Mme Nathalie Goulet. Ça ne lui a pas réussi ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Raoul. Il ne suffit pas d’en parler !
Mme Natacha Bouchart. … se fait véritablement sentir sur le terrain.
J’en veux pour preuve les difficultés qu’a rencontrées dernièrement l’entreprise La Calaisienne, une PME de cent personnes confectionnant à Calais les uniformes de sortie et de cérémonie des armées françaises de terre et de l’air, au moment où le ministère de la défense avait lancé un appel d’offres dont l’allotissement favorisait les délocalisations.
Au-delà de toutes ces observations, il me semble important de rappeler de nouveau que les PME françaises ont besoin de gestes de confiance. La fiscalité, les avantages dont bénéficient les plus grandes structures, ainsi que certaines mentalités font que nos PME ne se sentent pas soutenues.
Puisque nous sommes tous convaincus qu’il est urgent de les appuyer, écoutons-les et donnons-leur la seule chose qui compte, en politique comme en tout autre domaine : les preuves de la confiance de la société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sortons d’une très longue période pendant laquelle les PME et les TPE ont été trop souvent les parents pauvres des politiques économiques et fiscales qui se sont succédé.
Je citerai quelques exemples. Je pense à la fiscalité. Rappelez-vous, lorsque la focale a été mise sur la fiscalité des grands groupes et sur celle des PME et des TPE : 33 % d’un côté contre 8 % en moyenne de l’autre ! Je pense aussi à la réforme de la taxe professionnelle. Tout le monde s’accorde à dire que les PME-TPE n’ont pas été les grandes gagnantes de cette réforme,…
M. Marc Daunis. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Martial Bourquin. … qui a été bâclée. Je pense également au crédit d’impôt recherche, qui privilégie les grands groupes et parfois les banques. Je pense enfin aux restrictions prises à l’encontre des jeunes entreprises innovantes, qui ont été souvent considérées comme des variables d’ajustement budgétaires.
Nous sortons d’une longue période – croyez-moi, en matière économique, dix ans, c’est long ! – au cours de laquelle ont été avancées des propositions parfois incohérentes, qui n’ont jamais réussi à mettre fin à une exception française : notre pays compte un nombre très insuffisant d’ETI. Elles n’ont surtout pas réussi à freiner la désindustrialisation massive qui touche la France. L’industrie manufacturière représente 14 % de notre PIB. C’est un décrochage impressionnant par rapport à la moyenne européenne, qui est de 22 % ou de 24 %.
Nous sortons, enfin, d’une période où les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, entre les grandes entreprises et leurs fournisseurs, malgré la loi de modernisation de l’économie, continuent d’être régies par la loi du plus fort.
Depuis maintenant un peu plus de six mois, le Gouvernement et la majorité à laquelle j’appartiens ont fait de la lutte en faveur de la réindustrialisation et contre le chômage une priorité. La tâche est immense. Il faudra sans doute du temps pour retrouver le chemin de la croissance et de la compétitivité. Néanmoins, il nous faudra obtenir des résultats rapidement, dans une économie européenne qui peine à retrouver la croissance.
Dans cette reconquête de l’emploi et de la réindustrialisation, les PME, les TPE, ainsi que l’artisanat doivent être enfin considérés comme des partenaires naturels de premier plan.
De ce point de vue, nous avons bien sûr tout lieu d’être fiers de la vitalité de nos quarante grands groupes, car ils ont toute leur place dans l’économie nationale. Cependant, nous ne pouvons plus, comme nous l’avons dénoncé à maintes reprises, notamment dans le cadre de la mission sur la réindustrialisation, faire comme si ces quarante grands groupes étaient les seuls acteurs de notre économie. Nous bénéficions également de l’apport de milliers de PME et de TPE, qui représentent des millions de salariés. Il s’agit là d’une richesse incomparable. Voilà pourquoi nous devons les aider à se développer, à exporter, à embaucher, à investir et à créer de la valeur.
La volonté de soutenir l’emploi se joue ici, comme la bataille en faveur de l’investissement et de l’exportation. À ce titre, on sait très bien que la question de l’innovation est fondamentale.
Sans les PME, je le dis tout net, il n’y aura pas de résultat sur le front du chômage, pas plus que sur le terrain du commerce extérieur, dont il convient de combler le déficit. Ce sont certainement les PME qui permettront de gagner la bataille de la production française, bassin de production après bassin de production, bassin d’emploi après bassin d’emploi.
Le contrat de génération, qui sera prochainement mis en place, permettra de régénérer la pyramide des âges dans de nombreuses entreprises, afin de favoriser le transfert de compétences. De la sorte, le savoir-faire des aînés sera transmis aux nouvelles générations.
Nous mettrons également en œuvre une politique d’alternance concernant l’apprentissage, très près des entreprises, afin que les apprentis soient placés en situation de travail. Voilà les réponses concrètes qu’apportent aujourd’hui le Gouvernement et la majorité aux problèmes des PME-TPE.
En quelques mois, des mesures structurelles cohérentes ont été prises. Elles devraient permettre de répondre aux préoccupations premières des chefs d’entreprise et de déclencher une dynamique d’investissement et de réindustrialisation. C’est maintenant qu’il fallait prendre ces mesures, au plus fort de la crise, pour que nous puissions aborder la reprise économique dans les meilleures conditions. Ainsi, l’emploi, l’innovation et l’industrie ne manqueront pas le rendez-vous de la croissance lorsque celle-ci reprendra en Europe.
Premièrement, le nerf de la guerre, bien entendu, c’est le financement. J’ai reçu ce matin, dans le cadre du groupe d’études sur l’industrie, les membres de la direction de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME. Ils m’ont confirmé leurs difficultés d’accès aux financements privés, la frilosité des banques, l’indigence, parfois, du capital-risque en France.
À ce titre, chers collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, la création de la Banque publique d’investissement et son accessibilité privilégiée pour les PME doit nous paraître une excellente chose !
M. Francis Delattre. Quand fonctionnera-t-elle ?
M. Martial Bourquin. Cela arrive, cher collègue !
M. Marc Daunis. Vous avez perdu dix ans, vous pouvez bien attendre encore un peu ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Daniel Raoul. C’est la vérité !
M. Martial Bourquin. Nous avons évoqué cette question il y a quelques semaines. Vous avez dirigé le pays pendant dix ans !
M. Francis Delattre. OSEO fonctionnait !
M. Martial Bourquin. Nous ne sommes pas au pouvoir depuis longtemps. Le projet de loi a été voté au Sénat il y a quelques semaines. La BPI arrive !
M. Francis Delattre. Vous avez perdu un an. Pouvions-nous nous le permettre ?
M. Martial Bourquin. Quoi qu’il en soit, la future Banque publique d’investissement sera aux côtés des PME et des TPE.
Le deuxième point, c’est la compétitivité. Les PME pourront dès cette année bénéficier du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. J’ai entendu tout à l’heure parler de certains sondages... Bien sûr que les chefs d’entreprise auront accès à ce dispositif ! Ce crédit est fait pour eux ! Il représente un allégement de 4 % des cotisations sociales, ce qui n’est pas négligeable dans un contexte de trésoreries fragilisées par des commandes raréfiées.
Troisième point, je sais que le Gouvernement travaille en concertation avec les partenaires sociaux pour simplifier les démarches administratives. C’est une priorité. Nombreuses sont les PME qui se noient dans des procédures parfois ubuesques : c’est un temps précieux qu’elles ne consacrent pas à monter des dossiers de développement, d’exportation et d’innovation. Je me permets, madame la ministre, d’insister sur une nécessaire réforme du régime social des indépendants, le RSI.
Mon quatrième point, et non des moindres, portera sur le brevet unique européen.
M. Marc Daunis. Eh oui, il faut en parler !
M. Martial Bourquin. Ce dispositif est tout récent, chers collègues de l’opposition, puisqu’il a vu le jour lors du conseil des ministres européens de l’industrie en décembre dernier. Dès le 1er mai prochain, des milliers de PME n’auront plus besoin de traductions financières onéreuses pour déposer leurs brevets.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Martial Bourquin. Les grandes déclarations de cœur, c’est bien beau, mais, comme chacun sait, en amour, seules les preuves comptent. Voilà bien la preuve que le Gouvernement et la majorité sont aux côtés des PME.
Reconnaissez, mes chers collègues, que cela fait beaucoup en peu de temps. Nous sommes dans le concret. D’autres pistes mériteraient d’être explorées.
Je souhaite dire quelques mots sur les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, un sujet crucial pour l’avenir de notre industrie et de notre tissu économique. La mission d’information commune que nous avons menée en 2010 et en 2011 au Sénat, certains s’en souviennent, avait montré que ces relations étaient déséquilibrées. L’Allemagne et l’Italie ont pris des dispositions pour protéger les petites entreprises qui innovent ; pas nous !
Combien avons-nous d’exemples d’entreprises innovantes que leurs donneurs d’ordre ont laissé couler pour se constituer de la trésorerie, ou, pire, pour récupérer des brevets et embaucher les meilleurs éléments que ces PME auront formés ? Trop, beaucoup trop ! Et cette situation, dont nous semblons nous accommoder, n’est plus acceptable.
La masse du crédit interentreprises atteint 600 milliards d'euros.
M. Daniel Raoul. C’est grave !
M. Martial Bourquin. Une telle masse monétaire, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, est un frein majeur à la compétitivité, à l’investissement et à l’emploi. Elle est bien évidemment révélatrice de la difficulté des entreprises, notamment petites et moyennes, d’obtenir des délais de paiement acceptables. Ce laisser-faire, qui pourrait être criminel – « ces PME qu’on assassine », avait dit M. Volot – révèle également un manque d’attention majeur envers ces petites et moyennes entreprises.
J’ai été chargé de mener à bien un inventaire des problèmes rencontrés par ces PME, notamment dans le secteur industriel, et de rendre, dans quelques semaines, au ministère des finances et du redressement productif un rapport préconisant des mesures simples et, je l’espère, efficaces pour réguler et pacifier les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants ; la santé et la vitalité de beaucoup de PME en dépendent.
Dernier point, mais je laisserai mon ami Marc Daunis en parler plus longuement, j’attends des mesures structurelles pour promouvoir la mise en réseau systématique de nos PME.
Nous avons besoin d’écosystèmes industriels intelligents, cohérents, qui fonctionnent entre eux, afin de favoriser le partage de l’information et de l’innovation et de permettre l’instauration d’une véritable solidarité entre les territoires et entre les entreprises. (M. Daniel Raoul acquiesce.) En Allemagne, dans les districts italiens, cela existe. Cela commence à se faire chez nous. J’ai rencontré les acteurs de ces écosystèmes dans le Nord, notamment à Sochaux qui « clustérise » son territoire, à Sofia-Antipolis et dans plusieurs autres secteurs.
C’est là, à mon sens, une orientation très importante pour notre industrie. Ces écosystèmes lui permettent de fonctionner de façon intelligente. Ils favorisent entre nos grands groupes, nos champions de l’industrie et nos PME des rapports de solidarité, de complémentarité, et non de soumission. Tel est le gage du succès. Si nous savons les développer, nous saurons gagner la bataille de l’industrie et permettre à notre économie de retrouver tout son dynamisme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les petites et moyennes entreprises englobent un monde très varié selon les domaines d’activité et, bien sûr, la taille de l’entreprise, qui va de vingt salariés à plusieurs centaines. C’est dire combien la thématique du débat que nous avons aujourd’hui est large et combien les questions peuvent être diverses.
Les PME sont un moteur incontestable de la création d’emplois en France. Plus de 600 000 emplois nets ont été créés ces dix dernières années par les entreprises de moins de 500 salariés, répartis à peu près à égalité entre les sociétés de moins de 20 salariés et celles qui en comptent de 20 à 499.
Il apparaît donc essentiel de « sécuriser l’environnement des PME », en leur garantissant de la stabilité et de l’activité. C’est dans ce sens qu’il faut mener la réflexion pour rééquilibrer les relations entre grandes et petites entreprises, encourager l’innovation, l’export et la formation.
Interroger la place des PME dans l’économie, c’est donc poser la question de la politique économique que nous trouvons la plus pertinente pour pérenniser et encourager le développement de ce tissu économique et être aux côtés des entrepreneurs et des salariés.
Face à l’hétérogénéité des PME, une certaine homogénéité des difficultés s’affirme, notamment en termes de capacité à investir. Les PME n’investissent plus. En 2010, le taux d’investissement des PME était de 13 %, contre 18,7 % pour l’ensemble des entreprises. Comme le rappellent les dirigeants des PME, il s’agit du taux le plus bas depuis 1996. L’un des obstacles majeurs réside dans les difficultés de trésorerie et d’accès au crédit. Ce sera le premier point de mon intervention.
L’accès au financement des PME est difficile. En 2012, selon la CGPME, 69,5 % des dirigeants de PME ont subi au moins une mesure de restriction sur leurs conditions de financement ; ils étaient 71 % en 2011. De même, si, d’après les enquêtes de la Banque de France, les critères d’octroi des crédits aux entreprises n’ont pas changé durant l’année, ils n’ont pas non plus été assouplis. Dans ce contexte, la création de la Banque publique d’investissement suscite beaucoup d’espoirs.
Cependant, comme nous avons pu l’expliquer lors des débats sur le projet de loi relatif à sa création, la BPI ne nous semble pas complètement en mesure de répondre aux besoins de liquidités et de trésorerie immédiate des entreprises. Cet instrument est très loin du pôle financier public que nous proposons pour faire décoller le financement de l’activité économique.
Tout d’abord, la BPI n’est pas suffisamment dotée et, surtout, elle n’est pas un véritable établissement de crédit. Comme vous le savez, mes chers collègues, elle n’a pas la possibilité de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne. Nous avions demandé que ce soit le cas. Cela n’a pas été accepté et, aujourd’hui, nous inscrivons les PME dans un contexte financier similaire à celui d’hier, ce qui implique la répétition des mêmes obstacles pour ces entreprises. Aux niveaux européen et national, des réformes ambitieuses doivent être engagées.
Je rappelle que, entre décembre 2011 et février 2012, la Banque centrale européenne, la BCE, a prêté aux banques, au taux de 1 %, quelque 1 000 milliards d’euros, et cela sans aucune condition d’utilisation. Les banques privées n’ont pas réinjecté tout l’argent dont elles ont bénéficié dans l’économie réelle. Des entreprises rentables ont été et sont asphyxiées pour de simples problèmes de trésorerie.
Pour donner une réponse aux problèmes récurrents d’accès au crédit des PME, il est nécessaire, à l’échelon européen, de porter une réforme de la BCE. Ainsi, nous estimons que le refinancement des crédits bancaires devrait être différent selon qu’il s’agit de financer de l’économie réelle ou des opérations financières. La BCE devrait également être autorisée à prêter aux États membres.
En interdisant à la BPI de se refinancer auprès de la BCE, on lui impose d’emprunter aux banques privées aux taux auxquels ces dernières voudront bien lui prêter. Cela ne nous rassure pas sur la capacité de la BPI à répondre aux enjeux en présence. Toutefois, comme l’a dit mon collègue Éric Bocquet il y a quelques semaines ici même, nous attendons de voir comment sera utilisée la BPI.
Un autre instrument mis en place par le Gouvernement, qui ne rompt absolument pas avec les politiques menées encore voilà peu, est censé relancer l’activité économique : il s’agit du crédit d’impôt pour la croissance et l’emploi, le CICE. Nous avons vivement dénoncé ce crédit d’impôt de 20 milliards d’euros pour les entreprises et la modification des taux de TVA qui doit permettre de le financer.
D’une part, ce crédit accordé sans conditionnalité constitue un véritable chèque en blanc et ne garantit pas la création d’emplois ou la relance de la politique d’investissements des PME. De plus, à ceux qui lui reconnaîtraient des vertus, il faut rappeler que le CICE ne bénéficie qu’aux PME constituées en sociétés anonymes ou en sociétés à responsabilité limitée. Il est donc vecteur de distorsion entre les PME et, de manière contradictoire, il alimentera plus la trésorerie des donneurs d’ordre.
D’autre part, la hausse de la TVA aura des conséquences lourdes sur le pouvoir d’achat des ménages, et elle entraînera bien plus d’effets récessifs que le crédit d’impôt n’emportera d’effets positifs.
Ensuite, je voudrais insister sur la nécessité de changer radicalement de cap dans la politique économique et industrielle de notre pays.
En effet, les PME sont étroitement liées à la bonne santé du secteur industriel. Je pense ici à l’industrie automobile, qui constitue l’une des grandes filières industrielles de notre pays. Au total, 800 000 salariés au moins travaillent en lien avec le secteur automobile, compte tenu de ses effets induits. Aider les PME, c’est aussi leur garantir des débouchés en lien avec l’industrie nationale, et c’est donc se donner les moyens de pérenniser cette activité. Au contraire, les délocalisations, les fermetures de sites continuent, sous la pression de la financiarisation de l’économie.
Après PSA, les chiffres calamiteux de l’industrie automobile française vont faire d’autres victimes collatérales. Renault, qui se trouve pourtant en meilleure santé que son principal concurrent dans l’Hexagone, a annoncé la suppression de 7 500 postes en France, l’un des pires « plans sociaux » de son histoire. Aujourd’hui, l’entreprise menace de fermer deux sites si aucun accord de compétitivité n’est trouvé. Ce chantage est inadmissible et l’État doit être aux côtés des salariés du groupe pour défendre l’ensemble du bassin d’activité qui en dépend.
Lors du débat que nous avions engagé il y a un an sur l’industrie automobile, Renault inaugurait à Tanger une usine dont une partie des véhicules a vocation à être réimportée en France. Il nous semble que des mesures pourraient être rapidement prises pour éviter de tels comportements, à commencer par l’interdiction des licenciements boursiers ou l’instauration d’une taxe sur la réimportation des productions délocalisées. Il y va de la survie de nombreuses entreprises.
Il est important d’évoquer ici les liens entre les donneurs d’ordre – pour la plupart de grandes entreprises – et les sous-traitants. Dans le secteur automobile, mais cela est vrai dans bien d’autres, je pense en particulier à l’agroalimentaire, les sous-traitants sont considérés non pas comme des partenaires, mais comme un réservoir de productivité à exploiter pour conforter unilatéralement les marges des donneurs d’ordre.
Nombreuses sont les pratiques illégales dénoncées par le médiateur de la sous-traitance : désengagement brutal du donneur d’ordre, exploitation de brevet ou de savoir-faire sans l’accord du sous-traitant, baisse de prix imposée unilatéralement sur des programmes pluriannuels, travail non rémunéré, incitation à la délocalisation. Il est urgent de prendre des mesures pour rétablir un équilibre dans ces relations commerciales, surtout quand la PME n’a qu’un seul client.
Je voudrais maintenant évoquer l’un des secteurs que j’affectionne.
Lors des débats sur la loi de modernisation de l’agriculture, nous avions évoqué l’intérêt de développer les circuits courts pour donner un nouveau souffle entrepreneurial dans l’agriculture. Certains partenariats sont mis en place entre la grande distribution et des producteurs et entreprises locales. Nous pensons qu’il serait utile de revenir sur la question des relations commerciales entre PME, centrales d’achat et grande distribution. Si certains efforts ont été consentis en termes de délais de paiement, le déséquilibre dans les relations entre certains fournisseurs et distributeurs est toujours d’actualité. Résoudre ce problème est aussi une condition au développement des PME dans ce secteur d’activité.
Enfin, est-il possible de parler des PME sans évoquer celles et ceux qui y travaillent, le rapport de l’homme au travail, les discriminations salariales hommes-femmes, les méthodes de management qui mériteraient une sérieuse évolution pour que chacun se sente bien dans l’entreprise ?
Le projet d’entreprise ne doit plus être seulement l’affaire du patron ou des actionnaires : tout le monde doit y trouver sa place. Les sociétés coopératives et participatives, les SCOP, sont une illustration de ce vers quoi peut évoluer une entreprise mais, quel que soit le statut des entreprises, il me semble impératif qu’elles évoluent dans le domaine de l’humain. Tout le monde y gagnera ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’intéresser aujourd’hui aux difficultés, aux attentes, aux inquiétudes des PME relève, eu égard à la situation du chômage, de l’esprit civique.
Les PME emploient près de 7 millions de personnes en France, soit pratiquement 50 % des salariés du secteur privé. Cela fait longtemps que l’on entend dire qu’il faut favoriser, renforcer, accompagner les PME, qu’elles sont l’arme la plus fiable pour lutter contre le chômage.
En réalité, nous sommes toujours très doués, toutes tendances confondues, pour établir des diagnostics ; nous sommes un peu plus en difficulté lorsqu’il s’agit de trouver des solutions concrètes !
M. Antoine Lefèvre. Eh oui !
M. Francis Delattre. Aussi, on crée des commissions. Nous nous souvenons de la commission présidée par M. de Virville, directeur chez Renault, qui visait à simplifier le code du travail. Nous avons eu ensuite la commission présidée par M. Attali, qui avait formulé 300 propositions. On n’en a retenu qu’une seule, celle qui concerne la rupture conventionnelle du contrat de travail. En réalité, on réforme souvent a minima.
Le soutien aux PME était l'un des engagements de campagne du Président de la République, mais, depuis lors, le vent s'est levé, l'ambiance s'est tendue, la grogne des « Pigeons » est passée par là. Le Gouvernement marche sur un fil et sans filet,…
M. Yannick Vaugrenard. C’est courageux, tout de même ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Francis Delattre. … sous la pression de sa majorité plurielle, en réalité souvent versatile, qui lui rappelle sans cesse ses engagements électoraux. Aujourd'hui, après six mois de présidence – je n’évoquerai pas les dix ou quinze années passées –, quelle est la situation ?
Nous constatons que l'économie française a perdu 63 800 emplois, dont environ 80 % concernent effectivement les PME. Ces destructions d'emplois affectent toutes les régions et toutes les catégories socioprofessionnelles. Chacun peut constater une perte globale d’effectifs dans l’industrie, où nous avions cinq millions de salariés dans les années quatre-vingt, alors qu’il n’en reste plus qu’environ trois millions.
Nous avons un autre critère : les pertes de parts de marché, qui sont considérables à l’exportation. Elles sont passées de 12,7 % en 2000 à 9,3 % aujourd'hui. La perte de compétitivité est donc le problème central de ce pays. Le rapport Gallois l’a fait apparaître au grand jour, et ce constat est aujourd’hui largement partagé.
Ce rapport préconisait des réformes structurelles et un choc de compétitivité consistant à réduire les cotisations sociales de 30 milliards d'euros sur un an ou deux ans au maximum. C’eût été une bonne mesure, qui aurait permis de rendre assez rapidement de l’oxygène et de la confiance aux entreprises.
La difficulté est qu’aujourd’hui, mes chers collègues, nous ne disposons pas d’un dispositif tout à fait opérationnel. Pour 2013, je suis impatient qu’on m’explique comment le pacte de compétitivité va fonctionner… En réalité, ce plan ne commencera à fonctionner qu’en 2014, 2015 et 2016. La vraie difficulté, le véritable problème est de savoir si nous pouvons encore attendre, alors que le chômage s’emballe.
À vrai dire, madame la ministre, nous aurions préféré que vous conserviez le dispositif dit « de TVA sociale », qui était en place – même s’il était tardif – et qui, dès 2013, aurait produit les effets visés par l’analyse du rapport Gallois. (M. Marc Daunis s’exclame.)
Par ailleurs, quelle vision de nos entrepreneurs véhiculons-nous ? C’est aussi un problème important, car on confond régulièrement spéculation et initiative entrepreneuriale. Je parle des entrepreneurs tels que nous les connaissons et les côtoyons dans nos départements, dans nos villes. Un dirigeant de PME apporte son expertise, un métier, son sens créatif, son temps – il est très loin, en général, des 35 heures –, souvent son argent et même, parfois, sa santé. Il mériterait, de notre point de vue, une considération plus affirmée dans la communication gouvernementale, notamment.
En général, la richesse de l’entrepreneur prend la forme de brevets, de bâtiments ou de machines. Elle est fragile, au regard du nombre croissant des concurrents à travers le monde. Enfin, cette richesse fournit du travail à nos compatriotes, qui n'attendent d'ailleurs pas grand-chose d'un État surendetté, incapable de s'adapter aux défis d’une mondialisation qui constitue leur quotidien. De cela, vous ne portez pas, seuls, la responsabilité ; je veux bien croire que nous puissions la partager s'agissant de ces dernières années.
M. Daniel Raoul. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Francis Delattre. Seules, les entreprises créent des biens et des emplois durables. Elles suscitent des flux fiscaux et sociaux significatifs pour l'État, qui devrait les respecter en ne changeant pas la réglementation, notamment fiscale, tous les quatre matins, car les PME ont surtout besoin de visibilité et de stabilité.
Maxime Aïach, président d'Acadomia, disait dans la presse il y a un mois : « Quand j'entends Michel Sapin, le ministre du travail, expliquer qu'il va veiller à ce que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ne soit pas utilisé par les patrons pour s'acheter une Jaguar, je le prends comme une insulte. Quel mépris ! ». Maxime Aïach a raison, ce type de petite phrase, prononcée par un ministre de la République, n'est pas responsable.
Les résultats de cette politique, accompagnée par de telles diatribes, sont inquiétants. Il y a peu, M. Frassa, sénateur des Français de l'étranger, expliquait dans la presse que le nombre d'exilés fiscaux avait été multiplié par cinq ; ce sont des chefs d'entreprises, des cadres supérieurs et des jeunes diplômés.
Jadis, les Huguenots avaient quitté la France après la révocation de l'Édit de Nantes. Ils ont apporté leur savoir-faire dans tous les pays du nord de l’Europe, aujourd'hui prospères. Trois cents ans plus tard, on vit des phénomènes migratoires assez semblables, dont les conséquences sont tout à fait prévisibles.