M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur le plan d’adaptation des implantations territoriales de la Banque de France. C’est un sujet très important, notamment pour certains territoires.
La Banque de France doit faire face à une mutation profonde des conditions d’exercice de ses missions. Dans les prochaines années, 5 000 agents vont partir à la retraire, dont 2 600 travaillent actuellement dans le réseau. Par ailleurs, et ce phénomène n’est pas propre à la Banque de France, il touche l’ensemble de l’activité bancaire, les mutations technologiques induisent une automatisation croissante de certaines opérations mais également le développement de l’usage d’internet. La Banque de France est confrontée, enfin, à une mutation territoriale qui conduit certaines implantations à une réduction de leur activité.
Face à ces défis, il est légitime et même nécessaire que la Banque de France réfléchisse à son organisation, comme toutes les administrations publiques d’ailleurs, et cherche à améliorer les services rendus aux usagers en en minimisant les coûts.
Dans ce contexte, le gouverneur a présenté – vous y avez fait référence – lors du comité central d’entreprise du 21 septembre dernier, un plan de réorganisation qui fait actuellement l’objet d’une consultation tant des personnels que de l’ensemble des acteurs locaux. Ce plan, qui concerne à la fois l’activité fiduciaire et l’activité tertiaire de la Banque, doit être progressivement mis en place entre 2013 et 2020. C’est une garantie que les choses soient faites non dans la précipitation mais de façon cohérente et mesurée.
Les principes énoncés dans ce plan répondent aux préoccupations de l’État.
Premièrement, le plan garantit le maintien d’une couverture géographique importante, notamment par la présence d’une succursale de la Banque dans chaque département. Le niveau départemental est bien adapté, il permet d’optimiser les moyens déployés par la Banque tout en assurant de nombreuses missions, notamment de proximité. Je pense aux relations avec les usagers, aux personnes surendettées – cette proximité est nécessaire pour elles, vous y avez fait référence –, aux entreprises, notamment dans le cadre de la médiation du crédit, et à l’accompagnement des collectivités locales.
Une implantation infradépartementale sera également assurée là où des conditions géographiques ou économiques le justifient. Il est très important de faire en sorte que des antennes économiques puissent être maintenues dans un certain nombre de villes en fonction de la réalité territoriale.
Cette réforme ne se fera donc pas au détriment des usagers – c’est une demande de notre part –, qui continueront à bénéficier de toutes les fonctions de proximité et d’accueil.
Deuxièmement, le plan permet une optimisation des moyens de gestion par la spécialisation et la concentration des traitements de masse. La gestion des dossiers de surendettement sera effectuée par trente-cinq centres de gestion partagée et l’activité de cotation des entreprises par quarante centres de traitement partagé, soit au total quarante-quatre implantations réparties entre les chefs-lieux de région et les succursales départementales ayant une activité suffisante.
S’agissant de l’activité fiduciaire, je note que la Banque est confrontée à de lourds défis relatifs à la modernisation de ses équipements, aux pratiques de recyclage et des transports de fonds, ainsi qu’aux contraintes posées par l’Eurosystème. Le maillage du territoire à partir de deux nouveaux centres fiduciaires dans le Nord et en Seine-Saint-Denis, d’un centre d’appui à Chamalières et de vingt-neuf caisses réparties sur l’ensemble du territoire sont de nature, me semble-t-il, à répondre de manière efficace aux besoins, en garantissant la sécurité des implantations et des transports.
Troisièmement, le plan repose sur un calendrier de mise en œuvre très progressif : aucune fermeture d’unité tertiaire n’interviendra ainsi avant 2016.
Quatrièmement, enfin et surtout, le plan prévoit la mise en place d’un accompagnement social : un plan de sauvegarde de l’emploi est prévu pour les 227 agents qui peuvent être concernés à terme par des fermetures de caisses. Compte tenu des départs à la retraite, ce sont seulement 175 agents qui seront concernés par des reclassements géographiques ou fonctionnels. La Banque prévoit d’ores et déjà des formations et des offres de mutation permettant d’anticiper dans les meilleures conditions cette nécessaire mobilité.
Concernant plus spécifiquement la région Midi-Pyrénées à propos de laquelle vous m’interrogez, le réseau de la Banque de France s’organisera autour de la succursale de Toulouse, qui assurera à la fois les activités de traitement des dossiers et les fonctions opérationnelles de proximité, notamment en matière de surendettement. En outre, conformément au principe de la départementalisation, la région bénéficiera de huit succursales situées dans les chefs-lieux de départements qui assureront des fonctions de proximité. Il est également prévu la création d’un bureau d’accueil et d’information à Castres-Mazamet.
Aucune suppression de postes n’interviendra en Midi-Pyrénées avant 2016. En effet, la fermeture des caisses de Rodez et de Tarbes n’est prévue qu’entre 2016 et 2020. Par ailleurs, en dehors de la fermeture à terme du bureau d’accueil et d’information de Saint-Gaudens, qui reçoit 750 visiteurs par an – soit moins de trois par jour –, les projets de la Banque se traduiront par un développement de l’activité de la succursale de Toulouse, dans laquelle une part très significative des agents partant à la retraite sera bien évidemment remplacée.
Cette réforme doit permettre de garantir l’efficacité de l’action de la Banque et de maintenir un haut niveau de service auprès des usagers.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que je relirai avec attention dans la mesure où elle contient beaucoup d’informations s’agissant des dates et de l’étalement pluriannuel.
Je suis contente de constater que le gouverneur Christian Noyer n’est pas seul maître à bord. Vous m’en voyez rassurée. Excusez mon impertinence, mais l’État étant le principal et seul actionnaire de la Banque de France, je trouvais important de formuler cette remarque.
Je m’en permettrai une autre, sur les missions.
Vous savez bien qu’en cette période de crise – je le répète –, le surendettement est une part importante de l’activité de la banque et je ne suis pas sûre que la technologie et l’internet peuvent remplacer le dialogue. Les intéressés ont déjà du mal à faire la démarche et ce n’est pas une machine qui leur répondra avec attention.
transparence et sincérité du vote par internet
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, auteur de la question n° 167, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, j’avais posé, il a quelque temps, une question à M. le ministre de l’intérieur concernant le vote par internet et les dangers qui en découlent. C’était M. le ministre des affaires étrangères qui m’avait alors répondu, sans doute parce que, lors des élections législatives, les Français de l’étranger avaient eu recours à ce système, qui a montré quelques défaillances et qui n’a pas vraiment mobilisé les électeurs.
Je veux aujourd'hui poser une nouvelle fois ma question au ministre de l’intérieur parce que de nombreux éléments sont de nature à nous inquiéter quant à la sincérité et à la transparence du vote électronique ou du vote par internet.
Tout d’abord, des experts nous assurent avec certitude qu’il est tout à fait possible d’introduire dans le programme de ces systèmes de vote un logiciel malveillant qui pourra dévoiler l’identité des votants, ce qui est déjà grave, et, surtout, ce qui l’est plus encore, détourner les votes, c'est-à-dire transformer les résultats.
Ce logiciel malveillant a en outre la particularité de pouvoir s’autodétruire. Ainsi, si vous voulez vérifier que le système a bien fonctionné, vous ne constaterez aucune anomalie, car ce logiciel, après avoir causé des dommages, se sera autodétruit de lui-même et n’apparaîtra donc plus.
D’autres éléments, de plus en plus nombreux – j’en citerai quelques-uns – viennent corroborer nos inquiétudes.
La CNIL elle-même, dans un extrait rendu public du rapport confidentiel qu’elle a rédigé sur la question, fait part de ses craintes sur la confidentialité du vote.
Deux organismes américains, Common Cause et Verified Voting Fondation, ainsi que la faculté de droit de l’université Rutgers, se sont également inquiétés des effets néfastes du vote électronique sur le décompte final.
Enfin, dans un jugement en date du 7 juin 2012, le tribunal d’instance de Brest, qui avait été saisi à l’occasion d’un contentieux sur des élections de délégués du personnel et du comité d’entreprise organisées dans le Finistère par voie électronique, a considéré que toutes les garanties de sincérité du scrutin électronique n’étaient pas en l’espèce réunies. Certes, ce n’est qu’un jugement du tribunal d’instance, et nous savons que des voies de recours sont possibles, mais nous avons là un faisceau d’indices qui prouvent que la fiabilité de ce système n’est aujourd'hui certainement pas établie.
Aussi, je demande au ministre de l’intérieur de m’indiquer les mesures qu’il compte prendre pour éviter que le vote par internet ne porte gravement atteinte à la transparence et à la sincérité du scrutin.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous interrogez M. le ministre de l’intérieur, qui vous prie de bien vouloir accepter que je me fasse son porte-parole, sur la procédure de vote par internet.
Vous avez raison, il s’agit d’un sujet important, qui exige prudence ; cette procédure de vote doit être entourée de toutes les garanties nécessaires.
Une procédure de vote par internet a été mise en place pour la première fois en juin 2012 pour l’élection des députés élus par les Français établis hors de France.
Le système de vote a respecté les prescriptions du référentiel général de sécurité adopté par l’État en 2010. Avant sa mise en œuvre, le système de vote par internet a donné lieu à des audits de sécurité réalisés par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, placée sous l’autorité du Premier ministre, ainsi qu’à un audit réalisé par un expert indépendant sur le respect des dispositions de la loi informatique et libertés. Ces audits ont permis aux ministères des affaires étrangères et de l’intérieur d’homologuer le système de vote ainsi que les conditions d’utilisation de celui-ci.
Avec 57 % des votants au premier tour et 54 % au second tour, le vote par internet s’est imposé comme la modalité de vote majoritaire dans cette élection, où la participation est restée très inférieure à la moyenne nationale.
Le ministère des affaires étrangères a apporté, à la suite de votre question écrite n° 1234, des réponses détaillées sur les différentes difficultés techniques qui ont pu être signalées par des utilisateurs et a démontré la fiabilité du système de vote par internet mis en place dans le cadre de cette élection particulière.
Il convient de souligner que le vote par internet constituait une modalité de vote parmi d’autres puisque les électeurs avaient également la possibilité de voter à l’urne, personnellement ou par procuration, ainsi que par correspondance. L’introduction de cette procédure était justifiée par la situation spécifique des électeurs français établis hors de France, une situation que l’on peut aisément comprendre.
En effet, à l’étranger, l’éloignement géographique peut contraindre un électeur à parcourir plusieurs centaines ou milliers de kilomètres pour se rendre dans un bureau de vote, et ce alors même que les déplacements ne sont pas sécurisés en tous lieux, certains étant parfois dangereux. Le vote par internet a permis de répondre à ces situations en offrant la possibilité à un plus grand nombre de Français établis hors de France de pouvoir participer à une consultation électorale nationale.
Au demeurant, il n’est pas du tout envisagé de mettre en place des modalités de vote par internet dans le cadre d’autres élections politiques.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de ces précisions. Il est notamment rassurant d’apprendre que le vote par internet ne devrait pas être étendu à d’autres élections.
Toutefois, je formulerai deux remarques.
Il est vrai que des audits à la fois internes et externes ont été effectués, mais nous savons qu’ils prêtent beaucoup à contestation sur le plan technique. Ces audits ne règlent donc pas la question, d’autant qu’il ne s’agit pas d’une question nationale ; elle se pose à l’ensemble des démocraties.
Par ailleurs, la commission des lois m’a confié, ainsi qu’à notre collègue Antoine Lefèvre, la responsabilité d’élaborer un rapport d’information sur le vote par internet. Cela nous permettra de recueillir des informations supplémentaires en la matière.
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Nomination d'un membre d'une commission sénatoriale
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Cécile Cukierman, membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, à la place laissée vacante par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, démissionnaire de son mandat de sénateur.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Charles Guené.)
PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Questions cribles thématiques
égalité professionnelle entre les hommes et les femmes
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.
Cette séance est la première de celles qui, en application de la décision de la conférence des présidents, se dérouleront désormais le jeudi après-midi en alternance avec les séances de questions d’actualité.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct par Public Sénat, ainsi que par la chaîne France 3, que je tiens à remercier, au nom du président du Sénat, pour le nouveau créneau horaire qu’elle nous réserve.
La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans notre pays, parmi les travailleurs qui occupent un emploi à temps partiel – un sur cinq en métropole, davantage encore en outre-mer –, 70 % sont des femmes.
Disons-le tout net : dans la plupart des cas, le temps partiel est subi ! La preuve en est que 60 % des salariées à temps partiel, c’est-à-dire environ 2 200 000 d’entre elles, déclarent souhaiter une augmentation de leur temps de travail. Et l’on peut supposer que, sur les 40 % restants, nombre de femmes s’autocensurent en quelque sorte, considérant qu’elles ont de toute façon peu de chances d’accéder à un temps plein ou que les frais de garde des enfants amputeraient le gain qu’elles tireraient de ce changement.
Ces moyennes cachent de gros écarts. C’est ainsi que les femmes non diplômées, les employées et les femmes étrangères subissent plus souvent que les autres le temps partiel et que le pic de la proportion des femmes à temps partiel se situe entre 35 et 44 ans.
Selon une communication du Conseil économique et social publiée en 2008 et intitulée « Les femmes face au travail à temps partiel », les secteurs d’activité les plus touchés par le temps partiel féminin sont les services aux entreprises et aux personnes, le nettoyage, la distribution, le commerce et l’hôtellerie-restauration, mais aussi les collectivités territoriales.
Pour ce qui est des salaires, 50 % des femmes occupant un emploi à temps partiel percevraient moins de 800 euros. Or l’ensemble des droits sociaux, la retraite et les indemnités journalières, dont le congé maternité, sont calculés sur cette base.
Selon des données publiées par l’INSEE en 2009, 33 % des foyers monoparentaux, soit 1,6 million de foyers, essentiellement composés de femmes avec au moins un enfant, disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Parmi elles, on compte beaucoup de femmes actives mais au salaire très bas et/ou subissant un temps partiel contraint, morcelé et, bien sûr, peu rémunéré.
Dès lors, on comprend comment il est possible que les femmes, particulièrement celles qui assument seules les charges de leurs enfants, forment la catégorie la plus pauvre de notre pays.
Ces données sont connues. Il nous faut maintenant apporter des changements concrets, avec l’aide des différents ministères concernés par ces questions, dont celui des droits des femmes.
Madame la ministre, comment comptez-vous vous atteler à ce chantier transversal, dont les résultats sont très attendus par une grande partie de la population, qui travaille mais qui ne s’en sort pas ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier Mme Meunier d’avoir mis le doigt sur le problème du temps partiel subi, dont elle a rappelé qu’il touchait plus particulièrement les femmes.
Bien qu’il soit absolument crucial lorsqu’on s’intéresse à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et aux moyens de combattre les disparités, qui demeurent toujours aussi importantes dans notre pays, ce problème a longtemps été laissé de côté ; il fait partie des angles morts des politiques publiques.
Ainsi, on ne s’est pas suffisamment préoccupé de la surreprésentation des femmes dans certaines filières d’activité où la précarité est forte. De même, on n’a pas suffisamment considéré que le temps partiel, synonyme de rémunération partielle et de cotisations partielles pour la retraite, est une forme de triple peine dès lors qu’il est subi.
Aujourd’hui, la moitié de l’écart moyen de rémunération entre les hommes et les femmes – soit une différence de 14 % – résulte d’un recours au temps partiel plus fréquent pour les femmes.
La situation des femmes à temps partiel, déjà très précaire, n’a cessé de se dégrader au cours des dernières années. Il faut savoir qu’au début des années 1980 seulement 1 500 000 femmes étaient embauchées à temps partiel et que, trente ans plus tard, elles sont plus de deux fois plus nombreuses : 3,7 millions, soit un tiers des femmes salariées !
Il est toujours intéressant d’examiner la manière dont les pays qui nous entourent se sont emparés de cette problématique, et je crois qu’il existe une spécificité française liée à la répartition inégale des tâches domestiques entre les hommes et les femmes. J’aurai tout à l’heure l’occasion de revenir sur ce point, qui mérite toute notre attention.
Lors de la grande Conférence sociale de juillet dernier, nous avons décidé que les partenaires sociaux pourraient négocier sur la question du temps partiel. Ils ont commencé à le faire dès le 21 septembre et se sont engagés à nous remettre leurs conclusions avant le 8 mars 2013. Cette négociation doit porter principalement sur trois points.
Il s’agit d’abord de mieux protéger les femmes qui travaillent à temps partiel, en particulier celles qui, parce qu’elles ont un très petit temps partiel, n’ont pas accès à un certain nombre de droits sociaux comme les indemnités journalières.
Il convient aussi de sanctionner les entreprises qui recourent de manière abusive au temps partiel – car nous savons que des abus existent.
Enfin, il faut favoriser davantage qu’on ne le fait aujourd’hui le passage du temps partiel au temps complet, ce pour quoi un certain nombre de dispositions législatives pourront être prises. (M. Roland Courteau acquiesce.)
Sachez que, sans attendre les conclusions des partenaires sociaux, nous organiserons, le 19 novembre prochain, une « conférence de progrès » sur le temps partiel ; elle permettra d’examiner la question du temps partiel dans plusieurs branches professionnelles et d’y apporter de premières réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour la réplique.
Mme Michelle Meunier. Je vous remercie, madame la ministre, des éléments de réponse que vous m’avez donnés.
Il serait effectivement intéressant, vous y avez fait allusion, de ne pas considérer seulement la situation française, mais d’étudier aussi ce qui se fait à cet égard dans d’autres pays européens.
Cela me fournit l’occasion de saluer le soutien que vous avez apporté, au nom de la France, au projet de directive européenne soutenu par Mme Viviane Reding et qui vise à renforcer la présence des femmes dans les conseils d’administration des entreprises.
Je vois dans cette position publique un engagement pour le changement auquel aspirent nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je vois que nous partageons certaines préoccupations.
Oui, le temps partiel a un genre : il est féminin.
Or le temps partiel est un paramètre clé des inégalités salariales et professionnelles. En particulier, il explique un peu plus d’un tiers de l’écart d’environ 27 % qui existe entre les salaires des femmes et ceux des hommes.
Le temps partiel n’est pas seulement un angle mort : il s’est considérablement développé au cours des vingt dernières années sous l’impulsion de politiques qui l’ont rendu attractif pour les employeurs.
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le temps partiel a été favorisé par des abattements de cotisations sociales et par le fait qu’il permettait davantage de flexibilité dans la gestion de la main-d’œuvre.
Souvent présenté comme un moyen d’assurer une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie personnelle, le temps partiel, dans la réalité, est bien plus souvent subi que choisi : avec ses horaires morcelés, ses délais de prévenance très courts et son régime de coupures, il ne facilite pas l’articulation entre les différents temps de vie.
S’appliquant en outre à des emplois peu qualifiés et, par conséquent, mal rémunérés, il vient gonfler des cohortes de travailleuses pauvres.
Pour toutes ces raisons, l’encadrement du travail à temps partiel doit être revu.
Dans cette perspective, plusieurs pistes ont été proposées à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes au cours des auditions qu’elle mène cette année sur le thème : « Femmes et travail ».
Il s’agit notamment de prévoir des majorations salariales pour l’ensemble des heures complémentaires accomplies, de réviser le niveau des exonérations sociales, de modifier les conditions de réversibilité du temps partiel vers le temps plein, de renforcer l’accès à la formation et aux droits sociaux et d’améliorer l’encadrement de la durée des intervalles entre les prises de poste ou des délais de prévenance.
La négociation collective peut, sur certains de ces points, apporter des améliorations significatives ; mais d’autres appellent une révision du cadre législatif.
Madame la ministre, pouvez-vous nous présenter de manière plus détaillée la feuille de route du Gouvernement sur ce sujet, qui intéresse un très grand nombre de nos compatriotes parmi les plus touchées par la précarité et la pauvreté ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Gonthier-Maurin, je crois que ce n’est pas un hasard si Mme Meunier et vous-même m’avez toutes deux interrogée sur le temps partiel : vous avez l’une et l’autre conscience que c’est aujourd’hui l’une des principales causes de la précarité des femmes dans la vie économique.
Cette situation est particulièrement difficile à vivre pour les femmes qui sont, de surcroît, à la tête d’une famille monoparentale. On observe en effet que les deux phénomènes sont souvent liés.
Ceux qui cherchent à minimiser le problème du temps partiel soutiennent qu’il est souvent choisi, notamment parce qu’il permettrait une meilleure articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, c'est-à-dire en fait pour pouvoir s’occuper du foyer.
C’est pourquoi il faut souligner avec force, comme vous l’avez très justement fait, mesdames les sénatrices, que le temps partiel empêche au contraire très souvent les femmes d’avoir une vie personnelle et familiale. En effet, le temps partiel s’accompagne d’horaires atypiques et imprévisibles, qui sont pour ces femmes, cause de complications et même de souffrance. Du fait du temps partiel, loin de mieux concilier leur vie personnelle et leur vie professionnelle, elles se trouvent encore plus tiraillées entre ces deux temps de vie.
Comme vous, madame Gonthier-Maurin, je pense qu’il est nécessaire de sanctionner les entreprises qui commettent des abus. Il est vrai que, ces dernières décennies, on a beaucoup laissé les entreprises recourir au temps partiel, en leur accordant à ce titre un certain nombre d’avantages.
En particulier, le statut des heures complémentaires soulève une vraie difficulté. Il faudra le revaloriser pour faire en sorte que ces heures soient considérées un peu comme les heures supplémentaires pour un temps plein. C’est l’un des sujets sur lesquels les partenaires sociaux travaillent dans les conditions que j’ai indiquées tout à l’heure.
La question d’une meilleure prévisibilité et d’une plus grande amplitude des horaires se pose également, de même que celle d’un nombre minimal d’heures de travail. Ce plancher devra sans doute être déterminé branche par branche, parce qu’il est impossible d’appliquer la même solution à des situations différentes. Mais il n’est plus admissible que des personnes soient employées à des temps si réduits qu’elles n’ont pas accès à certains droits sociaux.
Si nous avons invité les partenaires sociaux à négocier sur la question du temps partiel, entendons-nous bien, cela ne signifie pas que l’État se décharge de ses responsabilités. En effet, le même principe qui s’applique dans les autres dossiers soumis à la négociation s’appliquera aussi dans celui-là, qui est fondamental à nos yeux : si les partenaires sociaux ne parviennent pas à se mettre d’accord, l’État prendra ses responsabilités.
C’est la raison pour laquelle j’ai dit tout à l’heure, sans avoir le temps d’être plus précise, que nous allions organiser, le 19 novembre prochain, une conférence de progrès sur le temps partiel. Ce sera un moment important, qui permettra d’examiner, dans toutes les branches concernées, les pratiques des entreprises qui recourent fortement au temps partiel.
Mais il s’agira aussi de se pencher sur les pratiques des donneurs d’ordre. En effet, si des horaires atypiques existent dans une branche comme la propreté, par exemple, c’est aussi parce que les donneurs d’ordre, qui sont parfois des collectivités territoriales ou l’État lui-même, réclament que les agents de propreté travaillent très tôt le matin, avant l’ouverture des bureaux ! (Mmes Brigitte Gonthier-Maurin et Annie David manifestent leur approbation.)
Mettre un terme à ces situations relève donc autant de la responsabilité de l’employeur que de celle du donneur d’ordre.