Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Alain Dufaut.
statut des transfrontaliers entre la france et le brésil
Question n° 22 de M. Georges Patient. – Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; M. Georges Patient.
Question n° 159 de M. Richard Yung. – Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger ; M. Richard Yung.
Question n° 69 de M. René-Paul Savary. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; René-Paul Savary.
soutien de l'état à l'agriculture drômoise à la suite de violentes tempêtes
Question n° 148 de M. Jean Besson. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Jean Besson.
Question n° 53 de M. Antoine Lefèvre. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Antoine Lefèvre.
Question n° 158 de Mme Jacqueline Farreyrol. – M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Mme Jacqueline Farreyrol.
renforcement de la compétitivité du transport routier
Question n° 112 de M. Jean Bizet. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Jean Bizet.
conditions d’application de la circulaire relative aux écoles situées en zone de montagne
Question n° 115 de M. Michel Savin. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Michel Savin.
poursuite de la réalisation du projet de lgv paris-orléans-clermont-ferrand-lyon
Question n° 122 de M. Rémy Pointereau. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Rémy Pointereau.
achèvement de l'échangeur autoroutier a2-a23 dans le valenciennois
Question n° 182 de Mme Valérie Létard. – Mmes George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; Valérie Létard.
ligne nouvelle paris-normandie
Question n° 37 de M. Hervé Maurey. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Hervé Maurey.
suppression du 8e régiment d'artillerie de commercy
Question n° 185 de M. Christian Namy. – Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative ; M. Christian Namy.
Question n° 44 de M. Rachel Mazuir. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Rachel Mazuir.
devenir des anciens bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite
Question n° 119 de M. Martial Bourquin. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Martial Bourquin.
fusions entre établissements publics de santé
Question n° 162 de M. Yves Chastan. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Yves Chastan.
nouvelle organisation de la permanence de soins dans le département de la somme
Question n° 164 de M. Daniel Dubois. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Daniel Dubois.
recours à la commande publique pour la mesure de placement à l'extérieur
Question n° 183 de M. Daniel Reiner. – Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion ; M. Daniel Reiner.
réhabilitation de l'immobilier de montagne
Question n° 176 de M. André Vairetto. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
Question n° 36 de M. Alain Bertrand. – Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; M. Alain Bertrand.
AVENIR DES SITES MORBIHANNAIS DE LA BANQUE DE FRANCE
Question n° 184 de Mme Odette Herviaux. – Mmes Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme ; Odette Herviaux.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
3. Représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : M. Alain Richard, auteur de la proposition de loi ; Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois ; M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.
MM. André Reichardt, Christian Favier, Yves Détraigne, Pierre-Yves Collombat, Mme Hélène Lipietz, MM. René Vandierendonck, Jean-Claude Lenoir, Claude Bérit-Débat.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 4 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.
Amendement n° 1 rectifié de Mme Jacqueline Gourault. – M. Yves Détraigne.
Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. Jean-Claude Lenoir, Pierre-Yves Collombat, Michel Mercier, Alain Richard. – Rejet des amendements nos 4 rectifié et 1 rectifié.
Adoption de l'article.
Amendement n° 11 de la commission. – Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 2
Amendement n° 2 de M. Jean-René Lecerf. – M. Jean-René Lecerf, Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. Alain Richard, François Rebsamen. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 5 rectifié bis de M. Hervé Maurey. – M. Hervé Maurey.
Amendement n° 12 de la commission. – Mme la rapporteur.
Amendement n° 6 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. Alain Richard, Jean-Claude Lenoir, Jean-Patrick Courtois, Claude Bérit-Débat, Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, François Rebsamen, Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois.
Sous-amendement no 13 de M. Alain Richard à l’amendement n° 12. – M. Alain Richard, Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; Hervé Maurey, Jean-Patrick Courtois, le vice-président de la commission des lois ; Michel Mercier, Claude Domeizel, Mme Hélène Lipietz. – Rejet de l’amendement no 5 rectifié bis ; retrait du sous-amendement no 13 et des amendements nos 12 et 6.
Rejet de l’article.
Article 4 (nouveau). – Adoption
Articles additionnels après l'article 4
Amendement n° 10 de Mme Catherine Troendle. – M. André Reichardt, Mmes la rapporteur, Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; Mme Patricia Schillinger, M. Roland Ries, Mmes Hélène Lipietz, Fabienne Keller, Catherine Tasca, MM. François Rebsamen, Pierre-Yves Collombat, Alain Richard. – Retrait.
MM. Bernard Fournier, Hervé Maurey, Jean-Claude Lenoir, Pierre-Yves Collombat.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission modifié.
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Alain Dufaut.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions orales
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
statut des transfrontaliers entre la france et le brésil
M. le président. La parole est à M. Georges Patient, auteur de la question n° 22, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Georges Patient. Madame la ministre, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur les relations transfrontalières entre la France et le Brésil.
Depuis toujours, les habitants des villes de Saint-Georges-de-l’Oyapock, en Guyane, et d’Oiapoque, au Brésil, entretiennent des relations étroites d’ordre économique, social, culturel et familial, relations que l’isolement de ces deux villes a également renforcées.
Ces dernières années, deux événements sont venus effriter cette harmonie : d’une part, l’accès par la route à la commune de Saint-Georges-de-l’Oyapock, en 2003, qui a augmenté le flux de personnes transitant par les deux villes ; d’autre part, l’annonce et la construction du pont sur l’Oyapock, ce dernier symbolisant la volonté de la France et du Brésil d’établir une coopération efficace.
L’ouverture de ce pont a eu pour conséquence l’accroissement des forces de la police aux frontières, la PAF, ce qui a totalement bouleversé le quotidien des populations riveraines et a rendu leurs échanges de plus en plus tendus du fait de contrôles de police difficiles sur les deux rives.
Sur la rive guyanaise du fleuve, les Brésiliens qui avaient coutume de venir faire leurs courses et de voir leurs familles sont interpellés à leur débarquement, contrôlés, conduits au poste de la PAF. Certains sont même déshabillés et gardés pendant des heures avant d’être refoulés sans motif.
De la même manière, comme une sorte de représailles, il arrive que, sur la rive brésilienne, des Guyanais soient contraints de passer par le bureau de la police fédérale, afin que leurs passeports soient tamponnés, ce qui n’était jusqu’à présent pas l’usage : ils devaient seulement se présenter au poste de police à l’arrivée et au départ d’Oiapoque.
Je tiens à souligner que, si les Guyanais peuvent entrer au Brésil sans visa, les Brésiliens désirant se rendre en Guyane sont soumis à l’obligation de visa, ce qui n’est pas le cas s’ils veulent aller directement en France métropolitaine. Il s’agit là d’une situation spécifique à la Guyane, puisque c’est le dernier territoire français où cette pratique a cours !
Cet état de fait, lié à une pression migratoire réelle, a d’ailleurs conduit les autorités brésiliennes à envisager l’instauration d’un visa pour les Guyanais voulant se rendre au Brésil.
À la veille de l’ouverture du pont sur l’Oyapock, il est nécessaire d’améliorer la circulation des riverains et de définir un statut transfrontalier afin de jeter des bases favorables au développement de la coopération transfrontalière entre la Guyane et l’État d’Amapá.
Madame la ministre, qu’en est-il de ce statut maintes fois annoncé ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord d’excuser Laurent Fabius qui ne peut être présent au Sénat ce matin.
Le Gouvernement prête une attention toute particulière à la question de la circulation des personnes entre les deux rives de l’Oyapock, notamment dans la perspective de l’inauguration du pont en 2013.
En 2011, les Brésiliens ont rappelé leur position de principe sur la réciprocité en matière de circulation des personnes. Ils demandent la suppression de l’exigence de visa pour leurs ressortissants à l’entrée de la Guyane, à l’occasion de l’ouverture de ce pont. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, pour des séjours de moins de trois mois, les ressortissants brésiliens peuvent entrer sans visa en France métropolitaine et dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer, excepté en Guyane.
Compte tenu des difficultés liées à l’immigration clandestine, la suppression des visas pour les ressortissants brésiliens entrant en Guyane ne peut être envisagée à ce stade. Toutefois, afin de ne pas pénaliser les populations riveraines, habituées à circuler entre les deux rives, la France et le Brésil ont décidé d’établir un régime de facilitation de la circulation de part et d’autre de l’Oyapock au bénéfice des frontaliers : seraient concernés les habitants des deux communes de Saint-Georges-de-l’Oyapock et d’Oiapoque pouvant attester d’un an de résidence dans ces localités. Des cartes de frontalier seraient établies au nom de ces habitants et permettraient le passage de la frontière sans autre formalité, c'est-à-dire en exemption de visa pour les frontaliers brésiliens. Le point de passage de la frontière serait situé au pont.
Pour ce faire, la France va modifier l’arrêté du 26 juillet 2011 relatif aux documents et visas exigés pour l’entrée des étrangers sur le territoire de la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, afin de prévoir une exemption de visas pour les résidents brésiliens bénéficiaires de ce régime de facilité de circulation transfrontière.
Par ailleurs, pour améliorer la circulation des personnes, nous avons ouvert une antenne consulaire à Amapá : le consul de France honoraire y délivre des visas depuis le 9 septembre 2011. Ce mode d’entrée des Brésiliens en Guyane pourrait représenter environ le tiers du total des accès d’ici à la fin de l’année 2012.
Dans nos discussions avec les autorités brésiliennes, nous sommes animés par la volonté de faire de ce pont un véritable trait d’union, favorisant la mise en place d’un espace partagé de développement économique et social, où serait assurée à terme la fluidité de circulation la plus ample possible.
La visite d’État de la présidente de la République fédérative du Brésil, Mme Dilma Rousseff, les 11 et 12 décembre prochain, doit être l’occasion d’avancer sur la mise en place des conditions de l’inauguration de ce pont : accords sur les transports routiers, les produits de subsistance sur la zone frontière, la sécurité civile, pour permettre aux secouristes des deux bords d’intervenir sur la zone frontière, et la création du Conseil du fleuve Oyapock.
M. le président. La parole est à M. Georges Patient.
M. Georges Patient. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. L’inscription de ma question à l’ordre du jour de cette séance tombe à point nommé, puisque je me suis rendu la semaine dernière à Saint-Georges-de-l’Oyapock et à Oiapoque en compagnie du président de la commission des affaires européennes du Sénat, Simon Sutour. Nous avons pu recueillir les témoignages de Mme le maire de Saint-Georges-de-l’Oyapock et de M. le préfet de la Guyane.
Nous nous réjouissons des avancées sur ce point. Néanmoins, la discussion porte surtout sur le fait que le pont est le seul passage autorisé. Les populations concernées se situent à plus de dix kilomètres de ce pont, et les transports se font habituellement en pirogue : les riverains sont donc déposés en plein milieu des deux villages. Il faudrait à mon avis prévoir, en plus du pont, un passage dans les centres-bourgs par les pirogues.
renflouement du budget européen à la suite de l'annonce de la situation de cessation de paiement du fse et du programme erasmus
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 159, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite interroger le Gouvernement sur l’inquiétante situation budgétaire dans laquelle se trouvent plusieurs programmes européens, notamment Erasmus et le Fonds social européen, ou FSE.
Depuis le début du mois d’octobre, le FSE est en cessation de paiement. Le reste à liquider s’élève à plusieurs milliards d’euros. Quant au programme Erasmus, il connaît un déficit de 90 millions d’euros. Au total, il manque 9 milliards d’euros pour couvrir les besoins de paiement d’ici à la clôture de l’exercice 2012, soit dans un mois.
Cet état de fait s’explique par le décalage croissant entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Ainsi, les crédits de l’année N+1 servent de plus en plus à payer les factures de l’année N. Par conséquent, le manque de fonds augmente de façon exponentielle en fin d’exercice.
La situation actuelle est d’autant plus préoccupante que le cadre financier pluriannuel 2007-2013 touche à sa fin et que le nombre de demandes de paiement transmises à la Commission européenne par les États membres est en nette augmentation.
Le 23 octobre dernier, la Commission européenne a présenté un budget rectificatif qui vise à augmenter le budget de l’exercice 2012 de 9 milliards d’euros en crédits de paiement, dont 90 millions d’euros pour Erasmus et 3 milliards d’euros pour le FSE.
Malheureusement, les négociations sur ce projet de budget rectificatif sont au point mort : les États membres, à commencer par les contributeurs nets, sont divisés sur les modalités de paiement de cette rallonge budgétaire. Certains pays, dont la France, ont réclamé la réaffectation de crédits non utilisés afin d’éviter de remettre de l’argent frais, mais la Commission européenne leur a répondu que ces crédits avaient déjà été affectés : c’est le plan de relance adopté à la fin du mois de juin dernier par le Conseil européen.
En cas d’échec des négociations, le budget pour 2013 devrait en partie être utilisé pour couvrir le solde négatif de cette année. Par conséquent, la mécanique de règlement des factures de l’année N sur le budget de l’année N+1 se poursuit.
Voilà quelques jours, une centaine de personnalités européennes ont adressé une lettre ouverte aux chefs d’État et de gouvernement européens afin d’exprimer leur attachement au programme Erasmus. Je salue cette initiative. Comme eux, je pense qu’il faut sortir de l’impasse.
Par ailleurs, le risque est grand de voir remise en cause la stratégie européenne pour l’emploi. Face à la montée du chômage, le FSE est le principal outil de l’Union européenne.
Dans ces conditions, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur ce projet de budget rectificatif.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser M. le ministre chargé des affaires européennes qui ne peut être présent ce matin. J’espère apporter des éléments de réponse importants pour les étudiants Erasmus et leurs familles.
Vous l’avez souligné, le président de la commission des budgets du Parlement européen, M. Lamassoure, a déclaré le 4 octobre dernier que le programme Erasmus se trouverait prochainement en cessation de paiement. Ce faisant, il souhaitait alerter de façon plus générale le Conseil européen sur l’insuffisance des crédits de paiement en fin d’année. Je rappelle d’ailleurs que ces crédits avaient été négociés par le précédent gouvernement.
J’en viens plus précisément au programme Erasmus. Les prévisions d’exécution de la Commission européenne anticipaient bien, et ce dès le mois de juin 2012, un manque de crédits en fin d’exercice de l’ordre de 156 millions d'euros.
Toutefois, la Commission européenne n’envisage aucune cessation de paiement à compter du mois d’octobre 2012. Dans une note d’information en date du 16 octobre dernier, elle affirme au contraire que, « jusqu’à la fin de l’année, il ne devrait pas y avoir de problème de paiement des bourses Erasmus aux étudiants qui se rendent à l’étranger pour une période d’études ou pour un stage ».
De fait, à l’échelon national, l’agence Europe-Éducation-Formation France, en charge du programme européen pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, dont le programme Erasmus est une composante, dispose d’une trésorerie qui lui permet de faire face jusqu’à la fin de l’année 2012 à ses engagements vis-à-vis des bénéficiaires des programmes qu’elle gère.
Dans une proposition de budget rectificatif pour 2012 qu’elle a présentée le 23 octobre dernier, la Commission européenne a néanmoins demandé 90 millions d’euros supplémentaires pour abonder cette année les crédits du programme Erasmus. La France a appuyé cette demande, compte tenu de l’importance qu’elle attache à ce programme. Le Premier ministre a ainsi rappelé dans son intervention à l’Assemblée nationale le 2 octobre 2012 l’attachement du Gouvernement français à la continuation et au renforcement de ce programme : « Aujourd’hui, l’Europe ne consacre que 1 % de son budget à l’éducation et à la formation. Mon gouvernement demandera une augmentation sensible de cette part. C’est ainsi que le programme Erasmus devra monter en puissance et bénéficier à un nombre plus important d’étudiants, notamment issus de familles modestes. »
L’échec des négociations entre le Parlement européen et le Conseil a empêché l’adoption du budget rectificatif. Cependant, comme je l’ai déjà souligné, le paiement des bourses est assuré jusqu’à la fin de l’année et de nouveaux crédits seront disponibles en 2013.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Je me réjouis que la France soutienne l’initiative de la Commission européenne, qui a demandé une rallonge de 90 millions d'euros pour le programme Erasmus et de 3 milliards d'euros pour le Fonds social européen, le FSE, dans le cadre d’un projet de budget rectificatif pour 2012.
Le problème est que les États pourraient échouer à trouver un accord sur ce projet. Dans ce cas on n’avancerait pas, on continuerait à tourner en rond.
Tout ce que je peux faire, c’est apporter mon soutien à la position du Gouvernement français et l’inciter à convaincre ses partenaires, et notamment les principaux bailleurs de fonds, d’accepter la proposition de la Commission européenne.
Nous avons certes les moyens de verser les bourses, mais grâce à un système de cavalerie : nous utilisons les crédits de l’année prochaine pour payer les dépenses de cette année. Ce n’est pas ce système qui résoudra le problème. La solution réside dans l’augmentation des crédits du programme Erasmus dans le budget rectificatif mais aussi dans le budget pluriannuel 2014-2020 ; la Commission européenne a proposé une hausse de 70 % sur la période. Cela correspond d'ailleurs aux propos du Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale.
droits de plantation
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, auteur de la question n° 69, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. René-Paul Savary. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur les droits de plantation, sujet cher aux habitants du département de la Marne. Les choses ont évolué depuis le dépôt de cette question, mais il me semble plus que jamais nécessaire de connaître l’avis du Gouvernement, compte tenu du calendrier européen et de l’avancée des travaux dans ce domaine.
Le régime des droits de plantation a été mis en place en 1972 par la Communauté économique européenne. Aujourd’hui, l’Union européenne estime que ce système est un frein au développement des exploitations. C'est pourquoi le groupe de réflexion à haut niveau, ou GHN, sur les droits de plantation, mis en place par le commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, M. Dacian Ciolos, s’est réuni pour examiner les conséquences de la libéralisation totale des droits de plantation à partir du 1er janvier 2016.
Ces conséquences seraient catastrophiques aussi bien pour les viticulteurs que pour les négociants. En effet, les rendements seraient illimités, les pratiques œnologiques élargies et, pour ce qui est de l’appellation Champagne, n’importe quel producteur pourrait la revendiquer sur ses étiquettes sans avoir à tenir compte des caractéristiques géologiques et des pratiques traditionnelles. En outre, s'agissant toujours du vignoble champenois, qui représente 30 000 hectares uniques au monde, l’équilibre interprofessionnel qui a fait la force de son économie pourrait être gravement compromis.
Il est donc essentiel de faire le point sur ce dossier crucial pour l’avenir économique de tous les vignobles français et européens.
Deux questions précises se posent : la première est relative à l’avancée des travaux visant à légiférer pour revenir sur la suppression totale des droits de plantation ; la seconde porte sur les actions que le Gouvernement compte entreprendre, ou entreprend déjà, auprès de la Commission européenne pour s’assurer que les recommandations concrètes qui seront formulées à l’issue des réunions du GHN sur les droits de plantation, le 14 décembre prochain, seront acceptables pour tous. Il y va de l’intérêt économique des régions viticoles.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Le « laisser-faire, laisser-aller » des marchés ne peut être la réponse à l’avenir de la viticulture française et européenne. Nous le savons bien, l’absence de régulation de la production ferait perdre à la viticulture ses spécificités et la richesse de sa diversité. Je partage votre opinion : ce serait un retour en arrière, alors même que de nombreux élus se sont battus aux côtés des professionnels depuis tant d’années pour améliorer la qualité de la production française. Ni vous ni moi ne croyons que le développement de vins sans indication géographique compenserait la perte de valeur causée par cette libéralisation.
Lors des premières réunions du groupe de réflexion de haut niveau sur les droits de plantation, la France a défendu le maintien d’un dispositif européen de régulation du potentiel de production. Comme vous le savez, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a été à l’initiative de la rédaction d’une plate-forme commune avec d’autres États membres, qui a été transmise à la Commission européenne en septembre dernier. Lors de la dernière réunion du GHN sur les droits de plantation, la Commission a présenté pour la première fois aux États membres une proposition de régulation de l’offre ; elle est donc revenue en partie sur sa position initiale.
Cependant, le Gouvernement français estime que cette proposition n’est pas encore satisfaisante, en particulier sur la question des vins sans indication géographique. C'est pourquoi la France prépare, avec les treize États signataires de la plate-forme commune, une nouvelle proposition pour réguler le potentiel de production viticole en Europe, car cette régulation – vous l’avez souligné – est indispensable à la compétitivité et à la qualité de la filière.
Nous défendrons cette proposition devant la Commission européenne lors de la prochaine réunion du GHN sur les droits de plantation, qui se tiendra en décembre prochain.
Dans ce contexte, nous comptons sur le soutien des parlementaires et de l’ensemble des élus. En effet, nous sommes convaincus que, dans le débat difficile que nous menons avec la Commission européenne et certains États membres, il est capital de constituer un front uni pour convaincre nos partenaires d’avancer dans la bonne direction.
Le Gouvernement est confiant, parce qu’il est déterminé à faire évoluer la Commission sur cette question primordiale pour le secteur viticole français, la qualité des produits et la pérennité de cette filière qui, je le rappelle, représente une part importante de nos exportations et joue un rôle essentiel dans la préservation de nos territoires et de nos terroirs.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre. Nous sommes un certain nombre à être aussi confiants que le Gouvernement. Cependant, nous devons rester vigilants, car rien n’est acquis.
J’ai lu le dernier entretien du président du GHN sur les droits de plantation, M. José Manuel Silva Rodríguez : il a certes avancé dans notre direction, mais il parle encore d’encadrement des extensions de plantation et de clause de sauvegarde en fonction de l’augmentation potentielle de production. Par conséquent, nous ne sommes pas à l’abri de prises de position qui entraveraient les démarches entreprises à l’unanimité.
Je vous demande donc de rester particulièrement vigilant sur ce dossier : il y va de l’économie tant de la Champagne que de l’ensemble de nos vignobles, dont nous savons qu’ils jouent un rôle primordial pour notre balance commerciale.
soutien de l'état à l'agriculture drômoise à la suite de violentes tempêtes
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, auteur de la question n° 148, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Jean Besson. Ma question porte sur la situation de l’agriculture drômoise à la suite des nombreuses intempéries qui ont eu lieu cette année. En effet, monsieur le ministre, le département de la Drôme, que je représente, a subi à plusieurs reprises des événements climatiques d’une ampleur exceptionnelle qui ont touché plus particulièrement deux zones – autour de la colline de l’Hermitage, au nord, et de Loriol-sur-Drôme, au sud – et détruit la quasi-totalité des productions fruitières et légumières. Plus de 2 000 hectares ont été ainsi frappés, avec une perte moyenne de chiffre d’affaires supérieure à 50 %. Près de 400 emplois ont été supprimés dans ces secteurs d’activité, qui, vous le savez, demeurent essentiels pour la vitalité de nos territoires ruraux.
Face à la gravité de cette situation, les agriculteurs sinistrés ont demandé au ministère de l’agriculture de déclencher le dispositif des calamités agricoles et de le compléter par l’activation pour raison exceptionnelle du dispositif prévu en cas de perte de fonds consécutive à une taille sévère de la vigne. Dans ces circonstances, la solidarité nationale doit pleinement jouer son rôle.
Je souhaiterais donc savoir quelle réponse le Gouvernement a apporté à ces demandes d’aide d’urgence légitimes.
Par ailleurs, une étude de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, la FDSEA, de la Drôme – c’est le principal syndicat dans ce département –, diligentée après ces différents épisodes météorologiques, a montré que seulement 30 % des exploitations concernées étaient assurées. Certains freins expliquent cette situation, notamment – c'est la raison pour laquelle je vous interpelle, monsieur le ministre – la réticence de l’État à remplir une fonction de réassurance publique qui interviendrait en appui du marché.
J’aimerais donc connaître les mesures incitatives que le Gouvernement entend prendre afin de faciliter la progression de l’assurance récolte.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, l’agriculture drômoise, et en particulier l’arboriculture, a été très durement touchée par un épisode de grêle survenu l’été dernier. Je veux d’abord rappeler la solidarité de l’État et du Gouvernement avec toutes les victimes.
Vous connaissez l’état du droit, monsieur le sénateur : les pertes de récolte subies par les agriculteurs ne sont pas indemnisables au titre du régime des calamités agricoles, car le risque grêle est un risque assurable. Toutefois, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, a demandé aux services de l’État de tout mettre en œuvre pour permettre, le cas échéant, une indemnisation des pertes de fonds consécutives à la grêle. Il s’agit dans un premier temps d’identifier les parcelles touchées, en vue d’une éventuelle indemnisation en 2013. Cette indemnisation pourrait intervenir si une perte de récolte supérieure à 30 % était constatée en 2013. Un dossier de demande de reconnaissance en calamité agricole pourra alors être constitué par la direction départementale des territoires de la Drôme pour examen par le Comité national de gestion des risques en agriculture, le CNGRA, qui statuera sur cette reconnaissance.
La demande d’augmentation du seuil des aides de minimis pose la question générale de la prévention des risques dans le secteur agricole, en particulier pour les producteurs de fruits ; vous m’avez d'ailleurs interrogé sur ce point.
Force est d’abord de constater que les vergers touchés par cet épisode n’étaient pas équipés de ce que l’on appelle des filets paragrêle, lesquels permettent de prévenir les pertes de récoltes consécutives aux orages de grêle. À cet égard, je rappelle que le dispositif de rénovation des vergers, géré par FranceAgriMer, permet de soutenir les investissements en filets paragrêle lors du renouvellement des vergers.
Ensuite, les arboriculteurs sinistrés n’avaient pas souscrit d’assurance contre la grêle, alors même qu’existe un dispositif de prise en charge des cotisations d’assurance, à hauteur de 65 % des primes d’assurance.
Plus largement, le développement de l’assurance récolte est un objectif des politiques publiques, qui s’est traduit par un soutien public, national ou communautaire, accru.
Cependant, j’y insiste, les surfaces assurées varient considérablement d’un secteur à l’autre. Ainsi, elles représentent 30 % pour les grandes cultures, 15 % pour les légumes et la viticulture, mais seulement 2 % pour les fruits.
Le taux d’assurance récolte est très dépendant de l’offre des assureurs. En France, les pouvoirs publics, malgré le taux de prise en charge des primes d’assurance, n’ont que peu de visibilité sur cette offre des assureurs, contrairement au système en vigueur en Espagne, par exemple.
Enfin, les discussions en cours dans le cadre de la réforme de la PAC conduiront à un changement des paramètres du soutien public.
C’est pourquoi, dans ce contexte assurément complexe d’un point de vue juridique, économique et financier, M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, conduira une nouvelle réflexion sur la gestion des risques en agriculture. La question du partage entre les risques qui relèvent de l’assurance et ceux qui ressortissent aux mécanismes de solidarité mérite en effet d’être posée à nouveau, en particulier pour certains secteurs fragiles sur le plan économique, qui n’ont que peu recours à l’assurance.
Telle est donc l’orientation de nos travaux ; il va de soi que nous tiendrons les élus des territoires concernés directement informés de leur avancée.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson.
M. Jean Besson. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse largement positive, que je vais communiquer dans la journée même à mes amis agriculteurs drômois.
Il s’agit, certes, d’un problème conjoncturel, mais il importe aussi de réfléchir aux problèmes que je qualifierai de structurels. Dans le cadre de la négociation de la future PAC avec nos partenaires européens, il faudra faire figurer ce point parmi nos priorités, à l’instar de la question des droits de plantation évoquée tout à l’heure par mon collègue René-Paul Savary.
mise en œuvre du décret n° 2012-284 du 28 février 2012 relatif à la possession obligatoire d'un éthylotest
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 53, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2006, l’alcool est la première cause de mortalité sur les routes françaises, avec près d’un tiers des tués.
Dans le cadre de leur politique visant à limiter les cas de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, les autorités publiques ont décidé d’imposer la possession d’un éthylotest par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur – c’est le décret en date du 28 février 2012.
La mise en œuvre de cette disposition était initialement prévue à compter du 1er juillet 2012, les premières verbalisations devant intervenir à partir du 1er novembre. Mais, monsieur le ministre, vous venez de repousser cette dernière date de quatre mois, soit au 1er mars 2013.
Ce report s’explique par la pénurie d’éthylotests dans les différents commerces, avec pour conséquence une forte augmentation des prix, ces derniers passant de un à cinq euros.
Selon le dernier baromètre de la sécurité routière, 90 % des Français sont maintenant informés de l’obligation de détenir un éthylotest, ce qui est révélateur d’un réel consensus.
Néanmoins, une difficulté d’application n’a pas été anticipée, puisque la notion de « véhicule terrestre à moteur » englobe également les engins agricoles, tels que tracteurs, moissonneuses, etc.
Cette extension de la mesure suscite, de façon compréhensible, l’étonnement et l’incompréhension des agriculteurs, cette disposition semblant inadaptée aux tracteurs agricoles.
En effet, l’appareil doit satisfaire aux conditions de validité, tenant notamment à sa date de péremption, définie par le fabricant. Pour un éthylotest chimique, cette dernière varie de dix-huit à vingt-quatre mois ; il faudra donc en changer tous les deux ans.
Par ailleurs, ces éthylotests ne doivent pas être conservés en deçà de zéro degré Celsius ou au-delà de trente degrés Celsius. Il s’agit donc de conditions difficilement respectables, en été comme en hiver, notamment pour les engins agricoles non équipés de la climatisation, qui sont encore la grande majorité sur le territoire. Autrement dit, les tracteurs sont ouverts tantôt au vent et à la pluie, tantôt aux fortes chaleurs estivales. De plus, ces engins sont beaucoup plus souvent dans les champs que sur la route, et les conducteurs de chaque véhicule sont multiples.
Monsieur le ministre, un hebdomadaire rapportait récemment que votre collègue ministre de l’agriculture, M. Le Foll, se serait rapproché de vous pour demander que cette mesure ne s’applique pas aux tracteurs. Par conséquent, je vous remercie de bien vouloir nous indiquer votre position sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’observe que M. Garot, ministre chargé de l'agroalimentaire, reste là pour surveiller attentivement ma réponse, étant donné ses fonctions auprès de M. Le Foll, qui s’est effectivement rapproché quelque peu de moi ! (Sourires.)
Monsieur Lefèvre, vous l’avez rappelé, la conduite sous l’empire d’un état alcoolique reste la première cause d’accidents mortels routiers. Les conducteurs de tous les véhicules sont concernés. Il est donc important de permettre à chacun d’auto-évaluer le plus rapidement possible son imprégnation alcoolique au moyen d’un éthylotest chimique ou électronique. L’amélioration de la sécurité routière est notre objectif. Depuis l’engagement très fort du président Jacques Chirac en 2002, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis lors ont poursuivi ce travail.
Le décret du 28 février 2012 oblige tout conducteur d’un véhicule terrestre à moteur à posséder un éthylotest non usagé, disponible immédiatement. J’espère que chacun de vous en possède déjà un ; je sais que M. Garot en a plusieurs. (Sourires.)
Comme vous le savez, les premiers contrôles du respect de cette obligation et, le cas échéant, les premières verbalisations pour défaut de présentation d’un éthylotest devaient intervenir à compter du 1er novembre dernier. Compte tenu de difficultés d’approvisionnement recensées dans certaines régions, j’ai décidé de reporter cette date au 1er mars 2013.
Aussi, j’ai demandé à M. Péchenard, délégué interministériel à la sécurité routière, de mettre à profit ce délai pour évaluer de manière plus générale l’efficacité et la lisibilité de cette obligation, en étroite association avec le Conseil national de la sécurité routière, lequel sera réinstallé le 27 novembre prochain. Le périmètre de l’évaluation pourra comprendre l’examen de l’intérêt de cette mesure pour les conducteurs des véhicules que vous avez évoqués, lorsqu’ils sont amenés à emprunter les voies ouvertes à la circulation publique, ce qui peut arriver. En attendant cette évaluation, j’ai eu l’occasion d’évoquer ce problème avec MM. Le Foll et Garot. Disons le clairement : si, comme ils me l’ont dit, la mesure n’est pas justifiée, au vu de la vitesse et de l’absence d’accidents constatés, une mesure concernant directement ces véhicules pourra alors être prise. Mais vous comprendrez que j’attende la réinstallation du Conseil national de la sécurité routière et l’évaluation qui me sera présentée pour arrêter définitivement notre position.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Comme vous, nous attendrons l’évaluation et serons très attentifs aux mesures qui seront décidées en faveur des agriculteurs.
incidences des politiques en matière de visas touristiques sur l'attractivité des territoires ultramarins et notamment de la réunion dans la zone océan indien
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Farreyrol, auteur de la question n° 158, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Mme Jacqueline Farreyrol. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous le savez, le tourisme représente, pour les territoires ultramarins notamment, un secteur porteur de développement économique important.
Dans ce contexte, l’île de la Réunion, qui fait des efforts importants afin de développer et de diversifier ses clientèles, cherche à conquérir les marchés porteurs, émergents, que sont notamment l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine.
Monsieur le ministre, le développement des nouvelles technologies a considérablement influencé les choix de destinations de vacances, en réduisant le délai entre l’achat du séjour et le départ effectif.
Or les ressortissants des pays cités à l’instant sont soumis, pour se rendre à la Réunion, à l’obligation d’obtenir un visa, ce qui entraîne des procédures décourageantes, de par leur longueur, et dissuasives, de par leur coût.
Le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme déclarait lui-même récemment : « Les procédures longues, onéreuses et compliquées de délivrance des visas et les politiques limitant le développement des voyages aériens sont des obstacles à la poursuite de l’expansion des voyages et du tourisme. Éliminer ces obstacles permettra de doper la demande, d’accroître les exportations, de muscler l’économie et de créer des emplois. »
Les pays de la zone Océan Indien situés autour de la Réunion délivrent, quant à eux, un visa aux touristes, le plus souvent gratuitement, dès leur entrée sur le territoire. Cette différence de législation est donc très nettement en défaveur de la Réunion.
Or il existe une liste blanche de pays dont les ressortissants sont exemptés de visa lorsqu’ils se rendent, pour des motifs de tourisme, dans certains territoires français. C’est le cas pour les habitants de plusieurs pays caribéens, par exemple, qui désireraient se rendre en Guadeloupe, en Martinique ou en Guyane. Nous souhaitons un tel dispositif pour la Réunion : c’est pourquoi j’ai souhaité voir l’Afrique du Sud, la Chine et l’Inde inscrites sur cette liste blanche.
Le Gouvernement a tenu compte de ma demande en annonçant, par la voix de M. le ministre des outre-mer, la suppression des visas pour les ressortissants sud-africains. Je lui en suis très reconnaissante.
Deux questions restent cependant posées : à quelle date l’arrêté dispensant les ressortissants sud-africains de visa sera-t-il publié et prendra-t-il effet ? Quelles décisions le Gouvernement entend-il prendre pour les ressortissants indiens et chinois, lesquels représentent le plus fort potentiel d’augmentation du nombre de touristes dans les prochaines années ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous l’avez dit, les départements, territoires et collectivités territoriales d’outre-mer, ainsi que la Nouvelle-Calédonie, sont soumis à des régimes de circulation et de séjour particuliers. Contrairement aux départements métropolitains, ils ne font pas partie de l’espace Schengen.
L’arrêté du 14 décembre 2009 puis celui du 26 juillet 2012 ont défini les documents et visas exigés pour l’entrée des étrangers sur le territoire de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Réunion et de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ils ont également simplifié les conditions d’entrée sur le territoire de ces départements et collectivités.
Cet arrêté prévoit la dispense de visa pour les séjours de moins de trois mois, par période de six mois, pour les ressortissants d’un certain nombre de pays, harmonisant ainsi le régime de circulation avec celui qui est applicable au territoire métropolitain.
Des mesures plus spécifiques ont par ailleurs été instaurées en faveur de ressortissants de certaines nationalités soumises à l’obligation de visas de court séjour : je veux parler notamment des nationalités sud-africaine, chinoise et indienne.
Afin de favoriser l’entrée dans les départements et collectivités d’outre-mer de ces demandeurs présentant un fort potentiel en termes touristiques, donc un atout incontestable pour la Réunion, l’arrêté dispose que les personnes déjà titulaires d’un visa de circulation délivré pour la métropole par une autorité consulaire française sont dispensées de visa de court séjour pour entrer dans ces départements.
En juin 2011, une convention conclue entre le préfet de la Réunion, le président du conseil régional et le syndicat national des agences de voyages a mis en place un dispositif, baptisé « visa Vanille », consistant à faciliter la circulation de touristes ressortissants de quatre pays : Afrique du Sud, Chine, Inde, Russie. Elle permet donc à ces derniers, lorsqu’ils ont passé au préalable un séjour à l’île Maurice, de bénéficier d’une procédure dérogatoire de délivrance de visa à l’entrée sur le territoire de la Réunion.
J’ai décidé de donner un caractère pérenne à cette expérimentation, en l’inscrivant dans le droit. Je souhaite également qu’une expérimentation complémentaire puisse être menée pour les touristes en provenance des Seychelles.
S’agissant des Sud-Africains, j’ai été sensible aux arguments développés pour encourager, au moyen de la politique des visas, le développement de la destination « la Réunion » du fait de sa proximité géographique avec l’Afrique du Sud et de la desserte hebdomadaire opérée par Air Austral entre Johannesbourg et Saint-Denis-de-la-Réunion.
Victorin Lurel, mon collègue ministre des outre-mer, a eu l’occasion de l’annoncer voilà quelques jours, comme vous l’avez souligné : la décision est prise et les ressortissants sud-africains seront très prochainement dispensés de visas de court séjour ; un arrêté ministériel rendra effectif cette suppression dès le 1er janvier prochain 2013.
Madame Farreyrol, une telle décision représente un engagement fort du Gouvernement tout autant qu’un changement de point de vue. Je tenais à le rappeler en cet instant.
Toutefois – c’est là où les choses se compliquent –, votre demande vise à étendre la dispense de visa de court séjour aux ressortissants chinois et indiens. Je ne suis pas favorable à cette option s’agissant de pays pour lesquels l’absence de risque migratoire n’est pas avérée. Pour lesdits ressortissants, nos consulats ont néanmoins passé des accords locaux avec des agences de voyages, qui permettent un traitement plus rapide des dossiers pour lesquels des garanties sont apportées.
Le Gouvernement et moi-même resteront évidemment attentifs à marquer, par des décisions pragmatiques et ouvertes, notre attention au développement des départements d’outre-mer, tout en évitant ce qui, à terme, pourrait contribuer à leur déstabilisation.
En tout cas, nous restons ouverts à toute discussion sur le sujet. Tels sont le sens et le cadre de la politique gouvernementale en matière de visa.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Farreyrol.
Mme Jacqueline Farreyrol. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. J’espère que toutes les mesures annoncées permettront de booster véritablement notre tourisme. Il faut le savoir, la Réunion abrite une grande communauté chinoise et indienne, et la population locale exprime très fortement son souhait de pouvoir rencontrer ses homologues de l’océan Indien, en raison de traditions culturelles et cultuelles partagées et encore très vivantes sur l’île.
L’encadrement de la procédure par les tour-opérateurs, les agences de voyages et la préfecture, mis en place à la fin de l’année 2011 pour les ressortissants chinois, a très bien fonctionné. Puisse-t-il être pérennisé.
renforcement de la compétitivité du transport routier
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, auteur de la question n° 112, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean Bizet. Ma question s’adresse effectivement à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche, qui, je le sais, est retenu à Bayonne par d’autres obligations. Elle est relative à la nécessité de renforcer la compétitivité du transport routier.
Le transport routier est en effet un secteur stratégique essentiel pour le dynamisme de notre économie. À ce titre, il me semble important d’autoriser dès à présent une expérimentation autorisant la circulation des poids lourds de 25,25 mètres, et ce afin de réduire autant que possible la distorsion de concurrence de plus en plus vive existant avec l’Allemagne et la plupart des pays d’Europe du Nord, qui se sont déjà engagés dans une telle démarche.
Dans un contexte de renchérissement incessant du carburant, je veux souligner les avantages du transport par gros porteurs : diminution du nombre de rotations et de poids lourds, réduction de l’empreinte écologique, même si cette réalité peut en choquer certains, et amélioration de la compétitivité des entreprises. J’observe également que le risque « sécurité routière », lié à la circulation de ce type d’ensembles routiers, est limité par les dispositifs techniques mis en œuvre pour assurer la sécurité passive du véhicule, la formation plus importante des conducteurs et la répartition plus efficace de la masse transportée sur le nombre d’essieux.
Je suis convaincu de la nécessité de créer un choc de compétitivité, pour reprendre une expression à l’ordre du jour à plus d’un titre, comme nous avons pu encore nous en rendre compte au cours des quarante-huit dernières heures, pour des raisons que chacun connaît. Il importe de permettre à l’économie française de mieux s’insérer dans la mondialisation, et je considère que le transport routier a une importance cruciale en la matière.
Madame la ministre, quelle suite le Gouvernement entend-il réserver à une démarche d’expérimentation « grandeur nature », qui consisterait à faire rouler quelques véhicules de grande longueur sur des parcours dédiés sur l’ensemble du territoire national ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Frédéric Cuvillier, retenu ce matin à Bayonne pour les assises du littoral maritime.
Vous le savez, le précédent gouvernement a beaucoup hésité sur la question de l’expérimentation relative à la circulation de poids lourds de 25,25 mètres. S’y étant déclaré d’abord favorable, il a ensuite demandé un rapport à l’Observatoire énergie, environnement, transports pour en étudier les enjeux énergétiques et environnementaux, avant de décider de ne rien faire.
Du reste, la question est fortement controversée au sein même de l’Union européenne. Le Royaume-Uni, l’Autriche, la Grèce et le Luxembourg se déclarent fermement opposés à l’introduction de véhicules de ce type. À l’inverse, le Danemark, les Pays-Bas et la Norvège les autorisent sous conditions – poids total maximal limité, nombre de véhicules restreint, itinéraires imposés –, alors que la Suède n’impose aucune restriction.
En Allemagne, une expérimentation a été lancée depuis le 1er janvier 2012 pour une période de cinq ans. Celle-ci n’autorise la circulation des camions de 25,25 mètres que sur certains itinéraires et dans quelques Länder. La gestion du dossier est néanmoins difficile, car l’expérimentation ne mobilise qu’un nombre très faible de véhicules et rencontre une forte opposition de la majorité des Länder.
Aujourd’hui, le Gouvernement s’emploie à restaurer la compétitivité du transport routier et à stabiliser le cadre d’exercice de cette profession, mis à mal par nos prédécesseurs.
Ainsi, les priorités du ministre délégué aux transports sont avant tout de trois ordres.
Il s’agit, premièrement, de simplifier le dispositif de répercussion de la taxe poids lourds sur les chargeurs, afin que cette taxe ne pèse pas sur les transporteurs routiers dont les marges sont faibles.
Il s’agit, deuxièmement, de publier le décret relatif aux camions de 44 tonnes et 5 essieux, avec limitation de charge à l’essieu, pour mettre fin à la situation d’incertitude créée par le précédent gouvernement, qui fragilisait le secteur.
Il s’agit, troisièmement, d’affirmer l’opposition du Gouvernement à toute libéralisation supplémentaire du secteur, qui ne serait pas accompagnée d’un mouvement d’harmonisation des conditions de travail au niveau européen.
À ce stade, monsieur Bizet, le ministère des transports, qui exclut toute hypothèse de généralisation des poids lourds de 25,25 mètres, est donc extrêmement réservé sur l’intérêt d’une expérimentation, et ce pour deux raisons principales : d’une part, l’incidence sur la circulation routière ; d’autre part, le signal négatif qu’une telle expérimentation constituerait, alors que le Gouvernement souhaite développer le fret ferroviaire, le transport combiné et les autoroutes ferroviaires.
Toutefois, le ministère des transports est évidemment prêt à écouter les arguments des différentes parties prenantes sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Madame la ministre, j’apprécie la courtoisie avec laquelle vous m’avez répondu, comme celle avec laquelle les services du ministère concerné reçoivent régulièrement les professionnels en la matière.
Cela étant, la courtoisie est une chose, l’efficacité en est une autre ! Je ne peux donc me satisfaire de la situation actuelle, qui conduit tout simplement à une véritable distorsion de concurrence, sur le territoire national, avec d’autres pays de l’Union européenne.
Je sais que le mode de transport que je préconise ne fait pas l’unanimité, mais, il faut le rappeler, un certain nombre de pays l’utilisent déjà.
Mon objectif, que je partage avec d’autres, est simple. Nous souhaitons, dans un premier temps, précisément pour affiner ce dossier, que le Gouvernement engage une expérimentation, afin que lui-même puisse ensuite prendre sa décision.
Il est vrai que le gouvernement précédent a tergiversé quelque peu, mais nous étions à quelques semaines de l’élection présidentielle. Par correction, même si un certain nombre de points avaient d'ores et déjà été validés, il n’a pas voulu prendre une décision définitive.
Je vous le dis très clairement, j’ai demandé à la commission des affaires européennes du Sénat de se saisir de la question, l’objectif étant d’aller vers une harmonisation.
Je tiens à le souligner, les professionnels de ce secteur, qui est au cœur de la compétitivité de l’économie française, n’ont que trois possibilités : ou bien ils s’engagent vers la désobéissance civile, ce que nous ne pouvons leur conseiller ; ou bien ils se lancent dans une délocalisation, ce qui n’est pas non plus dans l’intérêt de notre pays ; ou bien ils ont le souci de cheminer, et nous avec eux, tous ensemble, vers une harmonisation en la matière, question que nous ne pourrons pas éluder plus longtemps.
Je continuerai à aller voir le ministre correspondant chargé de ce sujet de façon à obtenir quelque chose de concret en la matière.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Le débat est ouvert !
conditions d’application de la circulaire relative aux écoles situées en zone de montagne
M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 115, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Michel Savin. Ma question concerne les conditions d’application de la circulaire du 30 décembre 2011 relative aux écoles situées en zone de montagne. Y est affirmée, notamment, la nécessité de garantir l’égalité des chances aux enfants scolarisés dans les écoles de montagne et de promouvoir, en tenant compte de leur situation particulière, un développement équilibré de l’offre scolaire.
Cette circulaire prend en compte différents paramètres : non seulement, bien sûr, la distance entre le domicile des élèves et l’école, mais également les aléas climatiques et le temps de trajet pour accéder à l’établissement scolaire.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous serez certainement d’accord avec moi sur le fait que l’on ne peut décemment imposer à des enfants de maternelle près de deux heures de trajet par jour entre leur domicile et l’école.
Ces conditions difficiles d’accès à l’école sont d’ailleurs l’un des critères importants de renoncement à l’installation des familles en zone de montagne, alors que l’accueil de nouvelles familles est une préoccupation majeure des élus locaux, lesquels luttent pour maintenir leur niveau de population et leurs services publics.
Or, force est de constater que, sur l’ensemble du territoire national, la circulaire semble être appliquée de manière très diverse par les différentes autorités académiques, certaines considérant d’ailleurs que le texte ne s’impose pas à elles.
Aussi, madame la ministre, afin d’anticiper dans les meilleures conditions possible la rentrée 2013, je souhaite savoir quels moyens le Gouvernement compte mettre en œuvre pour garantir l’application effective de cette circulaire dans les quarante-huit départements comprenant des zones de montagne.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, vous le savez, Vincent Peillon et moi-même attachons beaucoup d’importance au maintien, dans les zones de montagne comme dans les zones rurales, d’une école de qualité offrant aux élèves un environnement favorable pour apprendre et pour réussir.
Aux termes de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, les zones de montagne sont des entités géographiques, économiques et sociales, dont le relief, le climat, le patrimoine naturel et culturel nécessitent la définition et la mise en œuvre d’une politique spécifique de développement, d’aménagement et de protection.
En ce qui concerne l’école, la circulaire du 30 décembre 2011 sensibilise les services déconcentrés à la prise en compte du contexte local pour attribuer les moyens et adapter l’évolution du réseau scolaire aux distances, aux conditions d’accès, et ce en fonction des aléas climatiques.
Il s’agit donc notamment de privilégier une concertation suivie entre les autorités académiques et les représentants des collectivités locales et territoriales, d’apprécier l’évolution des effectifs sur le moyen terme, c'est-à-dire deux ou trois ans, afin de parvenir à une meilleure stabilisation des structures scolaires et de favoriser le déploiement d’Internet, qui constitue un outil incomparable pour relier les classes entre elles, mener des activités communes et des travaux collaboratifs.
Vous vous inquiétez, monsieur Savin, de l’application inégale de la circulaire dans les départements comprenant des zones de montagne.
En effet, force est de constater que les territoires ruraux isolés voient leurs difficultés particulières souvent mal prises en compte, alors que celles-ci font parfois obstacle au bon déroulement des parcours scolaires.
Aussi, je puis vous l’assurer, je demanderai aux recteurs des académies concernées par la gestion d’écoles de montagne d’être particulièrement vigilants quant au respect des préconisations de la circulaire pour la rentrée 2013.
Le Gouvernement attache comme vous une importance particulière aux écoles maternelles, lesquelles ont malheureusement été quelque peu sacrifiées au cours de la période précédente.
Au-delà, j’ai souhaité que, dans le cadre de la concertation nationale, lancée le 5 juillet dernier en Sorbonne à Paris, concertation qui doit conduire à la refondation de l’école, la question de l’école en montagne soit particulièrement prise en compte, afin de construire une école plus juste pour tous les territoires.
M. le président. La parole est à M. Michel Savin.
M. Michel Savin. Madame la ministre, j’ai bien entendu votre réponse, qui va dans le bon sens, à savoir permettre une bonne diffusion de l’information auprès des rectorats.
Je vous suggère aussi de désigner un référent pour faire en sorte que les élus, en particulier les parlementaires, soient en mesure d’alerter rapidement le ministère sur les quelques dysfonctionnements qui pourraient perdurer.
Si les parlementaires disposaient au ministère d’un contact pour traiter de ces sujets, cela règlerait beaucoup de problèmes, me semble-t-il. En effet, si petites qu’elles peuvent paraître à l’échelle d’un ministère comme celui de l’éducation nationale, ces difficultés n’en prennent pas moins, sur le terrain, en termes d’aménagement du territoire, une dimension véritablement importante.
Je vous propose donc, à l'échelle du ministère, de nommer un référent qui serait la courroie de transmission entre les parlementaires, le ministère et les rectorats.
poursuite de la réalisation du projet de lgv paris-orléans-clermont-ferrand-lyon
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 122, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, ma question concerne la commission de révision du schéma national des infrastructures de transports, constituée le 17 octobre dernier, et le projet POCL, c'est-à-dire Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, dit « Cœur de France ».
En ce qui concerne cette commission, appelée « Duron », je souhaiterais connaître les critères objectifs autres que la faisabilité financière ou la rentabilité qui ont été retenus pour hiérarchiser les projets.
Selon le président de la commission particulière du débat public, M. Michel Gaillard, le débat public sur le projet POCL « Cœur de France » a été exemplaire. Couronné par un véritable succès, il a réuni plus de 14 000 participants, donnant lieu à la remise de 220 cahiers d’acteurs et de plus de 700 contributions. Avec le débat sur le Grand paris, c’est le plus grand débat public qui ait eu lieu en France.
Il existe une unanimité pour que ce projet se réalise le plus rapidement possible au profit des cinq régions traversées, dont le Centre et l’Auvergne, jusque-là mises à l’écart de la grande vitesse.
Il s'agit d’un véritable projet d’aménagement du territoire qui permettra, en même temps, de décongestionner la ligne à grande vitesse existante Paris-Lyon. En outre, il existe un consensus de tous les acteurs politiques et économiques autour d’un seul tracé, dit le « tracé ouest amélioré », ce qui fait de ce projet certainement le meilleur de ceux qui concernent des LGV.
L’Association TGV Grand Centre Auvergne, que je préside, est composée de 34 parlementaires et de 275 élus, toutes sensibilités confondues. Elle a contribué, grâce à ses actions, à une grande part de ce succès et de ce consensus.
Compte tenu de tous ces éléments, nous ne pouvons douter un instant du caractère prioritaire et de la faisabilité de ce projet POCL « Cœur de France ».
Toutefois, nous exprimons notre incompréhension face aux études engagées avec le scénario médian. En mettant à l’écart Orléans-Bourges-Vierzon et Châteauroux, ce scénario ne répond pas à la volonté de la quasi-unanimité des élus.
Nous demandons, au titre de la rentabilité du projet et du tracé ouest, que des études complémentaires soient réalisées afin de prendre en compte le report potentiel sur la ligne POCL de voyageurs issus du Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, dit « POLT », sans passer par Paris. Cela permettrait d’améliorer la rentabilité et le financement du projet et du tracé Ouest en économisant la réalisation du barreau Limoges-Poitiers. Très coûteux – à hauteur de deux milliards d’euros pour une seule voie – celui-ci ne sera, qui plus est, jamais rentable.
Le Gouvernement a souhaité que seules les régions soient représentées au sein du nouveau comité de pilotage. Celui-ci sera donc le seul à avoir un pouvoir de décision ; puis, sur proposition de RFF, Réseau ferré de France, il vous soumettra le scénario retenu. Enfin, le Gouvernement décidera.
Madame la ministre, si vous allez à l’encontre de la volonté des élus, comment voyez-vous l’issue de ce dossier ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, vous avez voulu appeler l’attention de M. le ministre délégué en charge des transports, de la mer et de la pêche sur les suites que le Gouvernement entend donner au projet de ligne nouvelle à grande vitesse Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon, dit « POCL ».
M. Frédéric Cuvillier est aujourd’hui retenu par les assises de l’économie maritime du littoral qui se déroulent à Bayonne. Soyez assuré qu’il connaît bien vos préoccupations sur ce dossier. Vous avez, d’ailleurs, été reçu, au mois de juillet dernier, par son cabinet, avec le maire de Nevers, M. Florent Sainte Fare Garnot, afin de faire un point sur le projet.
Frédéric Cuvillier a installé, le 17 octobre dernier, une commission. Composée de parlementaires et de personnalités qualifiées, elle est, en effet, présidée par M. le député Philippe Duron. Sa mission est d’établir un diagnostic sur la pertinence et la faisabilité du projet de schéma national des infrastructures de transport, le SNIT. Annoncé par le précédent gouvernement, son montant est évalué à 245 milliards d’euros sur vingt-cinq ans, au vu, tout d’abord, de la situation actuelle et des perspectives de nos finances publiques, mais aussi, et surtout, de la priorité que le Gouvernement entend donner aux transports du quotidien, à la réduction de la fracture territoriale et à la rénovation des réseaux existants.
La commission est indépendante et détermine les critères objectifs à retenir. Elle s’attachera surtout à analyser les besoins réels des territoires et les problématiques d’enclavement. Elle s’interrogera sur la véritable utilité de tel ou tel projet en vue de réduire la fracture territoriale, cherchant, par exemple, ce que l’on peut réellement en attendre en termes de croissance économique et de développement durable. Quant à la soutenabilité financière et à l’intérêt socio-économique, ils doivent être systématiquement envisagés, projet par projet.
Les interactions entre les différents projets, un aspect que vous abordez dans votre question, feront également partie des réflexions de la commission.
Sur le fond, vous le savez, monsieur le sénateur, le projet de LGV-POCL a fait l’objet, d’octobre 2011 à janvier 2012, d’un débat public dont vous convenez qu’il a été approfondi. Au terme de ce débat, le conseil d’administration de Réseau ferré de France a décidé de poursuivre les études du projet. Celles-ci constitueront une étape préliminaire aux études préalables à l’enquête d’utilité publique.
Conformément au résultat du débat public, dont vous vantez, à juste titre, l’exemplarité, les études examineront les conditions de poursuite du projet sur la base des scénarios ouest et médian dans leur variante Roanne.
Vous le voyez, le scénario ouest, pour lequel vous plaidez, a bien été pris en considération. Ces études viseront, notamment, à définir les conditions de la faisabilité financière du projet, à approfondir son évaluation socio-économique et à préciser les performances des dessertes envisageables, ainsi que l’horizon de saturation de la LGV-Paris-Lyon existante.
Le ministre chargé des transports a désigné le préfet de la région Auvergne comme coordonnateur de cette nouvelle phase d’étude du projet. Le comité de pilotage associant, comme de coutume, l’État et les cinq conseils régionaux concernés par le projet, a été mis en place le 3 octobre dernier.
Des structures d’échange et d’information ont, par ailleurs, été instituées afin que les associations puissent faire valoir leur point de vue préalablement aux réunions du comité de pilotage. Je ne doute pas que les élus locaux sauront faire entendre leur voix durant ce processus, comme je ne doute pas qu’ils sauront alimenter la réflexion des membres de la commission « Mobilité 21 ».
Frédéric Cuvillier a remis de la méthode là où il n’y avait jusqu’ici que de vaines promesses : les études se poursuivent, dans la transparence. Le travail actuellement effectué sur la LGV-POCL en est effectivement un bel exemple.
Le Gouvernement mène, en toute transparence et en toute démocratie, une réflexion d’ensemble sur les projets d’infrastructures annoncés par son prédécesseur.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, vous n’avez pas apporté de réponse à toutes les questions que je posais. Vous avez évoqué les problèmes des finances publiques, incontestables compte tenu de la crise que nous traversons. Toutefois, le Président de la République a parlé de croissance. Or pour gagner des points de croissance, il faut faire des investissements.
Il existe, vous le savez, une bonne et une mauvaise dette. La mauvaise dette, c’est celle qui est destinée à couvrir les frais de fonctionnement. La bonne dette, c’est celle qui finance les investissements d’avenir. Ce sont ceux-là qu’il ne faut pas ignorer !
L’union sacrée se réalise autour du projet et du scénario que j’ai évoqués. C’est la raison pour laquelle je souhaite que l’on tienne vraiment compte de la volonté des élus locaux.
Vous parlez souvent de démocratie territoriale, de démocratie participative. Il faut en tenir compte dans ce projet. En effet, cette dernière va tout à la fois répondre aux exigences du Grenelle de l’environnement, en permettant d’économiser 200 000 tonnes de CO2, et aller dans le sens souhaité par le ministère de l’égalité des territoires mis en place par le Président de la République. Car l’égalité des territoires, c’est aussi donner les mêmes chances à tout le monde, sur tous les territoires, en termes d’accès aux LGV !
achèvement de l'échangeur autoroutier a2-a23 dans le valenciennois
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 182, adressée à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, en charge des transports, de la mer et de la pêche.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Elle porte sur l’état d’avancement du programme de développement et de modernisation des itinéraires routiers du Nord et, plus spécifiquement, sur l’opération programmée d’achèvement de l’échangeur autoroutier A2-A23 dans le Valenciennois.
Les premiers travaux de cet équipement autoroutier ont déjà été engagés au cours de l’année 2011. Leur achèvement est une priorité pour la desserte d’un bassin industriel de 350 000 habitants sur l’arrondissement et, plus largement, pour environ un million d’habitants vivant sur le territoire du Hainaut – le sud du département –, à l’intersection des autoroutes reliant Lille à Valenciennes – l’A23 – et Paris à Bruxelles – l’A2.
Ces autoroutes supportent un trafic très élevé de plus de cent mille véhicules par jour. Leur aménagement représente donc un enjeu essentiel pour le Valenciennois. C’est si vrai que les collectivités locales concernées ont accepté de prendre à leur charge une partie du financement. Elles apportent aujourd’hui à l’opération 5,7 millions d’euros, dont 3,83 millions d’euros pour la seule communauté d’agglomération Valenciennes Métropole, ce qui représente une prise en charge de 12 % de l’opération.
À cela, il convient d’ajouter le coût des réalisations des protections acoustiques pour lesquelles, sur un total de 7,5 millions d’euros, la même communauté d’agglomération va apporter 40 % du financement, soit 3 millions d’euros supplémentaires, ce qui porte son effort total pour accompagner cet échangeur A2-A23 à un montant de 6,8 millions d’euros.
Madame la ministre, si nous acceptons de faire cet effort financier très important pour notre agglomération, pourtant située sur un territoire connu pour être difficile, c’est parce qu’il est vraiment nécessaire de réaliser cet équipement rapidement, sauf à vouloir pénaliser le développement économique de tout l’arrondissement. Sur cette partie du bassin, en effet, se trouvent concentrées toutes les grandes entreprises industrielles de notre région.
Alors même que cette opération faisait a priori partie de la programmation envisagée pour l’investissement routier dans le département du Nord pour 2012, et alors même qu’a déjà été engagée une première tranche de travaux, soit un côté – il nous reste l’autre –, il apparaît qu’aucune ligne de financement ne serait, au final, attribuée cette année à la poursuite des travaux. Cela signifierait l’arrêt d’un chantier pourtant déjà bien engagé, suscitant l’incompréhension des élus comme de la population.
C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir me confirmer si cette opération fait toujours l’objet d’une programmation dans le calendrier des crédits routiers du département du Nord, et, si tel bien le cas, de bien vouloir m’en indiquer très précisément l’année et l’échéancier, afin que la population et l’ensemble des acteurs économiques du territoire puissent savoir dans quel délai cet ouvrage, vital pour leur développement, pourra enfin être ouvert à la circulation.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Madame la sénatrice, j’interviens au nom du ministre délégué en charge des transports, de la mer et de la pêche, retenu ce matin à Bayonne par les assises de l’économie maritime du littoral.
L’échangeur entre l’autoroute A2 et l’extrémité de l’A23 au sud de Valenciennes autorise aujourd’hui une liaison directe dans le sens Lille-Bruxelles. L’aménagement prévu vise, à terme, à permettre les liaisons directes Lille-Paris et Paris-Lille. Le montant global de l’aménagement a été estimé à 40 millions d’euros.
Une première phase de travaux portant sur la réalisation de la bretelle Lille-Paris a été financée dans le cadre du contrat de projets État-régions, le CPER, 2000-2006, pour un montant de 8,2 millions d’euros. Une seconde phase, correspondant à la réalisation de la bretelle Paris-Lille, est inscrite au programme de modernisation des itinéraires routiers, le PDMI, établi pour la période 2009-2014 pour un montant de 32 millions d’euros, dont 26 millions d’euros de participation de l’État.
Vous connaissez les contraintes dans lesquelles s’inscrivent aujourd’hui les finances publiques, notamment en matière d’investissement routier. Les exigences de bonne répartition des ressources obligent, plus que jamais, à hiérarchiser les projets à financer et à donner la priorité aux opérations dont les travaux sont d’ores et déjà engagés.
Malgré l’intérêt incontestable que revêt la seconde phase de travaux de l’échangeur A2-A23, les financements nécessaires pour lancer le chantier n’ont pu, pour le moment, être mobilisés. Je rappelle qu’il est très difficile de définir un phasage de l’opération, puisque celle-ci repose, pour l’essentiel, sur la réalisation d’ouvrages d’art de franchissement. Il serait ainsi nécessaire de mobiliser au moins 21 millions d’euros dès 2013.
La répartition des crédits alloués au budget 2013 est actuellement en cours de définition. Le ministre des transports, de la mer et de la pêche a bien pris note de votre interpellation. La possibilité d’inscrire les crédits nécessaires aux travaux de l’échangeur A2-A23 au budget 2013 sera examinée avec la plus grande attention au regard des besoins et des priorités sur l’ensemble des opérations à l’échelon national.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre, et je me félicite que M. Cuvillier ait l’intention d’examiner la possibilité d’inscrire les crédits nécessaires à l’achèvement de cette opération dans le cadre de l’exercice 2013.
À l’heure où nous voulons préserver notre industrie et la dynamique économique du pays, nous devons comprendre que cet aménagement s’inscrit au cœur du nœud logistique routier-ferroviaire-fluvial dont dépend l’intermodalité de l’ensemble du territoire situé au nord de Paris, au carrefour de l’Europe du Nord. Il est vital pour les entreprises installées au centre de cet arrondissement, parmi lesquelles figurent Alsthom, Bombardier, Peugeot, Toyota et Vallourec, que toutes les conditions soient réunies pour tenir le cap en cette période économique sensible.
Il faut à l’heure actuelle traverser une commune pour passer d’une autoroute à l’autre, une seule partie de l’échangeur ayant été réalisée. Le contexte économique étant ce qu’il est, nous devons absolument achever ces travaux. Il y va de la desserte d’un territoire d’un million d’habitants.
Ce qui est en jeu au travers de cette opération, véritable nœud stratégique reliant deux grandes parties de notre territoire, c’est la dynamisation économique de notre région et l’avenir du transport de fret dans notre pays.
Je vous serais donc reconnaissante, madame la ministre, de bien vouloir transmettre ces éléments d’information à M. Cuvillier afin qu’il puisse les intégrer dans sa réflexion.
ligne nouvelle paris-normandie
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 37, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré l’absence de M. le ministre délégué chargé des transports, je tiens à attirer l’attention du Gouvernement sur la situation ferroviaire en Normandie, l’une des rares régions françaises à ne pas être desservies par une ligne à grande vitesse, et sur l’attachement des élus normands au projet de ligne nouvelle Paris-Normandie.
Annoncée en 2009 par le précédent président de la République, la ligne nouvelle Paris-Normandie a pour but premier de relier le Grand Paris à la façade maritime normande. Elle constitue, à ce titre, un formidable espoir pour notre région en termes de développement économique et d’aménagement du territoire.
L’ensemble des acteurs concernés, élus de tous bords et responsables économiques, se sont mobilisés en faveur de ce projet. Un débat public a eu lieu d’octobre 2011 à février 2012, qui a rencontré un très vif succès : 25 réunions ont été organisées, 6 600 personnes y ont participé et plus de 100 cahiers d’acteurs ont été transmis à la commission particulière du débat public ligne nouvelle Paris-Normandie. Au vu de ce travail, le conseil d’administration de Réseau ferré de France, RFF, s’est prononcé le 5 avril dernier en faveur de la poursuite du projet en vue de l’enquête d’utilité publique.
Depuis le changement de majorité, le Gouvernement semble malheureusement faire marche arrière et renoncer à ce projet. Le ministre du budget a en effet déclaré le 11 juillet dernier à propos des projets de lignes à grande vitesse que « le Gouvernement n’aura d’autre choix que de renoncer à certaines options ». Une commission a été mise en place pour choisir les projets qui seront maintenus. Ses arbitrages, annoncés dans un premier temps pour la fin de l’année, ont été reportés à la fin du premier trimestre 2013 et devront traduire « des priorités du Gouvernement ».
Vous comprendrez donc, madame la ministre, que les élus et les habitants de l’Eure s’inquiètent des orientations, qui ont trouvé ces derniers jours un écho dans la presse, visant à une requalification en ligne classique de ce projet au profit du seul désengorgement du nœud mantois et de l’amélioration de la desserte de Rouen.
Quelles que soient la nécessité et l’urgence de ce désengorgement, celui-ci ne saurait répondre aux légitimes attentes des Normands et aux ambitions qui sont les nôtres pour la Normandie.
L’abandon de la ligne nouvelle Paris-Normandie serait un très mauvais coup porté au développement économique de la région et à l’aménagement du territoire normand. En effet, comme le soulignait le président socialiste de la région Basse-Normandie au lendemain des déclarations de Jérôme Cahuzac : « Ce que nous défendons n’est pas seulement un projet de ligne nouvelle, c’est un projet d’aménagement du territoire ».
Nous souhaiterions, madame la ministre, connaître les intentions du Gouvernement concernant la ligne nouvelle Paris-Normandie, savoir sur quelles bases seront rendus les arbitrages, quels critères seront pris en compte et s’ils intégreront, notamment, le développement économique et l’aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, retenu ce matin aux assises de l’économie maritime du littoral qui se déroulent à Bayonne.
Vous avez bien voulu appeler son attention sur les suites que le Gouvernement entend donner au projet de ligne nouvelle Paris-Normandie. Celui-ci a pour principal objectif de relier le Grand Paris à sa façade maritime, avec un temps de parcours cible réduit à une heure quinze entre Paris et le Havre.
Comme vous le rappelez, le débat public relatif à ce projet s’est tenu d’octobre 2011 à février 2012. Il a porté sur quatre scénarios pour la partie située à l’ouest de Mantes-la-Jolie et deux familles de scénarios pour la partie francilienne. Le coût total du projet est estimé entre 10,4 et 14,9 milliards d’euros, aux conditions économiques de 2010.
À la suite de ce débat public, RFF a décidé, lors de son conseil d’administration du 5 avril 2012, que les études d’approfondissement porteraient notamment sur les trois scénarios retenus par RFF pour la partie située à l’ouest de Mantes-la-Jolie, n’écartant à ce stade que le scénario C, qui prévoyait une traversée de l’estuaire de la Seine et présentait des caractéristiques économiques nettement moins favorables. Ces études aborderont en particulier la traversée de l’Eure et les conditions de desserte des agglomérations d’Évreux et de Louviers-Val de Reuil.
Ainsi, le projet se poursuit. Bernard Cazeneuve avait d’ailleurs saisi de ce dossier le ministre délégué chargé des transports dès son arrivée. Ce dernier a déclaré, lors de son déplacement à Cherbourg en juillet dernier, qu’il avait conscience des enjeux que représente cette infrastructure pour les territoires concernés.
De manière plus générale, et vous l’avez mentionné, monsieur le sénateur, les priorités du Gouvernement, conformément aux orientations fixées par le Président de la République, sont bien les transports du quotidien, la réduction de la fracture territoriale et la rénovation d’un réseau existant, et ce dans un contexte budgétaire restreint.
Vous conviendrez qu’il est aujourd’hui nécessaire de remettre de l’ordre dans l’ensemble des grands projets d’infrastructures inscrits au projet de schéma national des infrastructures de transport pour 2011 par le précédent gouvernement, car ils ne peuvent tous être réalisés à court terme. Ont en effet été prévus 245 milliards d’euros d’investissement sur vingt-cinq ans, quand la capacité budgétaire annuelle de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, est de 2 milliards d’euros par an.
La commission composée de personnalités qualifiées et de parlementaires installée le 17 octobre dernier par Frédéric Cuvillier pour mettre en perspective dans le temps l’ensemble des projets, en veillant à rechercher l’optimisation de l’investissement public et à répondre aux priorités fixées pour cette nouvelle législature, étudiera toutes les possibilités et solutions envisageables pour réaliser le projet de ligne nouvelle Paris-Normandie.
Compte tenu du temps nécessaire à la réalisation de grandes infrastructures, cette commission devra par ailleurs formuler des propositions visant à rénover et à moderniser les réseaux et les matériels existants. L’objectif qui nous rassemble est donc bien d’améliorer dans les meilleurs délais les conditions de déplacement quotidien de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je partage bien sûr votre avis : il est indispensable d’améliorer les conditions de transport quotidien de nos concitoyens, notamment normands.
Je le partage d’autant plus que les lignes desservant la Normandie connaissent aujourd’hui de graves problèmes. C’est le cas de Paris-Caen-Cherbourg, identifiée par le président de la SNCF comme une « ligne malade », et de Paris-Rouen-Le Havre. Les retards sont constants, les matériels roulants présentent des défauts de qualité et sont souvent vétustes ; enfin, il existe des cas de dangerosité avérée dans certaines gares.
Néanmoins, il nous faut aussi nous préoccuper de la construction de l’avenir. À cet égard, la ligne nouvelle Paris-Normandie me paraît très importante en termes de développement économique et d’aménagement du territoire. Je comprends très bien les contraintes budgétaires auxquelles doit faire face l’actuel gouvernement, au même titre que le précédent. Il est absolument nécessaire, en effet, de rétablir la situation de nos finances publiques, mais tailler dans les investissements n’est pas forcément la façon d’agir la plus pertinente. Nous devons surtout nous efforcer de maîtriser les dépenses de fonctionnement, sans trop sacrifier les dépenses d’investissement.
Vous avez rappelé, madame la ministre, que la ligne nouvelle Paris-Normandie permettrait de relier Le Havre et Paris en une heure quinze. C’est évidemment très important, mais vous auriez pu ajouter que, grâce à elle, tout l’ouest du département de l’Eure ne serait plus qu’à cinquante minutes de la capitale. Les enjeux de développement économique de cette ligne pour la région normande sont donc très importants.
Pourriez-vous faire en sorte que le Gouvernement n’oublie pas, lors des arbitrages budgétaires et de la définition des diverses contraintes à retenir, ces facteurs décisifs pour l’avenir économique et le développement de nos territoires ?
suppression du 8e régiment d'artillerie de commercy
M. le président. La parole est à M. Christian Namy, auteur de la question n° 185, adressée à M. le ministre de la défense.
M. Christian Namy. Je souhaite attirer l’attention du ministre de la défense sur la disparition, dès 2013, du 8e régiment d’artillerie de Commercy dans le cadre des mesures de dissolution, de réorganisation et de transfert des unités et établissements du ministère de la défense prises le 31 juillet dernier.
Si la réduction du format, voire la suppression, du 8e RA était évoquée depuis de nombreuses années, il était convenu, et le précédent président de la République s’y était engagé, de surseoir à ces choix tant que des compensations correspondantes ne seraient pas garanties. Le contrat de développement du bassin de Commercy avait ainsi été signé le 18 juillet 2011 afin de permettre de préparer en douceur la réduction du format du régiment. Toutefois, le contrat ne prévoyait en aucun cas la disparition de ce dernier.
Le bassin de vie de Commercy se trouve donc menacé par ce départ brutal, l’arrivée future de l’entreprise Safran et les effets du contrat de développement ne correspondant pas, à ce jour, aux pertes subies par la suppression du régiment. Je vous rappelle que ce territoire est structurellement fragilisé, avec un taux de chômage atteignant pas moins de 12 % de la population active, ce qui lui a valu d’être placé en zone de revitalisation rurale.
Au-delà de la rupture historique entre un régiment et un territoire, c’est tout le confort de vie des habitants qui est menacé. En effet, les soldats du 8e RA ont des conjoints et des enfants. Les uns exercent une activité professionnelle qu’ils avaient une quasi-certitude de pouvoir poursuivre pendant quelques années encore. Les autres remplissent les écoles et ont noué des liens affectifs avec des habitants du territoire environnant.
Dans la sphère publique, les collectivités ont investi des sommes importantes afin de renforcer la qualité de vie des habitants du bassin de Commercy, rénovant les établissements scolaires, l’habitat, et accompagnant des entreprises qui souhaitaient se développer.
Ces entreprises se sont organisées en se fondant sur un objectif prévisionnel tronqué, engageant des investissements lourds afin de répondre aux besoins de leur clientèle. C’est donc encore une fois l’esprit d’innovation et le dynamisme des entreprises qui sont frappés en plein vol, autant d’éléments non pris en compte dans cette décision brutale et justifiée par la seule nécessité comptable.
Alors même que le Gouvernement annonce vouloir agir pour l’emploi, cette décision menace, dans un contexte de crise d’une violence inouïe, le quotidien de centaines de familles, au-delà des seuls militaires du 8e RA. L’État, loin de nous venir en aide, nous plonge dans le néant.
Madame la ministre, le Gouvernement ne pourrait-il revenir sur sa décision de fermer dès 2013 la base militaire de Commercy, afin que nous puissions trouver une solution satisfaisant le plus grand nombre et, surtout, assurant la survie d’un territoire fragilisé par cette décision ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l’éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Jean-Yves Le Drian, retenu par d’autres obligations.
La dissolution du 8e régiment d’artillerie, qui interviendra effectivement à l’été 2013, a été décidée dès 2008 par le précédent gouvernement. Elle s’inscrit dans la logique de rationalisation de l’artillerie qui a prévalu lors des travaux du précédent Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.
Commercy bénéficie depuis le 18 juillet 2011 d’un contrat de développement économique, seul contrat de ce type signé dans le cadre du plan de restructuration des armées 2008-2015, qui a la particularité de permettre d’engager les actions de redynamisation économique du territoire en amont de la dissolution effective de la formation.
L’effort budgétaire ainsi consenti par l’État est exceptionnel : il s’élève à 14,5 millions d’euros sur un total de 25 millions d’euros de financement prévus par le CDE.
Une enveloppe de 4 millions d’euros a été plus spécifiquement mise à la disposition de la commission locale du FRED, le Fonds pour les restructurations de la défense, qui a déjà accordé, en un an, plus d’un million d’euros de subventions à vingt-sept entreprises du bassin de Commercy, ce qui a permis la création de plus de cent trente emplois.
L’entreprise Système Bois Massif a également déjà transféré son siège social et une partie de sa production de la région parisienne à Commercy. Ce transfert a été subventionné par les crédits du FRED, à hauteur de 0,6 million d’euros, en contrepartie de l’engagement pris par la société de créer soixante emplois sur trois ans.
Le groupe aéronautique Safran, dont vous avez parlé, va également s’implanter à Commercy. Cette unité de production, qui représentera un investissement d’environ cinquante millions d’euros, créera dans un premier temps cent quatre-vingts emplois. L’effectif pourrait atteindre, au total, quatre cents salariés.
Le site français devrait alors produire 50 % des aubes et carters nécessaires à la nouvelle génération de moteurs LEAP, plus économes en carburant, dont 3 500 exemplaires sont déjà commandés pour l’équipement des futures flottes d’avions courts et moyens courriers d’Airbus ou de Boeing.
Ce projet a par ailleurs reçu l’appui du conseil régional de Lorraine, soucieux de développer la filière aéronautique de la région, du conseil général de la Meuse et de la ville de Commercy.
Le groupe Cockerill Maintenance & Ingénierie, domicilié en Belgique, est en pourparlers avec le ministère de la défense afin d’étudier l’opportunité et la faisabilité de la création, sur le site de Commercy, d’un centre de formation de tireurs canons et de mécaniciens de tourelles dans le cadre d’une assistance à l’exportation de matériels militaires.
Ainsi, ce sont près de six-cents emplois directs qui sont déjà attendus sur le territoire.
Certes, il y a un décalage qu’on ne peut nier entre le calendrier du départ du dernier militaire et l’arrivée effective de ces nouveaux emplois sur la zone. Néanmoins, d’une part, on retrouve la même situation dans tous les contrats de site, et, d’autre part, le niveau des futurs emplois, ainsi que leur pérennité au vu des projections de commandes de Safran, constitueront un avantage réel par rapport au passé.
En effet, contrairement au 8e RA, qui est autonome pour son gardiennage, sa restauration et ses transports, les entreprises qui s’installent, en particulier Safran, seront créatrices d’un nombre important d’emplois indirects dans ces domaines de soutien.
S’agissant des emplois induits, il importe de rappeler que les effectifs du 8e RA sont très largement composés de personnels célibataires logés au quartier. Le nombre de familles de militaires résidant actuellement sur Commercy est relativement faible, et s’il est bien entendu trop tôt pour évaluer l’importance des ménages qui s’installeront sur le bassin d’emploi dans les années à venir, il n’est pas exclu que le bilan soit positif sur ce plan également.
Par ailleurs, la commune de Commercy bénéficie aussi du dispositif de cession à l’euro symbolique. Elle a d’ailleurs commencé à en profiter par la cession du pavillon des Capucins, ensemble de logements de famille inutilisés.
En conclusion, le contrat de Commercy fait l’objet de beaucoup d’attention, d’investissements humains et de financements. Les résultats attendus sont très encourageants et seront à la hauteur des promesses, voire supérieurs à celles-ci.
Le ministre de la défense a demandé qu’une réunion placée sous le pilotage du préfet soit organisée dans les meilleurs délais afin de faire un point précis sur le degré d’avancement des mesures d’accompagnement de cette restructuration.
M. le président. La parole est à M. Christian Namy.
M. Christian Namy. Madame la ministre, je vous remercie de vos propos. Je note que, le ministre de la défense ne pouvant être parmi nous, vous l’avez représenté, mais j’observe aussi qu’il ne répond même pas aux courriers que, élus nationaux de toutes sensibilités politiques, nous lui adressons.
Je ne peux pas non plus dire que je suis pleinement satisfait de votre réponse.
En ce moment même, le maire – socialiste – de Commercy manifeste devant l’Élysée avec l’ensemble des élus locaux pour faire savoir à quel point il est insatisfait des mesures qui sont prises actuellement.
En fait, tout le monde reconnaît l’effort accompli par le Gouvernement, par les gouvernements successifs. Je rappelle toutefois, et c’est là le vrai sujet de contentieux entre nous et l’État actuellement, que le précédent président de la République – et je considère que, en République, quand un président prend une décision le président suivant doit la tenir – s’était engagé à ce que la disparition du 8e RA n’intervienne que dès lors que les emplois seraient effectivement créés sur place. Or, actuellement, il ne s’agit que de propositions de créations d’emploi.
Certes, l’implantation de l’usine Safran représente un formidable investissement, auquel mon département contribue d'ailleurs largement, avec l’aide de la région Lorraine, mais la décision prise par le ministre de fermer purement et simplement le 8e RA n’en est pas moins incompatible avec les engagements pris antérieurement.
Je vous demande donc simplement, madame la ministre, d’insister auprès de M. le ministre de la défense et de lui dire qu’il y a peut-être d’autres solutions.
D’une part, puisque nous sommes en train d’établir le Livre blanc, nous aurions peut-être pu attendre que celui-ci soit achevé pour savoir quelles étaient les conséquences effectives sur le terrain.
D’autre part, vous avez parlé, avec raison, du contrat de développement économique, mais, et c’est là la difficulté, ce contrat s’applique dans des conditions strictes et draconiennes et il n’a pas l’ampleur que nous souhaitions.
difficulté d'application du décret du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 44, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.
M. Jacques Berthou. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous présenter les excuses de mon collègue Rachel Mazuir, qui est retenu dans l’Ain.
Il a souhaité interroger le Gouvernement sur les difficultés d’application du décret du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Ce texte précise – enfin – les conditions d’attribution de l’AAH : le demandeur doit être atteint d’un taux d’incapacité permanent d’au moins 80 % ou compris entre 50 % et 79 % et « avoir une restriction substantielle et durable d’accès à un emploi, compte tenu du handicap ».
Or cette définition de la notion de « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi » est trop restreinte.
Auparavant, en effet, chaque MDPH, ou maison départementale des personnes handicapées, disposait d’une certaine marge de manœuvre pour apprécier cette notion chez les personnes présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %.
Désormais, seul le handicap, sous son aspect médical, sera pris en compte.
En outre, ce décret modifie la durée d’attribution de l’AAH. Jusqu’à présent, elle était accordée pour une période d’un à cinq ans, quel que soit le taux d’incapacité du bénéficiaire. Or, dans certaines situations, principalement pour les personnes handicapées qui travaillent et ont été orientées en établissements et services d’aide par le travail, la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est définitive.
Le fait que l’AAH ne puisse être accordée que pour deux ans maximum alors que l’orientation médicosociale en ESAT est acquise pour cinq ans provoquera une augmentation très sensible du nombre de dossiers à traiter pour les MDPH : les personnes concernées devront en effet constituer régulièrement un nouveau dossier pour pouvoir continuer de prétendre à l’AAH.
Cette situation augmente les risques de rupture des droits pour les usagers, qui seront donc relancés par les MDPH six mois avant l’expiration du délai des deux ans, ce qui entraînera une surcharge de travail et des frais supplémentaires importants.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il serait souhaitable que le Gouvernement puisse revenir sur les dispositions arrêtées dans ce décret et porter de nouveau à cinq ans la durée d’attribution de l’AAH.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, ne doutant pas que vous me remplacerez avantageusement, je vous charge de transmettre mes propos à votre collègue Rachel Mazuir.
En 2010 et 2011, la Direction générale de la cohésion sociale a développé une importante concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées. Cette concertation a débouché, en août 2011, sur la publication d’un décret précisant les critères permettant de reconnaître une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », notion introduite par la loi de finances pour 2007.
Le décret précise la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », condition nécessaire, vous l’avez rappelé, de l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés pour les demandeurs dont le taux d’incapacité reconnu par la MDPH est égal ou supérieur à 50 % mais inférieur à 80 %.
Ce texte rappelle que la restriction substantielle et durable peut être évolutive en fonction de nombreux facteurs, propres à la situation du demandeur, médicaux notamment, ou extérieurs à celle-ci, comme les moyens de compensation du handicap.
Par ailleurs, la circulaire qui l’accompagne a permis de diffuser un outil concret d’aide à la décision, qui est aujourd’hui partagé et reconnu par l’ensemble des membres des CDAPH, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, de nombreuses MDPH.
Vous regrettez que cette définition limite les marges de manœuvre des MDPH. Cependant, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et plusieurs institutions de contrôle, comme l’Inspection générale des affaires sociales ou la Cour des comptes, ont pu constater des disparités territoriales en matière d’attribution de l’AAH par les CDAPH. À ce propos, la CNSA, dans un rapport de juillet 2009, a conclu que, une fois gommées les différences socioéconomiques et démographiques entre départements, environ un tiers des écarts demeurent inexpliqués.
On peut donc conclure, en effet, à des différences de pratiques d’instruction ou d’interprétation des textes selon les territoires. Les écarts d’attribution peuvent ainsi varier d’un à quatre en ce qui concerne les taux d’accord par rapport aux demandes d’AAH déposées.
La plus grande fréquence d’examen des situations individuelles doit permettre de réduire ces écarts, donc d’améliorer l’égalité de traitement devant une prestation décisive pour la qualité de vie des personnes concernées.
Vous rappelez en outre que le décret d’août 2011 fixe une durée d’attribution de l’AAH comprise entre un et deux ans, contre cinq ans auparavant. Cette modification normative a pu entraîner localement une augmentation de la charge de travail des MDPH, mais elle est la conséquence directe des constats effectués par les maisons départementales elles-mêmes.
Il faut en effet rappeler que, selon les chiffres de la CNSA publiés en 2012, les demandes d’AAH ne représentaient que 16,5 % des demandes formulées par des adultes en situation de handicap, étant entendu qu’un nombre important de demandes reçues en MDPH concerne des enfants. En outre, on a constaté dans un nombre important de départements que la durée moyenne d’attribution de l’AHH au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale avant la réforme était seulement très légèrement supérieure à deux ans.
D’une manière générale, l’intérêt de la réforme réside dans la possibilité laissée aux CDAPH d’évaluer beaucoup plus fréquemment la situation de la personne. Cela permet d’adapter en conséquence les mesures d’accompagnement socioprofessionnel prises par la commission et par ses partenaires du service public de l’emploi de manière à éviter tout risque d’exclusion durable du monde du travail. Le principe d’une évaluation plus fréquente de l’employabilité des personnes handicapées est donc en soi bénéfique, y compris pour les bénéficiaires de l’AAH orientés en ESAT.
Enfin, la durée d’orientation en ESAT, de cinq ans maximum, n’est pas conditionnée par l’octroi de l’AHH, les deux décisions étant de nature différente.
Les services déconcentrés de la cohésion sociale et les équipes pluridisciplinaires des MDPH ont été formés parallèlement par la Direction générale de la cohésion sociale et par la CNSA, entre octobre 2011 et mars 2012, sur les conséquences de l’évolution normative de l’AAH, en particulier sur la notion de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.
À ce jour, le bilan est positif et des échanges fructueux ont pu s’établir entre les services de l’État et les MDPH afin de parvenir à une connaissance partagée et une approche commune de la restriction substantielle et durable dans une très grande majorité de départements.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement n’entend donc pas revenir sur les dispositions du décret du 16 août 2011, qui avaient fait l’objet, bien sûr, de nombreuses contestations, mais aussi d’une véritable concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées.
Naturellement, le Gouvernement reste attentif aux éventuelles difficultés que pourrait poser son application, et je serai moi-même particulièrement vigilante.
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Madame la ministre, je vous remercie de ces nombreuses précisions. En effet, l’interprétation de ces dispositions par les MDPH pouvait aboutir à des inégalités selon les départements. Nous sommes assurés aujourd’hui de votre vigilance à faire en sorte qu’il y ait moins d’interprétations différentes et que les décrets soient plus précis.
Vous le savez, les conseils généraux rencontrent beaucoup de difficultés et toute entrave supplémentaire ne fait qu’accroître la charge de travail quotidienne. Or les MDPH ont de moins en moins de moyens pour assurer leurs missions. Les outils mis à leur disposition sont limités.
Dans l’Ain, par exemple, la MDPH a perdu le dispositif Appui projet, mis en place par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, afin d’examiner les capacités de travail et la mise en situation professionnelle. Désormais, seuls les services de Pôle emploi, Cap emploi ou les missions locales pourront les mobiliser, alors même que ces services sont très limités et souvent surchargés.
Les personnes handicapées à la recherche d’un travail seront encore plus touchées et ne pourront plus bénéficier d’un suivi rapproché de leurs demandes d’emploi. Il s’agit pourtant des principales victimes du chômage, celles qui auraient justement besoin de plus de soutien dans leurs démarches.
Il faut donc faire en sorte, madame la ministre, que tous les moyens nécessaires soient accordés afin de faciliter la tâche des MDPH et des conseils généraux.
devenir des anciens bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 119, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, en 2007 et en 2008, des milliers de personnes ont quitté leur emploi en pleine tourmente économique, pensant ainsi sauver leur entreprise et laisser leur place à de plus jeunes.
Elles sont parties parce qu’elles avaient la certitude de toucher l’allocation équivalent retraite, l’AER, en relais de leur allocation chômage, dans l’attente de la retraite.
Elles ont été trompées par leur entreprise et par les administrations, qui ont validé les plans de départ dits « volontaires » en ne leur indiquant pas que l’AER allait être supprimée par le gouvernement Fillon, le 1er janvier 2009.
Ces personnes étaient environ 60 000 ; elles sont aujourd’hui beaucoup moins nombreuses. Certaines d’entre elles sont nées en 1952, mais la majeure partie est née en 1953, et elles n’ont jamais perçu l’AER. Les plus chanceuses continuent de bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS, mais les autres ne perçoivent aucun subside.
Aujourd’hui, madame la ministre, rien n’est prévu pour ces personnes qui ont travaillé toute leur vie, souvent plus de quarante ans, dans des conditions pénibles et en suivant des parcours hachés. Elles se trouvent en dehors de tout dispositif de solidarité nationale : elles ne sont concernées ni par le décret créant l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS, parce qu’elles n’ont pas 60 ans, ni par le décret de la retraite à 60 ans de juillet 2012. Elles ne sont concernées que par la retraite à 62 ans – c’est-à-dire pas tout de suite –, par le chômage massif des seniors, par la précarisation et surtout par une détresse angoissante.
Ces personnes ont été précipitées par l’ancien gouvernement dans la pauvreté. Il n’est pas possible d’attendre la réforme des retraites pour agir en leur faveur, car en 2013 et en 2014 la question ne se posera plus : elles seront enfin à la retraite.
Nous proposons, madame la ministre, une solution immédiate : l’élargissement des conditions d’accès à l’ATS en faisant sauter le verrou des 60 ans. Nous vous invitons à tenir rapidement une réunion interministérielle afin d’envisager les modalités de cet élargissement.
Madame la ministre, je propose que, ensemble, nous rendions à ces personnes la dignité dont elles ont été privées. Leur situation nous bouleverse, mes collègues et moi-même, au plus haut point. Nous devons préparer le budget de la Nation en prenant en compte leur détresse et en essayant de les sortir de la situation angoissante dans laquelle elles ont été mises bien malgré elles.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je me permets de vous répondre au nom de Mme la ministre de la santé et je salue votre intervention à la fois émouvante et politiquement forte.
La question des fins de carrière et de la transition entre l’emploi et la retraite est au cœur des préoccupations du Gouvernement.
Dès le 2 juillet dernier, le décret abaissant l’âge de départ à la retraite à 60 ans, pour les personnes ayant commencé à travailler tôt et ayant la durée de cotisation requise, est venu réparer la principale injustice de la réforme de 2010. Les premiers départs au titre de cette mesure ont lieu depuis le début de ce mois ; en année pleine, plus de 100 000 personnes pourront en bénéficier.
L’accord sur le contrat de génération, qui vient d’être conclu par les partenaires sociaux, a notamment pour objectif de favoriser le maintien dans l’emploi ainsi que l’embauche des seniors. Il prévoit que l’accès au contrat de génération soit possible à 55 ans en cas d’embauche, au lieu de 57 ans. Le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 12 décembre prochain et fera l’objet d’une inscription très rapide à l’ordre du jour du Parlement, afin d’entrer en vigueur au début de 2013.
Dans le cadre de la « feuille de route sociale », une réforme globale du système de retraite sera mise en chantier en 2013 pour assurer la pérennité et l’équité de celui-ci. C’est alors que devra être abordée la question de la transition entre emploi et retraite, ainsi que celle des conditions de départ à la retraite.
Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, le Gouvernement a fait le choix d’agir avec détermination pour l’emploi. Priorité a été donnée aux politiques d’insertion professionnelle durable des jeunes et de soutien actif à l’emploi des seniors. Ainsi, face à l’urgence, il a été décidé de mobiliser 40 000 contrats aidés supplémentaires d’ici la fin de l’année, en sus des 80 000 déjà annoncés en juillet dernier, et de renforcer le service public de l’emploi avec la signature de 2 000 CDI supplémentaires.
En 2013, l’enveloppe de contrats aidés sera stabilisée – hors emplois d’avenir – à son niveau de 2012, ce qui permettra aux seniors demandeurs d’emploi, notamment de très longue durée, d’en bénéficier, puisque les jeunes seront orientés en priorité vers les emplois d’avenir.
Aménager un nouveau dispositif de ce type conduirait à retrancher environ 120 millions d’euros du budget de l’emploi pour une dizaine de milliers de bénéficiaires.
La solution aux difficultés rencontrées par les travailleurs seniors à se maintenir dans l’emploi ou à retrouver un emploi ne passe pas par le retour à des politiques de préretraites qui ont montré leurs limites. Elle relève avant tout de la mobilisation d’un ensemble de moyens visant à faciliter les fins de carrière et les transitions entre emploi et retraite.
L’ensemble de ces questions, notamment celle des anciens bénéficiaires de l’AER, ont vocation à être abordées dans le cadre de la réflexion globale sur les retraites prévue en 2013. Elle nous permettra de définir, avec les partenaires sociaux, des réponses à la fois justes et financièrement responsables pour faire évoluer notre système de retraite.
Contrairement à l’approche purement financière retenue par les gouvernements de droite, une réforme des retraites de gauche doit placer au cœur de ses préoccupations les questions d’équité, notamment en matière d’emploi des seniors, sans lesquelles aucune réforme des retraites ne peut réussir.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Madame la ministre, j’ai bien pris note de l’ensemble des mesures gouvernementales en faveur de l’emploi et de la retraite et je ne peux que les approuver.
Cependant, vous n’avez pas répondu à ma question sur la situation de ces 20 000 à 30 000 personnes qui ont quitté leur entreprise en ayant la certitude de toucher l’allocation équivalent retraite.
Je pourrais vous lire des dizaines de lettres. Je connais une dame qui vit dans une caravane parce qu’elle ne veut pas vendre son appartement : elle le loue pour pouvoir en payer les traites. On ne peut rester insensible devant une telle situation.
Le Gouvernement doit élargir son dispositif et faire sauter le verrou des 60 ans de l’ATS. Il ne s’agit pas d’une mesure qui aurait un coût considérable. De plus, ce ne serait que justice envers ces personnes qui ont tant travaillé et qui ont permis à notre société d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Il aurait été heureux que le décret sur les retraites prenne en charge la question de ces allocataires de l’AER. Tel n’a malheureusement pas été le cas.
Il nous faut aujourd’hui rectifier le tir et intégrer au panel des mesures que vous nous avez proposées l’élargissement de l’ATS pour les anciens allocataires de l’AER ou pour ceux qui ne l’ont encore pas perçue parce qu’ils étaient au chômage économique.
Il s’agit d’une question de justice sociale. Je vous ai parlé tout à l’heure de situations bouleversantes. Nous devons justice à ces femmes et à ces hommes qui ont travaillé avec leurs mains, avec leur tête, et qui sont fiers du travail qu’ils ont accompli.
fusions entre établissements publics de santé
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan, auteur de la question n° 162, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Yves Chastan. Madame la ministre, en tant que président du conseil de surveillance d’un établissement public hospitalier, celui de Privas, je suis confronté à la problématique de sa fusion avec un autre établissement, situé à Vernoux-en-Vivarais, dans le centre de l’Ardèche, alors même qu’une première fusion avait déjà intégré un établissement médico-social de La Voulte-sur-Rhône au centre hospitalier de Privas.
M’appuyant sur cette expérience, ainsi que sur un rapport de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, de mars 2012, intitulé Fusions et regroupements hospitaliers. Quel bilan pour les quinze dernières années ?, je veux aborder plus généralement la question des fusions entre établissements publics de santé.
Tout d'abord, une opération de fusion n’est jamais anodine. Le processus suppose notamment d’harmoniser et de négocier la politique sociale suivie par les établissements, de revoir les systèmes d’information pour les rendre compatibles, de reprendre la comptabilité, de retravailler les budgets, de modifier la gouvernance... Bref, de subtils équilibres nouveaux sont à trouver.
Il est donc essentiel d’expliquer les raisons pour lesquelles des établissements doivent fusionner. Le rapport de l’IGAS incite à préciser et assumer les raisons qui poussent à de telles opérations, quand bien même ces « restructurations ne se justifient que pour des raisons de rationalité économique ». Car, à l’inverse, il peut émerger de l’échange constructif que « des raisons d’intérêt général s’opposent à certaines opérations de rationalisation, au nom, par exemple, de la nécessité de préserver l’accès aux soins dans des zones isolées ».
Dans le projet de fusion précité, certains syndicats manifestent leur opposition pour diverses raisons – craintes de pertes d’emplois ou d’avantages divers –, mais avant tout, je crois, car ils n’en comprennent pas toujours la finalité. Pourtant, une direction commune, déjà créée en l’occurrence, disposant d’un projet médical commun, apparaît suffisante et pertinente pour adapter l’offre de santé sur le territoire concerné.
Sans un temps de concertation suffisant, sans une approche globale des conséquences, une fusion « au forceps » ne prend pas. D’ailleurs, les deux conseils de surveillance et les deux communes consultées pour avis, ont émis des avis défavorables sur la fusion, en tout cas sur une fusion « précipitée », telle qu’elle a été demandée par l’ARS courant 2012 pour aboutir le 1er janvier 2013.
Une concertation préalable impliquant toute la communauté hospitalière ainsi que les représentants des usagers me paraît donc indispensable, tout comme l’écoute des acteurs locaux. Si la loi prévoit bien une consultation des conseils de surveillance et des conseils municipaux concernés, ce qui est tout à fait positif, n’y aurait-il pas tout intérêt à réfléchir à une meilleure prise en compte des avis des acteurs locaux ainsi consultés et, en tout cas, à mener une concertation plus en amont des projets ?
Cet engagement pour plus de démocratie participative dans l’hôpital public s’inscrirait à rebours de la logique jacobine et libérale sous-tendant fortement la loi HPST, c'est-à-dire Hôpital, patients, santé et territoires, adoptée lors de la précédente législature. Je crois savoir d'ailleurs que c’est ce que vous souhaitez, madame la ministre.
Expliquer, écouter, mais aussi accompagner : il s’agit d’une des conclusions du rapport de l’IGAS. Il faut effectivement accompagner les acteurs de ces éventuelles fusions car « sur le plan des ressources humaines notamment, les acteurs locaux sont fréquemment confrontés à des problèmes qu’ils ne peuvent régler qu’en disposant de moyens juridiques et/ou financiers spécifiques ». Toute fusion étant « source de surcoûts ou de dysfonctionnements », l’IGAS recommande ainsi à la DGOS, la direction générale de l’offre de soins, de travailler avec les ARS et les établissements, en créant des outils supplémentaires d’appui aux acteurs de la démarche.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos orientations quant à la politique des fusions promue par la loi HPST et à ses conséquences éventuelles sur le service public de santé et son maillage territorial ?
De plus, lorsque les fusions sont souhaitables – cela arrive ! – et acceptables par les partenaires et usagers des territoires de santé, que préconisez-vous pour une meilleure concertation et un réel accompagnement des établissements et de leurs responsables par les ARS ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, l’adaptation constante de l’offre de soins aux besoins de santé et au contexte économique peut nécessiter des recompositions de natures très diverses, telles que des fusions d’établissements publics de santé.
Leur opportunité est à apprécier au regard d’un diagnostic objectif à réaliser à l'échelle territoriale – déficit ou excédent d’offre, équilibre de la démographie des professionnels de santé, équilibres financiers des structures – ou de référentiels nationaux – régulation des activités de soins, régulation financière. Les agences régionales de santé, les ARS, ont en charge le pilotage et l’accompagnement des opérations de recomposition.
Dans le cadre des travaux qu’elle a lancés autour du pacte de confiance pour l’hôpital, la ministre des affaires sociales et de la santé a souhaité qu’un volet social figure dans les projets régionaux de santé des ARS. Il ne s’agit pas pour ces dernières de se substituer aux établissements dans le dialogue social local, mais de veiller à ce que la concertation soit assurée lorsque sont menés des projets concernant plusieurs établissements.
La ministre des affaires sociales et de la santé pense en effet, comme vous, qu’un des éléments clefs du succès des opérations de recomposition hospitalière est l’assurance que les personnels concernés sont informés et associés aux projets. Les ARS doivent jouer un rôle d’accompagnement auprès des élus, des communautés médicales et soignantes, des chefs d’établissement.
S’agissant de l’accompagnement social des restructurations, les agences régionales de santé disposent d’ores et déjà, à travers le fonds d’intervention régional, de la capacité d’accorder des aides financières individuelles aux agents concernés – aides à la mobilité, indemnités de départ volontaire, aides à la conversion professionnelle, remboursement du différentiel de rémunération – et peuvent également mettre en place des cellules locales d’accompagnement social et de modernisation.
En outre, dans le cadre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé a identifié une enveloppe spécifique dédiée à l’accompagnement de ces opérations de réorganisation. Par ailleurs, elle aura l’occasion, sur la base des propositions des travaux de concertation engagés autour du pacte de confiance pour l’hôpital public, de formuler de nouvelles propositions dès le début de l’année 2013.
M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Ma réplique sera brève, madame la ministre. Les réponses que vous avez apportées au nom de Marisol Touraine me satisfont dans l’ensemble, notamment les éléments relatifs au volet social du pacte qu’elle a proposé et à l’enveloppe spécifique d’accompagnement. Les précisions que vous venez de donner rejoignent l’une des préoccupations que j’ai exprimées.
Ces propositions sont aussi de nature à prolonger, poursuivre et amplifier l’action du Gouvernement, qui vise à reconstituer un service public de santé hospitalier digne de ce nom. La réhabilitation de ce secteur est déjà en cours et elle sera poursuivie. J’en suis personnellement très heureux et je vous assure que, dans les territoires, les mesures qui vont dans le bon sens ne soulèvent pas d’objections a priori.
Une fusion peut dans certains cas se révéler nécessaire, à condition qu’elle ne soit pas conçue à la va-vite, mais au contraire convenablement préparée et anticipée, et que l’ensemble des membres de la communauté hospitalière et de santé, y compris les usagers, bien évidemment, puissent y être associés et comprendre les enjeux et les conséquences pour les établissements appelés, le cas échéant, à se regrouper.
Notre objectif à tous – je ne doute pas, bien entendu, que le Gouvernement y souscrive également – est de prendre en compte ces évolutions quand elles apparaissent nécessaires et utiles pour la qualité des soins et de l’accueil des usagers, notamment au sein du service public hospitalier, sur lequel repose aujourd’hui l’essentiel de l’accueil des patients et des usagers, particulièrement dans les zones rurales et les zones urbaines déshéritées.
Nous sommes favorables à ces évolutions, mais il convient de les anticiper et les accompagner, afin que nous puissions, tous, mieux en percevoir les enjeux.
nouvelle organisation de la permanence de soins dans le département de la somme
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois, auteur de la question n° 164, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Daniel Dubois. Madame la ministre, l’ARS, l’agence régionale de santé, de Picardie a arrêté, le 3 août 2012, son cahier des charges régional de la permanence des soins ambulatoires. Je souhaite vous alerter sur les conséquences de cette nouvelle organisation pour le milieu rural dans le département de la Somme.
L’ARS propose de passer de trente-deux secteurs géographiques de garde de nuit à quinze secteurs, voire à dix d’ici à un an.
Cette proposition est inadaptée aux contraintes liées au milieu rural : elle risque non seulement de dégrader l’offre de soins, mais aussi d’aggraver la désertification médicale, bien connue dans les territoires ruraux, voire de mettre, une fois de plus, les collectivités locales à contribution.
En premier lieu, en ce qui concerne le patient et la dégradation de l’offre de soins, la nouvelle permanence de soins effectuée par les médecins généralistes est fixée de vingt heures à vingt-quatre heures, tous les jours de la semaine, y compris le week-end. En revanche, la garde de ces mêmes médecins généralistes est supprimée en nuit profonde, de minuit à huit heures du matin.
L’ARS contraint donc le patient à se déplacer obligatoirement pour se rendre au cabinet du médecin de garde.
On ne tient pas compte des personnes qui ne peuvent se déplacer : les personnes âgées ou isolées, les mères ou pères vivant seuls avec des enfants en bas âge, les personnes sans voiture, sans permis ou celles qui sont en fin de vie.
Aussi, baisser le nombre de secteurs revient à augmenter leur taille, donc à accroître la distance d’accès aux soins par les routes de campagne.
En second lieu, l’ARS préconise que, à terme, les gardes soient assurées dans « des lieux fixes de consultation tels que les maisons médicales de garde, de préférence adossées aux structures hospitalières ». Toutefois, de quelles structures hospitalières parle-t-on, puisqu’il n’en existe quasiment plus en milieu rural ? Et qu’appelle-t-on proximité ? L’ARS la définit comme « une limite d’accès aux soins maximale de quarante minutes »…
Madame la ministre, la problématique n’est pas la même en milieu rural et en ville, où l’on peut compter sur les services d’urgence des hôpitaux et des structures telles que SOS Médecins.
J’entrevois donc deux conséquences, dont l’une, malheureusement, est bien connue.
Première conséquence : la désertification de la démographie médicale en milieu rural.
Pour assurer la permanence de soins, un jeune médecin devra intervenir sur un plus grand secteur et, à terme, se rendre dans une maison médicale à proximité d’un hôpital très éloigné de son domicile, dans les mêmes conditions que s’il était étudiant interne salarié de l’hôpital !
Quant aux gardes en nuit profonde, de minuit à huit heures du matin, elles étaient, jusqu’alors, effectuées par les médecins généralistes, chacun dans leur secteur. Dorénavant, seuls quatre médecins volontaires pourront effectuer les gardes de nuit profonde dans tout le département !
Deuxième conséquence : la mise à contribution les collectivités.
En effet, selon vous, qui va devoir répondre aux diverses impossibilités de se déplacer ? Très certainement les ambulanciers, mais aussi les sapeurs-pompiers, payés par les collectivités : la boucle est ainsi bouclée.
Dès lors, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement a-t-il l’intention de prendre pour assurer la permanence des soins en milieu rural ? Comment envisagez-vous d’intervenir sur cette nouvelle proposition d’organisation de l’ARS dans le domaine que je viens d’évoquer ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous le savez, la nouvelle organisation de la permanence des soins, en phase de lancement dans la plupart des régions, est le résultat de la mise en œuvre des dispositions de la loi HPST. Les agences régionales de santé ont construit une réponse aux besoins, dans ce cadre.
Cependant, ces réponses sont très largement dépendantes de la question de la désertification médicale. En effet, il est très difficile de trouver des médecins volontaires dans les zones démédicalisées, alors que ces praticiens sont déjà surchargés en journée pour répondre aux besoins de leur patientèle. L’amélioration de la permanence des soins est donc très liée à notre capacité à traiter la question des déserts médicaux.
Une réforme globale de la permanence des soins ambulatoires ne doit pas intervenir immédiatement. Tout d’abord, les nouvelles organisations viennent d’être lancées et il est souhaitable que nous disposions d’un peu de recul pour en analyser le fonctionnement. Ensuite, il me semble important que les mesures qui seront prises pour les territoires en voie de démédicalisation aient commencé à produire leurs premiers effets.
À court terme, il faut s’assurer que les organisations mises en œuvre par les ARS offrent la meilleure réponse en fonction de chaque situation régionale.
Concernant la Picardie, qui est l’une des régions les plus touchées par la désertification médicale, l’exercice était particulièrement difficile. Les mesures prises visent à améliorer la situation : sur les 82 secteurs de garde qui existaient jusqu’à présent, seuls 51 étaient couverts avant minuit, soit 62 %, et 43 l’étaient après minuit, soit 53 %.
Ainsi, l’agrandissement des territoires de garde permet de limiter le nombre de médecins à mobiliser et, néanmoins, de couvrir l’ensemble du territoire. Dans les zones les plus défavorisées, l’activité en nuit profonde, de minuit à huit heures, était tellement faible qu’il a été décidé de renforcer la capacité de la régulation médicale téléphonique, qui permet de répondre aux demandes des patients et d’envoyer si nécessaire une intervention médicale d’urgence.
Ainsi, les médecins libéraux ne sont plus mobilisés en nuit profonde et sont davantage disponibles sur les plages horaires qu’attendent les patients, avant minuit et le dimanche. L’agence régionale de santé de Picardie va mettre en place un comité de suivi de la permanence des soins dans les prochains jours, pour vérifier que le système répond correctement aux besoins.
À moyen terme, c'est-à-dire à la fin de l’année 2013, le dispositif sera évalué pour améliorer ces organisations de manière tangible pour tous les Français. Comme pour la question des déserts médicaux, je pense que nous devrons être inventifs pour créer de nouveaux dispositifs, qui doivent permettre de mieux assurer, en complémentarité entre la ville et l’hôpital, la réponse médicale aux besoins de nos concitoyens, aux heures de fermeture des cabinets.
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si je ne suis pas tout à fait d’accord avec vos propos.
Vous nous dites finalement que le système ne fonctionnait pas bien, puisque seules 62 % des permanences étaient tenues en journée, et 53 % en nuit profonde.
Pour répondre à ce problème, vous avez décidé d’agrandir les secteurs. J’ai plutôt tendance à penser qu’il aurait fallu faire le contraire. Si l’on veut vraiment apporter une réponse pour les territoires ruraux, ce n’est pas, me semble-t-il, en éloignant le médecin du patient que l’on y parviendra !
Vous nous dites par ailleurs : on va évaluer. Vous me rassurez ! Il est toujours bon en effet de se demander si un système fonctionne. Toutefois, je serais presque tenté de vous donner dès aujourd’hui la réponse : à mon avis, ce système ne fonctionnera pas, tout simplement.
Je voudrais surtout vous dire deux mots à propos du département de la Somme. Avec 782 communes, 544 de moins de 500 habitants et 750 de moins de 1 000 habitants, c’est le troisième département français en nombre de communes.
Mettre en place un système sans tenir compte de ces spécificités, c’est, encore une fois, ne pas répondre à la problématique de santé qui se pose dans les territoires ruraux.
Effectivement, je pense qu’il conviendra d’évaluer très sérieusement le dispositif et je vous demande, madame la ministre, de suivre attentivement ce dossier.
En attendant, j’espère qu’il n’arrivera rien à un parent qui vit seul avec ses enfants ou à une personne âgée. En tout état de cause, je ne vois pas comment on pourra attirer de jeunes médecins en leur disant : le jour où vous serez de garde, vous ne resterez plus chez vous, vous n’irez pas au cabinet médical qui se situe à proximité de votre domicile, mais vous serez contraint d’aller dormir dans une petite chambre, à cinquante kilomètres de chez vous, pour assurer trois ou quatre consultations par nuit, comme lorsque vous étiez interne !
Évidemment, la problématique n’est pas la même en milieu urbain, où tous les services sont disponibles, notamment l’hôpital ou SOS Médecins.
Pour conclure, si le problème est réel, madame la ministre, la réponse que vous lui apportez ne me semble pas adaptée.
recours à la commande publique pour la mesure de placement à l'extérieur
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 183, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Daniel Reiner. Je constate, non sans un brin d’amusement, que notre collègue, à travers sa question et sa réplique, vient de dresser un bilan catastrophique de la politique de santé menée depuis dix ans ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
J’en reviens à ma question, qui s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Je souligne au préalable que cette dernière m’a personnellement informé, vendredi dernier, qu’elle ne pourrait répondre elle-même à cette question et qu’elle vous avait donc chargée de le faire en son nom, madame la ministre. Je tiens à saluer cette élégante attention – je suis parlementaire depuis quelque temps, et j’avoue que c’est une première !
Comme plusieurs de mes collègues, j’ai été interpellé par une association adhérente du collectif Citoyens et Justice sur la menace que représente la logique de mise en concurrence de la mesure de placement à l’extérieur.
Cette mesure, qui constitue une alternative à la détention pour les courtes peines ou les fins de peine, a aujourd’hui fait ses preuves. Elle présente l’intérêt d’être moins onéreuse qu’une place de détention et favorise la réinsertion et la prévention de la récidive.
Ces orientations correspondent aux objectifs de la nouvelle politique pénale qui ont été présentés par Mme la garde des sceaux en conseil des ministres et transmis dans une circulaire aux parquets le 19 septembre 2012.
Historiquement, depuis le début des années 1980, le placement à l'extérieur a été développé par les associations dans le cadre d'un partenariat avec l'administration pénitentiaire. Celle-ci reconnaît elle-même que la réussite de ce dispositif repose très largement sur le savoir-faire des associations qui en ont la charge, leur implantation locale et les réseaux qu'elles ont pu constituer.
Dans le département de Meurthe-et-Moselle, de quatre-vingts à cent personnes sont accueillies chaque année par près d'une dizaine d'associations, reconnues pour la qualité de leur travail d'accompagnement social.
Or, depuis août 2008, l'administration pénitentiaire est engagée dans une réforme du mode de financement qui la conduit à opter pour la passation d'un marché public. Cette volonté s'est concrétisée en avril 2011 lors de la première publication d'un appel d'offres dans le département de l'Isère. Elle a été confirmée dans une note de la direction de l'administration pénitentiaire du 13 mars 2012.
Face à cette évolution, qui met en péril le travail des associations garantes des éléments fondamentaux de la mesure de placement à l’extérieur ― relation de partenariat forte, souplesse de la mesure, notion de parcours, hébergement, entre autres ―, les fédérations nationales concernées se sont unies pour manifester leur opposition et demander un moratoire, au moins jusqu’à ce que les discussions en cours aillent à leur terme.
Au regard de ces éléments, je vous remercie, madame la ministre, de m’indiquer la réponse que vous souhaitez adresser à ces associations et les dispositions que vous entendez mettre en œuvre pour atteindre l'objectif que vous avez défini, et auquel je souscris pleinement, à savoir faire de « l'aménagement des peines d'emprisonnement » une « priorité ».
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez raison de saluer le panache de Christiane Taubira, qui m’a chargée de vous transmettre la réponse extrêmement précise qu’elle a préparée à votre question.
Vous avez souhaité attirer son attention sur la menace que pourrait représenter pour les associations, qui en ont actuellement la charge, l’application des règles de la commande publique aux prestations de placement à l’extérieur.
Mme Taubira partage votre point de vue sur l’intérêt de la mesure de placement à l’extérieur. Cette dernière comprend un hébergement, en général dans un foyer de type centre d’hébergement de réinsertion sociale, ou CHRS, parfois dans un établissement spécialement conçu qui n’accueille que des condamnés, avec un encadrement socio-éducatif par les travailleurs sociaux de l’association gestionnaire, en lien avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation, le SPIP. Elle a pour objet de favoriser l’insertion sociale et elle comprend une aide à la recherche d’emploi. Elle propose parfois un emploi, permet une incitation aux soins selon les cas, et ce, hors détention.
Ainsi que vous le rappelez, la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 pose le principe de l’individualisation des peines et de leur exécution.
Parmi les alternatives à l’emprisonnement, le placement à l’extérieur est une excellente mesure, qui permet notamment un accompagnement global très intéressant pour les jeunes majeurs et les publics très désocialisés.
C’est la raison pour laquelle le budget alloué au financement des placements à l’extérieur en 2013, a été maintenu à hauteur de 8 millions d’euros, pour 754 mesures de placement. Il s’élevait à 7,8 millions d’euros en 2012.
J’en viens aux procédures de financement. Aujourd'hui, l’administration, à l’échelon local, celui de la direction interrégionale ou du directeur départemental, signe des conventions avec des organismes, sur la base d’un nombre de places et d’un prix de journée qui s’ajoute souvent à une dotation globale de fonctionnement, quand il s’agit de CHRS.
Ces prestations et leurs coûts ont été définis après un travail sur les cahiers des charges effectués ces dernières années avec les deux grandes fédérations d’associations qui mettent en œuvre ces mesures : Citoyens et Justice, d’une part, et la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale, la FNARS, d’autre part. Toutes deux sont cocontractantes de l’administration pénitentiaire dans les établissements pénitentiaires en gestion déléguée.
En l’état du recensement, sur 151 organismes conventionnés, tous sont des associations, sauf un, la société GEPSA, partenaire habituel de l’administration pénitentiaire dans la gestion déléguée.
J’en viens à la problématique que vous abordez, monsieur le sénateur. Jusqu’à présent, le financement de ces mesures était réalisé de façon classique, sur la base de conventions avec les associations.
En décembre 2011, le ministère de l’économie et des finances a fait savoir à l’administration pénitentiaire que les activités des associations socio-judiciaires dans le cadre du placement à l’extérieur de détenus relevaient du code des marchés publics. Il estime que les associations qui mettent en œuvre des placements à l’extérieur sont des opérateurs économiques publics ou privés, organismes obligatoirement soumis au code des marchés publics.
Il fonde son argumentation sur une analyse de la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes et du Conseil d’État relative à la définition de ces opérateurs, résultant de la directive du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services.
Les associations et fédérations d’associations ― seuls opérateurs qui, aujourd’hui, mettent en œuvre les placements à l’extérieur ― contestent cette interprétation de la jurisprudence et estiment que cette activité ne relève pas obligatoirement du code des marchés public. Vous vous êtes fait ici même leur porte-parole, monsieur le sénateur.
Le précédent garde des sceaux avait néanmoins demandé à l’administration pénitentiaire de travailler à la mise en œuvre d’appels d’offres conformément au code des marchés publics. Une seule expérimentation a été menée,…
M. Daniel Reiner. Dans l’Isère !
Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. … dans l’Isère, en effet. Elle a été interrompue du fait de difficultés extérieures à cet aspect de la question.
À la demande de Mme la garde des sceaux, les services de l’administration pénitentiaire procèdent à une nouvelle étude des modes de financement possibles de cette mesure. Mme la garde des sceaux souhaite notamment que les avantages et les inconvénients de chacune des modalités de financement soient clairement identifiés.
En effet, la mesure de placement à l’extérieur a été historiquement portée par le secteur associatif, qui a développé une expertise importante – j’y insiste – en la matière.
En outre, l’intervention de ces associations sur l’ensemble du champ de la prise en charge, tant du public concerné par des procédures judiciaires que du public relevant de dispositifs de droit commun, permet la mise en œuvre de compétences professionnelles élargies.
La mixité du public dans nombre d’établissements est aussi un facteur favorisant l’insertion par le retour au droit commun.
Enfin, de façon générale, la présence d’associations concourant à la mission de service public de la justice sur le champ de l’exécution des peines est le gage du maintien d’une intervention citoyenne, souvent bénévole, que je crois essentielle à notre société. Pensons, par exemple, au soutien des relations entre parents et enfants.
La question de la récidive et de la réinsertion des condamnés qui se sont acquittés de leur dette ne doit pas être du ressort de la seule administration et de prestataires de service du secteur privé. Les associations doivent y garder leur place.
Dans l’hypothèse où la procédure de marché public serait incontournable – nous verrons ce qu’il en sera –, Mme la ministre de la justice a demandé à ses services de travailler aux conditions de sa mise en œuvre, et notamment de réfléchir au contenu des appels d’offres.
En effet, les critères de sélection des offres étant élaborés par le pouvoir adjudicateur, conformément à l’article 53 du code des marchés publics, la compétence des prestataires en matière de suivi et d’accompagnement des personnes devrait être particulièrement valorisée. Les associations pourraient alors faire valoir leur savoir-faire spécifique dans leurs offres. Il faut que la richesse et la qualité du partenariat constaté sur le terrain soient préservées.
Quelle que soit l’option retenue quant à la procédure applicable aux mesures de placement extérieur, et face à la grande disparité qui existe entre les territoires en termes de partenariats, Mme la ministre encouragera la généralisation de cette mesure d’aménagement de peine sur tout le territoire hexagonal et en outre-mer.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je remercie Mme la ministre de la justice de la précision de cette réponse et de l’attention qu’elle a portée à cette question. Je suis naturellement heureux qu’elle partage notre point de vue et, surtout, celui des associations.
Nous avons besoin d’un regard citoyen sur ces questions. Avec l’ensemble des associations, je lui apporte tout mon soutien dans le bras de fer qu’elle va mener avec le ministère de l’économie et des finances.
Il me paraît évident que, s’agissant d’une politique publique, le passage par l’appel d’offres systématique n’est pas très raisonnable dans ce domaine, même en application d’une directive européenne. J’ai bien noté cependant que si cette obligation s’imposait, il conviendrait de trouver le moyen de conserver la relation avec ces associations, dont l’histoire montre, à l’évidence, qu’elles ont su bien travailler.
Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir apporté la réponse de Mme la garde des sceaux.
réhabilitation de l'immobilier de montagne
M. le président. La parole est à M. André Vairetto, auteur de la question n° 176, adressée à Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme.
M. André Vairetto. La rénovation de l’immobilier de loisirs est un enjeu majeur pour le devenir des stations de ski. En effet, entre 20 % et 40 % du parc sont obsolètes, en termes de surface et d’équipement. Les experts estiment qu’il faudrait réhabiliter 20 % des logements tous les dix ans pour maintenir le stock existant.
Cette rénovation aurait des incidences multiples. Elle apporterait une réponse aux attentes nouvelles de la clientèle, elle favoriserait une diminution de la consommation énergétique, elle permettrait une limitation de l’urbanisation en utilisant mieux le parc existant, ainsi qu’une relance de l’activité du bâtiment.
Le constat est malheureusement aujourd’hui unanime : les outils mis en place – opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs, ou ORIL, et villages résidentiels de tourisme, ou VRT –, ainsi que les expérimentations conduites sur les territoires n’ont pas permis d’obtenir les résultats escomptés. Une impulsion nouvelle est donc aujourd’hui nécessaire.
En 2011, un groupe de travail relatif à la rénovation des hébergements touristiques, s’inscrivant dans le cadre de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques, a mené une réflexion sur ces questions. En avril 2012, ce groupe a émis diverses propositions et orientations structurantes pour la réhabilitation de l’immobilier de montagne, issues de la « boîte à outils » élaborée par la SCET, la Société centrale pour l’équipement du territoire, une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, à l’aide de tests et d’entretiens dans dix stations, dont sept en montagne.
Madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer où en est l’élaboration du plan de réhabilitation des hébergements touristiques pour restaurer l’attractivité des stations françaises que vous avez annoncé au mois de juillet 2012, mais aussi de me préciser si un débat sur les réflexions et orientations proposées précédemment est prévu dans ce cadre et comment seront associés les acteurs de terrain.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, vous m’avez posé la question de la réhabilitation de l’immobilier de loisirs et des suites que je compte donner aux travaux du groupe de travail qui avait réuni des acteurs locaux, des élus, des parlementaires et des opérateurs privés. C’est un sujet essentiel, pour la montagne comme pour les stations balnéaires, d'ailleurs.
Comme vous le savez, le phénomène dit « des lits froids et des volets clos », c’est-à-dire la sous-occupation chronique des meublés de tourisme, entraine une perte pour le tourisme proprement dit, mais aussi pour l’ensemble de l’activité économique de la station, des domaines skiables aux commerces. Les causes de cette sous-occupation sont multiples et cumulatives.
Les travaux précédemment menés ont abouti à des propositions de mesures présentées sous forme thématique dans une « boîte à outils » testée auprès de dix stations volontaires.
Je trouve ce concept intéressant, car il répond à deux idées fortes. Tout d’abord, les causes du phénomène étant multiples, la réponse ne peut être unique mais doit résulter de la combinaison de plusieurs mesures. Ensuite, cette « boîte à outils » n’est pas un instrument obligatoire plaqué d’en haut sur une situation complexe : l’utilisation des outils doit varier selon les problématiques locales et être à la disposition des collectivités locales, qui décideront, ou non, de son utilisation.
Cette boîte comprend des outils qui appartiennent à trois registres : des outils nécessaires à la gouvernance et à la stratégie, des outils de nature à restructurer les biens physiquement hors marché ou vieillissants, enfin des outils visant à faciliter la commercialisation des meublés de tourisme et à y inciter.
Ces différentes propositions sont en cours d’expertise. Un plan de réhabilitation de l’immobilier de loisirs, qui comportera différentes séries de mesures tendant à remettre sur le marché de la location ce patrimoine aujourd’hui délaissé, est en cours de finalisation. Au cours du premier trimestre de 2013, il fera l’objet d’une concertation entre les autres ministères concernés, mais aussi, bien entendu, entre les élus et les acteurs institutionnels et économiques, avant que j’en arrête définitivement les modalités et que j’en définisse le périmètre.
M. Jean-Michel Baylet. Très bonne idée !
faiblesse de la diminution du montant des dépenses déductibles de l'irpp envisagée par le gouvernement
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, auteur de la question n° 36, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
M. Alain Bertrand. Madame la ministre, nombre de mes collègues ont demandé ce matin, dans leurs questions orales respectives, de l’argent au Gouvernement. Pour ma part, je propose de lui en rendre ! (Sourires.) C’est, me semble-t-il, une bonne idée…
Mon intervention a trait aux fameuses niches fiscales.
D’après les documents budgétaires qui nous ont été remis, les niches fiscales devraient représenter en 2013 quelque 70,769 milliards d’euros, dont 34,38 milliards d’euros au titre du seul impôt sur le revenu des personnes physiques. Sur proposition du Président de la République, le ministre de l'économie et des finances et le ministre chargé du budget font passer les avantages fiscaux de 20 000 euros par foyer fiscal à 10 000 euros, ce qui représente une diminution importante.
À cet égard, permettez-moi de poser deux questions.
Premièrement, estime-t-on que ces niches fiscales sont justes ? Pour ma part, je partage l’ambition de François Hollande et de Jean-Marc Ayrault de rétablir une fiscalité sereine, progressive et juste. Or ces niches s’adressent essentiellement aux personnes disposant d’un revenu élevé, qui bénéficient ainsi d’une réduction d’impôt ou d’un crédit d’impôt. Voilà qui est injuste.
D’ailleurs, peut-on parler d’une petite injustice quand on sait que le plafonnement à 10 000 euros représente tout de même les dix douzièmes d’un SMIC net annuel ? Moi, je ne le pense pas ; il s’agit au contraire d’une grande injustice !
Vous l’aurez compris, madame la ministre, je souhaiterais que ces niches, dont je bénéficie d’ailleurs moi-même au titre d’un emploi à domicile, soient réduites de manière drastique.
Dans la période actuelle, une déduction fiscale ne serait-ce que de 3 000 euros par an représente – pardonnez-moi de revenir à nos francs ! – un peu plus de 20 000 francs ou encore 2 millions de centimes de nos anciens francs. C’est beaucoup au regard de ceux qui gagnent 1 000 euros par mois !
Deuxièmement, la stratégie que poursuit le Gouvernement pour rétablir les comptes publics et relancer la croissance, une stratégie à laquelle je souscris, ne devrait-elle pas plutôt consister à faire un point zéro ? Feu mon ami Georges Frêche disait parfois : à un moment, il faut que ça saigne en politique !
Compte tenu des impératifs budgétaires, je pense qu’il aurait fallu faire un point zéro en supprimant toutes les niches fiscales, pour ne conserver que celles qui sont indispensables à l’emploi et à la jeunesse. Reverser tous ces milliards d’euros au budget général de l’État aurait été de nature à redonner des marges de manœuvre au Gouvernement, en vue de favoriser la croissance, d’aider les jeunes en créant des emplois d’avenir, d’aider les collectivités territoriales et les communes en contribuant à l’aménagement d’infrastructures. Ce dispositif serait bien plus complet.
Telle est la stratégie que je vous propose de suivre, madame la ministre. Je vous demande d’en tenir compte.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi tout d’abord d’excuser l’absence de M. Cahuzac, qui m’a chargé de vous transmettre cette réponse.
Le plafonnement global des avantages fiscaux à caractère incitatif ou liés à un investissement a été mis en place en 2009, pour éviter que le cumul des réductions et des crédits d’impôt ne réduise la progressivité de l’impôt sur le revenu au-delà de ce que peut justifier l’objectif d’intérêt général propre à chaque dispositif.
Initialement fixé à 25 000 euros majorés de 10 % du montant du revenu imposable, ce plafond a été progressivement diminué, pour s’établir aujourd'hui à 18 000 euros majorés de 4 % du revenu imposable.
Afin de renforcer l’équité de ce dispositif et de mieux garantir la progressivité de l’impôt, l’article 56 du projet de loi de finances pour 2013 prévoit d’abaisser le niveau du plafonnement global en diminuant, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le sénateur, la part forfaitaire de 18 000 euros à 10 000 euros et en supprimant la part proportionnelle de 4 %.
Toutefois, afin de préserver l’attractivité des investissements ultramarins, qui nécessitent la mobilisation de sommes importantes au service des économies concernées, le plafonnement actuel serait maintenu pour les réductions d’impôt sur le revenu en faveur des investissements outre-mer.
Il en est de même pour la réduction d’impôt accordée au titre de la restauration complète d’un immeuble bâti, car les niveaux de dépenses sont tels qu’ils ne seraient pas compatibles avec le nouveau plafond.
L’abaissement du niveau du plafonnement général, qui correspond à la mise en œuvre des engagements pris pendant la campagne présidentielle, permet de renforcer l’efficacité du dispositif en termes de justice fiscale et de mieux garantir la progressivité de l’impôt.
Toutefois, dans le contexte budgétaire actuel, que vous avez rappelé, le Gouvernement n’entend pas se limiter à cette seule mesure de plafonnement global des dépenses fiscales. Toutes les mesures de nature à supprimer les avantages fiscaux inutiles, à les réduire ou à en améliorer l’efficacité, si elles sont nécessaires, seront examinées. Des propositions supplémentaires en ce sens seront donc faites dans le cadre des projets de loi de finances à venir.
Enfin, et surtout, l’abaissement du plafonnement global des avantages fiscaux n’est pas une mesure isolée. Le projet de loi de finances pour 2013 comporte, en effet, un ensemble plus large de mesures liées à l’impôt sur le revenu visant à instaurer plus de justice fiscale.
Ainsi, la création d’une nouvelle tranche d’imposition au taux de 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu des revenus du capital ou encore l’abaissement du plafonnement des effets du quotient familial constituent des mesures d’équité fortes, qui sont soumises au Parlement et qui vont dans le sens des préoccupations que vous avez exprimées.
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Je vous remercie, madame la ministre, de la qualité de votre réponse.
Le dispositif global mis en place va dans le bon sens, car il tend à plus de justice fiscale. Il faut poursuivre dans cette voie, en allant jusqu’à supprimer toutes les déductions d’impôt sur le revenu. Si l’on veut favoriser les emplois à domicile ou les dons, on peut prévoir, dans les ministères concernés, des aides publiques directes. Il faut aboutir à un barème clair, progressif, allant de zéro à l’infini. C’est cela la justice !
En poursuivant la réflexion, je suis sûr que François Hollande et le Gouvernement franchiront ce nouveau pas, car l’équité est au cœur de leurs préoccupations. C’est pourquoi votre réponse me satisfait.
AVENIR DES SITES MORBIHANNAIS DE LA BANQUE DE FRANCE
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, auteur de la question n° 184, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.
Mme Odette Herviaux. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous dire que je suis très heureuse de votre présence parmi nous, car, dans le grand domaine de l’économie en général, qui nous intéresse tous, l’artisanat, le commerce et le tourisme sont très liés à la question que je vais vous poser.
Lors du comité central d’entreprise extraordinaire qui s’est tenu le 21 septembre dernier, la Banque de France a présenté le projet de modernisation de son réseau territorial intitulé « Construisons la Banque de 2020 ».
On ne peut qu’adhérer, à la première lecture, au très beau document que tous les parlementaires ont reçu de la part du directeur de la Banque de France, qui nous présente les défis majeurs à relever d’ici à 2020. Mais à considérer les cartes figurant à la fin du document, force est de constater que cette ambition risque de masquer en réalité une stratégie de recentralisation et de déshumanisation des services au public, fondée sur la prédominance des nouvelles technologies et, il faut bien le dire, sur le démantèlement des organismes locaux.
Madame la ministre, je souhaite donc vous interroger sur les conséquences économiques, à tous les niveaux, sociales et territoriales des restructurations prévues, notamment dans mon département, le Morbihan.
Malgré les efforts importants déjà consentis dans le cadre du plan de 2006, les fermetures programmées du bureau d’accueil et d’information de Pontivy et de la caisse de Lorient ainsi que les menaces qui pèsent à moyen terme sur l’existence de la succursale de Vannes pourraient conduire à la disparition pure et simple, dans le Morbihan, des services fournis par la Banque de France.
Dans le contexte de crise actuel, où les dossiers de surendettement ne cessent de s’accumuler et où les entreprises, quelle que soit leur taille, ont plus que jamais besoin d’être accompagnées, cette réorganisation à marche forcée est-elle opportune ? Elle suscite en tout cas des inquiétudes d’autant plus grandes qu’elle conduirait à fragiliser le maillage économique et social de tous les territoires et à reporter, pour certaines actions, sur le budget des collectivités locales le coût de plusieurs démarches précédemment prises en charge par la Banque de France.
Profondément touchées par la RGPP, la révision générale des politiques publiques, les collectivités territoriales, plus particulièrement le Centre Bretagne, ont déjà payé un lourd tribut à la réorganisation des services publics, qu’il s’agisse de la réforme de la carte judiciaire, de celle des douanes, de la fermeture de tribunaux, de celle de bureaux de la Banque de France et des déclassements en « bureau secondaire ».
Alors que le Président de la République a encore récemment réaffirmé son attachement au développement durable des territoires, particulièrement en milieu rural – des propos auxquels bien sûr je souscris totalement –, je souhaite connaître les intentions du Gouvernement quant à l’avenir du réseau territorial de la Banque de France.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici. Celui-ci m’a chargée de répondre à votre question, qui entre d'ailleurs aussi dans le champ de mes attributions ministérielles.
Comme le Gouvernement a déjà eu l’occasion de souligner devant le Sénat, il accorde une grande attention au problème que vous avez soulevé. Notre politique consiste à moderniser l’action publique et celle de ses opérateurs pour les adapter aux changements de notre société tout en préservant la qualité du service public.
Permettez-moi, madame la sénatrice, de vous rappeler sur quels principes repose la réforme du réseau territorial de la Banque de France. La loi confie à cette dernière le secrétariat des commissions de surendettement, et ce rôle ne sera pas remis en cause. La concentration du traitement des dossiers de surendettement vise à optimiser l’organisation des processus de gestion ; en aucun cas la Banque de France ne se désengagera de son activité dans ce domaine.
Toutes les succursales conserveront, outre leur fonction de secrétariat de la commission de surendettement, un service d’accueil auquel les particuliers pourront s’adresser pour lui poser toute question générale ou individuelle.
Par ailleurs, des bureaux d’accueil et d’information, des BAI, seront maintenus ou ouverts dans les villes où des antennes économiques auront été fermées si la Banque de France y reçoit plus de mille visiteurs par an, c’est-à-dire environ cinq visiteurs par jour ouvré. Ces BAI permettront de préserver une certaine proximité sur le terrain.
Si la Banque de France envisage, comme tous les services publics, de proposer un portail de télédéclaration sur Internet, qui pourrait être utilisé par les surendettés eux-mêmes ou par les travailleurs sociaux qui les accompagnent, c’est afin d’améliorer le service rendu. Je le répète, l’accueil au guichet des particuliers souhaitant déposer un dossier ou s’informer sur un dossier en cours de traitement n’est pas remis en cause.
Madame Herviaux, votre question porte plus spécifiquement sur la présence territoriale de la Banque de France en Bretagne.
Dans votre région, le réseau de la Banque de France s’organisera autour de la succursale de Rennes, qui assurera à la fois les activités de traitement des dossiers et les fonctions opérationnelles de proximité, notamment en matière de surendettement.
En outre, conformément au principe de la départementalisation, la région disposera de succursales départementales à Saint-Brieuc, à Vannes et à Brest ; l’implantation de Brest conservera donc son statut de succursale départementale, bien qu’elle ne soit pas située dans le chef-lieu du Finistère.
La Bretagne bénéficiera également d’une antenne économique associée à un centre de traitement du surendettement, à Quimper, ainsi que d’un bureau d’accueil et d’information à Lorient. Au total, madame la sénatrice, le Morbihan comptera donc deux implantations de la Banque de France.
Cette réforme permettra de garantir aux usagers une action efficace et de continuer à leur fournir un haut niveau de services, sans que les activités de la Banque de France soient remises en cause.
Soyez assurée, madame la sénatrice, que le Gouvernement restera attentif à la qualité du dialogue entre les parties prenantes, notamment avec les élus locaux.
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux. Madame la ministre, cette question nous touche particulièrement. Hier après-midi, dans notre hémicycle, M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, Benoît Hamon, a pris part à un débat sur le crédit à la consommation et sur le surendettement.
Or presque tous les orateurs qui se sont exprimés au cours de ce débat ont souligné la nécessité de la proximité, compte tenu de la fragilité des publics touchés par le surendettement ; pour ces personnes, l’éloignement du service, qu’il résulte de la distance géographique ou de difficultés à maîtriser les outils utilisés, représente un handicap supplémentaire.
Madame la ministre, votre réponse est relativement satisfaisante, puisque vous dites vouloir moderniser le service tout en préservant sa qualité. C’est notre souhait à tous ! Toutefois, j’attire de nouveau votre attention sur la nécessité de maintenir les relations humaines avec les populations les plus en difficulté et de limiter autant que possible les distances à parcourir, qui sont sources de dépenses supplémentaires.
Enfin, je considère qu’il est important de maintenir une antenne spécifique chargée des problèmes économiques, même si je regrette que sa localisation soit un peu éloignée des autres implantations.
Quoi qu’il en soit, madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
M. le président. Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
Représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste et apparentés, de la proposition de loi relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération, présentée par M. Alain Richard et les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 754 [2011-2012], texte de la commission n° 109, rapport n° 108).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Alain Richard, auteur de la proposition de loi.
M. Alain Richard, auteur de la proposition de loi. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, le texte dont nous allons débattre cet après-midi fait en réalité suite non seulement à la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et à celle de M. Jacques Pélissard, dont les textes ont été réunis, mais aussi aux chapitres relatifs à l’achèvement de l’intercommunalité dans la loi de réforme territoriale de 2010.
Nous avions déjà pu constater qu’il y avait dans cet hémicycle un très large accord pour favoriser l’achèvement de la carte intercommunale avant l’échéance municipale de 2014. Cela avait conduit à l’adoption de dispositions destinées à assouplir le dispositif nouveau et à faciliter le processus de cet achèvement. Celui-ci est d’ailleurs en bonne voie, ainsi que vous l’avez indiqué encore récemment, madame la ministre, devant la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Après l’adoption des propositions de loi Sueur et Pélissard, l’un des sujets qui restaient en suspens était l’adaptation des effectifs des conseils communautaires et du nombre de vice-présidents au sein de leurs bureaux.
En effet, le dispositif issu de la loi de 2010 instaure des plafonds très stricts quant au nombre des représentants des communes dans les conseils des communautés de communes et d’agglomération, plafonds qui ont pour effet d’augmenter très massivement le nombre de communes qui n’ont qu’un représentant, ce qui change substantiellement les habitudes de représentation et de fonctionnement des communautés.
Le nombre de vice-présidents a été également plafonné de façon très rigoureuse puisque le plafond traditionnel, qui était de 30 % de l’effectif de l’assemblée communautaire, a été réduit d’un tiers, à 20 %, avec, en plus, un plafond en nombre absolu, fixé à quinze.
Or le processus d’achèvement de la carte des intercommunalités se traduit par un accroissement du nombre de communes membres en cas d’extension du périmètre de la communauté considérée et, a fortiori, en cas de fusion. Il en résulte, dans le cadre législatif actuel, une réduction « verticale » du nombre de représentants.
Lors du débat sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, il nous avait donc semblé qu’il était judicieux, en tout cas pour les échéances qui viennent, donc avant 2014, de donner une marge d’adaptation pour la constitution des nouvelles instances communautaires. À la réflexion, cette marge a été fixée à 25 % de conseillers communautaires supplémentaires, sous réserve d’un accord à la majorité qualifiée – condition assez exigeante, puisque cela suppose un quasi-accord entre les communes membres – sur un barème de représentation partagé.
À cet objet strictement limité de la présente proposition de loi, bien des collègues auraient été tentés d’ajouter une multitude de dispositions touchant à l’intercommunalité. Je sais gré à ces nombreux auteurs potentiels d’amendements d’avoir tenu compte des contraintes de la procédure législative qui nous oblige à adopter une proposition de loi dans le délai de quatre heures, si nous ne voulons pas qu’elle disparaisse ou que son examen soit reporté à une date plus lointaine. Aussi allons-nous discuter essentiellement de ce point-là, sur un rapport très bien préparé par Virginie Klès, que nous allons écouter dans un instant.
Bien sûr, il y aura forcément sujets d’adaptation ou d’amélioration de la législation portant sur le fonctionnement des communautés. Nous accumulons en effet une expérience sur la vie des communautés et les relations entre les communautés et les communes, et nous devons prendre en compte le fait que les conditions vont changer pour deux raisons.
D’abord, les opérations de regroupement ou d’extension en voie d’achèvement ne seront pas toutes consensuelles. Nous verrons donc probablement se durcir un certain nombre de divergences ou au moins surgir des difficultés de fonctionnement dans les communautés telles que les aura voulues le législateur.
Ensuite, cela ne vous a pas échappé, le climat financier dans lequel vivent les intercommunalités est en train de se modifier assez significativement. Il est vrai que la composante de réduction des dépenses globales, qui aurait pu être présente dès l’amorce du mouvement de constitution des communautés n’a pas été – la Cour des Comptes s’en est fait l’écho – la performance principale de la génération des gestionnaires communautaires des vingt dernières années, parmi lesquels se comptent un certain nombre de ceux qui sont ici. Mais il est clair que la logique de fonctionnement des communautés au cours des mandats qui viennent – en tout cas du prochain – sera sans doute nettement plus rigoureuse, ce qui, là encore, peut faire surgir certains problèmes.
Pour ma part, si, dans les mois qui viennent, s’ouvrait un nouveau débat sur l’intercommunalité à l’occasion de l’examen d’une autre proposition de loi, j’aurais deux sujets à mettre sur la table.
Premièrement, depuis que le mouvement est engagé, c’est-à-dire depuis le début des années quatre-vingt-dix, il n’a jamais été prévu qu’une compétence élevée au niveau communautaire puisse « redescendre » au niveau des communes. Aucun texte ne le prévoit, sous aucune condition. Or, après vingt ans d’expérience, il me semble qu’un ajustement du partage des compétences entre communes et communautés devrait, autant que possible dans la bonne entente entre les communes, être possible dans les deux sens, et pas seulement vers le haut !
Deuxièmement, j’observe que, si les générations actuelles de préfets connaissent encore bien la vie communale, elles sont beaucoup moins familiarisées avec la vie des communautés. J’ajoute que nous ne disposons pas encore d’outils de conciliation dans le cas où des communautés sont en situation durable de conflit. Il faudra, me semble-t-il, réfléchir sur ce sujet-là à partir de la ressource humaine à peu près gratuite que représentent notamment les membres des commissions départementales de la coopération intercommunale.
Je remercie donc les collègues qui ont accepté, pour cette fois, de faire preuve de sobriété, car je souhaitais beaucoup qu’on se limite à un objectif simple et concret : donner, en cas d’accord large, une petite marge d’augmentation pour le nombre de conseillers communautaires et de vice-présidents, en respectant – cela me paraît en effet cohérent au regard à la fois de la situation actuelle et des motivations des élus concernés – le plafond des enveloppes indemnitaires prévues avec l’effectif fixé aujourd’hui par la loi. Par conséquent, s’il y avait accord pour élargir un peu le nombre de conseillers communautaires ou le nombre de vice-présidents, cela se ferait sans modification du montant global de dépenses.
Cette proposition a fait l’objet d’un accord assez large en commission de la part de représentants des différents groupes, ce dont je ne peux que les remercier.
Pour terminer, j’insisterai un peu pour que, dans notre vocabulaire, nous ne parlions pas d’augmentation du nombre d’élus. En effet, il s’agit en réalité de ralentir la baisse de leur nombre.
En tout cas, par rapport à la pratique actuelle, issue d’une législation beaucoup plus permissive, l’application du barème de représentation de la loi de 2010 a deux effets : d’une part, baisser très significativement le nombre de représentants des petites et même des moyennes communes et, d’autre part, élargir beaucoup l’écart de représentation entre les petites et les grandes communes.
En effet, en respectant d’ailleurs un impératif énoncé par le Conseil constitutionnel dans une décision de janvier 1995, on va vers une application de pure proportionnalité démographique de la représentation des communes, ce qui ne se trouvait pratiquement dans aucune communauté existante.
L’objet de la proposition et de l’accord que, je l’espère, nous allons confirmer en séance publique est, non pas d’empêcher cette relative concentration du nombre d’élus et le respect d’une proportionnalité démographique, mais d’en atténuer quelque peu les effets, notamment au moment de la transition qui va être difficile, voire conflictuelle.
À certains collègues qui souhaiteraient que l’on en revienne à une liberté absolue de fixation des effectifs communautaires, je veux dire qu’aujourd’hui la loi ne le prévoit absolument pas : elle prévoit un barème très exigeant et très restrictif.
La proposition se borne donc à alléger quelque peu la contrainte de ce nouveau barème, dont nous n’avons pas encore l’expérience et dont l’application risque d’avoir des effets conflictuels dans certains contextes.
C’est une disposition qui vise à alléger la contrainte et à modifier l’état d’esprit communautaire, de manière que l’achèvement de la carte intercommunale se passe, politiquement et humainement, dans les conditions les meilleures. Ce souhait me paraît largement partagé sur l’ensemble des travées de notre assemblée. Par conséquent, j’espère que cette proposition de loi, dont l’objet est limité, permettra d’atteindre cet objectif. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-René Lecerf applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte dont nous débattons vise à améliorer la représentation communale dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération.
La sobriété à la fois du texte lui-même et des amendements qui y ont été apportés par différents collègues vient d’être soulignée par Alain Richard ; je vais m’efforcer à la même sobriété dans mon propos.
Cette proposition de loi fait suite à la réforme des collectivités territoriales de décembre 2010, laquelle a déjà été améliorée par un certain nombre de dispositions prises en février 2012 grâce à M. Jean-Pierre Sueur et à M. Jacques Pélissard.
Je pense que cette loi sera de nouveau améliorée ce soir grâce à la Haute Assemblée, et en tout premier lieu, bien sûr, grâce à Alain Richard, qui est l’auteur de ce texte.
Même si la présente proposition de loi est d’une grande simplicité et d’une grande clarté, celles-ci ne sont pas toujours, hélas, au rendez-vous. Je ne sais pas si beaucoup d’entre vous ont essayé, à l’aide des tableaux ad hoc, de calculer le nombre de représentants des différentes communes dans différents cas de figure de constitution de nouveaux EPCI… Pour ma part, j’ai tenté de le faire, mais j’avoue que la migraine m’a saisie assez rapidement ! (Sourires.)
Par conséquent, il importait de ne pas complexifier davantage le dispositif législatif. C’est, je le crois, ce qu’a réussi à faire Alain Richard, qui est parvenu à trouver un équilibre.
Il était en effet nécessaire d’apporter de la souplesse aux négociations en cours, afin que la couverture de notre territoire français en intercommunalités soit la plus complète possible et réponde aux six objectifs définis dans la réforme des collectivités territoriales.
Cette souplesse était aussi nécessaire pour avancer sur le sujet, pour donner confiance aux élus et pour faire passer à la société civile un message : leurs élus ne font pas n’importe quoi ; ils respectent au contraire des limites très précises, à l’intérieur desquelles ils évoluent pour le bien de tous, notamment des intercommunalités.
En bref, je rappelle que le texte qui vous est proposé, mes chers collègues, aborde trois sujets : le nombre des conseillers communautaires et des vice-présidents, l’enveloppe budgétaire au sein de laquelle doit être mise en œuvre la souplesse que j’évoquais et la question des suppléances dans la représentation des communes.
En ce qui concerne les conseillers communautaires, il est prévu d’en augmenter le nombre, sous réserve d’un accord global à la majorité des deux tiers, dans la limite d’un plafond de 25 % par rapport aux calculs compliqués résultant de l’application du tableau. Cette disposition a recueilli une large majorité au sein de la commission. Il s’agit bien de freiner, comme le faisait remarquer à l’instant notre collègue Alain Richard, la diminution du nombre de représentants, qui est aujourd’hui fixé de manière totalement libre. En effet, il n’y a pas, à ma connaissance, d’exemples de fusions d’EPCI aboutissant à une augmentation des effectifs des conseillers communautaires. La tendance est plutôt à la baisse.
L’augmentation du nombre de conseillers communautaires se ferait au sein d’une enveloppe budgétaire figée. Si cette règle fait l’objet d’une rédaction quelque peu compliquée, l’objectif n’en est pas moins simple : ces nouvelles mesures ne doivent pas conduire à une augmentation de l’enveloppe indemnitaire.
La composition du bureau resterait libre, ce qui constitue une importante marge de souplesse et de négociation entre les communes.
S’agissant des vice-présidents, il est proposé, comme pour les conseillers communautaires, de redonner un peu de souplesse et, éventuellement, d’augmenter leur nombre, dans la limite d’un plafond de quinze. Cela nous apparaît vraiment comme un maximum. En effet, les vice-présidents se doivent d’exercer véritablement des compétences et, au sein d’un EPCI, il est difficile d’envisager plus de quinze délégations recouvrant des compétences réellement exercées. Le nombre minimum de vice-présidents restant fixé à quatre, on pourrait, toujours à la majorité des deux tiers, porter à 30 % de l’effectif de l’organe délibérant le nombre de représentants vice-présidents, encore une fois dans la limite d’un plafond de quinze.
L’enveloppe budgétaire globale attribuée au président et aux vice-présidents resterait également figée, ce point faisant lui aussi l’objet d’une rédaction un peu compliquée. Ainsi, l’augmentation du nombre de vice-présidents viendrait « ponctionner » l’indemnité des autres membres du bureau.
Toutefois, la commission a, ce matin, émis un avis favorable sur un amendement tendant à prévoir une relative souplesse au sein de cette enveloppe : le ou les vice-présidents exerçant des compétences plus étendues que d’autres pourraient bénéficier d’une indemnité supérieure, à condition, là encore, que l’enveloppe globale n’augmente pas. L’ensemble de la commission insiste beaucoup sur ce dernier point, auquel elle est extrêmement attachée.
Il vous sera également proposé, avec avis favorable de la commission, de modifier les règles de suppléance : toutes les communes dont le nombre de délégués communautaires irait de un à quatre pourraient se voir attribuer un siège supplémentaire de suppléant, ce qui permettrait d’améliorer la représentation des communes considérées au sein du conseil communautaire.
En revanche, les communes disposant de plus de quatre délégués communautaires resteraient sans suppléance, sachant que, dans ce cas, les délégations de pouvoir peuvent se donner facilement entre représentants de la même commune ou être confiées à des représentants d’une autre commune, dans l’hypothèse d’une divergence de vue de nature politique à l’intérieur d’une commune.
Telles sont, résumées, les dispositions du texte qui vous est présenté et qui a recueilli une large majorité au sein de la commission des lois. Certes, comme vient de le souligner Alain Richard, des améliorations sont encore possibles. Néanmoins, il nous paraît important de voter cette proposition de loi en l’état, dans sa simplicité, moyennant les quelques menues modifications que j’ai évoquées, de manière à la rendre immédiatement efficace. C’est d’ailleurs cette notion d’efficacité qui a prévalu lors des travaux de la commission, les délais d’examen n’ayant pas été alourdis par de longs discours et des redondances.
Je remercie une fois de plus l’auteur de ce texte de l’initiative qu’il a prise et de la rédaction qu’il a mise au point. Les avancées évidentes qu’il prévoit nous permettront d’avancer vers la couverture totale du territoire national par les EPCI. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur plusieurs travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, être fidèle à l’esprit, à l’inspiration, à la force de la décentralisation, donner, une fois de plus, des libertés, des capacités d’initiative aux collectivités locales : tel est le sens de cette nouvelle proposition de loi, que nous examinons aujourd’hui après tant d’autres propositions et projets de loi.
Je tiens à mon tour à remercier très sincèrement Alain Richard de nous avoir présenté ce texte, qui s’inscrit dans une voie sur laquelle nous sommes nombreux à cheminer depuis quelques décennies.
Je le remercie d’avoir bien voulu reprendre des articles qui n’avaient pas pu donner lieu, à l’époque, à un accord avec M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, avec qui nous avions dialogué de manière positive, je tiens à le dire ici, pour faire aboutir le précédent projet de loi relatif à ces questions.
J’ajouterai les remerciements dus à Mme Virginie Klès, qui a bien voulu préparer et rédiger son rapport rapidement, de manière, madame la ministre, que ce texte soit voté – grâce, je l’espère, à la bienveillante attention de l’Assemblée nationale –dans les meilleurs délais, et cela pour des raisons simples et pratiques.
Ce débat me donne l’occasion de revenir sur le succès des communautés de communes et d’agglomération.
Lorsqu’il m’avait été donné, en 1991 – cela fait un certain temps, monsieur Mézard (Sourires.) –, de venir à cette tribune pour présenter le projet de loi relatif à l’administration territoriale de la République, qui allait créer les communautés de communes, je dois dire que je n’avais pas perçu un véritable enthousiasme sur l’ensemble des travées, ni même au sein de divers partis politiques.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est fini, la réforme ! (Sourires sur les travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut que nous continuions à méditer la question suivante, qui me semble importante : pourquoi y a-t-il eu un tel succès des communautés de communes dans notre pays ? La loi du 6 février 1992 a permis d’autres innovations : la création des communautés de villes, qui n’eurent pas de succès, si l’on excepte toutefois quelques précurseurs courageux, dont Michel Crépeau.
Je rappelle que, en l’absence de toute contrainte venant du haut, en 2007 ou 2008, 92 % des communes de France avaient choisi d’être en communauté. Le mouvement a donc pris une belle ampleur. Pourquoi ?
Premièrement, parce que nous avions dit que nous respecterions les communes. Toutes les tentatives antérieures de fusions de communes ou d’associations de communes se sont traduites par le succès que l’on sait… Et j’emploie là, madame la ministre, le mot « succès » dans le sens qu’il avait au XVIIe siècle, à savoir que le succès d’une entreprise peut tout aussi bien signifier son échec que ce que nous appelons aujourd’hui le succès. Ainsi vont les mots…
De fait, tous les procès selon lesquels l’intercommunalité porterait atteinte à la réalité communale se sont révélés infondés. De nombreuses communes ont ainsi trouvé une voie efficace pour mettre en œuvre de bonnes coopérations. En effet, que peuvent faire, seules, les communes de 200, 1 000 ou 1 500 habitants, pour lesquelles nous avons un infini respect, en matière de stratégie de développement économique, de gestion de l’environnement ou des transports ?
Deuxièmement, nous avions dit que nous respecterions la liberté des communes. Dans tous les cas, les communes ont choisi librement de se regrouper, selon des périmètres qu’elles ont elles-mêmes définis.
Je n’oublie pas le rapport d’un président de la Cour des comptes, qui nous a malheureusement quittés et pour qui nous avions tous, j’en suis sûr, beaucoup de respect ; je veux bien sûr parler de Philippe Séguin. Celui-ci m’avait expliqué en substance que tous ces périmètres étaient irrationnels. Je lui avais répondu qu’il avait sans doute raison mais que, si la loi du 6 février 1992 avait prévu qu’il revenait au représentant de l’État – et vous savez, madame la ministre, tout le respect que nous avons pour les représentants de l’État – de définir les périmètres et d’organiser des regroupements rationnels, les conséquences eussent été toutes différentes.
Bien sûr, il y a eu des présupposés, des sous-entendus, des questions de connivence. Certes ! Mais l’histoire avance, et finalement, elle a avancé de telle manière que nous avons procédé, dans le Morbihan, en juillet 1992, au baptême républicain de la première communauté de communes de France et célébré, en juillet dernier, son vingtième anniversaire. Pendant ces vingt années, le modèle des communautés s’est étendu.
Nous tenons tous à ce que l’État joue son rôle. La décentralisation, ce n’est pas l’addition des égoïsmes locaux.
Mme Nathalie Goulet. Ça dépend !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. La décentralisation, ce doit être une manière de gérer mieux et, comme l’a dit à l’instant l’auteur de la proposition de loi, de façon plus rigoureuse, au service de la République. La décentralisation n’est pas la négation de l’État, c’est la négation d’un État qui voulait tout faire et qui, donc, n’était plus efficace.
Nous, nous sommes pour un État fort, exerçant pleinement ses prérogatives, et pour une liberté accrue des collectivités locales dans les domaines qui sont les leurs. Les prérogatives de l’État, ce sont bien sûr toutes les prérogatives régaliennes, mais aussi, madame la ministre, vous le savez bien, la mise en œuvre de la solidarité : l’État doit être le garant d’une bonne péréquation, d’une vraie solidarité entre les territoires.
Il y a eu plusieurs lois entre-temps, de bonnes et de moins bonnes. Si la précédente réforme, celle de 2010, portée par M. Hortefeux et par M. Guéant, a créé des malaises, c’est qu’elle a donné le sentiment de revenir sur ce mouvement en faveur de la liberté des collectivités.
Lorsque nous avons constaté que les préfets exerçaient un rôle très important au sein des commissions départementales de la coopération intercommunale, chargées d’établir les schémas de coopération intercommunale, lorsque nous avons constaté qu’ils avaient la capacité – et ils ne se sont pas privés de l’exercer – de rayer d’un trait de plume des syndicats intercommunaux à vocation scolaire, nous avons déposé une proposition de loi afin d’en revenir à une autre logique.
La présente proposition de loi va dans le même sens, celui d’une plus grande liberté des collectivités locales. Nous connaissons bien nos communes, mes chers collègues ! Qui s’opposera à ce que, à partir du moment où des communes appartenant à une même communauté s’accordent sur des modalités de représentation – le nombre de délégués, de vice-présidents et de suppléants, dès lors que leur nombre ne croît pas démesurément et qu’il existe des règles financières –, elles puissent elles-mêmes adopter les règles qu’auront choisi de se fixer les élus communaux ?
C’est pourquoi ce texte est un pas supplémentaire – il y en aura d’autres – vers une République plus efficace, alliant les compétences de l’État à celles des collectivités locales par une décentralisation approfondie et pariant sur la liberté locale.
Finalement, les libertés locales sont souvent beaucoup plus efficaces que la contrainte. C’est une des leçons de l’Histoire et il faut la méditer au moment où nous travaillons d’ores et déjà sur les futurs projets de loi que nous aurons bientôt l’occasion d’examiner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’interviens devant vous au nom de Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Il m’a demandé de vous faire part de son regret de ne pouvoir être présent parmi vous, son emploi du temps d’aujourd’hui, notamment l’organisation du G6 en matière de terrorisme à Londres, l’empêchant de participer à ce débat important. Je m’exprimerai donc en son nom.
Je tiens à remercier Alain Richard d’avoir pris l’initiative de cette proposition de loi et votre commission des lois d’y avoir travaillé. Elle répond, je le sais, à des préoccupations légitimes de nombreux élus.
Ces préoccupations, ces inquiétudes qui se sont exprimées depuis la réforme des collectivités territoriales, le Gouvernement les entend. Je crois qu’il est d’ailleurs symbolique que nous examinions ce texte en ce jour d’ouverture du 95e congrès des maires de France.
Le Gouvernement est, bien sûr, très attentif aux initiatives parlementaires. Elles doivent de toute façon être écoutées ; lorsqu’elles sont de bon sens, comme celle que nous examinons aujourd’hui, elles doivent vivre et prospérer.
Ce rôle du Parlement est particulièrement important pour ce qui concerne les collectivités territoriales. C’est cette conviction qui a, par exemple, conduit le Gouvernement à inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale la proposition de loi sénatoriale visant à abroger le conseiller territorial ; celle-ci a été examinée et adoptée la semaine passée.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous le savons, c’est en écoutant les élus, ces forces vives de nos territoires, que nous pourrons engager et réussir la mise en œuvre de réformes fortes. Le succès des états généraux de la démocratie territoriale organisés par votre assemblée a bien montré ce besoin de concertation et d’expression émanant des élus. Les questionnaires auxquels ont répondu près de 20 000 d’entre eux témoignent aussi d’inquiétudes que nous devons prendre en compte, notamment sur le sujet de l’intercommunalité.
La volonté du Gouvernement, régulièrement réaffirmée par Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, par Manuel Valls et par moi-même est claire : le mouvement de rationalisation de la carte intercommunale doit être poursuivi, et cela ne souffre aucune ambiguïté. Le fait intercommunal est devenu une réalité concrète pour la plupart de nos concitoyens ; il doit l’être pour tous. Notre objectif est simple : il ne doit subsister aucune commune isolée sur notre territoire.
Lors de la première réunion avec les préfets, le 5 juillet dernier, le Premier ministre a rappelé que cet achèvement de l’intercommunalité était une priorité. La rationalisation des périmètres intercommunaux est en effet un gage de cohérence et d’efficacité plus grandes des politiques publiques, mais aussi de solidarité entre les territoires.
Il s’agit, chacun en est conscient, de parachever ce qui sera le cadre de la gouvernance de nos territoires pour les dix ou les vingt ans à venir.
Notre conviction profonde est que ce processus ne pourra aboutir s’il se déroule contre les élus. Il a été demandé aux préfets de mener à leur terme, avant la fin de l’année 2012, les projets qui réunissent les conditions d’acceptabilité requises, en prenant dès que possible les arrêtés de périmètre correspondants. Mais il leur a également été rappelé qu’ils devaient faire preuve de souplesse et prendre en compte les réalités du terrain.
J’ai souhaité vous rappeler ce cadre général parce que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans ce processus de dialogue et d’écoute que le Gouvernement a engagé avec les élus.
C’est dans cette perspective que le Gouvernement entend soutenir les initiatives qui contribuent à apporter des éléments pour faciliter ce dialogue, tout autant que pour garantir l’efficacité, l’effectivité, la diligence avec laquelle la rénovation de la carte intercommunale est menée à bien.
Madame la rapporteur l’a indiqué avec justesse : il s’agit de définir les conditions d’une transition entre les dispositions actuelles issues de la loi du 16 décembre 2010 et celles qui s’appliqueront en mars 2014.
L’intercommunalité prend une place grandissante dans la vie quotidienne des citoyens. Pour cette raison, les conseils communautaires doivent être représentatifs : représentatifs de la société, d’une part, et ce sera l’objet de l’élection des délégués au suffrage universel direct, dont le ministre de l’intérieur m’a chargée de dire quelques mots à la fin de cette intervention ;…
M. Jean-Claude Lenoir. Intéressant…
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … représentatifs des communes qui composent l’intercommunalité, d’autre part.
Nous le savons tous ici, les Français demeurent attachés à l’échelon communal et à la figure du maire. Cet échelon doit être préservé et l’intercommunalité ne doit pas laisser présumer un effacement de la commune.
M. Bernard Fournier. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je le sais, c’est votre objectif, monsieur Richard. Nous devons donc prêter une attention particulière à ces questions de gouvernance, qui revêtent une importance centrale pour la réussite de l’approfondissement de l’intercommunalité.
La question du mode de désignation des délégués des communes amenés à siéger dans les conseils communautaires n’est pas la seule d’importance ; celle de la composition de ces conseils est également déterminante, non seulement parce qu’elle intéresse tous les élus municipaux, mais aussi parce qu’elle participe de la garantie d’une représentativité équilibrée et juste des organes délibérants des EPCI.
La question de la représentation des communes au sein des établissements publics de coopération intercommunale est précisément celle que nous sommes amenés à étudier cet après-midi.
Aujourd’hui, les conseils communautaires sont composés conformément aux dispositions antérieures à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales. Les nouvelles dispositions ne s’appliqueront qu’à compter du prochain renouvellement, prévu en mars 2014.
Alors que le système actuel laisse une certaine liberté aux communes membres, qui ont la faculté, dans certaines limites, de fixer le nombre et la répartition des délégués communautaires par un accord adopté à la majorité qualifiée, le nouveau dispositif censé s’appliquer en 2014 est plus encadré puisqu’il plafonne le nombre de délégués que pourra comprendre chaque conseil communautaire au vu de la population de l’EPCI.
Le constat qui a guidé la rédaction de cette proposition de loi est juste : ces nouvelles dispositions ne permettent pas toujours de prévoir une représentation politique qui reflète le poids démographique des communes. Le cadre rigide imposé par la loi laisse peu de place à l’accord local et ne fait pas confiance à l’« intelligence territoriale ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis d’emblée : le Gouvernement – et, par ma voix, le ministre de l’intérieur – partage cette analyse et il est favorable à ces dispositions. Toutefois, il nous faut respecter un impératif absolu : ces mesures doivent être comprises de nos concitoyens.
Je salue, de ce point de vue, le souci qu’a eu en permanence Alain Richard de garantir que toute cette réforme se ferait à coût constant et ne viserait pas à augmenter les enveloppes indemnitaires des élus. En cette période de crise, nos concitoyens ne comprendraient pas qu’il en allât autrement.
Ces mesures doivent permettre de garantir une gouvernance territoriale plus efficace. Je salue aussi la recherche, qui a marqué les débats de la commission, d’un compromis dans cette perspective.
Je voudrais d’ailleurs, madame la rapporteur, saluer vos travaux, qui ont permis d’améliorer cette proposition de loi et de parvenir à un compromis globalement satisfaisant.
L’article 1er est central dans le dispositif proposé. Les règles de composition des conseils communautaires issues de la loi du 16 décembre 2010 de réforme de collectivités territoriales avaient conservé, pour les communes, la possibilité de décider, par accord amiable, de la composition des conseils communautaires. Cette décision, prise à la majorité qualifiée, est emblématique d’une liberté communale que nous devons conforter.
C’est bien ce qui est proposé aujourd’hui. Dans sa version actuelle, la loi du 29 février 2012 prévoit en effet qu’en cas d’accord amiable le nombre de sièges ne peut excéder de plus de 10 % le nombre de sièges qui seraient attribués par application du dispositif de répartition issu du tableau fixé par le législateur.
Dans le texte initial, qui n’a pas été modifié sur ce point par la commission des lois, le choix est fait de porter ce seuil à 25 %. Certains amendements ont pour objet de le fixer à 20 %; nous en débattrons. Mais l’essentiel est là : il est nécessaire de promouvoir l’initiative locale et l’accord entre les élus.
Cette liberté, nous devons aussi la préserver concernant le choix du nombre de vice-présidents. La loi de 2012 plafonne le nombre de vice-présidents d’un EPCI à 20 % de l’effectif total de l’organe délibérant, sans que ce nombre puisse excéder quinze ni être inférieur à quatre. Ce cadre était, là encore, trop rigide.
Madame la rapporteur, je me rallie à votre proposition, adoptée par la commission des lois : vous avez choisi de faire passer le plafond de 20 % à 30 %, tout en conservant la limite de quinze vice-présidents. J’ai dit tout à l’heure l’importance des problèmes de gouvernance dans les intercommunalités. Je pense que l’article initial, qui supprimait tout plafond en cas d’accord amiable, risquait de susciter des problèmes de « gouvernabilité » des intercommunalités. Ce n’est plus le cas dans la rédaction que vous proposez. Nous approuvons d’autant plus cette disposition qu’elle se fait à enveloppe constante.
J’ai évoqué ici le cœur du dispositif. Au cours des débats, nous aurons l’occasion de revenir sur les divers ajouts de la commission des lois.
Le ministre de l’intérieur a souhaité que, pour conclure ce propos liminaire, je vous fasse part des projets du Gouvernement en matière d’élection des délégués communautaires. Il a déjà eu l’occasion d’en faire état devant votre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, ainsi que devant l’Assemblée nationale lors du débat sur l’abrogation du conseiller territorial.
Ses priorités, les priorités du Gouvernement sur ce point, sont bien entendu celles qu’a fixées le Président de la République lors de son allocution devant vos états généraux.
Le fait intercommunal est devenu concret pour les Français. À présent, nous devons faire de cette réalité des politiques publiques une réalité démocratique.
Le Président de la République a été clair : les délégués communautaires seront désormais élus le même jour que les conseillers municipaux, par un même vote. Sur ce point également, il faut privilégier la lisibilité : un vote unique permet de préserver la légitimité communale tout en dotant les EPCI d’élus clairement identifiés.
Cette élection démocratique des délégués communautaires doit être étendue au plus grand nombre de communes. Il faudra donc abaisser, comme la précédente majorité l’avait envisagé, le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste. Cette limite est actuellement fixée à 3 500 habitants. Nous devrons trouver le bon compromis.
Cet abaissement de seuil répond également à notre volonté de rendre le scrutin municipal plus paritaire. Aujourd'hui, l’objectif de parité est quasiment atteint dans les communes de plus de 3 500 habitants. En revanche, les communes plus petites ne comptent que 32 % de conseillères municipales.
La démocratisation du bloc communal – communes et intercommunalités – est une condition essentielle pour que perdure le dynamisme de notre démocratie locale. Voilà donc un chantier capital, qui s’ouvrira une fois achevées les concertations que mène actuellement le ministre de l’intérieur, à la demande du Premier ministre, avec les partis représentés au Parlement et les principales associations d’élus intéressées.
Je m’associe, bien entendu, aux propos du ministre de l’intérieur et, à l’instar de M. le président de la commission des lois, je salue un texte court, raisonnable, sobre et équilibré. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Madame le président, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, voici un texte qui touche directement à notre rôle majeur de représentation des collectivités territoriales.
La proposition de loi de notre collègue Alain Richard que nous examinons aujourd’hui, relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération, est a priori assez consensuelle, et nous ne pouvons que nous en féliciter. (M. Jacques Mézard acquiesce.)
Comme nous venons de l’entendre, ce texte a pour objet d’introduire une meilleure transition entre les modes de représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomération actuellement pratiqués et le système qui sera envisagé à l’avenir. Vous l’avez bien compris, il s’agit tout particulièrement d’assouplir les règles destinées à s’appliquer lors du prochain renouvellement des conseils municipaux, en mars 2014.
De fait, il est fort probable que la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 ait quelques effets à tout le moins restrictifs en ce qui concerne la représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomération puisque les règles adoptées dans le cadre de cette loi de 2010 sont aujourd’hui alignées sur les obligations applicables aux communautés urbaines et aux métropoles.
Je le dis d’autant plus librement que je n’ai pas eu l’heur de voter cette loi de décembre 2010, n’étant pas encore sénateur à l’époque. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bonne excuse ! (Nouveaux sourires.)
M. André Reichardt. Vous avez donc devant vous un Candide…
Mme Nathalie Goulet. Virginité bienveillante !
M. André Reichardt. … qui s’exonère naturellement de tout passé politique, en tout cas politicien.
Cette loi de 2010, que j’ai appris à connaître, limite l’augmentation du nombre de représentants au sein du conseil délibérant à 10 % du nombre prévu dans le tableau établi sur la base de la population de l’EPCI. Parallèlement, elle limite le nombre de vice-présidents au sein des bureaux des communautés à 20 % de l’effectif global de leur organe délibérant et, quoi qu’il en soit, à quinze sièges.
À l’évidence, par rapport à la situation antérieure, la loi du 16 décembre 2010 conduit à une réduction substantielle des droits de représentation des communes. Appliquée en 2014, elle serait d’autant plus fortement ressentie que le mouvement général engagé dans les schémas départementaux tend au regroupement des petites communautés, qui, au niveau national, représentent de nombreuses communes.
Alors que le dispositif antérieur à la loi de 2010 reposait sur un accord local, adopté à la majorité qualifiée des communes membres, le système actuel, censé s’appliquer à compter de mars 2014, se révèle difficile à mettre en œuvre, car trop restrictif. Surtout, la représentation des communes ainsi obtenue ne refléterait pas fidèlement le poids démographique de ces dernières.
À n’en pas douter, il était devenu souhaitable de prévoir un mécanisme visant à renforcer cette représentation. L’augmentation du nombre de sièges, subordonnée à un accord local adopté à la majorité qualifiée, répond certainement aux attentes des élus. Plus exactement, comme l’a souligné à plusieurs reprises M. Alain Richard, il s’agit d’une limitation de la baisse des droits de représentation plutôt que d’une augmentation du nombre de sièges. Vous le voyez, mon cher collègue, j’ai bien compris le message !
Toutefois, les deux principes traditionnels selon lesquels, premièrement, aucune commune ne peut détenir à elle seule plus de la moitié des sièges au sein de l’organe délibérant d’une intercommunalité et, deuxièmement, chaque commune doit disposer d’un représentant au moins, méritent naturellement perdurer. (M. Alain Richard acquiesce.)
Le présent texte apporte donc des assouplissements à la loi de 2010.
Tout d’abord, il tend à augmenter dans la limite de 25 % supplémentaires le nombre de conseillers communautaires, à condition que les communes s’entendent pour fixer à l’amiable leur barème de représentation, l’accord local devant être conclu à la majorité qualifiée des communes membres.
Je viens de le rappeler, la loi de 2010 prévoyait, elle, une augmentation de 10 % du nombre de conseillers communautaires. Compte tenu des fusions d’EPCI qui auront lieu dans le cadre des schémas départementaux de coopération intercommunale, la marge de manœuvre de 10 % paraît trop faible.
Ainsi, comme M. le président de la commission des lois l’a répété ce matin, la possibilité d’augmenter le nombre de délégués communautaires à concurrence de 25 % nous paraît opportune, dès lors que ce pourcentage est entendu comme un plafond, qu’il n’est évidemment pas impératif d’atteindre. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
En outre, la question d’un financement spécifique, qui aurait pu soulever des difficultés, ne se pose pas. Bien sûr, il importe de ne pas augmenter le budget des indemnités de fonction des élus communautaires, afin de ne pas alourdir les charges des collectivités territoriales. Vous me permettrez néanmoins de dire que ce ne sont sûrement pas les indemnités de nos élus qui grèvent de manière démesurée les budgets de nos collectivités !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. André Reichardt. D’autres charges de fonctionnement exercent une pression plus lourde, et vous les connaissez aussi bien que moi.
Le message est important et nous y souscrivons : pas d’alourdissement des charges. Les élus se fixeront eux-mêmes des limites. Si l’EPCI recourt à la faculté d’augmenter le nombre de représentants, ce droit s’exercera à enveloppe indemnitaire constante.
Ensuite, cette proposition de loi tend à permettre aux communes membres d’un EPCI d’augmenter le nombre des vice-présidents. Ce sujet vient d’être évoqué.
Avant la loi du 16 décembre 2010, le nombre de vice-président était soumis à un plafonnement fixé à 30 % de l’effectif total du conseil communautaire. La loi de 2010 a établi que le nombre de vice-présidents serait déterminé par l’organe délibérant, dans la double limite de 20 % de l’effectif total de l’organe délibérant et de quinze sièges.
Avec cette proposition de loi, l’augmentation du nombre de vice-présidents au-delà du barème légal deviendrait possible, à condition d’être décidée à la majorité des deux tiers du conseil communautaire. Par ailleurs, le nombre de vice-présidents ne pourra dépasser ni 30 % de l’effectif du conseil communautaire ni le plafond de quinze personnes. De vous à moi, cet arbitrage me semble constituer un bon équilibre entre la situation ex ante et la règle actuelle. À mes yeux, cette solution est la meilleure au regard de la liberté des élus.
La présente proposition de loi limite par ailleurs l’augmentation du budget consacré aux indemnités des vice-présidents par un dispositif similaire à celui qui est appliqué aux conseillers. Vous l’aurez compris, nous adhérons à cette démarche.
Parallèlement, concernant les suppléants des délégués des communes membres, sur l’initiative de notre rapporteur, la commission des lois a étendu les règles de suppléance au sein des conseils communautaires des EPCI à fiscalité propre.
Concernant le schéma départemental de coopération intercommunale, un quatrième article a été ajouté pour assouplir les orientations fixées au titre de ce document. Nous souscrivons à ces dispositions.
Mes chers collègues, la proposition de loi qui va être soumise à notre vote apparaît pertinente au groupe UMP.
Premièrement, ce texte constitue une marque de confiance envers les élus locaux. Nous devons leur faire confiance pour la fixation du nombre des délégués communautaires.
Deuxièmement, cette proposition de loi est pragmatique. Elle tend à lever un certain nombre de freins qui provoquent des réticences de la part des petites communes, lesquelles redoutent légitimement de n’être pas suffisamment représentées au sein des EPCI. À cet égard, je coifferai un instant mon ancienne casquette de maire d’une commune au nom que beaucoup jugent imprononçable : Souffelweyersheim (Sourires.) Dès lors que, par le passé, j’ai pu émettre une telle crainte, je puis, sans aucune arrière-pensée, vous tenir ce discours !
Avant de conclure, je dirai un mot d’un amendement que plusieurs sénateurs alsaciens présenteront tout à l'heure, avec l’appui de notre groupe.
Monsieur Richard, j’ai bien compris que vous auriez souhaité circonscrire le débat d’aujourd’hui au strict domaine visé par votre texte, et je vous rejoins sur le principe. Néanmoins, l’amendement que nous avons eu l’honneur de déposer se justifie par un certain degré d’urgence. Comme vous le savez, le conseil régional et les deux conseils généraux alsaciens sont engagés dans une démarche de fusion de la région et des deux départements.
L’article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales dispose : que les collectivités concernées doivent demander à fusionner par délibérations concordantes ; qu’ensuite, lors de la consultation des électeurs, le projet de fusion doit recueillir, dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits. Notre amendement a pour objet de supprimer l’exigence d’un taux de participation minimum, lorsqu’est en jeu – et pas seulement en Alsace ! – la création d’une collectivité nouvelle issue de la fusion d’une région et d’un ou de plusieurs départements.
Ce matin, la commission des lois a examiné cet amendement, mais elle n’a pas souhaité qu’il soit retenu. Nous le regrettons, et nous attendons, madame le ministre, de connaître la position du Gouvernement concernant cette proposition qui revêt une grande importance pour l’Alsace : en effet, l’adoption de cet amendement concourrait au succès d’une initiative institutionnelle exemplaire pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, par cette proposition de loi, notre collègue Alain Richard nous propose un simple ajustement de la loi de réforme des collectivités territoriales de décembre 2010, contre laquelle, dois-je le rappeler, l’ensemble des sénateurs de gauche s’étaient dressés.
Chacun sait combien cette réforme a joué un rôle essentiel dans le basculement à gauche de la Haute Assemblée,…
M. Hervé Maurey. Ça, c’est vrai !
M. Christian Favier. … tant son orientation recentralisatrice et son contenu étaient rejetés, et restent contestés par une majorité d’élus locaux.
Pour notre part, nous n’avons jamais cessé de demander l’abrogation de ce texte et avons même déposé une proposition de loi à cette fin, en parfait accord avec les propos du président Jean-Pierre Bel qui, vous vous en souvenez, déclarait dans son allocution du 11 octobre 2011 : « La réforme territoriale doit être abrogée et entièrement repensée. Une réforme est à l’évidence nécessaire, comme je l’ai entendu dire en bien des endroits. Mais celle-ci est allée, je le crois, dans le mauvais sens. »
En cohérence avec cette déclaration, il convient, selon nous, de ne pas poursuivre dans cette mauvaise direction ni même de simplement corriger à la marge un mauvais texte. Or force est de constater que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est loin de répondre aux objectifs définis par le président de notre assemblée.
Les dispositions de ce texte pourraient même apparaître comme autant de mesures permettant d’atteindre plus aisément un des objectifs majeurs de cette réforme de 2010 : je veux parler de l’achèvement à marche forcée de la carte intercommunale, dans le but non avoué, mais bien réel, de réduire massivement le nombre des communes que compte notre pays.
En effet, chacun sait que trente-trois départements ne sont toujours pas parvenus à un accord sur le schéma départemental de coopération intercommunale et que, dans les départements qui en ont adopté un, de nombreux points de blocage subsistent, pour diverses raisons. Il semble même qu’en certains endroits les tribunaux administratifs aient été saisis.
Je profite d’ailleurs de ce débat pour adresser au Gouvernement une demande que nous avions déjà transmise à son prédécesseur : nous souhaitons qu’un état précis de l’avancement de ces schémas nous soit remis, ainsi qu’une note synthétique répertoriant les principaux points qui bloquent leur adoption et leur mise en œuvre.
Un tel document nous semble absolument nécessaire pour éclairer notre assemblée dans la perspective des réformes annoncées par le Gouvernement. En effet, comme le note notre rapporteur, « l’application de cette loi a été génératrice de blocages et de réticences ».
Dans son rapport, notre collègue dresse également la liste des grandes difficultés que soulève l’intercommunalité : le calendrier de mise en œuvre, les incertitudes liées à l’exercice de certaines compétences de proximité, ainsi que celles qui tiennent aux principes régissant la composition des conseils communautaires et le nombre de vice-présidents.
C’est pour tenter de remédier à ces problèmes que notre collègue Alain Richard a déposé ce texte. Il s’agit donc, non pas de modifier véritablement la loi de 2010, mais de lever les blocages qui font obstacle à son application.
Dans ces conditions, comment pourrions-nous soutenir ces dispositions, alors que nous sommes favorables à l’abrogation même de cette loi que nous avons combattue et dont nous contestons toujours l’esprit et la lettre ?
Permettez que nous nous rappelions, ici, les débats sur cette loi dite « de réforme des collectivités territoriales ».
L’article dont vous modifiez quelques alinéas, et qui est devenu l’article 9 de cette loi, fut sans doute l’un des plus discutés. Des opinions divergentes se sont exprimées à son endroit au sein même des groupes. Il a d’ailleurs fallu que l’Association des maires de France mette tout son poids dans la balance en inspirant un amendement, lequel fit lui-même débat.
Cette modification permettrait aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération de définir, par accord majoritaire, le nombre de sièges de leur assemblée délibérative en relevant le plafond de la dérogation de 10 % à 25 %.
Pour notre part, nous nous étions opposés aux règles de plafonnement. Deux principes dictaient alors notre position ; ils demeurent pour nous intangibles.
D’une part, les intercommunalités devant être considérées comme des outils de gestion et de coopération mis en place par les communes, le principe de libre administration que leur garantit la Constitution les laisse libres des moyens à déployer pour mettre en œuvre les compétences qui leur sont dévolues.
D’autre part, le principe de confiance envers à la fois les élus locaux et les électeurs doit prévaloir. Les uns n’ont pas l’habitude de faire n’importe quoi et les autres de laisser faire n’importe quoi.
Aussi, le peu de souplesse supplémentaire qui est apporté par ce texte, faisant passer le droit à dérogation du nombre de conseillers communautaires de 10 % à 25 % du nombre défini dans le tableau figurant au III de l’article 9, ne change pas vraiment les choses. Sans doute répond-il simplement à des demandes locales et permet-il de trouver un accord ici ou là.
Toutefois, la libre administration et la confiance ne sont toujours pas au rendez-vous. Nous le regrettons d’autant plus que, parmi les multiples déclarations, parfois contradictoires, que l’on entend dans les rangs de la majorité gouvernementale, il semble que ne soit plus envisagée l’abrogation de cette réforme de 2010, pourtant emblématique de l’ancien pouvoir, mais surtout contraire à une vraie décentralisation en ce qu’elle vise à mettre au pas l’ensemble des élus locaux et à créer les conditions d’une disparition programmée des communes et des départements.
Nous savons pourtant que, sur les travées de notre assemblée, à gauche et parfois même au-delà, cette exigence demeure.
L’incompréhension, l’inquiétude et la colère de l’immense majorité des élus locaux face à cette réforme – les états généraux de la démocratie territoriale en ont donné une nouvelle preuve – et à la fragilité financière de leurs collectivités doivent, à notre avis, nous conduire à trouver aujourd’hui un autre débouché politique. Celui-ci doit porter le souffle de la réforme, du progrès social et démocratique, en plaçant la réponse aux besoins et aux attentes de la population au centre de ses objectifs, comme avaient su le faire, voilà trente ans, les lois Defferre, qui tendaient à renforcer les droits et libertés des communes, départements et régions.
Mme Nathalie Goulet. Vous ne les avez pas votées !
M. Christian Favier. Dans cette attente, et parce que nous avons la volonté politique de tout faire pour rendre possible cette orientation et renouer ainsi avec l’espoir d’un vrai changement, nous ne voterons pas contre cette proposition de loi. Malgré ses limites, nous nous abstiendrons pour prouver notre ouverture à des réformes futures, en espérant qu’elles seront, cette fois, bien plus ambitieuses. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, mes propos n’iront pas dans le sens de ceux de l’orateur précédent : je considère en effet que, s’il est un aspect de la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 qui n’a pas suscité d’opposition irréductible au sein du Parlement, c’est bien celui qui concerne l’intercommunalité.
Mme Éliane Assassi. Si, la nôtre !
M. Yves Détraigne. Beaucoup s’en souviennent ici, j’étais le membre de la commission mixte paritaire dont le vote était susceptible de faire pencher d’un côté ou de l’autre le sens de cette loi. (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
Mme Nathalie Goulet. Oui !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce fut mémorable ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne. Sur la question de l’intercommunalité, en commission mixte paritaire, il ne restait qu’un point à régler, celui de la date limite de publication des arrêtés préfectoraux de création des nouvelles intercommunalités. Pour une assemblée, ce devait être le 1er mars 2013, pour l’autre, le 30 juin 2013. En un peu moins d’une minute, nous avons transigé et retenu la date du 1er juin 2013… Il n’y avait donc pas de véritable difficulté sur le dispositif relatif à l’intercommunalité !
Le quasi-consensus entourant la réforme de l’intercommunalité a été bon an mal an confirmé par les travaux menés dans chaque département par les commissions départementales de la coopération intercommunale. En effet, à la fin de l’année 2011, dans les deux tiers des départements, un accord sur un schéma départemental avait été trouvé. Ce n’est donc qu’avec prudence, me semble-t-il, que nous devons toucher aux dispositions en vigueur sur la mise en œuvre de ces schémas de coopération intercommunale.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette démarche. Sans remettre en cause les principes que nous avons introduits dans la loi pour faciliter l’élargissement, parfois très important, des intercommunalités, tout en évitant de transformer certaines assemblées en « armées mexicaines », elle vise à prévenir d’éventuels blocages, d’une part, sur la répartition des sièges dans les conseils communautaires, notamment quand une commune domine très nettement les autres par sa population, d’autre part, dans la composition de leurs bureaux. Il s’agit d’autoriser, le cas échéant, l’augmentation de 25 % du nombre de conseillers communautaires et de 30 % du nombre de vice-présidents, tout en restant dans la limite de quinze vice-présidents, ce qui permet d’assurer la nécessaire cohésion de l’exécutif et d’éviter d’attribuer des délégations purement formelles, pour ne pas dire parfois fictives. Nous avons tous quelques exemples en tête.
Je précise toutefois qu’avec mes collègues centristes de la commission des lois nous avons déposé un amendement tendant à limiter à 20 %, au lieu de 25 %, le nombre de sièges supplémentaires pouvant être créés dans le cadre d’un accord local.
En ce qui concerne la composition des exécutifs, certes, il n’est plus envisageable aujourd’hui, contrairement à ce qui a pu se produire dans un certain nombre d’intercommunalités à leurs débuts, de constituer un bureau où chaque commune disposerait automatiquement d’un poste de vice-président. Lorsqu’une communauté d’agglomération, par exemple, est constituée d’une ville-centre qui dispose pratiquement de la moitié des sièges au conseil communautaire et d’une vingtaine, voire d’une trentaine de communes périphériques dont la plupart ne disposent que d’un siège, il serait déraisonnable – même si cela se voit encore aujourd'hui – de prévoir un poste de vice-président pour chaque commune. À l’inverse, il est nécessaire que chaque secteur géographique de cet ensemble, surtout s’il présente des spécificités ou constitue un territoire à enjeu particulier, puisse être représenté au sein de l’organe exécutif.
Il s’agit donc là d’un compromis acceptable entre ces deux impératifs.
Je me réjouis également que la commission des lois ait inscrit dans la proposition de loi le principe du plafonnement de l’enveloppe budgétaire dédiée au versement des indemnités de fonction. Il faut, en effet, entendre les critiques qui sont souvent émises sur l’impact financier, parfois important, de la généralisation de l’intercommunalité et les observations qui dénoncent les doublons perdurant plusieurs années après la création d’une intercommunalité entre services communaux et services intercommunaux et, surtout, les surcoûts que cela entraîne pour les finances publiques.
Au regard de la situation économique et financière de notre pays, et tout particulièrement de ses collectivités territoriales, il est très important que nous veillions à contenir les charges de fonctionnement des collectivités et que nous ayons pour objectif d’optimiser, sur le plan financier comme sur le plan de son efficacité, le couple communes-intercommunalité.
Sur ce point, je rappelle que, aux termes de la loi du 16 décembre 2010, dans l’année suivant le renouvellement des conseils municipaux, les présidents d’intercommunalité à fiscalité propre devront établir un projet de schéma de mutualisation entre les services de l’EPCI et ceux des communes membres. Comme cela a été rappelé lors d’un colloque organisé voilà deux mois par l’Association des maires de France et l’Assemblée des communautés de France, il s’agit d’un « enjeu majeur » pour nos collectivités.
Je souhaite donc que les mesures contenues dans cette proposition de loi permettent la mise en route dans les meilleures conditions des nouvelles intercommunalités sur l’ensemble du territoire et que, passé le temps des débats sur leur mise en place et l’installation de leurs exécutifs, celles-ci se mettent au travail pour assurer le meilleur service au meilleur coût à leurs populations.
Enfin, je regrette que la proposition de loi ne prévoie pas la possibilité, pour un délégué communautaire ayant une délégation sans être vice-président, de bénéficier d’une indemnité s’inscrivant dans l’enveloppe globale – notre rapporteur a elle-même formulé une remarque à ce sujet. J’avais d’ailleurs, dès 2006, interrogé le gouvernement de l’époque sur cette question.
Je salue donc la proposition de loi visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat que viennent de déposer nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, à la suite, notamment, des observations émises lors des états généraux de la démocratie territoriale. Je ne doute pas que ce texte, associé à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, confortera la démocratie locale, car c’est bien de cela qu’il s’agit. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vaut plus par ce qu’elle ne dit pas que par ce qu’elle dit. Les dispositions qu’elle contient se voulant consensuelles et propres à recueillir une majorité dans notre assemblée, elle se contente de modifier à la marge une législation qui, pourtant, au mois de décembre 2010, était vraiment loin de faire consensus. C’est probablement ce que l’on appelle le changement...
Ce que ce texte oublie, et qui constituait une partie essentielle de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur et Alain Richard et votée par le Sénat voilà juste un an, c’est particulièrement le nouvel équilibre des pouvoirs alors institué entre le préfet et la CDCI dans le processus d’élaboration, puis de mise en œuvre du schéma départemental de la coopération intercommunale. Or, si l’épisode « schéma départemental » est largement derrière nous, il en est un autre qui est devant nous : la mise en application des dispositions dudit schéma. Cette opération pourrait être au moins aussi « sportive » que la précédente ! (Sourires.)
J’avais espéré que le texte adopté par le Sénat au mois de novembre 2011 serait inscrit à l’ordre du jour de l'Assemblée nationale ou au moins partiellement repris dans un texte du Gouvernement. Apparemment, il n’en sera rien, et je pressens que nous devrons nous contenter de propositions de loi Pélissard bis, ter, quater … – autant que de besoin ! – pour corriger à la marge et au fil des problèmes qui se poseront la loi de décembre 2010. On finit d’ailleurs par se demander pourquoi, au conseiller territorial près, cette loi a suscité tant de critiques à gauche !
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise va dans le bon sens, celui de la liberté des communes de décider, à la majorité qualifiée, des modalités qu’adoptera la communauté dont elles sont membres, s’agissant du nombre de leurs délégués et des vice-présidents.
Cette liberté est très encadrée puisque l’augmentation des membres des conseils est limitée à 25 % du nombre de sièges autorisé par la loi de 2010 et que les vice-présidents ne pourront être plus de quinze, le texte de la commission réintroduisant d’ailleurs ce plafond qui ne figurait pas dans la proposition de loi initiale.
Évidemment, cette liberté s’exercera à enveloppe indemnitaire constante, les collectivités devant, comme on sait, « contribuer à l’effort de redressement des finances publiques », même si elles sont en rien responsables de la dégradation de celles-ci.
C’est ce qu’on appelle « faire confiance à l’intelligence des territoires » ! Parce que je crois – et, si je ne m’abuse, c’était déjà l’opinion de Jean-Pierre Sueur en 1992 – qu’il y a moins d’inconvénients à s’y résoudre qu’à imposer des règles qui auront, elles aussi, n’en doutez pas, leurs inconvénients, je défendrai un amendement rétablissant la liberté de décision des communes en matière de représentation lorsqu’elles sont d’accord entre elles. Je n’ai pas d’illusion quant au résultat, mais je tiens à réaffirmer le principe selon lequel l’intercommunalité est d’abord un contrat entre communes et non une collectivité territoriale de plus.
Pour le reste, la proposition de loi comporte deux dispositions bienvenues : d'une part, l’institution d’un délégué suppléant au profit des communes qui avaient peu de délégués, ce qui, je le dis par parenthèse, réintroduit par la fenêtre une forme de liberté dans la fixation des effectifs qui a été chassée par la porte ; d'autre part, la reprise d’une disposition de la proposition de loi Sueur-Richard précisant les modalités de suppression des syndicats de communes et syndicats mixtes lors du processus de rationalisation de la carte intercommunale.
En vertu de cette dernière disposition, il ne sera obligatoire de supprimer ces EPCI, ou de modifier leur périmètre, que si les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des EPCI à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis. Actuellement, en cas de suppression d’un syndicat de communes ou d’un syndicat mixte, soit l’EPCI à fiscalité propre assume la compétence auparavant exercée par le syndicat, et donc, de proche en proche, est amené à concentrer l’essentiel des compétences des communes, soit, si l’EPCI à fiscalité propre refuse d’assumer l’ancienne compétence du syndicat, celle-ci revient aux communes, alors même qu’elles avaient jugé préférable de s’associer pour l’exercer.
Le RDSE votera donc cette proposition de loi homéopathique. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à nous prononcer pour la troisième fois en un peu plus d’un mois sur un texte concernant les collectivités territoriales. De deux choses l’une : soit nous prenons le temps de réfléchir collectivement, au sein de nos commissions et dans nos régions, à la meilleure manière d’organiser nos territoires, et nous préparons, en collaboration avec le Gouvernement, une réforme équilibrée et réaliste ; soit nous continuons de multiplier les lois factuelles, les lois « de niche », ne comprenant que quelques articles et ne modifiant que quelques dispositions du code général des collectivités territoriales.
Le motif avancé pour justifier cette nouvelle proposition de loi est que les intercommunalités doivent choisir leur mode de représentation au premier semestre de 2013, en vue des élections de 2014. Il est vrai que cela ne nous laisse qu’une marge de manœuvre peu importante pour opérer une réforme en profondeur des collectivités territoriales au début de l’année 2013. Mais devons-nous nous laisser dominer par le calendrier au risque de produire des normes peu ambitieuses ?
Le Sénat est pourtant censé être une assemblée de sages ayant arrêté depuis longtemps de poursuivre les lièvres pour préférer l’assurance tranquille de la tortue, sûre d’elle car protégée de l’angoisse par sa carapace.
Qui plus est, le projet de loi de réforme de la démocratie territoriale, que nous aurons bientôt à examiner, pourrait prévoir le régime transitoire envisagé dans la présente proposition de loi.
Vous l’aurez compris, les écologistes n’étaient pas favorables au dépôt de cette proposition de loi, car sa forme, son étendue et sa portée nous semblent contraires à l’esprit d’un travail clair et lisible pour l’ensemble de nos concitoyens.
Cependant, sur le fond, nous saluons la liberté qui est laissée aux communes de fixer leur barème de représentation dans les limites d’une augmentation de 25 %. Cette disposition peut atténuer le choc qu’est vouée à créer la loi de 2010 en matière de représentation des communes au sein des EPCI. La possibilité d’augmenter le nombre des vice-présidents afin de représenter toutes les sensibilités me semble également de nature à satisfaire un grand nombre de conseillers communautaires.
J’ajoute que ces modifications se feront à enveloppe financière constante. C’est heureux, car l’époque ne nous pardonnerait pas d’augmenter le coût des élus pour la nation. Il est déjà suffisamment difficile d’expliquer à nos concitoyens que certains d’entre nous veulent continuer de cumuler leur mandat exécutif local et leur travail de parlementaire ! Comment, alors, pourrions-nous leur expliquer que nous augmentons les rémunérations des conseillers communautaires ?
Nous regrettons toutefois que le mode de désignation des représentants des communes au sein des EPCI ne fasse pas l’objet d’une discussion approfondie. Nous souhaitons que ces représentants soient élus au suffrage universel direct par un scrutin de liste, car c’est le seul moyen de préserver la parité et d’assurer une représentation plus équilibrée des différents courants de pensée.
Ce mode d’élection permettrait en outre de faire émerger de véritables projets politiques pour le territoire. C’est ainsi et seulement ainsi qu’un EPCI ne sera plus une réunion d’intérêts de collectivités mais une collectivité d’intérêts.
Je renouvelle donc mon appel à une réflexion en profondeur sur une réforme des EPCI qui passerait par l’élection au suffrage universel direct des représentants des communes, de manière que nos concitoyens et concitoyennes puissent enfin se reconnaître dans leurs intercommunalités.
En dépit des regrets que je viens d’exprimer, nous défendrons deux amendements sur cette proposition de loi, afin qu’elle respecte certains principes fondamentaux des écologistes. Le premier amendement a trait à la parité. Le second, porté par nos collègues François Patriat et Jean-Vincent Placé, vise à supprimer une formulation relative au référendum local permettant la fusion d’une région et de ses départements. En effet, cette formulation est trop restrictive et son maintien conduirait à un déni de démocratie.
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée le 10 septembre 2012 par notre collègue Alain Richard répond d’abord aux difficultés très concrètes d’application de la réforme territoriale de 2010, dont les objectifs sont assez partagés dans l’hémicycle, mais dont la mise en œuvre à marche forcée trahit une absence de confiance envers la négociation locale.
Faisant écho au mécontentement et aux demandes des élus locaux, le Sénat avait adopté dès le 4 novembre 2011, soit peu après son renouvellement, une proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, qui visait à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale. Après s’être, dans un premier temps, opposé à cette proposition de loi, le gouvernement de l’époque, tenant compte des problèmes soulevés par la réforme territoriale, a inscrit à l’ordre du jour une proposition de loi déposée par le député Jacques Pélissard, actuel président de l’Association des maires de France, qui se réunit en ce moment même. Cette proposition de loi reprenait une grande partie des sujets abordés dans le texte de Jean-Pierre Sueur. Il s’agissait notamment de maintenir les mandats électifs intercommunaux en cours jusqu’au renouvellement de 2014, et de laisser subsister les syndicats spécialisés dont les missions ne peuvent pas aisément être intégrées aux compétences des EPCI ; cette dernière disposition, qui a été longuement débattue, concerne en particulier la santé et l’action sociale.
La loi visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale a été promulguée le 29 février 2012. Cependant, deux mesures préconisées par le Sénat pour faciliter les transitions dans les intercommunalités réorganisées n’ont pas été intégrées dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, faute d’accord politique entre les deux chambres, alors même que lesdites mesures – Alain Richard l’a rappelé – n’impliquaient aucune augmentation d’enveloppe budgétaire. La première portait sur le nombre maximal de sièges des assemblées intercommunales, la seconde, sur le nombre maximal de vice-présidents. Dans les deux cas, il s’agissait d’atténuer la baisse drastique du nombre d’élus.
Comme nous nous y étions engagés, ces deux mesures sont reprises dans la présente proposition de loi. Elles visent à assouplir les dispositions beaucoup trop restrictives de la loi de décembre 2010 concernant la représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomération.
Des amendements adoptés par la commission des lois ont utilement complété la proposition de loi, introduisant davantage de souplesse en ce qui concerne les règles de suppléance – sur proposition de Mme la rapporteur – et les orientations fixées au schéma départemental de coopération intercommunale – sur proposition de Pierre-Yves Collombat. Notre excellent collègue Jean-René Lecerf présentera en outre tout à l'heure un amendement relatif à la répartition, à enveloppe constante, des indemnités au sein de l’exécutif intercommunal.
La présente proposition de loi constitue donc une nouvelle avancée en vue de l’achèvement de la carte intercommunale dans des conditions adéquates, avant le renouvellement de mars 2014. Cette proposition réintroduit le dialogue local et la souplesse dans la désignation des membres des instances communautaires, afin que celles-ci reflètent – j’insiste sur ce point – l’ensemble des composantes du territoire intercommunal.
Les états généraux de la démocratie territoriale ont donné lieu à de nombreuses contributions d’élus locaux, recensant leurs attentes et leurs propositions pour renouveler et moderniser l’organisation politique et administrative française. Rappelons-nous que les participants ont particulièrement mis en avant la nécessité d’améliorer le fonctionnement des assemblées locales.
Outre la suppression du conseiller territorial et le souhait de voir renforcer les droits de l’opposition dans les assemblées municipales et intercommunales afin que le débat y soit plus démocratique, les élus locaux – de tous bords politiques – ont été nombreux à demander une plus forte représentation des « petites » communes dans les intercommunalités. Ils ont exprimé la crainte que, avec un seul délégué, les plus petites villes ne puissent pas être représentées dans toutes les instances – bureau et commissions du conseil communautaire, notamment – et que, en conséquence, leurs délégués ne soient pas en mesure de participer effectivement à la prise de décision au sein de l’intercommunalité.
Or la réforme territoriale de décembre 2010 a fixé un cadre trop rigide, qui laisse peu de place à l’accord local et ne permet pas de prévoir une représentation politique qui reflète le poids démographique des communes. En apportant des correctifs à cette réforme, la présente proposition de loi vise à garantir une meilleure représentation des communes les moins peuplées et à restaurer l’indispensable part de négociation entre les communes membres. Cette négociation est nécessaire si nous voulons que l’intercommunalité soit aussi, et j’oserai dire d'abord, l’adhésion à un projet partagé.
Je salue donc ces dispositions, qui traduisent la recherche d’une plus grande cohérence, d’une meilleure efficacité du fonctionnement et du développement des territoires intercommunaux et d’une amélioration de la représentation de l’ensemble des communes au sein de l’organe délibérant de l’EPCI. Ces assouplissements renforcent également la place des petites communes et favorisent la prise en compte de leurs problématiques spécifiques dans le travail de coproduction d’un projet de territoire à l’échelle intercommunale.
Nous pouvons maintenant mesurer – un certain nombre de nos collègues ont le recul suffisant – les progrès réalisés par l’intercommunalité ces dernières années. Rien ne peut se faire en matière d’amélioration de la gestion des services publics, de développement d’équipements publics d’intérêt intercommunal, notamment en milieu rural, ou de mise en cohérence territoriale des grandes politiques de développement économique, d’habitat, de la ville, sans un recours accru à l’intercommunalité.
Enfin, madame la ministre, nous avons devant nous le chantier des finances publiques. À l’occasion de l’acte III de la décentralisation, nous devons travailler sur la revendication des territoires au sujet de l’ingénierie territoriale, et en particulier sur la mutualisation des moyens financiers et humains rendue possible par un recours accru à l’intercommunalité, quand l’équilibre des responsabilités suscite une réelle adhésion.
En conclusion, je souhaite saluer, à quelques instants de la prise de parole du Président de la République devant les maires réunis au congrès de l’AMF, l’initiative prise, sans attendre, par le président du Sénat, de demander à Jacqueline Gourault et à Jean-Pierre Sueur de réfléchir sur les deux doléances principales – n’ayons pas peur des mots ! – ressorties des états généraux de la démocratie territoriale. Cela s’est traduit par le dépôt d’une proposition de loi visant à faciliter l’exercice par les élus locaux de leur mandat et d’une proposition de loi, d’ailleurs complémentaire de celle de notre collègue Éric Doligé, portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle des normes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, les occasions ne sont pas si fréquentes dans cette assemblée où l’on devine, à écouter les uns et les autres, que l’on pourrait s’acheminer vers un large consensus sur un texte. Ne boudons donc pas notre plaisir ! En tout cas, le groupe UMP a choisi d’approuver cette proposition de loi, ainsi qu’il l’a déjà fait savoir par la voix de son représentant, André Reichardt, et je confirme notre adhésion à la démarche d’Alain Richard.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous approuvons avant tout le pragmatisme de cette démarche. Sur ces questions d’intercommunalité, nous avons toujours été handicapés par des approches politiciennes. Lorsque, en revanche se font entendre ici un certain nombre de souhaits exprimés par des élus ayant une pratique quotidienne de l’intercommunalité, alors, nous savons nous retrouver.
D’ailleurs, depuis 1992, tant la droite que la gauche peuvent s’honorer d’avoir parcouru un bout du chemin. L’édifice législatif portant sur l’intercommunalité a été réalisé grâce, non seulement, à l’apport significatif de la gauche en 1992, complété par la loi Chevènement de 1999, mais également par des dispositions proposées par des gouvernements de droite.
Disons-le, dans nos départements, sur ces questions d’intercommunalité, il est rare que la politique s’empare du sujet au détriment de l’intérêt général, et beaucoup peuvent en témoigner.
Le contenu du texte nous convient. Il nous est proposé d’assouplir un dispositif un peu rigide, c’est vrai, qui préoccupait les élus à l’approche du renouvellement de 2014. Il leur apparaissait que les contraintes posées par la loi allaient entraîner une réduction de la représentation, notamment, des communes rurales.
Le fait que nous puissions augmenter de 25 % le nombre de délégués va évidemment dans le bon sens, même si je note au passage, madame la rapporteur, que l’exemple que vous avez choisi dans votre rapport est mauvais. En effet, vous nous expliquez que cet assouplissement permettra à une ville-centre d’un département voisin de Paris, me semble-t-il, d’avoir plus de représentants, au détriment, j’imagine, des autres communes, notamment rurales. Je ne veux pas vous faire grief de cette présentation, correspondant sans doute à une préoccupation locale qui vous touche.
À la lumière des problématiques que je connais, je retiens surtout que nous pourrons plutôt assurer une bonne représentation de l’ensemble des communes.
Je le dis sans détour, et je pense qu’un certain nombre de présidents de communautés de communes – j’en suis un – pourraient abonder dans ce sens : nous ne cherchons pas forcément à faire représenter la ville principale ou les agglomérations importantes de manière plus substantielle que les autres communes.
Finalement, l’état d’esprit, au sein d’une communauté de communes, doit beaucoup au pacte de confiance. Or celui-ci repose notamment sur le fait que les communes les plus importantes ne cherchent pas obligatoirement à avoir un trop grand nombre de délégués.
Nous souscrivons à la disposition qui vise à maintenir le volume des indemnités existantes. Je ne vais pas répéter ce qui a déjà été exprimé ; j’ajouterai simplement que nous ne devons pas tomber dans le piège consistant à donner à penser que les élus exercent des fonctions et prennent des responsabilités en considération des indemnités qu’ils sont susceptibles de recevoir. Disons-le franchement, le montant des indemnités versées est très modeste par rapport au travail accompli et au temps consacré, souvent au détriment de la vie de famille. (Marques d’approbation sur différentes travées.)
MM. Christian Cambon et Michel Delebarre. C’est vrai !
M. Jean-Claude Lenoir. Mais ne parlons pas trop de ce sujet. Il ne s’agit pas de le mettre sous le boisseau, mais je pense qu’il n’y a pas d’excès, au contraire, malgré ce qui ressort de certains commentaires.
J’en viens à une autre disposition, qui concerne les syndicats intercommunaux. L’ajout de cette très bonne mesure permet de reconstituer un SIVOM là où la loi de 2010 aurait plutôt conduit à le faire disparaître.
Je dois l’avouer, je n’avais pas très bien compris cet aspect de la loi de 2010 lorsqu’elle a été adoptée. Comme mon collègue André Reichardt l’a fait tout à l'heure, je pourrais invoquer le fait que je n’étais pas sénateur à l’époque… Mais j’étais député ! Je dois donc assumer mon vote d’alors. (Sourires.)
On avait cru comprendre que l’objectif était de faire disparaître les SIVOM. Pourtant, ceux-ci ont toute leur justification lorsqu’il s’agit de faire exercer une compétence sur un territoire donné. Je pense à l’eau, par exemple, dont les périmètres d’approvisionnement n’ont rien à voir avec les limites des communautés de communes. Cette disposition qui permet de restituer au SIVOM leur utilité est donc particulièrement bienvenue.
Alain Richard a par ailleurs évoqué le recours à une médiation, voire à un arbitrage. Il est très délicat de confier une telle mission à une commission départementale composée d’élus. Ces derniers risquent d’hésiter à trancher, à prendre partie. En définitive, à mon sens, il est préférable que les arbitrages soient rendus par les tribunaux administratifs. Bien entendu, se pose alors le problème de leur disponibilité, car le traitement de ces affaires demande du temps. Il serait certes plus satisfaisant d’avoir recours à des sages, mais la solution est sans doute assez difficile à mettre en œuvre.
Plusieurs orateurs, dont Alain Richard et Jean-Pierre Sueur, ont profité de leur intervention pour porter un jugement sur la façon dont les choses se sont passées depuis l’origine des intercommunalités. Continuons d’être pragmatiques, éloignés des débats politiciens. L’intercommunalité le mérite, car j’ai pu constater qu’elle aura été le moyen pour la ruralité de faire face à un certain nombre de difficultés, de faire construire des équipements importants, attendus, et d’offrir aux habitants des services dont ils auraient été privés sans le soutien de cette intercommunalité, qui rime ici avec solidarité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons examiner, sur l’initiative de notre collègue Alain Richard, a pour objectif de réintroduire la souplesse et la liberté de négociation dont les collectivités ont besoin pour achever la recomposition de leurs intercommunalités.
La loi du 16 décembre 2010 avait, certes, permis d’avancer sur la voie de l’achèvement de la carte intercommunale, mais elle n’a pas été suffisante pour aboutir partout.
Dans cette perspective, il revient au législateur de définir un cadre normatif plus souple, permettant aux communes de faire pleinement valoir leur liberté de regroupement dans une démarche volontaire.
La gouvernance des EPCI exige, dans son fondement même, une procédure fondée sur l’échange et le respect mutuel, dans l’écoute et la prise en considération de toutes les communes, quels que soient leur taille, leur poids économique ou leur importance démographique.
Il s’agit là d’une attente des collectivités, que les états généraux de la démocratie territoriale ont d’ailleurs rappelée avec force. Le législateur doit donc les aider à avancer sur la voie de la recomposition de l’intercommunalité.
C’est dans ce but, déjà, que la loi du 29 février 2012, à l’origine de laquelle se trouvait le président Sueur, a été adoptée pour mettre fin aux situations de blocage constatées dans plusieurs dizaines de départements. Cette loi était nécessaire, mais elle n’est pas suffisante. Elle a permis de maintenir les mandats en cours des délégués intercommunaux et elle a renforcé les droits accordés aux suppléants de ces délégués, mais elle n’a pu véritablement revenir, comme nous le proposions alors au Sénat, sur les règles régissant la composition des conseils communautaires des EPCI et le nombre de leurs vice-présidents. Or ces règles sont centrales en ce qu’elles conditionnent le processus de négociation entre les communes membres.
La loi de 2010 avait posé en la matière des règles strictes, sur lesquelles Mme la rapporteur est précisément revenue. Je ne m’y attarderai donc pas.
Je constate cependant que ces règles étaient porteuses d’un risque, celui de voir la représentation des petites communes fragilisée. De même, elles pouvaient conduire à une mauvaise appréciation des réalités de chaque territoire, ce qui explique les difficultés ayant pu apparaître pour faire aboutir les redécoupages.
Dans ce contexte, la proposition de loi présentée par notre collègue Alain Richard a pour objectif central, majeur, de faciliter la négociation entre collectivités. En ce sens, elle répond à un véritable besoin et à une réelle attente des élus locaux.
Elle a également le mérite d’intervenir au bon moment, quand il en est encore temps, si je puis dire. Nous devons effectivement aller vite, car, en cette matière, il nous faut sécuriser rapidement les règles de composition des EPCI en prévision du renouvellement de 2014, donc avant le 31 décembre 2012.
Agir vite est donc nécessaire, mais agir en vue d’assouplir les règles dans ce domaine est indispensable. La proposition de loi réintroduit justement cette souplesse qui manquait sans doute dans la loi de 2010.
Elle permettra aux élus, si nous l’adoptons, d’augmenter, si besoin, de 25 % en plus le nombre de délégués communautaires et de fixer à 30 % de l’effectif de l’organe délibérant le nombre des vice-présidents, dans la limite maintenue de quinze vice-présidents.
Le cadre fourni par la loi de 2010 serait alors préservé, mais le présent texte y apporterait de réels assouplissements en « redonnant du grain à moudre » aux collectivités, sans déstabiliser les accords déjà intervenus ou en passe d’être finalisés.
En l’occurrence, il s’agit non pas de défaire ce qui avait été patiemment et souvent laborieusement tissé jusqu’à présent sur la base de la loi de 2010, mais bel et bien de faciliter les négociations encore en cours – et c’est essentiel – en faisant valoir le lien de confiance réciproque entre les parties prenantes. C’est, finalement, ce qui manquait à la loi de 2010, et il nous appartient, à travers ce texte, de redonner tout son sens à ce lien de confiance.
Ainsi, nous faisons confiance à l’intelligence territoriale, et ce de manière responsable. J’entends par là que cette proposition de loi n’a pas pour but de délivrer une sorte de blanc-seing aux EPCI. L’ajustement du nombre de délégués et de vice-présidents doit se faire aussi en responsabilité. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces éventuels ajustements, qui n’ont rien d’obligatoire, devront se faire à enveloppe budgétaire constante.
Je me félicite de la reconnaissance des majorités qualifiées des communes membres pour entériner ces accords locaux. J’approuve par ailleurs, bien sûr, le nouveau statut accordé aux suppléants, car il permet aux plus petites communes d’avoir une représentation garantie et facilite l’implication des suppléants eux-mêmes.
Je m’interroge toutefois, madame la rapporteur, sur la pertinence de la nomination d’un suppléant pour les communes ayant de un à quatre délégués communautaires. Le fait de désigner un suppléant pour les seules communes ayant un seul délégué me semblait nécessaire et suffisant. Pour les autres communes, l’utilisation des pouvoirs, largement répandue dans les EPCI, a fait ses preuves. Est-il nécessaire de modifier la situation actuelle ?
Au-delà, j’estime que cette proposition de loi est conforme à l’idée que nous devons nous faire du fonctionnement des collectivités en général et de la coopération intercommunale en particulier : souplesse, négociation, responsabilisation et équilibre en sont les maîtres mots. Je sais qu’en l’adoptant nous répondrons à une attente de nos élus locaux.
Aussi, je dirai pour conclure que ce texte confirme la volonté de notre assemblée de poser des bases solides avant d’entrer dans la nouvelle phase de décentralisation dont la France a besoin. Il nous appartient maintenant de concrétiser cette volonté ici même, au Sénat, qui est la chambre des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
I. – (Non modifié) La dernière phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée :
« Le nombre de sièges total ne peut excéder de plus de 25 % le nombre de sièges qui serait attribué en application des II à VI du présent article. »
II. – Après le troisième alinéa de l’article L. 5211-12 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est fait application de la faculté d’augmentation du nombre de sièges prévue au deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1, ces sièges supplémentaires ne sont pas retenus pour la détermination du montant maximal des indemnités versées aux membres de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Collin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
I. - La dernière phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est supprimée.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit, par cet amendement, de rétablir la liberté pour les communes, dès lors qu’il y a majorité qualifiée, de fixer le nombre de délégués. Ayant déjà suffisamment argumenté sur le sujet, je me dispenserai de fournir de plus amples explications.
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Gourault, MM. Zocchetto, Mercier, Détraigne et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le pourcentage :
25 %
par le pourcentage :
20 %
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Nous proposons de limiter à 20 % l'augmentation du nombre de sièges supplémentaires, fixée à 25 % dans le texte actuel. Nous souhaitons ainsi éviter tout risque de voir remis en cause des accords déjà trouvés en prévoyant une ouverture trop large, qui représenterait jusqu’à un quart de plus par rapport à l’existant.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Je tiens tout d’abord à rassurer notre collègue Jean-Claude Lenoir quant au poids de la représentation de la commune-centre au sein d’un EPCI.
Je ne connais pas personnellement la situation décrite dans l’exemple que j’ai évoqué. Celui-ci nous a été rapporté par deux associations d’élus, l’Association des petites villes de France, d'une part, et l’Association des maires de France, d'autre part.
Le fait que la commune-centre voie le nombre de sièges de ses délégués augmenter n’est pas la seule conclusion à tirer de l’application de la proposition de loi. Il faut en réalité prendre également en considération ce cas particulier, mais qui se retrouvera assez souvent, dans lequel l’EPCI comporte des communes appartenant à trois strates de population différentes, avec une proportion très importante de communes de la strate des communes les moins peuplées et une seule commune-centre. En l’occurrence, le texte permettra de corriger la situation actuelle et de rééquilibrer quelque peu le poids de la commune-centre sans pour autant diminuer celui des petites communes, notamment des bourgs de 500 habitants.
J’en viens maintenant aux amendements nos 4 rectifié et 1 rectifié, qui sont contradictoires : alors que M. Collombat prêche la liberté totale, M. Détraigne et ses collègues proposent au contraire restreindre la faculté ouverte par la proposition de loi.
En entendant tout à l'heure M. Collombat parler d’homéopathie, mon sang de vétérinaire n’a fait qu’un tour : quand bien même l’homéopathie n’aurait qu’un effet placebo, elle permet tout de même d’obtenir 30 % de réussites à elle seule, ce qui n’est pas négligeable, alors que l’allopathie sans limitation de dose peut conduire à des effets secondaires extrêmement néfastes ! (Sourires.)
Le choix du taux de 25 % est le bon. La commission m’ayant suivie sur le sujet, je vous propose, mes chers collègues, d’en rester là. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Voilà deux amendements effectivement contradictoires.
Nous avons beaucoup apprécié, je dois le dire, d’entendre tout au long de la discussion générale les différents orateurs en appeler à la raison et de constater la mesure que chacun s’est efforcé d’imprimer dans ce débat.
Le taux de 25 % proposé en vue d’éviter une baisse trop importante du nombre de délégués paraît effectivement un choix judicieux et raisonnable.
Si le Gouvernement est favorable au texte retenu par la commission et demande le rejet de l’amendement n° 4 rectifié, il est néanmoins sensible à l’argumentation soutenue par M. Détraigne, qui voudrait ramener le taux maximal à 20 %, eu égard aux engagements qui auraient déjà pu être pris. C’est un point de vue qui peut se défendre. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 1 rectifié et retiendra un tel taux si votre assemblée en exprime le souhait.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la rapporteur, je ne vous cherchais évidemment pas querelle, mais, à mes yeux, l’exemple que vous aviez choisi conduisait à penser qu’une telle mesure était faite pour permettre à la ville-centre d’avoir plus de représentants.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Sous certaines conditions !
M. Jean-Claude Lenoir. L’explication que vous venez de donner me convient parfaitement. Ceux qui nous liront, et ils seront nombreux, comprendront que la disposition en question favorise une meilleure représentation de l'ensemble des communes.
Je ne voterai pas l’amendement défendu par M. Collombat. Le territoire rural que je représente compte de nombreuses communes et l’habitude a été prise d’avoir au moins deux délégués par commune au sein des communautés de communes. La mise en œuvre des principes énoncés par notre collègue aboutirait à une explosion du nombre de délégués. Il faut tout de même savoir raison garder pour assurer une bonne gouvernance,…
M. Pierre-Yves Collombat. Vous avez soutenu la création du conseiller territorial !
M. Jean-Claude Lenoir. … et cela est vrai ne serait-ce que d’un point de vue pratique, les salles de réunion étant de taille limitée.
En revanche, l’argument portant sur les accords passés pour justifier la baisse du seuil à 20 % me paraît intéressant. Cela étant, me référant au vécu quotidien qui est le mien, je sais combien une telle diminution contrarierait les engagements que j’ai moi-même pu prendre. (Sourires.) Restons-en donc à 25 % !
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Nous avons déjà eu cette discussion au moment de l'examen de la loi initiale. J’attends donc avec gourmandise le moment où nous reviendrons sur ces fameux 25 % !
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. L’amendement n° 1 rectifié, que j’ai cosigné, est de bon sens. Nous ne diminuons en rien la représentation globale actuelle : nous augmentons le nombre de délégués potentiels puisque le taux passerait de 10 % à 20 %. Si nous nous en tenons à la lettre de la proposition de loi de M. Richard, la possibilité existe, sans que ce soit une obligation, je le reconnais tout à fait, de créer tout de même 13 000 postes de délégués supplémentaires. Je comprends que certains puissent souhaiter aller au-delà, voire – pourquoi pas ? – jusqu’à 130 000 !
Cela étant, l’efficacité d’une intercommunalité ne se mesure pas au nombre de délégués. Plus ces derniers seront nombreux, moins il y aura de démocratie, car, très naturellement, c’est le bureau qui, dans ce cas, décidera. Un conseil de communauté pléthorique se réunira moins souvent et enregistrera une moindre participation.
Il est envisageable de porter le taux à 25 %. Néanmoins, à l’heure où des efforts doivent être faits et un travail mené sur le statut des élus, limiter cette hausse à 20 % paraît une bonne mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Comment en suis-je arrivé à ce taux de 25 % ? Tout simplement en arpentant les couloirs de cette maison ! (Sourires.) J’ai en effet questionné mes collègues pour connaître leur perception des situations rencontrées dans les différents départements au regard de ce sujet de la représentation communale.
Bon nombre d’entre eux m’ont dit : il faut relever la limite, mais pas trop haut, sinon les conseils communautaires deviendront pléthoriques et c’est hors de ceux-ci, dans une formation plus restreinte, que seront transférées la responsabilité effective et la délibération.
D’autres m’ont mis en garde : il faut tout de même prévoir une certaine marge d’augmentation, faute de quoi beaucoup trop de communes ne seront représentées que par un seul conseiller.
Nous sommes donc, ici, dans notre rôle de synthèse, qui n’est pas le plus facile.
Si nous nous plaçons du point de vue de la communauté et de son fonctionnement, nous aurons tendance à juger comme largement suffisant le barème qui figure dans la loi de 2010 : chacun étant représenté, ce n’est pas la peine de donner plus de place à la représentation des communes les moins peuplées.
Si nous nous plaçons du côté des communes et de leur droit à la parole au sein de la communauté, la réponse la plus adaptée est la suivante : les communes qui acquièrent une taille moyenne au sein de la communauté devraient avoir deux ou trois délégués au lieu d’un seul ; les plus petites communes ont droit à au moins une deuxième expression pour le cas où leur représentant titulaire serait empêché : cette deuxième expression résulte de la mise en œuvre de la disposition relative aux suppléants.
La question est maintenant de savoir s’il faut fixer le nouveau plafond à 25 % ou à 20 %. Pour ma part, je trouve que l’argument fondé sur le respect des accords déjà passés est fragile. Dans la mesure où ces derniers ont été conclus sur la base du plafond initial posé par la loi de 2010, le fait de fixer la marge d’augmentation, que ce soit à 20 % ou à 25 %, n’a pas d’autre effet que de rouvrir la discussion pour ceux qui le souhaitent.
J’y insiste un peu lourdement, mais je redis que le taux de 25 % est un maximum. Prenons l’exemple d’une communauté qui est arrivée à un conseil de 50 membres : selon le barème « loi de 2010 », les communes, en cas d’accord, auraient la possibilité de passer à 62 membres si le texte reste en l’état, ou à 60 si la proposition du groupe centriste est adoptée ; mais il se peut fort bien que l’accord local se fasse sur 52 : personne n’est obligé d’utiliser le maximum !
Je tiens par ailleurs à revenir sur l’analyse du texte qu’a faite Michel Mercier et qui a été déjà développée par un ou deux orateurs. Le nouveau taux proposé, qu’il s’établisse à 25 % ou 20 %, ne se substituera pas à celui de 10 % prévu par le V de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales ; il s’y ajoutera.
La mise en œuvre du taux de 10 % ne joue que dans le cas où il y a peu de petites communes. Dans l’hypothèse où le nombre de sièges ajoutés dépasse 30 %, parce que l’attribution au quotient à la plus forte moyenne aura conduit un grand nombre de communes à rester au-dessous du seuil d’un siège, ces 10 % sont déjà remis en répartition de manière à assurer un rééquilibrage par rapport au poids des petites communes.
La disposition que nous avons retenue et qui est soutenue par Mme la rapporteur consiste donc à ajouter une capacité d’augmentation de 25 % après application éventuelle de la majoration de 10 %.
M. Michel Mercier. Si le vote était pondéré, l’amendement serait passé ! Le groupe UDI-UC comptant 32 membres, il devrait peser 32 % du total des voix ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. – Après le troisième alinéa de l’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’organe délibérant peut, à la majorité des deux tiers, fixer un nombre de vice-présidents supérieur à celui qui résulte de l’application des deux alinéas précédents, sans toutefois pouvoir dépasser 30 % de son propre effectif ni le nombre de quinze. En ce cas sont applicables les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 5211-12. »
II. – (Non modifié) Après le premier alinéa de l’article L. 5211-12 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’il est fait application du quatrième alinéa de l’article L. 5211-10, le montant total des indemnités pour l’exercice des fonctions des vice-présidents est celui qui résulterait de l’application combinée de l’alinéa précédent et des deuxième et troisième alinéas de l’article L. 5211-10. »
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par Mme Klès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2, dernière phrase
Remplacer le mot :
quatrième
par le mot :
cinquième
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Il s’agit d’une simple correction d’une erreur de référence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Après l'article 2
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’indemnité versée à un vice-président d’une communauté de communes, d’une communauté urbaine ou d’une communauté d’agglomération peut dépasser le maximum prévu par décret en Conseil d’État, à condition que le montant total des indemnités maximales susceptibles d’être allouées au président et aux vice-présidents ne soit pas dépassé. »
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Largement consensuelle, la proposition de loi de notre collègue Alain Richard vise à améliorer, en les assouplissant, les dispositions relatives à l’achèvement de la carte intercommunale.
Cet amendement va dans le même sens et me paraît répondre aux objectifs du texte. Il prévoit en effet d’aligner le régime juridique des communautés de communes sur celui qui existe déjà pour les autres formes d’établissements publics de coopération intercommunale, les communautés d’agglomération et les communautés urbaines en ce qui concerne l’indemnité versée à un vice-président, qui pourra être supérieure au maximum actuellement prévu, à la condition que le montant total des indemnités ne soit pas dépassé.
J’ajoute que la réforme de l’intercommunalité actuellement en cours, qui conduit un grand nombre de communautés de communes à disparaître pour se fondre dans des entités plus importantes, me semble justifier d’autant plus cette initiative. En effet, beaucoup d’actuels présidents de communautés de communes, qui deviennent vice-présidents de la nouvelle et plus large communauté fusionnée, perçoivent aujourd’hui des indemnités nettement inférieures à celles qu’ils recevaient auparavant, alors même que leurs responsabilités sont devenues plus importantes.
Si cet amendement était adopté, je pense que nous ferions, d’une part, œuvre de simplification en instituant un seul régime juridique, d’autre part, œuvre d’encouragement à la continuité de cette réforme de l’intercommunalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement de simplification, qui facilitera en outre la conclusion des accords locaux.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire à notre collègue Yves Détraigne que nous nous sommes interrogés sur les indemnités des conseillers communautaires qui exerceraient une délégation. Si le champ d’investigation ouvert est un peu trop large, vous aurez néanmoins satisfaction dans les textes en préparation ; ce sera une bonne chose.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Cet amendement nous pose problème.
Monsieur le sénateur, je comprends très bien que vous vouliez, dans un souci de parallélisme, créer des situations identiques, qu’il s’agisse des communautés de communes, des communautés urbaines ou des communautés d’agglomération.
Toutefois, il me semble qu’aujourd’hui, au regard de ce que nous connaissons de la situation de nos collectivités, les indemnités versées n’atteignent pas le plafond. Dès lors, le système que vous proposez aurait pour conséquence, de fait, une augmentation du montant de ces indemnités. C’est d’ailleurs tellement vrai que vous proposez de gager votre amendement par une hausse de la taxe sur les tabacs. J’y vois la preuve que vous percevez bien la nécessité de mettre en œuvre une compensation.
Je ne vois pas comment prendre en compte le problème autrement qu’en opposant l’article 40 de la Constitution. La création d’une dépense supplémentaire m’oblige à refuser la disposition que vous proposez.
Tout en comprenant votre préoccupation, monsieur le sénateur, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 2, car il me semble qu’aujourd’hui, dans les faits, nous ne sommes pas dans les conditions que vous avez décrites.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Sans doute mon attention a-t-elle été vacillante à un moment. En effet, il ne m’avait pas frappé, à la lecture du texte de notre collègue Jean-René Lecerf, qu’il avait prévu un gage. Ce gage est manifestement inutile.
M. Jean-Claude Lenoir. Oui !
M. Alain Richard. L’enveloppe disponible des indemnités est aujourd’hui une charge supportée par les collectivités. Personne n’imagine que l’article 40 soit opposable à la décision d’une assemblée délibérante, en début de mandat, de fixer l’enveloppe des indemnités en respectant le plafond légal !
M. Jean-René Lecerf. Évidemment !
M. Alain Richard. Si j’avais été plus attentif ce matin, j’aurais demandé à M. Lecerf de retirer le gage de son amendement, puisque ce gage est en contradiction avec la réalité.
Je propose donc à M. Lecerf de rectifier son amendement et de retirer le gage.
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Il n’y a pas de gage !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. Je veux dissiper une légère confusion.
Cet amendement est la reprise d’une proposition de loi que j’ai déposée récemment dans laquelle, sur les conseils donnés par les services du Sénat, j’avais prévu un gage. Mais, dans l’amendement n° 2 que je viens de défendre, il n’y a pas de gage.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. L’amendement n° 2, déposé par notre collègue Jean-René Lecerf, me semble tout à fait acceptable tel qu’il est présenté. En effet, il précise bien, madame la ministre, « à condition que le montant total des indemnités maximales susceptibles d’être allouées au président et aux vice-présidents ne soit pas dépassé. » On reste donc dans la limite fixée de l’enveloppe globale allouée au président et aux vice-présidents.
Je demande à Mme la ministre de bien vouloir reconsidérer sa position à la lumière des explications qui ont été données par M. Alain Richard.
Mme la présidente. Quel est, dans ces conditions, l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’explication que j’ai donnée tenait au document que j’avais entre les mains, lequel mentionnait un gage. (Exclamations.)
Dès lors que le gage a disparu, je comprends mieux l’avis de la commission et l’argumentation développée par M. Lecerf.
Dans la mesure où l’on reste à enveloppe constante, je ne vois pas de difficulté à accepter la disposition proposée. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Article 3
Au second alinéa de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « chaque commune désigne dans les conditions fixées à l’alinéa précédent un délégué suppléant, qui participe avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence d’un délégué titulaire et dès lors que ce dernier en a avisé le président de l’établissement public. Les convocations aux réunions de l’organe délibérant, ainsi que les documents annexés à cette convocation, sont adressés au délégué suppléant. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Détraigne, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le second alinéa de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les conditions fixées à l’alinéa précédent un délégué suppléant. Lorsqu’une commune dispose de plus d’un délégué, elle désigne dans les mêmes conditions des délégués suppléants dans la limite de la moitié des effectifs des délégués titulaires de la commune et dans la limite des effectifs du conseil municipal. Lorsque l'élection des conseillers municipaux a lieu dans les conditions fixées aux articles L. 260 et suivants du code électoral, les délégués suppléants sont issus de la même liste que les délégués titulaires. Les délégués suppléants participent avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence d’un délégué titulaire et dès lors que ce dernier en a avisé le président de l’établissement public. Les convocations aux réunions de l’organe délibérant, ainsi que les documents annexés à cette convocation, sont adressés aux délégués suppléants. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Cet article 3 est important. Il concerne la suppléance des délégués, sujet important pour les petites communes qui n’ont qu’un délégué titulaire.
Peut-être vous souvenez-vous qu’à l’origine le texte du Gouvernement – devenu la loi du 16 décembre 2010 – ne prévoyait pas de suppléants pour les délégués communautaires. Cette suppléance a été introduite, ici-même, dès la première lecture, à la demande des sénateurs, très attachés à ce dispositif.
L’article 3, tel qu’il nous est proposé, prévoit d’améliorer encore ce dispositif de suppléance pour faire en sorte de l’étendre au-delà des communes qui n’ont qu’un seul délégué : il y aurait un suppléant quel que soit le nombre de délégués. Cependant, un tel dispositif n’est, à l’évidence, ni suffisant, ni satisfaisant, car comment une communauté de communes qui aurait, par exemple, cinq, six ou sept délégués pourrait-elle fonctionner avec un seul suppléant ? On ne saurait jamais si le suppléant a déjà été sollicité par le titulaire.
C’est la raison pour laquelle mon amendement prévoit que, dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune dispose de plus d’un délégué, elle désigne un nombre de suppléants dans la limite de la moitié des effectifs des délégués titulaires de la commune.
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par Mme Klès, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. - Rédiger ainsi le début de cet article :
I. - Au second alinéa de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales tel qu’il résulte de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, après les mots : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « les communes disposant d’un à quatre délégués communautaires désignent dans les conditions fixées… »
B. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - L’article 8 de la loi n° 2012-281 du 29 février 2012 visant à assouplir les règles relatives à la refonte de la carte intercommunale est abrogé.
La parole est à Mme la rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur. Cet amendement, qui revient aussi sur les suppléances, vise à améliorer le dispositif initialement adopté au sein de la commission des lois. Il prévoit de limiter la désignation d’un suppléant aux seules communes disposant de un à quatre délégués communautaires au sein de l’organe délibérant de la communauté de communes ou d’agglomération dont elles sont membres.
Puisque l’objet de la suppléance est d’assurer la permanence de la représentation communale et que, jusqu’à quatre délégués communautaires, il peut être parfois difficile de se remplacer les uns les autres, la désignation d’un délégué suppléant par la commune nous semble une bonne chose.
Au-delà de quatre délégués communautaires, la permanence de la représentation communale peut être effectuée par des délégations de pouvoirs entre délégués de la même commune, voire avec des délégués titulaires d’une autre commune en cas de difficultés, par exemple, des divergences d’opinion politique.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mmes Lipietz et Benbassa, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après les mots :
un délégué suppléant
insérer les mots :
d'un sexe différent du titulaire
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. L’objet de cet amendement est de ramener un peu de parité dans un monde, hélas ! dominé par les hommes (Exclamations.) Ces dispositions ne sont pas dirigées contre ces derniers, mais je regrette que, dans nos collectivités, notamment nos intercommunalités, les femmes soient très peu nombreuses. Il s’agirait d’introduire par la petite porte un peu de féminité dans ce monde, un monde de brutes ou presque ! (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 5 rectifié bis et 6 ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Monsieur Maurey, je redis que, tout au long de la discussion de ce texte, nous avons voulu faire simple, concret et efficace. Et il me semble qu’un seul suppléant pour une commune répond à ce souci. En effet, le suppléant pourra être sollicité pratiquement à chaque réunion de l’assemblée communautaire et sera donc mieux à même de juger des dossiers que plusieurs suppléants, lesquels ne seront sollicités que de temps à autre sur des dossiers qu’ils ne connaîtront pas.
L’amendement n° 12 de la commission me paraît, en toute sincérité, plus satisfaisant que l’amendement n °5 rectifié bis, auquel nous sommes défavorables.
J’en viens à l’amendement n° 6 de Mme Lipietz. Bien qu’étant une femme, je ne pense pas que son amendement améliorera la parité : soit il s’agit de scrutins de liste, avec parité obligatoire, et l’amendement est de toute façon satisfait ; soit on a plusieurs suppléants, peut-être de sexes différents, et je ne sais pas comment on va pouvoir rétablir la parité ; soit il s’agit de toutes petites collectivités dans lesquelles la liste des conseillers municipaux ne respectera pas forcément la parité et il sera donc totalement impossible de se conformer à la loi.
Pour toutes ces raisons, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 6.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 5 rectifié bis, 12 et 6 ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. S’agissant de l’amendement n° 5 rectifié bis, les nouvelles modalités d’élection des délégués communautaires, élection au suffrage universel direct dans le cadre des élections municipales, ont conduit à faire écarter la généralisation des suppléants à toutes les communes. Nous l’avions dit au Sénat, dès l’examen en première lecture.
Compte tenu de ce nouveau mode d’élection des délégués communautaires, il n’est pas possible d’avoir, au sein des conseils communautaires, des suppléants dont la désignation procéderait d’un choix des conseils municipaux et, donc, du suffrage indirect. C’est vraiment la raison pour laquelle il faut repousser cet amendement.
S’agissant de la proposition de Mme la rapporteur, elle est un peu dans la même logique. Néanmoins, on en comprend l’objet et le Gouvernement serait prêt à s’y rallier.
Madame Lipietz, chacun le sait ici, la parité est un enjeu majeur. Même si le Gouvernement admet qu’il est difficile de la mettre en œuvre, il ne veut évidemment pas la retarder. J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis favorable sur l’amendement n° 6.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Il me semble judicieux de rappeler que la proposition de loi dont nous débattons, et qui rencontre un certain assentiment, ne modifie que le code général des collectivités territoriales, et non les articles du code électoral régissant la désignation des élus communaux. S’agissant des suppléants, l’objet de ce texte est simplement d’en définir le nombre, qui peut être limité à un seul, si l’on en croit les nombreux avis qui viennent d’être exprimés.
La façon dont le suppléant sera choisi dépendra de la réforme du code électoral qu’a évoquée Mme la ministre lors de son intervention liminaire. Il est donc prématuré de se prononcer sur la répartition de genre entre suppléant et titulaire. En effet, si la majorité des conseillers communautaires sont élus à l’avenir sur des listes paritaires présentées au suffrage universel, ainsi que le Gouvernement l’annonce et comme bon nombre d’entre nous sommes prêts à le voter, le suppléant sera simplement le premier non élu de la liste. Par définition, le principe de parité s’appliquera donc en fonction du genre du dernier élu.
En revanche, pour le petit nombre de conseillers communautaires émanant du grand nombre de communes de moins de 1 000 habitants, qui resteront élus par les conseils municipaux – si toutefois ce seuil est bien adopté ! –, il est difficile d’instaurer une obligation de parité dans la mesure où le conseil municipal lui-même n’est pas paritaire. Encore une fois, débattre de cet amendement est prématuré.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. J’aurais aimé soutenir l’amendement défendu par Hervé Maurey ; j’ai donc quelques scrupules à prendre la parole pour exprimer mon désaccord, fondé sur une raison simple.
Il nous faut bien convenir que le système des suppléants ne fonctionne pas très bien, même s’ils ne sont pas responsables de cet état de fait. Il est difficile pour un suppléant qui participe occasionnellement à une réunion, et qui est parfois averti au dernier moment qu’il doit remplacer le délégué titulaire, de participer véritablement au débat et de contribuer à l’élaboration d’un document collectif.
C’est la raison pour laquelle, si je considère qu’il est souhaitable de prévoir un suppléant, quel que soit le nombre de délégués titulaires, je préfère que ce soit des membres de l’assemblée, donc des délégués titulaires, qui accordent leur pouvoir à un autre. Cette pratique me paraît plus cohérente dans le cas de grandes assemblées, car elle permet d’assurer le suivi d’une réunion à l’autre entre les différents représentants de la collectivité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, pour explication de vote.
M. Jean-Patrick Courtois. Chacun comprend l’intérêt de prévoir un certain nombre de suppléants : il faut assurer la continuité de la représentation, même s’il est possible de recourir aux procurations. J’étais donc tout à fait favorable à l’instauration de suppléants.
L’amendement n° 5 rectifié bis de Hervé Maurey et Yves Détraigne pose toutefois un problème, dans la mesure où il prévoit la possibilité de désigner une moitié de suppléants par rapport au nombre de titulaires. Par exemple, si je devais appliquer la formule proposée par les auteurs de l’amendement dans mon conseil municipal, la situation serait la suivante : ma commune a 30 délégués à la communauté d’agglomération, alors qu’elle compte 39 conseillers municipaux ; il m’est donc impossible de trouver 45 délégués titulaires et suppléants ! Pour cette raison mathématique, je ne peux voter cet amendement.
L’amendement n° 12 de Mme Klès me paraît en revanche aller dans le bon sens. En effet, dans les plus petites collectivités locales, qui comptent un faible nombre de délégués, la présence de suppléants permettra d’instaurer un débat au sein du conseil municipal, qui comprendra des délégués titulaires et suppléants, tous au fait de la vie communale et intercommunale.
Par ailleurs, comme l’a dit M. Richard, nous ne parlons pas en l’occurrence de désignation, cette proposition de loi ne modifiant que le code général des collectivités territoriales et non le code électoral. Encore une fois, l’amendement de Mme Klès va donc dans le bon sens. Je suis certain qu’un grand nombre de sénatrices et de sénateurs ne manqueront pas de s’y rallier.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. S’agissant du nombre de suppléants, je réitérerai les propos que j’ai tenus lors de la discussion générale.
Je comprends parfaitement que les communes comptant un seul délégué communautaire puissent désigner un suppléant. En revanche, aller au-delà, par exemple jusqu’à quatre, ne me semble pas une mesure de bon sens.
Dans mon intercommunalité siègent 67 conseillers communautaires. L’une des communes représentées compte plus de quatre conseillers communautaires, et toutes les autres moins de quatre. Si l’on autorisait la présence des suppléants lors des réunions d’intercommunalité, comme le prévoit la proposition de loi, il me faudrait accueillir non plus 67, mais 98 personnes. Cela me pose un problème pratique, car je n’ai pas de salle pouvant accueillir un tel nombre de participants, même si les suppléants sont installés aux côtés du public, comme le suggèrent certains de nos collègues.
S’en tenir à un suppléant pour les petites communes qui n’ont qu’un seul délégué me paraît donc une formule obligatoire, nécessaire et suffisante.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Notre discussion prend un tour étonnant : on commence par limiter les possibilités de délégation en privant les collectivités de leur liberté, puis, comme cela pose quelques problèmes, on crée des suppléants ! Cela me rappelle un peu le débat qui avait porté sur le conseiller territorial : s’apercevant que certains départements compteraient très peu de conseillers, le ministre de l’intérieur de l’époque avait dit que ce n’était pas grave et que l’on créerait des suppléants...
La représentation d’une commune par une seule personne est effectivement problématique. Claude Bérit-Débat a raison, la présence d’un suppléant est légitime ; mais ce n’est qu’un pis-aller pour les communes représentées par une seule personne. Pour les autres, que les conseillers communautaires se mobilisent et recourent aux délégations !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Ces observations concernant le nombre de suppléants me surprennent. À l’heure où l’on s’apprête à généraliser l’intercommunalité, certaines communes vont y entrer car la loi le leur impose. Elles tiennent donc tout particulièrement à être représentées par un membre de leur conseil municipal lors de toutes les réunions de cette intercommunalité. Il est important pour elles d’avoir, non pas pléthore, mais deux, trois, voire quatre suppléants, en fonction de leur nombre de délégués titulaires.
Avec un seul suppléant, une commune qui compte quatre représentants, par exemple, prend le risque d’avoir un siège vide et de ne pas être représentée. Pour que l’intercommunalité se mette en place dans les meilleures conditions, il nous faut introduire un peu de souplesse à cet égard.
Je maintiens donc plus que jamais l’amendement que j’ai déposé avec Hervé Maurey.
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. Je m’étais promis de ne pas intervenir dans ce débat, car l’amendement présenté par Mme Klès au nom de la commission me semblait frappé au coin du bon sens. Puis, en y réfléchissant, j’ai souhaité à mon tour citer quelques exemples.
Les choses fonctionnent relativement bien aujourd’hui dans nos EPCI, sans suppléant. Introduire le principe de la suppléance revient à donner au délégué titulaire l’autorisation d’être absent. Or, aujourd’hui, les représentants font preuve d’une grande assiduité. Demeure toutefois le problème des communes qui comptent un seul représentant. Dans ce cas, il serait bon de prévoir la présence d’un suppléant.
Vous ne m’en voudrez pas de donner l’exemple de l’agglomération dijonnaise, à laquelle je tiens particulièrement (Sourires.),…
M. Bruno Sido. Nous le savons !
M. François Rebsamen. … comme je tiens à intervenir dans cet hémicycle (Nouveaux sourires.)...
Dans cette communauté d’agglomération, qui compte 88 représentants, l’une des communes détient la moitié des sièges moins un, ainsi que je l’ai souhaité, tandis que les autres en ont moins de quatre. Avec les suppléants, notre assemblée pourrait compter 125 membres, ce qui ne serait pas gérable administrativement ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.)
Il me semble normal de prévoir un suppléant lorsque la commune est représentée par un seul délégué titulaire, afin de pallier les cas d’absence. À partir de deux délégués, en revanche, il est toujours possible de recourir aux délégations, comme cela se passe aujourd’hui dans toutes les intercommunalités.
J’ai bien noté la volonté de rassemblement sous-jacente dans l’amendement de Mme la rapporteur, mais la logique voudrait que les communes représentées par un titulaire aient un seul suppléant, et que l’on s’en tienne là.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission.
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Après réflexion, je partage le point de vue de MM. Collombat et Rebsamen.
Dans les conseils municipaux, il n’y a pas de suppléant, non plus que dans les conseils généraux ou les conseils régionaux.
M. Bruno Sido. Si !
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Et lorsqu’il y en a, ils ne siègent que dans des conditions très précises, comme c’est le cas pour les parlementaires.
Pourquoi faudrait-il que, dans les intercommunalités, les délégués s’absentent et se fassent remplacer par leurs suppléants ? Je trouve cela totalement déraisonnable. Il faut en rester au texte de la proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Afin de prendre en compte les différents échanges et de maintenir l’esprit de conciliation qui a caractérisé ce débat jusqu’à présent, je sous-amende l’amendement n° 12 de la commission afin de viser les communes disposant d’un seul délégué communautaire.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 13, présenté par M. Richard, et ainsi libellé :
Amendement n° 12, alinéa 2
Remplacer les mots :
à quatre délégués communautaires
par les mots :
seul délégué communautaire
Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Sur le fond, la commission n’y est pas opposée, mais la demande initialement partagée était bien d’élargir ce « droit de suppléance » au-delà des communes n’ayant qu’un délégué communautaire.
Si la proposition de M. Richard fait consensus, je ne la rejetterai pas, mais nous devons être attentifs à la rédaction retenue. Le mieux serait, dans ces conditions, de voter contre tous les amendements et l’article 3, et d’en revenir au texte initial, aux termes duquel seules les communes représentées par un délégué communautaire peuvent désigner un suppléant.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’article 8 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, actuellement en vigueur, dispose : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant [...] ». Ce texte satisfait pleinement la demande qui vient d’être présentée.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Michel Mercier. Cela montre que j’avais raison !
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.
M. Hervé Maurey. Comme l’ont dit Mme la rapporteur et Mme la ministre, la proposition de M. Richard est tout sauf un sous-amendement. Elle vise en effet à revenir à l’état actuel du droit et à supprimer purement et simplement l’article 3. Or, je l’ai dit, cet article me semble aller dans le bon sens : il apporte un peu de souplesse en permettant aux communes représentées par plus d’un délégué de désigner des suppléants.
Il est assez curieux de revivre, avec un peu plus de deux ans de décalage, le débat que nous avons eu ici même sur la création du principe même de la suppléance. Aujourd’hui, tout le monde approuve ce principe, mais je peux vous assurer qu’à l’époque – certains s’en souviennent ! –, certains de nos collègues, notamment les représentants d’agglomération, étaient vent debout contre l’idée de prévoir un ou plusieurs suppléants, y compris pour les communes désignant un seul représentant. C’était le cas du président de l’agglomération de Lyon.
Je suis pour ma part convaincu que les suppléants sont très utiles en cas d’empêchement des délégués titulaires. En l’état actuel de l’intercommunalité, il est vrai en effet que les délégués préfèrent se faire représenter par des membres de la même commune qu’eux plutôt que par des collègues.
Je voudrais à mon tour faire remarquer que certains des arguments qui ont été invoqués ne sont pas nécessairement conformes à la réalité.
Quand M. Rebsamen additionne les suppléants et les titulaires, je suis tenté de lui répondre que son addition n’est pas pertinente : on n’a jamais vu siéger en même temps dans une même assemblée les titulaires et leurs suppléants !
Quand M. Courtois fait remarquer que, dans sa commune, il n’aurait pas la possibilité de désigner autant de titulaires et de suppléants, je le renvoie au dispositif que nous proposons, lequel précise bien, d’abord, que les désignations se font dans la limite des effectifs du conseil municipal – c’est le bon sens même ! –, ensuite, que les suppléants, lorsqu’il s’agit d’un scrutin de liste, sont pris sur la même liste que les titulaires pour éviter, là encore, les problèmes politiques qui pourraient survenir si les suppléants n’étaient pas de même tendance politique que les titulaires.
Enfin, pour répondre à M. Lenoir, qui se disait désolé de ne pas pouvoir soutenir mon amendement, je dirai que je n’ai pas du tout la même expérience que lui s’agissant de l’intérêt des suppléants. Je préside une intercommunalité où il y a autant de suppléants que de titulaires et je n’ai pas du tout le sentiment que cela ne fonctionne pas. Au contraire, comme l’a très bien dit M. Détraigne, c’est aussi le moyen d’associer autant d’élus que possible au fonctionnement de l’intercommunalité.
On sait très bien que, dans les conseils municipaux, notamment dans les petites communes, certains ne sont toujours pas convaincus – à tort, me semble-t-il – de l’intérêt de l’intercommunalité. Or demain, quand des communes seront représentées par un seul délégué, qui, dans la plupart des cas, sera le maire, l’intercommunalité ne sera plus l’affaire que de celui-ci et les autres conseillers municipaux comprendront encore moins qu’aujourd'hui l’intérêt de l’intercommunalité.
La désignation, en nombre non pas disproportionné mais suffisant, de délégués suppléants me paraît donc ne présenter aucun inconvénient. Elle a au contraire pour effet de faire davantage partager le fait de l’intercommunalité tout en donnant l’assurance aux communes d’être représentées quand les délégués titulaires ne peuvent être présents.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois, pour explication de vote.
M. Jean-Patrick Courtois. Nous rajeunissons de quelques mois dans cet hémicycle en retrouvant ce débat sur les suppléants !
À l’origine, je m’en souviens bien puisque j’étais le rapporteur, le suppléant avait été institué pour les communes qui n’avaient qu’un seul délégué,…
MM. Pierre-Yves Collombat et Michel Delebarre. Tout à fait !
M. Jean-Patrick Courtois. … et cela parce qu’il ne nous paraissait pas normal qu’en cas d’absence de son seul délégué une commune se fasse représenter par une autre commune.
M. François Rebsamen. C’est clair !
M. Jean-Patrick Courtois. Il s’agissait, je le rappelle, d’un amendement qui avait été adopté à la quasi-unanimité dans cet hémicycle, y compris par les maires des grandes villes,…
M. Michel Delebarre. Bien sûr !
M. Jean-Patrick Courtois. … qui étaient d’ailleurs peu concernés par le sujet.
On en est venu aujourd'hui à proposer qu’il y ait un peu plus de suppléants, proposition à laquelle je m’étais d’ailleurs rallié en commission.
Mme Klès a eu la gentillesse et l’amabilité de déposer un amendement ouvrant la possibilité de désigner des suppléants aux communes disposant de un à quatre délégués titulaires, mais il est évident à mes yeux que la meilleure formule est qu’il n’y ait un suppléant que lorsqu’il n’y a qu’un titulaire, car il me paraît évident aussi que, dès lors qu’il y a plusieurs délégués titulaires dans un conseil municipal, un délégué peut donner sa procuration à un autre délégué.
Je m’étais rallié à l’idée de Mme Klès sur le fondement de l’hypothèse suivante : dans les petites communes disposant de deux à quatre délégués, le scrutin municipal étant souvent celui du « panachage », il est possible d’envisager que les deux, trois ou quatre délégués ne soient pas nécessairement des élus de la même liste ou de la même tendance et qu’ils puissent être gênés de se donner procuration les uns aux autres.
J’estime cependant toujours que la meilleure des solutions est d’avoir un suppléant pour un titulaire unique et, puisque Mme Klès vient de dire qu’il faut voter contre son amendement pour revenir à la situation antérieure, je me rallie tout à fait à cette position, qui est celle que nous avions adoptée, je le répète, à la quasi-unanimité dans cet hémicycle.
M. François Rebsamen. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission.
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. A été annoncée dans la journée une future loi électorale qui prévoirait des scrutins de liste à la proportionnelle jusqu’à un seuil très bas, 1 000 habitants selon le Gouvernement, quoique d’autres veuillent moins…
M. Gérard César. … d’autres plus !
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Personnellement, je voterai pour moins. Les délégués communautaires seraient « fléchés » sur ces listes à la proportionnelle, ce qui signifie que les citoyens décideront eux-mêmes qui sera délégué communautaire.
Dans ces conditions, je ne vois pas comment et par qui des suppléants pourraient être désignés. Les suivants de liste ? Impossible ! Des suppléants en pointillé ?... Tout cela est complètement antidémocratique. Je crois donc qu’il faut en rester au texte actuel et voir par la suite.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Richard, le sous-amendement n° 13 est-il maintenu ?
M. Alain Richard. Non, je le retire, madame la présidente, puisque, dans la loi du 29 février 2012, qui reprenait d’ailleurs la loi de 2010, nous avons déjà instauré, en précisant les droits du suppléant, le principe « un suppléant pour un délégué unique », principe qui va s’appliquer pour 2014. Le plus simple est de ne pas changer le texte en vigueur et donc de ne pas adopter l’amendement n° 12.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 13 est retiré.
Madame la rapporteur, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 12 est retiré.
La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote sur l’amendement n° 6.
M. Michel Mercier. Je suis assez favorable à la solution finalement dégagée, mais force est tout de même de constater que nous avons de la peine à arriver au but, et cela pour une raison toute simple. Quand un texte relatif aux collectivités locales nous est présenté, on nous dit qu’il ne faut pas toucher au sujet traité, parce qu’un texte, puis un autre, puis encore un autre sont à venir : création des métropoles, nouvel acte de décentralisation, loi électorale…
Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il serait temps que le Gouvernement fasse une déclaration sur ce qu’il compte faire en matière de décentralisation, qu’il nous présente un calendrier et des perspectives un peu plus claires ?
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. La ministre l’a fait !
M. Michel Mercier. Je pense que nous serions d’accord sur beaucoup de choses, au lieu de faire de nouvelles découvertes chaque semaine ! Il y a là un problème de méthode ; je sais, monsieur Michel, que vous êtes d’accord avec moi, mais comme il vous est un peu difficile de le dire, je le dis moi-même ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. J’estime qu’il ne faut pas mettre aux voix cet amendement n° 6 et je m’en explique.
Je raisonne en fonction de la législation actuelle. Figurez-vous, mes chers collègues, que, s’il y a un seul délégué, il y a de fortes chances que ce soit dans une des plus petites communes, car ce sont celles dans lesquelles l’élection à lieu, non pas à la proportionnelle, mais au scrutin uninominal.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas sûr !
M. Claude Domeizel. Il y a donc quelque risque de se trouver confronter à une impossibilité. Si, dans une assemblée, il n’y a que des élus du même sexe, voilà un dispositif qu’il sera impossible d’appliquer. C’est la raison pour laquelle je suggère à Mme Lipietz de retirer son amendement.
Mme la présidente. Madame Lipietz, qu’en est-il de l'amendement n° 6 ?
Mme Hélène Lipietz. J’avoue que je me demande combien de conseils municipaux ne comptent que des hommes…
M. Michel Delebarre. Ça arrive.
Mme Hélène Lipietz. Je veux bien croire qu’il y a quelques communes où l’on a oublié que nous représentions plus de la moitié de l’humanité et, surtout, 52 % des Français…
M. Jean-Claude Lenoir. Ce sont les électeurs qui choisissent !
Mme Hélène Lipietz. La parité est un combat de tous les jours et tout cela prouve encore une fois que le fait de faire de petites lois et de procéder petit morceau par petit morceau empêche d’avoir une vision globale.
Quoi qu’il en soit, puisqu’il existe apparemment au moins un conseil municipal où il n’y a que des hommes, je retire mon amendement, mais en espérant qu’il existe aussi un conseil municipal où il n’y a que des femmes !
Mme Gisèle Printz et M. Claude Dilain. Très bien !
Mme Virginie Klès, rapporteur. Mes chers collègues, l’ensemble de la discussion qui vient d’avoir lieu démontre que nous devons voter contre l’article 3.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 n'est pas adopté.)
Article 4 (nouveau)
Le III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le 4° est ainsi rédigé :
« 4° La suppression des syndicats de communes et des syndicats mixtes ou la modification de leur périmètre quand les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis ; »
2° Le 5° est abrogé – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Longuet et Guené, est ainsi libellé :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La troisième phrase de l'article L. 5216-1 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : « ou la commune la plus peuplée du département, si celle-ci ne se confond pas avec le chef-lieu. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Patriat et Placé.
L'amendement n° 10 est présenté par Mme Troendle, MM. Reichardt et Grignon, Mme Keller, M. Lorrain, Mme Sittler et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, et M. Bockel.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa du II de l'article L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits » sont supprimés.
L’amendement n° 9 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l'amendement n° 10.
M. André Reichardt. L’article 29 de la loi du 16 décembre 2010 prévoit la possibilité de fusion d’une région et des départements qui la composent.
Sur le fondement de cet article, le conseil régional d’Alsace, le conseil général du Haut-Rhin et le conseil général du Bas-Rhin ont manifesté la volonté de s’engager dans une telle démarche et envisagent prochainement une procédure référendaire. Une date a d’ores et déjà était fixée pour ce référendum, qui devrait intervenir le 7 avril prochain.
L’article L. 4124-1 du code des collectivités territoriales prévoit que les collectivités concernées doivent demander à fusionner « par délibérations concordantes de leurs assemblées délibérantes » et qu’ensuite, lors de la consultation des électeurs, le projet de fusion doit recueillir « dans chacun des départements concernés, l’accord de la majorité absolue des suffrages exprimés, correspondant à un nombre de voix au moins égal au quart des électeurs inscrits ».
Notre amendement vise à supprimer l’exigence d’un taux de participation minimum dans tous les cas où est ainsi en jeu la création d’une nouvelle collectivité issue de la fusion d’une région et d’un ou plusieurs départements. Trois raisons au moins nous ont conduits à le déposer.
Première raison, vous vous en souvenez, des référendums se sont déroulés en Corse, en 2003, ainsi qu’en Martinique et en Guyane, en 2009, et ces référendums n’étaient assortis d’aucune disposition relative à un taux de participation des électeurs. Nous pensons qu’il serait bon qu’il y ait à cet égard une harmonisation des modalités de la procédure référendaire. Juste à titre d’exemple, je rappellerai qu’en Martinique le taux de participation a été de 24 %. Nous souhaitons donc nous exonérer du seuil de 25 %.
Deuxième raison, s’agissant d’un référendum, il nous paraît évident que c’est l’opinion de ceux qui votent qui doit compter. Fixer un seuil de participation revient en fait à faire dire à des électeurs qui ne votent pas qu’ils s’opposent au processus. En fait, que ceux qui veulent s’opposer le fassent savoir clairement, ce qui est simple : il suffit de voter « non » au référendum. C’est la deuxième raison qui nous amène à considérer que le seuil de 25 % est bloquant, voire inutile.
Troisième raison, qui n’est pas la moindre, le projet alsacien peut avoir, veut avoir valeur d’exemple. À cet égard, on ne peut pas à la fois tenir un discours décentralisateur et garder des opinions dogmatiques sur l’un ou l’autre des points concernés. À notre avis, il faut faciliter le processus et non pas le compliquer. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons que, à l’inverse de la position arrêtée ce matin par la commission des lois, le Sénat dans sa sagesse vote cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. Si le débat a été largement nourri en commission ce matin, c’est que le sujet est d’importance. Néanmoins, l’objet de cet amendement nous a semblé bien trop éloigné de celui de la proposition de loi dont nous discutons : il vise les fusions de départements alors que nous débattons de la représentation communale au sein des EPCI.
M. Bruno Sido. C’est un cavalier !
Mme Virginie Klès, rapporteur. De plus, comme tous ceux que nous votons dans cet hémicycle, ce texte aura une portée nationale. Il n’est donc pas légitime de s’appuyer uniquement sur un exemple local, fût-il exemplaire en tout point, avant de faire disparaître, sans concertation ni discussion préalables, la notion de seuil dans les référendums locaux.
On ne peut émettre un avis favorable sur un amendement dont l’objet s’éloigne autant de la proposition de loi initiale et dont les conséquences éventuelles n’ont pu être suffisamment évaluées.
Nous suggérons donc à ses auteurs de déposer plutôt une proposition de loi, avant le 7 avril si nécessaire, de façon que nous puissions examiner en profondeur l’ensemble des aspects et des effets d’une telle mesure.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Il s’agit d’un amendement dont le Gouvernement mesure l’intérêt : les débats dont il fait l’objet montrent qu’il s’agit d’un problème sur lequel il nous faudra, demain, travailler.
Je voudrais revenir sur ce qui a été dit à propos de cette proposition de loi lors de la discussion générale : ce texte est effectivement restreint et mesuré ; il porte sur un objet précis auquel le Gouvernement souhaite que l’on se tienne. De plus, monsieur Mercier, je vous rappelle que nous sommes dans le cadre d’une proposition de loi et non d’un projet de loi. Le Gouvernement n’est donc pas responsable de ce qui se passe aujourd’hui. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. Il va falloir retourner à vos cours de droit, monsieur Mercier ! (Sourires.)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Cet amendement mérite un véritable examen de fond. Le Gouvernement demande donc son retrait en attendant de le voir porté par un véhicule législatif plus approprié.
M. Michel Delebarre. Tout à fait !
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Permettez-moi également d’apporter une réponse aux observations concernant le calendrier et le fait que nous serions face à un ensemble de textes se surajoutant les uns aux autres.
Nous souhaitons dialoguer, entendre, écouter et mettre en œuvre un dispositif global et cohérent. Nous tiendrons cet objectif ainsi que notre calendrier. C’est déjà le cas à travers les débats tenus aujourd’hui et les consultations engagées auprès des différentes associations. D’ici à la fin de l’année, nous continuerons à entendre les uns et les autres et à dialoguer, afin d’être en mesure de présenter au printemps prochain un projet de loi dont chacun connaîtra la teneur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. C’est ça le changement ! Nous ne sommes plus dans la communication de cabinet !
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Cette proposition de loi est consensuelle et urgente, car ses dispositions s’appliqueront dès janvier 2013. Ce texte ne doit donc pas être encombré par des amendements relevant d’autres sujets. La loi de 2010 avait retenu un seuil de suffrages exprimés au moins égal à 25 % des électeurs inscrits alors que le sujet de la fusion alsacienne était déjà en discussion.
La question est assez délicate, puisqu’il s’agit de supprimer les deux départements concernés, et demande beaucoup d’efforts et de compréhension. Un référendum est prévu en avril 2013 en Alsace, afin que nos concitoyens soient amenés à se prononcer sur un projet qui va bouleverser le fonctionnement de leurs institutions locales, les deux départements et la région, et instaurer le conseil unique d’Alsace. Ce taux de participation de 25 % est nécessaire pour asseoir la légitimité du nouveau dispositif. Si un nouveau seuil devait être voté, il faudrait un nouveau texte.
Monsieur Reichardt, vous exprimez par cet amendement votre crainte que la fusion échoue avec un seuil de suffrages exprimés de 25 %. Vouloir supprimer l’exigence d’un taux de participation minimum prouve que votre communication envers les Alsaciens n’est pas crédible et que vous doutez. Vous cherchez, vous et vos amis, à faire passer en force le conseil unique d’Alsace par tous les moyens. C’est pourquoi je ne peux voter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.
M. Roland Ries. Sur le fond, cette perspective d’expérimentation du conseil unique d’Alsace ne me pose pas de problème. J’y suis même plutôt favorable.
Je voudrais cependant formuler trois objections majeures sur les amendements qui ont été déposés.
Tout d’abord, comment peut-on songer à modifier les règles du jeu en cours de partie ? Nous sommes à six mois de ce référendum. Devant une telle échéance, il faut soit se fonder sur les textes de loi existants, sans les modifier, dans la perspective de ce référendum, soit attendre de nouvelles dispositions législatives, par exemple après l’acte III de la décentralisation. C’est alors seulement que l’on pourra décider du maintien ou non d’un seuil de participation. L’idée même d’une modification de la règle du jeu alors qu’une échéance se profile me paraît juridiquement hétérodoxe et politiquement très contestable.
Ensuite, la suppression pure et simple de ce seuil reviendrait, en raisonnant par l’absurde, à valider un référendum malgré une participation extrêmement faible, alors que le principe même du seuil est de faire en sorte qu’il y ait un minimum de voix favorables parmi les concitoyens concernés. Je m’étonne que l’on veuille aujourd’hui supprimer une règle qui a été votée à l’époque où M. Richert était ministre chargé des collectivités locales. Ce n’est pas acceptable.
Enfin, nous sommes à l’évidence devant un cavalier législatif. Quel rapport y a-t-il entre l’objet de cet amendement et le texte proposé par Alain Richard, qui porte sur la représentation communale dans les communautés de communes et d’agglomération ? Ils sont aux antipodes l’un de l’autre.
C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement, et je souhaite que mes collègues fassent de même. Je ne suis opposé ni au référendum en Alsace ni au principe du conseil unique, mais je suis totalement contre cette procédure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote.
Mme Hélène Lipietz. La parité en Alsace n’est pas le sujet de cet amendement ! (Sourires.) Les sénateurs de mon groupe y sont cependant favorables, car il prévoit la suppression du taux de participation minimal des électeurs et des électrices – voilà la parité – pour valider le résultat d’un référendum sur la fusion d’un département ou d’une région.
Alors que les électeurs et les électrices boudent les urnes, nous faisons, nous, écologistes, le pari qu’ils se déplaceront d’autant plus qu’ils sauront que leur voix comptera même si elle est la première. Il sera extrêmement motivant pour eux de se dire que, s’ils ne vont pas voter, leur avis ne sera pas pris en compte. Si nous maintenons un plancher, il leur faudra espérer que plus de 25 % des inscrits aillent voter pour que leur voix commence à prendre de la valeur. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Patrick Courtois. Pas sûr !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est tiré par les cheveux !
M. Michel Delebarre. Quel étrange argument !
Mme Hélène Lipietz. Cette proposition revient à dire que toutes les voix comptent, celles de huit heures du matin comme celles de l’heure de clôture du scrutin. Certains font confiance à la sagesse des territoires, les écologistes, eux, font confiance à la sagesse des citoyens et des citoyennes.
M. François Rebsamen. Nous aussi !
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Il est logique que plusieurs sénateurs d’Alsace interviennent, car si ce texte concerne l’ensemble du territoire français, une démarche est en cours dans cette région. Sur l’initiative de son président, Philippe Richert, un processus de fusion de départements – et non de suppression, madame Schillinger – et de construction d’une nouvelle entité a été initié en Alsace. Je me suis d’ailleurs laissé dire par l’un ou l’autre de nos collègues que cette démarche pourrait être suivie et revêtir ainsi un caractère d’exemplarité.
M. Richert nous a souvent réunis pour nous présenter les cas où un tel processus avait déjà été mis en œuvre : Corse, Martinique, Guyane… (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas le même cas !
M. Jean-Pierre Michel. Cela n’a rien à voir ! Apprenez le droit !
Mme Fabienne Keller. La question qui nous est posée ici est celle de savoir s’il faut ou non appliquer les mêmes règles en Alsace que dans ces territoires ayant décidé de modifier leur organisation institutionnelle.
M. Jean-Pierre Michel. Supprimez déjà le concordat !
Mme Fabienne Keller. Notre débat masque en fait très mal des oppositions réelles, des volontés de bloquer ce qui peut être un beau projet pour l’Alsace.
Mme Catherine Troendle. Absolument !
Mme Fabienne Keller. Il me semble que, cet après-midi, les masques tombent. On a bien vu qui était contre le conseil d’Alsace, et qui souhaitait poursuivre cette démarche.
Vous me pardonnerez l’exercice d’arithmétique auquel je vais me livrer : pour les élections cantonales, environ 30 % des citadins se déplacent. Une cantonale partielle dans le Bas-Rhin a récemment connu un taux de participation de 34 % des inscrits. Si l’on prend un taux moyen de participation de 40 % et un taux de votes favorables de 60 %, on arrive à un seuil de 24 % et, dans une telle hypothèse, le projet serait rejeté !
Nous vous proposons d’éviter qu’un tel cas de figure se produise. J’avais cru comprendre que ce véhicule législatif était recommandé par la ministre en charge des collectivités pour aller de l’avant. L’application concrète est toujours plus compliquée que la théorie ; en tout cas, il y a là une belle démarche permettant de faire avancer les choses et, chers collègues, je vous demande de la rendre possible dans un souci de parallélisme entre l’ensemble des territoires faisant preuve de volontarisme pour changer leurs institutions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je soutiens la position exprimée par Mme Schillinger et M. Ries.
Tout d’abord, nous sommes face à un cavalier qui s’éloigne tout à fait de l’objet de cette proposition de loi, et il n’est jamais bon de laisser s’introduire ce type de dispositions.
Ensuite, on nous dit que cette expérimentation alsacienne est une décision de première importance. Elle prétend à une certaine exemplarité et pourrait être suivie sur d’autres territoires. S’agissant d’une telle décision, pas seulement pour l’Alsace, mais pour l’ensemble de notre territoire national, je m’étonne que des parlementaires puissent considérer que le seuil de participation de 25 % est trop élevé.
Mme Fabienne Keller. Non !
M. André Reichardt. Ce n’est pas le taux de participation !
Mme Catherine Tasca. Il faut savoir ce que nous voulons. Nous déplorons tous la baisse de la participation de nos concitoyens aux élections. Celle-ci est alarmante, en effet, et il faut absolument les convaincre de participer. C’est le travail des politiques, mes chers collègues !
Le seuil de participation de 25 % me paraît plutôt modeste.
Mme Fabienne Keller. Non, il ne s’agit pas d’un seuil de participation !
Mme Catherine Tasca. En tout cas, il me semble raisonnable. N’enclenchons pas un mouvement qui reviendrait, demain, à valider des décisions qui seraient adoptées par 20 %, 15 % et, pourquoi pas, 10 % des votants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Troendle. Des inscrits !
Mme la présidente. La parole est à M. François Rebsamen, pour explication de vote.
M. François Rebsamen. J’ai entendu les demandes et examiné avec attention cet amendement.
Vous citez la démocratie représentative, madame Keller. Celle-ci a ses règles. Mais la démocratie participative, puisque c’est à elle que vous faites allusion dans le cadre d’un futur référendum, doit aussi obéir à des règles. Jusqu’à présent, ces dernières ont été fixées par une loi, adoptée sous la précédente majorité, qui exigeait une participation minimale du quart des inscrits.
M. André Reichardt. Parmi les votes favorables !
M. François Rebsamen. Certes. Mais cette règle, reprise à l’époque par notre ancien collègue Philippe Richert quand il était ministre, s’impose. Mme Troendle sait combien l’Alsace est chère à mon cœur, mais permettez-moi de dire à cet égard que la position qui est défendue à cet instant, même si elle n’est pas choquante, est purement opportuniste et circonstancielle.
Ce problème mérite autre chose que ce type d’amendement déposé au détour d’un texte, consensuel, censé tous nous rassembler. On ne peut pas modifier de cette manière une loi qui fixe des règles à la démocratie participative.
Notre collègue Michel Delebarre pourrait vous le dire, lui qui a déjà expérimenté cette disposition à ses dépens. Il serait donc particulièrement surprenant que l’on puisse ainsi faire voter un amendement sans rapport avec l’objet de la proposition de loi consensuelle qui nous occupe. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. « Les masques tombent », vient de nous dire Mme Keller. Mais les masques de qui ?
Mme Fabienne Keller. Les vôtres !
M. Pierre-Yves Collombat. En effet, qui a imaginé le dispositif dont on propose aujourd’hui la modification ? Ceux-là mêmes qui veulent le changer ! Et pourquoi veulent-ils le changer ?
M. André Reichardt. Parce que la disposition n’est jamais appliquée !
M. Pierre-Yves Collombat. Tout simplement parce qu’ils constatent que leur projet extraordinaire, qui doit changer l’Alsace avant de s’étendre, de proche en proche, à la France entière, n’intéresse pas grand monde. En tout cas, c’est ce qu’ils craignent.
Soyons sérieux ! Si vraiment cette disposition paraît nécessaire aux Alsaciens, ils se déplaceront, et vous l’obtiendrez, votre taux plancher de participation ! Franchement, ce débat est étrange. De surcroît, c’est votre majorité qui a créé ce dispositif ! On peut dire que les masques tombent, mais encore faudrait-il se demander de qui ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Je crains d’échouer près du but. Dans cinquante-cinq minutes, vous serez contrainte de suspendre nos débats, madame la présidente.
Nous nous sommes mis d’accord sur quatre articles dont nous connaissons tous la nécessité. Il faut que ces articles entrent en vigueur au 1er janvier 2013. Nous sommes le 20 novembre, et nous aurons besoin de toute l’aide du Gouvernement pour trouver un créneau de débat pour cette proposition à l’Assemblée nationale d’ici à la suspension de Noël.
Le moment que nous venons de vivre illustre parfaitement le risque que l’on prend lorsqu’on soumet une proposition de loi sur un sujet déterminé. Celle-ci peut ensuite servir d’aimant aux propositions les plus variées, avec comme résultat que le texte principal n’est pas adopté et que son objet initial est oublié.
Je n’ai aucune raison de porter un jugement de valeur, a fortiori accompagné de suspicions réciproques, sur l’objectif poursuivi par certains de nos collègues. Mais si nous poursuivons le débat tel qu’il s’est engagé, non seulement nous ne trouverons pas d’accord sur la question de la réforme des modalités de référendum, mais nous n’adopterons pas non plus les dispositions portant sur la représentation communale dans les intercommunalités.
Il me semble qu’il nous faut rapidement choisir nos priorités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. J’ai bien entendu les observations de Mme la ministre, qui souhaite que nous retirions cet amendement.
Madame la ministre, je dois tout d’abord vous dire que je regrette vivement votre position, d’autant que j’avais cru comprendre que le Gouvernement était favorable à cet amendement, et qu’il nous avait même conseillé ce véhicule législatif, le seul qui existât jusqu’à la date d’échéance de ce référendum.
Mme Catherine Troendle. Mme Lebranchu en personne !
M. André Reichardt. Je constate d’ailleurs, mes chers collègues, qu’un amendement identique a été présenté par un éminent membre du parti socialiste, et par un non moins éminent membre du groupe écologiste, ce qui accrédite quelque peu l’idée que le Gouvernement pouvait y être favorable.
En réalité, par cet amendement, il s’agissait non pas de créer une fusion au rabais, comme je l’ai entendu dire, mais de rendre simplement possible cette fusion. Ce matin, on a reproché à notre proposition de vouloir supprimer tout seuil de participation, arguant que cela était inacceptable.
Très franchement, nous aurions volontiers accepté un sous-amendement réduisant ce seuil dans des proportions acceptables. Je ne vais pas répéter les arguments de Mme Keller. J’insiste simplement sur le fait que, avec une participation, monsieur Collombat, non pas de 25 %, mais de 40 %, ce qui est fréquent dans des élections, …
M. Pierre-Yves Collombat. C’est très important !
M. André Reichardt. … et un vote favorable à hauteur de 60 %, le seuil de 25 % n’est pas atteint et le projet, qui se veut exemplaire d’une décentralisation avancée, est bloqué.
Pour autant, nous sommes attachés à la réussite de cette proposition de loi, et nous savons que cette réussite est conditionnée à l’accord du plus grand nombre. Je passe en revue mes collègues socialistes et alsaciens dans cette salle : il est clair que nous avons besoin de l’accord de la majorité politique actuelle. Vous ne m’empêcherez pas de regretter vivement les atermoiements politiques qui ont pu avoir lieu sur ce dossier, particulièrement au niveau local, alors même que, pour faire évoluer un tel projet, il faut une dynamique constante.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, pour ne pas nuire à notre projet, mais aussi pour répondre favorablement à la demande de l’auteur de cette proposition de loi, qui a raison de nous rappeler à l’ordre, nous retirons volontiers notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
J’insiste bien sur le fait que nous le faisons pour vous faire plaisir, monsieur Richard !
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Bernard Fournier, pour explication de vote.
M. Bernard Fournier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Alain Richard m’apparaît équilibrée, réaliste et surtout très pragmatique. Il a cherché avec précision à gommer les effets négatifs introduits par la loi du 16 décembre 2010, en ce qui concerne la représentation des communes au sein des conseils délibérants et des bureaux des communautés de communes et d’agglomérations.
De nombreuses petites communes, souvent rurales, et des élus de tous bords politiques s’inquiètent sérieusement de la représentation de leur commune au sein du conseil communautaire.
Le contexte actuel, mêlant l’achèvement de la carte de l’intercommunalité au 1er juin 2013 à la proximité des élections municipales, provoque beaucoup d’interrogations parmi les élus locaux. Toutes ces réformes, aboutissant à la fusion de centaines d’EPCI, et appliquées sans aucune modification des textes, risquaient d’abaisser le nombre de conseillers communautaires et de vice-présidents. Il fallait donc trouver des solutions pour rassurer les élus et pour améliorer le fonctionnement des EPCI sans que nos concitoyens nous accusent de créer des structures pléthoriques avec des coûts de fonctionnement exponentiels.
Ce texte est donc un bon compromis, comme vous l’avez indiqué plusieurs fois, monsieur Richard, « pour introduire une meilleure transition entre les modes de représentation actuellement pratiqués et celui qui est envisagé à l’avenir ».
L’article 1er va permettre une augmentation, dans la limite de 25 %, au lieu de 10 %, du nombre de conseillers communautaires dans le cas où les communes s’entendent pour fixer leur représentation tout en limitant le budget consacré aux indemnités des représentants.
L’article 2 nous donnera la possibilité d’augmenter le nombre de vice-présidents à la majorité des deux tiers du conseil communautaire. Là encore, je ne peux que souscrire à cette proposition équilibrée, qui a été très bien encadrée par les membres de la commission des lois, puisque leur nombre ne pourra pas dépasser 30 % de l’effectif du conseil communautaire, ni le nombre de quinze. Cela permettra de mieux attribuer les délégations des vice-présidents et de mieux définir leurs champs d’intervention, dont les découpages successifs de ces dernières années altèrent la cohérence.
Avant de terminer mon intervention, je voudrais faire une remarque plus générale.
En tant que représentants des collectivités territoriales, nous devons toujours garder à l’esprit, dans toutes les lois que nous votons, que nous représentons une population et des élus, bien évidemment, mais aussi un territoire.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bernard Fournier. Il est essentiel, à mon avis, de garder un juste équilibre entre les deux, de ne pas déséquilibrer l’un au profit de l’autre. Les élus des petites communes, je le vois tous les jours dans mon département, ont fait beaucoup d’efforts ces dernières années. Nous arrivons, sur certains sujets, au bout de ce que nous pouvons leur demander si nous ne voulons pas qu’il y ait un découragement général parmi eux et une crise des vocations. À l’intérieur de grandes structures, ils n’accepteront pas d’être relégués sur de simples strapontins en fond de salle, sans avoir voix au chapitre, sans que leur parole compte, parce que quelques grandes communes se seront mises d’accord entre elles.
Mes chers collègues, si je vote cette proposition de loi aujourd’hui, c’est parce qu’elle a le mérite de résoudre des problèmes concrets, rapidement, et qu’elle reste équilibrée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, sur quelques travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je dirai quelques mots pour vous indiquer que les sénateurs du groupe UDI-UC voteront cette proposition de loi, qui va dans le bon sens, dans la mesure où elle apporte de la souplesse au fonctionnement des intercommunalités et à la loi du 16 décembre 2010.
Il n’y a rien de péjoratif à souligner que c’est un texte dont l’ambition est modeste – M. Richard l’a indiqué lui-même –, mais qui apporte cette souplesse nécessaire sur la fixation de l’effectif des conseils communautaires et sur le nombre de délégués dévolus à chaque commune.
Dès la première lecture du texte qui est devenu la loi du 16 décembre 2010, le Sénat avait permis des avancées en autorisant les accords locaux, impossibles dans le projet de loi initial. Ce texte va plus loin, en offrant la possibilité d’augmenter les effectifs de 25 %. C’est important pour les petites communes dont beaucoup s’inquiètent de ne disposer que d’un seul délégué.
Cette proposition de loi assouplit également le dispositif quant au nombre de vice-présidents dont les intercommunalités pourront se doter. La loi du 16 décembre 2010 était en effet un peu restrictive. Pour les intercommunalités qui jouissent d’un certain nombre de compétences, il s’agit d’un pas essentiel. On ne fait jamais attention au nombre de compétences quand on évoque les vice-présidents, mais, objectivement, plus il y a de compétences, plus le nombre de vice-présidents doit être important. La souplesse arithmétique introduite ici permettra donc d’en tenir compte.
Ce texte est raisonnable, puisque tous ces assouplissements pourront être mis en œuvre dans le cadre d’un budget constant en termes d’indemnisation des élus, et notamment des vice-présidents. Je crois que nous avons donc trouvé un bon équilibre en offrant de nouvelles possibilités aux intercommunalités et aux communes sans pour autant grever leur budget.
Je garderai de ces débats un petit regret sur la question de la suppléance. Nous avons même reculé par rapport la proposition de loi puisque l’on revient finalement au dispositif en vigueur. Cela ne retire cependant rien à l’appréciation que j’ai porté sur ce texte, qui nous paraît utile pour les communes et qu’à ce titre nous voterons bien volontiers.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, compte tenu de la recommandation de notre collègue Alain Richard, je porte un regard serein sur la pendule mais attentif sur le sablier ! (Sourires.)
Je serai bref en confirmant que le groupe UMP votera cette proposition de loi. Je suis très heureux, avec mon groupe, de faire ainsi une partie du chemin avec M. Richard. Nos deux noms peuvent d’ailleurs s’accorder très facilement (M. Alain Richard sourit.)
Nous ne pouvons qu’approuver les avancées qui sont permises aujourd'hui par cette proposition de loi ! Mais je saisis cette occasion pour m’adresser au Gouvernement.
Tout d’abord, je voudrais remercier Mme la ministre de la courtoisie avec laquelle elle a participé à nos débats et des réponses qu’elle a apportées. Nous avons construit par notre travail commun une ambiance sympathique, un peu familiale. Mais après un repas qui a réuni de nombreux convives, villageois, parents, amis, quand les vapeurs de la table se dissipent, on reprend un peu pied dans la réalité !
Je formulerai donc deux observations à Mme la ministre.
Je vous confirme, d’abord, que nous avons besoin de lisibilité. Nous souhaitons savoir ce que le Gouvernement envisage d’entreprendre dans les mois qui viennent concernant les collectivités locales. Un certain nombre de pierres ont été apportées, mais on ne sait pas exactement quel type d’édifice va être construit.
Tout à l’heure, madame la ministre, vous nous avez dit que le Gouvernement allait modifier les conditions dans lesquelles sont désignés les délégués communautaires. Voilà encore un texte qui s’annonce ! Nous aimerions avoir une appréciation d’ensemble, car chaque morceau du puzzle pris séparément ne nous permet pas de savoir quel sera le paysage qui apparaitra une fois les pièces réunies. Je souhaite donc, madame la ministre, que le Gouvernement puisse rapidement s’exprimer sur ce point.
Ensuite, je ne peux pas cacher plus longtemps que les élus attachés à l’intercommunalité vont incontestablement apprécier les modifications qui ont été apportées par ce texte. Mais aujourd'hui, à quoi songent-ils le soir, quand ils essaient de dormir ? Aux ressources des communautés de communes !
M. Claude Bérit-Débat. Et à la taxe professionnelle !
M. Jean-Claude Lenoir. Ils pensent aux déclarations du ministre du budget annonçant de manière très claire une diminution des dotations. Les préfets, qui sont les porte-voix du Gouvernement, mettent en garde les collectivités contre ces prochaines diminutions de leurs ressources.
On ne peut pas parler d’intercommunalité sans dire que, si ces sombres menaces étaient vérifiées, 2013 serait la première année durant laquelle la dotation globale de fonctionnement par habitant diminuerait. C’est exactement ce qui est en train de se préparer.
Je le dis clairement ici, nous sommes évidemment favorables à des améliorations apportées aux textes qui régissent le fonctionnement des communautés de communes. Pour autant, et je me tourne vers nos collègues de la majorité, ne vous faites pas d’illusion ! Dans quelques jours, quand nous parlerons des ressources des communes et des communautés de communes, nous serons combatifs !
M. Claude Bérit-Débat. Nous vous rappellerons la taxe professionnelle !
M. Jean-Claude Lenoir. Préparez vos arguments ! Nous allons surtout vous rappeler que jamais la dotation globale de fonctionnement par habitant n’a baissé ! Allez-vous porter atteinte à ce pilier des recettes des communautés de communes ? Nous le saurons dans peu de temps, et j’attends avec une certaine gourmandise de connaître votre position ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Le groupe du RDSE, unanime – j’espère que vous appréciez (Sourires.) –, votera ce texte malgré les réserves que j’ai fait valoir.
Nous avons discuté d’arrache-pied : certains pourraient penser que nous avons coupé les cheveux en quatre, mais des questions aussi précises que le nombre de délégués méritent un examen approfondi. Nous nous sommes attardés sur le texte proposé, nous sommes revenus, sur certains points, au texte en vigueur, et nous avons finalement trouvé la meilleure solution possible. Les maires réunis pour leur congrès auront assisté à une belle démonstration et saurons avec quel sérieux nous, représentants des collectivités, essayons de travailler.
Monsieur Lenoir, ce sera peut-être la première fois que la DGF baissera, mais ceux qui ont voté le traité européen ne peuvent s’en plaindre.
M. Jean-Claude Lenoir. Ça n’a aucun rapport !
M. Pierre-Yves Collombat. Bien sûr que si ! Vous ne pouvez pas à la fois dire qu’il faut se serrer la ceinture pour rétablir les finances publiques et vous plaindre de ne pas pouvoir disposer de tout l’argent que vous souhaitez ! J’ai au moins cette cohérence, je n’ai pas voté le traité européen, je serai donc mieux placé que vous pour protester sur cette question !
M. Roland Courteau. Il a raison, il faut être cohérent !
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut savoir ce que l’on veut : on ne peut pas avoir l’austérité, les finances publiques sous contrainte et demander des augmentations de budget. Mon cher collègue, nous aurons des débats extrêmement intéressants à cet égard !
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission modifié.
(La proposition de loi est adoptée.)
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 21 novembre 2012 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
1. Suite de la proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement (n° 747, 2011-2012) ;
Rapport de M. Ronan Kerdraon, fait au nom de commission du développement durable (n° 24, 2012-2013) ;
Avis de Mme Aline Archimbaud, fait au nom de commission des affaires sociales (n° 32, 2011-2012).
De dix-huit heures trente à dix-neuf heures trente et de vingt et une heures trente à minuit trente :
2. Proposition de loi relative aux écoles de production (n° 120, 2011-2012) ;
Rapport de Mme Françoise Laborde, fait au nom de commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 128, 2012-2013) ;
Résultat des travaux de la commission (n° 129, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART