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Communication d’un avis sur une désignation
M. le président. En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et conformément aux termes de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, la commission des finances lors de sa réunion du mercredi 25 juillet 2012 a émis un vote favorable ( 28 voix pour, 2 voix contre et 2 votes blancs) en faveur de la désignation de M. Gérard Rameix, aux fonctions de président de l’Autorité des marchés financiers.
Acte est donné de cette communication.
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Loi de finances rectificative pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, aux articles additionnels après l’article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :
« Section XXIII
« Contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires réalisé par les établissements de santé privés à but lucratif
« Art. 235 ter ZG. – I – Il est institué à la charge des établissements de santé privés à but lucratif, mentionnés à l’article L. 5123-1 du code de la santé publique, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires qu’ils ont réalisé en 2011 et 2012.
« Cette contribution est due dès lors que le chiffre d’affaires atteint 500 000 euros et est égal à 2 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
« II. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« III. – Le bénéfice de cette contribution est affecté aux centres de santé présentant d’importantes difficultés financières, inscrits sur une liste nationale établie par les représentants des agences régionales de santé. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Avec cet amendement, nous souhaitons relancer le débat sur le financement des centres de santé, dont certains éprouvent d’importantes difficultés financières.
Disant cela, je pense en particulier aux centres de santé des Bouches-du-Rhône, gérés par le Grand Conseil de la Mutualité et qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Si celle-ci devait aboutir, les centres de santé de mon département, qui accueillent une population pour laquelle ces structures représentent le seul accès aux soins primaires, seront contraints de fermer. Au drame sanitaire évident s’ajouterait un drame social, avec la suppression de plusieurs centaines d’emplois.
Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est intervenue afin que soit organisée une table ronde entre les différents acteurs. Celle-ci n’a malheureusement pas pu déboucher sur des solutions concrètes et nous regrettons vivement que l’Agence régionale de santé, placée sous la tutelle de Mme la ministre, n’ait pas pu débloquer un fond financier d’urgence, alors même que, quelques semaines auparavant, elle a dégagé 40 millions d’euros d’aide exceptionnelle à destination d’une clinique commerciale.
Je connais l’attachement du Gouvernement aux structures qui participent au service public hospitalier et nous accueillons positivement les annonces faites en ce sens. Il ne faudrait pas oublier les centres de soins qui, sans être des structures hospitalières, participent de fait à la satisfaction des besoins en santé des populations, dont les plus fragiles d’un point de vue économique et social.
Avec cet amendement, nous proposons de faire contribuer financièrement les cliniques commerciales à la satisfaction de ces besoins particuliers via les centres de santé.
Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, publiée le 13 mars 2012, « le chiffre d’affaires des cliniques privées a augmenté de 3,5 % ».
Cette situation économique plutôt satisfaisante pourrait par ailleurs profiter d’une nouvelle amélioration du fait des mesures introduites par la loi HPST. Je pense précisément à la disposition qui autorise les cliniques à créer des centres de santé ou à réaliser des missions de service public supplémentaires : des mécanismes qui agissent comme de véritables aspirateurs à clientèle.
Or l’État et la sécurité sociale participent au financement de ces structures. Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de 2005, le privé lucratif, qui n’accueille qu’un tiers des malades, a reçu 42 % de l’argent distribué par l’État pour les investissements, en 2006.
Pour toutes ces raisons, il nous semble légitime que les cliniques commerciales, qui, nul ne l’ignore, pratiquent une politique tarifaire discriminatoire socialement, participent au financement de ces structures innovantes et socialement efficaces que sont les centres de santé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les cliniques commerciales demeurent des acteurs incontournables de notre système de soins. Or la situation financière de beaucoup de ces cliniques semble aujourd’hui fragile.
Ainsi, selon la Fédération de l’hospitalisation privée, en 2010, près de 43 % d’entre elles étaient en déficit et 75 % se trouvaient en dessous du seuil de résultat net minimum de 3 % préconisé par les experts financiers.
Dans ces conditions, même si l’amendement présente un intérêt certain en visant à préserver une forme d’équilibre financier pour un acteur incontournable du système de santé en France, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement, car, à notre niveau, les effets d’une telle contribution exceptionnelle sur la situation financière des cliniques commerciales sont difficilement mesurables.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Madame la sénatrice, je comprends parfaitement l’objet de votre amendement. Le Gouvernement est évidemment très préoccupé par la situation financière d’un certain nombre de centres de santé. Je m’engage à signaler le cas que vous venez d’évoquer à ma collègue Marisol Touraine : j’espère qu’elle pourra étudier avec vous les solutions envisageables dans ce cas précis.
Pour autant, le Gouvernement ne peut accueillir favorablement votre amendement. D’abord, comme vient de l’indiquer le rapporteur général, ces cliniques, que vous qualifiez de commerciales, mais qui sont habituellement dénommées « cliniques privées », sont dans une situation telle qu’une taxe supplémentaire ne serait pas anodine pour elles. Elles aussi ont besoin de sacrifier à un certain équilibre financier.
J’ajoute que, dans ce projet de loi de finances rectificative, les prélèvements obligatoires augmentent, ce que d’aucuns nous reprochent d’ailleurs avec vigueur, et il ne me paraît pas opportun d’en « rajouter », si vous me permettez cette expression.
Le Gouvernement assume le prélèvement supplémentaire de 7,2 milliards d’euros proposé dans ce projet de loi de finances rectificative, mais il lui paraît difficile, à l’heure actuelle, d’opérer un prélèvement supérieur à celui-là.
Je donne donc un avis défavorable sur votre amendement, en espérant toutefois votre compréhension.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. J’entends bien les arguments de la commission des finances et du Gouvernement.
Cela étant, je précise que, par exemple, le profit net du premier groupe français, Générale de santé, qui représente 50 % des établissements installés en France, est passé de 24 millions à 59,4 millions d’euros, ce qui lui a permis de verser 420 millions d’euros à ses actionnaires en 2009. Le groupe Vedici a réalisé, pour sa part, 350 millions d’euros de chiffre d’affaires et le groupe Capio, quant à lui, 490 millions d’euros.
Donc, si certaines cliniques sont en difficulté, je pense que ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles.
En ce qui concerne les centres de santé mutualistes, nous avons déjà alerté Marisol Touraine sur leur situation et elle a permis que soit organisée une table ronde sous l’égide de l’Agence régionale de santé.
Cela étant, je maintiens mon amendement, car il est véritablement temps d’agir, et ce dans les plus brefs délais, dans l’intérêt des centres mutualistes, qui réclament depuis des années l’attribution de ce fonds d’urgence. Je comprends que le gouvernement actuel ne soit pas comptable de la politique du gouvernement précédent, mais les centres mutualistes seront en cessation de paiement dès la fin du mois prochain.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un F ainsi rédigé :
« F. – Les opérations d’achat réalisés par les centres de santé mentionnés à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique ainsi que par leurs organismes gestionnaires pour leur compte. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par l’augmentation de la taxe sur les transactions financières visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.
Les centres de santé sont des structures de soins atypiques dans un monde médical marqué tout à la fois par le paiement à l’acte et par la prédominance de l’exercice libéral en médecine ambulatoire. Ces deux caractéristiques ont conduit à ce que, pendant des années, les centres de santé soient victimes d’une forme d’ostracisme de la part tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé eux-mêmes.
Depuis quelque temps, face aux défis que représentent la démographie médicale, la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire national et l’attrait des jeunes médecins pour la médecine de premier recours, les centres de santé sont apparus comme des structures pertinentes, en même temps qu’elles sont évidemment très utiles.
Ces centres sont utiles parce qu’ils constituent une réponse efficace pour celles et ceux qui souhaitent bénéficier, à des tarifs conventionnés – ce qui est essentiel eu égard à leurs ressources –, de soins de qualité et d’une organisation médicale favorisant à la fois l’approche globale et la prévention. Pour les populations, l’intérêt est donc évident.
Il en va de même pour les professionnels, qui sont de plus en plus nombreux à plébisciter ce mode d’organisation. J’en veux pour preuve le rapport remis par Mme Acker en 2007, mais qui demeure d’actualité.
Dans ce rapport, il est rappelé, à juste titre, que les centres de santé répondent aux nouveaux enjeux que j’ai mentionnés et que ce qui constitue leur force, c’est leur différence avec les autres formes d’exercice regroupé. À titre d’exemple, les professionnels interrogés reconnaissent l’intérêt d’exercer en salarié, d’être déchargés de toute obligation administrative et d’avoir un mode de tarification leur permettant d’assurer une approche à la fois sanitaire et sociale, indispensable lorsqu’il s’agit d’accueillir des populations fragilisées socialement.
Malgré tous ces avantages, une question demeure, dont le rapport fait état : « Il apparaît ainsi que les centres de santé, du moins une grande partie d’entre eux, développent des pratiques et une philosophie de soins qui répondent particulièrement bien aux enjeux actuels de notre système, là où ils sont implantés. Dès lors se pose la question de savoir pourquoi ils sont en si grande difficulté, si peu connus et peu implantés. »
Cette interrogation est fondamentale et trouve malheureusement sa réponse dans l’application à ces centres de règles dérogatoires qui leur sont défavorables. Ces règles, comme le financement de certaines pratiques, par exemple le tiers payant, ou encore certains actes préventifs, mettent en péril l’équilibre financier des centres de santé.
Cet amendement ne résoudra certainement pas à lui seul toutes les difficultés. Mais en exonérant les centres de santé, ou leurs gestionnaires, de la TVA sur les achats qu’ils réalisent, il permet d’augmenter la capacité d’autofinancement de ces centres, ce qui contribuera à faciliter leur maintien et leur développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission des finances est défavorable à cet amendement pour une raison bien simple : il est contraire à la directive européenne relative à la TVA.
En effet, l’amendement tend à soumettre à un taux réduit les achats réalisés par une catégorie d’acteurs, en l’occurrence les centres de santé. Or la directive prévoit que l’application du taux réduit ne peut concerner que des catégories d’opérations, non des catégories d’acteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement ne peut que reprendre à son compte l’argumentation développée par le rapporteur général. Cet amendement, s’il était adopté, serait contraire à une directive.
Madame la sénatrice, je conçois que cet argument ne vous satisfasse pas ; néanmoins, il s’impose.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme Isabelle Pasquet. Je retire mon amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
L'amendement n° 83, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 279-0 bis du code général des impôts est abrogé.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 1er bis (nouveau)
Après le mot : « habitation », la fin du dixième alinéa du III de l’article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est ainsi rédigée : « ou d’une décision favorable prise dans les conditions prévues aux articles R. 331-3 et R. 331-6 du même code avant cette même date. »
M. le président. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Dilain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Le deuxième alinéa du 8° du III de l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ces cas, la livraison à soi-même au taux de 5,5 % peut s’appliquer aux travaux facturés au taux de 7 % en application de l’article 279-0 bis du code général des impôts, sous réserve que ces travaux remplissent les conditions précitées. »
... - La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cet amendement tend à maintenir une TVA à 5,5 % pour les travaux de rénovation et d’acquisition-rénovation réalisés dans les organismes HLM. Cette mesure est transitoire puisque, vous le savez, ce régime a été prévu pour les opérations qui avaient été validées par l’État avant le 1er janvier 2012.
Il se trouve que, dans le texte de la loi, n’ont été pris en compte que très peu de travaux, comme ceux portant sur les ascenseurs et quelques éléments de rénovation, en omettant les opérations d’acquisition-rénovation. Je pense notamment aux travaux d’isolation thermique ou de changement d’huisserie qui visent à améliorer les qualités thermiques des bâtiments.
Je vous propose de modifier cette mesure qui, je le répète, n’est que transitoire. Cela pourrait avoir un impact important sur l’équilibre des organismes ayant engagé ou programmé des rénovations, qu’ils seraient, sinon, peut-être amenés à annuler.
M. le président. Le sous-amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l’amendement n° 19 rectifié
Remplacer les mots :
Dans ces cas
par les mots :
Dans ces deux derniers cas
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la sénatrice, le Gouvernement serait favorable à l’adoption de votre amendement dès lors qu’il serait modifié par le sous-amendement du Gouvernement. Celui-ci a pour objet non pas de vider de son sens votre amendement, mais d’en préciser la portée pour faciliter la compréhension du dispositif.
Accessoirement, cette précision ne serait pas inutile pour limiter le coût de la mesure, qui pourrait être de 10 à 15 millions d’euros.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Voilà un ministre généreux ! 15 millions de dépense !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l'amendement et sur le sous-amendement ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous attendions que le Gouvernement nous apporte des indications sur l'amendement de Mme Lienemann. Le sous-amendement qui vient d’être présenté nous permet d’être certains que le périmètre sera bien défini.
Le ministre avait réservé son approbation à l'Assemblée nationale dans l’attente d’un chiffrage de la mesure. Puisque des précisions nous ont été apportées, nous pouvons être rassurés et décider en connaissance de cause.
La commission est donc favorable à l'amendement et au sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ignore si c’est conforme aux usages et j’espère ne choquer personne, mais je m’aperçois que j’ai omis de citer Daniel Goldberg : c’est lui qui, à l'Assemblée nationale, avait attiré l’attention du Gouvernement sur cet aspect particulier de la législation relative au logement. Je m’en voudrais de ne pas le mentionner au moment où la Haute Assemblée s’apprête précisément à voter la disposition qu’il défendait. J’espère, madame Lienemann, que vous ne m’en voudrez pas d’avoir ainsi rappelé le rôle qu’a joué M. Goldberg dans l’élaboration de cette proposition.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. M. le ministre a tout à fait raison de rendre hommage à M. Goldberg, mais je voudrais lui préciser que ce dernier a repris un amendement qui avait été déposé et défendu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, par Mme Lienemann au Sénat (Rires et exclamations.), lequel l’avait voté ! C’est bien notre assemblée qui est à l’origine de cette mesure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jacques Gautier applaudit également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Belle émulation dans la dépense publique !
M. le président. Il faut rendre à César ce qui lui appartient !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 233.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement lève le gage figurant dans l’amendement n° 19 rectifié.
M. le président. Il s’agit donc de l'amendement n° 19 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis, modifié.
(L'article 1er bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 16 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. L’une des dispositions les plus discutables votées en 2011 a sans doute été la mesure visant à geler, à compter de l’imposition des revenus de 2011, le barème de l’impôt sur le revenu en conservant les valeurs figurant à l’article 197 du code général des impôts.
Cette opération présente plusieurs facettes.
Il s’agit d’abord d’une mesure permettant d’accroître le rendement de l’impôt sur le revenu sans avoir à faire varier les taux, l’assiette imposable progressant à raison de toute évolution positive du revenu des contribuables.
Avec cette mesure, un fonctionnaire victime du gel du point d’indice mais bénéficiant d’une promotion, ne serait-ce que d’un échelon dans son grade, devra contribuer plus fortement au budget de la nation.
De la même manière, un retraité dont la pension a été revalorisée à hauteur de l’indice des prix, comme c’est le cas depuis la réforme Balladur de 1993, verra le montant de son imposition évoluer à due proportion.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu est le plus sûr moyen qu’avait trouvé la majorité de l’époque, devenue opposition aujourd'hui, pour faire contribuer au redressement des comptes publics la plus grande partie des contribuables de notre pays, qui n’ont, généralement, que le produit de leur travail ou une retraite pour vivre.
Une telle mesure a évidemment des effets collatéraux puisque d’autres dispositions fiscales sont en partie liées à l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et que les droits connexes tenant à une non-imposition peuvent se trouver mis en cause. Je pense notamment à la taxe d’habitation et à l’allocation personnalisée au logement, mais cela concerne bien d’autres dispositifs puisque tous les tarifs sociaux appliqués par les collectivités locales à de nombreuses familles sont adossés au revenu imposable.
S’il convient d’agir sur l’assiette de l’impôt sur le revenu, qui est à la fois bien trop étroite et largement émoussée par de multiples dispositions dérogatoires, il importe toutefois de faire en sorte que les « victimes » du rééquilibrage fiscal ne soient pas toujours les mêmes.
En effet, le gel du barème frappe d’abord et avant tout ceux qui n’ont rien à cacher, dont les revenus sont connus et qui, le plus souvent, renvoient leur déclaration pré-imprimée sans y apporter de modifications substantielles. Il est évident que, en revanche, l’essentiel des revenus dissimulés à l’imposition, qui permettent d’« animer » l’activité des services luttant contre la fraude fiscale, provient des autres revenus catégoriels, de ceux qui échappent à la stricte application du barème de l’impôt.
Il faut éviter que notre système fiscal ne pénalise par trop l’effort, le travail et, par-dessus tout, la transparence ; nous devons donc promouvoir une fiscalité qui, dans un souci d’égalité et de justice, permette de lutter contre la fraude.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Notre collègue Marie-France Beaufils attire notre attention sur la question extrêmement importante des effets pervers du gel du barème de l’impôt sur le revenu, particulièrement dommageables pour un certain nombre de nos concitoyens, notamment ceux d’entre eux qui n’étaient pas imposables et qui le deviennent ou ceux qui passent dans une tranche supérieure.
Il serait heureux de corriger ces effets pervers. Le Gouvernement, qui est conscient de cette situation, a prévu, me semble-t-il, de modifier ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2013, dans le cadre plus global d’une réforme de l’ensemble des impositions sur le revenu.
Dès lors, c’est au moment de la discussion budgétaire de cet automne que ces différents sujets devraient être abordés. Cela vaut pour cet amendement et pour d’autres portant également sur l’impôt sur le revenu et qui seront présentés aujourd'hui ou demain.
Dans ces conditions, la commission des finances souhaite le retrait de cet amendement, même si elle reconnaît qu’il est intéressant tant dans sa formulation que dans sa philosophie, partagée par nombre d’entre nous.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous avez évoqué, à juste titre, comme l’a souligné le rapporteur général, les « effets de bord » de cette réforme, qui sont incontestables. Pour autant, le Gouvernement ne peut que donner un avis défavorable sur votre amendement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les opérations de recouvrement des impôts sur le revenu intégrant ce gel du barème ont déjà été engagées. Vous imaginez la complexité administrative qui résulterait de l’annulation de cette disposition ! Je ne suis pas sûr que cela faciliterait la tâche d’une administration déjà beaucoup sollicitée en raison du contexte.
Deuxièmement, le rapporteur général vient d’y faire référence, le Gouvernement proposera au Parlement une réforme de l’impôt sur le revenu dans le cadre de la prochaine loi de finances initiale.
M. Francis Delattre. Nous l’attendons avec intérêt, cette réforme !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Des suggestions telles que la vôtre pourraient y avoir toute leur place.
Dans cette perspective, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu que les travaux de recouvrement de l’impôt sur le revenu étaient déjà engagés. Je regrette donc que nous n’ayons pas agi plus tôt !
Encore une scorie que nous laisse la majorité sortante et qu’elle n’aura pas à assumer (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)…
M. Jean-Claude Gaudin. Il y avait longtemps !
Mme Marie-France Beaufils. … puisque ce n’est pas elle qui aura à en subir le contrecoup !
J’espère que les élus locaux présents dans cet hémicycle s’en souviendront tout à l'heure, lorsque nous présenterons notre amendement relatif à la taxe d’habitation. Soyez sûrs que, si vous ne le votez pas, c’est vous, élus locaux, qui serez rendus responsables de l’augmentation de la taxe d’habitation qu’un certain nombre de personnes devront payer parce que vous aurez maintenu le gel de l’impôt sur le revenu. Mais, chers collègues de l’opposition, au moment de voter cette mesure, l’an dernier, vous n’avez pas voulu nous entendre lorsque nous en dénoncions les redoutables conséquences. Eh bien, aujourd'hui, on perçoit clairement ses effets pervers.
Les membres du groupe CRC acceptent de retirer cet amendement. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Nous avons entendu votre appel, mais j’espère que vous avez entendu aussi le mien.
Je m’apprête à présenter un autre amendement dont l’adoption aurait pu nous permettre de trouver un équilibre financier. Je rappelle en effet que, pour les contribuables, le coût du gel du barème s’élève à 1,7 milliard d’euros, soit le montant exact de ce qu’a représenté l’abaissement de l’impôt de solidarité sur la fortune auquel vous avez procédé l’année dernière ! Souvenez-vous-en plutôt que de protester sur le coût des mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)