rectificative, que Jérôme Cahuzac présente en ce moment même à l’Assemblée nationale, cela tient à un motif très simple et incontestable : les recettes ont été mal évaluées, à hauteur de 7,1 milliards d’euros, comme l’ont également été les dépenses, de 1,5 milliard à 2 milliards d’euros. Il y avait donc des risques et il fallait absolument procéder à des ajustements.

Je n’insisterai pas sur les contentieux en partie dissimulés, par exemple sur le contentieux relatif aux OPCVM, dont on a peu parlé ici mais dont il a beaucoup été question à l’Assemblée nationale.

Tout cela intervient dans un contexte de prévisions économiques trop souvent optimistes. Plusieurs orateurs ont insisté sur la nécessité de présenter des prévisions sincères et de réfléchir à la manière de les objectiver. Je suis d’accord avec eux. Certes, il y a la crise et la situation internationale est évolutive, mais, tout de même, passer d’une prévision de croissance de 1,7 % à 0,3 % dans une année alors que l’on avait commencé – souvenez-vous – à 2 % n’est pas acceptable. Comment les assemblées parlementaires et l’exécutif peuvent-ils faire, dans ces conditions, un travail sérieux ?

Voilà le bilan tel que je le lis et, en effet, je me suis tout à fait retrouvé dans ce qui a été dit sur les travées de la majorité sénatoriale.

À droite, je me suis un peu perdu parmi des recommandations qui me sont souvent apparues comme contradictoires. Je me suis demandé s’il ne s’agissait pas de troubles bipolaires : d’un côté, certains nous reprochent l’austérité, le matraquage fiscal, pendant que d’autres, qui appartiennent pourtant à la même formation politique, nous accusent de faire preuve d’un laxisme scandaleux.

Notre objectif de stabilisation des emplois publics, qui traduit une politique courageuse, est ainsi tantôt perçu comme un relâchement, tantôt comme l’annonce de la paupérisation de la fonction publique. Vous choisirez votre ligne, mais, pour l’instant, vous ne l’avez pas encore fait et c’est ce qui donne un côté obscur et confus aux propos que j’ai pu entendre.

M. Francis Delattre. C’est à vous de choisir !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous comparons vos propos d’aujourd'hui à ceux d’hier !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je veux répondre aux critiques, monsieur le président de la commission, en rappelant notre stratégie, car nous avons une stratégie et une cohérence, à savoir le retour à l’équilibre en 2017.

Il nous faut en effet impérativement redresser la politique de dérive des comptes publics dont nous héritons.

Cela demandera des efforts importants et, pour que ces efforts soient acceptés, comme le Président de la République l’a rappelé à la télévision le 14 juillet, il faut qu’ils soient bien répartis dans le temps, bien répartis entre le secteur privé et le secteur public, bien répartis au sein des administrations publiques et qu’ils soient justes.

L’effort juste : voilà notre stratégie.

Chronologiquement, cet effort va porter d’abord sur les recettes, pour une raison que chacun connaît ici. Je veux parler de la très grande rigidité de la dépense publique qui empêche les ajustements à cette période de l’année.

Nous ferons également porter l’effort à travers la réforme fiscale que nous avons annoncée dans le cadre du projet de loi de finances.

Cependant, sur la durée du quinquennat, la dépense publique sera également sollicitée, et Benoît Hamon va y revenir. Sur les cinq ans à venir, ce sera cinquante-cinquante : cinquante pour les recettes et cinquante pour les dépenses. Je n’accepte pas pour ma part l’idée selon laquelle il y aurait, d’un côté, ceux qui ont bien géré l’État – on a vu ce qu’il en était ! – et, de l’autre, ceux qui refuseraient de faire des économies.

Nous sommes contraints de faire des économies, mais nous devons les faire autrement. La RGPP, je le redis ici comme je l’ai dit en commission des finances, c’est fini !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous lui donnerez simplement un autre nom !

M. Pierre Moscovici, ministre. Cela signifie qu’il faudra adopter une gestion tout à fait différente, y compris à l’intérieur des ministères.

C’est cette exigence de justice sociale imposant de faire porter d’abord l’effort sur les agents ayant les plus grandes capacités contributives qui a orienté nos choix pour le projet de loi de finances rectificative ; c’est elle aussi qui orientera notre stratégie pour les cinq ans qui viennent.

Nous devons en effet tout à la fois redresser les comptes publics, doper la compétitivité, soutenir une croissance vacillante et faire un effort de justice. Cela passe par la préservation de la dépense, raison pour laquelle, je le redis, nous refusons l’austérité.

M. Delahaye a évoqué les TGV. Ce que j’ai découvert, pour le moment, c’est qu’un inventaire des besoins avait été fait, mais qu’il n’y avait pas de crédits inscrits. Le Premier ministre a donc demandé à M. Gallois de faire le bilan des investissements pour aller vers la sélectivité mais aussi la mise en œuvre réelle des projets.

Dans le même temps, nous voulons soutenir la consommation des ménages. C’est pourquoi les hausses d’impôts seront concentrées sur les plus hauts patrimoines.

C’est aussi pourquoi nous allons annuler dans le collectif budgétaire la TVA dite « sociale », « compétitivité » ou « anti-délocalisation ». Parce que cette ponction de 12 milliards d’euros aurait touché les couches populaires et moyennes, mais aussi empêché le moteur de la consommation de fonctionner.

Nous avons besoin de ce moteur : ici, la justice sociale rejoint l’exigence économique. Or notre but est précisément de faire avancer, ensemble, justice sociale et économie.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et c’est pour cela que vous allez augmenter la CSG !

M. Pierre Moscovici, ministre. Laissant à M. Hamon le soin de développer mon propos dans le cadre du débat sur les orientations des finances publiques qui va suivre, je terminerai en rappelant que d’autres rendez-vous nous attendent ici après le vote du présent projet de loi de règlement des comptes : le collectif, le projet de loi de finances, ainsi qu’un projet de loi de programmation pluriannuelle, car, pour parvenir à 0 % de déficit en 2017, il faut prendre des engagements forts et dire comment nous les tiendrons.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a aussi la ratification du TSCG…

M. Pierre Moscovici, ministre. En effet, mais nous aurons l’occasion d’en reparler. Le Président de la République a dit exactement comment nous allions procéder et le Premier ministre a précisé quand nous allions agir sur ce terrain dès lors que la réorientation de la construction européenne, que nous voulions, est désormais effective.

Avant de conclure, sans présenter formellement l’avis du Gouvernement sur l’amendement qui a été déposé au nom de la commission des finances – Benoît Hamon le fera tout à l'heure –, je souhaite formuler une remarque à son sujet, M. le président la commission et M. le rapporteur général en ayant déjà évoqué la substance.

Vous proposez d'améliorer la transparence des comptes de l'État, notamment en matière de garantie et de hors bilan. Je partage tout à fait cet objectif. Au demeurant, la France est le seul pays de la zone euro à faire certifier ses comptes.

Je suis d'accord avec vous : la transparence doit concerner l'ensemble de nos engagements. C'est d’ailleurs par souci de transparence que nous avons demandé à la Cour des comptes de réaliser cet audit dont je constate qu'il est reconnu comme impartial et incontestable sur toutes les travées, même si la lecture politique que l'on peut faire des facteurs qui ont conduit à la situation à laquelle nous sommes confrontés peut différer.

Nous appliquerons cette transparence dès le projet de loi de finances pour 2013 : un rapport sera transmis au Parlement sur l'ensemble des engagements de la France vis-à-vis de la Grèce. Une annexe existe déjà au compte général de l'État, qui dresse la liste des garanties actives : je m'engage à la stabiliser et à la fiabiliser. C'est peut-être à la lumière de cet engagement que je prends devant vous que cet amendement pourra être examiné dans quelques instants.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez compris, nous sommes en phase avec la proposition de la Haute Assemblée et nous voulons avancer avec vous, en tenant compte de vos préoccupations.

Je me réjouis du soutien qu’apporte la majorité, en grande partie. Je comprends que certains ne soient pas disposés à voter ce projet de loi de règlement. Il est en effet paradoxal de faire voter par une majorité un texte qui valide la gestion d'une autre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Toutefois, cela se fait en s’appuyant sur un certain nombre de critères, sur une base objective. En outre, cela a été souligné, ce vote est nécessaire pour passer à l'étape ultérieure. Cela se passe également ainsi dans les collectivités : il peut nous arriver de ne pas nous opposer à la validation de comptes administratifs, même si nous n’appartenons pas à la majorité ; c’est de la même nature. Je note toutefois que l'engagement de Jean-Vincent Placé vaut pour d'autres textes à venir.

Je conclurai en citant M. Delahaye – car j'ai l'esprit ouvert ! (Sourires.) – qui a trouvé cette formidable formule : « La vertu trouve toujours sa récompense. » L'effort juste, telle est notre vertu, et je crois qu'elle trouvera sa récompense dans la confiance des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 2

Article 1er

I. – Le résultat budgétaire de l’État en 2011 est arrêté à la somme de -90 718 387 308,63 €.

II. – Le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l’année 2011 est arrêté aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après :

.

(En euros)

Dépenses

Recettes

Soldes

Budget général

Recettes

Recettes fiscales brutes

339 412 987 691,38

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

84 395 468 897,63

Recettes fiscales nettes (a)

255 017 518 793,75

Recettes non fiscales (b)

16 379 425 456,52

Montant net des recettes, hors fonds de concours (c) = (a) + (b)

271 396 944 250,27

À déduire : Prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne (d)

74 066 834 737,13

Total net des recettes, hors prélèvements sur recettes (e) = (c) - (d)

 

197 330 109 513,14

Fonds de concours (f)

 

3 828 887 887,30

Montant net des recettes, y compris fonds de concours (g) = (e) + (f)

 

201 158 997 400,44

 

Dépenses

Dépenses brutes, hors fonds de concours

371 817 780 664,52

 

À déduire : Remboursements et dégrèvements d’impôts

84 395 468 897,63

 

Montant net des dépenses (h)

287 422 311 766,89

 

Fonds de concours (i)

3 828 887 887,30

 

Montant net des dépenses, y compris fonds de concours (j) = (h) + (i)

291 251 199 654,19

 

 

Total du budget général, y compris fonds de concours

291 251 199 654,19

201 158 997 400,44

-90 092 202 253,75

Budgets annexes

Contrôle et exploitation aériens

1 985 878 961,24

1 985 878 961,24

Publications officielles et information administrative

224 449 756,83

224 449 756,83

Montant des budgets annexes, hors fonds de concours

2 210 328 718,07

2 210 328 718,07

Fonds de concours

18 760 599,75

18 760 599,75

 

 

Total des budgets annexes, y compris fonds de concours

2 229 089 317,82

2 229 089 317,82

 

Comptes spéciaux

Comptes d’affectation spéciale

55 472 157 450,20

57 009 911 917,52

1 537 754 467,32

Comptes de concours financiers

102 458 126 149,79

100 018 140 776,14

-2 439 985 373,65

Comptes de commerce (solde)

-217 310 859,18

 

217 310 859,18

Comptes d’opérations monétaires, hors Fonds monétaire international (solde)

-58 734 992,27

 

58 734 992,27

Total des comptes spéciaux, hors Fonds monétaire international

157 654 237 748,54

157 028 052 693,66

-626 185 054,88

Solde d’exécution des lois de finances, hors Fonds monétaire international

 

 

-90 718 387 308,63

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 3

Article 2

Le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2011 est arrêté aux sommes présentées dans le tableau de financement ci-après :

.

(En milliards d’euros)

Exécution 2011

Besoin de financement

Amortissement de la dette à long terme (y compris rachats de titres d’échéance 2011 avant leur maturité)

48,8

Amortissement de la dette à moyen terme (y compris rachats de titres d’échéance 2011 avant leur maturité)

46,1

Amortissement de dettes reprises par l’État

0,6

Variation des dépôts de garantie

0,1

Variation d’autres besoins de trésorerie

0

Impact en trésorerie du solde de la gestion 2011

93,1

Total du besoin de financement (1)

188,6

Ressources de financement

Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et bons du Trésor à taux fixe et intérêts annuels), nettes des rachats

183,4

Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés

-9,3

Variation des dépôts des correspondants (EPIC, EPA, collectivités territoriales) et assimilés

12,4

Autres ressources de trésorerie

6,1

Variation du solde du compte du Trésor

-3,9

Total des ressources de financement (1)

188,6

(1)Le total du besoin et des ressources de financement (188,6 milliards d’euros) n’est pas égal à la somme des lignes correspondantes, présentées à la centaine de millions près, du fait des arrondis.

– (Adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 4

Article 3

I. – Le compte de résultat de l’exercice 2011 est approuvé tel que présenté dans le tableau ci-après. Le résultat comptable de l’exercice 2011 s’établit à -86 538 023 323,93 €.

Charges nettes

.

(En millions d’euros)

2011

Charges de fonctionnement nettes

Charges de personnel

133 808

Achats, variations de stocks et prestations externes

21 544

Dotations aux amortissements, aux provisions et aux dépréciations

43 054

Autres charges de fonctionnement

7 531

Total des charges de fonctionnement direct (I)

205 936

Subventions pour charges de service public

26 497

Dotations aux provisions

2

Total des charges de fonctionnement indirect (II)

26 498

Total des charges de fonctionnement (III = I + II)

232 435

Ventes de produits et prestations de service

3 091

Production stockée et immobilisée

131

Reprises sur provisions et sur dépréciations

35 657

Autres produits de fonctionnement

24 925

Total des produits de fonctionnement (IV)

63 804

Total des charges de fonctionnement nettes (V = III - IV) 

168 631

Charges d’intervention nettes

Transferts aux ménages

35 069

Transferts aux entreprises

11 683

Transferts aux collectivités territoriales

76 196

Transferts aux autres collectivités

23 176

Charges résultant de la mise en jeu de garanties

489

Dotations aux provisions et aux dépréciations

27 742

Total des charges d’intervention (VI)

174 356

Contributions reçues de tiers

6 075

Reprises sur provisions et sur dépréciations

27 718

Total des produits d’intervention (VII)

33 793

Total des charges d’intervention nettes (VIII = VI - VII) 

140 563

Charges financières nettes

Intérêts

43 225

Pertes de change liées aux opérations financières

123

Dotations aux amortissements, aux provisions et aux dépréciations

11 538

Autres charges financières

6 868

Total des charges financières (IX)

61 755

Produits des immobilisations financières

8 793

Gains de change liés aux opérations financières

127

Reprises sur provisions et sur dépréciations

4 179

Autres intérêts et produits assimilés

3 900

Total des produits financiers (X)

16 999

Total des charges financières nettes (XI = IX - X)

44 756

Total des charges nettes (XII = V + VIII + XI)

353 950

Produits régaliens nets

.

(En millions d’euros)

2011

Impôt sur le revenu

51 538

Impôt sur les sociétés

40 161

Taxe intérieure sur les produits pétroliers

13 209

Taxe sur la valeur ajoutée

132 390

Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes

13 352

Autres produits de nature fiscale et assimilés

28 024

Total des produits fiscaux nets (XIII)

278 675

Amendes, prélèvements divers et autres pénalités

6 961

Total des autres produits régaliens nets (XIV)

6 961

Ressource propre de l’Union européenne basée sur le revenu national brut

-14 341

Ressource propre de l’Union européenne basée sur la taxe sur la valeur ajoutée

-3 883

Total ressources propres du budget de l’Union européenne basées sur le revenu national brut et la taxe sur la valeur ajoutée (XV)

-18 223

Total des produits régaliens nets (XVI = XIII + XIV- XV)

267 412

Solde des opérations de l’exercice

.

(En millions d’euros)

2011

Charges de fonctionnement nettes (V)

168 631

Charges d’intervention nettes (VIII)

140 563

Charges financières nettes (XI)

44 756

Charges nettes (XII)

353 950

Produits fiscaux nets (XIII)

278 675

Autres produits régaliens nets (XIV)

6 961

Ressources propres de l’Union européenne basées sur le revenu national brut et la taxe sur la valeur ajoutée (XV)

-18 223

Produits régaliens nets (XVI)

267 412

Solde des opérations de l’exercice (XVI - XII)

-86 538

II. – Le résultat comptable de l’exercice 2011 est affecté au bilan à la ligne « report des exercices antérieurs ».

III. – Le bilan, après affectation du résultat comptable, s’établit comme suit :



.

(En millions d’euros)

 

 

 

31 décembre 2011

Brut

Amortissements

Net

Dépréciations

Actif immobilisé

 

 

 

Immobilisations incorporelles

45 234

14 262

30 972

Immobilisations corporelles

524 927

71 926

453 001

Immobilisations financières

324 787

31 956

292 830

Total actif immobilisé

894 947

118 144

776 803

Actif circulant (hors trésorerie)

 

 

 

Stocks

34 560

5 088

29 472

Créances

106 206

25 927

80 279

Redevables

80 541

24 683

55 859

Clients

10 549

1 114

9 435

Autres créances

15 115

131

14 985

Charges constatées d’avance

625

0

625

Total actif circulant (hors trésorerie)

141 391

31 015

110 376

Trésorerie

 

 

 

Fonds bancaires et fonds en caisse

1 238

 

1 238

Valeurs escomptées, en cours d’encaissement et de décaissement

-2 422

 

-2 422

Autres composantes de trésorerie

25 206

 

25 206

Équivalents de trésorerie

4 302

0

4 302

Total trésorerie

28 324

 

28 324

Comptes de régularisation

12 456

 

12 456

Total actif (I)

1 077 118

149 159

927 958

Dettes financières

 

 

 

Titres négociables

 

 

1 332 139

Titres non négociables

 

 

238

Dettes financières et autres emprunts

 

 

6 612

Total dettes financières

 

 

1 338 990

Dettes non financières (hors trésorerie)

 

 

 

Dettes de fonctionnement

 

 

6 547

Dettes d’intervention

 

 

5 893

Produits constatés d’avance

 

 

11 323

Autres dettes non financières

 

 

128 868

Total dettes non financières

 

 

152 631

Provisions pour risques et charges

 

 

 

Provisions pour risques

 

 

13 190

Provisions pour charges

 

 

100 559

Total provisions pour risques et charges

 

 

113 749

Autres passifs (hors trésorerie)

 

 

28 897

Trésorerie

 

 

 

Correspondants du Trésor et personnes habilitées

 

 

86 179

Autres

 

 

0

Total trésorerie

 

 

86 179

Comptes de régularisation

 

 

42 043

Total passif (hors situation nette) (II)

 

 

1 762 488

Report des exercices antérieurs

 

 

-1 161 092

Écarts de réévaluation et d’intégration

 

 

326 563

Solde des opérations de l’exercice

 

 

 

Situation nette (III = I - II)

 

 

-834 530



IV. – L’annexe du compte général de l’État de l’exercice 2011 est approuvée. – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 5

Article 4

I. – Le montant des autorisations d’engagement engagées sur le budget général au titre de l’année 2011 est arrêté par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement ouvertes sont modifiées comme indiqué dans ce même tableau.

.

(En euros)

Désignation des missions et des programmes

Autorisations d’engagement engagées

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures d’autorisations d’engagement complémentaires

Annulations d’autorisations d’engagement non engagées et non reportées

Action extérieure de l’État

2 955 845 865,21

21 038 269,79

– Action de la France en Europe et dans le monde

1 795 665 629,99

9 532 606,01

– Diplomatie culturelle et d’influence

730 885 768,59

10 687 656,41

– Français à l’étranger et affaires consulaires

357 529 529,52

787 324,48

– Présidence française du G20 et du G8

71 764 937,11

30 682,89

Administration générale et territoriale de l’État

2 800 337 442,47

35 838 672,53

– Administration territoriale

1 692 586 825,10

12 191 368,90

– Vie politique, cultuelle et associative

174 267 809,62

10 176 735,38

– Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

933 482 807,75

13 470 568,25

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

3 583 001 453,32

18 595 476,68

– Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

1 948 215 023,66

9 882 287,34

– Forêt

345 524 296,53

3 122 727,47

– Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

541 340 987,70

4 747 467,30

– Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

747 921 145,43

842 994,57

Aide publique au développement

5 031 837 058,62

217 867 918,38

– Aide économique et financière au développement

2 288 528 072,18

193 407 696,82

– Solidarité à l’égard des pays en développement

2 724 002 846,44

21 072 859,56

– Développement solidaire et migrations

19 306 140,00

3 387 362,00

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

3 245 988 380,87

4 069 128,13

– Liens entre la Nation et son armée

123 385 313,38

3 344 520,62

– Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

3 016 543 460,65

158 026,35

– Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

106 059 606,84

566 581,16

Conseil et contrôle de l’État

655 634 753,89

3 424 348,11

– Conseil d’État et autres juridictions administratives

410 946 487,97

754 775,03

– Conseil économique, social et environnemental

37 948 659,00

– Cour des comptes et autres juridictions financières

206 739 606,92

2 669 573,08

Culture

2 949 277 488,88

64 472 492,12

– Patrimoines

949 240 236,82

37 343 111,18

– Création

877 128 005,48

22 296 391,52

– Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 122 909 246,58

4 832 989,42

Défense

38 994 192 265,39

890 114 449,61

– Environnement et prospective de la politique de défense

1 757 089 380,31

55 885 774,69

– Préparation et emploi des forces

23 495 310 410,82

729 129 603,18

– Soutien de la politique de la défense

4 284 354 335,39

14 846 386,61

– Équipement des forces

9 457 438 138,87

90 252 685,13

Direction de l’action du Gouvernement

1 380 588 274,50

27 149 212,50

– Coordination du travail gouvernemental

522 301 063,65

20 980 689,35

– Protection des droits et libertés

136 762 917,29

4 168 162,71

– Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

721 524 293,56

2 000 360,44

Écologie, développement et aménagement durables

12 427 148 954,65

234 776 490,35

– Infrastructures et services de transports

6 698 244 629,36

71 409 868,64

– Sécurité et circulation routières

55 400 762,52

504 020,48

– Sécurité et affaires maritimes

125 685 307,58

15 076 404,42

– Météorologie

195 338 547,00

 

– Urbanisme, paysages, eau et biodiversité

338 678 314,29

8 404 364,71

– Information géographique et cartographique

80 478 735,59

94 113,41

– Prévention des risques

230 253 969,58

113 705 215,42

– Énergie, climat et après-mines

696 868 980,67

7 223 248,33

– Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer

4 006 199 708,06

18 359 254,94

Économie

2 013 873 278,34

32 409 413,66

– Développement des entreprises et de l’emploi

1 017 518 298,78

16 237 385,22

– Tourisme

43 537 672,30

6 235 464,70

– Statistiques et études économiques

447 187 792,01

8 213 457,99

– Stratégie économique et fiscale

505 629 515,25

1 723 105,75

Engagements financiers de l’État

47 745 919 744,27

244 785 686,73

– Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)

46 255 585 968,98

140 414 031,02

– Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)

598 642 429,85

62 657 570,15

– Épargne

696 968 388,44

41 714 085,56

– Majoration de rentes

194 722 957,00

 

Enseignement scolaire

61 855 502 591,75

19 105 142,25

– Enseignement scolaire public du premier degré

18 083 627 916,31

4 385 493,69

– Enseignement scolaire public du second degré

29 340 516 734,02

2 487 340,98

– Vie de l’élève

3 924 304 404,92

433 323,08

– Enseignement privé du premier et du second degrés

7 035 166 531,12

1 202 746,88

– Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 140 656 671,59

8 971 990,41

– Enseignement technique agricole

1 331 230 333,79

1 624 247,21

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11 668 073 793,69

104 719 473,31

– Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

8 420 828 917,12

63 914 589,88

– Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État

329 367 399,20

3 233 716,80

– Conduite et pilotage des politiques économique et financière

935 409 123,38

8 734 937,62

– Facilitation et sécurisation des échanges

1 597 378 793,46

7 630 604,54

– Entretien des bâtiments de l’État

191 931 612,13

5 027 400,87

– Fonction publique

193 157 948,40

16 178 223,60

Immigration, asile et intégration

724 791 057,99

2 962 209,01

– Immigration et asile

646 655 618,37

2 484 175,63

– Intégration et accès à la nationalité française

78 135 439,62

478 033,38

Justice

7 252 194 512,45

288 422 247,55

– Justice judiciaire

2 912 229 501,62

217 997 335,38

– Administration pénitentiaire

2 966 988 774,90

56 337 308,10

– Protection judiciaire de la jeunesse

763 566 809,96

4 481 035,04

– Accès au droit et à la justice

362 119 472,80

4 843 735,20

– Conduite et pilotage de la politique de la justice

247 289 953,17

4 762 833,83

Médias, livre et industries culturelles

1 361 435 574,66

11 851 875,34

– Presse

417 903 236,10

 

11 851 872,90

– Livre et industries culturelles

290 867 513,17

 

1,83

– Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique

401 178 065,39

 

0,61

– Action audiovisuelle extérieure

251 486 760,00

 

 

Outre-mer

2 018 386 796,30

58 048 960,70

– Emploi outre-mer

1 314 111 962,90

10 011 068,10

– Conditions de vie outre-mer

704 274 833,40

48 037 892,60

Politique des territoires

399 981 815,36

20 370 163,64

– Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

312 278 304,02

15 368 034,98

– Interventions territoriales de l’État

87 703 511,34

5 002 128,66

Pouvoirs publics

1 009 770 444,34

5 898 731,66

– Présidence de la République

110 052 726,00

 

 

– Assemblée nationale

533 910 000,00

 

 

– Sénat

322 282 151,11

 

5 411 848,89

– La Chaîne parlementaire

32 125 000,00

 

 

– Indemnités des représentants français au Parlement européen

 

 

 

– Conseil constitutionnel

11 070 000,00

 

 

– Haute Cour

 

 

 

– Cour de justice de la République

330 567,23

 

486 882,77

Provisions

22 786 098,00

– Provision relative aux rémunérations publiques

 

 

– Dépenses accidentelles et imprévisibles

 

22 786 098,00

Recherche et enseignement supérieur

25 334 429 385,24

18 320 343,76

– Formations supérieures et recherche universitaire

12 384 941 642,73

 

4 963 522,27

– Vie étudiante

2 164 685 556,11

 

1 357 566,89

– Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 035 421 239,34

 

1 718 214,66

– Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 237 308 892,00

 

 

– Recherche spatiale

1 376 465 289,00

 

 

– Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 409 555 671,49

 

6 176 981,51

– Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

1 118 326 338,98

 

3 918 759,02

– Recherche duale (civile et militaire)

188 741 435,00

 

14 649,00

– Recherche culturelle et culture scientifique

123 485 227,74

 

163 346,26

– Enseignement supérieur et recherche agricoles

295 498 092,85

 

7 304,15

Régimes sociaux et de retraite

6 360 056 646,91

1 008,09

– Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

3 935 020 699,81

0,19

– Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

817 999 991,00

9,00

– Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 607 035 956,10

998,90

Relations avec les collectivités territoriales

2 621 484 392,58

68 224 500,42

– Concours financiers aux communes et groupements de communes

761 637 756,18

51 854 092,82

– Concours financiers aux départements

473 790 405,76

604 443,24

– Concours financiers aux régions

899 280 689,00

37 074,00

– Concours spécifiques et administration

486 775 541,64

15 728 890,36

Remboursements et dégrèvements

84 395 468 897,63

1 537 462 102,37

– Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)

72 915 090 641,81

1 309 840 358,19

– Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)

11 480 378 255,82

227 621 744,18

Santé

1 221 090 357,13

6 332 572,87

– Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

543 956 596,53

5 456 833,47

– Protection maladie

677 133 760,60

875 739,40

Sécurité

16 862 543 915,80

84 159 657,20

– Police nationale

9 120 778 897,85

68 959 917,15

– Gendarmerie nationale

7 741 765 017,95

 

15 199 740,05

Sécurité civile

436 970 161,91

15 913 053,09

– Intervention des services opérationnels

278 484 424,81

11 285 279,19

– Coordination des moyens de secours

158 485 737,10

4 627 773,90

Solidarité, insertion et égalité des chances

12 341 632 815,42

31 087 761,58

– Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales

519 618 073,52

626 547,48

– Actions en faveur des familles vulnérables

241 229 108,34

1 529 961,66

– Handicap et dépendance

10 052 128 944,83

23 256 750,17

– Égalité entre les hommes et les femmes

19 889 936,06

91 948,94

– Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 508 766 752,67

5 582 553,33

Sport, jeunesse et vie associative

436 957 628,32

2 253 498,68

– Sport

222 551 070,75

1 056 398,25

– Jeunesse et vie associative

214 406 557,57

1 197 100,43

Travail et emploi

12 284 894 244,52

197 967 638,48

– Accès et retour à l’emploi

6 746 708 429,48

119 592 555,52

– Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

4 584 549 156,58

 

61 711 811,42

– Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

115 402 395,02

 

5 016 319,98

– Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

838 234 263,44

 

11 646 951,56

Ville et logement

7 802 798 438,31

88 979 060,69

– Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 259 933 478,74

1 886 825,26

– Aide à l’accès au logement

5 543 397 433,99

3 000,01

– Développement et amélioration de l’offre de logement

440 313 596,30

72 775 422,70

– Politique de la ville et Grand Paris

559 153 929,28

14 313 812,72

Total

380 172 108 430,72

4 379 407 657,28

II. – Le montant des dépenses relatives au budget général au titre de l’année 2011 est arrêté par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les crédits de paiement ouverts sont modifiés comme indiqué dans ce même tableau.

.

(En euros)

Désignation des missions et des programmes

Dépenses

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures de crédits complémentaires

Annulations de crédits non consommés et non reportés

Action extérieure de l’État

2 975 875 027,22

8 495 714,78

– Action de la France en Europe et dans le monde

1 822 092 858,03

 

270 894,97

– Diplomatie culturelle et d’influence

736 377 943,26

 

6 908 863,74

– Français à l’étranger et affaires consulaires

355 856 877,57

 

1 315 955,43

– Présidence française du G20 et du G8

61 547 348,36

 

0,64

Administration générale et territoriale de l’État

2 556 569 690,70

3 915 331,30

– Administration territoriale

1 712 928 960,18

 

35 532,82

– Vie politique, cultuelle et associative

165 448 548,46

 

3 870 214,54

– Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

678 192 182,06

 

9 583,94

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

3 574 970 322,69

441 372,31

– Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires

1 909 764 934,20

 

0,80

– Forêt

358 267 843,73

 

0,27

– Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

546 204 634,24

 

143 306,76

– Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

760 732 910,52

 

298 064,48

Aide publique au développement

3 297 330 116,85

24 575 303,15

– Aide économique et financière au développement

1 182 645 663,52

 

19 659 379,48

– Solidarité à l’égard des pays en développement

2 087 003 380,82

 

4 915 923,18

– Développement solidaire et migrations

27 681 072,51

 

0,49

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

3 255 401 912,65

433 043,35

– Liens entre la Nation et son armée

132 656 268,92

 

8 679,08

– Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

3 016 527 582,09

 

95 936,91

– Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale

106 218 061,64

 

328 427,36

Conseil et contrôle de l’État

573 271 301,71

3 836 259,29

– Conseil d’État et autres juridictions administratives

335 542 775,56

 

0,44

– Conseil économique, social et environnemental

37 948 659,00

 

 

– Cour des comptes et autres juridictions financières

199 779 867,15

 

3 836 258,85

Culture

2 754 207 381,48

1,52

– Patrimoines

902 166 059,91

 

0,09

– Création

776 720 882,71

 

0,29

– Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 075 320 438,86

 

1,14

Défense

38 750 300 067,53

7 909 427,26

6 391 459,73

– Environnement et prospective de la politique de défense

1 782 981 052,63

 

858 329,37

– Préparation et emploi des forces

23 395 921 027,69

 

4 498 937,31

– Soutien de la politique de la défense

2 954 295 673,46

 

1 033 398,54

– Équipement des forces

10 617 102 313,75

7 909 427,26

794,51

Direction de l’action du Gouvernement

1 033 919 707,39

21 961 456,61

– Coordination du travail gouvernemental

508 986 861,94

 

20 513 320,06

– Protection des droits et libertés

84 782 377,94

 

1 416 592,06

– Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

440 150 467,51

 

31 544,49

Écologie, développement et aménagement durables

11 598 734 629,85

6 692 945,15

– Infrastructures et services de transports

5 991 460 322,27

 

0,73

– Sécurité et circulation routières

54 385 228,77

 

0,23

– Sécurité et affaires maritimes

127 445 128,92

 

1 533 137,08

– Météorologie

195 338 547,00

 

738,00

– Urbanisme, paysages, eau et biodiversité

339 658 484,35

 

265 736,65

– Information géographique et cartographique

80 432 986,00

 

 

– Prévention des risques

285 785 856,73

 

2 106 913,27

– Énergie, climat et après-mines

709 605 885,52

 

0,48

– Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer

3 814 622 190,29

 

2 786 418,71

Économie

2 048 649 216,76

2 694 974,24

– Développement des entreprises et de l’emploi

1 046 746 155,43

 

440 750,57

– Tourisme

46 353 580,41

 

2 151 282,59

– Statistiques et études économiques

448 460 341,68

 

67 104,32

– Stratégie économique et fiscale

507 089 139,24

 

35 836,76

Engagements financiers de l’État

47 745 919 744,27

244 785 686,73

– Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)

46 255 585 968,98

 

140 414 031,02

– Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)

598 642 429,85

 

62 657 570,15

– Épargne

696 968 388,44

 

41 714 085,56

– Majoration de rentes

194 722 957,00

 

 

Enseignement scolaire

61 694 775 196,36

8 960 690,64

– Enseignement scolaire public du premier degré

18 084 134 162,53

 

4 404 877,47

– Enseignement scolaire public du second degré

29 340 311 749,19

 

2 427 516,81

– Vie de l’élève

3 856 114 855,25

 

449 377,75

– Enseignement privé du premier et du second degrés

7 035 065 081,16

 

1 204 644,84

– Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 093 572 722,50

 

75 467,50

– Enseignement technique agricole

1 285 576 625,73

 

398 806,27

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

11 676 162 725,18

3 617 684,82

– Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local

8 451 591 442,61

 

3 001,39

– Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État

327 442 864,18

 

1 191 636,82

– Conduite et pilotage des politiques économique et financière

913 166 376,12

 

580 946,88

– Facilitation et sécurisation des échanges

1 599 556 551,57

 

375 163,43

– Entretien des bâtiments de l’État

176 554 905,31

 

0,69

– Fonction publique

207 850 585,39

 

1 466 935,61

Immigration, asile et intégration

723 765 951,23

15 002,77

– Immigration et asile

646 332 094,59

 

15 001,41

– Intégration et accès à la nationalité française

77 433 856,64

 

1,36

Justice

7 107 397 072,15

5 652 391,85

– Justice judiciaire

2 901 464 670,23

 

5 642 632,77

– Administration pénitentiaire

2 813 708 623,33

 

0,67

– Protection judiciaire de la jeunesse

764 101 171,70

 

1,30

– Accès au droit et à la justice

362 500 551,70

 

9 756,30

– Conduite et pilotage de la politique de la justice

265 622 055,19

 

0,81

Médias, livre et industries culturelles

1 350 386 657,74

1,26

– Presse

413 560 760,40

 

0,60

– Livre et industries culturelles

284 243 071,95

 

0,05

– Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique

401 096 065,39

 

0,61

– Action audiovisuelle extérieure

251 486 760,00

 

 

Outre-mer

1 937 840 433,48

3 811 362,52

– Emploi outre-mer

1 284 706 408,03

 

3 811 361,97

– Conditions de vie outre-mer

653 134 025,45

 

0,55

Politique des territoires

340 180 877,16

3 108 467,84

– Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire

276 738 959,99

 

1 503 162,01

– Interventions territoriales de l’État

63 441 917,17

 

1 605 305,83

Pouvoirs publics

1 015 669 176,00

– Présidence de la République

110 052 726,00

 

 

– Assemblée nationale

533 910 000,00

 

 

– Sénat

327 694 000,00

 

 

– La Chaîne parlementaire

32 125 000,00

 

 

– Indemnités des représentants français au Parlement européen

 

 

 

– Conseil constitutionnel

11 070 000,00

 

 

– Haute Cour

 

 

 

– Cour de justice de la République

817 450,00

 

 

Provisions

0,00

 

22 786 098,00

– Provision relative aux rémunérations publiques

 

 

 

– Dépenses accidentelles et imprévisibles

 

 

22 786 098,00

Recherche et enseignement supérieur

25 335 420 512,72

654 093,28

– Formations supérieures et recherche universitaire

12 365 962 939,80

 

451 741,20

– Vie étudiante

2 176 922 546,90

 

0,10

– Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 033 314 886,57

 

82 220,43

– Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 237 308 892,00

 

 

– Recherche spatiale

1 376 465 289,00

 

 

– Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 444 433 883,59

 

1 813,41

– Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

1 090 752 878,78

 

111 013,22

– Recherche duale (civile et militaire)

188 741 435,00

 

 

– Recherche culturelle et culture scientifique

123 588 910,68

 

0,32

– Enseignement supérieur et recherche agricoles

297 928 850,40

 

7 304,60

Régimes sociaux et de retraite

6 359 506 481,91

18 009,09

– Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

3 934 481 534,81

 

0,19

– Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

817 999 991,00

 

9,00

– Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

1 607 024 956,10

 

17 999,90

Relations avec les collectivités territoriales

2 603 545 263,11

22 604 762,89

– Concours financiers aux communes et groupements de communes

742 934 256,18

 

11 800 991,82

– Concours financiers aux départements

473 180 849,74

 

10 766 696,26

– Concours financiers aux régions

899 280 689,00

 

37 074,00

– Concours spécifiques et administration

488 149 468,19

 

0,81

Remboursements et dégrèvements

84 395 468 897,63

1 537 462 102,37

– Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)

72 915 090 641,81

 

1 309 840 358,19

– Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)

11 480 378 255,82

 

227 621 744,18

Santé

1 226 016 695,70

4 496 601,30

– Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

547 327 557,59

 

3 620 823,41

– Protection maladie

678 689 138,11

 

875 777,89

Sécurité

16 806 823 281,71

21 767,29

– Police nationale

9 086 181 741,18

 

0,82

– Gendarmerie nationale

7 720 641 540,53

 

21 766,47

Sécurité civile

417 623 258,78

852 217,22

– Intervention des services opérationnels

254 664 299,60

 

852 121,40

– Coordination des moyens de secours

162 958 959,18

 

95,82

Solidarité, insertion et égalité des chances

12 353 910 867,28

0,36

1 691 464,08

– Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales

518 906 566,59

 

117 852,41

– Actions en faveur des familles vulnérables

241 760 262,47

 

891 277,53

– Handicap et dépendance

10 068 499 592,89

 

636 399,11

– Égalité entre les hommes et les femmes

19 859 894,56

 

0,44

– Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

1 504 884 550,77

0,36

45 934,59

Sport, jeunesse et vie associative

448 268 976,13

358 795,87

– Sport

234 897 760,40

 

0,60

– Jeunesse et vie associative

213 371 215,73

 

358 795,27

Travail et emploi

11 745 570 857,24

1 749 210,76

– Accès et retour à l’emploi

6 321 470 463,70

 

1 556 240,30

– Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

4 609 588 540,80

 

191 193,20

– Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

66 582 952,38

 

1 312,62

– Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

747 928 900,36

 

464,64

Ville et logement

7 943 186 251,21

5 188 148,79

– Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables

1 260 804 653,71

 

0,29

– Aide à l’accès au logement

5 543 952 387,99

 

3 000,01

– Développement et amélioration de l’offre de logement

567 912 137,65

 

210 227,35

– Politique de la ville et Grand Paris

570 517 071,86

 

4 974 921,14

Total

375 646 668 551,82

7 909 427,62

1 947 272 420,80

(Adopté.)

Article 4
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 6

Article 5

I. – Le montant des autorisations d’engagement engagées sur les budgets annexes au titre de l’année 2011 est arrêté par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement ouvertes sont modifiées comme indiqué dans ce même tableau.

.

(En euros)

Désignation des budgets annexes

Autorisations d’engagement engagées

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures d’autorisations d’engagement complémentaires

Annulations d’autorisations d’engagement non engagées et non reportées

Contrôle et exploitation aériens

2 061 015 678,38

22 496 551,62

– Soutien aux prestations de l’aviation civile

1 338 881 943,43

13 595 141,57

– Navigation aérienne

563 490 982,08

4 100 591,92

– Transports aériens, surveillance et certification

61 372 951,87

1 868 993,13

– Formation aéronautique

97 269 801,00

2 931 825,00

Publications officielles et information administrative

175 123 131,50

82 900,39

12 437 657,89

– Édition et diffusion

93 303 219,05

82 900,39

8 721 051,34

– Pilotage et activités de développement des publications

81 819 912,45

3 716 606,55

Total

2 236 138 809,88

82 900,39

34 934 209,51

II. – Les résultats relatifs aux budgets annexes au titre de l’année 2011 sont arrêtés par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme indiqué dans ce même tableau.

.

(En euros)

Désignation des budgets annexes

Dépenses

Recettes

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures de crédits complémentaires

Annulations des crédits non consommés et non reportés

Contrôle et exploitation aériens

2 004 639 560,99

2 004 639 560,99

9 066 956,05

14 809 837,06

– Soutien aux prestations de l’aviation civile

1 340 062 343,19

 

 

8 601 428,81

– Navigation aérienne

490 381 267,10

 

 

2 407 006,90

– Transports aériens, surveillance et certification

67 859 193,65

 

 

869 576,35

– Formation aéronautique

97 269 801,00

 

 

2 931 825,00

Augmentation du fonds de roulement (ligne d’équilibre)

9 066 956,05

 

9 066 956,05

 

Publications officielles et information administrative

224 449 756,83

224 449 756,83

44 295 683,68

13 077 258,85

– Édition et diffusion

97 488 507,91

 

 

11 051 932,09

– Pilotage et activités de développement des publications

82 665 565,24

 

 

2 025 326,76

Augmentation du fonds de roulement (ligne d’équilibre)

44 295 683,68

 

44 295 683,68

 

Total

2 229 089 317,82

2 229 089 317,82

53 362 639,73

27 887 095,91

(Adopté.)

Article 5
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 7

Article 6

I.  Le montant des autorisations d’engagement engagées sur les comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2012 est arrêté, au 31 décembre 2011, par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement ouvertes sont modifiées comme indiqué dans ce même tableau.

.

(En euros)

Désignation des comptes spéciaux

Autorisations d’engagement engagées

Ajustements de la loi de règlement

Ouvertures d’autorisations d’engagement complémentaires

Annulations d’autorisations d’engagement non engagées et non reportées

Comptes d’affectation spéciale

 

 

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

621 843 723,52

0,01

69 463 741,49

– Radars

163 060 676,51

 

690 628,49

– Fichier national du permis de conduire

15 379 201,01

0,01

– Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

21 220 455,00

 

– Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routière

60 000 000,00

 

36 449 750,00

– Désendettement de l’État

362 183 391,00

 

32 323 363,00

Développement agricole et rural

111 436 085,68

53 862,32

– Développement et transfert en agriculture

54 855 411,36

 

26 786,64

– Recherche appliquée et innovation en agriculture

56 580 674,32

 

27 075,68

Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

105 000 000,00

– Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce

 

 

30 000 000,00

– Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce

 

 

75 000 000,00

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

369 081 464,63

117 151 422,37

– Contribution au désendettement de l’État

56 483 097,98

 

0,02

– Contributions aux dépenses immobilières

312 598 366,65

 

117 151 422,35

Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien

89 313 689,92

0,08

– Désendettement de l’État

 

– Optimisation de l’usage du spectre hertzien

89 313 689,92

0,08

Participations financières de l’État

716 194 735,85

4 365 387 923,15

– Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

716 194 735,85

111 613 838,15

– Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

 

4 253 774 085,00

Pensions

52 810 644 593,00

13 865 262,00

– Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

48 440 875 836,06

0,94

– Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 843 040 051,82

13 543 776,18

– Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

2 526 728 705,12

321 484,88

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

175 000 000,00

– Contribution à l’exploitation des services nationaux de transport conventionnés

100 000 000,00

 

– Contribution au matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés

75 000 000,00

 

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

473 981 588,14

0,86

– Péréquation entre régions des ressources de la taxe d’apprentissage

200 000 000,00

– Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

272 683 000,00

– Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance

1 298 588,14

0,86

Total des comptes d’affectation spéciale

55 367 495 880,74

0,01

4 670 922 212,27

Comptes de concours financiers

 

 

Accords monétaires internationaux

– Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine

– Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale

– Relations avec l’Union des Comores

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

6 789 077 520,26

955 305 015,74

– Avances à l’Agence de service et de paiement, au titre du préfinancement des aides européennes de la politique agricole commune

6 594 694 984,26

 

905 305 015,74

– Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

 

 

50 000 000,00

– Avances à des services de l’État

194 382 536,00

 

Avances à l’audiovisuel public

3 222 000 000,00

– France Télévisions

2 146 460 743,00

 

– ARTE-France

251 809 230,00

 

– Radio France

606 591 415,00

 

– Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure

125 197 562,00

 

– Institut national de l’audiovisuel

91 941 050,00

 

Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres

395 216 699,32

11 783 300,68

– Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres

393 895 465,03

 

1 104 534,97

– Avances au titre du paiement de la majoration de l’aide à l’acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d’un véhicule de plus de quinze ans

1 321 234,29

 

10 678 765,71

Avances aux collectivités territoriales

84 168 003 312,06

2 526 196 687,94

– Avances aux collectivités et établissements publics et à la Nouvelle-Calédonie

 

 

6 000 000,00

– Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

84 168 003 312,06

 

2 520 196 687,94

Prêts à des États étrangers

761 542 895,15

174 562,15

230 437 625,00

– Prêts à des États étrangers, de la réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructures

169 850 000,00

 

230 150 000,00

– Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

211 980 520,15

174 562,15

– Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

379 712 375,00

 

287 625,00

– Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

 

 

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

123 970 068,82

349 931,18

– Prêts et avances à des particuliers ou à des associations

420 068,82

 

349 931,18

– Prêts pour le développement économique et social

10 000 000,00

 

– Prêts à la filière automobile

13 550 000,00

 

– Prêts et avances au fonds de prévention des risques naturels majeurs

100 000 000,00

 

Total des comptes de concours financiers

95 459 810 495,61

174 562,15

3 724 072 560,54

II. – Les résultats des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2012 sont arrêtés, au 31 décembre 2011, par mission et programme aux sommes mentionnées dans les tableaux ci-après. Les crédits de paiement ouverts et les découverts autorisés sont modifiés comme indiqué dans ces mêmes tableaux.

.

(En euros)

Désignation des comptes spéciaux

Opérations de l’année

Ajustements de la loi de règlement

Dépenses

Recettes

Ouvertures de crédits complémentaires

Annulations de crédits non consommés et non reportés

Comptes d’affectation spéciale

 

 

 

 

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

683 852 915,92

1 300 871 008,04

68 773 114,08

– Radars

228 422 839,88

 

0,12

– Fichier national du permis de conduire

12 393 234,04

 

0,96

– Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

21 220 455,00

 

 

– Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routière

59 632 996,00

 

36 449 750,00

– Désendettement de l’État

362 183 391,00

 

32 323 363,00

Développement agricole et rural

108 378 736,11

110 446 137,40

53 861,89

– Développement et transfert en agriculture

53 862 715,96

 

26 786,04

– Recherche appliquée et innovation en agriculture

54 516 020,15

 

27 075,85

Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

 

105 000 000,00

– Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce

 

 

30 000 000,00

– Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce

 

 

75 000 000,00

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

422 116 710,58

615 742 344,18

0,42

– Contribution au désendettement de l’État

56 483 097,98

 

0,02

– Contributions aux dépenses immobilières

365 633 612,60

 

0,40

Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien

89 313 689,92

936 129 513,48

0,08

– Désendettement de l’État

 

 

 

– Optimisation de l’usage du spectre hertzien

89 313 689,92

 

0,08

Participations financières de l’État

716 194 735,85

634 612 076,99

4 365 387 923,15

– Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État

716 194 735,85

 

111 613 838,15

– Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État

 

 

 

4 253 774 085,00

Pensions

52 810 958 189,64

52 569 733 372,86

2,36

– Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité

48 440 875 836,06

 

0,94

– Ouvriers des établissements industriels de l’État

1 843 040 051,82

 

1,18

– Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions

2 527 042 301,76

 

0,24

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

175 000 000,00

215 803 430,00

– Contribution à l’exploitation des services nationaux de transport conventionnés

100 000 000,00

 

 

– Contribution au matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés

75 000 000,00

 

 

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

466 342 472,18

626 574 034,57

0,82

– Péréquation entre régions des ressources de la taxe d’apprentissage

200 000 000,00

 

 

– Contractualisation pour le développement et la modernisation de l’apprentissage

265 183 000,00

 

 

– Incitations financières en direction des entreprises respectant les quotas en alternance

1 159 472,18

 

0,82

Total des comptes d’affectation spéciale

55 472 157 450,20

57 009 911 917,52

4 539 214 902,80

Comptes de concours financiers

 

 

 

 

Accords monétaires internationaux

– Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine

– Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale

– Relations avec l’Union des Comores

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

6 789 077 520,26

6 700 922 625,50

955 305 015,74

– Avances à l’Agence de service et de paiement, au titre du préfinancement des aides européennes de la politique agricole commune

6 594 694 984,26

 

 

905 305 015,74

– Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics

 

 

 

50 000 000,00

– Avances à des services de l’État

194 382 536,00

 

 

 

Avances à l’audiovisuel public

3 222 000 000,00

3 221 807 808,05

– France Télévisions

2 146 460 743,00

 

 

 

– ARTE-France

251 809 230,00

 

 

 

– Radio France

606 591 415,00

 

 

 

– Contribution au financement de l’action audiovisuelle extérieure

125 197 562,00

 

 

 

– Institut national de l’audiovisuel

91 941 050,00

 

 

 

Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres

396 321 234,28

197 854 255,68

10 678 765,72

– Avances au titre du paiement de l’aide à l’acquisition de véhicules propres

394 999 999,99

 

 

0,01

– Avances au titre du paiement de la majoration de l’aide à l’acquisition de véhicules propres en cas de destruction simultanée d’un véhicule de plus de quinze ans

1 321 234,29

 

 

10 678 765,71

Avances aux collectivités territoriales

84 312 673 781,50

85 008 983 666,28

2 381 526 218,50

– Avances aux collectivités et établissements publics et à la Nouvelle-Calédonie

 

 

 

6 000 000,00

– Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

84 312 673 781,50

 

 

2 375 526 218,50

Prêts à des États étrangers

7 607 228 991,37

817 187 320,77

73 749,82

846 346 053,45

– Prêts à des États étrangers, de la réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructures

287 990 502,29

 

 

62 009 497,71

– Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

216 831 707,82

 

73 749,82

 

– Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

162 400 000,00

 

 

69 600 000,00

– Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

6 940 006 781,26

 

 

714 736 555,74

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

130 824 622,38

4 071 385 099,86

208 545 377,62

– Prêts et avances à des particuliers ou à des associations

424 622,38

 

 

345 377,62

– Prêts pour le développement économique et social

5 000 000,00

 

 

 

– Prêts à la filière automobile

60 400 000,00

 

 

173 200 000,00

– Prêts et avances au fonds de prévention des risques naturels majeurs

65 000 000,00

 

 

35 000 000,00

Total des comptes de concours financiers

102 458 126 149,79

100 018 140 776,14

73 749,82

4 402 401 431,03

.

(En euros)

Opérations de l’année

Ajustements de la loi de règlement

Dépenses

Recettes

Majorations du découvert

Comptes de commerce

 

 

– Approvisionnement des armées en produits pétroliers

753 086 424,89

729 719 066,36

– Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

151 362 503,82

156 591 006,37

– Couverture des risques financiers de l’État

2 038 581 599,20

2 038 581 599,20

– Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

578 537 016,42

509 270 031,76

– Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

49 897 870 523,21

50 219 375 206,06

– Gestion des actifs carbone de l’État

 

 

– Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes

2 966 600,00

8 743 932,89

– Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses

 

 

– Opérations commerciales des domaines

46 377 211,46

64 837 988,64

– Régie industrielle des établissements pénitentiaires

23 806 635,82

24 384 028,08

Total des comptes de commerce

53 492 588 514,82

53 751 502 859,36

Comptes d’opérations monétaires

 

 

– Émission des monnaies métalliques

173 389 007,48

240 000 234,88

– Opérations avec le Fonds monétaire international

3 010 771 936,92

4 438 689 084,65

7 568 488 543,96

– Pertes et bénéfices de change

36 887 346,76

29 011 111,63

Total des comptes d’opérations monétaires

3 221 048 291,16

4 707 700 431,16

7 568 488 543,96

III. – Les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2012 sont arrêtés, à la date du 31 décembre 2011, aux sommes ci-après :

.

(En euros)

Désignation des comptes spéciaux

Soldes au 31 décembre 2011

Débiteurs

Créditeurs

Comptes d’affectation spéciale

5 771 233 708,50

Contrôle de la circulation et du stationnement routiers

 

783 927 738,87

Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage

 

160 231 562,39

Développement agricole et rural

 

49 475 410,81

Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

 

0,00

Gestion du patrimoine immobilier de l’État

 

816 806 481,13

Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien

 

846 815 823,56

Participations financières de l’État

 

2 061 073 994,84

Pensions

 

1 012 099 266,90

Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs

 

40 803 430,00

Comptes de concours financiers

32 666 643 279,34

2 334 354,21

Accords monétaires internationaux

 

Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics

2 407 348 930,36

Avances à l’audiovisuel public

 

2 334 354,21

Avances au fonds d’aide à l’acquisition de véhicules propres

1 458 342 981,34

Avances aux collectivités territoriales

3 598 073 454,00

Prêts à des États étrangers

23 921 559 038,79

Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés

1 281 318 874,85

Comptes de commerce

32 405 126,26

3 371 489 236,34

Approvisionnement des armées en produits pétroliers

21 074 577,26

Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire

11 330 548,99

Couverture des risques financiers de l’État

0,01

 

Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État

 

168 457 533,18

Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État

 

2 959 462 272,12

Gestion des actifs carbone de l’État

 

Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes

 

94 291 988,88

Liquidation d’établissements publics de l’État et liquidations diverses

 

17 465 796,94

Opérations commerciales des domaines

 

111 002 743,07

Régie industrielle des établissements pénitentiaires

 

20 808 902,15

Comptes d’opérations monétaires

7 576 364 779,09

2 617 920 678,60

Émission des monnaies métalliques

 

2 617 920 678,60

Opérations avec le Fonds monétaire international

7 568 488 543,96

Pertes et bénéfices de change

7 876 235,13

Totaux

40 275 413 184,69

11 762 977 977,65

IV. – Les soldes arrêtés au III sont reportés à la gestion 2012 à l’exception :

– d’un solde débiteur global de 638 659 885,32 € concernant les comptes de concours financiers suivants : « Prêts à des États étrangers » (637 926 885,32 €) et « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (733 000,00 €) ;



– d’un solde débiteur de 1 793 478,89 € relatif au compte de commerce « Lancement de certains matériels aéronautiques et de certains matériels d’armement complexes » ;



– d’un solde débiteur de 7 876 235,13 € afférent au compte d’opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change ». – (Adopté.)

Article 6
Dossier législatif : projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2011
Article 8

Article 7

Les résultats de l’année et le solde du compte spécial « Opérations industrielles et commerciales des directions départementales et régionales de l’équipement » sont arrêtés, au 31 décembre 2011, aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après :

(En euros)

Désignation du compte spécial

Opérations de l’année

Solde au 31 décembre 2011

Dépenses

Recettes

Débiteur

Créditeur

Compte de commerce

 

 

 

Opérations industrielles et commerciales des directions départementales et régionales de l’équipement

131 514 685,32

89 911 199,96

20 658 747,45

Total

131 514 685,32

89 911 199,96

20 658 747,45

 

(Adopté.)

Article 7
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Article additionnel après l'article 8 (début)

Article 8

I. – L’article L.5211-1 du code de la défense est abrogé.

bis (nouveau). – Aux articles L. 5331-1, L. 5341-1, L. 5351-1, L. 5361-1 et L. 5371-1 du même code, la référence : « et L. 5211-1 à » est remplacée par la référence : « , L. 5213-1 et ».

II. – L’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie du même code est ainsi rédigé : « Avances de trésorerie ».

III. – Sont abrogés :

1° L’article 34 de la loi n° 48-1347 du 27 août 1948 portant fixation du budget des dépenses militaires pour l’exercice 1948 ;

2° L’article 7 de la loi n° 53-73 du 6 février 1953 relative au développement des crédits affectés aux dépenses de fonctionnement et d’équipement des services militaires pour l’exercice 1953 (États associés – France d’outre-mer) ;

3° L’article 8 de la loi n° 55-1046 du 6 août 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère de la France d’outre-mer (dépenses militaires) pour les exercices 1955 et 1956. – (Adopté.)

Article 8
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Article additionnel après l'article 8 (fin)

Article additionnel après l'article 8

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marc, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le compte général de l’État annexé au projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion comporte, chaque année, une annexe détaillant l’ensemble des garanties accordées par l’État et, pour chacune d’entre elles, les limites dans lesquelles elle a été accordée.

La parole est à M. François Marc, rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J'ai proposé à la commission des finances cet amendement, qu'elle a adopté de façon très consensuelle, pour que se poursuive le débat que nous avons engagé avec le gouvernement précédent mais qui n'a pas abouti.

Philippe Marini, président de la commission des finances, avait en effet obtenu au mois de juillet dernier de François Baroin qu’il s'engage dans le recensement des garanties.

Notre collègue Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État », a suggéré voilà quelque temps de solliciter la Cour des Comptes afin que celle-ci mène une enquête sur les modalités de recensement et de comptabilisation des engagements hors bilan.

Dans son rapport sur la certification des comptes de l’État en 2011, la Cour des comptes note que « les garanties accordées par l’État ne sont pas systématiquement recensées ». Elle relève que « l’administration s’est engagée en 2012 à mettre en place un outil de recensement et de gestion des garanties », ce qui semble tout de même de bon augure.

Notre motivation est simple : la question du suivi et de l'appréciation des risques liés aux garanties accordées par l'État doit nous préoccuper au plus haut point, car l'État se porte de plus en plus garant. Dès lors, il nous faut une transparence absolue.

Nous ne prétendons pas résoudre toutes les difficultés avec cet amendement. Certains de nos collègues ont d'ailleurs mis l’accent sur le fait que les partenariats public-privé constituaient un sujet d'interrogation. Sans doute devrons-nous pouvoir mesurer de façon précise la portée des garanties qui sont émises.

Pour notre part, nous souhaitons qu'un premier pas soit franchi afin que, pour chaque garantie émise, nous disposions d’une information plus complète et plus précise, concernant ses caractéristiques et, en particulier, son plafond. Il nous semble également important de savoir si l'autorisation porte sur le seul principal, ou sur le principal et les intérêts, dans quelles limites, etc.

Monsieur le ministre délégué, par cette proposition, la commission des finances souhaite améliorer la transparence sur les comptes publics et sollicite un complément d'explications. Certes, Pierre Moscovici a déjà répondu par anticipation, mais nous avons sans doute besoin d'être pleinement rassurés par un engagement formel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement vise à inclure dans le compte général de l'État une annexe recensant l’ensemble des garanties accordées par l’État.

Comme l'a souligné Pierre Moscovici, le Gouvernement partage tout à fait l’objectif de transparence que vous vous fixez avec cet amendement. Cette transparence est un devoir. La France est d’ailleurs le seul pays de la zone euro à faire certifier ses comptes.

Cette transparence doit concerner l’ensemble des engagements du pays. Elle est d’autant plus nécessaire, vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que les plans successifs d’aide en Europe se traduisent par du hors-bilan.

Cette transparence, nous l’avons appliquée dès notre arrivée aux affaires en livrant la vérité sur le contentieux en cours. Je parle évidemment du contentieux OPCVM, qui coûtera près de 5 milliards d’euros aux finances publiques au cours des prochaines années et qui avait été dissimulé par le précédent gouvernement.

Cette transparence, nous l’appliquerons aussi dès le projet de loi de finances pour 2013. Un rapport sera transmis au Parlement sur l’ensemble des engagements de la France vis-à-vis de la Grèce. Cette demande émane de l'Assemblée nationale tout entière, majorité comme opposition, et le Gouvernement y est favorable.

Conformément à l’article 107 de la loi de finances initiale pour 2012, la liste complète des garanties accordées par les organismes divers d’administration centrale, les ODAC, sera transmise dans le cadre du jaune « Opérateurs ».

Monsieur le rapporteur général, concernant votre demande d’inscription dans l’annexe au compte général de l’État relative aux garanties de l’ensemble des informations y afférentes, je tiens à vous indiquer qu’elle est déjà satisfaite : les garanties actives au 31 décembre 2011 sont répertoriées dans cette annexe, ainsi que leur montant, dès lors qu’ils sont chiffrables. Nous entendons la critique de la Cour des comptes qui juge ce recensement insuffisant. C'est pourquoi le Gouvernement s'engage devant vous à fiabiliser cette annexe, conformément à notre méthode de sincérité dans la gestion des finances publiques.

Monsieur le rapporteur général, au nom du Gouvernement, je m’engage, tout comme Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac, à satisfaire encore mieux votre demande l’an prochain. C'est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les engagements du Gouvernement sont clairs. L'année dernière, nous avons fait confiance au précédent gouvernement pour nous apporter les éclaircissements souhaités ; François Baroin s'y était engagé. Nous sommes aujourd'hui au milieu du chemin et, si j’ai bien conscience que tout ne pouvait pas être fait dans l'instant, les assurances que viennent de nous donner le ministre de l’économie et le ministre délégué me confortent dans l’idée que l'autre partie du chemin sera faite.

Ainsi, l'année prochaine, lors de l'examen du projet de loi de règlement des comptes, nous disposerons de toutes les informations nécessaires à une appréciation juste, puisque c’est là la préoccupation de la commission des finances.

Dans ces conditions, je retire cet amendement. Je pense que tous les membres de la commission des finances approuveront cette décision.

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 116 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 315
Contre 21

Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011.

Article additionnel après l'article 8 (début)
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9

Modification de l'ordre du jour

M. le président. J’informe le Sénat que les questions orales nos 26, 27 et 39 pourraient être inscrites à l’ordre du jour de la séance du mardi 24 juillet 2012.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

9

Orientations des finances publiques

Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat

M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les orientations des finances publiques.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi un petit mot personnel : au moment de prendre pour la première fois la parole à cette prestigieuse tribune en tant que ministre du Gouvernement, j’ai une pensée pour mes grands-parents, humbles paysans et ouvriers bretons, qu’il me plaît de faire revivre quelques secondes devant vous.

Le débat d’orientation sur les finances publiques permet au Gouvernement d’exposer, devant la représentation nationale, les grandes lignes de sa stratégie de redressement des comptes. Cette discussion a déjà eu lieu la semaine dernière à l’Assemblée nationale, en présence du ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, et du ministre délégué chargé du budget, Jérôme Cahuzac. Je me réjouis de venir à mon tour à la rencontre de la Haute Assemblée, aujourd’hui, pour prolonger le dialogue entamé avec les députés.

Le Premier ministre a eu l’occasion de le répéter maintes fois, le Gouvernement entend pleinement associer le Parlement au chantier crucial du redressement des comptes. Les membres du Gouvernement partagent une même envie d’aller à la rencontre de la représentation nationale, une même considération pour ses élus. Nous veillerons à ce que chacun remplisse sa tâche. Pour le Gouvernement, cela nécessite de faire sienne une culture du dialogue, de l’écoute et de la pédagogie, à quoi je vais essayer de m’astreindre pendant les minutes qui viennent.

Vous connaissez les contraintes qui bordent l’exercice d’assainissement des comptes que nous avons commencé, et que le rapport de la Cour des comptes a détaillées début juillet. Le pays doit faire face à un triple déficit, alors que les tensions restent très vives dans la zone euro : un déficit de croissance, un déficit de crédibilité et un déficit de confiance.

La France se trouve tout d’abord face à un déficit de croissance et de compétitivité. Celui-ci trouve en partie sa source chez certains de nos partenaires européens, contraints à des politiques d’austérité en l’absence de solution d’ensemble à la crise des dettes souveraines. Il s’agit d’ailleurs d’un jeu à somme nulle puisque tous les pays ajustent simultanément leurs dépenses publiques et leurs salaires, mais que, du coup, aucun n’améliore sa compétitivité par rapport aux autres.

Notre déficit de croissance résulte aussi de la faiblesse de la consommation des ménages, qui ne joue plus suffisamment son rôle historique de moteur de la croissance française. Permettez-moi de rappeler à cet égard la baisse de la croissance du revenu arbitrable disponible pour les ménages, qui témoigne d’un véritable effondrement de la demande.

Il s’explique, enfin, par une perte de compétitivité sans précédent : nos parts de marché à l’exportation ont reculé de 20 % au cours des cinq dernières années.

Notre pays est ensuite victime d’un déficit de crédibilité. Nos comptes publics dérivent depuis dix ans. La dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros depuis 2007 et le déficit public s’élève encore en 2011 à plus de 100 milliards d’euros.

Le Premier ministre a rappelé dans son discours de politique générale que le service de la dette, soit 50 milliards d’euros par an, constituait notre premier poste budgétaire, ce qui constitue une charge bien lourde pour les Français.

L’audit de la Cour des comptes montre que la crise n’explique pas tout : l’Allemagne, elle, a su ramener son déficit public à un niveau proche de l’équilibre en 2011. Quant au déficit public français, s’il a été réduit à 5,2 % en 2011, Pierre Moscovici a eu l’occasion de le rappeler tout à l’heure, son niveau spontané dérivait vers 5 % en 2012. C’est pourquoi nous devons, au travers de la loi de finances rectificative qui est également soumise à votre examen pendant cette session, procéder à une importante correction de trajectoire.

Enfin, nous devons faire face à un déficit de confiance. L’instabilité, les remises en question permanentes et la confusion des objectifs ont sapé la confiance dans l’action publique. Des décisions fiscales injustes, en faveur des plus privilégiés, ont entamé notre cohésion sociale.

C’est à ce triple déficit – déficit de croissance et d’emplois, déficit de crédibilité budgétaire et déficit de confiance – que nous devons remédier. C’est pour cela qu’un changement de cap est nécessaire : tel fut le sens du vote des Français en mai et en juin.

Notre stratégie passe donc par une action résolue en faveur de la croissance et de la solidarité, à l’échelon non seulement national, mais aussi européen, et par le redressement des comptes publics dans la justice.

À l’échelon européen, des avancées majeures pour le retour de la croissance ont été réalisées lors du Conseil européen des 28 et 29 juin. Grâce, en particulier, aux efforts de la France et au message fort porté par le Président de la République, François Hollande, la croissance a été replacée au cœur de la construction européenne. Les chefs d’État et de gouvernement ont adopté un pacte ambitieux, qui s’appuie sur 120 milliards d’euros d’investissements, soit l’équivalent du budget communautaire aujourd’hui et de 1 % du PIB de l’Union, financés grâce à des ressources nouvelles, et une orientation de l’ensemble des instruments et des politiques européennes en faveur de la croissance.

Ils ont également décidé la mise en place d’une supervision financière intégrée, étape fondamentale qui nous permettra de mieux contrôler le secteur financier, mais aussi de contenir l’impact des crises sur les finances publiques, notamment par une recapitalisation des banques en difficulté à travers le Mécanisme européen de stabilité.

Ils ont, enfin, commencé à tracer la feuille de route d’une intégration solidaire.

À l’échelon national, des mesures d’urgence en faveur de la justice, de l’emploi et du pouvoir d’achat ont d’ores et déjà été adoptées par le Gouvernement : décret sur les retraites, hausse de l’allocation de rentrée scolaire, coup de pouce au SMIC, contrats aidés supplémentaires, abrogation de la TVA sociale, laquelle aurait constitué une ponction importante sur le pouvoir d’achat des ménages.

Ces mesures nécessaires, autant socialement qu’économiquement, sont entièrement financées par des hausses de recettes ou par des économies supplémentaires.

Le Gouvernement proposera d’autres mesures pour encourager l’emploi et le pouvoir d’achat au cours des prochains mois. Je me contenterai de les mentionner brièvement ici pour mémoire. Il reviendra au ministre compétent d’en fixer ensuite les contours. Elles auront notamment pour finalité de mieux encadrer l’évolution des dépenses dites incompressibles des ménages, ce qui fait écho à ce que je disais tout à l’heure sur la baisse de la croissance du revenu arbitrable disponible. En effet, aujourd’hui, la possibilité de choisir ce que l’on peut dépenser diminue. Nous voulons donc mieux contrôler les dépenses incompressibles, notamment dans le domaine du logement et de la santé, pour qu’elles pèsent de moins en moins lourdement dans les budgets individuels.

Le retour de la croissance passera aussi par un soutien déterminé à l’investissement, condition du redressement de l’appareil productif et de la relance de la croissance. À cet égard, nous mobiliserons deux leviers, la fiscalité et la finance, pour servir un même objectif : réformer le financement de l’économie réelle, c’est-à-dire rétablir des canaux d’irrigation entre, d’une part, des capacités de financement considérables, mais souvent inexploitées, et, d’autre part, un tissu de petites et moyennes entreprises industrielles et d’entreprises de taille intermédiaire, qui peinent à trouver les moyens de se développer.

La création d’une banque publique d’investissement, la réforme du système bancaire, de l’épargne réglementée et de la fiscalité de l’épargne, en constituent les axes principaux. En parallèle, nous favoriserons l’investissement des entreprises, avec une évolution de l’impôt sur les sociétés et du crédit d’impôt recherche, et nous proposerons plusieurs initiatives pour soutenir le commerce extérieur.

La fiscalité sera ainsi rendue plus lisible, plus efficace et plus juste, et favorisera les entreprises qui investissent au détriment de celles qui délocalisent. Comme l’a indiqué le Premier ministre, « être juste, c’est aussi reconnaître l’apport des créateurs, des innovateurs, des entrepreneurs ».

Le soutien à l’activité ne doit cependant pas être en contradiction avec le redressement des comptes publics.

Vous connaissez l’horizon que nous nous sommes fixé. Le Gouvernement mettra en œuvre en deux temps la réforme de la fiscalité dans la justice, présentée lors de la campagne présidentielle. Une première étape s’inscrit dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de l’été 2012. Elle permettra d’atteindre l’objectif déterminé par le nouveau gouvernement d’un déficit public de 4,5 points de PIB en 2012. Le projet de loi de finances pour 2013 constituera la deuxième étape de cette réforme, qui, couplée à une maîtrise responsable de la dépense, permettra de ramener notre déficit à un niveau de 3 points de PIB, avant de retrouver l’équilibre en 2017.

Ces objectifs sont ambitieux, mais nous les assumons : il y va du respect de nos engagements européens, mais aussi de la restauration de la confiance et du maintien de notre souveraineté…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. … face à des marchés financiers qui guettent les moindres signes de vacillement de notre part. Surtout, il s’agit de faire de notre budget un instrument au service de la croissance et de notre modèle social.

La marche que nous aurons à franchir est haute, nous ne l’avons jamais caché. Nous devrons ainsi opérer des choix structurels qui ont jusqu’ici fait défaut.

Je veux aussi vous dire que, autour de cette même cible de déficit, différents chemins peuvent être empruntés. Le nôtre ne sera absolument pas le même que celui qu’avait emprunté par le précédent gouvernement et qui, pour l’année budgétaire en cours, nous avait d’ores et déjà menés à l’échec. Il différera également de ce qu’on peut voir ailleurs en Europe.

Nous atteindrons donc nos objectifs, mais en suivant notre propre voie, c’est-à-dire en répartissant les efforts de la manière la plus juste et en dégageant des capacités financières pour nos priorités. C’est ce que le Président de la République, François Hollande, a appelé « le redressement dans la justice ».

Plus précisément, nous proposons que les efforts soient justement répartis entre recettes et dépenses, justement répartis dans le temps, justement répartis entre le secteur privé et le secteur public, justement répartis au sein du secteur public, justement répartis entre les ménages et les entreprises. Les ménages les plus aisés et les grandes entreprises, dont les taux d’imposition sont les plus faibles, seront plus particulièrement mis à contribution. Qui peut le plus, contribuera le plus !

L’efficacité économique rejoindra ainsi l’exigence politique de justice sociale.

Pour décliner ces principes, nous avons arrêté plusieurs règles, que je vais vous présenter.

Compte tenu de la situation dégradée à la fois de l’économie et des finances publiques, nous avons décidé de faire porter l’effort de manière parfaitement équilibrée sur la dépense et sur la recette, sur la période 2012-2017, comme l’a d’ores et déjà indiqué tout à l’heure Pierre Moscovici.

Le Gouvernement ne procédera pas à un ajustement par le seul levier de la fiscalité ; il entend bien maîtriser la dépense publique en prenant appui sur des normes strictes. En effet, nous ne voulons ni dessécher l’administration ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises.

À partir de 2014, le taux de prélèvement obligatoire sera globalement stable, la hausse des impôts étant concentrée sur 2012 et 2013.

La dépense publique sera, elle, maîtrisée avec une hausse moyenne de 0,8 % sur la période, qui permettra tout de même d’assurer le financement des priorités du Gouvernement. Une telle évolution sera rendue possible, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, par une participation de l’ensemble des acteurs publics à l’effort de redressement. Ainsi, les dépenses de l’État hors dette et pensions seront stabilisées en valeur ; les règles s’imposant à l’État en matière de maîtrise des dépenses de fonctionnement et de la masse salariale s’appliqueront également aux opérateurs ; les concours aux collectivités territoriales seront stabilisés en valeur et un pacte de confiance et de solidarité entre les collectivités territoriales et l’État sera conclu, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation ; enfin, la dépense sociale sera maîtrisée, grâce, en particulier, à la limitation de la progression de l’ONDAM à 2,7 % en 2013, contre une évolution tendancielle d’environ 4 %.

Cette évolution de la dépense publique sera rendue possible par le projet de refondation et de modernisation de l’action publique, qui, à l’inverse des coupes aveugles de la RGPP, ouvrira la voie à des réformes éclairées, partagées par tous, et tout particulièrement par les agents publics, sans qui la réforme est impossible.

Une procédure d’évaluation des investissements publics, facteurs clés de croissance et de productivité, sera également lancée, de façon à s’assurer du rendement de l’investissement productif, sans grever les finances publiques.

La stratégie de finances publiques 2013-2017 sera précisée et déclinée dans la loi de programmation des finances publiques, dont le projet sera présenté au Parlement à l’automne.

Je précise que notre trajectoire de retour à l’équilibre repose sur des hypothèses de croissance on ne peut plus prudentes : 0,5 % en 2012, 1,2 % en 2013, 2% sur la période 2014-2017.

M. Vincent Delahaye. Ce n’est pas vraiment prudent !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Enfin, je dirai un mot de l’esprit qui anime tout le Gouvernement. Il s’agit d’ailleurs plutôt d’une véritable méthode. Trois principes guideront nos initiatives : prudence, concertation et pragmatisme.

La prudence, et je pense ici aux prévisions de croissance, conditionne la remise en ordre des finances publiques. Trop souvent, les prévisions financières se fondent sur des hypothèses exagérément optimistes. Nous allons donc rompre avec cette pratique : la République exemplaire, c’est aussi cela, un discours de vérité sur les conditions dans lesquelles nous apprécierons la croissance dans les mois et les années à venir.

La concertation, ensuite, est l’antidote aux initiatives sans lendemain, aux réformes jetables, aux lois mal conçues et donc mal appliquées. Elle nécessite que le redressement soit mis en œuvre en associant les partenaires sociaux et les collectivités à notre politique économique, sans stigmatiser les dépenses sociales. Tel est le sens de la grande conférence sociale qui s’est déroulée la semaine dernière et qui s’est conclue par une série d’engagements des partenaires sociaux, aux côtés du Gouvernement.

Le pragmatisme, enfin, implique de renoncer à la RGPP, comme je l’ai dit précédemment. Nous mettrons fin à l’approche mécanique et aveugle du volume des effectifs de la fonction publique que le gouvernement précédent a privilégiée, pour déployer les moyens là où ils sont nécessaires et agir de façon concertée au sein de chaque ministère.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les orientations que nous entendons suivre pour l’année 2013 et jusqu’en 2017. Nous souhaitons, bien sûr, y associer pleinement le Parlement et nous attendons avec plaisir ce débat. J’ai la conviction que notre démarche, dont la mise en œuvre a commencé, est à la fois cohérente, sérieuse et ambitieuse. C’est pourquoi j’espère qu’elle saura faire réfléchir l’opposition et convaincre la majorité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapport d’information de la commission des finances, élaboré en vue de ce débat sur les orientations des finances publiques, s’intitule 2013-2017: une trajectoire équilibrée pour les comptes publics.

Ce titre reflète la position adoptée par la commission depuis le mois d’octobre 2011. Rappelez-vous, sur la proposition de Nicole Bricq, nous avions considéré que l’effort d’une centaine de milliards d’euros pour parvenir à l’équilibre des comptes en 2017 devait être partagé à parité, de manière équilibrée, entre recettes et dépenses.

Ce titre illustre aussi la démarche du Gouvernement, qui nous propose effectivement, conformément aux engagements pris par François Hollande lors de la campagne électorale, de parvenir à l’équilibre en 2017 au travers d’un effort partagé entre dépenses et recettes.

Alors que nous entamons une législature au cours de laquelle les questions de finances publiques seront centrales, il est important, mes chers collègues, que nous ayons les idées claires sur la trajectoire sur laquelle nous nous engageons.

Nous devons effacer l’intégralité de notre déficit budgétaire entre 2013 et 2017, c’est-à-dire 90 milliards d’euros environ. Il ne faut vraisemblablement pas compter sur la croissance pour combler une part importante de ce trou. Si elle nous procure 10 milliards d’euros sur les 90 milliards dont nous avons besoin, nous pourrons nous estimer heureux.

Dès lors que nous ne pouvons pas compter sur la croissance, il faudra prendre des mesures discrétionnaires, pour un montant équivalent d’une quarantaine de milliards d’euros tant en recettes qu’en dépenses.

J’ouvre là une parenthèse : si la croissance n’était pas celle que le Gouvernement escompte, notamment à partir de 2014, et que l’objectif de retour à l’équilibre en 2017 était néanmoins maintenu, il conviendrait évidemment d’en tirer les conséquences sur le montant des mesures discrétionnaires à prendre.

Pour ce qui est des dépenses, nous obtiendrons ces 40 milliards d’euros en freinant le rythme de leur évolution spontanée. Alors qu’elles connaissent une augmentation naturelle de plus de 1,5 % par an, il faudra contenir celle-ci à 0,8 %. L’effort portera de manière plus prononcée sur l’État que sur les collectivités territoriales et la sécurité sociale. Cela impliquera de respecter des normes exigeantes et de financer toutes les nouvelles dépenses par des économies nouvelles.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les ministres, selon ce qui nous a été annoncé, devront proposer des réformes de leurs administrations avant la fin du mois de septembre. J’invite donc nos collègues de l’opposition à faire preuve de patience. (M. Philippe Dallier s’esclaffe.) Sont définis dès à présent les objectifs chiffrés et les normes d’évolution des dépenses. Le changement par rapport au précédent gouvernement,…

M. Philippe Dallier. Le changement, c’est maintenant, on a compris !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … c’est que les économies vont être décidées non pas de manière forfaitaire et aveugle, mais par chaque ministère, en fonction des évolutions des missions et des besoins de leurs administrations.

M. Philippe Dallier. Bon courage !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. S’agissant, à présent, des recettes, la question se pose de savoir comment trouver les 40 milliards d’euros nécessaires.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oui, comment ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Si la croissance ne produit pas de rendement, il faudra augmenter les prélèvements obligatoires en même temps que nous modifierons leur structure dans un sens plus juste. Nous aurons l’occasion d’en reparler en examinant le collectif budgétaire.

Dans ce scénario, mes chers collègues, l’année 2013, vous l’aurez noté dans les annonces du Gouvernement, sera la plus importante, celle à la fin de laquelle nous nous devrons de respecter l’objectif que nous a fixé le Conseil : ramener notre déficit à 3 % du produit intérieur brut. Si nous n’y parvenions pas, une mécanique juridique de sanctions se mettrait en place. De manière plus immédiate, notre crédibilité en serait affectée, car le poids politique de cet objectif est désormais tel que l’on ne peut s’en abstraire.

Pour garantir le respect d’un tel objectif, le Gouvernement propose de concentrer sur 2013 les trois quarts des hausses de prélèvements obligatoires prévues pour la législature, soit une trentaine de milliards d’euros. C’est la bonne stratégie : l’effet multiplicateur des dépenses étant plus fort que celui des recettes, il ne faut pas prendre le risque d’étouffer la croissance de 2013 en comprimant trop les dépenses.

Mais il y a un préalable à tout cela : atteindre, en 2012, le point de départ de cette trajectoire quinquennale, c’est-à-dire un niveau de déficit de 4,5 % du PIB. C’est pour nous assurer que nous ne manquerons pas notre point de départ que le Gouvernement a préparé un projet de loi de finances rectificative, que nous analyserons en détail la semaine prochaine.

Après cette présentation des enjeux et des ordres de grandeur, je voudrais faire quelques commentaires.

Le premier porte sur la préparation de la session d’automne. Le Gouvernement a présenté tout récemment la maquette à partir de laquelle le projet de loi de finances sera construit ; les rapporteurs spéciaux et pour avis peuvent en prendre connaissance. Elle évolue peu par rapport à 2012, mais je dois relever que le périmètre des missions reflète de moins en moins celui des politiques publiques et de plus en plus celui des attributions des différents ministres. Cela doit nous amener à réfléchir sur l’application de la LOLF à cet égard, et il conviendra peut-être d’y apporter des corrections à l’avenir.

Mon deuxième commentaire – je présente par avance mes excuses aux collègues de l’opposition pour la peine que je vais leur occasionner… – porte sur le contraste entre la stratégie équilibrée et réaliste proposée par l’actuel gouvernement et la stratégie plus « équilibriste » du précédent, qui avait été reprise dans le programme de Nicolas Sarkozy.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est de l’autopromotion : on n’est jamais si bien servi que par soi-même !

M. Aymeri de Montesquiou. C’est audacieux !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Rappelez-vous, cette stratégie était fondée sur un retour à l’équilibre reposant à 80 % sur la maîtrise des dépenses. Le retour que nous proposons s’appuie pour moitié sur la réduction des dépenses et sur l’augmentation des recettes.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je ne sais pas où elles sont, vos réductions de dépenses, je ne vois que de nouvelles dépenses !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Et on n’a encore rien vu !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La voie proposée par le gouvernement précédent n’était ni souhaitable ni réaliste.

Elle n’était pas souhaitable, car elle aurait porté atteinte au fonctionnement des services publics. Elle n’était pas possible, car le gouvernement précédent n’est, de toute façon, jamais parvenu à respecter ses objectifs en matière de maîtrise des dépenses. Ainsi, de 2008 à 2011, ces dernières ont augmenté, en moyenne, de 1,4 %. Pour maîtriser le déficit, les équipes gouvernementales successives de M. Fillon ont, entre 2010 et 2012, augmenté les prélèvements obligatoires de plus de 40 milliards d’euros.

L’effort que l’actuel gouvernement propose de faire porter sur les recettes en une législature de cinq ans – en ne visant pas les mêmes prélèvements, bien entendu – la majorité précédente l’a fait subir en trois ans. Dès lors, vous comprendrez, chers collègues de l’opposition, que nous ne pouvons accepter les procès en « matraquage fiscal », que certains dans vos rangs ont déjà commencé à instruire.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je le répète, l’effort de 40 milliards d’euros que nous allons demander sur cinq ans, le précédent gouvernement l’a demandé sur trois ans.

M. Philippe Dallier. Tout cela s’additionne !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La comparaison est tout à fait explicite !

Mon troisième commentaire portera sur un autre aspect de la politique équilibrée que nous propose le nouveau gouvernement : l’équilibre entre discipline budgétaire et soutien de la croissance.

La précédente majorité a dégradé le déficit structurel par le programme fiscal qu’elle a mis en œuvre en début de législature, en particulier la fameuse loi TEPA, sur laquelle elle est revenue en fin de législature, pour partie au moins. Elle a ouvert les vannes budgétaires de 2008 à 2010, en réponse à la crise. La crise de la zone euro l’a ensuite conduite à s’enfermer dans une rhétorique privilégiant l’austérité et laissant de côté la croissance.

Le nouveau Président de la République, au contraire, est parvenu à faire émerger le thème de la croissance dans le débat européen.

M. Philippe Dallier. Allons bon !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le débat, oui, mais pas plus !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela fait six mois que le Conseil en parle !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Lors du Conseil qui s’est tenu les 28 et 29 juin, les Européens se sont dotés d’un « pacte de croissance et d’emploi »…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Un beau discours !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout cela pour avoir bonne conscience !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … complétant et rééquilibrant les règles budgétaires, ce qui conduit le Gouvernement à considérer désormais que nous pouvons les accepter. (M. Philippe Dallier s’esclaffe.)

Je voudrais donc consacrer mon quatrième et dernier commentaire à ces nouvelles règles budgétaires européennes, qui appellent en particulier trois remarques de ma part.

Premièrement, ce qui compte vraiment et ce sur quoi nous sommes jugés, c’est le respect des engagements et non la sophistication des dispositifs juridiques que nous mettons en place.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est au Front de gauche qu’il faut le dire !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les règles constitutionnelles qui existent dans certains pays, en particulier en Allemagne, sont d’ailleurs très sommaires puisqu’elles se contentent de fixer des objectifs, sans prévoir ni la manière de mesurer la conformité à la règle ni les sanctions en cas de non-respect.

Le Président de la République est donc tout à fait fondé à refuser de s’engager dans un processus inapproprié d’inscription de cette règle dans la Constitution.

Deuxièmement, si les évolutions de la gouvernance budgétaire européenne sont très importantes, il ne faut pas accorder plus de place qu’il n’en mérite au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire, dont le Conseil constitutionnel dira s’il comporte des dispositions contraires à la Constitution.

Les dispositions du TSCG sont, en tout état de cause, pour la plupart, déjà présentes dans des textes de droit communautaire en vigueur ou en cours de discussion. Surtout, la règle que ce traité demande d’inscrire dans le droit national s’applique déjà au niveau européen.

M. Philippe Dallier. Pourquoi vous y êtes-vous opposés ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cette règle est devenue contraignante depuis la réforme du pacte de stabilité du 26 novembre dernier.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cela justifie la position actuelle du gouvernement français.

M. Philippe Dallier. Pourquoi étiez-vous contre ?

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Troisièmement, j’évoquerai les conséquences de l’application des nouvelles règles budgétaires du pacte de stabilité.

D’une part, le traité nous demande d’inscrire dans notre droit interne l’obligation de réduire notre déficit structurel de 0,5 point de PIB par an jusqu’à ce que nous ayons atteint notre objectif de moyen terme, à savoir l’équilibre structurel.

D'autre part, à compter de 2017, il nous faudra réduire de 20 % par an notre excédent de dette par rapport au seuil de 60 %.

Ces règles sont strictes, mais il faut être conscient que la politique budgétaire que nous devrons conduire après 2013 pour les respecter sera moins exigeante que celle qui doit être mise en œuvre pour atteindre l’objectif de 3 % en 2013.

Entre 2012 et 2013, nous devrons réduire notre déficit effectif de 1,5 point de PIB en un an, et notre déficit structurel plus encore. C’est un effort très important qui nous est réclamé.

Après 2013, lorsque nous ne serons plus sous le coup d’une procédure pour déficit excessif, nous ne serons plus obligés de réduire notre solde structurel « que » de 0,5 point par an, ce qui est déjà significatif, mais c’est plus de trois fois moins que le rythme qui nous est assigné pour l’an prochain.

En revanche, à l’avenir, les États qui « sortiront des clous » devront se soumettre à la nouvelle mécanique du pacte de stabilité, complétée sur plusieurs points par le traité, et à celle des nouveaux textes en préparation. L’effort demandé sera, pour la France, moindre, mais les contraintes que la Commission et le Conseil pourront imposer aux États seront très fortes.

Les implications sont réelles en termes non seulement de procédure budgétaire, mais aussi d’équilibres institutionnels puisque le traité, encore plus que le pacte de stabilité, limite les capacités de blocage des États. Il faut bien que nous analysions toutes les conséquences de ces évolutions.

Mes chers collègues, le débat doit avoir lieu et il doit se poursuivre entre nous jusqu’à la dernière semaine du mois de septembre. En effet, le Premier ministre vient de l’annoncer il y a une heure, le Parlement sera convoqué en session extraordinaire la dernière semaine de septembre pour envisager la ratification de ce traité. Nous devons donc réfléchir à l’ensemble de ses conséquences pour préparer au mieux cette dernière semaine de septembre.

Beaucoup l’ont dit ces derniers temps, la monnaie unique souffre de n’être pas accompagnée d’un gouvernement économique. L’harmonisation des règles de gouvernance budgétaire en Europe est donc souhaitable dans son principe dès lors qu’elle s’inscrit dans une stratégie de croissance pour la zone euro. Nous verrons ce qui résultera des travaux du groupe animé par Herman van Rompuy, mais il est indéniable que, sans union budgétaire en Europe, nous n’arriverons, par exemple, jamais aux eurobonds et à la mutualisation des dettes souveraines.

M. Philippe Dallier. On croyait pourtant que c’était fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce qu’il faut désormais, c’est construire des majorités au Conseil et au Parlement européen pour peser sur la définition des règles.

Quant à nous, mes chers collègues, il nous faudra être actifs et faire vivre la conférence des commissions des parlements nationaux que prévoit l’article 13 du traité.

Ces considérations, mes chers collègues, me conduisent à ma conclusion : les orientations des finances publiques pour la législature à venir ne sont pas seulement des chiffres. Les chiffres sont importants, ils sont lourds et nous devons les assumer. Mais c’est surtout de leur respect que dépendent la place et l’influence de la France en Europe.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est pourquoi, mes chers collègues, monsieur le ministre, il est si précieux que la France soit désormais dirigée par un gouvernement réaliste et crédible. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, rapporteur général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme chaque année, la commission des affaires sociales entend apporter dans ce débat d’orientation son éclairage spécifique sur la situation des finances sociales. Celles-ci représentent le premier poste de nos comptes publics.

Dans la dette et dans les déficits qui sont aujourd’hui au centre de nos préoccupations, leur part est moindre que celle du budget de l’État. Pour autant, leur retour à l’équilibre est tout aussi nécessaire. Pourquoi ?

D’abord, parce que la problématique des prélèvements obligatoires forme un tout, que le poids de la dette sociale réduit nos marges de manœuvre et nous expose à des risques financiers au même titre que la dette de l’État.

Ensuite, parce que, nous l’avons souvent dit dans cet hémicycle, financer les prestations sociales d’aujourd’hui par des déficits et de la dette, c’est reporter des charges sur les générations à venir tout en hypothéquant le niveau de leur protection sociale, ce qui est économiquement, socialement et moralement insupportable !

M. Francis Delattre. Très bien !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. J’ai détaillé dans mon rapport écrit les dernières évolutions des comptes sociaux au vu de la clôture de l’exercice 2011 et des prévisions présentées il y a quelques jours devant la commission des comptes de la sécurité sociale.

En 2011, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse, FSV, s’est élevé à 20,8 milliards d’euros, soit 1 milliard d’euros de moins que le montant retenu dans la dernière loi de financement.

En revanche, l’année 2012 devrait s’achever en présentant une situation plus dégradée que ne le laissaient présager les prévisions. Aucun gros risque de dérapage des dépenses de sécurité sociale n’a été identifié mais, avec une croissance à l’arrêt, les recettes fléchissent. Sans mesure correctrice, le déficit s’alourdirait de 2 milliards d’euros par rapport au montant de la loi de financement et serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d’euros.

La crise a fait exploser le déficit du régime général. Depuis 2009, il dépasse chaque année, FSV inclus, plus de 20 milliards d’euros, avec un record absolu de 28 milliards d’euros en 2010 !

Mais la crise n’explique pas tout. Elle a aggravé le déficit structurel persistant des comptes sociaux, de l’ordre de 10 milliards par an, déficit qui n’a pas été véritablement traité au moment où le contexte économique s’y prêtait bien plus qu’aujourd’hui. Comme l’a indiqué devant nos commissions des finances et des affaires sociales le Premier président de la Cour des comptes, « la France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel ».

Face à ces déficits et à la nécessité de financer la dette sociale, le précédent gouvernement a additionné des réajustements ponctuels, opérés sans logique d’ensemble, au gré des urgences du moment et au détriment de la recherche de financements plus solides, répondant réellement à l’évolution des besoins à moyen terme.

La dette sociale a gonflé. C’est ainsi que, l’an dernier, 65 milliards d’euros correspondant aux déficits des trois années 2009 à 2011 ont été transférés à la caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES. Autre exemple, 62 milliards d’euros supplémentaires sont prévus de 2012 à 2018 au titre des déficits de la branche vieillesse. Et une partie des déficits restera à financer, comme ceux des branches maladie et famille de 2012 ou celui du régime de retraite des exploitants agricoles. J’ajouterai le déficit de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, qui reste pendant depuis trois ans. Nos collègues Catherine Deroche et Jean-Pierre Godefroy viennent de présenter sur ce sujet, dans le cadre de la MECSS, un rapport particulièrement pertinent.

S’agissant des perspectives pour 2013 et au-delà, la Cour des comptes a effectué des projections qui aboutissent à des résultats très sensiblement différents de ceux qui nous avaient été présentés lors du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui avaient pourtant été révisés en cours de discussion au vu de la dégradation des hypothèses de croissance.

La branche vieillesse ne parviendrait pas à résorber ses déficits qui resteraient supérieurs à 10 milliards d’euros par an, CNAV, et FSV confondus. Nous sommes loin du retour à l’équilibre à l’horizon 2018 annoncé lors de la réforme des retraites !

Nous connaissions la fragilité de ce scénario fondé sur une hypothèse de retour progressif au plein-emploi et de transfert de cotisations de l’UNEDIC vers l’assurance vieillesse.

Selon la Cour des comptes, la branche famille resterait également en situation de déficit prolongé, de l’ordre de 2 milliards d’euros par an, notamment du fait du moindre rendement des recettes qui lui ont été affectées en substitution d’une part de CSG transférée à la CADES. Là aussi, nous avions alerté sur les risques de déséquilibrage de la branche, qui sont malheureusement désormais avérés.

Enfin, la Cour des comptes estime qu’il faudrait entre six et douze ans, selon le niveau de l’ONDAM, pour arriver à équilibrer les comptes de l’assurance maladie.

Au total, sans mesures correctrices, les déficits cumulés du régime général depuis 2012 pourraient atteindre 155 milliards d’euros en 2020, soit environ 100 milliards de plus que le montant des transferts des déficits vieillesse à la CADES déjà programmés jusqu’en 2018.

Face à cette situation et sans attendre le prochain PLFSS, le Gouvernement a déjà pris ou annoncé plusieurs décisions qui concilient deux objectifs : d’une part, préserver notre niveau de protection sociale, avec une priorité pour nos concitoyens les moins favorisés, d’autre part, amorcer résolument la réduction du déficit.

L’abrogation de la TVA sociale écartera la ponction injuste que le précédent gouvernement avait programmée sur le pouvoir d’achat des ménages. Les cotisations d’allocations familiales étant maintenues à leur niveau actuel, la hausse de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital, entrée en application ce mois de juillet, constituera une ressource nette pour la sécurité sociale. Elle permettra de financer la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, mais également d’alimenter la branche vieillesse pour un montant de 2,2 milliards d’euros par an à compter de 2013.

Plusieurs niches sociales seront réduites, notamment avec le passage de 8 % à 20 % du forfait social.

Enfin, le décret du 2 juillet sur l’âge d’ouverture du droit à pension de vieillesse procède à un relèvement de 0,2 point des cotisations à compter du 1er novembre, porté progressivement à 0,5 point d’ici à 2016 et réparti pour moitié entre part patronale et part salariale. Cette recette nouvelle garantit le financement du retour à la retraite à soixante ans en faveur des salariés ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans, tout en procurant un surplus de ressources à la CNAV.

Au total, ces premières mesures représentent déjà un gain net de ressources pour la sécurité sociale de près de 1,5 milliard d’euros en 2012, ce qui permettra de revenir à un niveau de déficit proche de celui qui a été voté en loi de financement, puis de 5 milliards d’euros par an à compter de 2013.

Cet effort sera équitablement réparti. Il vise en priorité des revenus jusqu’ici peu ou pas sollicités pour le financement de notre protection sociale.

Il n’est pas exclusif de mesures de justice – je pense aux salariés ayant suffisamment cotisé pour bénéficier du taux plein, auxquels deux années de travail supplémentaires avaient été imposées – ni de mesures de soutien du pouvoir d’achat des familles modestes, avec la majoration de l’allocation de rentrée scolaire.

Ce premier pas devra être prolongé.

Nous nous trouvons aujourd’hui face à une situation extrêmement dégradée des comptes sociaux, sans équivalent dans le passé, avec 90 milliards d’euros de déficits cumulés pour le régime général et le FSV sur les seules années 2007 à 2011, et 20 autres milliards d’euros à venir en 2012.

Les orientations prises depuis quelques semaines montrent la bonne direction et témoignent d’une volonté très claire ne pas laisser la situation se détériorer davantage. Une action résolue est amorcée en même temps qu’est préservée la situation de nos concitoyens les moins favorisés.

Avec les recettes nouvelles qui vont être mises en place, un pas important sera fait sur la voie de la réduction du déficit. En s’attaquant à un certain nombre de niches sociales, elles vont dans le sens d’une réforme plus structurelle, dont nous savons tous qu’elle sera nécessaire.

Au cours de la dernière décennie, le financement de la sécurité sociale a donné lieu à une multiplicité de mesures qui l’ont rendu plus complexe et beaucoup plus instable. Cette évolution n’a pas favorisé, bien au contraire, le traitement des déficits récurrents.

Le Premier ministre a souhaité saisir le Haut Conseil du financement de la protection sociale sur les évolutions possibles du système actuel, notamment en termes de diversification des recettes, dans la perspective d’une concertation avec les partenaires sociaux, puis d’une réforme législative en 2013.

Une réforme du financement de la sécurité sociale devra nécessairement répondre à deux enjeux : premièrement, assurer un niveau global de ressources en accord avec les besoins des régimes sociaux, ce qui impliquera nécessairement la majoration de ces ressources eu égard aux déséquilibres persistants ; deuxièmement, définir la part respective des différentes formes de ressources, le cas échéant après en avoir imaginé de nouvelles, de la manière la plus optimale au regard d’objectifs clairs, à savoir une plus grande équité entre les différents types de revenus et d’assiettes d’imposition, sans ignorer la recherche d’une meilleure compétitivité de notre pays.

S’agissant des dépenses, c’est pour la branche vieillesse que les perspectives déficitaires sont aujourd’hui les plus accentuées. L’essentiel des mesures de financement prises ou annoncées ces dernières semaines lui sera affecté. Elles devraient permettre de couvrir près de la moitié du besoin de financement à moyen terme, mais ne suffiront pas à résorber le déficit.

Dans le cadre des concertations prévues en 2013, il s’agira de travailler à la définition de paramètres justes et équitables tout en permettant à notre système de retraite d’atteindre l’équilibre financier.

Il sera également nécessaire d’agir en profondeur sur les ressorts de la dépense d’assurance maladie.

Au-delà de la poursuite d’actions déjà engagées, comme la diminution du prix des produits de santé, notamment des médicaments génériques, des mesures plus structurelles devront être envisagées.

De toutes les réflexions conduites ces derniers mois, un large consensus émerge désormais autour du renforcement de la pertinence et de l’efficience des parcours de soins et des séjours hospitaliers, dans un double objectif d’amélioration de la qualité des prises en charge et d’optimisation dans l’utilisation des ressources.

L’organisation d’un véritable parcours de santé, prolongement du parcours de soins, constituera l’axe central des efforts à mener.

De nombreuses sources de surcoût sont à éliminer, tout en rendant l’accès aux soins plus rapide et en améliorant la qualité de la prise en charge.

Ces mesures supposent, de la part de tous les acteurs, une forte mobilisation qu’il faut désormais concrétiser.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les observations que je souhaitais présenter, au nom de la commission des affaires sociales, dans le cadre de ce débat sur les orientations des finances publiques, qui prépare des choix déterminants pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. le rapporteur général de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les orientations des finances publiques nous semble dominé par une certaine forme d’inquiétude du lendemain.

En effet, au cours des dix années qui ont suivi la précédente alternance politique, au fil des lois de finances, des lois de financement de la sécurité sociale et de multiples lois s’attaquant notamment aux grands services publics, au droit au logement et au droit à l’éducation, nous avons constaté la lente mais sûre dérive des comptes publics.

Bien sûr, il serait aisé de rappeler certains discours tenus durant ces dix ans sur l’indépassable horizon du progrès de la croissance et de l’emploi qui nous fut maintes fois promis. (M. le rapporteur général de la commission des finances acquiesce.)

Il est toujours de bon ton, quand on est aux affaires, de donner une belle présentation à la politique que l’on met en œuvre ; et il est aussi commode, quand on n’y est pas, de flétrir ce qui peut être par d’autres enjolivé…

La critique est une chose ; restent les chiffres.

Pour ce qui est de la dette publique, je vous rappelle que la seule dette de l’État représentait, à la fin de l’année 2002, un encours de 717,2 milliards d’euros, détenu à un peu moins de 42 % par des non-résidents et constitué aux deux tiers par des obligations de long terme. À la fin de l’année 2011, la dette de l’État s’élevait à 1 313 milliards d’euros. Elle était majoritairement détenue par des non-résidents et comportait 166 milliards d’euros de titres indexés, au lieu de 29,5 milliards d’euros en 2002.

Quant aux bons du Trésor de court terme, même si leur proportion s’est un peu réduite, on l’a vu lors de la discussion du projet de loi de règlement des comptes pour 2011, ils représentent aujourd’hui un volume de 178 milliards d’euros, deux fois plus important qu’il y a dix ans.

Dix années de gestion libérale des affaires publiques auront donc conduit à une hausse de près de 600 milliards d’euros de la dette de l’État, alors même que la précédente gestion n’avait pas été marquée par une telle progression. Rendez-vous compte : 80 % d’augmentation de l’encours en dix ans !

Le résultat de cette situation est connu : nous avons dû consacrer en 2011 pas moins de 48,8 milliards d’euros au titre des intérêts de notre dette, dont 3 milliards d’euros, faut-il le souligner, au seul bénéfice de détenteurs de titres indexés.

En effet, il s’est trouvé un ministre des finances, au tournant des années 1990 et 2000, pour mettre en place une sorte d’échelle mobile de la rente, en créant une indexation de certains titres de dette émis, qu’il s’agisse d’obligations de long terme ou de bons du Trésor à annuités.

Cette progression de la dette publique résulte évidemment de l’accumulation des déficits budgétaires constatés depuis 2002.

À proprement parler, leur source n’est pas à rechercher dans un développement inconsidéré de la dépense publique, les Gouvernements qui se sont succédé pendant dix ans ayant au contraire mis une sorte de point d’honneur à contenir sa progression, mais bel et bien dans le faible dynamisme des recettes fiscales, voire, dans certains cas, leur réduction.

Songez que la loi portant règlement définitif du budget de 2002 constatait un déficit d’environ 50 milliards d’euros, correspondant à la différence entre 291,4 milliards d’euros de recettes et 341,4 milliards d’euros de dépenses.

C’est donc à l’évidence du côté des recettes que, fondamentalement, les choses ne vont pas tout à fait bien.

Nous avons connu, faut-il le rappeler, dix années de cadeaux fiscaux les plus divers, allant de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu au développement de niches fiscales mitant son assiette, en passant par moult mesures d’allégement de la fiscalité du patrimoine et de l’imposition des sociétés, sans oublier l’une des plus remarquables inepties fiscales du dernier quinquennat : le remplacement de la taxe professionnelle par une contribution économique territoriale inadaptée.

Chaque fois, au-delà de considérations visant à l’harmonisation des pratiques fiscales françaises au regard de la concurrence fiscale européenne, la démarche était la même : développer une politique de l’offre qui, par la seule grâce des bénéficiaires des largesses publiques – ménages aisés, grands groupes à vocation industrielle et commerciale – permettrait, en fonction de leur bonne volonté, à notre économie de croître et à notre pays de connaître une certaine forme de progrès social et économique.

L’usage et l’abus des dispositifs d’optimisation fiscale, notamment sur les patrimoines et les capitaux, et la mise en place, profondément inégalitaire, du bouclier fiscal, symbole accusateur de la teneur des choix opérés, auraient pu constituer autant d’avertissements pour conduire à changer de pratique et de méthode. Mais les plans sociaux en pagaille, les suppressions d’emplois par centaines de milliers – notamment par ces plans sociaux invisibles que sont les non-reconductions de contrats à durée déterminée ou de missions d’intérim –, l’accroissement des inégalités de patrimoine et le déclin industriel de notre pays, victime de stratégies purement financières menées au sein de nos plus grands groupes au détriment de l’emploi et de l’innovation, sont autant de preuves manifestes que non seulement l’État s’est profondément et gravement endetté mais que, de surcroît, il ne l’a pas fait à bon escient.

Il fut un temps où, si l’on peut dire, la France avançait sur la route du progrès, où une génération savait qu’elle vivrait mieux que la précédente. Certains appellent cette époque les Trente Glorieuses. Mais ils oublient parfois que les années 1945 à 1975 furent aussi celles où la France dut concevoir de se séparer de son empire colonial tout en payant le prix de deux guerres aussi inutiles au plan historique que coûteuses en vies humaines, en ressources et en ressentiments, et que, pendant cette période, les comptes publics ne furent pas forcément au vert chaque année...

Seulement voilà, mes chers collègues : quand la France s’endettait pour développer son réseau téléphonique, construire des centrales électriques utilisant autant l’énergie hydraulique que la technologie nucléaire la plus avancée, réaliser des infrastructures de transport ou bâtir des lycées et des collèges, ce qui était, pour une année, une source de déficit budgétaire pouvait fort bien, les années suivantes, être à l’origine de nouvelles recettes fiscales. C’est en effet le tissu économique dans son entier qui tirait parti des engagements publics.

N’oublions pas que ces engagements publics sont largement assurés par les collectivités territoriales – à hauteur de 70 % aujourd’hui. De ce point de vue, les collectivités territoriales sont un levier du redressement économique.

Mais quand l’État s’endette pour que Mme Bettencourt puisse percevoir un remboursement de 30 millions d’euros au titre du bouclier fiscal, pour que la famille Peugeot, qui fait parler d’elle ces temps-ci, puisse s’attribuer un juteux dividende peu de temps avant de programmer un nouveau plan social ou de « départs volontaires », pour que Renault puisse poursuivre ses investissements à l’étranger ou pour que Charles Doux puisse engloutir des millions au Brésil avec le produit du travail de ses salariés payés au SMIC et employés à temps partiel sans réussir à placer ses découpes de volaille auprès des consommateurs locaux, eh bien, c’est de la mauvaise dette qui voyait le jour !

Les faits sont là : depuis dix ans, nous avons ouvert en grand la trappe à bas salaires en dépensant toujours plus d’argent public pour alléger le trop fameux « coût du travail ». Et certains s’étonnent maintenant de constater que, plus les années passent, moins les Français partent en vacances, et pour des durées moins longues ! Songez que, cette année, seulement 53 % de nos concitoyens – juste un peu plus d’un sur deux – ont prévu de partir en vacances…

Nous avons ouvert le marché du financement des petites et moyennes entreprises et voilà que l’on constate, à la surprise générale, qu’il a suffi d’un mauvais air du temps, entre l’été 2008 et le début de l’année 2010, pour que le nombre des liquidations d’entreprise atteigne des sommets, frappant notamment toutes celles qui ont les plus grandes difficultés à accéder au crédit. On croit rêver : il n’y a jamais eu autant d’argent dans ce pays et il n’a jamais été aussi difficile pour les TPE et les PME d’accéder au crédit… Comment peut-on justifier cette frilosité des banques ?

Que sont devenus, mes chers collègues, les 100 milliards d’euros collectés sur les pseudo-livrets A par les banques commerciales après l’ouverture à la concurrence de ce produit financier ? Et ce sont 100 milliards d’euros qui n’ont pas été centralisés par la Caisse des dépôts dans son fonds d’épargne !

Je constate, d’ailleurs, que l’inquiétude, voire l’angoisse qui habite aujourd’hui une grande partie de nos compatriotes n’est pas inversement proportionnelle à l’accumulation de ressources, de capitaux et d’argent que d’aucuns ont pu réaliser en dix ans.

Le magazine Capital – qui, malgré son nom, n’est pas une revue marxiste (Sourires.) –, faisant dans son numéro du mois de mai le bilan des dix dernières années sur le plan de la fiscalité, arrivait à la conclusion que les 450 000 foyers les plus aisés de notre pays avaient été « chouchoutés ».

D’aucuns en appellent d’ailleurs au simple respect de nos engagements européens puisque la règle d’or de la construction européenne semble aujourd’hui être de partager entre tous les États, quelle que soit la forme de leur gouvernement, la même politique « austéritaire » fondée sur un subtil diptyque entre hausse des impôts plus ou moins assumée et réduction de la dépense publique.

Toute la différence résiderait, dès lors, dans le degré de « justice » appliqué aux mesures prises ou dans la dureté des dispositifs mis en œuvre.

Les enseignants français et les autres fonctionnaires seraient ainsi appelés à ne pas trop se plaindre de voir prolongé le gel du point d’indice ou poursuivie la révision générale des politiques publiques, par comparaison avec ce que subissent en ce moment même leurs collègues italiens, espagnols ou grecs, tout bonnement soumis à des baisses de salaires, sans oublier les réductions d’effectifs.

Travailler plus pour gagner moins : tel semble être le leitmotiv des politiques menées par Mario Monti, le distingué doyen de l’université Bocconi, Mariano Rajoy, Antonis Samaras ou encore Angela Merkel, chancelière d’une Allemagne fédérale où le développement du mal-emploi sous-payé est devenu la meilleure démonstration du non-respect des principes de la concurrence libre et non faussée, pourtant inscrits en lettres d’or au cœur du traité européen. (Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.)

Constatons d’ailleurs que nombre des dirigeants européens, en particulier nombre des ministres des finances, ont en commun d’être passés par la banque Goldman Sachs, dont les agissements furent pourtant vertement dénoncés en Grèce.

En outre, la plupart des idées qui inspirent aujourd’hui les politiques menées en Europe procèdent des réflexions menées par l’institut Bruegel, lancé en son temps par le même M. Mario Monti. Cet institut se trouve à la pointe de la réflexion libérale quand il s’agit de promouvoir la flexibilité, l’allégement du coût du travail, la réduction de la dépense publique et la conditionnalité des aides apportées aux pays les plus endettés.

Au moment où d’aucuns commencent à peine de réfléchir à réformer la loi bancaire du 24 janvier 1984, conformément aux promesses de la campagne électorale, l’institut Bruegel a d’ores et déjà publié un mémorandum intitulé « Quelle forme pour l’union bancaire en Europe ? ».

Dans ces conditions, mes chers collègues, il faut à un moment donné avoir du courage.

Le courage, d’abord, de dire que la rigueur la plus extrême doit effectivement être appliquée à des pratiques qui, depuis trop longtemps, font partie des tabous de la politique dans notre pays : tous les concours apportés par l’État aux entreprises, notamment aux grands groupes, et aux ménages les plus aisés, sous quelque forme que ce soit – dépenses fiscales, mesures de calcul de l’imposition pour certaines déclassées de la dépense fiscale, aides directes ou indirectes –appellent aujourd’hui la plus grande rigueur !

Le courage, aussi, de savoir revenir sur ce qui n’a pas marché : je veux parler des mesures qui n’ont pas produit les effets escomptés, celles qui n’ont permis ni la relance de l’activité, ni celle des investissements, ni la création d’emplois.

Cette rigueur, nous l’aurions pour une fois soutenue, parce que cette démarche n’est rien d’autre que la meilleure illustration du sens même de la loi : la défense de l’intérêt général.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Éric Bocquet. Le courage, ensuite, d’interroger l’efficacité du crédit impôt recherche, dont il est évident, au vu de la croissance constatée depuis sa réforme, qu’il n’a pas permis de sortir notre pays, notamment notre industrie, de la spirale du déclin dans laquelle ils se trouvent pour le moment entraînés.

Le courage, encore, de remettre en question la défiscalisation des heures supplémentaires, dont la pertinence macro-économique est avérée comme négative et qui constitue un véritable non-sens dans une période de croissance continue du chômage.

J’observe que cette croissance du chômage va de pair avec une modération salariale quasi inégalée dans tous les secteurs, le privé ne faisant, en la matière, que s’aligner sur le gel de la rémunération des agents publics.

Il faut avoir le courage, enfin, d’évaluer, de corriger et de mettre en cause les politiques d’allégement du prétendu « coût du travail » : en dix ans, elles ont majoré la progression de la dette publique de l’État et de celle de la sécurité sociale.

« Coût du travail » : rien que le concept est déjà, mes chers collègues, le signe d’un certain renoncement, tout le contraire du courage.

Parler de « coût du travail », en effet, signifie que l’on capitule avant même d’avoir combattu face à une manière de présenter le pacte social de notre pays, son modèle social pour tout dire, comme l’illustration par excellence des errements du passé !

D’une part, parce que ce prétendu « coût du travail » n’est pas si élevé que cela. (M. le président de la commission des finances le conteste.) Je rappelle à ceux qui l’auraient oublié que la part des salaires dans le PIB, cotisations sociales comprises – j’insiste sur ce point –, est plus faible aujourd’hui qu’en 1970, au terme des Trente Glorieuses.

D’autre part, parce que, mes chers collègues, il faut bien s’entendre sur les mots : le « coût du travail », c’est d’abord le salaire net touché tous les mois par chaque salarié.

Ce n’est pas toujours une très grosse somme, notamment pour ceux qui goûtent aux délices de la précarité, du temps partiel imposé et du SMIC comme seule référence. À cet égard, le récent décret de revalorisation de ce salaire minimum a juste montré que cette rémunération n’était décidément pas à la hauteur.

C’est d’abord cela, le « coût du travail ». C’est, ensuite, un salaire socialisé : celui qui permet au malade de se soigner, au chômeur de disposer d’une allocation compensant quelque peu la perte de son emploi et du salaire subséquent, au retraité de jouir d’une pension, fût-elle modeste, et à la famille nombreuse de se loger à moindres frais, grâce aux allocations logement.

Ce fameux coût de travail est donc un outil qui permet tout de même à plusieurs millions de nos compatriotes d’être retraités sans devoir mendier, à des millions de familles de faire face au quotidien, à des salariés privés d’emploi d’être indemnisés et à tous – ou presque, en tout cas en principe – de se soigner. Et c’est cela, mes chers collègues, qu’il faudrait réduire, au nom d’une rigueur qui n’a pas grand-chose à voir avec le courage, mais beaucoup avec le développement des inégalités sociales ?

S’attaquer ainsi au travail, car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive, c’est mettre en cause ce qui fonde notre société même, c'est-à-dire le vieux rêve républicain de la justice sociale que la France a toujours porté et qu’elle portera encore longtemps !

Aussi, il faut avoir le courage de s’attaquer aux autres coûts, aux frais financiers et bancaires toujours plus élevés exigés des entreprises comme des ménages quand ils sollicitent un crédit – sans que ce soit, du reste, d’un quelconque secours pour les salariés des banques eux-mêmes, victimes eux aussi à l’occasion de plans sociaux ! –, au versement de dividendes toujours plus importants aux actionnaires de nos grands groupes comme des plus petites PME tenues sous leur férule, de tout ce qui fait gaspillage de capitaux, de richesses, de tout ce que crée le travail.

Il faut avoir le courage de revisiter, sans exclusive, sans tabou, sans limite, tout ce qui a été fait depuis dix ans – et pour un certain nombre de choses, au-delà – et qui a conduit, dans les faits, à mettre en place une solidarité nationale des plus modestes et des plus pauvres en faveur des plus riches.

« Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ; c’est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques » : cette phrase, vous l’aurez bien sûr reconnue, est de Jean Jaurès, tirée du fameux Discours à la jeunesse, prononcé en 1903.

C’est à ce courage-là que nous entendons, pour notre part, faire référence dans les semaines et mois à venir, pour porter au plus haut point la nécessaire mise en question des choix du passé, qui ont conduit les comptes publics, l’État et, par voie de conséquence, les Français eux-mêmes aux pires difficultés.

Au lendemain de la fête nationale, il reste de nombreuses Bastilles à prendre : celles de l’argent, du mépris et de l’ignorance. Il y a un besoin de changement évident, qui doit trouver place dans la gestion des affaires publiques, jusqu’au cœur des textes fondant cette dernière elle-même, à savoir le budget et la loi de financement de la sécurité sociale.

Le changement, c’est urgent ! Les attentes sont immenses. Voilà la tâche que, sans peur et avec détermination, les parlementaires du groupe CRC entendent accomplir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.

M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la Cour des comptes, dans son rapport présenté le 2 juillet dernier, qualifie la situation de nos finances publiques de « préoccupante ».

En effet, avoir une dette qui dépasse déjà 1 700 milliards d’euros et qui pourrait aller au-delà de 90 %, et même de 100 % du PIB dans les prochaines années si nous ne réagissons pas très vite, c’est plus que préoccupant, c’est alarmant !

L’emballement de la dette risque de nous priver de toute marge de manœuvre pour nos politiques publiques et menace même notre souveraineté. C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour redresser les comptes de la nation et assurer la soutenabilité de notre dette. Et ce ne sera pas une mince affaire, car l’incohérence, je dirais même parfois l’inconscience, qui a pu caractériser certains choix des politiques fiscales de la précédente législature nous oblige à assumer aujourd’hui un très lourd héritage.

En effet, la précédente majorité n’a pas réellement maîtrisé les finances publiques, c’est le moins que l’on puisse dire. La « performance » du Gouvernement en ce qui concerne la réduction du déficit en 2011 n’est qu’une vaste illusion, car ce dernier avait été artificiellement augmenté en 2010 pour pouvoir, ensuite, être présenté comme diminué. Et sur les 58 milliards d’euros de baisse du déficit, plus de la moitié correspond à des éléments exceptionnels ou conjoncturels, comme la fin du plan de relance.

En outre, la crise n’explique pas tout. Elle ne peut être seule responsable de la dégradation de nos finances publiques, comme l’a souligné d’ailleurs la Cour des comptes à plusieurs reprises. En tout état de cause, l’équilibre des comptes publics ne semblait pas être une priorité du précédent gouvernement, si l’on constate la dégradation du solde structurel entre 2006 et 2010 : en quatre ans, le déficit structurel est en effet passé de 2,3 % à 4,8 % du PIB.

Enfin, contrairement au discours officiel, qui mettait l’accent sur la maîtrise des dépenses publiques pour réduire le déficit, la droite a privilégié en réalité les hausses d’impôts pour atteindre cet objectif. Nous ne pouvons que prendre acte de ce qui a été fait et en tirer les leçons qui s’imposent pour améliorer la situation dans laquelle se trouve la France.

Oui, c’est à nous, parlementaires de la majorité, qu’il incombe désormais de relever notre pays et d’être à la hauteur des attentes de nos concitoyens en matière de justice fiscale et de développement économique.

C’est vers l’avenir que nous devons regarder aujourd’hui, et ce débat d’orientation des finances publiques en est bien sûr l’occasion, car il est impératif de relancer la croissance et l’emploi, mais également de rétablir la justice fiscale qui a fait cruellement défaut ces dix dernières années.

Mes chers collègues, je commencerai par ce point, car la justice, et plus particulièrement la justice fiscale, est un principe fondamental auquel les radicaux de gauche et les autres membres du RDSE sont tous très attachés.

Entre 2002 et 2011, la pression fiscale s’est accrue pour un grand nombre de ménages modestes et de petites entreprises, tandis qu’elle a diminué pour les plus fortunés et les grandes sociétés. En remédiant à cette situation et en remettant la justice fiscale au cœur des réformes visant à rétablir l’équilibre des comptes publics, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault veut restaurer la confiance des Français dans l’action publique et l’avenir de notre pays.

Le souci de justice et d’équité est bien présent dans le projet de loi de finances rectificative que nos collègues députés examinent depuis hier.

Il s’agit bien sûr d’un premier acte, d’un premier signal fort adressé aux Français, mais aussi aux marchés et à nos partenaires internationaux. La France respectera l’objectif de ramener le déficit à 4,5 % du PIB cette année et à 3 % l’an prochain. Les efforts nécessaires pour atteindre ces buts seront équitablement répartis et ne plongeront pas les ménages les plus modestes dans des difficultés encore plus grandes.

Ainsi, ce collectif budgétaire, en instaurant une « contribution exceptionnelle sur la fortune », revient sur la réforme de l’ISF de 2011, qui a entraîné un manque à gagner de 500 millions d’euros pour le budget de l’État. Cette mesure était non seulement injuste, mais aussi très inopportune, à un moment où l’État avait grandement besoin de recettes pour faire face à la crise et redresser les comptes publics.

Le Gouvernement a d’ores et déjà annoncé qu’il reviendrait plus en détail sur ce dossier à l’occasion du projet de loi de finances pour 2013, ce dont je me réjouis.

Le collectif budgétaire qui nous sera soumis dès la semaine prochaine, mes chers collègues, comporte plusieurs autres propositions qui permettront de rééquilibrer notre système fiscal.

Après cette première série de mesures, qui devrait rapporter 7,2 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2012, c’est surtout 2013 qui sera une année cruciale quant au respect de nos objectifs de réduction du déficit public. Les efforts que devront fournir les entreprises et les ménages seront, il est vrai, particulièrement importants, comme l’a annoncé la Cour des comptes et le prévoit le Gouvernement. Toutefois, encore une fois, ils devront être équitablement répartis.

Dans cette perspective, le Gouvernement annonce notamment une réforme de l’impôt sur le revenu, avec la création de deux tranches supplémentaires, à 45 % et à 75 %. Toutefois, vous le savez, cela ne suffira pas à résoudre les nombreuses carences de notre impôt sur le revenu. Pour cela, il faudrait une réforme beaucoup plus ambitieuse, qui permettrait de fusionner l’impôt sur le revenu, la CSG et une grande partie des cotisations sociales salariées, afin de créer un impôt unique sur le revenu, véritablement progressif.

Certes, une telle réforme sera complexe, mais elle est possible et, surtout, elle est souhaitable. Je vous invite, monsieur le ministre, à prendre au sérieux une telle perspective.

De plus, les efforts annoncés pour réduire les niches fiscales sont bien évidemment louables et devront être poursuivis. Il convient en effet non seulement de réduire, mais aussi de supprimer un certain nombre de dépenses fiscales. Pour cela, il est impératif de mettre en œuvre rapidement une évaluation indépendante de l’efficacité économique, sociale et environnementale de ces dispositifs.

En effet, l’exonération des heures supplémentaires mise en place par la loi TEPA de 2007 est l’un des exemples les plus emblématiques de niche inefficace. Elle a contribué à accroître le chômage et n’a pas permis de relever le pouvoir d’achat des ménages, grevé par une série d’autres mesures. Il était donc grand temps de la supprimer, et ce sera chose faite dès l’adoption du collectif budgétaire.

Enfin, concernant la fiscalité des entreprises, il faudra poursuivre les efforts engagés pour lutter contre l’optimisation fiscale, car les taux d’imposition implicites des entreprises, notamment des plus grandes d’entre elles, s’éloignent très largement du taux facial d’impôt sur les sociétés. En 2008, le Conseil des prélèvements obligatoires évaluait ainsi le taux d’imposition implicite des entreprises du CAC 40 à 8 % seulement, contre 22 % pour les PME.

Certes, la multiplication des stratégies d’optimisation fiscale a été facilitée, il faut le reconnaître, non seulement par des mesures adoptées lors des deux précédentes législatures, comme la tristement fameuse « niche Copé » sur les plus-values à long terme, qui a tout de même coûté près de 3 milliards d’euros à l’État entre 2006 et 2009, mais aussi par la complexité de notre système juridique et fiscal. Il conviendra donc d’ouvrir un grand chantier pour simplifier ce système, le rendre plus lisible et aussi plus juste, pour toutes les entreprises.

Mes chers collègues, j’en viens maintenant à la priorité qui doit être accordée à la relance de la croissance et de l’emploi.

À l’échelle nationale, quelques initiatives se dessinent : les contrats de génération et la création de 150 000 emplois d’avenir sont une piste déterminante pour favoriser l’emploi des jeunes et des seniors, particulièrement faible dans notre pays.

Les mesures en faveur du pouvoir d’achat sont également essentielles pour relancer la consommation et la croissance. L’abrogation de la TVA sociale dans la prochaine loi de finances rectificative mérite, à ce titre, d’être saluée.

D’autres gestes ont été déjà annoncés en faveur du pouvoir d’achat des ménages les plus fragiles : revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire ou encore « coup de pouce » au SMIC.

Nous devons soutenir également les entreprises : la Banque publique d’investissement permettra de remettre la finance au service de l’économie réelle. Néanmoins, il faudra aussi, plus largement, lancer le grand chantier de la compétitivité des entreprises.

Enfin, la croissance, notamment l’augmentation de notre croissance potentielle, passera avant tout par le capital humain et l’innovation. En ce sens, la priorité accordée aux domaines de l’éducation et de la recherche est fondamentale.

Toutefois, c’est aussi, et surtout, à l’échelon européen que nous devons agir pour favoriser la croissance. C’est d’ailleurs grâce à la détermination du Président de la République que l’Europe a pu sortir de l’impasse. Ce formidable élan, déjà engagé lors du dernier Conseil européen, doit se poursuivre et s’amplifier.

Le Pacte pour la croissance et l’emploi, d’un montant de 120 milliards d’euros, marque un revirement incroyable par rapport à la stratégie qui nous était proposée il y a encore quelques mois et qui se résumait en deux mots : rigueur et austérité. Or, comme l’exemple grec l’a tristement illustré, ce ne sont pas des plans d’austérité aveugles, qui ne laissent aucun souffle possible pour la reprise de la croissance, qui nous permettront de sortir de la crise de la zone euro.

Non, mes chers collègues, pour sortir renforcés de cette crise, nous avons besoin de politiques économiques et budgétaires communes. Nous avons besoin d’une véritable union politique et d’un fédéralisme budgétaire !

En effet, la crise que nous connaissons n’est pas seulement financière et économique : elle est, aussi, une crise de gouvernance. Nous, radicaux, ne cessons de le répéter à cette tribune et ailleurs depuis nombreuses années.

Le renforcement de l’intégration européenne est aujourd’hui le seul moyen de retrouver la croissance. Ce mouvement devra s’accompagner d’un renforcement démocratique de l’Union européenne. Une Europe unie, solide économiquement et protectrice : voilà ce que nous voulons !

Mes chers collègues, ce fédéralisme n’est ni un vain mot ni une utopie. Aujourd’hui, cette Europe politique est à portée de main. Les efforts de la France ont permis d’accomplir des avancées importantes concernant la mise en place d’une coopération renforcée, avec au moins neuf États membres, pour instaurer une taxe sur les transactions financières.

Pour être totalement efficace, une telle taxe devra bien sûr être appliquée par un nombre maximum d’États, mais cette coopération renforcée n’en constitue pas moins un premier pas non négligeable : cette avancée prouve que la situation n’est pas figée et que les marchés financiers ne sont pas appelés à régner en maîtres indéfiniment. De même, l’instauration de l’union bancaire qui, il y a peu encore, nous était présentée comme une hérésie, est bel et bien en marche aujourd’hui. Enfin, la supervision intégrée des banques constituera un réel progrès.

Je me réjouis d’ailleurs d’observer que d’autres idées, que les radicaux de gauche ont été les premiers, et même longtemps les seuls, à porter et à défendre, comme la mise en œuvre d’un véritable gouvernement économique européen ou l’émission d’euro-obligations, font aujourd’hui leur chemin et trouveront, je l’espère vivement, une concrétisation prochaine.

M. Jean-Michel Baylet. Tous ces pas en avant, petits et grands, sont autant de pierres apportées à l’édifice européen, lequel est voué à s’ériger en rempart contre l’instabilité des marchés et les désordres de la mondialisation.

Mes chers collègues, c’est à ce prix que cette nouvelle Europe pèsera de tout son poids sur la scène internationale et parlera d’égal à égal avec les États-Unis ou les nouvelles grandes puissances émergentes que sont la Chine et l’Inde.

Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais vous exposer dans le cadre de ce débat sur l’orientation des finances publiques, au nom des radicaux de gauche et du RDSE. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

(M. Charles Guené remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le Gouvernement affiche un objectif de retour à l’équilibre budgétaire en 2017 et, pour y parvenir, il choisit d’augmenter massivement les prélèvements obligatoires en 2012 et 2013, pour un montant global d’environ 35 milliards d’euros. Parallèlement, il reporte après 2014 les efforts sur la maîtrise de la dépense.

Monsieur le ministre, à mon sens, cette stratégie n’est pas la bonne, non seulement parce que vous ne ménagez pas cet équilibre entre la limitation des dépenses publiques et l’augmentation des impôts que suggère la Cour des comptes, mais aussi parce que vous faites le pari d’une croissance à 2 % à partir de 2014, comme si l’augmentation les prélèvements obligatoires ne pouvait avoir aucune incidence sur la consommation des ménages et la compétitivité des entreprises et, partant, sur la croissance.

Paradoxalement, au moment précis où vous commencez à admettre qu’il existe un lien entre la compétitivité de nos entreprises et les charges que celles-ci supportent, vous décidez de leur en imposer de nouvelles. M. Gallois, commissaire général à l’investissement, ne déclarait-il pas, la semaine dernière, devant le Cercle des économistes, que, pour renouer avec la compétitivité, il fallait alléger les charges de 30 à 50 milliards d’euros ?

Cela étant, je m’attacherai plus spécifiquement à quatre points sur lesquels je souhaite obtenir des réponses et des précisions.

Premièrement, sur la question des personnels de la fonction publique, vous affichez comme objectifs, d’une part, la stabilité globale des effectifs et de la masse salariale, de l’autre, le maintien du pouvoir d’achat. Par ailleurs, vous confirmez le recrutement de 60 000 fonctionnaires dans l’éducation nationale et de 5 000 autres dans les domaines de santé, de la justice et de la sécurité, soit un total de 65 000 postes.

Comment fait-on pour maintenir les effectifs et la masse salariale, tout en préservant le pouvoir d’achat et en respectant le déroulement des carrières ? Je songe notamment au problème du glissement vieillesse-technicité, le GVT, et aux avancements.

De surcroît, si les effectifs sont maintenus tandis que les services de l’éducation nationale, de la santé, de la justice et de la sécurité sont renforcés, où les postes seront-ils supprimés ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. Dominique de Legge. À défaut de chiffres précis, peut-on avoir une idée des secteurs moins prioritaires ou de ceux qui seraient largement pourvus ? Vous devez répondre à cette question, ne serait-ce que par respect envers les fonctionnaires !

Deuxièmement, vous annoncez un nouvel acte de décentralisation. Qui pourrait s’y opposer ? Toutefois, je ne puis m’empêcher de rapprocher cet objectif de la question précédente. Dans son discours de politique générale, M. le Premier ministre a évoqué l’existence de doublons entre l’État et les collectivités, auxquels il faudrait mettre fin. Or, dans un entretien accordé à la revue Acteurs publics, Mme Lebranchu affirme quant à elle qu’il n’y a pas de doublons.

Au-delà de cette cacophonie, en réponse à une question portant sur d’éventuels transferts de personnels de l’État vers les collectivités locales, la ministre de la fonction publique indique que ces procédures sont possibles. En outre, en réponse à une question portant sur la possibilité de concilier le maintien du nombre de fonctionnaires et le renforcement de certains secteurs que je viens de mentionner, elle précise sa pensée : « Des postes sont nécessaires dans certains secteurs […] À nous de voir […] si par exemple certains fonctionnaires d’État souhaitent volontairement être transférés dans la fonction publique territoriale ». Voilà des déclarations qui ne manquent pas de nous inquiéter.

Troisièmement, associer les collectivités locales à l’effort de redressement national : tel est le vœu qu’a exprimé le Premier ministre dans son discours de politique générale.

Mes chers collègues, comment ne pas placer cette déclaration en regard des propos de Mme Lebranchu que je viens à l’instant de rappeler ? Nous espérons qu’associer les collectivités territoriales au nécessaire effort de redressement des comptes de l’État ne se résume pas à transférer des personnels que ce dernier ne saurait plus payer. Au surplus, nous espérons que la nouvelle vague de décentralisation ne se limitera pas, comme trop souvent par le passé, à transférer des compétences sans les financer.

MM. Ronan Kerdraon et Georges Labazée. On l’a souvent vu, en effet, durant les dix dernières années !

M. Dominique de Legge. De surcroît, comment ne pas rapprocher cette déclaration, qui m’apparaît comme une évidence – tant nos collectivités ne peuvent ni recouvrer l’impôt ni dépenser indépendamment du contexte économique général –, des propos développés par certains de nos collègues, il y a moins de six mois, lorsque le gouvernement précédent soulignait cette exigence ? Dois-je rappeler que ces derniers criaient alors au hold-up, à l’injustice, en faisant valoir que les collectivités n’étant pour rien au monde responsables de la situation, elles ne devaient pas participer à cet effort ? C’est sans doute cela, le changement maintenant : nous le notons.

Quatrièmement, et enfin, je tiens à dire quelques mots de la RGPP.

Chacun a compris que celle-ci était interrompue depuis le 6 mai. Pourtant, que lit-on dans les documents budgétaires qui nous ont été confiés ? « Il est nécessaire que les réformes actées dans le cadre de la procédure budgétaire soient complétées par un exercice de revue en profondeur des politiques publiques. » On voit mal la différence entre cette nouvelle RPPP et la RGPP,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle doit avoir changé de nom !

M. Richard Yung. C’est très différent !

M. Dominique de Legge. … surtout lorsqu’on lit, dans le même document budgétaire, quelques lignes plus loin : « Le projet de refondation et de modernisation de l’action publique repose sur deux piliers : l’amélioration de la qualité du service et la diminution et l’optimisation des coûts, car l’exigence qui pèse sur les comptes publics rend l’exercice d’un passage en revue des missions de l’État incontournable pour mieux hiérarchiser les priorités et les besoins des administrations ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est la RGPP, c’est pareil !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certaines finesses vous échappent !

M. Dominique de Legge. Mes chers collègues, les disques durs des ministères n’ont sans doute pas été changés depuis le 6 mai (sourires sur les travées de l'UMP), car – je l’ai vérifié ! – ce texte est, à la virgule près, un copier-coller des objectifs assignés par le précédent gouvernement à la RGPP. Ce constat signifie que, de ce point de vue, le changement, ce n’est pas pour maintenant ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous poursuivez la RGPP, chers collègues de la majorité, mieux vaudrait le reconnaître !

M. Dominique de Legge. En conclusion, votre document d’orientation tend avant tout, en intentant un procès à vos prédécesseurs, à masquer les difficultés et contradictions auxquelles vous êtes confrontés plutôt qu’à tracer de véritables perspectives. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, je note que vous nous avez longuement entretenus du jugement que vous portez sur l’action passée, mais que vous n’avez consacré que très peu de temps aux mesures que vous envisagez de mettre en œuvre.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est faux !

Mme Christiane Demontès. Il faudrait nous écouter plus attentivement !

M. Dominique de Legge. Ce trait est révélateur de votre refus de regarder la réalité en face. Vous préférez rester dans la logorrhée de la campagne électorale. Or la campagne est terminée ! Le vrai changement, ce serait de dire enfin la vérité aux Français,…

Mme Christiane Demontès. C’est vrai que vous leur avez longtemps menti !

M. Dominique de Legge. … et d’agir sans dogmatisme et avec pragmatisme ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, cher Benoît Hamon, mes chers collègues, les écologistes ont toujours érigé en valeur un principe de responsabilité étendu, s’appliquant aux conséquences de nos actes, non seulement à l’égard de nos contemporains et de notre environnement, mais aussi vis-à-vis des générations futures. Dès lors, nous nous inscrivons dans la droite ligne des propos qu’a tenus le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale : nous ne voulons pas être « la génération qui aura reporté le poids d’une dette excessive sur ses enfants et ses petits-enfants ».

M. Richard Yung. Tout à fait !

M. Jean-Vincent Placé. La gestion de nos finances publiques est aujourd’hui totalement accaparée par une dette abyssale, qui s’élève à 1 800 milliards d’euros, soit près de 90 % du PIB. Le service de cette dernière nous coûte 50 milliards d’euros par an : c’est la première dépense de l’État, davantage que le budget de l’éducation nationale.

Si ce stock de dette, tout le monde en convient, est un héritage résultant de plusieurs décennies de mauvaise gestion, il semble encore nécessaire de rappeler cette réalité, après avoir entendu il y a quelques instants nos collègues de l’opposition : sous la présidence précédente, la dette de la France a augmenté de 50 %, tandis que les impôts des plus riches ont été massivement réduits dans un contexte de crise internationale.

M. Jean-Vincent Placé. Tout le monde en convient, à commencer par la Cour des comptes : la résorption de notre endettement devra passer, à la fois, par une augmentation des impôts et par une maîtrise des dépenses publiques.

Mes chers collègues, l’impôt n’est pas une spoliation, contrairement à l’idée qu’a tenté de propager le gouvernement précédent. Ce dernier avait d’ailleurs imaginé un bouclier destiné à protéger nos compatriotes les plus riches de ce qui devait être perçu, par contraste, comme une dangereuse agression.

Or, qu’on le veuille ou non, le plus riche de nos concitoyens, fût-il éminemment brillant et méritant, est toujours l’héritier du patrimoine social, économique, culturel et scientifique que les générations précédentes ont légué à notre société. Au demeurant, sa réussite n’aurait pas pu s’exprimer sans notre structure sociale, sans son système éducatif, sa justice, sa police, son système de soins, ses infrastructures de transport, etc. C’est l’impôt qui permet de financer ces biens communs, ces services publics, et il est parfaitement justifié que la contribution de chacun augmente fortement avec sa réussite. L’impôt, c’est ce qui fonde la société.

À cet égard, les écologistes approuvent pleinement les mesures déjà annoncées par le Gouvernement et, notamment, les dispositions du collectif budgétaire que nous aurons prochainement à examiner.

Certaines de ces mesures s’attachent à la nécessaire progressivité de l’impôt, comme la suppression de l’augmentation de la TVA, ou bien visent à protéger des populations particulièrement précaires, comme la suppression du droit d’entrée pour l’aide médicale d’État, l’AME. D’autres, qui tendent à compenser les manques à gagner délibérément conçus par le gouvernement précédent, portent avant tout sur les ménages et les entreprises les plus favorisés : c’est le cas, par exemple, de la mise en œuvre du rétablissement de l’impôt sur la fortune ou encore de la lutte contre les optimisations abusives de l’impôt sur les sociétés.

Après un quinquennat au cours duquel les inégalités ont été cruellement ressenties, cette approche fiscale permet enfin de renouer avec la justice, tout en contribuant à redresser nos finances publiques : c’est bel et bien le redressement dans la justice qui s’amorce.

En revanche, en matière de dépenses publiques, la marge de manœuvre est plus ténue. Il est indispensable de s’interroger sur l’efficience de nos dépenses, sur l’efficacité de l’organisation de la fonction publique – certains orateurs, siégeant à la droite de cet hémicycle, l’ont d’ailleurs rappelé – au sein de l’État comme des collectivités, et sur la pertinence de ses missions.

Il faut néanmoins se garder de sombrer de nouveau dans la brutalité aveugle de la RGPP,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’horrible RGPP !

M. Jean-Vincent Placé. Vous le dites fort bien, monsieur le président de la commission des finances, même si c’est un sarcasme !

Cette RGPP, mise en œuvre par le gouvernement précédent, a eu des effets désastreux dans le domaine de la sécurité publique, que je connais bien. Du reste, j’ai déjà dénoncé ces conséquences il y a quelques instants.

La démarche proposée par le Président de la République se distingue de la RGPP, tout d’abord parce qu’elle vise une stabilisation des effectifs de la fonction publique d’État, ensuite parce qu’elle prévoit la création volontariste de postes dans les trois secteurs publics d’activité que sont l’éducation, la sécurité et la justice.

À présent, la question qui se pose à nous est la suivante : comment seront déterminées, dans les secteurs non prioritaires, les réductions de postes venant compenser ces créations ?

Monsieur le ministre délégué, vous avez indiqué que c’en était fini des coupes aveugles opérées par la droite. Vous avez affirmé que la réduction des effectifs serait désormais le fruit d’un projet de refondation et de modernisation de l’action politique et publique. Toutefois, dans le cadre de ce débat sur l’orientation des finances publiques, pouvez-vous nous fournir de plus amples précisions quant à la méthode que vous comptez employer avec vos collègues du Gouvernement ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne question !

M. Jean-Vincent Placé. En effet, si la stabilisation des effectifs de la fonction publique n’est pas qu’un objectif de milieu ou de fin de quinquennat, mais bien, comme vous semblez l’affirmer, un objectif applicable dès l’exercice 2013, cela signifie que les réductions de postes qui viendront compenser les nouvelles créations devront être inscrites dès la loi de finances initiale de 2013, c’est-à-dire dans deux mois, août compris !

Aussi, je vous le demande, monsieur le ministre délégué, car je sais que vous êtes sensible à cette question : ce délai n’est-il pas un peu court pour engager un travail de réflexion sur les missions et les métiers de l’État ?

Je sais que vous avez la volonté de réussir le changement. Comment et selon quel calendrier y associer les fonctionnaires et faire vivre la concertation avec les organisations syndicales, que le Premier ministre a érigée en méthode ?

Comment, aujourd’hui, repenser les missions et l’organisation de l’appareil d’État, de concert avec celles des collectivités territoriales, alors que l’acte III de la décentralisation est encore dans les limbes ? Il semblerait pourtant nécessaire de rechercher dans cette articulation la suppression de doublons, qui pourrait constituer, à l’évidence, une source de rationalisation et d’économie dans les fonctions publiques ! Vous le voyez, nous sommes tous, sur ces travées, attentifs à ces questions.

Bien sûr, je le répète, nous sommes bien loin de la démarche destructrice et délibérément abrupte du gouvernement précédent. Bien sûr, nous comprenons aussi la nécessité de donner, sinon des gages, du moins des signaux à nos partenaires européens quant au retour d’une gestion saine de nos finances publiques, après le laxisme budgétaire des années écoulées.

Pour autant, il faut, à notre sens, se garder de trop s’approcher des exemples terribles, que l’Europe nous offre aujourd’hui, d’économies défaites et de peuples anéantis par trop d’austérité. L’objectif, c’est la sortie de la crise. L’histoire récente, pour ne pas dire l’actualité, nous a montré que, pour atteindre cet objectif, les finances publiques devaient être redressées avec doigté. Des remèdes trop forts ont bien souvent tué les malades.

Pour les écologistes, la maîtrise des finances publiques est non pas une fin mais un moyen. Et si ce moyen est nécessaire, il n’est pas suffisant.

La crise que nous traversons est une crise de l’endettement et du risque financier non contrôlé. La reprise en main de nos finances publiques, pour peu qu’elle soit bien dosée, contribue à y apporter une solution, de même que les mesures de régulation, comme la séparation des banques d’affaires et de dépôt annoncée par le Président de la République.

Cette crise est aussi sociale, avec des inégalités de revenus, non seulement socialement injustes, mais encore économiquement néfastes. Les mesures fiscales qui se profilent, je l’ai dit, constituent les prémices attendues d’un juste rééquilibrage, de même que la limitation de l’écart de rémunération applicable aux salariés et mandataires sociaux des entreprises publiques que vous avez décidée.

Enfin, et je ne vous surprendrai pas, cette crise est également, et peut-être avant tout, écologique.

C’est la crise d’un modèle économique fondé sur une croissance potentiellement infinie de la consommation matérielle et énergétique, dans un monde où les ressources qui alimentent cette consommation sont précisément limitées, et où l’activité productive non régulée finit par menacer gravement le fragile équilibre de notre milieu.

Pour les écologistes, remettre en cause le productivisme ne signifie pas seulement tenter de préserver des écosystèmes viables et de protéger notre santé. C’est également proposer une économie durable, fondée sur la satisfaction des besoins humains davantage que sur la consommation matérielle, moins avide de ressources naturelles et plus intensive en emplois.

Quoi que l’on fasse, la croissance se heurtera désormais mécaniquement à la hausse du coût de l’énergie et à la raréfaction des ressources naturelles, alimentaires et minières. Pour nous, le seul chemin de sortie de crise consiste à engager, aussi vite que possible, une véritable transition écologique.

Cela passe par de nombreuses mesures. En matière budgétaire, qui nous occupe aujourd’hui, cette transition doit nécessairement se traduire par la mise en place d’une fiscalité écologique, à commencer par la suppression progressive des innombrables niches fiscales, chiffrées par les associations environnementales à plusieurs dizaines de milliards d’euros, qui subventionnent une économie de gaspillage et de pollution.

Monsieur le ministre délégué, c’est à cette seule condition, nous en avons la conviction, que l’on pourra s’assurer que les efforts que vous demandez, que nous demandons, aux Françaises et aux Français, ne seront pas vains. Nous aurons l’occasion d’en débattre de nouveau lors de l’examen des prochaines lois de finances. Je forme le vœu que ce débat sur l’orientation des finances publiques ne soit pas seulement un énième débat, mais que nous puissions construire ensemble la politique de ce pays, dans la voie du redressement et dans la justice. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.- M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, comme vous, je souhaite le succès du Gouvernement ; comme vous, je veux revenir à l’équilibre budgétaire.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ah !

M. Aymeri de Montesquiou. Nous divergeons, hélas, sur les moyens de parvenir à cet objectif.

Vous héritez d’une situation très difficile. Des erreurs, certes, ont été commises, par manque de courage ou par obstination, comme le refus du triptyque suivant : suppression de l’ISF, suppression du bouclier fiscal et création d’une nouvelle tranche d’impôt.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Que ne l’avez-vous fait !

M. Aymeri de Montesquiou. Vous avez cependant, par votre opposition systématique, une part de responsabilité dans la situation économique et sociale que nous connaissons.

Vous avez refusé toutes les réformes structurelles indispensables, à commencer par le report de l’âge de la retraite, et refusé de reconnaître le choc terrible de la crise.

Mme Christiane Demontès. Retour à l’équilibre en 2018 !

M. Aymeri de Montesquiou. Je fus circonspect quant à certains aspects de la politique fiscale précédente et déçu par l’absence de volonté de refonder notre fiscalité ; on m’avait alors assuré que j’avais économiquement raison, mais politiquement tort. (M. le président de la commission des finances opine.) J’ai néanmoins soutenu les mesures que je jugeais comme favorables au redressement de notre économie.

L’état catastrophique de nos finances publiques, qui engage notre responsabilité, notre crédibilité, notre survie même, nous oblige à la sincérité et au courage.

Monsieur le ministre délégué, ne cédez pas au dogmatisme et à l’idéologie ! Ne vous enlisez pas dans la sémantique pour esquiver la seule réalité qui s’impose : la rigueur !

Vos prévisions de croissance à 0,3 %, suivant la fourchette basse et le consensus des économistes, sont prudentes pour 2012. En revanche, celles de 1,2 % en 2013 et de 2 % en 2014 me semblent tout à fait irréalistes, eu égard à la baisse de la croissance en Chine, en Inde, au Brésil et dans l’Union européenne.

M. Serge Dassault. C’est vrai !

M. Aymeri de Montesquiou. Que les plus riches contribuent le plus à l’effort de la nation, c’est un principe élémentaire de justice.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !

M. Aymeri de Montesquiou. Augmenter aujourd’hui l’ISF, soit ! Mais vous devrez, à moyen terme, supprimer cet impôt ringard, devenu une curiosité française, pour envisager une plus grande progressivité de l’impôt. Cet objectif est conforme à la justice fiscale et à une plus grande efficacité économique.

Le projet de loi de finances rectificative, première étape de vos réformes budgétaires, prévoit d’accroître les prélèvements obligatoires, alors même que ceux-ci représentent d’ores et déjà 45 points de PIB ! Vous voulez encore accroître la part de l’État, déjà disproportionnée, au détriment des ménages et des entreprises, auxquels vous demandez de supporter tous les efforts, et alors que la trésorerie de ces dernières est déjà tarie. C’est plutôt à l’État de faire une cure d’amaigrissement ; elle est devenue vitale. Dans le cas contraire, l’État, d’ores et déjà outrageusement boursouflé, deviendra totalement impotent.

Prenons exemple sur les Italiens, dont le plan de rigueur prévoit, à la fois, des économies de l’ordre de 260 milliards d’euros de 2010 à 2014 et des réformes structurelles. Je vous l’assure, nombreux sont ceux dans l’opposition qui vous suivraient, si vous aviez ce courage.

Quelles réductions massives des dépenses proposez-vous ? Vous réalisez, j’espère, combien celles-ci sont nécessaires ! Sur quels ministères porteront ces diminutions de dépenses, difficiles mais indispensables ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faudrait savoir !

M. Aymeri de Montesquiou. La France n’a pas raison contre tous ses partenaires européens. Nos gouvernements, de droite et de gauche confondus, se sont réclamés de la spécificité française pour justifier leurs renoncements successifs.

Comme l’a a souligné le Financial Times en juin dernier, « la France est le principal obstacle à une solution à la crise de l’euro ». C’est très inquiétant économiquement et politiquement. Vous proclamez la nécessité de faire progresser l’indispensable convergence européenne et, en même temps, vous accroissez l’écart de fiscalité avec nos partenaires. C’est incohérent !

Selon Emmanuel Sartorius, qui est chargé du dossier automobile et que vous devez considérer comme incontestable, puisque vous l’avez désigné, l’écart de compétitivité entre notre pays et l’Allemagne s’élève à 38% !

Vous ne pouvez avoir raison contre tous : contre la Cour des comptes qui recommande d’agir davantage sur nos dépenses que sur nos recettes ; contre la Commission européenne, qui attend le retour au plus vite de notre déficit budgétaire sous la barre des 3 % du PIB, notamment par une réforme de nos dépenses sociales ; contre l’Inspection générale des finances qui estime qu’une augmentation des impôts ne peut qu’entraver notre compétitivité.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On nous dit que le coût du travail n’est pas un problème !

M. Aymeri de Montesquiou. Vos orientations antiéconomiques m’inquiètent d’autant plus qu’elles peuvent être antisociales. Pourquoi surtaxer la participation, qui crée un lien formidable entre tous les salariés d’une entreprise ? (M. Serge Dassault applaudit.) Pourquoi taxer les heures supplémentaires et, concomitamment, augmenter les charges salariales ? Pourquoi augmenter la seule CSG, qui touche tous les salariés, les ménages modestes comme les classes moyennes, quand vous prétendez cibler les ménages aux revenus les plus élevés ?

La suppression de la TVA anti-délocalisations, alors que celle-ci ne frappe ni les produits alimentaires ni les produits de première nécessité, est une aberration. Elle va à contre-courant des propositions de la Cour des comptes,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Aymeri de Montesquiou. … présidée par le respecté et compétent Didier Migaud, issu de vos rangs, propositions qui tendent à procéder à une hausse modérée et équilibrée de la TVA et de la CSG. La TVA sociale contribuerait à renforcer notre compétitivité, à taxer les importations pour rééquilibrer notre commerce extérieur.

Notre pays est devenu de moins en moins attractif ; ce n’est pas encore de votre faute. Nous sommes déjà devancés, au sein de l’Union européenne, par la Grande-Bretagne et l’Allemagne pour les investissements directs étrangers. Imaginez-vous un instant l’effet désastreux de nouvelles taxes pour les investisseurs, et donc pour l’emploi ?

Les défis de la globalisation et de la compétition économique font apparaître l’inadaptation de notre système fiscal. Nous connaissons nos maux, au premier rang desquels figure le coût exorbitant du travail, qui freine l’activité et grève nos comptes publics. Sans activité économique, aucune taxe à 75 % ne remplira les caisses de l’État ; mais quel symbole outrancier ! Nous connaissons aussi une partie de la solution : il faut alléger les charges salariales et patronales pour financer les risques universels, comme la maladie, par une augmentation de la TVA.

Adoptée trop tard dans le quinquennat précédent, la TVA compétitivité sera abrogée avant même son entrée en vigueur.

Un sénateur du groupe socialiste. Tant mieux !

M. Aymeri de Montesquiou. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, a récemment déclaré devant les députés que l’abrogation de cette taxe revenait à restituer près de 13 milliards d’euros aux plus modestes. Ce diagnostic est totalement faux ! Il est inquiétant qu’un haut responsable socialiste puisse tenir des propos aussi antiéconomiques et opposés à tout bon sens. (M. Gérard Longuet opine.)

En condamnant les entreprises à l’atrophie, ce sont les Français que nous condamnons à la paupérisation et au chômage. Hormis la hausse du taux des prélèvements obligatoires, vous n’avez aucune stratégie pour utiliser l’outil fiscal à des fins économiques. Inspirez-vous du Danemark et de l’Allemagne, qui ont su engager des réformes courageuses !

Monsieur le ministre délégué, ce n’est pas au moment où l’industrie française est menacée qu’il faut alourdir les charges sur les salaires. L’urgence est de restaurer la compétitivité et l’emploi. La fluidité du marché du travail, sclérosé par les complexités administratives, ainsi que la baisse des charges sont indispensables.

Je ne reviendrai pas sur le désastre des 35 heures, l’exemple le plus dramatique de mesures « cliquets » qui minent notre économie. Jamais Toyota ne se serait installé à Valenciennes avec les 35 heures ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Aymeri de Montesquiou. Le gouvernement sortant les a aménagées sans avoir, hélas, le courage de les supprimer. Elles ont plombé notre productivité,…

M. Gérard Longuet. C’est vrai !

M. Aymeri de Montesquiou. … excellente à l’heure, médiocre à l’année, plus mauvaise sur la durée d’une vie de travail. Elles privent les gens du droit de travailler s’ils le veulent, et surtout s’ils en ont besoin. Les dépenses fiscales pour travailler moins coûtent 12 milliards d’euros. On marche sur la tête !

Votre politique n’est pas incitative. Vous donnez l’impression de vouloir sanctionner l’effort et le mérite, de pénaliser pour leur réussite les chefs d’entreprises, ceux des PME et des entreprises de taille intermédiaire. Ils sont pourtant les moteurs de notre économie, en particulier pour la création d’emplois. Sachons au contraire les accompagner en réhabilitant et en stimulant l’esprit d’entreprise !

Je vous demande de garder à l’esprit cette observation si juste de Winston Churchill : « On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char ». L’augmentation des impôts que vous proposez bride toute volonté d’action et incite, hélas, de nombreux cadres et entrepreneurs à quitter le pays.

Avez-vous conscience que le marché, pour les talents, c’est aujourd’hui le monde ? Les jeunes Français qui étudient à l’étranger sont de plus en plus nombreux à y rester. Ils ne reviennent pas dans un pays qui ne propose que sanctions pour ceux qui réussissent. Au lieu de n’offrir que repli sur soi, pessimisme ou résignation, insufflons de l’espoir, de l’envie de travailler en France !

Nous attendons avec impatience les conclusions de la mission sur la compétitivité des entreprises confiée à Louis Gallois, homme d’entreprise, grand serviteur de l’État et nouveau Commissaire général à l’investissement. Je suis prêt à parier qu’elles seront très différentes de la politique fiscale que vous proposez.

Cessons la démagogie et la surenchère ! Notre système est à bout de souffle ; ayons la lucidité de le reconnaître. L’État ne peut plus assumer son rôle providentiel ; il tente désormais de le transférer vers l’entreprise.

Vous savez peut-être, monsieur le ministre délégué, qu’un chameau peut supporter une très lourde charge, jusqu’au moment où il ne peut plus se relever … Ayez à l’esprit cette phrase de Pierre Mendès France, qui disait de notre pays : « Travaillons ensemble à lui rendre la foi, les forces, la vigueur qui assureront son redressement et sa rénovation. Soyez assurés qu’une fois guéri, loin de vous reprocher votre rigueur et votre courage, il vous sera reconnaissant de l’avoir éclairé et de lui avoir montré le chemin de son salut ».

Monsieur le ministre délégué, nous serions prêts à vous accompagner sur ce chemin ! (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Michèle André. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Michèle André. Il est dangereux d’applaudir avant le début d’une intervention : on peut être déçu par la suite… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, cette intervention sera plus brève que celle que j’ai prononcée à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement des comptes.

J’ai déjà parlé du passé ; je ne pense pas qu’il soit utile d’y revenir. Surtout, je souscris pleinement à l’analyse développée par Benoît Hamon, qui représente ici le Gouvernement, même si la sévérité de son propos ne m’a pas échappée, non plus qu’à François Marc. Nous savons bien que les temps qui viennent seront exigeants.

Vous avez exposé très clairement, monsieur le rapporteur général, les enjeux réels des années à venir. Vous l’avez fait en parlementaire aguerri et nous devrons garder vos propos en mémoire.

Monsieur de Montesquiou, nous ne sommes tout de même pas responsables du doublement de la dette et des 3 millions de chômeurs que nous lègue le précédent gouvernement ! Incontestablement, ce dernier a mal anticipé et mal géré la crise. Aujourd’hui, nous héritons de cette situation. Au demeurant, vous auriez peut-être pu matérialiser plus tôt dans vos votes les bonnes idées que vous venez de lancer…

Nous voilà donc avec un double héritage. Car la crise, bien réelle, entraîne une croissance économique faible, pour ne pas dire nulle. En la matière, les pronostics du FMI publiés aujourd’hui dans la presse ne sont pas de nature à nous rassurer.

La crise et le montant historique de la dette contraignent grandement les possibilités de l’action publique. Nous savons bien que rien ne pourra nous dispenser de rembourser notre dette. Il nous faut donc revenir à l’équilibre : telle est la trajectoire que vous nous avez présentée, monsieur le ministre délégué, et nous vous avons bien entendu.

À propos du précédent gouvernement, je voudrais également revenir sur un autre aspect, que j’ai déjà rapidement abordé tout à l’heure.

En effet, ce qui nous frappe aujourd’hui, c’est la manière dont nos voisins européens ont perdu confiance en la France, qui fut pourtant un grand pays, porteur des espérances de l’Europe. Selon eux, nous serions quelque peu passés à côté des enjeux, notamment en nous dispensant de respecter les critères de Maastricht lorsqu’il en était encore temps. Comme l’a rappelé un de nos collègues, le président de la République de l’époque avait lui-même annoncé, lors d’une réunion de l’Eurogroupe, que la France ne respecterait pas lesdits critères, qu’il s’agissait d’en tenir compte et qu’il n’y avait pas là matière à débat.

Nos voisins européens se sont également lassés de ce président si fier de sa relation avec l’Allemagne ; nous avions finalement l’impression que l’Europe se réduisait à ces deux pays, le nôtre et l’Allemagne.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Profitez-en : il ne pourra pas vous servir longtemps de prétexte, ce président !

Mme Michèle André. Nous en profiterons encore, monsieur Marini … Vous avez bien abusé de l’argument des 35 heures et de la retraite à 60 ans, réforme engagée par le président Mitterrand !

Mme Christiane Demontès et M. Richard Yung. Et pourquoi pas les congés payés ?

Mme Michèle André. Peut-être même, en effet, pourriez-vous invoquer les congés payés, accordés par Léon Blum en 1936, ou l’invention de l’école par Charlemagne ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Toujours la même modération !

Mme Michèle André. Avec l’Europe, nous sommes au cœur du débat d’orientation. En effet, comme les vingt-sept États membres, nous sommes liés par une contrainte européenne. Il était donc nécessaire de changer de méthode.

Le Président de la République François Hollande, en rencontrant sans délai, non seulement la chancelière allemande, mais aussi les présidents des gouvernements italien et espagnol, MM. Monti et Rajoy, est parvenu à obtenir que l’Europe s’intéresse à la croissance, à travers les mesures que nous connaissons, mais que je n’évoquerai pas plus longuement, car nous passerons sans doute quelques bons moments, à l’automne prochain, à en débattre dans cet hémicycle.

Cependant, même si c’est dans l’Europe, et avec l’Europe, que nous pourrons régler notre problème de croissance et de dette, ce sont bien le Gouvernement et le Parlement, ensemble, qui peuvent et doivent donner l’impulsion nécessaire pour permettre le redressement de la France aux niveaux européen et mondial.

Oui, il nous faudra tout à la fois augmenter les recettes et baisser les dépenses. Qui sera surpris d’entendre de tels propos au Sénat ? L’hiver dernier, la rapporteure générale nous avait longuement détaillé, à cette tribune et en commission des finances, la double mécanique à laquelle nous sommes confrontés. Je me souviens même qu’un ministre avait jugé désagréable que le Sénat se mette à faire de la politique !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Où va-t-on ?

Mme Michèle André. Cela correspondait sans doute à un sentiment plus général … Nous avions alors proposé d’augmenter quelques lignes budgétaires de nature à apporter des recettes supplémentaires, mais cela n’a pas été retenu par la commission mixte paritaire. Dont acte ! Toutefois, nous sommes totalement préparés à ce débat, monsieur le ministre délégué, car nous l’avons déjà abordé, et nous y prenons part avec sérieux.

Permettez-moi, tout d’abord, d’insister sur la concertation qui devra être mise en œuvre, notamment avec les différentes administrations.

Vous nous avez indiqué, monsieur le ministre délégué, que chacun de vos collègues devrait faire des efforts et qu’il recevrait, à cet effet, une note détaillant de façon complète les moyens d’organiser son ministère.

Demander des efforts par avance fait toujours un peu peur. Je le sais pour avoir moi-même occupé une fonction ministérielle il y a quelques années ; je suppose que c’est toujours aussi compliqué aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, cela signifie que les ministres devront parler avec leur administration.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Absolument !

Mme Michèle André. Comme l’ont rappelé mes collègues, la RGPP appliquée de manière mécanique a fait des dégâts infinis dans tous les domaines.

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait !

Mme Michèle André. Il en est ainsi de la justice, par exemple, la fermeture de tribunaux ayant conduit à des regroupements de personnels. Dans quelle situation ceux-ci se trouvent-ils aujourd’hui ?

M. Guy Fischer. Toujours des suppressions de personnels !

Mme Michèle André. Et que dire de la police, de la gendarmerie, de l’éducation nationale, de l’hôpital public, des préfectures, de toutes les administrations !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas prioritaire !

Mme Michèle André. Il sera nécessaire de refaire le point sur les missions dévolues à ces administrations et sur les travaux confiés aux personnes qui y travaillent. N’oublions pas, en effet, que la majorité des fonctionnaires de nos administrations sont de catégorie C,…

Mme Michèle André. … perçoivent des salaires modestes et ont parfois consenti de nombreux efforts pour s’adapter à de nouvelles tâches. Certains, un peu âgés, ont dû se mettre à l’informatique, car cet outil est désormais nécessaire dans tous les services. De plus, ils n’ont pas la possibilité d’intégrer un autre établissement ou une autre structure, ce qui leur permettrait de vivre dans des conditions plus correctes.

Tous mes collègues en conviendront sans doute avec moi, chaque ministre serait bien inspiré de travailler en plus étroite collaboration avec chacun des rapporteurs spéciaux des différentes commissions parlementaires pour examiner nos propositions.

Pour avoir passé plusieurs années au sein de l’institution sénatoriale, je puis attester de la richesse des rapports que nous produisons lors du débat budgétaire ; ils peuvent constituer une aide fiable pour le ministre concerné. Aussi, je vous engage, monsieur le ministre délégué, à travailler davantage avec nous.

Par ailleurs, il faudra rétablir la confiance avec les collectivités, qu’il s’agisse des communautés de communes, des communes, des départements ou des régions, qui souffrent aujourd’hui, faute d’une autonomie financière suffisante.

La confiance peut sembler un mot creux. Je tiens cependant à rappeler combien les collectivités ont souffert d’être considérées, dans le passé, comme des variables d’ajustement, qui plus est fragiles, du fait de leur modeste masse budgétaire. Elles doivent désormais être traitées en partenaires. L’État n’a d’ailleurs pas manqué d’agir ainsi lorsque, à l’occasion du lancement de grands projets, il a eu besoin d’elles. Récemment encore, il s’est engagé à mettre en place les lignes à grande vitesse, à la condition que les collectivités y participent. Cela signifie donc, bel et bien, qu’elles sont partenaires et qu’elles ne sauraient être hiérarchiquement inférieures.

Plutôt que de convoquer les collectivités, il convient de les inviter à travailler avec l’État et à produire du sens « autrement ». Je suis persuadée qu’elles sauront réaliser l’effort nécessaire pour y parvenir, comme elles ont su le faire par le passé.

Revoir l’organisation de l’ensemble des administrations et redonner confiance aux collectivités prendra du temps. Par ailleurs, il faut aussi travailler avec les entreprises.

L’un de nos collègues a dit tout à l’heure que nous étions les ennemis des entreprises. Quels propos surprenants ! Pour notre part, nous avons dit à plusieurs reprises combien il était au contraire précieux de travailler avec les entreprises et d’apporter aux PME toute l’attention nécessaire ; mais nous reviendrons ultérieurement sur ce sujet.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les PME ont été massacrées !

Mme Michèle André. Le seul levier qu’il nous soit aujourd’hui possible d’actionner rapidement est celui des recettes. Le gouvernement de François Fillon l’avait d’ailleurs compris puisqu’il avait augmenté les impôts en fin de mandature. Ce qui était sans doute alors un sursaut désespéré s’inscrit, pour nous, dans une réflexion d’ensemble : il s’agit d’une mesure d’équilibre entre la baisse des dépenses et la hausse des recettes sur l’ensemble du quinquennat.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre délégué, le groupe socialiste soutient les orientations claires, justes, prudentes et sincères que vous proposez.

Vous le savez, la sincérité est essentielle en matière budgétaire. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de règlement, nous avons souligné que ce que nous votions, c’était la sincérité des comptes. Si nous n’étions pas sincères, nous risquerions de perdre, me semble-t-il, la confiance des Français, voire la confiance en nous-mêmes, et ce serait grave.

Mes chers collègues, je ne saurais résister au plaisir de citer à nouveau, après Éric Bocquet, cette belle phrase de Jaurès : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ».

En conclusion, je tiens à féliciter le Gouvernement, qui nous présente une feuille de route exigeante, rigoureuse et, en un mot, courageuse. Nous devrons tous accomplir les efforts nécessaires. Vous pouvez compter sur le groupe socialiste pour soutenir votre action. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques permet de faire le point sur les perspectives économiques et financières de notre pays pour les années à venir.

Chacun peut mesurer, monsieur le ministre délégué, l’ampleur de l’effort de redressement à accomplir, compte tenu de l’état très dégradé des comptes publics dont vous héritez, malheureusement, et de l’évaluation de la croissance économique dont nous pourrions bénéficier.

L’estimation raisonnable retenue traduit bien le contexte de « croissance molle » que nous craignions et qui est devant nous pour plusieurs années, en raison tant du contexte international que des problèmes de compétitivité de notre économie.

Sur un plan général, je ne peux que me féliciter des orientations que vous avez tracées. Elles témoignent d’une forte volonté de justice sociale dans la répartition de l’effort à accomplir, d’une forte mobilisation du Gouvernement pour favoriser, malgré la crise, la croissance la plus élevée possible, et ce dans la droite ligne des résultats obtenus par le Président de la République au niveau européen.

Nombre de questions d’ordre général ayant déjà été abordées, je voudrais plus particulièrement insister sur un dossier majeur, qui exigera une attention soutenue dans les mois à venir, tant ses conséquences budgétaires et son impact sur la croissance économique pourraient être importants, alors même qu’ils ne sont, à l’heure actuelle, ni totalement connus ni maîtrisés. Je veux parler de la situation de la banque Dexia et de la question du financement des collectivités territoriales à court et moyen terme.

J’aborderai donc, successivement, la situation de Dexia et son coût potentiel pour les finances publiques, les conséquences à court terme pour les collectivités territoriales et, enfin, le cadre financier qu’il nous faut purement et simplement reconstruire à moyen terme pour garantir le financement des collectivités territoriales et des hôpitaux.

Sans revenir en détail sur l’histoire mouvementée de Dexia, je me contenterai de rappeler que ce groupe, issu d’un rapprochement avec la Caisse des dépôts et consignations, a joué un rôle essentiel dans le financement des collectivités territoriales, et avait acquis une réputation si solide, liée à l’histoire de cette institution, qu’elle la précédait partout en France, dans ses relations avec les grandes villes comme avec les plus petites de nos communes.

Aux yeux de tous, Dexia était le successeur de la CAECL, la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales, puis du Crédit local de France, offrant la garantie assumée d’accéder à un crédit stable et peu coûteux, répondant en cela à une logique de service public.

L’évolution réelle de la banque au tournant des années quatre-vingt et sa dérive rapide vers une logique financière privée ont échappé à toutes les activités de contrôle, dont la surveillance et la sécurité de notre système financier sont pourtant la raison d’être.

Toujours est-il que, devenu un groupe multinational, Dexia a développé, entre 2002 et 2008, un modèle financier hautement risqué. Je le répète, il est incompréhensible que les autorités de contrôle aient été aussi défaillantes. L’héritage de cette époque est aujourd’hui particulièrement lourd et risque de marquer les années à venir. Ainsi, en 2008, la banque était prise dans des activités financières tentaculaires et peu lisibles, avec un bilan passé en quelques années à 650 milliards d’euros.

Dexia a intégré de fait un véritable hedge fund, avec un portefeuille obligataire de 220 milliards d’euros en 2008, évalué, trois ans auparavant, à 70 milliards d’euros. Par ailleurs, cette même année, Dexia a fait face à un besoin immédiat de trésorerie de 260 milliards d’euros, soit l’équivalent de la dette grecque.

Malgré un piètre bilan, le précédent président du comité de direction de Dexia et plusieurs de ses collaborateurs ont bénéficié de retraites chapeaux. Même si les sommes peuvent paraître limitées au regard du volume des créances dont nous discutons, je souhaite – c’est symboliquement et moralement important ! – que le Gouvernement examine tous les moyens envisageables pour récupérer ces retraites chapeaux, évaluées, semble-t-il, à 15 millions d’euros.

Il faut maintenant faire face aux conséquences de la déréglementation qui a prévalu, y compris dans un secteur tel que le financement des acteurs publics. À cet égard, la responsabilité des gouvernements précédents est clairement engagée.

L’équipe de direction de Dexia qui s’est installée en 2008 a mis en œuvre, ainsi que l’a rappelé récemment M. Mariani, un « démantèlement raisonné » de la banque, en espérant limiter le coût et, surtout, éviter le déclenchement d’un risque systémique, dont les conséquences sur d’autres sociétés financières auraient sans doute été considérables. Elle a fait en sorte de réduire le volume des actifs et l’exposition aux risques du groupe, même si elle s’est défait, en premier lieu, des actifs les plus facilement revendables.

Cette équipe a également fait en sorte de clarifier les multiples relations financières entre les filiales du groupe. Cette orientation ne saurait être contestée, mais 250 milliards d’euros se trouvent, encore aujourd’hui, dans le portefeuille de Dexia.

Les questions qui se posent à nous sont claires : quelle est exactement la composition de cette enveloppe considérable ? L’État ayant engagé une partie de sa garantie, quels sont les risques pour nos finances publiques ? Dans ce cadre, il s’agit de mesurer le niveau de risque actuel sur les finances publiques.

Je le rappelle, le groupe a bénéficié d’une recapitalisation à hauteur de 6,4 milliards d’euros en 2008 à un coût surévalué partagé entre la France, la Belgique et le Luxembourg. Selon les auditions réalisées récemment par la commission des finances, la France a déjà perdu 3 milliards d’euros : 1 milliard pour le budget de l’État, et 2 milliards pour la Caisse des dépôts et consignations.

Toutefois, en 2011, le groupe a perdu 12 milliards d’euros : 4 milliards d’euros dans le cadre du rachat par la Belgique de Dexia Banque Belgique et 5 milliards d’euros dans le cadre de l’exposition de Dexia à la dette souveraine grecque. Manifestement, les pertes potentielles à venir sont encore importantes.

Les risques sont désormais concentrés en Espagne et en Italie au travers du financement des collectivités, des banques et des titres obligataires de ces deux pays. Est-il encore possible de sortir de cette exposition ou est-ce impossible, au risque de déstabiliser nos pays partenaires ? Existe-t-il des scénarii d’exposition aux risques financiers selon l’évolution de ces pays et le comportement des marchés financiers ? Ces questions que nous nous posons sont légitimes, et nous suivrons attentivement l’évolution de ce dossier, tout en gardant à l’esprit la maîtrise de nos finances dans les années à venir.

Vous le savez, en 2011, le Parlement français a été conduit à délibérer dans l’urgence afin de déterminer le montant maximum des garanties d’État qui pourraient être accordées à Dexia.

Dans le cadre de ces garanties, une clef de répartition de 36,5 % pèse sur la France, le reste revenant aux deux autres parties prenantes, le Luxembourg et la Belgique, ce dernier pays n’étant pas satisfait. Nos ministres sont en train de résister, car la révision de cet accord constituerait une circonstance aggravante pour notre propre budget.

D’ici à 2014, le besoin pour ces garanties est estimé entre 70 et 90 milliards d’euros. Même si des intérêts ont été perçus par l’État, ceux-ci sont relativement faibles au regard des sommes en jeu.

Eu égard à ce qui a été dit dernièrement en commission des finances, le risque potentiel - qui existe ! - est évalué, à l’horizon 2014, entre 25 et 34 milliards d’euros.

Voilà l’évaluation que l’on peut faire de la somme qui sera nécessaire si les garanties de l’État sont appelées à leur maximum. Nous souhaitons tous que cela n’arrive pas, mais il me semble important d’avoir en tête cet ordre de grandeur. Telle est la réalité dont nous devons tenir compte.

Dans le cadre de ce propos relatif au groupe Dexia, je voudrais saluer la démarche de transparence et de sincérité financière engagée par nos collègues François Marc, rapporteur général de la commission des finances, et Jean-Claude Frécon, rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l’État », afin d’obtenir de la Cour des comptes une enquête sur les modalités de recensement et de comptabilisation des engagements hors bilan de l’État. Alors que les garanties ne figurent pas au budget de l’État, il me semble aujourd’hui décisif de mettre en place un outil de recensement, notamment au travers de la publication d’un « jaune » budgétaire dans le cadre de la présentation au Parlement du projet de loi de finances initiale. Une telle disposition viendrait compléter utilement les obligations fixées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

Pour revenir à Dexia, son effondrement, ou plutôt son démantèlement organisé, pose dans l’immédiat, chacun le sait dans cette assemblée, le problème du financement des collectivités territoriales, pour 2012 et au-delà. Il faut donc, et c’est le deuxième point de mon intervention, trouver des réponses d’urgence aux difficultés d’accès au crédit des collectivités territoriales, ainsi qu’au problème spécifique des emprunts toxiques, soulevé lors de la dernière audition de M. Mariani.

Je n’insisterai pas sur le rôle économique des collectivités territoriales ; tout le monde le mesure. Elles réalisent 70 % de l’investissement civil et représentent, par le biais de la commande publique, 10 % du PIB. Elles jouent également un rôle contracyclique et d’aménagement du territoire. Elles sont, enfin, au cœur des services publics rendus aux habitants.

La bataille pour l’emploi et le maximum de croissance, que nous devons absolument conduire, passe par l’investissement local et le dynamisme des collectivités territoriales. C’est pourquoi la question de leur situation financière est déterminante pour limiter les conséquences de la crise dans les années à venir.

Les collectivités territoriales font face au resserrement de l’offre de crédits bancaires, notamment à cause des nouvelles règles dites de « Bâle III » et de la réticence des banques commerciales à leur prêter des fonds. Cette difficulté est accentuée par la situation incertaine de Dexia. J’ajoute que, en plus de ce problème de rareté du crédit, le niveau des marges bancaires atteint des sommets – plus de 300 points de base –, qui affectent le coût du crédit.

Le besoin de financement annuel du secteur public local et des hôpitaux, très important, se situe autour de 20 milliards d’euros. Il nous a été rappelé que les banques privées traditionnelles devraient financer autour de 10 milliards d’euros en 2012. Il faut toutefois trouver un moyen de remplacer les 4 milliards d’euros que devait apporter Dexia. De nombreuses collectivités locales s’interrogent sur le reliquat à trouver pour pouvoir financer leurs investissements.

Du côté de Dexia, le retrait de 1,6 milliard d’euros de crédits revolving, annoncé brutalement la semaine dernière, n’a pas arrangé les choses. Le relais pris par la co-entreprise associant la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations demeure suspendu à l’approbation par la Commission européenne du plan de démantèlement de Dexia. La lenteur de la création de cette nouvelle banque conduit à s’interroger sur sa capacité à apporter 2 milliards d’euros dès 2012.

Vous le voyez, monsieur le ministre délégué, la situation immédiate est tout sauf claire et rassurante pour les collectivités locales. Chacun a appris la décision récente du Gouvernement de porter effectivement à 5 milliards d’euros le montant des nouveaux prêts fournis par la Caisse des dépôts et consignations. C’était évidemment indispensable, mais il faut aussi trouver les moyens d’y ajouter 2 ou 3 milliards supplémentaires. Or ce point n’est pas encore acquis. Les modalités pratiques restent à définir, même si des assurances nous ont été données par des représentants du Trésor.

Pour près de 500 collectivités territoriales, les emprunts toxiques constituent un autre facteur d’incertitude ; cette question revient fréquemment en discussion. Je rappelle que, à la fin de l’année 2011, j’avais demandé qu’un inventaire complet soit opéré. La commission d’enquête de l’Assemblée nationale a évalué à 19 milliards d’euros le total des prêts toxiques, dont 10 milliards sont attribuables à Dexia. Le coût de sortie devrait avoisiner 15 milliards d’euros, à répartir sans doute sur les dix prochaines années.

Comme je l’avais fait auprès du précédent Gouvernement, je demande à l’État de prendre ce problème à bras-le-corps, non pour en assumer le coût total – là n’est pas la question ! –, mais pour mettre en place, avec les collectivités territoriales et les banques responsables, un système mutualisé et consolidé de sortie de crise. Rien ne serait pire que de laisser pourrir la situation.

Je serai plus bref s’agissant de mon troisième point : après avoir garanti les financements pour 2012 et 2013, il faut reconstruire un système fiable de financement des collectivités territoriales.

Ce système, que chacun appelle de ses vœux, doit retrouver la fiabilité, la sécurité et le coût modéré qui n’auraient jamais dû faire défaut. Aujourd’hui, chacun mesure l’ampleur de la catastrophe due à la croyance aveugle dans les bienfaits de la dérégulation à outrance et dans la primauté des résultats financiers, quels que soient les moyens utilisés pour les obtenir.

Les banques privées continueront naturellement de jouer un rôle dans le nouveau système. Il faut veiller à ce que leurs ressources soient assurées et à ce que les conditions de prêt aux collectivités territoriales ne deviennent pas sélectives et coûteuses ; c’est une dérive possible. En clair, il faut garantir l’apport annuel d’au moins 10 milliards d’euros par les banques commerciales. Étant donné l’évolution du système financier européen, ce ne sera peut-être pas si facile ; nous devrons donc y être attentifs.

Il est urgent également, je l’ai déjà dit, de compenser la disparition d’ores et déjà engagée de Dexia. Je ne cacherai pas que je suis un peu inquiet, à titre personnel, quand je vois la complexité du schéma associant la Banque postale et la Caisse des dépôts et consignations. Cette nouvelle entité sera-t-elle en capacité de fournir 4 milliards d’euros en 2013 ? Aura-t-elle la même présence territoriale que l’ancien Crédit local de France ? Ce n’est pas acquis. Aura-t-elle les compétences nécessaires pour conseiller les collectivités locales ? De nombreux salariés de Dexia possédaient ces compétences, même si celles-ci ont été dévoyées par une mauvaise stratégie.

Ces questions me semblent très importantes pour le secteur public local, et beaucoup d’élus se les posent. De nombreux salariés de Dexia, qui sont au total 1 300, se les posent également, en même temps qu’ils s’interrogent sur leur devenir.

En tout état de cause, je vous propose d’assumer le retour clair et net à une logique de service public dans cette nouvelle entité, et de garantir que nos institutions de contrôle ne failliront pas une deuxième fois sur ce point.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

M. Maurice Vincent. Enfin, j’appelle votre attention sur l’intérêt de soutenir enfin la création d’une agence de financement des collectivités territoriales, portée par les associations d’élus. Ce projet est bien avancé ; s’il s’était heurté à un certain nombre de réticences sous le précédent gouvernement, il est aujourd’hui devenu concret. Il devrait permettre de sécuriser l’accès à la liquidité, de diversifier les sources, d’optimiser le coût du financement des collectivités territoriales, et surtout de compléter leur besoin de financement dans les années à venir.

L’agence serait un acteur parmi d’autres du financement des collectivités locales, un acteur qui constituerait un gage de solidarité entre ces collectivités, et sans doute aussi un élément modérateur des marges bancaires que j’ai évoquées tout à l’heure.

Pour terminer, je souhaite souligner l’importance de ces enjeux. Nous connaissons tous les efforts à fournir pour maîtriser les dépenses ; ils seront, je le crois, partagés équitablement. Nous ne pourrons obtenir une croissance renouvelée sans des collectivités locales dynamiques, capables d’investir. Cela implique de leur donner la garantie qu’elles pourront accéder à un financement fiable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.

M. Francis Delattre. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’insipide et ennuyeux discours de politique générale du Premier ministre cachait mal le malaise d’un gouvernement qui, après avoir pris de nombreux engagements durant la campagne électorale, se trouve désormais aux prises avec les réalités. Le problème se pose avec une acuité d’autant plus grande que le coup de « l’ardoise cachée », dont nous avons beaucoup parlé, n’a pas fonctionné : toutes les autorités de ce pays s’accordent pour dire qu’il faut absolument réduire les déficits.

Il vous faut donc agir et choisir : soit vous abandonnez une grande partie de vos promesses électorales en coupant dans la dépense publique, soit vous augmentez massivement les impôts.

Mme Marie-France Beaufils. La dépense publique peut être positive !

M. Francis Delattre. L’exercice de ce jour semble indiquer que vous comptez privilégier cette dernière hypothèse. M. Moscovici a d’ailleurs déclaré, hier, dans Le Monde, à ma grande surprise, que la création d’une tranche d’imposition à 75 % était un acte patriotique et non punitif, … tout cela pour entretenir une fiction de lutte des classes.

Cet emblème est idéologique, et surtout stupide, monsieur le ministre délégué, car les traders sont déjà à Londres, de sorte que ce seront essentiellement des créateurs, inventeurs et développeurs de l’économie immatérielle qui, avec leurs brevets, leurs marques ou leurs savoir-faire, quitteront le territoire français.

Nous expliquer à longueur d’éléments de langage, complaisamment repris par des médias en connivence prolongée, même après la fin de la campagne électorale, que votre rigueur n’aurait rien à voir avec celle de vos prédécesseurs, car elle serait plus juste, nous conduit à nous interroger sérieusement sur votre conception de la justice, et en particulier de la justice sociale.

Je ne prendrai que trois exemples d’actualité. Tout d’abord, est-il juste de priver 9 millions de salariés gagnant, en moyenne, 1 500 euros par mois, du bénéfice d’une exonération fiscale augmentant de 500 euros leur pouvoir d’achat annuel ?

Mme Christiane Demontès. Et les 3 millions de chômeurs ?

Mme Marie-France Beaufils. Combien d’emplois avez-vous supprimé avec cette mesure ?

M. Francis Delattre. Ce sont ces salariés gagnant en moyenne 1 500 euros par mois qui constituent la masse des bénéficiaires de cette exonération. Voilà qui sont les personnes concernées, et elles vous gênent !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce qui nous gêne, c’est le bilan du précédent gouvernement !

M. Francis Delattre. En la matière, « l’effort juste » est une insulte à ces 9 millions de travailleurs. Quant à vos arguments sur le partage du travail, ils nous renvoient à la cataclysmique loi sur les 35 heures, qui a signé la perte de compétitivité de notre économie, avec le chômage qui en découle. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez oublié de parler de l’instauration des congés payés en 1936 !

M. Francis Delattre. Tous les instituts économiques relèvent l’inversion des courbes de compétitivité de la France et de l’Allemagne au début des années 2000, concomitamment avec la mise en place de cette loi qui, au surplus, a coûté au cours de la décennie 150 milliards d’euros au budget de l’État au titre des compensations et pertes fiscales.

Mme Marie-France Beaufils. Que faites-vous des études de l’OCDE montrant que les salariés sont moins bien payés en Allemagne ?

M. Francis Delattre. Je précise d’ailleurs que ce sont essentiellement les entreprises du CAC 40 qui ont profité des compensations que je viens d’évoquer.

Aucune entreprise du secteur marchand et compétitif n’a indiqué avoir créé des emplois dans des proportions significatives du fait de l’application de cette loi dite « de partage du travail ». En revanche, nous savons aujourd’hui que la perte globale de compétitivité de notre économie nous en a fait perdre des centaines de milliers. (Protestations sur les travées du groupe CRC.) Aucun pays au monde n’a cru au partage du travail. La loi sur les 35 heures a surtout profité aux entreprises allemandes. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est très juste ; c’est un point fondamental !

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pourquoi n’avez-vous pas supprimé la loi sur les 35 heures, puisqu’elle est si nuisible ?

M. Francis Delattre. En effet, ce fut une erreur !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ce ne fut pas la seule !

M. Francis Delattre. Contrairement à ce que vous déclarez, la défiscalisation des heures supplémentaires ne constitue pas un frein à l’embauche ; elle apporte surtout un peu de flexibilité pour les entreprises, dont les carnets de commande, eux, sont flexibles.

M. Guy Fischer. Cela a surtout entraîné des suppressions d’emplois !

M. Francis Delattre. La flexibilité est un adjectif que vous utilisez fort peu. Pourtant, dans nombre de ces pays du nord de l’Europe qui sont vos références usuelles, elle se conjugue avec garantie de l’emploi. (M. Serge Dassault applaudit.)

M. Guy Fischer. M. Dassault applaudit, c’est mauvais signe !

M. Francis Delattre. On s’attendait à voir apparaître dans ce débat des propositions intelligentes et intéressantes, mais rien ne s’est passé ! Revenir à cette thématique du partage du travail est la première erreur de ce gouvernement, car le travail ne se décrète ni ne se partage : il se crée. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)

M. Jean-Vincent Placé. Nous attendons des excuses, non des leçons : 1 million de chômeurs en plus durant le précédent quinquennat !

M. Francis Delattre. On peut toujours avoir pour dessein politique, comme c’est votre cas, le partage de la pénurie, mais le chômage structurel que nous subissons depuis trente ans est la conséquence implacable d’une trop grande pression fiscale et réglementaire, d’un marché du travail trop rigide, d’une politique budgétaire erratique, d’un euro trop fort et, enfin, d’une politique d’innovation et de recherche trop faible, et surtout trop étatisée.

Mme Christiane Demontès. Qu’avez-vous fait depuis dix ans ?

M. Jean-Marc Todeschini. Vous avez tué la recherche !

M. Francis Delattre. Vous devriez noter les trois chiffres que je vais citer, car ils sont incontestables. Le poids de l’industrie dans le PIB français est passé de 34 %, il y a quinze ans, à 17 % en 2002, et 13 % aujourd’hui.

M. Jean-Vincent Placé. Vous vous livrez à un véritable réquisitoire anti-Sarkozy ! Rejoignez-nous, monsieur Delattre !

M. Francis Delattre. Vous êtes patriote, paraît-il, monsieur Placé. Eh bien, le vrai patriotisme, aujourd’hui, c’est de réduire ces facteurs handicapants, et non de les aggraver avec un énième choc fiscal. C’est ce que nous avions commencé à faire avec le crédit d’impôt recherche et les 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir.

Mme Christiane Demontès. Qui en a profité ?

M. Francis Delattre. Augmenter les impôts plutôt que baisser les dépenses ne pourra qu’aggraver le chômage.

Personne ne nie que nous nous retrouvions, notamment du fait de la dégradation de la croissance et de la création des nouvelles dépenses publiques, dans l’obligation de trouver plus de 7 milliards d’euros pour respecter notre objectif commun de 4,5 % maximum de déficit en 2012.

Certes, il est vrai que le précédent gouvernement avait prévu 1,4 % de croissance, mais j’ai retrouvé exactement le même chiffre dans le projet de M. Hollande. Tout le monde peut donc se tromper ! Ce qui est inexcusable, en revanche, c’est de faire porter cet effort, pour près de 90 %, sur l’augmentation des impôts, et pour plus de 10 % à peine sur la baisse des dépenses publiques.

M. Gérard Longuet. C’est exact !

M. Francis Delattre. Ce choix de l’impôt est incompréhensible,...

Mme Marie-France Beaufils. Qui a supporté les efforts pendant dix ans ?

M. Guy Fischer. Les salariés !

M. Francis Delattre. ... alors que nous avons l’un des taux de prélèvements obligatoires les plus forts de l’OCDE – 44 % du PIB, contre 39,5 % en Allemagne ! – et que notre niveau de dépenses publiques est le plus élevé de la zone euro : 56 % du PIB contre 48 %, en moyenne, dans les autres pays. Or je ne pense pas qu’on vive plus mal en Allemagne qu’en France ! Il y a donc un vrai problème de qualité de la dépense publique.

La Cour des comptes affirmait d’ailleurs, dans son audit rendu public lundi 2 juillet : « les ajustements budgétaires devront en priorité porter sur les dépenses », et aussi : « le poids des dépenses publiques peut être réduit sans mettre en cause la qualité des services publics, grâce à des gains d’efficience collective », autrement dit grâce à des réformes indispensables…

Mme Marie-France Beaufils. Vous les avez épuisées !

M. Francis Delattre. … et nécessaires que, dans ce débat, vous refusez de nous annoncer.

Augmenter encore les impôts dans un pays où la pression fiscale est déjà trop haute, c’est prendre le risque de casser l’activité économique.

En commission, le ministre nous a rappelé qu’il venait lui-même de la Cour des comptes, mais que c’était au pouvoir politique élu de décider. Nous en sommes bien d’accord, mais il s’agira de décider, en réalité, de faire preuve ou non de courage ! Il est effectivement beaucoup plus difficile de couper dans les dépenses que d’en annoncer de nouvelles en prime time sur le plateau des journaux télévisés.

Mme Christiane Demontès. Sarkozy connaissait bien cela !

M. Francis Delattre. Des millions de Français vont s’apercevoir qu’ils sont très riches, puisque ce sont eux qui, officiellement, régleront la facture. Mesdames, messieurs les socialistes, il nous faut vous reconnaître un vrai talent en la matière ! (MM. Alain Gournac et Yann Gaillard s’esclaffent.)

En 1984 et 1985, avec MM. Fabius et Bérégovoy, en supprimant les fameux « fins de droits », vous avez inventé les « nouveaux pauvres ». Aujourd’hui, ce sont les « nouveaux riches », en attendant les « nouveaux patriotes ». Ainsi va la chanson de geste des faits et méfaits du socialisme à la française ! (Rires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. Guy Fischer. Quel mépris ! C’est le mépris de la droite…

M. Francis Delattre. Ce n’est pas du mépris, c’est de l’histoire. C’est notre histoire, c’est votre histoire !

M. Francis Delattre. Je n’ai aucun mépris ! Je vis dans la banlieue nord de Paris, où je suis élu depuis plus de trente ans. Je n’ai donc de leçon à recevoir de personne,...

Mme Christiane Demontès. Nous non plus !

M. Francis Delattre. ... que ce soit du Front de gauche, de l’extrême-gauche ou de la gauche (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), car moi, je vis ce que je dis !

C’est nous, de la droite républicaine et du centre, qui avons réparé vos ravages,...

Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas ce qu’ont dit les électeurs !

M. Francis Delattre. ... en mettant notamment en place le RMI.

Ne doutons pas, mes chers collègues de la droite républicaine et du centre, qu’après toutes ces gesticulations et admonestations d’aujourd’hui, nous reviendra rapidement la responsabilité de créer les fondations d’une économie compétitive. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Avec 15 millions de pauvres, de Français en difficulté !

M. Francis Delattre. Plus préoccupant encore est le rythme de la progression des impôts, qui ne risque pas de ralentir dans les cinq ans qui viennent !

Sur un tableau rendu public le 4 juillet par le Gouvernement, et publié par M. le rapporteur, figure la trajectoire de hausse des impôts jusqu’à la fin du quinquennat. On y lit qu’en 2017, le taux des prélèvements obligatoires sera égal à 46,5 % de la richesse nationale...

M. Francis Delattre. … – niveau inédit dans l’histoire de France en temps de paix ! –, contre 45 % cette année. Je me permets de rappeler que nous étions à 37 % avant 1981.

Vous les justes, les nouveaux justes,…

Mme Christiane Demontès. Vos comparaisons sont douteuses !

M. Francis Delattre. … je vous le demande : est-il juste de faire supporter aux petites et moyennes successions, qui représentent souvent l’épargne de toute une vie de travail (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), une diminution de 50 % de l’abattement ? Celui-ci passera ainsi de 159 325 à 100 000 euros. Le simple énoncé de ces chiffres cible mieux que vos discours enflammés les populations réellement concernées par cette mesure.

On est loin, très loin, monsieur le président de la commission des finances, des « lourdes successions » que M. Pigasse, associé gérant d’une banque d’affaires célèbre…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il est encore très jeune !

M. Francis Delattre. … et copropriétaire du journal Le Monde, se proposait d’anéantir durant sa croisade médiatique, naturellement à votre service !

L’extension du dispositif aux donations-partages retardera la solidarité intergénérationnelle dans les familles, ce qui permettait, monsieur Placé, compte tenu du vieillissement de la population, de réinjecter plus rapidement dans les cycles économiques des avoirs plus dynamiques.

Est-il juste de porter le forfait social concernant l’intéressement, la participation, les plans d’épargne entreprise de 8 % à 20 % ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Il est vrai que la belle idée gaulliste de participation des salariés, non seulement aux résultats de leur entreprise, mais aussi à son devenir, ne fait pas partie de votre vision d’une société plus responsable.

M. Gérard Longuet. Eh oui ! C’est plutôt la lutte des classes…

M. Francis Delattre. Est-il urgent, messieurs,…

Mme Annie David. Et mesdames, alors ?

M. Francis Delattre. … de fragiliser la compétitivité des entreprises ?

L’abrogation du dernier texte fiscal anti-délocalisations, voté par l’ancienne majorité, relève plus de la volonté de défaire que de celle de conforter le « juste effort », qui n’est en réalité qu’un voile médiatique voué à s’effilocher au dur contact des réalités que sont le financement de la sécurité sociale et la résorption de son déficit.

M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La sécurité sociale ? Il faut voir dans quel état vous la laissez !

M. Francis Delattre. La taxation des importations en provenance de pays à faible protection sociale qui nous inondent de produits loin d’être de première nécessité – matériel hifi, télévisions, ordinateurs portables,… – relève non pas d’une injustice universelle, mais simplement d’une posture politique.

La croissance mondiale atteignait 5 % en 2010 et 3,5 % en 2011. Un tiers provient de la seule Chine, qui affiche un taux de croissance oscillant entre 8 % et 10 %, et dont la production représente aujourd’hui 15 % des produits manufacturés, contre 20,5 % pour les États-Unis et 14 % pour la zone euro. L’endettement de cette dernière représente 20 % de son PIB et ses réserves de change sont évaluées à 3 200 milliards de dollars.

Les autres pays des BRICS, que vous connaissez bien, présentent aussi des ambitions économiques et politiques susceptibles de conduire les États de la zone euro à engager une réflexion stratégique sur la réalité du danger de ces économies « déferlantes », qui nous considèrent d’ores et déjà, non plus comme des partenaires, mais comme des zones de libre conquête !

Face à des économies aujourd’hui « submergentes », est-ce le moment de renoncer à toute mesure fiscale « anti-délocalisations », fût-elle temporaire, pour laisser le temps aux économies européennes de s’adapter aux défis du monde ?

Enfin, dans la rubrique « fin des tabous », il n’est pas inutile de souligner, monsieur le rapporteur général, que la Cour des comptes elle-même évoque l’augmentation sélective des taux de TVA comme étant une probable nécessité pour l’équilibre des futurs budgets.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous y viendrez !

M. Francis Delattre. La suppression de la TVA dite « sociale » est d’autant plus irresponsable que le Gouvernement supprime les allégements de charges sur les salaires et qu’il augmente, en plus, le coût du travail, du fait de la hausse des cotisations sociales servant à financer le retour à la retraite à 60 ans, le coût de l’augmentation du SMIC et la taxation des heures supplémentaires.

Cette fragilisation de notre compétitivité sera lourde de conséquences et se traduira, inévitablement, par une hausse du chômage.

Mme Annie David. PSA ne nous a pas attendus pour licencier !

M. Francis Delattre. Vous nous avez longuement entretenus, à longueur de médias, de « redressement dans la justice », de « redressement productif », et maintenant de « l’effort juste ». Vous avez tous les pouvoirs ; qu’attendez-vous donc ?

Quel est, en réalité, le cap de ce Gouvernement ?

Au-delà des hémicycles parlementaires, monsieur le ministre, ce sont les acteurs dont vous avez le plus besoin qui attendent vos choix et vos décisions : les entreprises. Elles ne vivent pas dans un monde de Bisounours ! Elles se défendent sur la scène internationale, face aux difficultés que nous connaissons tous.

L’agenda des concertations et lamentations, c’est fini ! On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. Nous allons d’ailleurs vous aider à en sortir … (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas mal !

M. Francis Delattre. Certes, les Français attendent des annonces de réformes, celles de vos choix fiscaux et européens.

Comme le disait John Kenneth Galbraith, « la politique consiste à choisir entre le désastreux et le désagréable ». Si vous ne faites rien, vous aurez les deux !

Contrairement à 1988 ou 1997, dernières fois où vous êtes arrivés aux affaires, vous ne connaissez pas une situation de sortie de crise. Vous êtes, nous sommes, dans la crise ! À trop tarder à en prendre la mesure, vous risquez d’en aggraver les maux.

M. Guy Fischer. Qui nous a enfoncés dans la crise ?

M. Francis Delattre. La nécessaire convergence européenne est la meilleure réponse à la crise qu’on nous impose du fait de l’irresponsabilité de nos institutions communautaires.

En outre, vous aggravez le désordre en privilégiant l’inscription dans une loi organique, plutôt que dans le marbre de la Constitution, de la règle d’or qui figure dans le pacte budgétaire.

Pour nous, comme pour nos partenaires européens, ces dérapages traduisent votre inconstance et votre manque de détermination à tenir durablement nos engagements budgétaires et financiers. Seule la saisine du Conseil constitutionnel, selon les procédures en vigueur, nous apportera, ainsi qu’à nos partenaires, toutes les garanties nécessaires à l’application d’une véritable discipline budgétaire. Pour ce qui concerne nos groupes, nous nous y engageons et maintiendrons nos engagements.

La réalité de notre économie exigerait aujourd’hui, comme en Allemagne voilà quinze ans, un accord global des grandes familles politiques pour son redressement dans la durée. (M. Serge Dassault approuve et applaudit.)

Comme pour les années précédentes, les 0,5 % de croissance en 2012 seront insuffisants pour compenser le paiement des seuls intérêts supplémentaires de la dette publique.

En vue d’y remédier, naturellement, on s’endettera un peu plus, ce qui alimentera la bulle qui ne fait que croître et menacer notre modèle social, avec le cortège que nous connaissons tous : chômage, pauvreté, précarité.

Enfin, depuis six ans, l’actif net de l’État français est négatif.

La vente de tous nos actifs ne couvrirait pas l’ensemble de la dette, ce qui a fait dire à un Premier ministre qu’il était virtuellement à la tête d’un État en faillite ! Cette situation exigerait tout simplement l’union nationale, une mobilisation nationale.

M. Roland du Luart. Tout à fait !

M. Francis Delattre. Mais seule l’opinion publique, bien sûr, pourra l’imposer à un moment donné, et elle l’imposera. Ce n’est pas pour demain, mais pour après-demain, quand cette alternance, qui n’a vraiment pas été désirée – contrairement à ce que vous nous dites ! – aura échoué, car vos vieilles recettes, mesures et croyances sont déjà largement périmées ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France est, hélas, au pied du mur !

Les choix budgétaires à venir nous engagent très sérieusement. Il en va ni plus ni moins de la préservation de notre niveau de vie et de notre modèle social, tant la crise est prégnante et la marge de manœuvre étroite.

Nous sommes face à un mur ; il convient de le franchir ensemble.

Les Français ont fait le choix de porter votre Gouvernement aux responsabilités. Nous respectons ce choix et, à titre personnel, dans l’intérêt supérieur de mon pays, je souhaite que vous réussissiez. Néanmoins, nous saurons être une vigie attentive aux choix que vous allez opérer.

Hélas, les premières semaines ne sont pas là pour nous rassurer : hésitations, reculs, reports de réformes, confrontation au réel. Tout cela montre qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, des promesses à la réalité !

Les mesures les plus emblématiques sont repoussées à l’automne, voire plus tard encore. Je pense, entre autres, au doublement du plafond du livret A.

Vous avez pris conscience que le doublement du plafond ne concernerait que 9 % des détenteurs d’un livret A, à savoir les ménages les plus aisés qui, seuls, atteignent ce plafond, et que cette mesure encouragerait une niche fiscale. En effet, ce produit d’épargne n’est pas du tout taxé, a contrario, notamment, de l’assurance vie, qu’il pourrait fragiliser.

M. Guy Fischer. On aura tout entendu !

M. Roland du Luart. Certaines promesses semblent même d’ores et déjà abandonnées, comme les eurobonds, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, l’interdiction de la déductibilité des intérêts d’emprunts destinés à financer l’acquisition de titres de participation ou l’abrogation du dégrèvement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, qui eût pénalisé trop fortement les TPE et PME, alors même que François Hollande s’était érigé en défenseur des PME pendant sa campagne présidentielle.

Si, sur la forme, ces reculs, reports et hésitations sont inquiétants, sur le fond, ils nous rassurent. La confrontation au réel fait prendre conscience à la nouvelle majorité de l’inanité, de l’inefficacité, voire de la contre-productivité économique de certaines promesses du candidat Hollande.

Pour autant, le Gouvernement n’a pas renoncé à toute mesure idéologique et inquiétante sur le fond. La taxation à 75 % des plus fortunés ne rapportera que très peu aux caisses de l’État, mais entraînera, et entraîne déjà, comme tous les avocats fiscalistes vous le confirmeront, la délocalisation de sièges sociaux et le départ à l’étranger de grands cadres d’entreprise et de jeunes, qui sont notre avenir.

La hausse du SMIC relève du pur affichage idéologique et électoraliste : l’augmentation automatique atteignant en effet 1,4 %, ce qui correspond à l’inflation constatée depuis la dernière revalorisation, le coup de pouce réel n’est donc que de 0,6 %, soit 6,50 euros de plus par mois. Même les syndicats ou les alliés du parti socialiste, comme le Front de gauche, dénoncent le caractère purement cosmétique de cette mesure.

Le problème est que la « cosméticité » peut se révéler toxique : cela augmente un coût du travail déjà très élevé en France, peut fragiliser les petites entreprises aux marges très faibles et, en conséquence, hélas, accroître le chômage.

De la même manière, vous allez supprimer la « TVA compétitivité », laquelle visait à diminuer quelque peu le coût prohibitif du travail pour nos entreprises, qui constitue l’un des freins à notre croissance.

Vous plaidez ainsi en faveur d’une politique de croissance au niveau européen, mais vous prenez des mesures qui vont à l’encontre du soutien à la croissance française. Je le rappelle, l’ensemble des prélèvements obligatoires assis sur le travail représentait, en 2009, près de 23 % du PIB français, contre 20 % en moyenne dans les pays de l’Union européenne.

Pour un même coût du travail de 4 000 euros, l’entreprise française paie 1 200 euros de charges patronales, l’entreprise allemande, seulement 700.

Par ailleurs, vous vous apprêtez à amputer gravement le pouvoir d’achat des Français, pourtant essentiel pour maintenir à un bon niveau la consommation des ménages, l’un des leviers de la croissance. Vous proposez en effet un véritable matraquage fiscal pour les deux prochaines années. Le taux des prélèvements passera ainsi de 43,9 % du PIB en 2011 à 46,2 % en 2013. Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, que mon collègue Francis Delattre a excellemment développé à l’instant.

Nous ne pouvons accepter, au regard de notre compétitivité future, que l’écart entre les taux de prélèvements obligatoires français et allemand soit, en 2013, de 10 points. Nous sommes donc confrontés à l’impérieuse nécessité de réduire dès à présent les dépenses, comme le fait en ce moment l’Italie. Pour reprendre le célèbre adage fiscal, « trop d’impôts tue l’impôt », et, comme le répète à l’envi notre excellent président de la commission des finances, Philippe Marini, une telle politique « ajouterait de la crise à la crise ».

En outre, votre argument relatif à la justice fiscale ne tient pas. Il est faux de dire que l’effort fiscal pèsera sur les plus fortunés et ne concernera pas les classes moyennes. La taxation des successions et donations dès le seuil de 100 000 euros, la suppression de l’exonération des charges sociales pour les heures supplémentaires et la hausse de la taxation de l’intéressement et de la participation impacteront en effet directement ces dernières.

Je vous le rappelle, la hausse du pouvoir d’achat via l’augmentation à la marge du SMIC concerne 2,3 millions de salariés, et l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire 3 millions de familles, alors que la perte de pouvoir d’achat touchera 9 millions de salariés via la suppression des heures supplémentaires, et 12 millions via la hausse de la taxation de l’intéressement et de la participation.

Le plus grave, c’est que ce matraquage fiscal n’est pas accompagné d’un effort de diminution des dépenses, contrairement, pourtant, à ce que préconisent les rapports de la Commission européenne, de l’Inspection générale des finances et, récemment, de la Cour des comptes. Vous faites même le choix d’augmenter certaines dépenses, notamment au travers de la création de postes de fonctionnaires dans trois secteurs : l’éducation nationale, la justice, ainsi que la police et la gendarmerie.

Vous vous justifiez en disant que, en 2017, l’effort sur les dépenses sera, au total, aussi important que celui portant sur les recettes. Pourquoi ne pas vous y attaquer dès à présent ? Remettre la diminution des dépenses à plus tard est une erreur grave, car nul ne sait ce que sera la croissance dans les années à venir, certains économistes étant très pessimistes.

Je vous rappelle, monsieur le rapporteur général, ce que vous nous avez bien précisé en commission des finances, mercredi dernier : en cas de scénario de croissance pessimiste, le déficit ne pourra être ramené à 3 % en 2013.

Au final, seul le retour de la croissance - mais certainement pas par une taxation accrue des entreprises et sans diminution du coût du travail ! -, seul le retour de la confiance des ménages - mais certainement pas par un matraquage fiscal ! -, seule la maîtrise des dépenses publiques, à savoir de l’État, des comptes sociaux et des collectivités territoriales, permettront de diminuer notre déficit structurel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Conformément à la décision de la conférence des présidents, la parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, à ce stade du débat, tant de points de vue contrastés ayant été présentés, je m’en tiendrai à l’essentiel.

Je ferai une toute première observation, que nous pouvons, me semble-t-il, partager : si le redressement de la France a été sérieusement engagé au cours de la précédente législature, nous restons sous surveillance, avec une crédibilité qui demeure fragile.

M. Roland du Luart. Tout à fait !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La Cour des comptes, que je citerai une nouvelle fois, l’a fort bien dit : « L’essentiel du chemin reste devant nous ». Il faut entendre par ces mots la période visée par ce débat d’orientation des finances publiques.

Le Gouvernement, sur le plan de la méthode, nous propose, je n’hésite pas à le dire, quelques éléments bienvenus. Parmi ceux-ci, je citerai la nécessité d’encadrer les taxes affectées aux opérateurs, l’affirmation par la loi de programmation des finances publiques du monopole des lois financières sur toutes dispositions relatives aux prélèvements obligatoires, ainsi que la volonté, dont nous a fait part le Président de la République, de faire ratifier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, au sein de l’Union économique et monétaire.

Nous le savons, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel aura à répondre à la question suivante : cette ratification implique-t-elle une modification d’ordre constitutionnel ? Quels que soient les avis, pour le moins divergents, que j’ai entendus à ce propos au sein de la nouvelle majorité, je me permettrai de faire remarquer que le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre délégué, ne peut envisager de faire ratifier ce traité dans une loi organique, a fortiori dans une loi constitutionnelle, qu’avec la participation très large de toutes les formations politiques et l’affirmation d’une volonté commune de l’ensemble des grandes tendances de notre opinion politique.

Au-delà des instruments de gouvernance – le TSCG en est un ! –, nous pourrions également débattre de certaines hypothèses, lesquelles sont à peu près en ligne, me semble-t-il, avec les méthodes utilisées à la fin de la dernière législature.

J’ai toutefois noté, dans l’analyse très fouillée du rapporteur général de la commission des finances, la remarque suivante : d’après ses calculs, au regard des différents scénarii de croissance, reposant en particulier sur le taux de croissance potentielle, si notre économie devait croître à son potentiel, c'est-à-dire de 1,5 % à partir de 2014, l’équilibre budgétaire ne serait pas encore atteint en 2017. Nous devons être très attentifs au fait que nous n’avons pas de marges de manœuvre.

Pour conclure cette première partie de mon propos, je regretterai, toujours sur le plan de la méthode, l’absence des informations qui figurent habituellement, à cette époque de l’année, dans le rapport gouvernemental préparatoire au débat d’orientation des finances publiques. En clair, les grandes lignes du volet « Dépenses » du projet de loi de finances pour l’année suivante ne sont pas encore explicitées, pas plus que ne l’est le détail des plafonds des crédits pour chaque mission.

Nous pouvons comprendre que le processus budgétaire ait pu être ralenti par l’alternance, mais vous admettrez aussi, monsieur le ministre délégué, que, pour le Parlement, pour le Sénat en particulier, cela aboutit à un certain manque d’informations par rapport à l’exercice tel que nous le pratiquions ces dernières années.

Mes chers collègues, je voudrais maintenant mettre l’accent sur un deuxième élément.

À mon sens, pour respecter la trajectoire du retour aux 3 %, puis à l’équilibre, il faut prendre sans tarder des mesures correctrices de très grande ampleur. Ce sera en particulier le thème du débat que nous aurons, la semaine prochaine, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012. Sans trop le déflorer, je ferai trois observations.

D’abord, on fait grief à l’ancien gouvernement de s’être trompé sur les estimations des recettes fiscales. En matière d’impôt sur les sociétés, on sait que l’exercice est techniquement très difficile. Je me permettrai simplement, monsieur le ministre délégué, de suggérer la prudence sur ce sujet, car rien ne dit que la conjoncture des années à venir ne vous placera pas, à un moment ou à un autre, à votre corps défendant peut-être, dans la même situation. Au regard de la qualité de prévision des recettes d’impôt sur les sociétés, la longue série de chiffres nous incite, les uns et les autres, à une certaine modestie.

Ensuite, et c’est un point qui, à vrai dire, me choque un peu plus, on met en vis-à-vis les 7,1 milliards d’euros de moindres recettes, qu’il faut donc corriger, et les 7,2 milliards de recettes nouvelles, en nous incitant à considérer que le second montant compense le premier.

À la vérité, la situation est un peu plus complexe. Alors que le premier chiffre concerne l’ensemble des administrations publiques, collectivités locales comprises, lesquelles enregistrent, notamment pour ce qui concerne les droits de mutation, une moins-value de recettes de l’ordre de 1 milliard d’euros, le second montant ne concerne que l’État et la sécurité sociale.

Au demeurant, ces nouvelles rentrées fiscales, qui seraient créées par le biais du projet de loi de finances rectificative pour 2012, compenseraient aussi de nouvelles dépenses. Des dépenses ont été décidées ou engagées dans leur principe depuis le 6 mai dernier. Leur financement va forcément compliquer l’équation budgétaire des mois et des années à venir. Pour ne prendre qu’un exemple, j’évoquerai l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, financée par la hausse pérenne des prélèvements sociaux sur certaines catégories de revenus.

Enfin, je rappellerai à ce titre la préconisation de la Cour des comptes formulée en conclusion de son audit. Le Gouvernement doit s’attacher à réduire simultanément, « non pas un, mais deux déficits » : le déficit des comptes publics et le déficit de compétitivité.

À cet égard, comme l’ont souligné fort justement plusieurs orateurs, en particulier, avec ses mots et un style qui lui est propre, Francis Delattre, en matière de compétitivité, ce que nous faisons paraît être complètement à rebours tant des thèmes adoptés sur le plan européen que de la réflexion engagée par les institutions communautaires et par nos principaux partenaires européens sur l’organisation du marché du travail ou l’évolution de la fiscalité, notamment le devenir de la fiscalité indirecte.

Aussi, on ne peut pas dire que la réflexion de la nouvelle majorité politique et du Gouvernement s’inscrive dans les orientations qui se dessinent au niveau de l’Union européenne.

Enfin, je voudrais insister sur un troisième aspect : en 2013, mes chers collègues, nous aurons à franchir une très haute « marche d’escalier », entre 35 et 40 milliards d’euros, soit un peu plus de 1,5 point de produit intérieur brut. Cet effort est l’un des plus importants que nous ayons eu à faire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L’enjeu est absolument considérable.

D’où la question du partage de l’effort : que demande-t-on par le prélèvement et que demande-t-on à l’appareil public par la pression sur les dépenses ? Autant de questions qui ont été abordées par les différents orateurs qui se sont succédé.

Nous savons que le Gouvernement préconise une approche partagée moitié-moitié.

En matière de recettes, je relève que l’essentiel de l’effort à accomplir le sera entre cette année et l’année prochaine. Ce supplément de ressources représente l’essentiel de l’action discrétionnaire de maîtrise des finances publiques en 2013. C’est un effort fiscal considérable. Compte tenu des ordres de grandeur, certains, parmi nous, ont parlé dans la presse de « matraquage fiscal ».

En ce qui concerne les dépenses, à mon sens, le paysage reste caractérisé par les incertitudes. Le détail des économies à réaliser est reporté à septembre.

Certes, le Gouvernement s’est engagé à couvrir toute dépense supplémentaire par des économies à due concurrence. Mais j’ai également entendu décliner tout un catalogue de mesures, de dépenses, de dépenses fiscales, par exemple dans la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre. Ma liste n’est certainement pas exhaustive : création d’un « livret d’épargne industrie » – il faudra le bonifier –, dispositifs fiscaux en faveur de certaines PME – il faudra les financer –, renforcement des moyens de Pôle emploi – 2 000 emplois en cours de création qui devront être financés –, création d’une allocation d’études et de formation pour les étudiants – à budgéter –, création de 150 000 « emplois d’avenir » pour les jeunes sans qualification – pareillement –, développement du service civique – pareillement –, mise en place d’un système de caution solidaire pour les jeunes locataires – il faudra trouver le capital pour financer cette caution –, plan « ambitieux » de performance thermique de l’habitat – une nouvelle dépense fiscale, sans doute –, réforme de la dépendance – s’agissant de ce thème que nous connaissons bien au Sénat, je reconnais que, sous la précédente législature, il a été considéré, après qu’elles eurent été chiffrées, que les solutions n’étaient pas évidentes.

M. Guy Fischer. Il y a eu capitulation !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes, mais Guy Fischer a été associé à toutes les réflexions que nous avons menées sur ce sujet ! (Sourires.)

Dernièrement, le 14 juillet, et chacun peut le comprendre, le Président de la République a évoqué un « plan qui coûte le moins possible aux contribuables » pour Peugeot. Simplement, toutes ces dépenses et toutes ces dépenses fiscales appelleront des financements. Et soit la dépense nouvelle évincera la dépense ancienne, par un effet d’éviction, comme disent les économistes, et les priorités que nous devrons honorer se paieront par plus de sacrifices dans d’autres domaines, soit l’on ne parviendra pas à respecter la norme de dépense globale. Alors le déficit dérapera et s’ensuivront toutes les conséquences qu’a excellemment décrites le rapporteur général et dont personne ne veut ici : défiance de l’extérieur, défiance des investisseurs, difficultés à se financer et fuite vers l’inconnu.

Enfin, mes chers collègues, je conclurai en évoquant un sujet qui sera peut-être l’un des plus complexes auxquels sera confrontée la nouvelle majorité.

Celle-ci exerce ses responsabilités. C’est la loi de la démocratie et il n’y a rien à y redire. Mais l’opposition exerce elle aussi ses responsabilités, lesquelles consistent à témoigner, à prendre date, à proposer, à relever des contradictions, à rechercher le défaut dans la cuirasse.

C’est ainsi que le veut le débat démocratique et c’est ainsi que vous avez pratiqué pendant tant d’années, mes chers collègues de la majorité.

Ce thème difficile que j’évoquais à l’instant, monsieur le ministre, c’est celui du traitement des questions relatives à la fonction publique, à savoir les rémunérations et les effectifs. Comment compenser les secteurs prioritaires par les autres ? Comment vous sortir de la contradiction intenable dans laquelle vous risquez à mon sens de vous enfermer ?

Enfin, il convient de rappeler une évidence : le respect de la trajectoire de redressement des comptes publics implique que la masse salariale de l’État soit stabilisée en valeur. La Cour des comptes nous l’a rappelé. À ce sujet, celle-ci souligne que cette stabilisation, conjuguée à celle des effectifs, nécessitera « outre la poursuite du gel du point d’indice, une réduction significative de l’avancement des fonctionnaires et un quasi-gel des mesures catégorielles ». Elle poursuit : « En réalité, seule une baisse des effectifs est à même de fournir des marges de manœuvre en matière de politique salariale. »

Monsieur le ministre, en conclusion, tout cela, c’est le problème de notre pays, c’est le problème de son gouvernement, c’est votre problème. Nous sommes dans notre rôle quand nous relevons les contradictions et les risques, quand nous prenons à témoin, quand nous interrogeons avant que le temps de la proposition ne revienne. Ici, au Sénat, ce débat d’orientation, le projet de loi de finances rectificative et même ce modeste projet de loi de règlement sont l’occasion pour l’opposition de faire en quelque sorte l’apprentissage de ce rôle indispensable à la démocratie. Pour autant, nous n’oublions pas les intérêts de notre pays, en particulier l’intérêt qui s’attache à maîtriser et à rembourser la dette publique et à promouvoir une gestion responsable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dernière intervenante dans ce débat d’orientation, je centrerai mon propos sur les comptes sociaux, qui figurent évidemment au cœur des préoccupations de la commission des affaires sociales et dont notre rapporteur général, Yves Daudigny, a dressé un tableau aussi précis qu’inquiétant.

J’en retiendrai quelques éléments saillants : tout d’abord, quatre années consécutives avec des niveaux de déficits sociaux exceptionnellement élevés ; ensuite, une dette sociale qui a doublé en quatre ans ; enfin, pas de réelles perspectives de retour à l’équilibre à moyen terme sur la base des tendances actuelles, contrairement à ce que le gouvernement précédent avait annoncé, notamment lors de la réforme des retraites.

Comme l’a souligné Yves Daudigny, la crise ne suffit pas à expliquer cette situation d’une gravité sans précédent. Le Premier président de la Cour des comptes, dont il a beaucoup été question ici, nous l’a d’ailleurs rappelé lors de son audition : « La France est entrée dans la crise avec une dette trop élevée et des comptes en déficit structurel. »

À cet égard en tout cas, on ne peut donc pas faire de reproche, aujourd’hui, à M. le ministre.

La crise n’a fait qu’accentuer un déséquilibre préexistant, en grande partie lié au refus systématique, des années durant, de dégager les ressources nécessaires. Le choix a ainsi été celui de faire porter l’effort d’abord sur les assurés, sans épargner – c’est un euphémisme – les moins favorisés d’entre eux.

Je pense à la hausse des forfaits et à l’instauration des franchises, avec les conséquences que l’on connaît pour l’accès aux soins des plus démunis – entre 25 % et 30 % de nos concitoyennes et de nos concitoyens ont déjà renoncé aux soins –, à un moment où le coût des mutuelles s’accentue, comme celui des dépassements d’honoraires. La ministre Marisol Touraine veut engager des négociations sur ce sujet. La commission des affaires sociales ne peut que l’y encourager.

Je pense également à la décision, dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale, de limiter la revalorisation des allocations familiales et, bien entendu, à celle, particulièrement injuste, d’augmenter la TVA, plus lourdement ressentie par les foyers modestes, pour financer une baisse des cotisations patronales et faire ainsi plaisir, par exemple, à M. Delattre…

Aussi, il est temps de remettre à plat le financement de notre système de protection sociale, sans pour autant en revoir les fondements, à savoir la solidarité, mais afin de lui assurer des ressources suffisantes, de nature à répondre aux besoins des bénéficiaires.

Si la préservation de notre protection sociale passe en effet par un équilibre des comptes de la sécurité sociale, il n’est pas acceptable que les efforts soient si peu équitablement répartis, au détriment de celles et de ceux qui ont les revenus les plus faibles ou qui ont commencé à travailler le plus tôt.

Cet objectif est parfaitement atteignable et complètement réaliste. Il est, je vous l’assure, réalisable !

Que nous disent, depuis des années, la Cour des comptes et l’Inspection des finances, sinon que des marges de manœuvre très importantes gisent dans de nombreuses niches sociales et fiscales particulièrement coûteuses pour les finances publiques et, qui plus est, très contestables du point de vue de leur efficacité économique et sociale ?

M. Guy Fischer. Au moins 70 milliards d’euros !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Les dispositifs d’exonération de cotisations sociales ont été multipliés ces quinze dernières années, jusqu’à représenter près de 30 milliards d’euros par an, c’est-à-dire environ 10 % des cotisations revenant à la sécurité sociale.

Les rapports les plus circonstanciés ont montré que ces dispositifs généraient bien souvent des effets d’aubaine, sans réel bénéfice pour l’emploi, quand ils ne jouent pas carrément contre l’emploi, comme les exonérations des heures supplémentaires instaurées par la loi TEPA.

Pourquoi ne pas avoir sérieusement réévalué ces exonérations et au contraire en avoir créé de nouvelles, alors que la sécurité sociale connaissait déjà des déficits importants, bien avant la crise et l’aggravation de la situation économique ? C’est bien la question que nous devons aujourd’hui nous poser.

Nous constatons, avec le projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons la semaine prochaine, mais dont nous avons déjà commencé à débattre, qu’une inflexion est enfin amorcée, puisque les exonérations TEPA seront en grande partie abrogées et que le forfait social sera majoré, comme les prélèvements sur les stock-options.

C’est un bon premier pas.

Je pense, pour ma part, qu’il faut aller plus loin. En novembre dernier, le Sénat avait amendé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour viser ces assiettes largement exemptées de contributions sociales : les retraites chapeaux, les parachutes dorés, etc. Cela influe également sur la compétitivité.

Nous avions aussi souhaité que les allégements généraux sur les bas salaires soient mieux ciblés. Nous visions en particulier les entreprises qui abusent du recours au temps partiel. Mes chers collègues, je vous rappelle que 80 % des salariés en temps partiel sont des femmes, souvent du temps partiel subi. (Mme Michèle André opine.) Bien souvent, elles élèvent seules leurs enfants.

Il faudra poursuivre dans cette direction, monsieur le ministre, et soyez assuré que vous aurez le soutien de notre commission.

Lors de la conférence sociale, le Gouvernement a précisé ses intentions quant aux nouveaux dispositifs en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes : les emplois d’avenir, le contrat de génération. Veillons à ne pas recréer à cette occasion de nouvelles situations pénalisantes pour les finances publiques sans être pleinement justifiées au regard des objectifs visés.

Plus généralement, il faut rappeler, même si cela relève de l’évidence, que l’emploi est un déterminant essentiel pour nos finances sociales, puisque 84 % des ressources sont prélevées sur les revenus d’activité. Il est difficile d’imaginer rétablir les comptes sociaux sans agir prioritairement sur l’emploi. De ce point de vue, le gouvernement auquel vous appartenez doit avoir une action volontariste dans le traitement des plans sociaux qui se multiplient et dont une grande partie ne sont en rien des licenciements économiques, mais s’apparentent plutôt à des licenciements boursiers !

Vous avez parlé tout à l’heure de fiscalité plus juste, plus lisible. Ce ne sont pas vraiment les thèmes que la commission des finances a l’habitude d’examiner, mais sachez que nous serons malgré tout attentifs à cette nouvelle fiscalité en faveur des entreprises, qui devra en tout cas être au service de l’emploi. C’est notre souhait !

Voilà pourquoi, si un rééquilibrage du financement de notre protection sociale est nécessaire, il doit être équitablement réparti, comme je le disais à l’instant, mais, surtout, il ne doit pas s’effectuer au détriment de la consommation et du pouvoir d’achat des ménages, comme le gouvernement précédent a voulu le faire avec la TVA, mesure que nous devons évidemment abroger avant qu’elle n’entre en vigueur.

Chacun a en tête la question de la contribution sociale généralisée, bien que, à ce stade, aucune décision n’ait été arrêtée. Je rappelle que près de 70 % du produit de la CSG provient des revenus d’activité, et 18 % des revenus de remplacement tels que les retraites, les allocations chômage, les indemnités de maladie. On voit bien les conséquences qu’un éventuel relèvement pourrait entraîner sur le pouvoir d’achat des plus modestes et, je vous le disais à l’instant, le rééquilibrage nécessaire à notre protection sociale ne doit pas se faire au détriment du pouvoir d’achat des ménages...

Dans le même temps, les revenus du capital ne contribuent qu’à un peu plus de 4 % des ressources de la sécurité sociale. Les taux de prélèvement ont été relevés ces dernières années, mais de manière encore bien timide quand on constate qu’ils s’établissent à 15,5 %, alors que les prélèvements sociaux sur les salaires avoisinent les 50 %, et bien plus si l’on ajoute les cotisations aux régimes de retraite complémentaires et à l’assurance chômage.

Le Premier ministre a annoncé le lancement de travaux préparatoires, confiés au Haut conseil du financement de la protection sociale. Ils seront soumis aux partenaires sociaux avant une possible réforme législative au cours de l’année 2013. Le débat va donc s’intensifier dans les mois à venir. Sachez que vous pourrez compter sur la participation active et constructive des sénatrices et sénateurs de notre commission dans ces débats, dès cet automne lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En conclusion, je rappelle que, si les finances sociales se trouvent aujourd’hui dans une situation si dégradée, ce n’est pas seulement sous l’effet de la crise. C’est aussi la conséquence de choix politiques qui ont fragilisé notre système de protection sociale, faute d’avoir cherché une répartition plus équitable des contributions. Cette situation ne peut perdurer et exige un profond changement de politique.

C’est à se demander, d’ailleurs, si l’objectif recherché n’a pas été de faire croire que notre système de protection sociale avait atteint ses limites et qu’il était donc nécessaire de le revoir en profondeur, un peu comme l’adage populaire – après M. du Luart tout à l’heure, c’est à mon tour d’en citer un – qui dit que, lorsqu’on veut tuer son chien, on prétend qu’il a la rage... En effet, pour vous, notre système de protection sociale tel qu’il existe aujourd’hui est totalement inacceptable et doit être combattu. C’est ce que vous avez fait pendant de nombreuses années. Sachez que nous ferons en sorte de lui redonner un peu de vigueur. (M. Jean-Paul Emorine hoche la tête.)

Au sein de la commission des affaires sociales, nous aurons à cœur, avec M. le rapporteur général, de rappeler notre attachement à ce système de protection sociale, tant à sa philosophie, fondée sur la solidarité, qu’à son financement, équitablement réparti !

Je tenais à insister sur les orientations qui doivent, à mon sens, être privilégiées pour donner une assise plus solide, et plus solidaire, à une sécurité sociale qui n’a jamais été aussi essentielle, eu égard aux situations difficiles que connaissent aujourd’hui nombre de nos concitoyennes et concitoyens.

Monsieur le ministre, vous parliez de trois principes, sur lesquels je crois pouvoir dire, au nom de la commission, que nous sommes d’accord.

Nous approuvons le principe de prudence, tout en ayant l’ambition de répondre aux besoins des assurés sociaux.

S’agissant de la concertation, je rejoindrai notre collègue Michèle André qui a déclaré ici même que vous pouviez compter sur la mise en œuvre de ce principe et, si besoin, sur l’appui des sénatrices et sénateurs ainsi que des rapporteurs de chacune de nos commissions, pour travailler ensemble au futur projet de loi de finances.

Enfin, vous parliez de pragmatisme. Peut-être est-ce le point commun à l’ensemble des sénatrices et sénateurs présents dans cet hémicycle. Nous sommes des élus et nous avons tous un certain sens du pragmatisme qui nous permet de régler nombre de situations qui, autrement, ne pourraient pas être résolues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, rapporteur général.

M. Francis Delattre. Il ne faut pas exagérer !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je tiens tout d’abord à remercier les différents orateurs d’avoir utilement et abondamment exploité le rapport d’information que j’ai rédigé au nom de la commission des finances sur ce débat d’orientation des finances publiques, et d’y avoir puisé un certain nombre d’éléments. Je souhaiterais juste apporter quelques précisions, car j’ai l’impression que les chiffres qu’il comporte ont parfois été interprétés.

J’évoquerai tout d’abord l’effort à faire sur les recettes et les dépenses.

Ce débat sur les orientations des finances publiques porte sur une période de cinq ans, pour laquelle un certain nombre d’observations ont été émises dans le rapport d’information. C’est donc sur cette période que nous avons indiqué que l’effort consenti sur les 90 milliards d’euros devait être équitablement réparti entre les recettes et les dépenses : 40 milliards d’euros pour les recettes, autant pour les dépenses.

Par conséquent, à ceux qui prétendent que nous donnons notre agrément à un dispositif qui va solliciter les recettes à hauteur de 90 %, contre seulement 10 % pour les dépenses, je répondrai que, sur l’ensemble du dispositif validé, la commission des finances donne aujourd’hui son accord sur le principe d’un équilibrage.

Ensuite, concernant le « choc fiscal » dont a parlé M. Delattre ou le « matraquage fiscal » que d’autres sénateurs de droite ont évoqué dans leurs propos, je voudrais simplement rappeler que – cela figure dans le rapport d’information –, au cours des trois années passées, les recettes et les prélèvements obligatoires ont augmenté de 40 milliards d’euros.

Mme Michèle André. Effectivement.

M. Guy Fischer. Voilà la vérité !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Or nous avons l’intention, sur cinq ans et dans un contexte difficile, de solliciter la recette dans la même proportion : le procès en matraquage fiscal est difficilement recevable ! En tout cas, c’est ce que j’ai essayé de rappeler dans mon rapport d’information.

M. Guy Fischer. C’est la vérité !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Enfin, pour ce qui est des entreprises, vous avez raison, monsieur Delattre – M. de Montesquiou a aussi évoqué cette question –, de dire qu’il faut utiliser le levier fiscal pour favoriser l’emploi, le développement économique et aider les entreprises dans leur effort d’investissement.

M. Francis Delattre. Mais ce n’est pas ce que vous faites !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous sommes d’accord sur ce point, d’autant que vous avez vous-mêmes, durant toutes ces dernières années, utilisé ce levier fiscal, mais dans un sens qui ne nous paraît pas satisfaisant.

En effet, tout le monde le constate aujourd’hui, ce capitalisme financier exacerbé, qui a été un peu la toile de fond des actions engagées depuis dix ans, a conduit à une politique fiscale favorisant les très grandes entreprises, sociétés du CAC 40, qui ne payaient que 8 % d’impôt sur les sociétés, alors que le taux d’imposition des PME était de 22 % ou 23 %.

M. Francis Delattre. C’est un peu plus compliqué que ça !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Voilà le levier fiscal utilisé par la droite depuis dix ans ! Ce sont les petites et moyennes entreprises qui ont « casqué », ce sont elles qui ont été mises en difficulté et qu’il faut aujourd’hui remettre au premier plan en les favorisant dans leur effort d’investissement. Le crédit d’impôt recherche doit être davantage orienté vers les PME ; l’impôt sur les sociétés et d’autres prélèvements doivent davantage les favoriser. C’est dans cet esprit que nous souhaitons une réorientation du levier fiscal « entreprises ».

Pour conclure, face à certains propos parfois un peu forts – j’allais dire excessifs, mais chacun a droit de s’exprimer à sa guise et, au fond, toutes les idées sont recevables –, tenus par ceux qui ont défendu pendant dix ans les gouvernements en place, je tiens tout simplement à rappeler que la situation dans laquelle nous nous trouvons est la suivante : 90 milliards d’euros de déficit après dix ans de gouvernement, monsieur Delattre,…

M. Francis Delattre. Je n’étais pas là, cher ami !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … et un endettement considérable.

Je n’en dis pas plus. C’est à cela que nous devons aujourd’hui nous atteler, en essayant de ramener le déficit de 90 milliards à zéro. Imaginez un peu l’effort qu’il va falloir entreprendre pour essayer de maîtriser l’endettement et, éventuellement, de le réduire au plus vite.

L’équation n’est pas simple, j’en conviens. Cependant, il ne faut pas à l’avance dire que les mesures préconisées seront défaillantes. On en jugera. Quoi qu’il en soit, une ambition est affichée par le Président de la République, et un programme comprenant un certain nombre d’initiatives a été annoncé par le Gouvernement. Pour ma part, j’encourage ce dernier à agir en ce sens, tel qu’il a été validé par le pays lors des élections récentes.

J’ose espérer, et je rejoins sur ce point le président de la commission des finances, que la situation de notre pays va s’améliorer. Nous partageons tous cet objectif et nous pouvons espérer, en exerçant ensemble notre travail parlementaire, contribuer à améliorer la copie autant qu’il le faudra au cours des débats à venir dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais tout d’abord me réjouir de cette forme de consensus, sur toutes les travées.

Nous estimons que la réduction des déficits et le retour à l’équilibre des comptes publics relèvent d’une priorité, même si nous avons des désaccords – c’est la politique – sur les voies et moyens à emprunter pour atteindre cet objectif. J’en dirai un mot en répondant à M. Delattre, dont l’intervention est très stimulante (M. Gérard Bailly opine.), tout en essayant d’éviter de sombrer dans les remarques de Bisounours.

Par conséquent, je le répète, une sorte de consensus s’est dégagé.

Comme l’a évoqué voilà quelques instants Mme la sénatrice Michèle André, je vous crois parfaitement sincère monsieur le président Marini – je n’ai d’ailleurs aucune raison d’en douter – quand vous déclarez avec MM. de Montesquiou et du Luart qu’il est aujourd’hui indispensable que la France redresse sa situation et que, à défaut de nous soutenir, vous exprimez votre volonté de vous réjouir de tout ce qui pourrait contribué à améliorer la situation.

Je me félicite de cet état d’esprit. Le Président de la République, ce n’était pas un vain mot, considère aujourd’hui que, à côté du travail de l’exécutif – un mandat précis nous a été conféré en ce sens par le suffrage universel –, le Parlement, mais aussi l’ensemble des contre-pouvoirs doivent contribuer d’une manière ou d’une autre à améliorer la copie de l’exécutif.

Nous ne prétendons pas à la perfection. Devant une situation difficile, dans un cadre budgétaire et un contexte macroéconomique contraints, avec un endettement public particulièrement important et une crise sociale extrêmement dure où s’additionnent les urgences et les attentes, nous devons à la fois répondre à la demande sociale et respecter la trajectoire de réduction des déficits, objectif sur lequel nous nous sommes engagés vis-à-vis de l’Union européenne, mais aussi des Français.

Permettez-moi d’ajouter que le point d’équilibre que nous devons trouver – c’est sans doute le principal reproche que nous faisions au gouvernement précédent – nous impose aujourd’hui d’avoir un objectif ambitieux en matière de réduction des déficits publics et simultanément une stratégie de croissance afin d’éviter que, par un effort trop brutal sur la réduction des dépenses publiques non compensé par une telle stratégie, un effet procyclique sur la croissance, voire sur la situation économique, ne précipite la récession dans notre pays, comme ailleurs en Europe.

C’est cet équilibre, cette combinaison entre la stratégie de croissance et la trajectoire que nous voulons respecter en matière de réduction des déficits, que nous recherchons, à travers tant les orientations que nous vous avons présentées pour les finances publiques que le projet de loi de finances rectificative et les prochains projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Cette combinaison devra aussi nous amener à accepter – telle n’est peut-être pas votre orientation, bien que je pense que beaucoup d’entre vous partageront cet objectif – que l’on peut aujourd'hui encore conjuguer, au sein de l’Union européenne, une stratégie de croissance économique et de progrès social sans considérer que le seul moyen de restaurer la compétitivité est de sacrifier notre modèle social.

En tout cas, le Président de la République, pas plus que le Premier ministre, le Gouvernement ou la majorité, ne considère aujourd'hui que la restauration de la compétitivité de notre pays passera prioritairement par le sacrifice de notre modèle social, même si celui-ci, je le reconnais, peut être réformé, modernisé, amélioré.

Votre intervention, monsieur Delattre, m’a stimulé. Elle était à la fois talentueuse et sérieuse. Vous avez évoqué l’augmentation des impôts et le prélèvement à hauteur de 75 % que nous souhaitons instaurer sur les revenus supérieurs à 100 000 euros nets par mois et parlé de lutte des classes, me semble-t-il. À ce sujet, il faut toujours faire attention aux mots employés.

Je citerai en cet instant une anecdote. Un milliardaire américain, non des moindres puisqu’il s’agit de M. Warren Buffett, a considéré que les hauts revenus étaient largement sous-taxés. Et l’une de ses observations m’a beaucoup amusé. Il avait fait remarquer que la lutte des classes existait et que c’était la classe à laquelle il appartenait qui l’avait gagnée ! En fait, il a tenu ce propos pour encourager l’État fédéral américain à augmenter les prélèvements pesant sur les plus riches.

Mesdames, messieurs les sénateurs, mon objectif, en formulant cette remarque, est non pas de vous dire que la France se trouve dans la même situation que les États-Unis d’Amérique, mais de vous faire comprendre que le gouvernement actuel a le souci de la justice fiscale. À cette fin, il convient de demander à celui qui peut le plus de contribuer le plus (M. Serge Dassault s’exclame.), sans aucune obsession idéologique de faire payer les riches, comme vous le soutenez. (M. Serge Dassault s’exclame de nouveau.)

Pourquoi une telle observation ? M. le rapporteur général avait raison de rappeler que le Conseil des prélèvements obligatoires avait signalé que, en matière de prélèvements sur les entreprises, le taux effectif de l’impôt acquitté par les entreprises est inversement proportionnel à leur taille. Ainsi, plus une société est de petite taille, plus le montant de l’impôt sur les bénéfices qu’elle paie est élevé (Mme Michèle André opine.), plus elle est de grande taille, moins son imposition est lourde. In fine, une étude de la fiscalité portant sur les entreprises conduit à conclure que celles et ceux qui ont fragilisé la reprise, les conditions dans lesquelles les petites et moyennes entreprises peuvent recréer des emplois sont celles et ceux qui n’ont pas modifié la structure de l’impôt sur les sociétés. C’est pourquoi notre volonté est de distinguer ceux qui investissent et ceux qui distribuent des dividendes.

Oui, la crise a eu des conséquences sur les marges des entreprises : elle les a réduites. Elle a aussi altéré le pouvoir d’achat des ménages. Ce sont deux réalités incontestables.

Que constate-t-on en examinant l’excédent brut d’exploitation des entreprises ? Alors que la part consacrée aux investissements a diminué, la rémunération des actionnaires a continué d’augmenter.

M. Serge Dassault. Ce n’est pas vrai !

M. Guy Fischer. C’est vrai, monsieur Dassault !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce constat nous amène à nous poser des questions fondamentales sur la manière dont est distribué l’excédent brut d’exploitation. Cette donnée que je vous livre doit nous conduire à réfléchir à une plus grande justice fiscale.

J’en viens à la réforme des droits de succession que le Gouvernement veut engager. Je tiens à vous assurer que, au terme de cette réforme, 88 % des successions seront exonérées de droits. Cette mesure ne relève donc pas d’une stratégie de matraquage des classes moyennes, à moins que nous n’ayons pas la même définition de ces classes moyennes. À mon sens, elle démontre notre volonté de rester particulièrement modestes en ce domaine.

Par ailleurs, j’ai pris note de la dénonciation de l’augmentation du forfait social. En la matière, nous voulons rendre un arbitrage.

Lors de la conférence sociale, j’ai eu la chance d’animer la table ronde sur les salaires à laquelle ont assisté des organisations patronales, qu’il s’agisse de la CGPME, de l’UPA ou du MEDEF, qui ont démontré un excellent état d’esprit, et des organisations syndicales. Nous avons parlé du SMIC, de l’épargne salariale, des négociations de branches, de la rémunération des hauts dirigeants, ainsi que du forfait social.

Comme beaucoup de celles et ceux qui étudient les stratégies de rémunération des entreprises, j’observe que l’épargne salariale s’est quelquefois substituée à des politiques sociales.

M. Guy Fischer. Exactement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Aujourd'hui, les prélèvements opérés sur les salaires sont de 45 %, alors que ceux qui pèsent sur l’épargne salariale ne sont que de 8 %. Pour notre part, nous voulons rééquilibrer un tout petit peu le niveau des prélèvements de façon que, demain, les entreprises, dans leurs stratégies de rémunération, ne procèdent pas à des arbitrages au détriment des salaires et en faveur de l’épargne salariale et que soit menée une politique beaucoup plus équilibrée de rémunération des salariés dans les entreprises. C’est aussi pourquoi nous proposons d’augmenter le forfait social.

J’en viens à la RGPP et à la stratégie du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. J’en suis désolé, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, mais, en votre qualité d’élus locaux, vous le savez, la RGPP a eu des conséquences néfastes sur la qualité du service rendu par l’école, la police, des services publics prioritaires.

Mme Michèle André. Bien sûr !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De plus, il est un point sur lequel, j’en suis sûr, nous pourrions nous entendre, monsieur Delattre. Nous savons très bien l’un et l’autre que le coût du décrochage scolaire – qu’il prenne la forme d’une indemnisation de chômage, de dépenses sociales, ou encore de la prise en charge de la délinquance – est bien supérieur, pour la collectivité, aux économies que vous avez réalisées depuis cinq ans grâce à la suppression de quelques postes de RASED, de professeurs, d’auxiliaires de vie scolaire, de policiers, de gendarmes, ou dans toute une série de corps de la fonction publique. L’investissement que, nous, nous voulons consacrer à l’éducation tend à éviter que demain la collectivité n’ait à payer un coût bien supérieur à ces économies.

Nous considérons qu’investir dans l’éducation consiste non seulement à augmenter le niveau d’éducation et de qualification des jeunes (Mme Michèle André opine.), mais aussi à faire en sorte que demain on ne doive pas payer collectivement le coût du décrochage. C’est un choix politique, et nous l’assumons totalement.

Nous assurerons une stabilité des effectifs. « Comment allez-vous faire ? » nous demandez-vous. En ma qualité de ministre chargé, notamment, de la consommation, j’ai autorité sur la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (M. Gérard Bailly s’exclame.) qui effectue une multitude de contrôles indispensables afin de protéger la qualité des services, des biens et des marchandises que consomment non seulement les Français, mais également tous les étrangers qui viennent en vacances dans notre pays pour se reposer. Or cette administration a été très affectée par plusieurs années de RGPP.

Comme vous le savez, simultanément, la Commission européenne réclame des contrôles supplémentaires, afin de protéger davantage les consommateurs.

Aussi, nous nous retrouvons dans une situation compliquée : certains services déconcentrés n’atteignent plus une taille critique. Nous travaillons, dans tous les ministères, pour améliorer le service public et pour réaliser, chaque fois que c’est possible, des économies sur des postes qui ne semblent pas concourir à l’amélioration susvisée.

C’est cet équilibre-là, patient, minutieux, méticuleux, que nous allons rechercher, en lieu et place d’une politique qui consistait à fermer les yeux et aveuglément à ne pas remplacer le départ à la retraite d’un fonctionnaire sur deux.

Certes, des fonctionnaires partant à la retraite ne seront pas remplacés. Il y aura une volonté de réorganiser le service public. Ce ne sera pas simple. J’espère bien que le Sénat, tant son opposition que sa majorité, l’Assemblée nationale et l’ensemble de celles et ceux qui veulent contribuer à l’amélioration du service public nous aideront dans cette tâche, qui répond à l’intérêt général.

Mme Michèle André. On sera là !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En tout cas, maîtriser la dépense publique sans pour autant dégrader le service public est l’une de nos priorités.

La règle d’or constitutionnelle a également été évoquée. Je vous ferai remarquer que l’Espagne, avant même l’adoption du traité, avait inscrit la règle d’or dans sa Constitution. Mais une telle inscription, cette forme de conversion à des modèles anglo-saxons de golden rules, qui serait, en quelque sorte, une ligne Maginot, n’empêche ni ceux qui veulent spéculer de le faire, ni les agences de notation de regarder un jour le niveau d’endettement d’un pays et le lendemain ses perspectives de croissance ou de récession.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est certain !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pour ma part, je n’ai pas pour religion les agences de notation. J’observe d’ailleurs que ce n’est pas sous notre mandat que la note de la France a été dégradée par Moody’s et mise sous perspective négative par Standard and Poor’s. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement sera jugé sur sa fermeté et sur celle de la représentation nationale en matière de réduction des déficits et sur sa volonté de mener une stratégie de croissance – nous avons abondamment développé cette dernière, je n’y reviens pas. C’est ce qui garantit que, demain, nous serons à l’abri des éventuelles convulsions erratiques des marchés, qui ne nous plaisent ni aux uns ni aux autres, et des stratégies de spéculation menées notamment par un certain nombre de fonds d’investissement.

Je souhaite maintenant dire quelques mots à propos de Dexia. Nous travaillons sur le partenariat à long terme entre la Banque postale et la Caisse des dépôts. J’espère que nous pourrons apporter des solutions durables. Pour permettre aux collectivités d’assurer le bouclage de leur financement, Pierre Moscovici a annoncé qu’il débloquerait une enveloppe de prêts sur le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts à hauteur de 3 milliards d'euros, somme qui s’ajoutera aux 2 milliards d'euros déjà mis à disposition. Cela permettra d’apporter une première réponse.

Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, je le dis et je le répète, à force d’entendre affirmer qu’une seule politique est possible, la pire chose serait que nos compatriotes aient l’impression, lors des élections, que, par leur vote, ils choisissent seulement l’ordre dans lequel ils acceptent de perdre leurs droits. La démocratie, ce n’est pas cela !

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je reconnais la cohérence de votre argumentation et vous, vous pouvez critiquer la nôtre. Comme l’a fait remarquer le président Marini, l’opposition fera son travail. Quant à nous, nous l’écouterons avec sérieux. Notre différence ne réside pas dans une appellation, dans la façon de nommer la même politique, car nous ne faisons pas la même politique que vous !

M. Serge Dassault. Vous avez tort !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Notre politique est empreinte du souci de la croissance, de la réduction des déficits et du progrès social. Je vous appelle, mesdames, messieurs les sénateurs, à essayer de nous soutenir dans cette tâche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC.)

M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Nous en avons terminé avec le débat sur les orientations des finances publiques.

10

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu :

- de M. Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le rapport 2011 de l’Observatoire de l’épargne réglementée, établi en application de l’article L. 221-9 du code monétaire et financier.

- de M. Jean Marie Rolland, président du Conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU), le rapport d’activité 2011 de ce fonds, établi en application de l’article R. 862-8 du code de la sécurité sociale.

Ils ont été transmis respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires sociales.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Ils sont disponibles au bureau de la distribution.

11

Communications du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel le vendredi 13 juillet 2012, une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-277 QPC), et le mardi 17 juillet 2012, les décisions de renvoi de deux questions prioritaires de constitutionnalité (2012-278 QPC et 2012–279 QPC).

Acte est donné de ces communications.

Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

12

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 18 juillet 2012 :

À quatorze heures trente :

1. Projet de loi autorisant la ratification du traité d’amitié et de coopération entre la République française et la République islamique d’Afghanistan (Procédure accélérée) (n° 663, 2011-2012)

Rapport de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 670, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 671, 2011-2012)

2. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Serbie portant sur la coopération policière (n° 497, 2011-2012)

Rapport de M. Jacques Berthou, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 646, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 647, 2011-2012)

3. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation du protocole d’amendement et d’adhésion de la Principauté d’Andorre au traité entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif à la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales (n° 133, 2011-2012)

Rapport de M. Jean-Louis Carrère, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 642, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 643, 2011-2012)

4. Projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre la République française et la République fédérale d’Allemagne instituant un régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts (n° 372, 2010-2011)

Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 650, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 651, 2011-2012)

5. Projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’établissement du bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Central » entre la République fédérale d’Allemagne, le Royaume de Belgique, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la Confédération suisse (n° 421, 2011-2012)

Rapport de M. Daniel Reiner, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 644, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 645, 2011-2012)

6. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de notes verbales entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l’interprétation de la convention relative au service militaire des double-nationaux du 16 novembre 1995 et mettant fin au dispositif mis en place par l’accord sous forme d’échange de notes des 28-29 décembre 1999 (n° 611, 2010-2011)

Rapport de M. Rachel Mazuir, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 648, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 649, 2011-2012)

7. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan dans le domaine de la protection civile, de la prévention et de l’élimination des situations d’urgence (n° 349, 2011-2012)

Rapport de M. Bernard Piras, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 415, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 417, 2011-2012)

8. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif à la coopération en matière de lutte contre la criminalité (n° 348, 2011-2012)

Rapport de M. Bernard Piras, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 415, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 416, 2011-2012)

9. Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération en matière de sécurité intérieure entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État des Émirats arabes unis (n° 496, 2011-2012)

Rapport de Mme Nathalie Goulet, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 630, 2011-2012)

Texte de la commission (n° 631, 2011-2012)

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures quinze.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART