M. Jean-Pierre Michel. Cela n’a rien à voir avec l’élection !
M. Bruno Retailleau. Alors, à quoi bon passer du temps à discuter du mode de scrutin, si l’on ne se pose pas deux questions préalables : quel est le devenir de la collectivité territoriale concernée et en quoi ce mode de scrutin contribuera-t-il au bon fonctionnement de cette collectivité ?
Permettez-moi de vous dire que le choix que vous faites va brouiller les cartes. Le mode de scrutin que vous avez retenu a été qualifié d’« original », de « curieux » ou de « pittoresque » ; je tiens à ajouter mon épithète et je le qualifierai de « fantaisiste ». En tout cas, c’est un bel hommage à la créativité et au génie français, monsieur le ministre, je vous le concède ! On nous a parlé tout à l’heure de zizanie : en effet, nous aurons deux candidats solidaires pour l’élection, deux candidats solidaires pour le contentieux, mais ensuite deux candidats solitaires dans l’exercice de leur mandat.
Monsieur le ministre, vous vous êtes trompé lorsque vous nous avez dit que le scrutin de liste, aux élections régionales, revenait au même que le nouveau scrutin que vous proposez. En effet, lorsque l’on vote au scrutin de liste, on choisit l’assemblée délibérante et c’est ce qui assure la cohérence du choix et la pureté de la représentativité des élus.
En fait, votre choix est un entre-deux : ce mode de scrutin n’est ni vraiment majoritaire ni franchement proportionnel.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Bruno Retailleau. Cet entre-deux va bien avec l’air du temps et le positionnement de ce gouvernement sur bien des points.
Je ne sais pas si ce mode de scrutin est constitutionnel ou non, mais je sais qu’en divisant la notion de représentativité, vous l’altérez ; peut-être même la dénaturez-vous. Sur le plan constitutionnel, j’ai entendu les arguments que vous opposiez à l’auteur de la motion précédente, mais le passé récent nous incite à penser que les constitutionnalistes qui conseillent le Gouvernement peuvent parfois se tromper, car il ne s’agit pas d’une science exacte.
J’en viens à la troisième raison d’adopter cette motion : la cohérence. Je crains en effet que derrière ce souci de cohérence ne se cache un problème politique. Il se peut que nous ayons affaire à une forme de manœuvre électorale…
Monsieur le ministre, vous avez exprimé le vœu que ce débat se passe dans la bonne humeur. Je m’associe à ce vœu et je voudrais vous le prouver. Quand je vous regarde, j’ai envie de vous donner le bon Dieu sans confession, comme on dit chez nous. (Sourires.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est risqué !
M. Bruno Retailleau. Mais quand je lis votre texte, je me dis que le diable se cache parfois dans les détails.
Lorsque l’on met en perspective ce texte avec l’expérience d’autres élections, législatives, européennes, sénatoriales, on peut émettre des doutes. Sur quels éléments se fondent ces doutes, si j’essaie de les objectiver ?
Premier indice, le mécanisme du report de calendrier a pour conséquence le gel d’une partie plus ou moins significative du corps électoral pour les sénatoriales, soit 4 % en moyenne. Toutefois, pour certains départements, comme la Corse, près de 10 % du corps électoral sera concerné, et cette proportion est tout à fait importante.
Si l’on appliquait ces règles aux résultats des dernières élections sénatoriales dans la série n° 2, ce gel qui paraît marginal aurait pu changer les résultats dans onze départements. Dans trois départements, ces résultats auraient été complètement inversés.
Cet indice est d’autant plus troublant que l’un de nos collègues, Jean-Vincent Placé – il est absent ce soir, mais il est toujours présent parmi nous ! (Sourires.) –, indiquait dans un journal paraissant le dimanche qu’il ne fallait pas se tracasser parce que la gauche conserverait la majorité au Sénat, grâce à une petite modification du mode de scrutin ; il ne parlait peut-être pas du vote plural, mais du passage à la représentation proportionnelle des départements qui élisent aujourd’hui trois sénateurs. Quand on additionne ces deux éléments, on ne peut être que troublé.
Le deuxième indice – c’est le pompon !–, c’est l’abaissement du seuil permettant aux candidats de se maintenir au deuxième tour. Personne ne doute ici que le chiffre 10, chiffre rond, n’ait une portée magique. Mais lorsque l’on se risque à faire des projections, comme Louis Nègre l’a fait hier, sur la base des résultats des dernières élections cantonales de 2011, on obtient 259 triangulaires, dont 121 en présence du Front national – vous me direz si nous nous sommes trompés dans nos calculs, mais c’est un fait !
Pourquoi donc abaisser ce seuil ? Quel est l’objectif d’intérêt général que poursuit le Gouvernement en faisant cette proposition qui me rappelle une phrase de François Furet. Dans un article publié quelques mois avant sa mort, intitulé L’énigme française, ce dernier évoquait « l’avantage sans prix d’avoir un allié objectif sous la forme d’un adversaire radical ».
M. Jacques Mézard. Oh ! (Sourires sur certaines travées du RDSE.)
M. Bruno Retailleau. L’avantage est sans prix, certes, mais il ne faudrait pas en abuser.
Je vois un autre indice, enfin, dans le redécoupage des cantons. Personne dans cette assemblée ne doute qu’il faille réduire les écarts. En revanche, nous contestons le fait que le Gouvernement s’octroie un pouvoir absolument discrétionnaire pour réaliser ce découpage à sa main, en tout cas pour avoir la liberté totale de remodeler radicalement la France des cantons.
Cette liberté vous est donnée par deux dispositifs.
Tout d’abord, ce mode de scrutin un peu imaginatif vous permettra d’écraser, de réduire le nombre de cantons en les divisant par deux, et donc d’avoir le coup de crayon ou de ciseaux beaucoup plus libre que s’il avait fallu seulement procéder à des réajustements démographiques en fonction des frontières de cantons existantes. Encore une fois, le tunnel des 20 % peut être élargi. Je pense donc que vous vous référez de façon excessive à cette règle du Conseil constitutionnel, à cette contrainte, s’agissant d’une assemblée territoriale dont l’objectif est aussi, contrairement à l’Assemblée nationale, de représenter des territoires.
Ensuite, un deuxième dispositif me gêne beaucoup plus : vous souhaitez vous affranchir des limites des circonscriptions existantes. Une telle disposition pourrait être contestable d’un point de vue constitutionnel.
Les deux derniers remodelages des circonscriptions législatives ont eu soin – la loi le précisait – de respecter dans leur intégrité les limites des cantons.
M. Philippe Kaltenbach. Ce n’est pas vrai !
M. Bruno Retailleau. Le Conseil constitutionnel pourrait juger que ce nouveau redécoupage doit respecter les redécoupages précédents, d’autant plus que ces redécoupages étaient encadrés par une loi, alors que le nouveau redécoupage sera défini par un décret, fût-ce un décret en Conseil d’État. Il me semble donc que vous prenez une très grande liberté en vous octroyant le droit de franchir, de bousculer les frontières des circonscriptions législatives, et ce point pourrait constituer une faiblesse de votre texte.
En tout cas, je souhaite que vous nous fassiez mentir en acceptant les propositions que nous ne manquerons pas de vous présenter par le biais de nos amendements. Si le Gouvernement acceptait l’un de ces amendements, il pourrait montrer sa bonne foi et lever ainsi les doutes sur les manœuvres électorales que j’essayais de décrypter. Ainsi, l’intervention d’une commission ad hoc, composée de personnalités indépendantes et qui interviendrait en plus du Conseil d’État – idée somme toute normale dans une démocratie adulte –, permettrait que vos futurs coups de ciseaux soient moins impartiaux que ce que nous craignons à la lecture de l’ensemble de votre texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, contre la motion.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, autant on a pu, même sans la partager, apprécier l’argumentation de M. Portelli, qui a défendu la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, autant je pense que je pourrais m’arrêter là tant les propos de M. Retailleau étaient complètement en dehors du sujet. (Protestations sur les travées de l'UMP.) D’ailleurs, mon cher collègue, comment pouvez-vous apprécier le travail de la commission des lois, alors que vous n’en faites pas partie ? Certes, vous pouvez lire les comptes rendus de ses réunions, mais, enfin, c’est quand même insuffisant ! Je vais donc vous donner quelques précisions.
Si votre groupe vous a désigné pour défendre cette motion, c’est bien parce qu’il n’y croit pas. (Protestations sur les mêmes travées.) Car s’il y croyait, il ne manque pas, au sein de la commission des lois, d’éminents membres de l’UMP pour dire ici ce qui s’est vraiment passé en commission des lois. Alors, disons-le !
M. Rémy Pointereau. Ce n’est pas vous qui allez désigner nos orateurs !
M. Jean-Pierre Michel. M. Delebarre, notre rapporteur, a été nommé, c’est vrai, le 5 décembre.
M. Bruno Sido. Comment ? Par qui ?
M. Jean-Pierre Michel. Le 19 décembre, la commission des lois s’est réunie pendant quatre heures pour entendre le rapporteur, les commissaires et examiner les amendements du rapporteur. Ce dernier a auditionné un certain nombre d’organisations dont la liste figure dans le rapport. Encore faudrait-il que vous l’ayez lu, monsieur Retailleau, ce dont je doute !
Le rapporteur a également reçu des contributions écrites d’un certain nombre d’autres organisations.
La commission des lois s’est également réunie, ce matin, de dix heures à douze heures quarante-cinq, pour examiner cent cinquante amendements. Elle s’est à nouveau réunie ce soir, de dix-neuf heures trente à vingt et une heures trente, pour examiner encore une centaine d’amendements. Sachez qu’elle se réunira demain soir de dix-neuf heures trente à vingt et une heures trente pour examiner les derniers amendements.
M. Rémy Pointereau. Quelle vie !
M. Jean-Pierre Michel. Je remarque d’ailleurs, ce que vous semblez ignorer, monsieur Retailleau, que, parmi ces amendements, plusieurs étaient identiques ou de conséquence. Sur ceux qui posaient vraiment problème, une vraie discussion a eu lieu, et je ne pense pas que M. Hyest me contredira sur ce point.
Rien dans votre intervention ne prouve que notre travail a été insuffisant et qu’il faudrait retourner en commission. Je remarque du reste que, dans votre intervention d’un quart d’heure, qui est le temps imparti, vous avez évacué cette question en trois minutes exactement, pas plus, pour nous présenter ensuite ce qui aurait pu être l’objet d’une question préalable. On se demande d’ailleurs pourquoi votre groupe n’a pas présenté une telle motion.
Monsieur Sido, vous qui êtes paraît-il le chef de file du groupe UMP en la matière,…
M. Bruno Sido. Vous me faites trop d’honneur !
M. Jean-Pierre Michel. … vous auriez pu, en défendant une question préalable, développer aussi bien et peut-être mieux que M. Retailleau les arguments qu’il a exposés et que nous avions déjà entendus pendant trois heures lors la discussion générale. Vous nous auriez redit que le département doit subsister, parce qu’il est l’expression de la ruralité. Car il paraît que nous voulons supprimer les départements… J’avais cru comprendre que la déshérence et la fin des départements se trouvaient non dans ce texte, mais dans celui que vous avez fait voter par votre majorité et qui instituait le conseiller territorial !
M. le ministre ayant répondu très longuement au début de cette soirée à tous ces arguments, je pensais que la question était réglée. Mais elle ne l’était pas !
Ensuite, pendant exactement sept minutes,…
M. Rémy Pointereau. Quelle précision !
M. Jean-Pierre Michel. … vous vous êtes livré, monsieur Retailleau, à des considérations totalement politiciennes, il faut le dire, vous, d’ailleurs, dont le département a pour logo l’emblème des Vendéens qui ont combattu la République. Bel exemple, bel exemple… (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. C’est scandaleux ! Rappel au règlement, monsieur le président !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Il fait une analyse clinique !
M. Rémy Pointereau. Prenez exemple sur la Vendée, monsieur Michel ! C’est un département de référence !
M. Jean-Pierre Michel. Oui, il s’agissait de propos purement politiciens ! Mais si M. Retailleau veut m’interrompre, je le lui permets.
M. le président. C’est à moi d’en décider, monsieur Michel !
M. Bruno Sido. Il a le droit de répondre !
M. le président. Monsieur Retailleau, souhaitez-vous répondre à M. Michel ?
M. Bruno Retailleau. Oui, je vous remercie, monsieur le président.
Ce débat nous conduit à évoquer des sujets qui nous tiennent à cœur, nous qui sommes parlementaires et qui exerçons des responsabilités locales.
Oui, j’ai défendu une motion de renvoi à la commission. Quand vous étiez dans l’opposition, monsieur Michel, combien de demandes de renvoi à la commission n’avez-vous présentées pour combattre les textes de loi ! Eh bien, ce soir, c’est à mon tour, de la façon la plus claire possible et avec mes convictions, de développer mes arguments.
Monsieur Michel, je ne vous laisserai pas dire que les Vendéens étaient contre la République.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Vous avez commis une erreur historique ! Les Vendéens se sont soulevés contre une république terroriste. Lisez leurs cahiers de doléances ! Tous les documents en témoignent : les Vendéens ont soutenu les idéaux de 1789.
J’ai cité François Furet, mais j’aurais pu évoquer de nombreux autres historiens. Cette dérive de la Terreur a tué des dizaines de milliers de personnes dans des conditions affreuses.
Mme Cécile Cukierman. Et les rois ? Combien de personnes ont-ils tuées ?
M. Bruno Retailleau. Ce n’était donc pas une lutte contre la République.
Je m’honore d’être l’élu de l’un des départements qui, lors de la guerre de 1914-1918, a donné le plus de son sang pour la République.
M. Rémy Pointereau. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Je peux vous assurer que nous sommes fiers d’être Vendéens mais, surtout, d’être Français, d’être républicains et d’avoir pour emblème le drapeau bleu, blanc et rouge qui est la synthèse de toute notre histoire.
C’est mon patrimoine, c’est notre patrimoine. Ne le piétinez pas au cours d’une discussion qui mérite autre chose que ce type d’invective. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur Retailleau, en traversant la Vendée plusieurs fois, j’ai été choqué par ce logo qui est l’emblème des Vendéens. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Sur la Révolution et sur la République, je partage non votre conception mais celle de Clemenceau, cher à notre ministre de l’intérieur. La Révolution ne se découpe pas en tranches de saucisson, on la prend en bloc ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mme Cécile Cukierman. Voilà les fondamentaux !
M. Jean-Pierre Michel. Il n’y a pas de république terroriste. Il y a la République, point final ! Et il y a ceux qui l’ont combattue et qui étaient les Vendéens ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur Retailleau, je comprends bien que votre groupe, qui avait beaucoup trop de candidats pour s’exprimer dans la discussion générale, a trouvé utile de demander au président de conseil général que vous êtes de défendre, pendant un quart d’heure, la demande de renvoi à la commission. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Or vous n’avez absolument rien prouvé à l’appui du sujet qui était le vôtre.
Je pense donc, mes chers collègues, que vous vous opposerez à cette motion. (Sur l’invitation de M. Rémy Pointereau, M. Bruno Retailleau et de nombreux sénateurs du groupe UMP quittent l’hémicycle.)
D’ailleurs, je vois que vous vous y opposez en quittant l’hémicycle, car vous êtes gêné par les propos de votre collègue !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Delebarre, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’étais, comme vous, transporté par la justesse d’analyse de notre ami Jean-Pierre Michel. Cela nous éloignait un peu de notre texte et, en même temps que je l’écoutais, je me demandais de quoi nous devions parler.
Le renvoi à la commission ? Tous ceux qui ont suivi les travaux de la commission des lois savent que c’est M. Béchu qui n’a cessé tout au long de nos discussions d’y revenir, ne manquant pas de l’évoquer tous les cinq amendements.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je l’attends, ce renvoi !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Moi, je m’attendais à ce que ce soit lui qui défende cette demande de renvoi à la commission.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela va venir !
M. Michel Delebarre, rapporteur. Certes, mais j’aurais bien aimé que cela se produise immédiatement, car le stock de demandes de renvoi à la commission est tel qu’il nous aurait permis de savoir ce que nous aurions pu nous dire.
M. Retailleau, très pris par son sujet, très concentré, a tenu des propos fort intéressants, mais qui n’avaient rien à voir avec un renvoi à la commission. Pourtant, l’idée de nous retrouver à nouveau pendant une dizaine d’heures en commission nous semblait assez plaisante. (Sourires.) Comme M. Hyest le sait, nous aimons débattre. Or on a sacrifié ce plaisir légitime à un moment d’histoire de France à interprétation variable, si j’ai bien compris. C’est la raison pour laquelle je ne vois pas ce que la commission des lois a à faire de ce non-renvoi à la commission. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Je regrette que M. Retailleau soit parti, même si je n’entrerai évidemment pas dans ce débat passionnant sur l’histoire.
Je crois très honnêtement que les conditions d’examen de ces projets de loi sont satisfaisantes : notre loi fondamentale a été respectée, la procédure accélérée n’a pas été engagée, le Gouvernement a saisi la Haute Assemblée en premier de textes directement liés à l’avenir des territoires.
Après l’abrogation du conseiller territorial, chacun veut avancer. Aucun d’entre vous n’a été pris par surprise. Ce choix avait été celui du Sénat lui-même, à travers la proposition de loi présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et votée par la majorité de gauche. Le candidat François Hollande l’avait également proposé au cours de la campagne présidentielle.
Qu’il y ait débat et opposition, c’est normal, mais chacun me paraît disposer désormais de tous les éléments nécessaires à la compréhension du texte présenté par le Gouvernement. Ainsi, l’étude d’impact qui accompagne désormais chaque projet de loi se veut la plus complète possible. Celle qui a été fournie compte près de cinquante pages et répond à cet objectif de lisibilité de la loi. L’excellent rapport de Michel Delebarre a également permis, j’en suis convaincu, de lever les dernières interrogations. Je rappelle en outre que j’ai moi-même mené toute une série de consultations pour éclairer, bien avant la fin de l’année passée, l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement.
Nous avons voulu créer, dites-vous, un dispositif original et inventif. Je prends ces mots pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire des compliments. Je rappelle cependant que cet effort d’imagination accompli par le Gouvernement a été facilité par le travail de Mme Michèle André.
Nous avons agi progressivement, car il fallait chercher à préserver le département, à instaurer la parité et à conserver ce lien de proximité. Nous ne pouvions pas dénier cette proximité en choisissant le scrutin proportionnel pour la liste départementale. Aussi, le système proposé par votre collègue ne m’a pas convaincu, car il aurait été incompréhensible pour les électeurs. Sur cette base-là, je crois que notre proposition est innovante et correspond à ce qu’il fallait faire.
J’ai déjà eu l’occasion de répondre aux différents arguments concernant le binôme et son efficacité lors de la campagne électorale, au moment de son élection ou par la suite. Je suis convaincu, pour ma part, qu’à l’issue de cette campagne, grâce au projet qu’ils porteront, les deux candidats recevront le mandat des électeurs.
Je tiens également à dire à votre excellent collègue qu’il fait une confusion s’agissant du scrutin législatif, qui obéit à des règles constitutionnelles, notamment celle relative à la mise en place d’une commission. J’ai rappelé le travail tout à fait impartial mené par M. Guéna, avec le soutien de M. Marleix. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Comme quoi, une commission indépendante peut toujours rendre des conclusions impartiales ... Je me souviens aussi de la cinquantaine d’exceptions qu’il y avait eues alors au principe de l’unité des cantons. L’exception avait donc une place importante dans la proposition qui nous avait été faite à l’époque.
Pour ce qui concerne la règle des 10 %, j’entends bien les mises en cause à propos de ce changement. Sur ces questions, je suis tout à fait ouvert. Souvent, le scrutin cantonal est localement moins politisé qu’on ne le dit, ce que confirment d’ailleurs les résultats.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Manuel Valls, ministre. La question du Front national, qui concerne ceux qui s’en approchent parfois dangereusement, se règle aussi dans le débat public et politique.
M. Hyest reviendra au cours du débat sur ces questions que l’on peut évidemment se poser et sur lesquelles, comme je l’ai dit, je reste ouvert à la discussion.
Je tiens cependant à rappeler que, de 1969 à 2010, la règle, c’était 10 %.
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Manuel Valls, ministre. On peut sans doute revenir sur le changement qui a été opéré en 2010 pour des raisons qui n’étaient sans doute pas politiques. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.) À partir du moment où nous abrogeons le conseiller territorial, nous avons pensé, humblement, compte tenu de votre attachement au canton et à ce rapport de proximité, que nous pouvions revenir, au-delà des modifications que nous proposons, aux 10 %.
Mme Jacqueline Gourault. Très bien !
M. Manuel Valls, ministre. Nous verrons au cours du débat s’il nous faut évoluer ensemble sur cette question. En revanche, je vous le dis très clairement, je n’admets pas l’accusation qui nous est faite de vouloir manipuler le scrutin en fonction du Front national. De ce point de vue, sur le fond, la majorité et le Gouvernement n’ont aucune leçon à recevoir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, je demande une suspension de séance pour réunir le groupe UMP.
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures quarante-huit.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Je souhaite m’adresser à M. Jean-Pierre Michel. En tant que membre de la commission des lois, je pense être autorisée à prendre la parole…
Monsieur Michel, vous avez coutume de vous livrer à la provocation. Rappelons-nous des propos que vous avez tenus en commission des lois au sujet du droit local en Alsace voilà quelques semaines.
Je regrette beaucoup que vos collègues aient largement applaudi après vos provocations dirigées contre les Vendéens. Nous vous demandons d’ailleurs de retirer ce que vous avez dit et de vous excuser. Si vous refusez, je me verrai contrainte de demander l’application de l’article 94 du règlement du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Je ne pensais pas avoir choqué mes collègues à ce point. Je n’ai en aucun cas mis en cause les Vendéens : les Français qui habitent le département de la Vendée sont des Français comme les autres. J’ai simplement dit, madame Troendle, que j’étais choqué du fait que les élus de ce département aient choisi comme logo l’emblème des Vendéens qui avaient combattu la République. C’est tout ! C’est un fait historique, point final !
M. le président. Madame Troendle, maintenez-vous votre demande ?
Mme Catherine Troendle. Oui, monsieur le président.
M. le président. Dans ces conditions, je suspends la séance pour dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante, est reprise à minuit.)
M. Bruno Retailleau. Il n’est que temps de mettre fin à cet incident regrettable.
Je ne suis pas membre de la commission des lois, mais je suis sénateur. Or, en tant que parlementaires, mes chers collègues, nous devons maîtriser tous les textes que nous examinons. Le poids de notre voix n’est pas pondéré par notre appartenance à telle ou telle commission. En outre, lorsqu’un groupe désigne l’un de ses membres pour intervenir à la tribune, un autre groupe ne saurait lui contester cette légitimité. Est-ce clair ?
Cela étant, dans le logo de la Vendée figure effectivement une croix stylisée. Faut-il abattre la croix de Lorraine à Colombey-les-Deux-Églises, débaptiser l’Hôtel-Dieu ?
Je suis fier, monsieur Michel, que l’emblème de la Vendée flotte aujourd’hui sur toutes les mers du monde et fasse vibrer le cœur de nombreux passionnés, quelles que soient leur origine, leur couleur de peau et leur religion.
La Vendée, c’est un territoire ouvert sur les mers du monde, un territoire qui aime aller de l’avant. Tous nos succès ont été acquis, non parce que nous sommes nés avec une cuillère en argent dans la bouche, mais par nos conquêtes, notre travail. Voilà la Vendée que nous aimons !
La Vendée est le reflet de cette double tradition qui tisse la trame française.
La Vendée, c’est aussi Clemenceau, qui disait : « C’est au caractère vendéen que je dois le meilleur de mes qualités ». Il a d’ailleurs rendu un hommage vibrant aux Vendéens de 1793. Je vous invite à la très belle exposition organisée par le conseil général de la Vendée sur Clemenceau et les impressionnistes – il était ami avec Claude Monet – où vous y verrez Les Nymphéas, des œuvres de Rodin et de Manet.
La Vendée, c’est le Clemenceau de l’Union sacrée de 14-18, le « Père la Victoire » ; c’est aussi Jean de Lattre de Tassigny, fruit d’un autre héritage, la tradition blanche, qui a signé à Berlin l’acte de capitulation face au maréchal Keitel. Deux enfants de Vendée, deux enfants de France, nés dans le même village, Mouilleron-en-Pareds. Je suis fier de ce qu’ont fait mes aïeux, et jamais je ne rabaisserai cet étendard.
L’histoire de France, nous en sommes les héritiers, et j’entends que, ici comme ailleurs, mais surtout au sein de la Haute Assemblée, nous puissions en être fiers.
Chose curieuse, avant Noël, j’ai adressé une demande à M. Jean-Pierre Bel pour organiser la projection au Sénat d’un très beau film que nous avons coproduit avec France Télévisions sur Georges Clemenceau. J’espère vous y voir pour que vous puissiez admirer ce tempérament forgé en Vendée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)