Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, sur l'article.

M. Serge Dassault. J’évoquerai des problèmes auxquels tous les maires, quelle que soit leur appartenance politique, sont confrontés.

Il s’agit, d’abord, des garanties d’emprunt. C’est une aberration financière : toutes les communes sont obligées de signer une garantie d’emprunt avec la Caisse des dépôts et consignations, alors qu’elles ne disposent pas des fonds leur permettant d’honorer cette garantie. Elles doivent prendre, par délibération du conseil municipal, l’engagement de payer la Caisse des dépôts et consignations à la première demande, sans discussion, si un bailleur social est défaillant. Et, alors qu’elles garantissent 100 % des emprunts des bailleurs sociaux, elles ne peuvent décider de l’attribution que de 20 % des logements.

Cette obligation devrait être considérée comme inconstitutionnelle. Il faudrait interdire de demander des garanties d’emprunts à ceux qui n’ont pas les moyens de les honorer !

On contraint les communes à prendre ces garanties sous prétexte qu’on n’a jamais vu un bailleur social faire faillite. Une telle exigence est tout simplement léonine. Tout cela a été organisé pour permettre aux bailleurs d’économiser 2 % de l’investissement, alors qu’ils pourraient très bien se garantir auprès d’une compagnie d’assurance.

Par ailleurs, il est anormal que les communes ne disposent que de 20 % des logements sociaux construits sur leur territoire, alors que nombre de leurs administrés sont mal logés. Ils ne comprennent pas pourquoi ces logements sont affectés à d’autres personnes, au lieu de leur être attribués.

C’est pourquoi je suggère de porter un jour le contingent des maires de 20 % à 50 % d’attribuer 30 % au « 1 % logement » et 20 % au préfet. Les maires pourront ainsi disposer de davantage de logements pour leurs administrés.

Les préfets installent dans des logements neufs disponibles dans les communes des familles dont le comportement n’est pas toujours irréprochable, ce qui peut compromettre la bonne réputation et la sûreté des quartiers réhabilités. De surcroît, ils le font sans solliciter l’avis des maires, lesquels sont pourtant responsables de la sécurité de leur ville.

Qui plus est, les maires sont confrontés, du fait de ces opérations de construction de logements neufs, à une augmentation du nombre d’enfants scolarisés, alors qu’ils n’ont pas les moyens d’agrandir les écoles ou d’en construire de nouvelles. Dans ces conditions, le conseil régional et le conseil général devraient attribuer des subventions aux communes confrontées à ces difficultés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Pour les communes qui font partie d’une communauté de communes ou d’agglomération, il serait normal que le quota des 25 % de logements sociaux soit comptabilisé à ce niveau, et non plus commune par commune. En effet, dans une agglomération, certaines communes peuvent très bien avoir plus de 25 % de logements sociaux : ce surplus pourrait être pris en compte pour celles qui en ont moins. Cela résoudrait le problème des petites communes qui n’ont pas les moyens d’acquérir des terrains pour construire des logements.

Enfin, une réglementation beaucoup plus rigoureuse devrait être appliquée aux nombreux logements privés insalubres sursaturés par des marchands de sommeil qui « pourrissent » des quartiers avec des loyers très élevés.

Mes propositions sont donc les suivantes, madame la ministre : abolir les garanties d’emprunt impossibles à honorer, prévoir la possibilité pour les maires de disposer de 50 % de logements sociaux au lieu de 20 % ; autoriser le contrôle par les maires des locataires envoyés par le préfet ; subventionner les communes pour construire des écoles ou les agrandir ; décompter non plus par commune, mais par agglomération le quota des 25 % ; définir une réglementation plus rigoureuse pour lutter contre les marchands de sommeil.

Je n’ai pas déposé d’amendement pour faciliter le débat, mais je vous fais confiance pour, un jour, faire adopter ces dispositions dont bénéficieront tous les maires de France.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, sur l’article.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous allons évoquer la question des taux et celle des pénalités applicables aux communes, je souhaite intervenir sur les conditions dans lesquelles les sanctions prévues dans le texte sont susceptibles d’être infligées.

Les maires concernés ont besoin d’être rassurés : bien que le texte ait défini des procédures, ils craignent une sanction automatique pour les collectivités qui ne rentreraient pas « dans les clous ».

Dès lors, je souhaiterais, madame la ministre, que vous précisiez vos intentions.

Plusieurs cas doivent être distingués.

Les municipalités – de tous horizons politiques – qui, pour des raisons électoralistes ou par déni de solidarité, refusent tout logement social doivent être durement sanctionnées.

En revanche, les municipalités qui ont hérité d’un constat de carence lié aux décisions des conseils municipaux précédents doivent bénéficier d’un jugement différent. Quels délais doivent leur être accordés, sachant que, même avec des délais, il ne leur sera pas facile d’appliquer la loi ?

Enfin, la municipalité qui, compte tenu du coût du foncier, ne peut acquérir des terrains doit, elle aussi, pouvoir bénéficier d’un traitement particulier, soit en termes de délais, soit, pourquoi pas, en termes d’aides financières de l’État, de manière qu’elle puisse acquérir des terrains et y construire des logements sociaux.

Je pense donc que chaque situation devra être examinée au cas par cas. Du reste, c’est aussi ce que souhaitent les élus, quelle que soit leur couleur politique.

De nombreux maires de bonne foi ne parviendront pas à atteindre le nouveau pourcentage en 2025. Madame la ministre, à l’Assemblée nationale, vous avez indiqué au député Jean-Christophe Fromantin qu’une circulaire serait envoyée aux préfets pour qu’ils tiennent compte de cette bonne foi.

La bonne solution consiste naturellement à instituer, dans chaque département, une commission travaillant en liaison avec le préfet.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ? Comment une telle commission pourra-t-elle fonctionner ? Quelles instructions donnerez-vous ?

Il me semble qu’il serait intéressant de permettre aux maires, à l’occasion de ce débat, de disposer d’un certain nombre d’informations pour l’avenir.

Mme la présidente. L'amendement n° 57 rectifié bis, présenté par MM. Calvet, Reichardt, Dallier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Nous voici au cœur du texte puisque nous l’article 10 prévoit de relever de 20 % à 25 % le taux minimal de logements sociaux.

Madame la ministre, comme vous l’avez vous-même déclaré lors de l’examen du premier projet de loi, en septembre dernier, ce qui nous pose problème, ce n’est pas tant ce rehaussement du taux que les conditions dans lesquelles vous comptez demander aux collectivités locales d’atteindre le nouveau seuil.

Il convient de reconnaître que la première loi SRU, qui avait été âprement discutée de notre côté de l’échiquier politique, a finalement donné des résultats. Du reste, dans son rapport, M. Bérit-Débat rappelle que très peu de collectivités se trouvent sous le coup d’un constat de carence et que, parmi les maires de ces dernières, très peu affirment ouvertement ne rien vouloir faire en matière de logement social au prétexte que la population de leur commune ne le souhaiterait pas.

La loi SRU a donc porté ses fruits. Ainsi, 135 000 logements sociaux ont été financés l’année dernière. Si ne figurent peut-être pas assez de prêts locatifs aidés d’intégration parmi ces logements sociaux – c’est un point dont on peut discuter –, des résultats ont été obtenus.

Les collectivités disposaient de vingt ans pour se mettre à niveau. Celles qui ont respecté leurs objectifs triennaux – c’est le cas de la commune dont je suis le maire – ont donc quasiment fait la moitié du chemin que l’on attendait d’elles.

Or, madame la ministre, vous allez maintenant demander à ces collectivités de construire trois fois plus de logements qu’elles n’en avaient construit dans la période précédente, et ce dans un délai beaucoup plus court puisqu’il est question d’une douzaine années. C’est en tout cas ce qui va se passer pour ma collectivité.

Je vous le redis, vous allez envoyer dans les cordes et pousser à la faute nombre de collectivités locales ayant jusqu’à présent strictement respecté les objectifs triennaux qui leur étaient fixés. À mon sens, ce n’est pas acceptable.

Comme si cela ne suffisait pas, par-dessus le marché, et quelles que soient les assurances que vous pourrez nous donner – vous l’avez déjà fait en septembre –, le texte prévoit des sanctions financières très lourdes puisque vous multipliez les pénalités par cinq.

Certes, le détail des situations pourra être examiné par le préfet. Il n’en reste pas moins que ces sanctions financières tomberont à une période où, nous le savons tous ici, les collectivités locales se trouveront confrontées à une diminution très importante de leurs recettes, qu’il s’agisse des dotations de l’État ou des recettes liées aux droits de mutation.

Madame la ministre, vous allez donc nous demander de construire beaucoup plus dans une période très difficile pour les finances communales. Et chacun sait que, si l’on construit des logements, il faut aussi construire les équipements publics qui vont avec !

Les communes devront donc à la fois construire et financer des logements et des équipements, subir une baisse quasi certaine de leurs ressources et, éventuellement, se voir infliger des pénalités financières qui pourraient plonger certaines d’entre elles dans des situations dramatiques.

Madame la ministre, cet amendement vise tout simplement à supprimer l’article 10. Soyez assurée que nous aurions préféré pouvoir discuter des modalités de la mesure. Mais cela n’ayant pas été possible lors de l’examen du premier projet de loi, je suis bien obligé cet après-midi de vous proposer la suppression de l’article en question. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Monsieur Dallier, vous comprendrez que, votre amendement tendant à supprimer l’une des mesures les importantes du projet de loi, et la commission et le rapporteur y soient défavorables.

J’aurais pu répondre point par point à votre plaidoyer, qui est un peu un plaidoyer pro domo, en faveur de la suppression de cet article, mais je préfère m’en tenir là.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Permettez-moi de reprendre le propos en forme de clin d’œil que j’ai tenu hier soir : ceux qui considèrent aujourd'hui que l’augmentation du seuil pose un problème estimaient il y a dix ans qu’il ne fallait surtout pas voter la loi SRU. Pourtant, ils se félicitent aujourd'hui de son existence, mais ils demandent qu’elle n’évolue pas !

En donnant un avis défavorable sur cet amendement et en appelant donc au maintien de l’article10, je prépare donc le débat des dix prochaines années, au cours desquelles vous vous féliciterez de l’existence de cette loi et du seuil de 25 %. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, et M. Claude Dilain. Très bien !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Calvet, Dallier et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après le mot :

propre

insérer les mots :

après le mot : « sociaux », sont insérés les mots : « ou en accession sociale à la propriété par le dispositif de prêt social location-accession »,

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Cet amendement vise à permettre d’intégrer les logements en accession sociale à la propriété dans le décompte du contingent de 25 %.

Les programmes d’accession sociale à la propriété présentent un double avantage : ils permettent à un public aux ressources a priori faibles et habitant la plupart du temps en logement social d’accéder à la propriété et, ce faisant, de libérer le logement social que les familles en question occupaient.

Nous considérons que ce dispositif est intéressant et qu’il convient de le soutenir. C'est la raison pour laquelle il nous semblerait utile qu’il puisse être pris en compte dans le calcul du contingent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Il s’agit du premier d’une longue série d’amendements qui tendent à intégrer l’accession sociale à la propriété dans les logements sociaux pris en compte dans le dispositif de l’article 55 de la loi SRU.

Monsieur Dallier, lors de l’examen du premier projet de loi, en septembre dernier, j’avais déclaré que le débat avait notamment été tranché par un ancien et néanmoins illustre membre de votre groupe, qui fut rapporteur du projet de loi portant engagement national pour le logement : il avait démontré avec talent qu’il n’était pas nécessaire de prendre en compte l’accession sociale à la propriété.

Du reste, si nous la prenions en compte, la production de nouveaux logements sociaux serait insuffisante pour répondre à l’immense demande de logements en location ; je vous rappelle que 1 700 000 personnes souhaitent obtenir un logement social !

Une telle mesure irait donc à contre-courant de la politique que nous voulons poursuivre,…

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. … des objectifs qui nous ont été assignés par le Président de la République et que met en œuvre le Gouvernement, sous l’autorité de Mme la ministre Cécile Duflot, notamment.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous avons déjà longuement débattu de cette question.

L’accession sociale constitue l’un des éléments du parc locatif. C’est pourquoi elle est prise en compte au titre des possibilités de décote sur la cession des terrains publics. Il reste que le taux de 25 % concerne les logements locatifs sociaux. Bien sûr, la nécessité d’atteindre ce niveau n’est absolument pas exclusive de la réalisation, en complément, de projets d’accession sociale.

Sur ce point, l’avis du Gouvernement n’a pas changé : il demeure défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 55 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 13 est présenté par M. Dubois et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

L'amendement n° 124 est présenté par M. Reichardt.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer les mots :

, le taux : « 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % »

La parole est à M. Daniel Dubois, pour présenter l’amendement n° 13.

M. Daniel Dubois. Cet amendement relève de la même démarche que ceux qu’ont déposés nos collègues François Calvet et Philippe Dallier.

Après tout, pourquoi n’irait-on pas jusqu’à 25 % ?

M. Jean-Pierre Caffet. Vous semblez néanmoins préférer le maintien à 20 % !

M. Daniel Dubois. Pour ma part, j’ai toujours été favorable à l’article 55 de la loi SRU et très favorable au seuil de 20 %.

Mais, si l’on passe à 25 % avec des pénalités multipliées par cinq, ce n’est plus du tout le même dispositif.

Avant tout, je pense que le parcours résidentiel doit être pris en compte. Cela signifie qu’il faut intégrer l’accession à la propriété. En particulier, les logements sociaux vendus à leur locataire devraient être comptabilisés pendant au moins dix ans.

Le rapporteur a fait allusion, à juste titre, au débat qui a eu lieu ici avec Dominique Braye. Mais le taux dont il était question à l’époque était de 20 % ! L’augmentation de 5 points et, surtout, la multiplication par cinq des pénalités méritent un débat élargi, d’autant que l’intégration dans le calcul du parcours résidentiel et de l’accession sociale aurait certainement le mérite de libérer des logements locatifs HLM. Ainsi, la fluidité disparue dans le parc HLM du fait de la crise pourrait être retrouvée et la situation s’en trouverait sans aucun doute améliorée.

Je regrette donc profondément que le passage du taux à 25 % ne s’accompagne pas de la prise en compte du parcours résidentiel.

Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 124.

M. André Reichardt. Monsieur le rapporteur, cet amendement s’inscrit dans le même esprit que l’amendement n° 57 rectifié bis. Comme il ne tend pas à la suppression de l’article 10, j’espère qu’il trouvera grâce à vos yeux ! (M. le président de la commission des affaires économiques et M. le rapporteur s’esclaffent.)

Il vise à revenir au quota initial de 20 %. Les motifs sont simples ; j’en ai recensé au moins trois.

Premier motif : beaucoup de communes, malgré tous les efforts qu’elles déploient, ne parviennent pas à atteindre le quota de 20 %. En effet, dès lors que les communes privilégient la mixité sociale, en réalisant à la fois des logements sociaux et des habitations en accession, le parc de logements s’agrandit automatiquement et crée ipso facto de nouvelles obligations en matière de logement social. Je l’ai déjà dit en septembre : cela entraîne une véritable course à l’échalote !

Pourquoi faire passer à 25 % un quota que les communes ne parviennent pas à respecter quand il s’établit à 20 %, si ce n’est pour procéder à une imposition déguisée de ces collectivités territoriales ? Il ne peut en être autrement !

Deuxième motif : rien que sur la période 2014-2016, les subventions de l’État ne parviennent pas à couvrir les besoins, évalués à 2,7 milliards d’euros par an ! Pourquoi inscrire un tel objectif dans la loi, alors que l’on ne dispose pas des moyens financiers pour l’atteindre ?

Troisième motif : les sanctions dont s’acquittent les collectivités qui ne parviennent pas à respecter cet objectif ne changeront rien à la situation.

Vous aurez donc compris, mes chers collègues, que, dans un souci d’efficacité, il faut absolument en rester à 20 %. Je sais bien que nos collègues de la majorité veulent absolument que le Sénat vote ce texte conforme, mais compte tenu du poids de mes arguments, ils changeront certainement d’avis ! (Mme Catherine Procaccia s’esclaffe.)

Mme la présidente. L’amendement n° 118, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le pourcentage :

25 %

par le pourcentage :

30 %

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Cet amendement s’inscrit dans une logique contraire à celle des deux précédents amendements puisque nous souhaitons relever à 30 % le seuil minimal de logements sociaux en zone tendue (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

M. Philippe Dallier. Qui dit mieux ? (Sourires sur les mêmes travées.)

Mme Mireille Schurch. … tout en le maintenant à 20 % pour le reste des collectivités concernées par la loi SRU.

Pour nous, il s’agit non d’une figure de style ou d’une surenchère gratuite, mais de la réponse à une urgence sociale que vous ne percevez apparemment pas, chers collègues de droite. Oui, cette urgence sociale s’illustre par le fait que de plus en plus de nos concitoyens sont confrontés à la pauvreté. Selon un récent sondage, près d’un Français sur deux se considère comme pauvre ou en passe de le devenir ! La récente conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale l’a d’ailleurs rappelé et vous y avez pris des engagements importants, madame la ministre.

Fixer à 30 % le seuil minimal de logements sociaux en zone tendue relève d’un impératif moral et social et représente la seule garantie d’une réelle mixité sociale, si utile pour le façonnage de la vie urbaine et de la ville elle-même. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à voir les choses ainsi : la région capitale elle-même l’a compris et elle a défini, dans le cadre de son schéma directeur, une obligation de construction de logements sociaux à hauteur de 30 %.

Puisque le projet de loi reporte à 2025 le terme du délai d’accomplissement de cette obligation, alors que nous savons que 64 % de nos concitoyens peuvent aujourd’hui prétendre au logement social, il ne paraît pas déraisonnable d’affirmer que l’obligation de construction de logements sociaux doit être portée à 30 % en zone tendue.

Mme la présidente. L’amendement n° 121, présenté par M. Fouché, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer le taux :

20 %

par le taux :

22,5 %

La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Cet amendement porte aussi sur le niveau minimal de logements sociaux. Lors de la discussion du précédent projet de loi, en septembre dernier, j’avais exprimé le souhait de voir mettre en œuvre un principe simple, celui de la solidarité nationale pour le logement. J’avais également souhaité que des garanties importantes soient consenties pour favoriser l’acquisition de logements sociaux par leurs locataires, car la demande est très forte, en province notamment, et il faut y répondre. Or rien n’a changé sur ce point dans le nouveau projet de loi.

Cet amendement vise à respecter un principe de réalité : il faut relever le seuil de l’obligation de construction de logements sociaux, mais de façon progressive. En effet, dans les communes rurales de la Vienne ou d’autres départements de la région Poitou-Charentes – mais ailleurs aussi, bien sûr –, l’application de la loi SRU pourra s’avérer très compliquée avec un seuil fixé à 25 %, quelle que soit la couleur politique de la commune.

Les obligations fixées par la loi ne doivent donc pas handicaper sa mise en œuvre. On ne peut ignorer les difficultés que rencontrent certains maires pour construire du logement social. En revanche, je souhaite que des amendes plus fortes soient infligées aux communes qui disposent à la fois des moyens financiers et des terrains nécessaires.

Mon amendement vise donc, tout en soutenant le principe même de l’augmentation du nombre de logements sociaux, à faire en sorte que plus de communes atteignent cet objectif en 2025, en fixant le taux de l’obligation à 22,5 % au lieu de 25 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Les amendements identiques nos 13 et 124 visent à « faire du surplace », en maintenant l’obligation à 20 %. Ils remettent donc en cause une disposition essentielle du projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui.

Il faut tenir compte d’une réalité : notre pays compte aujourd’hui 1 700 000 demandeurs de logements sociaux. Nos collègues de l’opposition estiment que la situation est gérable en conservant un taux de 20 %. Mais comment allons-nous permettre à toutes ces personnes en difficulté de bénéficier d’un logement à caractère social ? Avez-vous d’autres solutions à proposer ?

M. André Reichardt. Oui ! Nous avons proposé d’aller jusqu’à 1 500 habitants !

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Non, vous n’en avez pas ! Nous connaissons un déficit important de logements sociaux, et la seule façon de créer plus de logements de ce type consiste à relever le taux à 25 %.

La commission a, bien sûr, émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

L’amendement présenté par Mireille Schurch reprend le texte d’un amendement déposé lors du débat de septembre. Notre collègue se donne un objectif totalement opposé à celui des auteurs des amendements précédents puisqu’elle considère qu’il faut relever le taux à 30 %.

Je ne puis qu’être d’accord avec les mots « urgence sociale » qu’elle a employés. Pour autant, serait-il souhaitable de la suivre ? Nous pensons que passer à 25 % représente une première étape… (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Dallier. Nous voilà rassurés !

M. Jean Desessard. 30 %, c’est l’an prochain ! (Rires.)

M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, mais j’invite notre collègue à retirer son amendement.

Enfin, Alain Fouché, auteur de l’amendement n° 121, considère que le seuil de 20 % n’est pas satisfaisant, mais il préfère fixer le niveau de l’obligation à 22,5 % et étaler son application dans le temps. Puisque la ministre a présenté un projet de loi qui fixe des objectifs clairs, le taux de 25 % n’est pas négociable, à moins de vider totalement ce projet de loi de son contenu. J’émets donc un avis défavorable, même s’il est motivé par des raisons totalement différentes de celles que j’ai invoquées pour demander le rejet des amendements nos 13 et 124.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Comme M. le rapporteur, je rappellerai aux auteurs des amendements nos 13 et 124 que le Gouvernement a fait le choix d’aller au-delà de l’obligation de 20 % de logements sociaux. Il faut, d’une part, relever le niveau de l’obligation dans les zones tendues et, d’autre part, permettre d’identifier les cas d’obligation à temps et de manière précise. En effet, le principe du « triennal glissant » n’a permis de faire progresser le taux de logements sociaux des communes concernées par l’article 55 de la loi SRU que de 13 % à 14 %, en moyenne. On peut estimer que l’application de ce principe est un échec.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Madame Schurch, votre amendement s’appuie sur des engagements déjà retenus par certaines intercommunalités ou dans plusieurs PLH, parce que les besoins se font particulièrement ressentir dans certains territoires et y sont pris en compte. Nous avons fait le choix de présenter un projet de loi qui s’applique aux zones tendues sur l’ensemble du territoire français et non à des cas particuliers. C’est pourquoi je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable. En effet, les situations dans lesquelles un niveau de 30 % est nécessaire sont couvertes par des PLH. (Mme Mireille Schurch ne consent pas au retrait de son amendement.)

J’en viens enfin à l’amendement intermédiaire présenté par M. Fouché. Monsieur le sénateur, vous soulignez un élément intéressant : certaines communes concernées par l’article 55 de la loi SRU ne se trouvent pas dans une situation de tension qui nécessiterait de remonter le niveau de l’obligation à 25 %.

Ce projet de loi apporte une innovation par rapport à l’état du droit existant : les communes qui ne sont pas en zone tendue conserveront un niveau d’obligation fixé à 20 %. Ainsi, la commune de Chauvigny, que vous connaissez bien, si elle est concernée par l’article 55, ne sera très probablement pas obligée d’appliquer le seuil de 25 % puisqu’elle ne se situe pas dans une zone tendue. Nous avons introduit cette souplesse pour répondre à la spécificité d’un certain nombre d’agglomérations qui doivent respecter l’obligation de 20 %, mais dont la situation n’impose pas de passer à 25 %.

Plutôt que d’imposer un seuil intermédiaire à l’ensemble des communes, nous avons fait le choix de fixer le seuil à 25 % – et non pas à 30 % – en zone tendue. Ainsi, les communes situées en zone « détendue » resteront astreintes à l’obligation de respecter un taux de 20 %.

Je vous suggère donc de retirer votre amendement, monsieur Fouché.