M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Donc, il semblerait que deux causes différentes aient produit le même effet. Sans doute faut-il progresser dans l’analyse et étudier ce qui s’est passé après l’instauration du bouclier fiscal, dispositif qui avait notamment pour vocation d’empêcher des expatriations et de favoriser des impatriations.
En vérité, pendant toutes ces années-là, le solde fut à peu près identique à celui des années précédentes. Le nombre d’expatriés fiscaux évalué par les services du ministère du budget fut le même, environ 750 à 850 personnes, quelles qu’aient été les modalités : bouclier fiscal Villepin ou bouclier fiscal Sarkozy.
Dans ces conditions, imputer à la seule fiscalité la responsabilité de ces expatriations me semble relever d’un raisonnement un peu juste. Pour autant, et vous avez raison, il faut réagir.
Le Président de la République, vous l’avez rappelé, a suggéré que les conventions fiscales soient revues. Je crois, en effet, qu’il s'agit du seul moyen d’éviter ce type d’expatriations ou, plus précisément, d’éviter que ceux qui décident de vivre en dehors de nos frontières ne s’exonèrent par là même des obligations fiscales qu’ils ont à l’égard du pays dans lequel ils sont nés, ont grandi, ont été éduqués, formés et, le plus souvent, ont rencontré la prospérité, sinon la fortune, bref un pays auquel ils doivent beaucoup et pour lequel ils ont tort de vouloir s’exonérer des charges que celui-ci leur demande d’acquitter afin de pouvoir être redressé.
Voilà, à mon avis, la piste qu’il faut suivre. Cessons d’imputer à la seule fiscalité les raisons de ces départs, car l’on voit, dans notre histoire contemporaine, que des politiques contraires produisent les mêmes effets. Incontestablement, pour certains de nos compatriotes, il y aura toujours des raisons de partir car ils estimeront toujours qu’ils paient trop d’impôts. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
situation en syrie
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann. (MM. Jacques Gautier et Alain Gournac applaudissent.)
Mme Christiane Kammermann. Ma question s'adresse à M. le ministre chargé des affaires européennes.
La crise syrienne est dans son vingt et unième mois. Le pays est complètement dévasté par la répression sanglante contre les insurgés, qui a fait plus de 40 000 morts et un nombre incalculable de blessés, disparus, prisonniers, essentiellement civils.
La brutalité de la répression du régime syrien a nourri le radicalisme religieux des insurgés.
Or la Syrie est la clef de voûte du Moyen-Orient. Si elle se désagrège, la remise en question de ses frontières pourrait déstabiliser toute la zone.
Près de 400 000 syriens sont réfugiés, dont plus de 100 000 au Liban. Il s’agit d’une charge de plus en plus lourde pour les pays d’accueil.
Des efforts diplomatiques sont déployés pour venir en aide aux populations syriennes. Toutefois, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas pris de résolution en raison du veto de la Chine et de la Russie.
L’action de M. Lakhdar Brahimi, le médiateur international de l’ONU et de la Ligue arabe, n’a pas donné le résultat escompté. La seule note d’espoir est venue de la conférence de Doha, laquelle s’est tenue il y a un mois au Qatar et rassemblait plus de cent pays et organisations, où a été formée la « coalition nationale syrienne », dont l’intitulé témoigne de la responsabilité démocratique du peuple syrien.
La réunion de Marrakech du 12 décembre dernier se situe dans le prolongement de l’engagement de la communauté internationale en faveur de cette coalition.
Dans ce contexte de crise internationale aiguë, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de mes interrogations.
Comment la France envisage-t-elle la transition politique, le départ de Bachar El Assad et la mise en place d’un nouveau régime politique en Syrie ? Selon vous, une transition négociée est-elle envisageable ?
Quel effort de soutien aux populations civiles dans les zones libérées la France a-t-elle engagé ?
Le 11 novembre dernier, la conférence de Doha a permis la création d’une coalition de l’opposition syrienne, considérée comme seul représentant légitime du peuple syrien. Comment la France peut-elle aider cette coalition à se structurer ? Pourra-t-elle la reconnaître comme le seul représentant du peuple syrien, comme le gouvernement légitime de la Syrie ?
Comment voyez-vous, dans les semaines à venir, les répercussions des troubles sur la situation au Liban ? La sécurité de ce pays n’est-elle pas de plus en plus menacée ? Le Hezbollah ne risque-t-il pas de jouer la déstabilisation du Liban ?
Pouvez-vous nous dire ce que la France est prête à faire, notamment dans les pays voisins, si la situation continue à se dégrader afin de protéger ou d’évacuer nos compatriotes ?
S’agissant de l’embargo sur les armes, la France maintient-elle sa position ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno et M. Jean Arthuis applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Merci beaucoup, madame la sénatrice, pour votre question qui montre l’ensemble des défis auxquels la communauté internationale se trouve confrontée en Syrie, pays où, vous l’avez rappelé, se joue un drame d’abord humanitaire.
Près de 40 000 Syriens sont morts dans des conditions parfois d’une extrême atrocité, parce qu’un régime a décidé de martyriser son peuple pour se maintenir au pouvoir ; 500 000 syriens ont été déplacés et se retrouvent dans un état de très grande précarité ; au moment où nous parlons, ce sont entre 2 millions et 4 millions de Syriens qui risquent d’être exposés à un drame humanitaire. C’est dire l’ampleur de la difficulté humanitaire à laquelle on se trouve confronté dans ce pays et cette région.
Malgré cela, il y a aujourd’hui des raisons d’espérer – d’espérer avec prudence, mais d’espérer.
D’abord, la situation militaire s’est considérablement modifiée. La coalition nationale syrienne s’est dotée de moyens militaires désormais coordonnés par un chef d’état-major qui mène les opérations avec une efficacité qui a conduit les troupes de la coalition nationale syrienne jusqu’aux portes de Damas. La très forte pression exercée militairement par ces troupes sur le gouvernement de Bachar El Assad est telle qu’un certain nombre de pays qui soutenaient le régime – je pense notamment à la Russie – commencent à considérer que le départ de Bachar El Assad, en raison de la pression militaire et diplomatique qui s’exerce sur lui, pourrait devenir demain inéluctable.
Cette situation militaire est de nature à permettre un approfondissement des discussions et des échanges diplomatiques, une augmentation des pressions qui s’exercent sur le régime, de manière à pouvoir faire en sorte que, comme nous le souhaitons depuis longtemps, il quitte le pouvoir.
Bien entendu, cela ne pourra se faire, et vous avez raison de le dire en ces termes, si nous ne multiplions pas les initiatives pour rendre cette pression insupportable, pour qu’elle oblige l’actuel pouvoir à partir. C’est ce que nous faisons.
Nous l’avons fait en étant les premiers à décider de la mise en place d’une aide humanitaire pour les conseils civils révolutionnaires.
Nous le faisons en ayant été les premiers à avoir reconnu la coalition nationale syrienne. Vous vous interrogiez sur le fait de savoir si nous allions la reconnaître comme un gouvernement alternatif légitime. C’est déjà fait !
Nous avons voulu entraîner dans notre sillage les pays de l’Union européenne, et nous avons commencé à le faire avec succès. La conférence des amis du peuple syrien, à laquelle vous faisiez référence tout à l'heure, a permis à un très grand nombre de pays, dont les États-Unis à quelques heures de l’ouverture de cette réunion, de reconnaître à leur tour la coalition nationale syrienne. Dès lors que cette coalition s’est rassemblée, qu’elle s’est dotée d’un leadership fort, nous sommes sur le bon chemin.
Il faut donc maintenir cette pression, continuer à aider sur le plan humanitaire, multiplier les initiatives politiques pour que les pays qui hésitent encore à nous rejoindre au sein du Conseil de sécurité le fassent, et veiller à ce que tout cela soit fait en étroite liaison avec les pays de la région, afin d’éviter la déstabilisation que vous avez pointée dans votre question comme un risque réel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du groupe écologiste. – MM. Stéphane Mazars et Jean Boyer applaudissent également.)
grand paris express
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Madame la ministre, jeudi dernier, le 13 décembre, M. Auzannet vous a remis son rapport sur la faisabilité du Grand Paris Express,…
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Philippe Kaltenbach. … ce métro automatique autour de Paris.
Comme cela était malheureusement prévisible, il a tout d’abord confirmé les approximations dont s’est rendu coupable le précédent gouvernement dans l’évaluation financière du projet. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Eh oui !
M. Alain Gournac. C’est la faute de Sarkozy !
M. David Assouline. On en a parlé !
M. Michel Berson. Et vous le savez très bien !
M. Philippe Kaltenbach. L’estimation du coût global a fait un bond de près de 50 %. Elle est passée de 20 milliards à 30 milliards d’euros, excusez du peu ! Quand je pense que ceux qui ont commis cette erreur grossière donnent aujourd’hui des leçons…
M. Alain Gournac. Que c’est petit : je suis triste pour vous !
M. Philippe Kaltenbach. Il est pourtant indispensable que ce projet se fasse. La réalité des conditions de transport des usagers nous le rappelle quotidiennement.
Le Grand Paris Express doit être mis en œuvre avec la cohérence et l’envergure que nous voulons pour ce nouveau réseau de transport collectif.
Devant l’ampleur de la sous-évaluation du coût du projet par l’ancien gouvernement, nous sommes conscients qu’un nouveau phasage sera nécessaire. Il n’y a que quelques démagogues pour réclamer que tout le projet soit réalisé dans les délais initiaux, sans expliquer où trouver les 10 milliards d’euros supplémentaires nécessaires.
Cependant, les élus locaux de la région-capitale n’ont pas manqué de faire part de leurs inquiétudes depuis la remise du rapport Auzannet et de ses propositions sur le phasage du projet.
M. Alain Gournac. Très mauvais rapport !
M. Philippe Kaltenbach. Ces inquiétudes sont multiples et se fondent essentiellement sur notre capacité à ne pas « saucissonner » le projet, afin de lui conserver toute son efficacité.
Au Sud-Est, elles portent sur l’interopérabilité entre la ligne rouge et la ligne orange, à la station Champigny-Centre, et sur la nécessité de réaliser l’arc Sud jusqu’à Noisy-Champs dans les délais prévus.
Au Nord-Est, ces inquiétudes visent le triangle de Gonesse.
À l’Ouest, elles concernent la liaison entre Pont-de-Sèvres et Nanterre, afin d’assurer le bouclage autour de Paris.
Madame la ministre, le réseau francilien accueille, chaque jour, 8 millions de voyageurs.
Dans la longue liste des bombes à retardement laissées dans les tiroirs par M. Sarkozy, il y a ce surcoût de 10 milliards d’euros. (M. André Reichardt s’exclame.) Les élus en prennent acte et voient bien la nécessité de « phaser » le projet.
Cependant, si nous voulons réussir le pari du Grand Paris Express dans un délai suffisamment raisonnable, pour répondre aux besoins d’un réseau francilien dont la fréquentation s’est accrue de 20 % ces dix dernières années, nous sommes aussi conscients qu’il faudra dégager de nouvelles ressources.
Madame la ministre, même si les arbitrages du Gouvernement ne sont attendus que pour le mois de février 2013, pouvez-vous rassurer les élus locaux et les sénateurs qui souhaitent être concertés et associés sur le phasage, comme sur le financement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et Ronan Dantec applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur Kaltenbach, je vous remercie de votre question très précise.
M. Gérard Larcher. Ah !
Mme Cécile Duflot, ministre. Je tiens à le redire pour que tout soit clair, le 1er septembre dernier, j’ai diligenté une mission, confiée à M. Auzannet, pour évaluer les coûts réels du Grand Paris Express. Il s’avère que ces derniers ont été effectivement sous-évalués, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, en raison de la dérive monétaire, les euros 2008 n’ont nécessairement pas la même valeur que les euros 2012.
Deuxièmement, le coût complet de la ligne orange n’a pas été correctement évalué.
Troisièmement, le prix des interconnexions au réseau de transport existant ne figurait, malheureusement, ni dans le budget des opérateurs existants ni dans celui du Grand Paris Express.
Quatrièmement, enfin, une actualisation était nécessaire compte tenu des évolutions apportées au projet de certaines gares auxquelles tenaient beaucoup les élus locaux.
Voilà la réalité ! Vous l’avez dit, la différence est de 10 milliards d’euros. Je voudrais faire un rappel à destination de ceux qui pourraient mettre en cause la volonté du Gouvernement de ne pas mener à bien le projet tel qu’il avait été prévu, c’est-à-dire à l’échéance de 2026 : pour tout mettre en ordre de marche, il faudrait donc non seulement trouver 10 milliards d’euros supplémentaires, mais aussi et surtout réaliser 18 kilomètres de métro par an, ce qui, dans l’histoire, ne s’est jamais fait dans aucun chantier de par le monde.
Les objectifs annoncés à ce sujet sur le nombre de tunneliers disponibles et la maîtrise d’ouvrage étaient tout simplement intenables. Mieux vaut le dire clairement. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je veux rassurer tout le monde, vous, bien sûr, ainsi que les élus locaux et les dizaines de milliers de citoyens franciliens qui ont participé au débat public : le projet se fera.
M. Roger Karoutchi. On verra !
Mme Cécile Duflot, ministre. Le Premier ministre l’a redit le 30 octobre devant un certain nombre d’acteurs à Saclay,…
M. Alain Gournac. S’il l’a dit, c’est bon !
Mme Cécile Duflot, ministre. … l’État apportera les montants nécessaires à son financement.
Pour que celui-ci puisse être réalisé dans de bonnes conditions, il faut le prioriser dans le cadre d’un dialogue, pour trouver un équilibre avec l’ensemble des élus de nature à répondre à tous les objectifs : la desserte de banlieue à banlieue, le développement d’un certain nombre de territoires, le désenclavement d’autres,…
M. Alain Gournac. À l’Ouest !
M. Gérard Larcher. Mantes-la-Jolie, par exemple !
M. Alain Gournac. Absolument !
Mme Cécile Duflot, ministre. … qui, à l’image de Clichy-Montfermeil, attendent, depuis quarante ans, une desserte en transport en commun.
Nous ferons en sorte, parallèlement, de remettre à niveau les transports en commun existants, notamment dans les zones qui n’accueilleront pas ce nouveau réseau de transport dans les toutes prochaines années.
Telle est la volonté du Gouvernement, que je partage. Elle est ferme, elle est constante, elle ne se laissera pas emporter par des vaines polémiques ; personnellement, je m’attacherai à n’en alimenter aucune. Néanmoins, pour permettre la réalisation de ce projet, il faut agir avec sérieux, avec méthode, et dire la vérité. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe écologiste et sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 2012.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
4
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, ce jour, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article VII des articles organiques applicables aux cultes protestants de la loi du 18 germinal An X (Régime des cultes en Alsace-Moselle) (2012-297 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
5
Vérification du droit au séjour et délit d’aide au séjour irrégulier
Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier (texte de la commission n° 228, rapport n° 227).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parvenons donc au terme de cette discussion sur un projet de loi qui avait été rendu nécessaire à la fois par l’injustice que constituait le délit de solidarité que ce texte a pour objet de faire disparaître – et l’on peut comprendre qu’en accolant délit et solidarité, on avait commis quelque chose d’inacceptable – et par l’évolution de la jurisprudence européenne, laquelle rendait désormais impossible de maintenir en garde à vue les étrangers faisant l’objet d’une vérification de leur situation, la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, ayant par ailleurs précisé qu’une peine de prison ne pouvait intervenir également à l’égard de ces étrangers que dans la mesure où l’ensemble des autres dispositifs disponibles pour l’administration, à savoir la rétention administrative et les mesures d’assignation à résidence, avaient été utilisés dans des conditions régulières.
Nos deux assemblées ont, à mon sens, travaillé efficacement, en bonne coopération avec le Gouvernement, afin de parvenir à un texte qui me semble répondre aujourd’hui de manière satisfaisante à la double préoccupation que je viens d’indiquer.
Les soucis de nos collègues de l’Assemblée nationale ont rejoint les nôtres, consistant, pour l’essentiel, à renforcer les garanties apportées aux étrangers concernés sans nuire à l’efficacité de la démarche poursuivie par l’administration.
C’est ainsi qu’à l’article 1er l’Assemblée nationale a souhaité que les garanties apportées en matière de contrôle des papiers de séjour des étrangers, ces modalités qui avaient été définies de manière plus stricte lorsqu’elles devaient intervenir dans les zones de vingt kilomètres, soient élargies à l’ensemble des contrôles effectués sur la base de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Nous ne pouvons naturellement qu’y souscrire.
De la même manière, à l’article 2, les garanties que nous avions souhaité apporter ont également été confortées par l’Assemblée nationale, qui est allée jusqu’à permettre, avec l’accord du Gouvernement, à l’avocat d’assister l’étranger dans certaines conditions, voire de lui apporter un certain nombre de conseils et de pouvoir verser des observations annexées au procès-verbal. De la même façon, le rôle du médecin a été rapproché de celui qui lui est confié dans le cadre de la garde à vue – on voit, d’ailleurs, que les deux dispositifs, rétention et garde à vue, se rapprochent désormais quant aux garanties qui sont de plus en plus apportées à l’étranger.
Toutes ces dispositions ont fait l’objet d’un accord au sein de la commission mixte paritaire et ne pouvaient qu’être acceptées.
Nous avions introduit l’idée ici, au Sénat, que, dans l’hypothèse où l’étranger était conduit au poste de police et faisait l’objet d’une retenue, donc d’une durée maximale de seize heures, il ne devait pas être placé dans les locaux de garde à vue, ce qui se heurte évidemment à des difficultés pratiques considérables. L’Assemblée nationale a souhaité préciser, dans un esprit peut-être plus pratique encore, la portée de cette disposition, en indiquant qu’il ne devait pas être placé « simultanément » en rétention dans un local où pouvaient se trouver des personnes gardées à vue, pour que la situation des deux ne soit pas confondue. En effet, je le rappelle, en cas de garde à vue, on est dans le cadre d’une procédure judiciaire.
L’Assemblée nationale a également eu le souci de préciser le délit d’entrée irrégulière sur le territoire et, à l’article 8, d’élargir le bénéfice des immunités pouvant bénéficier à ceux qui sont amenés à apporter une aide nécessaire aux étrangers en situation difficile, sans que cela puisse constituer, par conséquent, un délit d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier sur le territoire français.
Restait une difficulté majeure d’un point de vue juridique plus que politique, c’était l’article 6 du projet de loi. Il vise à définir ce qu’est le délit de maintien sur le territoire français, délit de maintien qui n’est désormais constitué que lorsque l’ensemble des voies de droit disponibles pour l’administration ont été normalement épuisées, dans des conditions régulières, c’est-à-dire sous le contrôle des juges. C’est effectivement une rédaction qui est conforme à l’esprit de la jurisprudence européenne et à celle, je crois, du Conseil constitutionnel.
Nous avions ici, en séance, éprouvé quelques difficultés pour nous mettre d’accord sur une rédaction satisfaisante, le constat s’étant fait simplement sur le fait que la rédaction à laquelle étaient parvenus le Gouvernement comme le Sénat n’était pas la bonne. Je crois que nous sommes maintenant arrivés en commission mixte paritaire à un document qui répond aux préoccupations que nous avions exprimées.
À partir de cela, je vous recommande d’adopter le projet de loi tel qu’il est issu de la commission mixte paritaire.
Je conclurai simplement en remerciant mes collègues députés et le Gouvernement de l’esprit de concertation et de dialogue dans lequel cet accord a pu être trouvé, qui répondait, pour l’essentiel, aux préoccupations que nous avions exprimées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat parlementaire sur le projet de loi relatif à la retenue et visant à l’abrogation du délit de solidarité arrive à son terme.
Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de M. Manuel Valls, qui se trouve actuellement avec le Président de la République en déplacement en Algérie.
La commission mixte paritaire qui s’est réunie le 13 décembre dernier est parvenue, sans difficulté, je crois, à un texte commun soumis à votre vote aujourd’hui après celui qui est intervenu à l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier.
Je tiens à remercier, au nom du ministre de l’intérieur comme du Gouvernement dans son ensemble, M. le président Sueur pour la qualité du travail fourni par sa commission à cette occasion, et ce dans un temps contraint. De manière particulière, nos remerciements vont également au rapporteur, Gaëtan Gorce, qui a su, avec détermination, voire abnégation, assurer le rôle de rapporteur sur ce texte, interface indispensable entre les membres de la commission, les nécessités du groupe majoritaire, les impératifs du Gouvernement et les convictions du législateur. Merci à vous tous !
Le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui a été amélioré de manière sensible par le Sénat, puis par l’Assemblée nationale.
Je ne rentrerai pas dans le détail des modifications et améliorations apportées au fil des débats puisque M. le rapporteur vient d’en rappeler l’essentiel.
Sur les questions migratoires, l’action du Gouvernement se veut simple, stable et intransigeante : intransigeante sur la recherche de l’efficacité, intransigeante sur le respect des principes.
Chacun en conviendra, sur tous les bords de la Haute Assemblée, le présent projet de loi vient répondre à une situation qui ne pouvait perdurer d’un point de vue juridique comme opérationnel.
La précédente majorité n’avait pas tiré toutes les conséquences des arrêts rendus par la Cour de justice de l’Union européenne en 2011, décisions interdisant de punir d’une peine d’emprisonnement le seul séjour irrégulier des étrangers.
L’arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2012 fut, dès lors, sans surprise. Dès cette date, un étranger ne pouvait plus être placé en garde à vue du seul fait de son séjour irrégulier sur notre territoire.
Le cadre d’intervention des services de police et de gendarmerie comme le travail dans les préfectures ont été rendus, de ce fait, plus fragiles, menaçant ainsi l’efficacité de la mise en œuvre des lois votées par le Parlement en la matière. Cela ne pouvait, évidemment, être toléré plus longtemps par le pouvoir exécutif.
Ce projet de loi, en prévoyant une durée maximale de retenue de seize heures, permet de répondre à la fois aux besoins opérationnels et aux objectifs gouvernementaux de contrôle de l’immigration irrégulière tout en respectant les impératifs constitutionnels de proportionnalité et de dignité dans le traitement des personnes.
Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a su rester à l’écoute des souhaits et des propositions d’amélioration du dispositif de la part du Sénat, comme de l’Assemblée nationale.
On peut ainsi rappeler que, grâce au travail parlementaire, la présence de l’avocat pendant la durée de la retenue a été adoptée.
De même, des garanties supplémentaires ont été apportées, tant en commission qu’en séance, pour renforcer les droits de la personne retenue.
Enfin, l’abrogation du délit de solidarité a également fait l’objet d’échanges très intéressants parmi vous afin d’éviter que ne pèse sur les personnes et citoyens engagés, qui viennent de manière désintéressée au secours des étrangers la crainte d’une sanction pénale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet, qui aura force de loi dans quelques jours si votre vote l’autorise, permet d’assurer un fondement solide et juste à l’action que mène le Gouvernement en cette matière si complexe juridiquement et humainement.
Notre politique consiste à concilier la fermeté indispensable dans la lutte contre l’immigration irrégulière et la protection nécessaire des droits des étrangers retenus. Cet impératif de conciliation, qui fut notamment au cœur de nos échanges de grande qualité avec votre rapporteur, s’est déjà manifesté concrètement.
D’autres initiatives suivront. Je peux en esquisser trois, au nom du ministre de l’intérieur.
D’abord, un parlementaire en mission sera nommé dans les prochains jours. Il s’agira pour lui de faire un point notamment sur la question du contentieux en matière de droit des étrangers, question soulevée de manière précise lors du débat parlementaire. J’ai en mémoire les interventions du président Sueur, du rapporteur Gaëtan Gorce, comme de nombreux sénateurs à ce sujet.
Ensuite, le ministre de l’intérieur a déjà eu l’occasion de vous annoncer, conformément aux engagements du Président de la République, la tenue d’un débat au Parlement, dans les premiers mois de 2013, relatif à l’immigration économique et étudiante. Ce sera là une chose très positive afin d’envisager également ce phénomène de façon dynamique, positive et dans un débat transparent.
Je vous rappellerai, enfin, que Manuel Valls, ministre de l’intérieur, a annoncé qu’un autre projet de loi est en préparation, portant notamment sur la création d’un nouveau titre de séjour pluriannuel. Ce titre sécurisera les migrants dans leur parcours d’intégration et dispensera les préfectures de certaines missions inutiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la question de l’immigration exige discernement, réalisme et mesure. Je crois que nous sommes parvenus, avec ce projet de loi, à respecter ce cadre et à remplir les objectifs fixés, en termes tant d’efficacité de la loi que d’équilibre de celle-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)