Sommaire
Présidence de Mme Bariza Khiari
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jacques Gillot.
3. Modification de l'ordre du jour
4. Démission de membres de commissions et candidatures
5. Décision du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
6. Création d'une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales. – Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Discussion générale : Mme Jacqueline Gourault, coauteur de la proposition de loi ; MM. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi ; Alain Richard, rapporteur de la commission des lois ; Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
M. Éric Doligé, Mmes Cécile Cukierman, Nathalie Goulet, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Hélène Lipietz, MM. René Vandierendonck, Dominique Bailly, Alain Néri.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. le rapporteur, Mme Marylise Lebranchu, ministre. – Adoption.
Amendement n° 13 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
Amendement n° 21 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 16 rectifié bis de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
M. le rapporteur, Mmes Marylise Lebranchu, ministre ; Hélène Lipietz, M. Éric Doligé. – Retrait de l’amendement no 13 rectifié ; adoption de l’amendement no 21 ; rejet de l’amendement no 16 rectifié bis.
Amendement n° 1 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest. – M. Éric Doligé.
Amendement n° 24 de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
Amendement n° 12 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
M. le rapporteur, Mme Marylise Lebranchu, ministre ; MM. Jean-Claude Frécon, René Garrec, Éric Doligé, Alain Néri, Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Pierre Plancade, Mme Hélène Lipietz. – Rectification de l’amendement n° 24 ; retrait de l’amendement no 1 rectifié ; rejet des amendements nos 24 rectifié et 12 rectifié.
Amendement n° 17 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; M. Jean-Claude Frécon. – Adoption.
Amendement n° 14 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Devenu sans objet.
Amendement n° 4 rectifié de M. Philippe Dallier. – M. Éric Doligé.
Amendement n° 10 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. Philippe Bas, Éric Doligé, Mme Cécile Cukierman. – Retrait de l’amendement no 4 rectifié ; rejet de l’amendement no 10 rectifié.
Amendement n° 7 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Retrait.
Amendement n° 22 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Adoption.
Amendement n° 2 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest. – M. Éric Doligé.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Mme Cécile Cukierman, M. Éric Doligé. – Retrait de l’amendement no 2 rectifié ; adoption de l’amendement no 11 rectifié.
Amendement n° 6 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Retrait.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Adoption.
Amendement n° 19 rectifié bis de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. René Vandierendonck, Jean-Claude Frécon. – Adoption.
Amendement n° 8 de Mme Nathalie Goulet. – Mme Nathalie Goulet, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Retrait.
Amendement n° 23 de la commission. – M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. – Adoption.
Amendement n° 3 rectifié de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Éric Doligé, le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; M. René Garrec. – Retrait.
Amendement n° 18 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; MM. Jean-Claude Frécon, Alain Néri, René Vandierendonck. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 25 du Gouvernement. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée ; M. le rapporteur. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Mme Nathalie Goulet, MM. Philippe Bas, René Vandierendonck, Mme Cécile Cukierman, MM. Éric Doligé, Jean-Pierre Plancade, le président de la commission.
Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
7. Nomination de membres de commissions
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décès d'un ancien sénateur
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Charles Jolibois, qui fut sénateur du Maine-et-Loire de 1983 à 2001.
3
Modification de l'ordre du jour
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question orale n° 258 de Mme Valérie Létard est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 19 février 2013.
Par ailleurs, la question n° 318 de M. Georges Labazée pourrait être inscrite à la séance du même jour.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
4
Démission de membres de commissions et candidatures
Mme la présidente. J’ai reçu avis de la démission de M. Paul Vergès comme membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, et de M. Michel Billout, comme membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
J’informe le Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a fait connaître à la présidence le nom des candidats qu’il propose pour siéger à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de M. Paul Vergès, démissionnaire, à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Michel Billout, démissionnaire.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
5
Décision du Conseil constitutionnel sur deux questions prioritaires de constitutionnalité
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 25 janvier 2013, une décision du Conseil sur deux questions prioritaires de constitutionnalité portant sur l’article 268 du code des douanes (taxation des tabacs dans les départements d’outre-mer) (nos 2012-290 et 2012-291 QPC).
Acte est donné de cette communication.
6
Création d'une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales
Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi portant création d’une Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales, présentée par Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 119, texte de la commission n° 283, rapport n° 282 ).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Gourault, coauteur de la proposition de loi.
Mme Jacqueline Gourault, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, à la demande du président du Sénat, nous avons rédigé, M. Sueur, en tant que président de la commission de lois, et moi-même, en tant que présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, la présente proposition de loi.
Ce texte fait suite aux états généraux de la démocratie territoriale, qui avaient confirmé que la régulation des normes était une préoccupation majeure, déjà mise en lumière par les travaux de la délégation, des élus locaux. Comme l’a dit en commission des lois M. Richard, « éviter la surcharge normative des collectivités territoriales » est un « objectif [qui] fait consensus depuis longtemps ». J’ajouterai qu’il s’inscrit dans une continuité républicaine.
Puisque l’occasion m’est donnée de prendre la parole en tant que présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, je tiens à rappeler que celle-ci a produit quatre rapports d’information relatifs aux normes.
En juin 2010, le rapport de MM. Krattinger et du Luart sur les compensations des transferts de compétences, qui consacrait de larges analyses à l’inflation normative des administrations de l’État, avait conclu à la nécessité de renforcer la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN.
En novembre 2010, le rapport de MM. Doligé et Jeannerot sur le bilan des transferts de personnel vers les collectivités territoriales abordait également le sujet des normes.
Dans notre rapport de février 2011 sur la nécessité de rénover le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales, M. Guillaume et moi-même relevions que la CCEN avait créé un cadre de dialogue utile, dans lequel la question du « stock » des normes réglementaires existantes devait être posée et résolue.
Enfin, chacun se souvient du rapport rendu en février 2011 par M. Belot sur les normes applicables aux collectivités territoriales.
En janvier 2011, le précédent Président de la République, qui avait confié à M. Doligé la mission de proposer des mesures de simplification ambitieuses, avait en effet sollicité parallèlement le Sénat afin d’obtenir un éclairage sur les normes existantes applicables aux collectivités territoriales. M. Belot, à l’époque président de notre délégation, avait alors constaté les insuffisances persistantes du dispositif en place, ce qui l’avait conduit à proposer de renforcer les moyens de la CCEN et d’élargir son champ de compétence.
La proposition de loi présentée par M. Doligé à l’issue de la mission que lui avait confiée le gouvernement précédent a donné lieu aux débats que vous savez et à l’adoption par cette assemblée de mesures répondant à des préoccupations partagées. Ce bref rappel historique montre combien le sujet est tout à la fois consensuel, transversal et permanent.
L’ensemble des travaux menés a mis en évidence la nécessité d’intervenir sur toute la chaîne de production des normes. Il apparaît indispensable non seulement de réguler l’ensemble des flux de normes applicables aux collectivités territoriales, mais aussi de s’attaquer au stock existant, tâche très lourde mais inévitable pour « desserrer » l’action des collectivités locales et améliorer les performances des politiques publiques dans les territoires.
C’est pourquoi il est absolument nécessaire de disposer d’une structure de dialogue forte, qui dispose des moyens nécessaires et de puissants relais dans l’administration et dans les collectivités, mais aussi au Parlement.
Je ferai une remarque incidente : l’ensemble des propositions de la délégation tendent à promouvoir une culture partagée de l’économie et de la mesure en matière de production normative. Les difficultés économiques et financières qui pèsent actuellement sur les collectivités locales nous contraignent à faire nôtre une telle culture.
Notre proposition de loi vise à mettre en place des procédures efficaces dans l’immédiat. Certains ont fait remarquer, lors des débats en commission, qu’elle était incomplète, mais il en va toujours ainsi. Pour autant, elle contient des dispositions très importantes.
Je citerai, tout d’abord, le renforcement de l’organisme chargé d’organiser le dialogue entre les collectivités et l’État, charge auparavant assumée par la CCEN. Ce point, à mon sens fondamental, constitue d’ailleurs l’idée centrale du présent texte. En l’occurrence, la CCEN serait remplacée, non par une Haute autorité, comme nous l’avions envisagé, mais, sur proposition de la commission des lois, par le Conseil national d’évaluation des normes, le CNEN. Cette dénomination très claire correspond parfaitement à l’objectif que nous visons.
Le Conseil national se prononcera sur l’ensemble des normes susceptibles d’être appliquées aux collectivités territoriales, y compris les projets de textes communautaires.
Il se prononcera également, dans le cas de sa saisine par le président de l’une des deux assemblées, sur les propositions de loi et amendements parlementaires, sauf si leurs auteurs s’y opposent.
Il pourra aussi se saisir de tout projet de normes techniques ayant un impact sur les collectivités territoriales.
Il aura compétence sur le stock des normes réglementaires en vigueur et pourra proposer des mesures d’adaptation.
Par ailleurs, la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES, sera intégrée dans le futur CNEN.
La proposition de loi tend à obliger le Gouvernement, en cas d’avis défavorable sur tout ou partie d’un projet de texte, à présenter un projet modifié dans un délai de six semaines.
En outre, les avis du Conseil national seront publiés au Journal officiel et annexés aux études d’impact.
Sont ainsi atteints les objectifs de renforcement organique et juridique de l’actuelle CCEN, renforcement qui était au cœur des travaux consacrés par notre délégation à la simplification des normes ; les propositions formulées dans nos différents rapports sont ainsi satisfaites.
Faire évoluer les pratiques et susciter une mobilisation à toutes les étapes du processus de production des normes est une incontournable nécessité, étant précisé que nous ne prétendons pas avoir épuisé le sujet avec la présente proposition de loi !
Comme vous le savez, diverses initiatives ont été prises par les gouvernements successifs.
Le 25 janvier 2013, une directrice chargée de la simplification, adjointe au secrétaire général du Gouvernement, a été nommée, ce qui constitue, me semble-t-il, un important signal.
Le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 18 décembre 2012, auquel vous avez, bien sûr, participé, mesdames les ministres, a décidé d’un certain nombre de mesures concrètes, telle que la généralisation des études d’impact à l’ensemble des textes réglementaires et aux transpositions du droit communautaire.
Le principe selon lequel toute création de normes nouvelles devra s’accompagner de l’abrogation d’un volume de normes équivalent a été consacré.
Enfin, une mission de lutte contre l’inflation normative a été confiée à deux élus : Jean-Claude Boulard, conseiller d’État honoraire et maire du Mans, et Alain Lambert,…
Mme Nathalie Goulet. Excellent !
Mme Jacqueline Gourault. … ancien ministre et président du conseil général de l’Orne, qui préside actuellement la CCEN.
Cette mission devra présenter, le 15 mars prochain, une liste de normes susceptibles d’être abrogées. Je puis dire, à la suite de la conférence de presse de MM. Boulard et Lambert, à laquelle j’ai personnellement assisté, que leur mission est tout à fait complémentaire de notre proposition de loi.
Toutes ces initiatives très opportunes devront s’inscrire dans la durée et, je l’espère, contribuer à changer les mentalités de l’administration, mais aussi celles des élus, les parlementaires compris…
Une fois les travaux de la mission de lutte contre l’inflation normative achevés, la tâche de simplification du stock devra se poursuivre, avec l’implication active de l’ensemble des administrations concernées et des associations d’élus.
La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, attentive au caractère stratégique de cette tâche, veillera à entretenir la dynamique indispensable. À cette fin, elle prendra régulièrement les contacts nécessaires avec l’ensemble des acteurs intéressés. Elle transmettra ainsi ses conclusions et propositions au Sénat, au premier chef, bien sûr, à la commission des lois.
Il est inutile de vous dire, mes chers collègues, que l’adoption de ce texte est attendue par tous les élus locaux. Ceux qui ont assisté aux états généraux de la démocratie territoriale ont pu le constater. C’est un point sur lequel il n’y a aucun doute ! La présente proposition de loi marquera une étape importante de ce que M. Boulard appelle « la chasse aux normes ». (Applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi.
M. Jean-Pierre Sueur, coauteur de la proposition de loi. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce fut assurément une bonne méthode que celle qui a été choisie par le Sénat à l'instigation de son président, M. Jean-Pierre Bel, et qui a consisté à réunir les états généraux de la démocratie territoriale.
Dans les 101 départements, à quelques rares – mais néanmoins regrettables – exceptions, ont eu lieu des réunions rassemblant des milliers d'élus locaux. La synthèse de ces travaux a été faite ici même et à la Sorbonne lors de travaux qui ont rassemblé des centaines de représentants des élus de toute la France.
Si certains s’étaient demandés, avec quelque scepticisme, ce qui pourrait ressortir des états généraux de la démocratie territoriale – s’agirait-il d’un colloque, d’un congrès, d’une consultation de plus ?… –, force est de constater que M. le président du Sénat a veillé à leur donner une suite concrète.
Jacqueline Gourault et moi-même avons ainsi été désignés pour préparer la traduction législative des conclusions des diverses tables rondes organisées pendant leur déroulement. C’est pourquoi nous examinons aujourd'hui cette proposition de loi et pourquoi nous débattrons demain de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Peu de temps se sera donc écoulé entre les états généraux de la démocratie territoriale et la discussion de ces deux textes en séance publique !
Lors de l’élaboration de la présente proposition de loi, nous avions conscience qu’il s’agissait, non pas de représenter tel ou tel parti politique, mais bien de récolter les fruits de la réflexion commune au Sénat et aux élus qui avaient bien voulu s'y associer.
Je souhaite redire à cette tribune que les normes ne tombent pas du ciel. Il y a là sans doute quelque schizophrénie, car ceux-là mêmes qui, le matin, protestent contre l'abondance des normes ne manquent pas, l’après-midi ou le soir, de réclamer des normes supplémentaires, toujours, bien sûr, pour de justes raisons : sécurité, solidarité, respect de l'environnement, droits des personnes... Nous ne sommes donc pas ici dans un débat simpliste opposant d'horribles fabricants de normes à d'angéliques partisans de leur abolition, mais bien dans un débat qui traverse nos rangs.
Après tout, mes chers collègues, la loi est une norme et notre mission ici est d’élaborer les meilleures lois, donc les meilleures normes, possibles. En revanche, il est vrai que l'excès de normes, même s’il découle en général de bonnes intentions,…
M. Alain Néri. ... ne tue pas la norme, malheureusement !
Mme Jacqueline Gourault. Dommage en effet !
M. Jean-Pierre Sueur. ... finit par tuer la norme. Certains parmi nous n'ont pas voté l'introduction dans la Constitution du principe de précaution tel qu'il était rédigé,...
M. Alain Néri. Ils avaient raison !
M. Jean-Pierre Sueur. ... aucun texte ne précisant comment il devait être mis en œuvre. L'abondance des normes est sans doute la conséquence de cette situation.
J'en viens à la proposition de loi. Il ne s'est pas agi de refaire ce qui avait déjà été fait. Je pense en particulier au travail d'Alain Lambert.
Mme Nathalie Goulet. Excellent ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. La Commission consultative d’évaluation des normes, qu'il préside, a publié un rapport très intéressant.
Je pense également au travail de notre collègue Éric Doligé, qui a rédigé un important rapport et présenté une proposition de loi que nous avons adoptée et qui comprend un grand nombre de points positifs. Vous constaterez, monsieur Doligé, que je tiens le même langage ici, à Paris, que dans un département qui nous est cher… (Sourires.)
Notre rôle n'était pas davantage de reprendre la réflexion in extenso sur tel ou tel champ, parce que le champ des normes est immense. En revanche, nous avons considéré que nous pourrions être utiles en renforçant un outil existant, à savoir la Commission consultative d’évaluation des normes, en lui conférant davantage de pouvoirs, de telle manière que la question soit traitée en amont : avant qu'un projet de loi n'arrive devant le Parlement ou qu'un texte réglementaire ne soit publié, cette instance devra nécessairement être saisie.
Nous avions proposé d'appeler ce nouvel organe la Haute autorité d’évaluation des normes. Sous l'impulsion de son rapporteur, Alain Richard, la commission des lois a préféré lui donner un autre nom : le Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités locales.
Ce dernier sera composé de représentants des communes, des intercommunalités, des départements, des régions et de l’État ainsi que de parlementaires – bien entendu, il n'y a pas lieu d'opposer l'État aux collectivités locales ou au Parlement !
Tout texte ayant pour effet de créer une norme applicable aux collectivités locales sera désormais obligatoirement soumis au préalable à cette instance, dont les avis – j’appelle votre attention sur ce point, mes chers collègues – seront publics. Chacun pourra donc les consulter.
La publicité des préconisations qu’il émettra sera loin d’être anodine, car tous – tout ministre, mais aussi le Parlement, étant rappelé que nous avons prévu la possibilité pour les présidents des assemblées ou pour les présidents de groupes de saisir le nouveau conseil – devront en tenir compte.
De même qu’un rapport est rendu pour chaque texte de loi, un avis du Conseil national sera émis avant toute discussion sur un texte législatif ou réglementaire.
Nous estimons que ce dispositif sera efficace. Certes, le Conseil national, s’il se prononce défavorablement, n'aura pas de pouvoir d'injonction sur le Parlement non plus que sur le Gouvernement – ce serait, vous le savez, mes chers collègues, inconstitutionnel –, mais ce dernier aura six semaines pour présenter une nouvelle copie.
Ce dispositif, tel qu’il va être amélioré grâce à nos travaux, permettra d’apporter des solutions en amont.
Dans la mesure où le champ est immense, il y a là non pas contradiction mais complémentarité avec le travail qu’ont accompli ou que vont accomplir Alain Lambert, Éric Doligé et Jean-Claude Boulard.
Mesdames les ministres, tous ceux qui ont participé aux états généraux de la démocratie territoriale souhaitent qu’une suite soit donnée à leurs travaux. Nous tenons donc tous à ce que ce texte prospère : s’il est adopté par le Sénat, ce que j'espère, il serait bon que l'Assemblée nationale puisse ensuite l’examiner dans des délais raisonnables, afin qu'il puisse être voté et mis en œuvre rapidement.
Je le sais, vous travaillez à d'autres textes, mais nos efforts ne sont pas divergents ; ils sont au contraire complémentaires, car « tout ce qui monte converge », pour reprendre la formule d’un auteur bien connu.
C'est dans cet esprit qu’avec Jacqueline Gourault nous avons l’honneur de vous demander, mes chers collègues, de bien vouloir voter ce texte. C’est normalement au rapporteur de lancer cet appel, mais je ne doute pas que nous soyons tous trois solidaires ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, ne voulant pas allonger cette discussion générale que je souhaite aussi plurielle que possible, je me bornerai à de brèves considérations générales avant de résumer en quelques traits le dispositif proposé et les modifications que la commission a cru utile de lui apporter.
L'enjeu de la régulation des normes et le consensus suscité par les états généraux de la démocratie territoriale pour agir en ce sens sont connus. On voit bien l’inspiration à l’origine de la proposition de loi élaborée par la présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et par le président de la commission des lois. Quelque chose me laisse espérer que ce texte rencontrera, en partie au moins, l’approbation du Gouvernement. C’est un bon début...
Le choix a été fait dans cette proposition de loi pleinement approuvée par la commission des lois d'établir un dispositif transversal, d'application générale, ce qui a conduit à un texte de procédure qui permettra d’agir point par point, domaine par domaine, sur l'ensemble des normes.
Il a donc été question, non pas de s'attaquer directement aux futures normes, mais de faire confiance à une instance compétente qui saisira dans ce but, par divers biais, soit le Gouvernement, soit le Parlement.
Un travail de simplification des normes a été largement entamé en parallèle par notre collègue Éric Doligé, dont un grand nombre de suggestions pourront être reprises prochainement.
Il a été décidé de partir du dispositif existant. Instaurée voilà maintenant quatre ans, la Commission consultative d'évaluation des normes, qui est juridiquement une sous-commission du Comité des finances locales, a en effet donné de sérieux motifs de satisfaction et l’expérience est, de l'avis de tous, positive.
Pour renforcer ce dispositif, Jacqueline Gourault l’a dit, le Gouvernement a procédé récemment à la désignation, auprès du Secrétariat général du Gouvernement, d’un commissaire à la simplification.
C'est dans cette logique que s’est inscrite la commission des lois. Sur la suggestion de plusieurs d’entre-nous, dont moi-même, elle s'est efforcée de préciser et de parfaire la cohérence de la proposition de loi.
Je mentionnerai six points sur lesquels cette dernière marque, selon moi, une évolution.
Les deux premiers portent sur l’élargissement des domaines de compétence du futur Conseil national.
Le premier point concerne la saisine de cet organisme consultatif sur les projets de loi. La CCEN n’en était saisie qu’à titre exceptionnel, alors que le nouvel organisme, si nous parvenons à un accord avec le Gouvernement, sera saisi de tous les textes législatifs sans distinction dès lors qu’ils auront une incidence technique ou financière. Il s’agirait là d’un changement majeur, l’expérience ayant démontré qu’une partie de la surcharge normative n’apparaît pas lors du processus réglementaire, mais est l’inévitable conséquence de l’adoption de dispositions législatives.
Le deuxième point concerne les autres extensions du champ de compétence de cet organisme. Un dispositif de saisine sélective mais volontaire du Conseil national sur les textes en discussion au sein de l’Union européenne est prévu, ce qui posera en réalité un double problème de détection et de sélection. Il faudra en effet que le Conseil national et ses services soient informés suffisamment en amont de l’arrivée en phase de négociation décisive des textes réglementaires européens. Le dispositif mis en place par le Secrétariat général des affaires européennes permettra de s’en assurer. Il incombera ensuite au Conseil national de sélectionner, parmi les projets de textes européens qui lui seront communiqués, ceux qui sont susceptibles de provoquer une surcharge normative et d’alerter le Gouvernement en conséquence.
Parmi les extensions de compétence, il faut encore signaler l’inclusion de la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES, au sein du Conseil national, en sorte qu’une coordination s’effectue.
Plusieurs de nos collègues ont en outre suggéré de doter le Conseil national du droit de se prononcer, de façon sélective, sur toute norme technique et donc d’interroger les organismes de certification ou de normalisation, au premier rang desquels l’AFNOR. Ces dispositifs ne sont certes pas juridiquement obligatoires, mais, parce qu’ils créent une référence technique, ils sont généralement repris par tous les acteurs économiques, avec des conséquences qui, si elles sont parfois positives, sont aussi souvent coûteuses pour les collectivités territoriales.
Troisième point, la proposition de loi prévoit de nouveaux outils de procédure pour assurer l’efficacité du futur Conseil national dans l’accomplissement de ses missions.
Il s’agit tout d’abord de simplifier les dispositions relatives aux cas de saisine obligatoire du Conseil. Le texte initial prévoyait qu’il soit saisi des normes ayant un impact financier. Toutes les autorités réglementaires se sont interrogées pour savoir ce que cela voulait dire. Quelqu’un a cru judicieux de préciser qu’il s’agissait des normes ayant un « impact financier, qu’il soit positif, négatif ou neutre », ce qui, évidemment, ne constituait pas un facteur radical de clarification du texte… (Sourires.) Vous sera donc proposée une rédaction qui énonce, premièrement, qu’une norme obligatoire présente nécessairement un caractère législatif ou réglementaire ou législatif et, deuxièmement, que le Conseil national est compétent dès lors que cette norme a un impact financier ou technique, formulation qui se suffit à elle-même.
Au-delà, le Conseil national devra disposer d’un délai suffisant pour accomplir son travail et il aura le droit de demander une seconde délibération sur tout projet à propos duquel il n’aura pas été possible d’arrêter un choix commun de simplification avec le Gouvernement.
Ses avis seront publiés au Journal officiel et inclus dans les études d’impact des textes législatifs qu’ils visent.
Mon quatrième point porte sur les outils administratifs mis à la disposition du Conseil, à commencer par l’augmentation du nombre de ses membres. M. Lambert nous a expliqué de façon très convaincante que, en raison de sa charge de travail, il était difficile de répartir correctement les tâches entre les membres de l’actuelle CCEN. De surcroît, ces derniers sont recrutés au sein du Comité des finances locales : il s’agit donc d’élus déjà chargés d’un certain nombre de missions et qui ne peuvent pas nécessairement consacrer à la CCEN un temps suffisant.
La proposition de loi prévoit donc que les membres du Conseil national seront plus nombreux que ne le sont ceux de la CCEN, ce qui leur permettra de travailler par sections face à l’ensemble des textes qu’ils auront à examiner.
Par ailleurs, tous ne seront pas forcément issus du Comité des finances locales, même s’il est sans doute souhaitable de conserver une petite composante commune. Notre texte prévoit donc de détacher le nouveau Conseil national du Comité des finances locales.
Après discussion avec les auteurs de la proposition de loi, il est apparu qu’ils n’avaient pas, malgré le choix du terme de « Haute autorité », l’intention d’en faire une autorité administrative indépendante. J’ai donc suggéré à la commission de retenir une autre appellation, proposition qui a été acceptée : il s’agira donc du Conseil national d’évaluation des normes.
En revanche, l’intention des auteurs de la proposition de loi était bien d’assurer une certaine autonomie administrative à l’organisme. Il sera donc proposé au Sénat que le Conseil national soit doté d’un budget propre, élaboré dans les mêmes conditions, et sans doute avec la même économie de moyens, que celui du Comité des finances locales, un mince prélèvement étant effectué sur la masse de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, pour permettre à l’organisme d’assurer ses coûts de secrétariat.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Alain Richard, rapporteur. Autre changement significatif, qui était déjà suggéré dans le précédent rapport de la CCEN, une méthode pour réexaminer l’ensemble des dispositifs réglementaires existants, c'est-à-dire le stock de normes, est prévue.
Il ne pourra évidemment s’agir que d’un pouvoir de saisine, puisqu’on ne va pas demander au Conseil national, qui n’est pas une instance de décision, de réécrire lui-même les réglementations exagérément complexes ou porteurs d’effets indésirables. Sa fonction sera donc de saisir le Parlement ou le Gouvernement de propositions de réexamen et d’allégement des normes en vigueur, sachant qu’il devra préciser dans sa demande aux autorités législatives ou réglementaires les modalités des simplifications qui lui paraîtront devoir être entreprises.
Cinquième point, en l’état, la proposition de loi ne prévoit la demande de réexamen du droit existant qu’au niveau réglementaire. Nous reviendrons brièvement sur ce sujet lors de la discussion des articles. Toutefois, ne m’étant aperçu qu’assez tardivement de cette limitation, il ne m’a pas paru judicieux de suggérer en dernière minute au Sénat d’étendre le pouvoir de sollicitation du Conseil national au domaine législatif, même si cela me semble devoir être la suite logique de ce que nous cherchons à réaliser.
S’il arrive parfois que des normes exagérément pesantes soient cantonnées au domaine réglementaire, il n’en demeure pas moins que, le plus souvent, leur caractère excessif découle malheureusement d’une norme de niveau législatif.
La possibilité de remonter jusqu’au fondement législatif d’une réglementation exagérément complexe me semble donc devoir être ouverte au Conseil national. Toutefois, pour les raisons que je viens d’indiquer, je suggère que l’examen de ce sujet intervienne lors des prochaines lectures de la proposition de loi, à l’Assemblée nationale ou dans notre hémicycle.
Il s’agira donc d’un système d’auto-saisine, que les auteurs de la proposition de loi ont élargi aux parlementaires et aux élus locaux. Ces derniers devront toutefois impulser un mouvement suffisamment collectif de demande de réexamen, une simple requête individuelle ne pouvant suffire.
Au surplus, le Conseil national sera amené à présenter annuellement au Gouvernement un rapport public, comme l’actuelle commission le fait déjà, mais il le fera avec davantage de solennité. Ce sera l’occasion pour lui d’annoncer les domaines où des simplifications doivent intervenir, afin que l’exécutif soit en mesure d’élaborer son propre programme de simplification.
Mon sixième et dernier point porte sur quelques interrogations juridiques apparues lors du cheminement qui a conduit à l’élaboration de la proposition de loi.
Premièrement, il n’est pas absolument certain que nous ayons fait preuve de la plus parfaite vigilance sur la distinction entre domaine réglementaire et domaine législatif. En droit commun, les instances consultatives relèvent en général du domaine réglementaire. Nous avons de bons motifs de situer diverses normes au niveau législatif, mais il est possible que le Gouvernement estime que certaines des modalités de consultation que nous nous apprêtons à adopter ne sont pas franchement de la compétence du législateur…
Deuxièmement, la proposition de loi ne prévoyait pas la possibilité de soumettre au Conseil national des amendements, que ceux-ci émanent du Gouvernement ou des parlementaires.
Or, comme l’a particulièrement bien souligné le Conseil d’État dans un rapport de 2006 où il dressait le bilan des difficultés d’adoption des textes, l’expérience montre qu’il arrive assez fréquemment que ce soit par un amendement que se fait la synthèse de discussions législatives complexes. Souvent examiné à la dernière minute, celui-ci ne s’accompagne alors d’aucun travail d’évaluation. Le rapport du Conseil d’État que je mentionnais à l’instant rappelait ainsi que l’instauration de l’appel en matière criminelle avait résulté d’un amendement…
Un autre cas de figure que nous connaissons tous est celui du projet de loi souhaité par le Gouvernement et sa majorité mais « encalminé » dans le calendrier parlementaire et refondu en amendement pour être introduit dans un autre texte inscrit, lui, à l’ordre du jour. Dans ce cas encore, le travail de prévention de la surcharge normative n’est pas fait.
Nous nous sommes donc efforcés de mettre en place un dispositif d’examen, à titre exceptionnel bien sûr, des amendements par le Conseil national, que ces derniers soient d’origine gouvernementale ou parlementaire. Les modalités de cet examen peuvent elles aussi soulever des difficultés, comme nous le verrons sans doute lors de la discussion des articles.
Enfin, pour que le législateur soit prévenu et puisse se prémunir contre l’adoption, y compris par lui-même, de normes trop complexes, il faut que l’avis du Conseil national soit effectivement porté à son attention. Or exiger que l’avis du Conseil national figure dans l’étude d’impact qui doit accompagner, depuis la réforme de la Constitution de 2008, les projets de loi devrait relever du niveau organique. Si, dans une loi ordinaire, nous prévoyons que l’avis du Conseil national est joint à l’étude d’impact, il suffira que le Parlement accepte d’examiner le texte et l’adopte pour que l’absence d’avis du Conseil national soit pour ainsi dire « lavée » et pour qu’il n’y ait pas de vice de forme opposable à un tel texte.
Je suggérerai donc que les auteurs de la proposition de loi s’interrogent sur l’utilité de présenter, en complément du présent texte, une proposition de loi organique qui assurerait l’inclusion dans l’étude d’impact de l’avis du Conseil national sur les projets de loi.
Il me reste à rappeler que, comme l’a dit très justement Jean-Pierre Sueur, si des normes apparaissent, c’est qu’elles sont jugées souhaitables au regard de la complexité de notre société et des interprétations contradictoires de l’intérêt général qui s’y font jour.
En conséquence, si nous voulons faire œuvre utile en matière de réduction de la prolifération législative, nous devons nous interroger, chaque fois que nous entrons en salle de commission et, a fortiori, dans l’hémicycle, sur l’absolue nécessité des prescriptions que nous proposons.
Comme se le demandait, à mon avis très sagement, Alain Lambert, est-il indispensable d’adopter le même type de norme de précaution, de sécurité ou de prévention pour cinquante ou pour 5 millions de personnes ? C’est pourtant bien ce que nous faisons aujourd’hui, avec ce sens de l’absolu assez hégélien qui caractérise le législateur français depuis bientôt deux siècles. N’oublions pas un point de vue à peine plus lointain, celui de Montesquieu : les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux collectivités territoriales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes appelés aujourd’hui à discuter de la proposition de loi portant création de cette nouvelle instance que vous aviez initialement appelée la Haute autorité chargée du contrôle et de la régulation des normes.
Beaucoup a déjà été dit sur les exigences relatives à la simplification normative ainsi qu’à la régulation de la production de nouvelles normes. Je n’y reviendrai donc pas.
Je salue le président du Sénat, qui, en prenant l’initiative des états généraux de la démocratie territoriale, a lancé une consultation sans précédent auprès des élus locaux ; celle-ci a permis de faire émerger plusieurs de leurs d’attentes. La régulation des normes en fait partie. Les réformes que nous préparons, Anne-Marie Escoffier et moi-même, sous la conduite du Premier ministre, répondent en fait, en tout ou partie, aux demandes exprimées.
Je veux aussi saluer le président de la commission des lois, Jean-Pierre Sueur, et la présidente de la délégation aux collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, qui ont effectué un travail remarquable dans des délais très contraints. Ils nous ont proposé des pistes pour donner corps aux objectifs du président du Sénat et du Président de la République.
Je veux enfin saluer le travail du rapporteur, Alain Richard, qui, dans des délais non moins contraints, a procédé aux importants ajustements dont il vient de rendre compte à cette même tribune.
Le travail du rapporteur a permis de clarifier le statut du Conseil national, qui nous convient maintenant. Nous avons en effet l’assurance qu’il ne s’agira pas d’une autorité administrative indépendante de plus dans le paysage institutionnel français.
Les modifications apportées en commission répondent toutes à des attentes fortes des élus locaux. Il y a en effet trop de normes illisibles, coûteuses, changeantes, complexes et parfois absurdes, parce que jamais négociées avec ceux qui en sont les premiers destinataires. Vous l’avez dit, nous devons effectivement faire preuve de prudence en matière de normes.
L’association étroite des élus à tous les échelons de la production normative est la première condition de l’efficacité de la norme. Cela suppose, de la part du Gouvernement, respect, écoute et considération, sur le fond comme sur la méthode, ce à quoi nous nous engageons pour notre part.
Il s’agit d’un enjeu crucial, car aucune réforme n’a de chance d’aboutir sans la collaboration active des collectivités sur le terrain. Je ne rappellerai pas à ce propos la question, par exemple, du changement des rythmes scolaires. La conviction profonde de ce gouvernement est que l’on ne peut pas demander aux collectivités de s’impliquer dans les grandes politiques de la nation sans leur donner les moyens concrets d’agir et de bâtir.
M. Philippe Bas. C’est ce qu’elles attendent !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est là tout l’objet de la présente proposition de loi, qui constitue l’une des étapes de la rationalisation substantielle de la production normative dans ce pays.
Enfin, lors de l’examen du texte en commission des lois, comme l’ont rappelé Mme Gourault ainsi que MM. Sueur et Richard, les prérogatives du Conseil national, anciennement Commission consultative d’évaluation des normes, ont été élargies, ce qui me paraît une bonne chose.
Le rapporteur a écouté les groupes et a fait un pas fondamental vers une adaptabilité de la norme à la diversité des territoires, adaptabilité que tant d’élus attendent. Nous nous félicitons de cette avancée, d’autant qu’elle vient d’un spécialiste du droit, ce qui nous rassure. (Sourires.)
Le Conseil national pourra donc proposer, dans ses recommandations, des mesures d’adaptation des normes réglementaires dans les cas où l’application de ces dernières entraînerait des conséquences matérielles, techniques ou financières manifestement disproportionnées pour certaines collectivités.
Cette proposition confirme une prérogative informelle de la CCEN, à qui il peut arriver de formuler des recommandations relatives à l’application différenciée de normes en raison de leurs difficultés d’application dans certains territoires. Vous avez fort justement rappelé à l’instant, monsieur le rapporteur, qu’un certain nombre de normes issues du principe dit de précaution concernaient parfois si peu de personnes mais s’appliquaient à un si grand nombre de nos concitoyens qu’elles en devenaient insupportables.
Une telle disposition confortera donc la future institution dans son rôle d’aide à la décision, tant en amont qu’en aval de l’adoption d’une réforme.
Ces mesures sont utiles, et le Gouvernement les approuve d’autant plus qu’elles s’inscrivent dans la maîtrise globale de la production normative.
Le Secrétariat général du Gouvernement vient de renforcer ses moyens, vous l’avez rappelé, madame Gourault, avec la création d’un service spécifique confié à une jeune femme récemment nommée et qui a déjà commencé son travail ; nous lui souhaitons ici bon courage plutôt que bonne chance.
Cela vaudra pour les flux de normes nouvelles, mais aussi pour le stock. Le Gouvernement a en effet choisi de s’attaquer à la masse des normes existantes et d’en faire une priorité de la modernisation de l’action publique, sujet dont nous avions parlé avec M. Doligé, que je sais particulièrement passionné par ces questions, mais aussi avec Mme Gourault, MM. Sueur, Richard, Lambert, Goulard et bien d’autres !
Une mission a été confiée en ce sens à Alain Lambert et Jean-Claude Boulard. Ils réfléchiront notamment à une possible procédure de déclassement, laquelle permettrait de remettre de l’ordre dans la hiérarchie des normes.
M. René Vandierendonck. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Demain, conformément aux engagements pris par le Président de la République le 5 octobre dernier, un Haut conseil des territoires sera créé afin de pérenniser le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous êtes tous convaincus, du moins je l’espère, de la détermination du Gouvernement à prolonger par son action l’impulsion décisive que votre assemblée a su donner, sachez qu’au sein de ce Haut conseil la question des normes sera régulièrement, sinon systématiquement, abordée.
Le débat d’aujourd’hui permettra de renforcer la Commission consultative d’évaluation des normes, qui est donc appelée à changer de dénomination. Il se prolongera dans le cadre du futur projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique, dont l’objectif sera de clarifier, de simplifier et de renforcer les capacités d’action des collectivités locales et de l’État.
Nous pensons, comme vous, qu’il s’agit d’un enjeu vital pour que nos concitoyens retrouvent confiance dans l’État, dans leurs élus, dans les agents et dans tous ceux qui délivrent au quotidien des services aux familles, aux entreprises et aux plus démunis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de cette magnifique délégation qui travaille tant, monsieur le rapporteur, nous nous félicitons de cette discussion qui s’engage sur un texte dont l’évolution a été positive et intéressante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Mmes Jacqueline Gourault et Nathalie Goulet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord vous dire ma satisfaction de voir à nouveau abordé au Sénat le thème des normes.
Cela fait plusieurs années que j’attends que nous prenions à bras-le-corps ce sujet qui est à mes yeux plus fondamental que bien des textes que nous étudions dans cet hémicycle. Il en va de notre capacité à redonner de la souplesse, de l’efficacité et de la compétitivité à nos collectivités.
Nos concitoyens, et plus particulièrement les collectivités territoriales que nous représentons, attendent que le législateur lutte contre l’inflation normative et simplifie le droit. Il s’agit de deux enjeux d’autant plus d’actualité que les normes coûtent cher aux collectivités locales, qui doivent aujourd’hui faire face à un contexte financier de plus en plus tendu, mais aussi à de nouvelles règles non encore établies et dont nous allons débattre au Parlement.
Tel était d’ailleurs tout l’enjeu de la proposition de loi que j’avais déposée, à la suite de la remise d’un rapport demandé par le Président Sarkozy dans le cadre de sa politique volontariste de modération de la dépense locale, dont l’un des axes prioritaires était la lutte contre le foisonnement de normes coûteuses pour les collectivités locales.
M. Philippe Bas. C’est toujours d’actualité !
M. Éric Doligé. Mes chers collègues, madame la ministre, c’est à juste titre que vous avez rendu hommage au président du Sénat, qui a lancé les importants travaux que nous avons menés ensemble ; permettez-moi de rendre ainsi également hommage au Président de la République d’alors, qui a lui aussi contribué à la réflexion.
La proposition de loi que j’avais présentée comportait deux volets : il s’agissait d’agir, d’une part, sur les flux de nouvelles normes, en appliquant un moratoire immédiat sur les normes réglementaires relatives aux collectivités locales ; d’autre part, sur le stock de normes existantes, en lançant des travaux visant à la simplification de celles-ci. Je me suis réjoui d’entendre à l’instant que nous allions à nouveau travailler non seulement sur les flux mais aussi sur le stock.
La portée de cette proposition de loi avait été réduite puisque la disposition majeure que défendait mon groupe et que prévoyait son article 1er avait été rejetée par la majorité de notre assemblée.
Il s’agissait d’introduire, parmi les principes généraux de la décentralisation fixés dans le code général des collectivités territoriales, un principe général d’adaptation selon des critères objectifs, des prescriptions et procédures techniques législatives et réglementaires applicables aux collectivités territoriales.
Les explications données pour expliquer ce rejet, toutes de grande qualité, nous ont démontré que de tels principes n’avaient pas leur place dans la loi. Soit ! J’en prends acte, mais je conserve quelques regrets pour les élus locaux. Je suis cependant certain que, par nécessité, nous serons amenés à y revenir.
J’ai cru d’ailleurs discerner un pas en ce sens dans les conclusions de la commission des lois, qui a reconnu au Conseil national la possibilité de proposer des recommandations d’application différenciée des normes en vigueur. (Mme Jacqueline Gourault acquiesce.)
M. René Garrec. Tout à fait !
M. Éric Doligé. Nous finirons par revenir intégralement au texte que j’avais présenté et que vous avez si souvent cité les uns et les autres ! Je vous en remercie. Je suis en particulier reconnaissant à Jean-Pierre Sueur d’avoir bien voulu, dans sa grande mansuétude, citer à plusieurs reprises mon nom ; maintenant, nous devons être à égalité ! (Sourires.)
On le sait, notre groupe se méfie des hautes autorités indépendantes, et il est heureux que le futur Conseil national ait changé de nom. Je ferai ici référence à l’excellent rapport de notre collègue Patrice Gélard, qui a eu le mérite de dénoncer publiquement la faiblesse du législateur, trop enclin à multiplier les autorités indépendantes dans tous les domaines.
Dans les articles 2, 3 et 4 de ma proposition de loi, je proposais d’organiser un nouveau dispositif au sein du Comité des finances locales, dont relève la CCEN, que préside notre ancien collègue Alain Lambert.
Mme Nathalie Goulet. Notre excellent ancien collègue ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. J’attendais que vous le disiez, madame ! (Nouveaux sourires.)
L’objectif était à la fois de maîtriser les flux et de gérer le stock des normes. Vous proposez, en lieu et place de ce dispositif, de créer une institution compétente pour contrôler l’ensemble des normes applicables aux collectivités et à leurs établissements publics. Il y a donc des similitudes dans nos objectifs, mais vous avez choisi une autre voie.
Dans un esprit consensuel, je ne m’étais pas opposé à un retrait de ces articles afin que nous puissions discuter plus largement. En tout état de cause, le débat était lancé. Désormais, il devient urgent de résoudre le problème. C’est pourquoi notre discussion est opportune.
S’agissant de la composition de la Haute autorité, devenue en commission Conseil national, vous prévoyez une participation conjointe des représentants de l’État et des collectivités territoriales. Ce choix correspond à celui que nous avions fait lors de la création de la CCEN.
Il n’en demeure pas moins que la composition même du Conseil national, telle qu’elle a été modifiée par la commission des lois, ne nous satisfait pas. Nous présenterons des amendements visant à nous rapprocher du texte initial de Jean-Pierre Sueur et de Jacqueline Gourault.
En effet, un nombre trop important de membres peut s’avérer nuisible à la réalisation d’un travail approfondi nécessairement rapide. J’ai toutefois entendu le rapporteur dire que, compte tenu de la complexité du sujet, il y aurait peut-être lieu de répartir les tâches sur un plus grand nombre de participants.
Notre groupe veut donc revenir sur le nombre des représentants des conseils régionaux, des conseils généraux, des établissements publics de coopération intercommunale et des communes, tout comme sur le nombre des représentants de l’État.
Nous proposons ainsi que le Conseil national comprenne trois conseillers régionaux et trois conseillers généraux – peut-être deviendront-ils des conseillers départementaux… –, ainsi que trois membres d’organes délibérants d’EPCI, ce qui risque cependant de poser problème si les élus locaux sont élus en binôme. C’est une vraie problématique à laquelle il nous faudra, je crois, réfléchir… (Sourires.)
Par ailleurs, le nombre de représentants des conseillers municipaux doit être abaissé à cinq – encore un nombre impair, ce qui posera également problème ! –, au lieu de dix dans le texte, tout comme le nombre de représentants de l’État, qui doit pouvoir être calqué sur le dispositif actuel de la CCEN, soit sept représentants.
Nous devons avoir toujours à l’esprit qu’il nous faut refréner notre boulimie de nouvelles structures et notre tendance à les doter d’un nombre pléthorique de membres. Notre société doit être modeste et raisonnable.
S’agissant de la compétence du Conseil national, il nous est apparu opportun d’ouvrir son champ aux amendements déposés par le Gouvernement lors de la discussion de textes législatifs.
Comme mes collègues, vous l’avez dit, madame la ministre, mais j’insiste cependant sur le fait que c’est à nous, parlementaires et législateurs, qu’il appartient de veiller à ne pas tomber dans une inflation permanente de normes nouvelles.
Il serait également opportun que les avis rendus par le Conseil national soient intégrés aux études d’impact adjointes aux projets de loi, afin que nous ayons pleinement conscience des conséquences normatives induites par nos choix législatifs. Dans un des articles de ma proposition de loi, je prévoyais que les avis rendus soient publiés au Journal officiel ; j’ai constaté que cette proposition avait été reprise.
Je regrette que l’on n’ait pas repris une autre de mes propositions qui visait à obliger la CCEN à établir un rapport recensant l’ensemble des évolutions législatives et réglementaires concernant les collectivités territoriales et proposant des allégements ou des suppressions.
Par ailleurs, ce rapport serait transmis au Gouvernement, qui disposerait de six mois pour faire connaître celles des suppressions proposées qu’il envisage de retenir.
J’en viens aux quelques rares points de désaccord qui subsistent, sur lesquels le texte devrait pouvoir être encore amélioré.
Selon nous, il est incorrect qu’un président de groupe puisse saisir le Conseil national. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cette disposition introduite lors des travaux de la commission des lois.
Il nous semble également aberrant qu’un représentant du Premier ministre puisse assister à la seconde délibération du Conseil national, lequel, je vous le rappelle, est une instance indépendante !
Je m’interroge, mais je sais que ce n’est pas le cas de tous mes collègues, y compris à l’intérieur de mon groupe, sur le prélèvement opéré sur la DGF de la dotation destinée à couvrir les frais de fonctionnement. Certes, d’aucuns me rétorqueront que le montant de cette ponction n’est pas très élevé à l’échelon national, mais je crains que cette dotation ne se réduise comme peau de chagrin si à toute création de structure nouvelle correspond un tel prélèvement…
Pour toutes ces raisons, à ce stade de la discussion, le vote des membres du groupe UMP est réservé. Il pourra néanmoins évoluer en fonction de l’intérêt qui sera porté à nos propositions, lesquelles ne sont ni partisanes ni politiques. En tout cas, quoi qu’il arrive, nous ne voterons pas contre la présente proposition de loi. (Très bien ! et applaudissements.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, depuis de nombreuses années, le flot des critiques dénonçant les conséquences de la prolifération normative et de l’insécurité juridique qui en résulte s’accentue. À cet égard, les états généraux de la démocratie territoriale ont donné l’occasion aux élus locaux d’affirmer leurs exacerbations sur ce point.
Les critiques, certes rudes, sont néanmoins en partie justifiées. Ainsi, aujourd’hui, pas moins de 400 000 normes résultant des législations nationale et communautaire s’imposent à nos collectivités.
Ces législations infligent toujours plus d’obligations aux collectivités territoriales, obligations qui se traduisent souvent par autant de coûts supplémentaires ou d’allongements des délais de procédure auxquels ces collectivités peuvent de plus en plus difficilement faire face.
Les difficultés rencontrées quotidiennement par les élus locaux sont réelles, mais, mes chers collègues, ne nous méprenons pas et gardons à l’esprit que cette exacerbation est en grande partie liée à l’insuffisance des moyens financiers dont sont dotées les collectivités ainsi qu’au retrait de l’État et à son absence de soutien technique dans nombre de nos départements.
En effet, si les collectivités sont en difficulté, c’est en raison non pas tant de la prolifération législative, pourtant certaine, que du désengagement des gouvernements précédents, qui ont peu à peu restreint les soutiens de l’État : suppression des dotations et subventions, allégements fiscaux bénéficiant aux entreprises, transferts de compétences et nouvelles attributions confiées aux collectivités sans les compensations financières exigées.
Permettez-moi de souligner également une autre raison : l’explosion de certains devis dès lors que le payeur est la collectivité publique…
C’est donc en redonnant aux collectivités les moyens de faire face aux exigences législatives nécessaires que nous ferons disparaître la principale source du problème – la principale mais non la seule, j’y insiste. Nous en sommes conscients, la prolifération législative est réelle et, en la matière, la concertation et l’alerte sont les meilleurs remèdes.
La révision générale des politiques publiques et ses conséquences désastreuses sur la présence des services de l’État au plus près des territoires ont contribué à l’exacerbation qui s’est exprimée lors des états généraux.
De nombreuses communes sont confrontées à la complexité technique de nombre de projets, et, alors que les fonctionnaires d’État pouvaient conseiller, contrôler, orienter, les communes se sont retrouvées seules. Réduire drastiquement la présence de l’État n’a pas diminué de la même manière le besoin d’accompagnement et de conseil des maires. De fait, le transfert s’est fait au bénéfice de consultants ou autres agences qui prolifèrent et facturent chaque service, augmentant ainsi le coût des projets tant en investissement qu’en fonctionnement.
Enfin, pour achever cette contextualisation partielle de notre débat, lors des travaux de la commission, notre collègue Alain Richard nous a invités à nous interroger sur les raisons de la prolifération des normes.
À chaque instant, pour chaque incident de la vie, la demande de sécurité – sécurité dans l’action publique, dans la réalisation publique – est renforcée, ce qui incite à aller toujours plus loin sans jamais « revisiter » l’existant. Dans ce domaine, la judiciarisation de plus en plus importante a créé un paradoxe : la demande de norme explose, mais l’application de tant de nouvelles règles n’est plus possible. Il nous faut donc trouver les moyens financiers et techniques de remédier à cette difficulté.
Parallèlement, nous devons mieux anticiper les conséquences des normes désormais adoptées – en quelque sorte, quel service rendront-elles et à qui ? – et aussi revoir celles qui sont devenues désuètes.
Enfin, en tant non seulement qu’élu mais aussi que citoyen, ne perdons jamais de vue que si, immédiatement, la norme peut être contraignante à l’égard de certains, à plus long terme, elle en protège d’autres.
C’est ce difficile équilibre qu’il nous faut systématiquement chercher à atteindre.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Absolument !
Mme Cécile Cukierman. En fonction du degré de contrainte et de protection qu’il nous appartient d’apprécier, si la création d’une nouvelle norme à l’échelon national nous semble relever de l’intérêt général, nous devrons ensuite assurer les moyens de sa mise en œuvre, faute de quoi nous risquons de renforcer les inégalités dans nos territoires.
J’en reviens plus précisément à la proposition de loi que nous examinons.
Aux termes du rapport, « des progrès significatifs ont été réalisés ces dernières années, grâce notamment au rôle du commissaire à la simplification, de la commission consultative d’évaluation des normes – CCEN – et de la commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs – CERFRES – qui, à travers le dialogue et la concertation, ont permis l’évolution des méthodes de travail des administrations centrales, qui s’interrogent davantage sur l’utilité des textes qu’elles rédigent et évaluent avec les élus locaux les conséquences techniques et budgétaires de leurs prescriptions ».
Privilégier la concertation en amont permet donc de renforcer le dialogue entre les élus locaux et les services de l’État. Et c’est afin de développer encore le dialogue et la concertation entre le Gouvernement ou le Parlement et les élus locaux que nous approuvons la proposition de loi dont nous débattons.
Nous approuvons notamment la volonté d’accroître le nombre de textes passés au crible du futur Conseil national, ainsi que le renforcement de son expertise par le biais de l’élargissement de sa composition. Cet élargissement du collège des élus permettra de mieux faire face aux cadences imposées par l’État. Nous nous interrogeons toutefois sur les modalités de représentation du Parlement, la présence de deux députés et de deux sénateurs interdisant un véritable pluralisme.
Nous approuvons la volonté de renforcer la portée des avis rendus par l’actuelle commission, qui laissera sa place au Conseil national d’évaluation des normes. Les avis sur les projets de textes réglementaires et les projets de loi de cette nouvelle instance seront publiés au Journal officiel de la République française. Ses avis sur les projets de loi seront aussi annexés à l’étude d’impact, ce complément étant destiné à renforcer l’information du Parlement dans le cadre de sa mission législative et de contrôle.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, ces dispositions contribueront à accroître la publicité des travaux de cette nouvelle institution et à responsabiliser les administrations centrales lors de leurs travaux d’élaboration des projets réglementaires ou législatifs. Dès lors, comme l’a rappelé M. le président de la commission, tout parlementaire pourra aisément se référer aux prescriptions du Conseil national d’évaluation des normes.
Ainsi, comme l’actuelle CCEN, ce dernier jouera un rôle d’expertise et d’alerte très important. Pour autant, il ne faudrait pas qu’il se substitue au pouvoir exécutif. Lors de nos travaux en commission, nous nous sommes interrogés sur le pouvoir qui lui est donné d’obliger le Gouvernement à présenter un nouveau « projet modifié » de règlement lorsqu’il émet un avis défavorable sur celui-ci. Cet avis s’apparente quelque peu à un avis contraignant. Le Gouvernement ne sera peut-être pas tenu de le suivre à la lettre, mais l’article 1er est explicite : le projet de règlement devra bel et bien être modifié.
Malgré ces interrogations, qui seront peut-être levées au cours du débat, nous soutenons, je l’ai déjà indiqué, la présente proposition de loi. Mais, comme je l’ai aussi souligné au début de mon intervention, gardons ce fait à l’esprit : l’édiction de règles répond le plus souvent à un besoin essentiel de sécurité technique et juridique ; derrière le rejet des normes par les élus se cache en réalité la difficulté de les mettre en œuvre, faute d’accompagnement technique par les administrations et de soutien financier par l’État.
Nous ne devons donc pas céder à la facilité et contourner le problème. Au contraire, nous devons l’envisager dans sa globalité afin de répondre aux attentes des élus, essentiellement demandeurs d’expertise et de moyens, et, plus largement, de l’ensemble de la population.
Pour conclure, mes chers collègues, je souhaiterais attirer votre attention sur un point. Mercredi dernier, lors de sa réunion, la commission des lois a précisé, sur l’initiative de son rapporteur, que le Conseil national pourrait proposer, dans ses recommandations, des mesures d’adaptation de normes réglementaires en vigueur si l’application de ces dernières entraîne des conséquences matérielles, techniques ou financières disproportionnées au regard des objectifs poursuivis pour les collectivités territoriales ou leurs groupements.
On retrouve, en filigrane, le principe de proportionnalité des normes, prôné par notre collègue Éric Doligé et que nous avions dénoncé lors de la discussion de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.
Ce principe est évidemment inacceptable, car son application ne reviendrait, comme je le disais, qu’à contourner le problème et à créer de nouvelles sources d’inégalités en fonction des richesses disponibles sur les territoires.
Certes, la présente proposition de loi ne prévoit qu’une simple possibilité. Nous serons donc extrêmement vigilants sur ce point. Nous devrons veiller à ce que les recommandations du Conseil national n’aboutissent pas à mettre en place une forme de déréglementation ou de dé-régularisation dans laquelle les objectifs d’accessibilité, de sécurité, de normes sanitaires et de protection de l’environnement seraient relégués.
Indépendamment des réserves que j’ai émises au nom des membres du groupe CRC, nous soutiendrons, je le répète, la présente proposition de loi, qui résulte d’une forte demande exprimée lors de la campagne pour les élections sénatoriales au cours de l’été de 2011 et qui est largement revenue sur le devant de la scène lors des états généraux de la démocratie territoriale, au mois d’octobre dernier. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, la question des normes devrait relever d’un arbitrage entre la sécurité et la liberté, entre le principe de précaution et celui de la responsabilité citoyenne. Hélas, dans la société actuelle, le citoyen réclame de plus en plus de sécurité aux pouvoirs publics pour se défausser de ses propres exigences de responsabilité.
Que de textes n’avons-nous votés dans cette enceinte ces dernières années sur les chiens qui mordent, les manèges qui tournent, les piscines pleines d’eau qu’il faut transformer en Fort Knox pour permettre aux parents d’un peu moins surveiller leurs enfants…
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Chaque accident, chaque drame donne lieu à des lois adoptées sous le coup de l’émotion, des « lois compassionnelles », selon l’expression de notre ancien collègue Michel Charasse, « co-père » – c’est d’actualité ! –, avec Alain Lambert, de la Commission consultative d’évaluation des normes.
Ayant le plaisir de travailler le président du conseil général de l’Orne, je connais son amabilité, sa compétence, son dévouement, son attention…
M. Jean-Pierre Plancade. C’est un homme de qualité !
Mme Nathalie Goulet. … et je n’oublie pas à quel point il m’a soutenu lors des élections sénatoriales, ceci expliquant sans doute cela ! (Exclamations amusées.) Vous riez, mes chers collègues, mais, croyez-moi, la victoire n’était pas assurée !
Aujourd’hui, sous le coup de l’actualité et au nom de l’immédiateté, le législateur fait bien trop souvent de la loi un outil de proclamation plus que de droit.
Le fameux principe de précaution se transforme à tel point en cauchemar pour nos collectivités que, parfois, on a du mal à établir une hiérarchie entre les normes qui relèvent de la nécessité et celles qui sont superflues, sans parler de celles qui sont obsolètes…
Le droit français a longtemps représenté un modèle pour de nombreux autres États qui s’en sont inspirés. Il constituait un ensemble cohérent, intelligible, servi par une langue claire, dense et précise. Mais ces caractères se sont gravement altérés, puisqu’il est devenu d’une complexité asphyxiante pour l’économie et l’action publique.
Les causes sont souvent cherchées dans le caractère effectivement trop foisonnant du droit communautaire, mais cela revient à esquiver le sujet prégnant, qu’il faudra bien traiter un jour, de la complexité liée à l’évolution de nos propres institutions, à la décentralisation des politiques publiques et à l’activité des autorités dites indépendantes.
C’est pourquoi nous devons absolument nous attaquer aux autres causes du caractère instable et foisonnant de notre droit. Comme le soulignait Alain Lambert, « le législateur bavarde, le citoyen renonce, l’entreprise se plaint, la compétitivité de notre pays s’en ressent, l’action publique devient lente et coûteuse ».
Le nombre et la longueur des textes ne cessent d’augmenter. Le nombre de pages de l’édition « Lois et décrets » du Journal officiel est passé de 15 000 en 1980 à 24 000 en 2009. Les décrets représentaient près de 136 000 articles en 2010, soit 24 000 de plus que trois ans plus tôt. Les normes jaillissent de partout et ne cessent d’être modifiées. Le niveau d’instabilité est devenu un cancer juridique, économique et financier.
Il ne suffit plus de porter un diagnostic : il faut trouver les remèdes. Dans le cadre de la mission qui leur a été confiée, Alain Lambert et Jean-Claude Boulard vont proposer au Gouvernement quelques actions pour sortir de cette spirale infernale. Il faut couvrir les champs de confusion dans lesquels nous nous sommes enfermés en procédant tant à partir de la source des normes, c’est-à-dire des administrations centrales, qu’à partir de l’usager, c’est-à-dire des collectivités, qui les mettent en œuvre et paient leurs conséquences directes. Ces sujets sont souvent évoqués, mais jamais tranchés.
Dans ce cadre, et après tant de tentatives de simplification, la présente proposition de loi ne semble pas, au stade de cette première lecture, apporter de solution à la situation de diarrhée normative qui transforme la vie de nos collectivités en cauchemar. Elle ne comporte rien sur la pluralité des acteurs et la multiplicité des sources, et ne prévoit pas davantage de sanctions, mais il est vrai qu’il n’est pas possible d’adresser d’injonction au Gouvernement non plus qu’aux administrations.
À y regarder de plus près, ce texte constitue tout de même une avancée.
D'abord, la nouvelle instance ne se limitera pas au flux : elle pourra s’attaquer au stock.
Ensuite, elle reprend le travail patiemment réalisé par la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, créée, je le rappelle, sur l’initiative de nos anciens collègues Michel Charasse et Alain Lambert.
À cet égard, je me suis autorisée à déposer un amendement, car la rédaction de la proposition de loi ne me semble pas assez précise en la matière. Je propose ainsi que toutes les décisions rendues par la CCEN, y compris ses avis et leurs motifs, soient opposables aux administrations centrales, qui seraient trop heureuses sinon de pouvoir s’y soustraire.
Encore nous faut-il également, mes chers collègues, balayer devant notre porte. Le 12 décembre dernier, lors du débat sur la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé, Marylise Lebranchu nous a rappelé que, selon le Conseil d’État, dont elle a cité l’avis, notre droit contenait toutes les dispositions nécessaires au législateur pour adapter les normes aux particularités locales : « L’attribution d’un pouvoir réglementaire aux collectivités par la loi n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité. […] Une loi peut donc prévoir dans chaque cas les circonstances qui autoriseraient les collectivités à déroger à la mise en œuvre de telle ou telle disposition. […] Notre droit permet déjà de faire plus et mieux que ce que nous faisons aujourd’hui ; dégager une règle générale d’adaptation des normes au niveau local serait vain. Surtout, la rédaction d’une telle règle générale la rendrait peu intelligible, suscitant une forte insécurité juridique. »
Il dépend donc de nous, mes chers collègues, que les lois soient mieux rédigées. Des expériences ont été menées et réussies à l’étranger, notamment au Canada, aux États-Unis, en Allemagne et en Espagne. Il faudra sans doute s’inspirer de ces exemples.
Enfin, j’ose évoquer une solution qui nous permettrait d’économiser bien du temps, de l’argent et des difficultés : il s’agirait d’établir, une fois pour toutes, que les normes ne sont opposables au civil ou au pénal que quand elles ont été prévues par la loi. Notre pays, mes chers collègues, est en effet le seul où un élu peut être envoyé en correctionnelle pour un bouton électrique défaillant !
Il faudrait éviter que les normes soient opposables lorsqu’elles émanent d’un sous-attaché d’une sous-direction du ministère de l’intérieur ou du ministère de l’environnement et sont énoncées, comme c’est souvent le cas, dans les clauses générales d’un cahier des charges dont le caractère réglementaire n’est pas toujours avéré.
Un autre principe déterminant pourrait être le suivant : qui décide paie et, ajouterai-je, paie sans délai ! Cela freinerait, à n’en pas douter, les élans normatifs. Actuellement, ce sont toujours les collectivités territoriales qui doivent assumer le coût des normes supplémentaires.
Nous avons encore du travail devant nous et nous n’aurons pas trop de cinq ans, mesdames les ministres, pour vous apporter notre entier soutien quand vous nous présenterez des mesures en ce sens. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, du groupe socialiste, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, tout le monde s’accorde sur le diagnostic, mais la méthode n’a pas encore été trouvée.
Tout le monde reconnaît que nos collectivités territoriales sont écrasées sous le poids des normes, comme d’ailleurs sous celui du droit en général. Les chiffres ont déjà été évoqués, mais ils sont trop éloquents pour ne pas être rappelés. Au 1er juillet 2007, 2 619 textes de nature législative, représentant 22 334 articles, étaient en vigueur. Au niveau réglementaire, 23 883 décrets étaient recensés au 1er juillet 2008, pour un total de 137 219 articles. Il existe par ailleurs 64 codes, qui comportent 33 742 articles de nature législative, 57 080 articles de nature réglementaire et 11 415 articles indifférenciés. L’Association des maires de France, l’AMF, évoque le chiffre de 400 000 normes de toute nature applicables aux collectivités territoriales.
Le diagnostic n’est pas nouveau : dans son rapport public de 1991, le Conseil d’État stigmatisait déjà la surproduction législative et soulignait que, « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite ». Ce précepte vaut également pour les collectivités territoriales.
La mission commune d’information sur le bilan de la décentralisation, dont Michel Mercier était le rapporteur, insistait quant à elle, en 2000, sur la perte de la maîtrise de leurs compétences par les collectivités en raison de cette inflation normative qui revient à entraver leur libre administration.
Sont en cause la kyrielle de règlements types, de normes techniques et autres schémas imposés par l’État sans concertation, qui sont loin d’être de nature à faciliter l’exercice de leurs compétences par les collectivités.
Ce constat était toujours partagé en 2007 par le groupe de travail présidé par notre ancien collègue Alain Lambert, pour lequel l’accroissement des charges pesant sur les collectivités ne pouvait que complexifier les procédures et in fine amoindrir les initiatives locales.
La création, dans le sillage de ce groupe de travail, de la CCEN constitua une avancée importante. Le travail qu’elle a effectué depuis 2008 sous la présidence d’Alain Lambert, auquel je tiens à rendre hommage, a déjà permis de mettre en place de nouvelles méthodes de production des normes.
Le caractère systématique du dialogue entre la CCEN et les administrations centrales avant toute édiction de norme applicable aux collectivités a permis l’émergence d’une véritable relation de confiance et s’est traduit par la production de textes mieux rédigés et plus adaptés aux réalités locales. Nous nous félicitions d’ailleurs que notre commission ait elle aussi salué le travail accompli par la CCEN en inscrivant le nouveau Conseil national d’évaluation des normes dans la continuité des travaux et avis qu’elle a rendus depuis 2008.
La présente proposition de loi se veut la traduction législative des préoccupations exprimées par une grande majorité des élus locaux lors des états généraux de la démocratie territoriale. Ces préoccupations, nous devons bien sûr les entendre, car, en tant que législateurs, nous avons aussi notre part de responsabilité dans l’inflation normative qui frappe les collectivités et dont nous sommes souvent les premières victimes.
Je pense notamment aux quatre propositions de loi dites de simplification du droit qui nous ont été soumises lors de la précédente législature. Nos votes ont un impact direct sur les élus locaux ; à nous de mieux en tenir compte.
La Haute autorité, renommée Conseil national d’évaluation des normes par la commission des lois, a toute son utilité au regard du stock de normes qui accable les collectivités.
Notre groupe s’interroge toutefois sur le choix de la présente proposition de loi comme véhicule législatif. Les états généraux de la démocratie territoriale appelaient en effet une traduction législative rapide et concrète. Or la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales que nous avait récemment présentée notre collègue Éric Doligé contenait déjà des dispositions en grande partie similaires, il faut bien le reconnaître, à celles du texte que nous examinons. Dans son rapport, notre excellente collègue Jacqueline Gourault avait d’ailleurs établi une liste des améliorations qui auraient pu être apportées à la CCEN, améliorations que l’on retrouve, appliquées au nouveau CNEN, dans le texte qui nous est soumis aujourd'hui.
Nous nous interrogeons également sur la place du futur Conseil national d’évaluation des normes dans le paysage administratif. La suppression des normes excessives ou inadaptées est un impératif, mais pourquoi avoir tout récemment mis en place la mission Lambert-Boulard sur la chasse aux « norme absurdes » dans le stock, donc, de normes existantes au lieu de confier au Conseil des compétences à la fois sur le stock et sur les flux ?
Par ailleurs, nous espérons que le Conseil national ne sera pas une structure administrative de plus, qui ne fera qu’alourdir un processus décisionnaire déjà complexe et lent.
Sa composition – près de 36 membres – n’est pas nécessairement de bon augure. Quand bien même des sous-sections thématiques seraient créées en son sein, les exemples de commissions administratives pléthoriques qui fonctionnent mal, voire qui ne se réunissent pas du tout, sont légion. Il n’aurait pas été scandaleux, à nos yeux en tout cas, de prévoir une composition aussi pluraliste mais plus ramassée.
Il sera également impératif que le président – ou la présidente – du Conseil national fasse preuve d’un grand volontarisme pour insuffler à cette structure un véritable dynamisme qui légitimera son action.
Nous nous interrogeons aussi sur l’articulation du Conseil national avec le futur Haut conseil des territoires que le Gouvernement semble vouloir créer, Haut conseil à propos duquel mon groupe est plus que réservé.
Ce Haut conseil serait appelé à rendre des avis sur tout projet de loi relatif aux compétences, au sens large, des collectivités locales. Que se passera-t-il si son avis diverge de celui du Conseil national d’évaluation des normes ? Une telle divergence serait d’autant plus problématique que ces deux organismes seront composés d’élus locaux.
Notre groupe est par ailleurs assez peu enthousiaste à l’idée d’une intervention du Conseil national dans la procédure législative. En premier lieu, sa composition n’en fait pas une autorité strictement indépendante, puisque des représentants de l’État siègent en son sein. Or il sera obligatoirement saisi des projets de loi créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs groupements.
À l’heure actuelle, d’après la Constitution, le Gouvernement n’est soumis qu’à deux obligations de saisine préalable : il doit consulter le Conseil d’État, qui ne porte pas d’appréciation en opportunité, sur tous ses projets de loi, et le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, sur tous les projets de loi de programmation en matière économique ou sociale.
La proposition de loi précise, pour formaliser une sanction en cas d’absence de saisine, que l’avis du Conseil national doit être joint à l’étude d’impact d’un projet de loi. Le procédé est ingénieux, mais il revient à subordonner le pouvoir d’initiative du Gouvernement à l’avis d’une commission administrative dont l’existence n’est prévue que par la loi, ce qui nous paraît discutable sur le plan constitutionnel.
En second lieu, la procédure de saisine du Conseil national sur les amendements du Gouvernement et des parlementaires ne va pas forcément de soi. L’article 45 de la Constitution ne subordonne la recevabilité des amendements du Gouvernement qu’à l’existence d’un lien avec le texte en discussion. Quant à l’article 50 de notre règlement, il prévoit que les amendements du Gouvernement ne sont soumis à aucune règle de délai.
Il conviendrait certes de mettre fin à la pratique quelque peu détestable du dépôt d’amendement à la dernière minute, en particulier lorsqu’il s’agit d’amendements de plusieurs pages. Cependant, instituer une compétence obligatoire du Conseil national sur les amendements du Gouvernement nous paraît ajouter une contrainte discutable, dans la mesure où il n’existe pas actuellement de contrôle préalable des amendements gouvernementaux.
Quand bien même cet avis ne lierait pas le Gouvernement, l’obligation de saisine pourrait retarder la discussion des textes ou susciter l’embarras en cas d’avis négatif.
En outre, la présence de parlementaires au sein du Conseil national pose question au regard du principe de séparation des pouvoirs. Cette réflexion peut d’ailleurs être étendue à l’hypothèse d’une compétence facultative du Conseil national sur les amendements d’origine parlementaire en cas de saisine par le président d’une des deux assemblées. En effet, il est pour le moins curieux que des parlementaires se prononcent a priori sur des initiatives de leurs collègues.
M. Alain Richard, rapporteur. C’est surtout nouveau !
M. Jean-Pierre Plancade. Enfin, les règlements des assemblées, qui ont une valeur supérieure à la loi ordinaire puisqu’ils sont soumis d’office au contrôle du Conseil constitutionnel, ne prévoient pas de subordonner le droit d’amendement à un tel dispositif ; ce point me semble important.
En troisième lieu, la faculté offerte aux présidents de groupe de saisir le Conseil national pose elle aussi question. Seuls les règlements des assemblées prévoient l’existence des présidents de groupe. Il y a donc une contradiction : d’un côté, on s’appuie sur les règlements des assemblées pour faire référence aux groupes politiques et, de l’autre, on prévoit un dispositif d’examen des propositions de loi ou des amendements qui ne tient pas compte de ces mêmes règlements.
Surtout, la disposition prévoyant l’examen de propositions de loi inscrites à l’ordre du jour du Parlement réduit mécaniquement le délai d’examen du texte, même s’il peut déjà être réduit à deux semaines au lieu de six. Son caractère opérationnel n’est donc guère évident.
Nous souhaitons que les débats et la navette parlementaire apportent des éléments de réponse à ces interrogations, ce qui, nous en sommes certains, ne devrait pas manquer de se produire.
Mais, pour l’heure, il est malgré tout urgent de mettre un frein à la frénésie réglementaire qui touche et inquiète nos collectivités.
Vous l’aurez compris, ce texte est, selon nous, encore perfectible et suscite en l’état de multiples réserves, mais il a le mérite de proposer de nouvelles méthodes, dont nous espérons sincèrement qu’elles feront leurs preuves.
Aussi, notre groupe a décidé de lui apporter son soutien pour permettre au débat de se poursuivre. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste. – Mme Jacqueline Gourault et M. Éric Doligé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, madame Gourault, monsieur Sueur, respectivement auteure et auteur de la proposition de loi, mes chers collègues, encore un « machin », mais, au moins, celui-ci aura le mérite d’en supprimer un autre... (Sourires.)
J’emploie le terme « machin », car je ne me souvenais plus, lorsque j’ai commencé la rédaction de cette intervention, du nom que notre commission des lois, dans sa grande sagesse, avait retenu.
Ce machin doit être une machine de guerre contre l’excès de normes !
Je ne peux donc que souhaiter longue vie au Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales, puisque tel est son nom.
Quel va donc être le premier axe de travail de cette instance ? Si je peux me permettre un avis de juriste en me fondant sur des exemples pris dans les lois générales, qui, elles aussi, devraient avoir leur autorité d’évaluation, je pense qu’elle devra s’attacher à traquer les normes inutiles, inutilisées ou inutilisables parce que trop complexes, trop détaillées, le diable se cachant, comme vous le savez, dans les détails, bref, le droit qui nourrit la chicane depuis Les plaideurs ou Le mariage de Figaro : rappelez-vous la fameuse querelle pour savoir si c’est « et l’épouserai » ou bien « ou l’épouserai ».
En somme, ces normes doivent être retoquées, refusées.
Certes, en réclamant une norme plus simple, plus facile à comprendre, bien écrite, bien codifiée et, donc, plus facile à appliquer, je plaide ici pour la ruine de mon métier d’origine, mais qu’importe !
Car enfin, est-il normal, c’est-à-dire dans la norme, que, pour reconduire un étranger chez lui, il existe huit modalités juridiques différentes, sans compter l’expulsion ?
Il faudrait aussi s’attaquer au stock incroyable de normes que nous avons accumulées, toutes n’étant pas codifiées, à l’instar d’une partie de l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 – on a encore le temps ! (Rires.) –, d’une règle civiliste de d’Aguesseau, dont la statue est représentée dans cet hémicycle, ou encore des règles du droit intermédiaire, notamment la loi du 6 fructidor an II, bien connue des femmes qui refusent de porter le nom de leur beau-père.
Nous devrions aussi supprimer une bonne partie des 400 000 normes actuellement applicables, à tout le moins les refondre ou les recycler selon leur consistance.
Ce travail gargantuesque, cyclopéen, pharaonique est une nécessité si nous voulons permettre au plus grand nombre, que ce soit de simples citoyens, des fonctionnaires, des responsables d’entreprises privées ou publiques, de comprendre, de respecter et de faire leur le droit que nous produisons.
Car, aujourd’hui, il est de plus en plus complexe pour un acteur de la vie publique, économique, sociale, de savoir à quelles normes il est assujetti et quelle norme il doit appliquer. C’est surtout vrai pour les bénévoles, non juristes, que sont nos élus locaux, puisque c’est en pensant à eux que cette proposition de loi a été rédigée.
Il ne faut de surcroît pas oublier, ainsi que nous le rappelle régulièrement M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, que toutes ces normes ont un coût pour les collectivités, les surcoûts engendrés ayant représenté une enveloppe de 783 millions d’euros en 2011. Et encore, j’imagine qu’il a fait son calcul « à la louche » !
Certes, le montant a baissé de 50 millions d’euros par rapport à l’exercice précédent, mais il reste important, c’est un doux euphémisme !
Le dernier problème que nous aurons à affronter est celui de la stabilité de notre ordonnancement juridique.
Nous ne pouvons mettre les citoyens dans une incertitude permanente concernant l’application des normes dans le temps et leur évolution.
Il ne s’agit pas de figer le droit, lequel doit évoluer pour suivre l’évolution de la société, selon un cheminement normal.
Mais lorsque le code général des collectivités territoriales est renouvelé à 80 % tous les dix ans, nous tombons dans l’excès de réforme et nous mettons les acteurs dans une situation très inconfortable.
De même, lorsqu’un fait divers conduit à un durcissement de la loi, ou plus exactement à un prétendu durcissement de celle-ci, sans que la précédente réforme ait été évaluée, pouvons-nous considérer qu’il s’agit d’une bonne politique, d’une bonne organisation de la cité ?
Il nous faut des lois relativement stables dans le temps, qui puissent s’appliquer pendant de nombreuses années sans devenir obsolètes.
Faut-il rappeler que l’article 1384 du code civil, voulu notamment par Portalis et d’Angély, longtemps en sommeil, a été « réveillé » par l’arrivée des accidents de voitures, plus d’un siècle après ?
La méthode, pour parvenir à une réflexion sur le sujet, choisie dans cette proposition de loi, est évidente : il s’agit de la concertation, dont cette proposition de loi est, d’ailleurs, elle-même issue, puisqu’elle est le premier résultat, comme il a été rappelé, des états généraux de la démocratie territoriale.
C’est le même type de démarche qui préside à la réforme des collectivités territoriales et qui guide l’acte III de la décentralisation. Les instances de concertation qui existent formellement, et celles qui se développent en dehors du formalisme légal, sont en passe de trouver une forme de consécration grâce à votre réforme, madame la ministre, au travers du concept de conférence territoriale.
Pour la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, il s’agit de créer un conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales. Il aurait compétence pour évaluer les normes nouvelles et leur pertinence ; ses avis seraient publiés au Journal officiel ; sa composition permettrait de respecter les différents échelons du territoire et de tenir compte des visions différenciées que peuvent développer les services de l’État, les parlementaires ou les collectivités territoriales.
Ce service, d’ailleurs, est assez complémentaire, mesdames les ministres, de celui que vous venez de mettre en place avec la mission de lutte contre l’inflation normative et, notamment, son site internet http://missionnormes.fr.
Espérons que certaines normes disparaîtront bientôt, à l’image de cet arrêté du 30 septembre 2011, sur lequel seraient intervenus quinze ministres de la République, qui régit minutieusement la place respective des merguez, des chipolatas, des saucisses de Francfort, de Strasbourg, de Toulouse dans les cantines scolaires ! Cette disposition, parmi beaucoup d’autres, complique l’action des mairies et des collectivités. Pour nous, écologistes, elle a de surcroît un véritable défaut : elle ne prévoit rien pour les saucisses bio ! (MM. Jean-Vincent Placé et Dominique Bailly applaudissent. – Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
Mme Nathalie Goulet. Ou halal !
Mme Hélène Lipietz. D’autant plus que, comme le pointe Alain Lambert, président de la Commission consultative d’évaluation des normes, « certaines normes s’élèvent parfois au-dessus de leur condition ».
Des circulaires se transforment en arrêtés, des arrêtés en décrets et des décrets en lois. Il est urgent de déclasser certains textes, comme il a déjà été dit. Jean-Claude Boulard et Alain Lambert publieront leur « tableau de chasse » des normes absurdes le 15 mars prochain. « Cette mission ne sera pas un rapport de plus », avez-vous promis, madame la ministre. Nous l’espérons vivement.
Comme c’est l’habitude pour mon groupe, vous constaterez que nous avons déposé une série d’amendements afin de viser à la parité et d’introduire une plus grande diversité des sensibilités politiques.
De plus, afin de rappeler que les écologistes sont les premiers soutiens du Président de la République,…
M. Éric Doligé. Pas toujours ! (Sourires.)
Mme Hélène Lipietz. Si !
… nous proposons de traduire la promesse qu’il a formulée lors des états généraux de la démocratie territoriale : supprimer une norme ancienne et obsolète pour chaque nouvelle que nous votons ou que produit une administration.
Mes chers collègues, si vous suivez le Président de la République dans son vœu, donc en votant notre amendement, le Conseil national aura pour rôle de proposer des normes à abroger chaque fois qu’il émettra une recommandation concernant une nouvelle norme, étant précisé que son acte de naissance sonnera le glas de la Commission consultative d’évaluation des normes, ce qui est donc, et nous nous en réjouissons, une première application du principe que je viens de rappeler. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. – Mme Gourault et M. Jean-Pierre Plancade applaudissent également.)
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation sénatoriales aux collectivités territoriales et à la décentralisation, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à mon tour de saluer une avancée, que je considère comme très structurante, première étape du travail de longue haleine, ne nous le cachons pas, à entreprendre en matière de simplification, d’évaluation et d’adaptation des normes applicables aux collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant constitutionnel, comme le rappelait Alain Richard.
J’articulerai mon intervention autour de trois thèmes : le foisonnement normatif impacte non seulement les collectivités locales mais aussi la compétitivité de nos entreprises ;…
M. Éric Doligé. Exact !
M. René Vandierendonck. … par ailleurs, dans le droit fil des avancées fort courtoises permises par notre collègue Éric Doligé, je ferai quelques réflexions sur l’adaptation des normes ; enfin, j’aborderai la réduction des normes comme source d’économies.
S’agissant du premier thème, je vous ferai part d’une expérience vécue. J’étais samedi matin dernier à l’inauguration du tribunal de commerce fusionné de Lille Métropole. J’ai entendu tout ce que la métropole lilloise compte de représentants des PME et j’ai pu mesurer très spontanément, puisqu’il suffisait d’écouter le discours d’installation, qu’il y avait une forte attente en matière d’allégement des normes dans le champ du développement économique.
À cet égard, je voudrais rappeler que le Président de la République, le 25 mai dernier, a pris l’engagement auprès de la Commission européenne d’avancer sur une méthode assez originale, pratiquée ailleurs en Europe, que l’on appelle « test PME ». Elle consiste à regarder la simplification du flux et du stock de normes françaises non seulement sur l’aspect quantitatif, mais également sur l’aspect qualitatif, en s’attaquant, en particulier, en se mettant à la place du client final, usager ou entreprise, – c’est l’objet du test – aux effets délétères modélisés que pouvait avoir la norme sur la compétitivité des PME.
La France, qui est mal positionnée dans ce classement européen, a, depuis le mois de mai dernier, la volonté d’avancer avec cette méthode, ce que je salue avec beaucoup d’intérêt.
S’agissant de l’adaptation des normes, madame la ministre, vous avez, avec M. Doligé, montré la voie lors d’un débat récent au cours duquel vous aviez accepté de nous lire un avis du Conseil d’État. Grâce à mon collègue Doligé, j’ai pu remettre la main sur le texte en question. Permettez-moi d’y revenir, car il me paraît utile d’insister sur ce point : « Il appartient au législateur, dans ses différents domaines d’intervention, de donner au pouvoir réglementaire un cadre juridique suffisamment précis pour lui permettre, lorsque cela est possible au regard des principes constitutionnels, de prévoir les adaptations tenant compte notamment de la situation des collectivités territoriales de faible capacité financière ou des dérogations individuelles pour des catégories objectivement déterminées de collectivités territoriales. »
L’un des mérites du rapporteur est d’avoir replacé la question de l’adaptation – d’autres disent de la « proportionnalité » – au cœur des missions du Conseil national d’évaluation des normes et de proposer ainsi, pour la première fois, un cadre pour l’application différenciée des normes en vigueur. J’ajouterai, à l’intention de la collègue qui m’a précédé à cette tribune, que l’ensemble de la production normative représente, selon les divers calculs, un poids financier de près de deux milliards d’euros pour les collectivités locales.
Saluons donc tout ce qui contribue à cette adaptation des normes. Étant optimiste de nature, j’en ai vu un signe avant-coureur, le 23 janvier, quand j’ai entendu André Laignel proclamer que l’AMF avait remporté une grande victoire, grâce à l’avis donné par la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, en faisant reculer le taux d’encadrement des activités périscolaires, recul qui se traduira automatiquement par une économie très significative pour les élus locaux.
Mme Cécile Duflot nous a promis l’examen d’un projet de loi sur le logement et l’urbanisme pour le mois de juin.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. René Vandierendonck. Monsieur le président de la commission des lois, vous qui avez contribué à éclairer la voie de la prospective sur la ville du XXIe siècle devez vous souvenir d’un échange que nous avons eu en novembre 2010 avec des architectes et des urbanistes, qui n’étaient pas tous socialistes : ces derniers avaient exprimé le souhait que l’innovation urbaine et la création architecturale soient encouragées dans nos villes en réservant, par exemple, 5 % de la surface urbanisable à l’évaluation des normes sur la base de leurs performances globales – confort, qualité de la vie, loyers et charges modérés, qualité et usage des espaces publics, etc. Ce serait une façon de redonner de la liberté à la création et de permettre la conception de nouvelles formes urbaines.
Le travail d’évaluation et de contrôle des normes peut constituer aussi une source d’économies, j’en ai donné un exemple tout à l’heure. Je souhaite insister sur la dématérialisation des documents administratifs, qui est une des clés pour réaliser ces économies.
Nous avons récemment adopté ici un texte consacrant le principe de la participation du public. Mesdames les ministres, j’ai voulu me rendre dès hier sur le site de la mission de lutte contre l’inflation normative, http://missionnormes.fr. Le moins que l’on puisse dire, premièrement, est que ce site a le mérite d’exister – positivons ! Deuxièmement, ce site ne fait que démarrer. Troisièmement, il s’adresse aux élus, mais il serait souhaitable qu’il vise un public plus large – je sais que telle est votre intention, madame la ministre, mais vous aurez ainsi l’occasion de nous le confirmer. Il me semble en effet que le public des élus locaux, que je suis par ailleurs chargé de représenter, est un peu trop restreint : nous aurions tout à gagner à ouvrir ce site aux associations, aux entreprises, aux représentants des syndicats professionnels, car les élus n’ont pas le monopole de l’expérience dans ce domaine.
Enfin, comme nombre de nos collègues, mesdames les ministres, je crois que, si vous voulez obtenir un résultat immédiat, il faudra suivre la proposition d’Alain Lambert concernant le déclassement : de nombreuses normes mériteraient aujourd’hui d’être déclassées, cette responsabilité incombant au Conseil constitutionnel, me semble-t-il. Une telle procédure aurait le mérite de remettre les pendules à l’heure.
Enfin, nous pourrions nous inspirer d’une expérience belge – je n’ai aucun mérite à vous en parler, puisque je suis « transfrontalier », si je puis dire –, appelée « test Kafka » : elle consiste, avant son adoption par le conseil des ministres, à soumettre toute nouvelle proposition de réglementation à une évaluation des charges administratives induites, du point de vue des élus comme des usagers. Nous pourrions utilement réfléchir à la mise en œuvre de tels tests, qui permettraient aux citoyens et aux entreprises de contribuer au débat sur la simplification des normes.
Quoi qu’il en soit, je tiens à saluer la qualité du travail réalisé. Je suis persuadé que nous avons eu mille fois raison de ne pas créer la trente-neuvième autorité administrative indépendante et de préférer placer le Conseil national d’évaluation des normes au cœur de l’exécutif. Nous aurons ainsi créé l’outil adapté pour les collectivités territoriales, il reste à creuser cette idée en faveur des entreprises ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Vincent Placé et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Bailly.
M. Dominique Bailly. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je consacrerai mon intervention aux normes sportives, car les collectivités locales sont aujourd’hui propriétaires de pratiquement 80 % des infrastructures sportives de notre pays, ce qui fait d’elles les premières sources de financement du sport.
En effet, les élus locaux ont su détecter le moteur que constitue le sport en matière de santé, de lien social, de développement local ou encore de notoriété des territoires. Les collectivités locales se sont saisies de ces enjeux qui, placés par François Hollande au cœur de la dernière campagne présidentielle, sont toujours d’actualité. Toutefois, beaucoup reste encore à accomplir pour garantir un accès égal de tous nos concitoyens à la pratique du sport, amateur ou professionnel. Tous les territoires ne sont pas équitablement dotés d’équipements sportifs : la comparaison avec nos voisins européens révèle que la France accuse un net retard en termes de petites, moyennes ou grandes infrastructures, notamment celles qui permettent d’accueillir des compétitions internationales. De plus, au cours du précédent quinquennat, l’État s’est considérablement désengagé en matière de politique sportive, laissant aux seules collectivités locales le soin d’assumer le poids financier de la gestion des équipements.
Or, et j’en arrive au débat d’aujourd’hui, les collectivités ont dû en parallèle faire face à une véritable inflation des normes, et des normes sportives en particulier. Les règles édictées par les fédérations sont en constante évolution et nécessitent des investissements importants de la part des collectivités, afin de mettre à niveau leurs équipements de base ; que dire des équipements pluridisciplinaires qui doivent réussir à concilier les normes des différentes fédérations sportives !
Il est urgent d’endiguer la croissance exponentielle des normes qui contraignent de nombreuses collectivités locales à abandonner leur politique sportive, malgré leur volonté affirmée, faute de moyens financiers suffisants, au grand regret de nos concitoyens.
À titre d’exemple, l’accession d’une équipe à un niveau de compétition supérieur peut entraîner des coûts très importants pour une collectivité locale.
M. Jean-Pierre Plancade. C’est sûr !
M. Dominique Bailly. En effet, afin d’accueillir des matchs de championnat, les fédérations compétentes exigent des équipements énormes. Ainsi, dans le cas de ma commune d’Orchies, l’équipe de basket accède au championnat « pro B » et il faut équiper le terrain de deux panneaux qui représentent un investissement de 32 000 euros : si celui-ci n’est pas réalisé, l’équipe reste à la porte du championnat ! Toutes les collectivités ne peuvent pas supporter de tels coûts.
Face à ce constat, le ministère des sports a créé, en 2009, la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, la CERFRES, qui a pour mission de rendre des avis sur les projets de règlements, élaborés par les fédérations, qui ont trait aux équipements requis pour accueillir les compétitions. La CERFRES veille, en particulier, à ce que les normes proposées soient proportionnées aux exigences de la discipline sportive concernée.
Si l’on peut se féliciter du bilan de cette commission, il convient toutefois d’en souligner les faiblesses. Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi présentée par M. Éric Doligé sur la simplification des normes, notre collègue Jacqueline Gourault a ainsi identifié trois problèmes majeurs : premièrement, le délai de deux mois laissé à la CERFRES pour examiner les projets de règlements et rendre son avis, jugé trop court ; deuxièmement, la faible représentation des élus locaux au sein de cette commission, en comparaison des représentants du monde sportif ou de l’administration ; troisièmement, la coordination entre la CERFRES et la Commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN. À cela s’ajoutent, entre autres éléments, des défauts récurrents de saisine préalable par les fédérations sportives.
Le texte que nous examinons aujourd’hui entend remédier à ces lacunes, et je m’en réjouis. Permettez-moi de saluer, comme les orateurs précédents, le travail effectué par les auteurs de ce texte, Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur, par le rapporteur, M. Alain Richard, ainsi que par tous les membres de la commission des lois.
Cette proposition de loi prévoit en effet de transformer la CERFRES en une formation restreinte du Conseil national d’évaluation des normes. Cette disposition conforte l’existence juridique de cette commission, qui ne bénéficie actuellement que d’une existence réglementaire, en lui conférant une existence législative. En outre, les dispositions relatives à la CERFRES seront alors intégrées au code général des collectivités territoriales.
Autre élément important, ce texte prévoit de modifier la composition de la CERFRES : y seront désormais représentés les administrations compétentes de l’État, le Parlement ainsi que les collectivités territoriales et leurs établissements publics. De plus, cette proposition de loi dispose que les représentants des collectivités territoriales disposent d’au moins la moitié des sièges. Cette nouvelle donne permettra aux élus locaux de bénéficier d’une minorité de blocage dont ils ne disposent pas à l’heure actuelle !
Enfin, le présent texte double la durée du délai ouvert à la CERFRES pour rendre ses avis, passant de deux mois à quatre mois, ce qui devrait lui permettre d’approfondir l’expertise des normes qui lui sont soumises par les fédérations.
Pour conclure, au cours des états généraux de la démocratie territoriale, les élus locaux ont mis l’accent sur l’inflation normative et sur ses conséquences sur les politiques locales. Bien évidemment, les normes répondent à des exigences de sécurité et ont vocation à protéger, en matière sportive en particulier. Néanmoins, la multiplication des normes est à l’origine d’une importante complexification des procédures qui pèsent de plus en plus sur les élus locaux chargés de les appliquer au quotidien.
C’est pourquoi le texte que nous examinons aujourd’hui répond à une nécessité. En effet, il crée le Conseil national d’évaluation des normes, en se fondant sur les bilans positifs de la CCEN et de la CERFRES, mais surtout il renforce les pouvoirs de ces instances. Meilleure articulation et renforcement des moyens d’intervention existants : tel est l’état d’esprit dans lequel ont travaillé les auteurs de cette proposition de loi, et je m’en félicite ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Jean-Vincent Placé et Jean-Pierre Plancade ainsi que Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous abordons l’examen d’un texte demandé depuis longtemps, non seulement par les élus de ce pays, mais également par nos concitoyens.
Ce texte fait consensus, tous les orateurs l’ont dit : il faut absolument simplifier, clarifier et même – je ne crains pas d’être outrancier en le disant – balayer les écuries d’Augias de la norme excessive.
Talleyrand disait que tout ce qui est excessif est insignifiant ; en ce qui concerne les normes, c’est le contraire qui est vrai !
L’excès de normes ne tue pas la norme. Il est paralysant et trop coûteux. Il est également un sujet et une source d’insécurité pour nos concitoyens et nos élus, car les normes varient si souvent qu’on ne sait plus lesquelles doivent s’appliquer.
Nous sommes en train d’évoluer dans un maquis inextricable. Aussi, je me permets de saluer avec beaucoup de plaisir l’initiative prise par le Sénat, à la demande de son président, de décider de faire place nette. Elle réunit l’ensemble des sénateurs dans un consensus. J’espère que ce sera un premier pas.
Je salue, pour commencer, le changement de dénomination de l’organisme mis en place. L’intitulé « Haute autorité pour les normes applicables aux collectivités locales » ne me donnait pas du tout satisfaction. Comme les normes, les « Hautes autorités » sont, en effet, l’objet d’une inflation telle que tout finit par devenir Haute autorité ! Or j’ai la faiblesse de croire que, dans notre pays, il y a une seule Haute autorité : le Parlement, car il a la légitimité du suffrage universel.
M. Alain Richard, rapporteur. Le Gouvernement ne trouve pas grâce à ses yeux !
M. Alain Néri. Et dans une démocratie, rien n’est au-dessus du suffrage universel et de la légitimité de ceux qui en sont les dépositaires pendant la durée de leur mandat !
Cette accumulation de contraintes législatives et réglementaires, fruit d’une véritable frénésie – vous aviez dit, vous, madame la ministre, « incontinence »,…
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. À peu près.
M. Alain Néri. … « frénésie », « inflation » –, crée, dans notre pays, dans nos communes, un véritable désespoir, une exaspération, tant ces règles tatillonnes sont sources de problèmes quotidiens pour les élus et les citoyens. Certes, nous y avons tout de même participé largement, parfois par démagogie, lorsque nous avons voté, par exemple, l’inscription du principe de précaution dans le préambule de la Constitution.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous ne l’avons pas tous voté !
M. Alain Néri. Ce principe, qui est tout sauf un principe de précaution, est plutôt un principe de stérilisation des initiatives. Qui plus est, il nous met aujourd’hui dans une situation d’insécurité telle que l’on confond « précaution » et « principe de précaution ».
Je suis pour le fait de prendre des précautions, mais je suis contre le principe de précaution. Je vais prendre un exemple. Le Livradois, dans le Puy-de-Dôme, est une terre granitique. Chacun sait que ce qui serait extraordinaire, c’est de ne pas trouver d’arsenic dans une terre granitique ! Eh bien, au nom du principe de précaution, on a demandé aux communes de supprimer toutes les adductions d’eau qu’elles avaient réalisées sans demander un sou de subvention ni à l’État ni aux conseils généraux et de les remplacer par des tuyauteries de longueurs assez extraordinaires pour défigurer le paysage ! Car il fallait, pour monter l’eau jusque dans les plus petits villages, des pompes de relevage. Et l’arsenic contenu dans l’eau des sources, dans cette eau consommée depuis des années, voire des siècles, n’avait jamais tué personne ! Je dirais même, pour reprendre Jean Ferrat, que cette eau faisait « des centenaires à ne plus que savoir en faire » ! (Sourires.) Il faut donc appeler à la raison.
Une autre source d’excès a été évoquée tout à l’heure par notre collègue du Nord M. Dominique Bailly, elle concerne le domaine sportif. Il faut arrêter et rappeler que les conseilleurs ne sont pas forcément les payeurs,…
Mme Nathalie Goulet. Ils sont rarement les payeurs !
M. Alain Néri. … et que qui paye doit commander et que qui commande paye ! Madame la ministre, au titre de la dernière mesure – dont je ne sais si elle va rester longtemps en vigueur –, on nous a expliqué que, pour les matchs de basket, la zone de tir à trois points allait être agrandie de dix centimètres. C’est fondamental pour le jeu…
Mme Nathalie Goulet. Ah ! ça compte !
M. Alain Néri. Cela ne changera pas le résultat des matchs, mais cela va changer les ressources et les charges de nos communes. En effet, s’il faut retracer tous les terrains de basket où les gamins viennent jouer et où on fait de l’éducation sportive et de l’éducation sociale, eh bien, mes chers amis, je crois que le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle et qu’il faut appeler à davantage de bon sens ! Car ce que je voudrais surtout, c’est qu’on en revienne au bon sens, que toutes ces normes défient !
Et je crois, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, qu’il faut se demander pourquoi on en est arrivé là. Pour le comprendre, il faut savoir qu’il y a deux sources de normes.
Je commencerai par évoquer les normes législatives, qui sont les moins nombreuses, mais qui sont souvent très chères. Elles sont votées par le Parlement sans se soucier des conséquences sur les collectivités locales. Ainsi, il faut avoir le courage de le dire, si la loi sur l’accessibilité a été votée par le Parlement, c’est parce que le Gouvernement de l’époque était dans l’incapacité d’augmenter l’allocation pour les personnes handicapées. Alors, on s’est défaussé très largement sur les collectivités pour faire plaisir aux associations auxquelles on a expliqué qu’à défaut d’augmenter l’allocation, on allait leur donner l’accessibilité. Sauf que ce n’étaient pas les mêmes qui payaient et que ceux qui ont décidé n’étaient pas ceux qui étaient amenés à financer ce dispositif !
M. Éric Doligé. Ce n’est pas tout à fait ça !
M. Alain Néri. Il faut donc avoir, à un certain moment, le courage de revenir sur le caractère obligatoire. En effet, si ces normes sont d’application obligatoire, cela veut dire que si nous ne les respectons pas, si nous ne les appliquons pas, notre responsabilité pénale est engagée. Et les maires – c’est très souvent eux qui sont l’autorité concernée –sont dans cette situation inacceptable d’être soumis à des normes excessives dont le non-respect est susceptible d’entraîner une mise en cause leur responsabilité pénale. Et, à partir de là, nous avons, mes amis, une véritable tutelle, qui est inacceptable.
Cette tutelle est d’autant plus inacceptable, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, que nous avons, me semble-t-il, une loi qui organise les collectivités locales dans ce pays, la loi du 2 mars 1982 sur la décentralisation. Je me plais à rappeler son intitulé exact, tant il est exemplaire, il s’agit de « la loi relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ». Mais quand on veut parler des droits et libertés des communes, des départements et des régions, il est une chose incontournable, c’est les moyens financiers et les moyens juridiques pour exercer lesdites prérogatives. Il est précisé, dans l’article 72 de la Constitution, qu’« aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ».
Et, là, on arrive quand même au bout du bout puisque ce sont les administrations qui exercent une tutelle sur les collectivités ! Les administrations prennent donc le pas sur les représentants du suffrage universel et des citoyens. Et si nous avons le courage de le dire, il faudra, à mon sens, avoir le courage de revoir tout ça, et de voter le retour à l’ordre normal des choses et de le faire respecter.
J’en viens aux normes européennes. Je suis profondément européen, je tiens à le préciser et je ne voudrais pas que mon intervention soit prise comme une mise en cause de l’Europe. Mais, enfin, je souhaite tout de même que nous gardions une certaine indépendance et une certaine latitude.
Ayons le courage de voir les choses en face ! Vice-président de l’Assemblée nationale, j’ai eu l’occasion, en cette qualité, de participer à des réunions au cours desquelles le bureau de l’Assemblée nationale avait décidé d’organiser et de restreindre l’activité éventuelle des lobbyistes auprès des parlementaires. Je sais qu’il en va de même au Sénat. Il avait donc été dit que l’accès du Parlement serait restreint et contrôlé. Cependant, mes amis, au Parlement européen, il existe, au contraire un lobbying organisé, voire institutionnalisé, qui s’exprime dans le cadre du Comité européen des normes ! Composé d’industriels, il modifie, sous le prétexte de sécurité, les normes. Et il le fait souvent, et de façon très importante. Mais, en réalité, ne nous le cachons pas, l’objectif est d’alimenter et de grossir le chiffre d’affaires des industries que ses membres représentent ! Et il élabore un certain nombre de normes de modeste intérêt, mais qui varient plus souvent que le temps !
S’agissant de ces normes européennes, je crois qu’il nous faudra bien finir par faire savoir que le budget des collectivités territoriales n’est pas là pour financer l’augmentation des profits de ces industries et de ces lobbyings. Ce sont, en effet, toujours les collectivités locales qui paient la note ! Et, au bout du compte, ce sont nos concitoyens, nos contribuables locaux qui paient la note de décisions sur lesquelles nous n’avons aucune prise. Cela, c’est contraire à la démocratie telle que je le conçois !
Je crois qu’il faudra bien arriver…
M. Éric Doligé. À la fin de votre intervention !
M. Alain Néri. … à une situation dans laquelle toutes ces normes pourront être éradiquées et balayées. J’ai dit qu’il fallait balayer les écuries d’Augias. C’est par cela qu’il faut commencer ! Ensuite, il faut simplifier. Madame la ministre, vous me l’aviez dit à l’occasion d’une question que je vous avais posée. Le président Jean-Pierre Bel vient de le rappeler.
Où en est-on aujourd’hui (M. Éric Doligé marque son impatience.), alors qu’il y a, nous dit-on, 9 000 lois et 400 000 textes concernés par ces normes, ce qui coûte, chaque année, 2 milliards d’euros à nos concitoyens ? Il est temps de mettre un terme à cette frénésie !
M. Éric Doligé. Et de mettre un terme au débat !
M. Alain Néri. Par ailleurs, la Commission consultative d’évaluation des normes, émanation du Comité des finances locales, accepte, dans 90 cas sur 100, les normes, une fois de plus par peur de la mise en cause de la responsabilité pénale.
Mme la présidente. Il va falloir conclure, mon cher collègue !
M. Éric Doligé. La norme, c’était dix minutes !
M. Alain Néri. Je conclus, madame la présidente, ne soyez pas inquiète.
Sans mettre en cause le travail fait par la CCEN, qui reste insuffisant, je souhaite au Conseil national d’évaluation des normes bon vent, bonne chance, bonne représentativité. Qu’il prenne en compte le sens commun, comme les réalités quotidiennes de nos concitoyens et de nos collectivités, étranglées par cet excès de normes.
Je lui souhaite de devenir le lieu de rendez-vous du bon sens. Nous ferons ainsi un grand pas pour que notre pays connaisse le progrès, un progrès raisonné, quotidien, un progrès qu’on puisse se payer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Plancade et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.)
M. René Vandierendonck. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame et monsieur les coauteurs de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais relever la justesse des propos de ce débat. Ils ont montré que les uns et les autres s’accordent sur la nécessité – pour reprendre vos termes, monsieur Néri – de balayer les écuries d’Augias.
Aujourd’hui, nous sommes confrontés à une prolifération normative, dont les différents intervenants ont essayé de chiffrer approximativement le montant. Sur l’année 2012, le coût exact a été de 1,277 milliard d’euros, ce qui représente un point véritablement essentiel, comme vous l’avez noté.
Il s’ensuit une insécurité juridique, que vous avez tous relevée. Elle peut engendrer la mise en cause de la responsabilité pénale pour les élus locaux, et des difficultés de compréhension pour nos concitoyens. Vous avez cité des exemples très éclairants, notamment en ce qui concerne les normes sportives, voire les normes européennes.
L’objectif – celui qui avait été tracé lors des états généraux de la démocratie territoriale, qui a été repris par le président du Sénat et qui est à l’origine de cette proposition de loi –, c’est en effet de rechercher un équilibre entre contrainte et protection, dans la continuité de ce qui a déjà été suggéré dans différentes propositions de loi – et je salue celle de M. Éric Doligé, qui a été votée ici. Je voudrais revenir sur les propositions contenues dans ce « machin », disiez-vous, madame Lipietz.
Ce machin fait l’objet de six ouvertures rappelées par M. le rapporteur. J’en relèverai quatre : l’élargissement des domaines de saisine, l’élargissement du nombre de ses membres, l’amélioration des outils, dont les délais – cela a été dit –, et le cadre différencié qui a été apporté dans les modalités d’application des normes.
Tout cela nous paraît tout à fait important, Marylise Lebranchu l’a dit tout à l’heure. Nous ne manquons pas, bien entendu, au regard des améliorations à apporter et qui sont suggérées, de noter que vous avez, les uns et les autres, relevé un certain nombre de difficultés : le positionnement de cette commission nationale, monsieur Plancade, par rapport au Haut Conseil des territoires de demain, l’indépendance de la commission nationale, les problèmes de parité, autant de points qui vont être examinés dans la discussion des articles qui va s’ouvrir.
Je voudrais relever que, déjà, un certain nombre d’améliorations ont été apportées, quelques-uns parmi vous l’ont souligné : l’encadrement de l’animation qui, ces derniers jours, grâce au travail fait par le Comité des finances locales, a été ramené de dix-huit à quatorze pour les plus grands et de quatorze à dix pour les plus jeunes de nos enfants.
Je voudrais signaler aussi la mission confiée à M. Alain Lambert et à M. Jean-Claude Boulard qui va nous permettre, j’en suis absolument certaine, de réduire le stock des normes. A été saluée aussi, à plusieurs reprises, l’ouverture de notre site http://missionnormes.fr qui, même si cela n’est pas ouvert au monde de l’entreprise ou au monde du citoyen, est déjà une ouverture aux élus et donc un moment important.
Alors je sais bien qu’il va falloir essayer de rompre avec la complexité liée à la décentralisation elle-même, aux dispositifs qui sont aujourd’hui en place. Je voudrais simplement rappeler qu’avec Marylise Lebranchu, au-delà de ce texte sur les normes, nous travaillons actuellement sur un projet de loi de clarification et de simplification de l’action publique.
Cela concernera bien évidemment notre dispositif. Nous souhaitons aussi – c’est la raison pour laquelle nous sommes bien entendu tout à fait ouvertes au texte que nous allons examiner maintenant – que les dispositions préconisées dans ce texte aient très vite un caractère opérationnel.
Je vous remercie les uns et les autres du travail remarquable qui a été fait, un travail encore une fois de sagesse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Plancade et Mme Jacqueline Gourault applaudissent également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Article 1er
Le Titre Ier du Livre II de la première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Son intitulé est ainsi rédigé : « Le comité des finances locales et le conseil national d’évaluation des normes » ;
2° Le chapitre unique devient un chapitre Ier intitulé : « Le comité des finances locales » ;
3° Il est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Le conseil national d’évaluation des normes
« Art. L. 1212–1. – I. – Il est créé un Conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales.
« Le conseil national prend en compte les avis rendus par la commission nationale d’évaluation des normes, prévue à l’article L. 1211-4-2 du présent code, avant l’entrée en vigueur de la loi n° … du … relative au Conseil national d’évaluation des normes. La publicité des avis de cette commission est assurée par le Conseil national.
« II. – Il est composé de représentants des administrations compétentes de l’État, du Parlement et des collectivités territoriales.
« Il comprend :
« - deux députés élus par l’Assemblée nationale ;
« - deux sénateurs élus par le Sénat ;
« - quatre conseillers régionaux élus par le collège des présidents des conseils régionaux ;
« - quatre conseillers généraux élus par le collège des présidents des conseils généraux ;
« - cinq membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre élus par le collège des représentants d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;
« - dix conseillers municipaux élus par le collège des maires de France ;
« - neuf représentants de l’État.
« Le Conseil national est présidé par un représentant des collectivités territoriales, élu en son sein par les membres titulaires d’un mandat électif. Il est renouvelable tous les six ans.
« Est élu, en même temps que chaque membre titulaire et selon les mêmes modalités, un membre suppléant appelé à le remplacer en cas d’empêchement temporaire ou de vacance définitive, pour quelque cause que ce soit.
« Le Conseil national peut solliciter pour ses travaux le concours de toute personne pouvant éclairer ses débats.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 1212–2. – I. – Le Conseil national est consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables.
« Il est également consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier des projets de loi ou d’amendements de ce dernier créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.
« Il émet, à la demande du Gouvernement, un avis sur les projets de texte communautaire ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs établissements.
« Sont exclues de la compétence du Conseil national les normes justifiées directement par la protection de la sûreté nationale.
« II. – Le président d’une assemblée parlementaire peut soumettre à l’avis du Conseil national une proposition de loi ou un amendement déposés par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose.
« La Présidente ou le Président d’un groupe parlementaire peut soumettre à l’avis du Conseil national une proposition de loi issue de ce groupe et inscrite à l’ordre du jour.
« III. – Le Conseil national peut se saisir de tout projet de norme technique résultant d’activités de normalisation ou de certification ayant un impact technique ou financier pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics.
« IV. – Le Conseil national peut être appelé à évaluer les normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics par le Gouvernement, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat et, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.
« Il peut se saisir lui-même de ces normes.
« Le Conseil national examine les évolutions de la règlementation applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, évalue leur mise en œuvre et leur impact technique et financier au regard des objectifs poursuivis. Ses conclusions sont remises chaque année au Premier ministre et aux Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
« Le Conseil national peut proposer, dans ses recommandations, des mesures d’adaptation des normes règlementaires en vigueur qui sont conformes aux objectifs poursuivis, si l’application de ces dernières entraîne, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, des conséquences matérielles, techniques ou financières manifestement disproportionnées au regard de ces objectifs.
« V. – Le Conseil national dispose d’un délai de six semaines à compter de la transmission d’un projet de texte visé au I ou d’une demande d’avis formulée en application du II pour rendre son avis. Ce délai est reconductible une fois par décision du président. À titre exceptionnel et sur demande du Premier ministre, il est réduit à deux semaines.
« Par décision motivée du Premier ministre, ce délai peut être réduit à soixante-douze heures. Dans ce cas, la procédure de deuxième délibération n’est pas appliquée.
« À défaut de délibération dans les délais, l’avis du Conseil national est réputé favorable.
« Lorsque le Conseil national émet un avis défavorable sur tout ou partie d’un projet de texte visé au premier alinéa du I, le Gouvernement dispose d’un délai de six semaines pour présenter un projet modifié au Conseil national. Un représentant du Premier ministre assiste à la délibération au cours de laquelle est présenté ce projet.
« Les avis rendus par le Conseil national sur les propositions visées au premier et au deuxième alinéas du I sont publiés au Journal officiel de la République française.
« Ses avis sur les projets de loi sont annexés à l’étude d’impact de ces projets.
« Art. L. 1212–3. – I. – Il est créé, au sein du Conseil national, une formation restreinte dénommée commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs.
« Il est composé de représentants des administrations compétentes de l’État, du Parlement et des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. Elle est présidée par un représentant des collectivités territoriales élu en son sein par les membres titulaires d’un mandat électif. Les représentants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics disposent d’au moins la moitié des sièges. La commission peut s’adjoindre le concours de toute personne qualifiée.
« La composition et les modalités de fonctionnement de la commission sont fixées par le règlement intérieur du Conseil national.
« II. – La commission rend un avis sur les projets de règlements relatifs aux équipements sportifs, élaborés dans les conditions prévues à l’article L. 131–16 du code du sport par les fédérations mentionnées à l’article L. 131–14 du même code.
« L’avis de la commission est rendu dans un délai de quatre mois à compter de la date de transmission du projet de règlement accompagné de sa notice d’impact par le ministre chargé des sports. En cas d’avis défavorable, les fédérations compétentes disposent d’un délai de deux mois pour proposer un nouveau règlement.
« Les avis rendus par la commission sont publiés au Journal Officiel de la République française.
« Art. L. 1212–4. – Une dotation, destinée à couvrir les frais de fonctionnement du Conseil national d’évaluation des normes et le coût des travaux qui lui sont nécessaires, est prélevée sur les ressources prévues pour la dotation globale de fonctionnement ouverte par la loi de finances de l’année. »
Mme la présidente. L'amendement n° 9, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions rendues par la commission visée à l'alinéa précédent, avec ses avis et les motifs sur lesquels elles ont été prises, demeurent pleinement opposables aux administrations centrales.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. C’est sans doute un peu présomptueux, mais il s’agit d’un amendement de précision.
Il est indiqué dans cet article que la nouvelle structure « reprend » les décisions prises par la commission consultative. À cette notion de reprise, je préférerais préciser que celles-ci sont « opposables » et je soumets cette formulation à la grande sagesse de notre Haute Assemblée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission a examiné l’amendement de Mme Goulet et en a retenu l’esprit. Elle m’a autorisé à suggérer à l’auteur de l’amendement une ou deux modifications de rédaction.
En effet, par construction, c’est sa nature même, la CCEN est aujourd’hui un organisme consultatif. Il n’est donc pas tout à fait approprié de parler de décisions de sa part. Ce sont des avis.
Si vous en étiez d’accord, madame, je vous suggérerais de rédiger votre amendement ainsi : « Les avis rendus par la commission visée à l’alinéa précédent, avec les motifs sur lesquels ils ont été pris, demeurent soumis au Gouvernement. »
Ce sont bien des avis adressés au Gouvernement et, s’agissant de décisions qui relèvent de son autorité – l’administration elle-même est en effet à ses ordres, c’est sa grandeur –, il faut considérer comme destinataire de ces avis non pas les administrations, mais le Gouvernement, qui signe les décrets.
Mme la présidente. Madame Goulet, acceptez-vous de rectifier votre amendement en ce sens ?
Mme Nathalie Goulet. Cette rédaction est meilleure, sans aucun doute. (M. René Vandierendonck opine.) Par conséquent, je l’accepte sans problème et je rectifie donc ainsi mon amendement.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les avis rendus par la commission visée à l'alinéa précédent, avec les motifs sur lesquels ils ont été pris, demeurent soumis au Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
1° Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - un député de chaque groupe parlementaire de l'Assemblée nationale ;
2° Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« - un sénateur de chaque groupe parlementaire du Sénat ;
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Avec cet amendement, il s’agit de prévoir, pour que la multiplicité des orientations politiques soit prise en compte à travers la représentation des parlementaires, qu’un député de chaque groupe sera désigné pour représenter les diverses opinions au sein des assemblées.
Certes, la taille des groupes peut varier et certains se divisent puis se rapprochent ; nous en avons eu un exemple récemment. Mais cela n’empêche nullement de s’assurer que le Conseil représentera la « substantifique moelle » de la diversité politique.
Mme la présidente. L'amendement n° 21, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 12
Remplacer le mot :
élus
par le mot :
désignés
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Il s’agit d’employer un terme plus exact à propos des conditions de choix des parlementaires.
Suivant les types de fonction et les deux assemblées, les conditions de leurs désignations ne sont pas forcément identiques. Le terme « élus » aurait été impropre et je propose par conséquent d’employer le terme « désignés ».
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié bis, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
1° Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
de sexe opposé
2° Alinéa 12
Compléter cet alinéa par les mots :
de sexe opposé
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Cet amendement vise à introduire un peu de parité dans la composition de ce conseil.
Certes, on peut avoir des tas de raisons d’affirmer que la parité n’a rien à voir, qu’elle ne doit pas être imposée, que nos élus sauront très bien faire les choix nécessaires. Je préfère toutefois un écrit à un souhait. C’est la raison pour laquelle mon groupe a proposé cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 13 rectifié et 16 rectifié bis ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission n’a retenu aucun de ces deux amendements, pour les motifs suivants.
En ce qui concerne la représentation des parlementaires de chaque groupe, nous avons considéré que, puisqu’il y avait au total vingt-sept représentants d’institutions élues, il serait aisé – et la pratique le démontre dans tous les organismes de ce type – d’assurer une représentation équitable de toutes les sensibilités politiques, et donc qu’il n’était pas nécessaire d’augmenter très substantiellement le nombre de parlementaires, ce qui, du coup, aurait créé un déséquilibre au regard des élus locaux.
Quant à l’amendement n° 16 rectifié bis, la commission a considéré que, pour un type d’instance ayant un travail consultatif et essentiellement technique, il n’y avait aucune raison de penser que les différentes composantes appelées à proposer des noms, qu’il s’agisse des associations d’élus ou des formations politiques, aient besoin d’une obligation législative pour assurer la parité. Cela viendra naturellement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement comprend l’intention qui sous-tend l’amendement n° 13 rectifié. Toutefois, nous faisons confiance à la fois aux présidents des assemblées et aux représentants des associations pour essayer d’équilibrer les représentations politiques.
De plus, il faut prendre en compte le fait que les groupes parlementaires n’ont pas d’existence juridique propre. Une telle ouverture risquerait peut-être de devenir une référence dans notre droit, sait-on jamais ?
Par conséquent, nous préférerions que vous retiriez cet amendement dont nous avons compris l’esprit, mais pas la lettre.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 21 qui a été présenté par M. Alain Richard au nom de la commission des lois et qui est parfait.
Enfin, concernant l’amendement n° 16 rectifié bis relatif à la parité, je crois honnêtement qu’il faut faire attention avant d’inscrire ce type de mesure dans le droit. Plusieurs personnalités représentantes d’associations doivent procéder à des désignations. Si, tout à coup, il manque une femme, parce que le droit l’impose, il faudrait alors que ce soit plutôt le représentant des maires ou des intercommunalités ou des parlementaires, que sais-je encore ? Je n’y suis pas vraiment favorable.
Ce ne serait peut-être pas courageux de m’en remettre à la sagesse du Sénat. Mieux vaut, je pense, que vous retiriez également cet amendement compte tenu de la difficulté à laquelle je viens de faire allusion. Je fais confiance à ceux qui désignent leurs représentants.
Mme la présidente. Madame Lipietz, les amendements nos 13 rectifié et 16 rectifié bis sont-ils maintenus ?
Mme Hélène Lipietz. Je comprends tout à fait l’argument qui m’est opposé sur le premier amendement relatif au nombre de parlementaires, à savoir que la notion de groupe n’est pas juridiquement pertinente dans le droit des assemblées, contrairement aux mathématiques ! Par conséquent, je retire l’amendement n° 13 rectifié.
En revanche, s’agissant de la parité, rien n’empêche qu’il y ait un homme et une femme pour les deux députés et les deux sénateurs prévus dans le texte, et deux hommes, deux femmes pour les quatre conseillers prévus, etc. Par conséquent, je maintiens l’amendement n° 16 rectifié bis, car, on le sait très bien, le droit des femmes ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme la présidente. L’amendement n° 13 rectifié est retiré.
La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je ferai très rapidement quelques remarques. Le premier amendement a été retiré, mais ce n’est pas grave. Le second de Mme Hélène Lipietz et celui du Gouvernement me permettent de m’exprimer.
Alors que, s’agissant de normes, de règles, nous recherchons de la souplesse, on constate que l’on commence déjà à introduire dans les textes quelques contraintes supplémentaires ! Face à un nouveau texte, on a en tête qu’il faut une représentation de tous les groupes, la parité, etc.
Mme Cécile Cukierman. Supprimez les femmes et, c’est sûr, ce sera plus facile !
M. Éric Doligé. Attendez madame, je n’ai pas terminé ! Prévoyez uniquement des femmes si vous voulez, cela ne me gêne pas.
Ce qui me gêne, en revanche, ce sont les problèmes techniques d’application ! (Mme Cécile Cukierman s’exclame.)
Croisons vos amendements. Selon vous, il faut un député de chaque groupe parlementaire. Il peut y en avoir quatre, cinq, six ou sept ; on ne peut pas savoir. Il peut y avoir plus de députés que de sénateurs, ou l’inverse. On a souhaité, si j’ai bien compris, qu’il y ait un équilibre entre les assemblées. A priori, le fait d’opter pour un représentant par groupe tue la parité députés/sénateurs. C’est une évidence !
Avec votre amendement n° 16 rectifié bis, vous demandez la parité. Mais si l’on avait accepté un représentant par groupe parlementaire, on pouvait arriver à un nombre impair, ce qui rend la parité impossible. Vous voyez bien qu’en imposant des critères supplémentaires, on risque d’engendrer un certain nombre de problèmes.
À l’UMP, nous n’avons pas souhaité amplifier le nombre et nous avons pensé, non pas à ce problème de parité, mais aux problèmes de principe. Pour réduire le nombre de membres qui est de trente-cinq ou je ne sais combien, nous avons pensé à trois parlementaires de l’Assemblée nationale, etc.
Imposer la parité pose un vrai problème à partir du moment où vous désignez des gens qui appartiendront à des groupes différents quoi qu’il arrive ! On va alors essayer de trouver des équilibres. Par conséquent, il faudra trouver un second équilibre au sein du premier !
On en arrive à une complexité impossible qui risque d’allonger considérablement les délais. C’est simplement à ce titre-là que je vous faisais cette remarque. La question n’est pas d’être contre ou pour tel ou tel mode de répartition. Elle est de parvenir à simplifier, surtout quand on veut aller vers une simplification des normes et des règles !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 16 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Hyest, Courtois et Béchu, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. J. Gautier et Doligé, Mme Troendle et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 13 et 14
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
II. – Alinéa 15
Remplacer le mot :
cinq
par le mot :
trois
III. – Alinéa 16
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
cinq
IV. – Alinéa 17
Remplacer le mot :
neuf
par le mot :
sept
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement, qui concerne les alinéas 13, 14, 15, 16 et 17 de l’article, vise à modifier la composition du Conseil national prévue par le texte de la commission, en réduisant le nombre de membres de plusieurs catégories de représentants pour en revenir aux propositions du texte initial.
Nous considérons en effet que les effectifs prévus sont trop importants et qu’il serait opportun de les réduire.
Mme la présidente. L'amendement n° 24, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
1° Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
à parité
2° Alinéa 16
Après le mot :
municipaux
insérer les mots :
à parité
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Je le redis, la parité est possible si on l’affirme. En revanche, si on commence par dire qu’elle n’est pas possible, qu’il en résultera des contraintes, elle ne sera effectivement pas mise en place.
J’appartiens à un parti, les Verts, qui a été le premier à la mettre en œuvre. Pour ce faire, nous nous enfermions dans une pièce. Il était hors de question d’en sortir avant d’avoir nommé un homme et une femme. C’est ainsi que nous avons réussi à mettre en œuvre une parité réelle.
Dans le cas qui nous occupe, il suffit de prévoir que les représentants siégeant au Conseil national seront en nombre pair : une moitié sera composée de femmes, l’autre moitié d’hommes. C’est le seul moyen, vous le savez très bien, non seulement pour que les femmes se décident enfin à affirmer qu’elles veulent être membres de tel ou tel comité, mais aussi pour que les hommes considèrent cela comme normal et non pas simplement souhaitable. Dans un texte sur la norme, la normalité devrait aller de soi !
Je maintiens donc cet amendement, bien que je connaisse d’ores et déjà le sort qui lui sera réservé.
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 15
Remplacer les mots :
cinq membres
par les mots :
quatre membres à parité
II. - Alinéa 17
1° Remplacer le mot :
neuf
par le mot :
huit
2° Compléter cet alinéa par le mot :
paritairement
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 1 rectifié, je suggère à nos collègues de l’UMP de s’interroger sur l’opportunité de son maintien.
Si vous lisez, ce que certains d’entre vous ont sans doute fait, le rapport d’activité de la CCEN, qui est détaillé et convaincant, vous vous apercevrez que son président, Alain Lambert, insiste beaucoup sur la charge de travail et la difficulté d’assurer une présence suffisamment régulière de tous les membres de la commission, qui sont des élus venant de tout le territoire et investis, par définition, d’autres tâches.
Avec le nombre actuel de saisines, la CCEN est amenée, le plus souvent, à siéger deux fois dans le même mois, et ce pour pratiquement une journée entière. Au moment où nous choisissons de soumettre à sa délibération un grand nombre de textes supplémentaires et de plus grande portée, notamment des projets de loi, il paraît évident que tous les membres de la CCEN ne pourront pas participer à toutes les délibérations.
Par conséquent, les nombres que nous avons fixés correspondent à la possibilité pour le Conseil national de se partager en sections afin de pouvoir traiter l’ensemble de la charge de travail, et dans des conditions de délibération satisfaisantes.
Si vous examinez les procédures de travail actuelles de la CCEN, vous vous apercevez que celle-ci est déjà amenée à passer par prétérition la grande majorité des textes en considérant qu’ils ne soulèvent pas de problèmes substantiels d’accroissement des normes, et que, par conséquent, ils sont examinés sans délibération. Pourtant, même ainsi, les séances sont très longues et très répétitives.
Donc, si nous nous enfermons dans un nombre de membres réduit, nous retrouverons le même phénomène, c’est-à-dire un déficit de délibération.
Mes chers collègues, je fais appel à votre sagesse pour reconnaître que seul un effectif accru permettra d’assurer une représentation effective des intérêts des collectivités territoriales, face à une pluralité de types de normes qu’un seul groupe collégial ne peut pas sérieusement assumer. Ces représentants sont tous bénévoles – il n’est pas prévu qu’ils soient indemnisés, personne ne le demande. Les coûts de fonctionnement de cette instance sont donc extrêmement limités.
Pour ce qui concerne les sujets évoqués par Mme Lipietz, la commission n’a pas modifié sa position depuis l’examen du texte précédent. (M. Jean-Pierre Plancade s’exclame.) Elle est par conséquent défavorable aux amendements nos 24 et 12 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’avais préparé un long plaidoyer en faveur du retrait de l’amendement n° 1 rectifié. Toutefois, M. le rapporteur ayant anticipé mes propos, je ne peux que confirmer son analyse, selon laquelle il vaut mieux s’en tenir au texte. Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement.
Pour ce qui concerne les amendements nos 24 et 12 rectifié relatifs à la parité, Anne-Marie Escoffier et moi-même avons décidé de nous en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée,…
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … en dépit de toutes les difficultés qui ont pu être évoquées.
Je vous fais simplement remarquer, madame Lipietz, que l’amendement n° 24, qui a dû être rédigé un peu vite, ne prévoit pas le respect de la parité pour les représentants des conseillers généraux. Je suppose que c’est une erreur de votre part.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote sur l'amendement n° 1 rectifié.
M. Jean-Claude Frécon. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, membre du comité des finances locales, j’ai siégé en tant que suppléant à la Commission consultative d’évaluation des normes. Je souhaite apporter mon témoignage sur son fonctionnement.
Je partage la position de la commission des lois, qui propose d’augmenter le nombre de membres du Conseil national, afin que ceux-ci puissent siéger par sections. Car si l’on conserve la composition de l’actuelle CCEN, nous n’y arriverons pas ! Lorsque j’en étais membre, nous avions parfois une trentaine de textes à examiner, ce qui durait souvent une journée complète. Certains d’entre eux étaient très techniques. Or personne n’est technicien sur tous les sujets. Nous ne pouvions pas tout faire ! Sur un certain nombre de demandes, l’administration nous faisait une proposition, que nous acceptions parce que nous n’avions pas le temps de l’examiner.
À mon sens, il est donc tout à fait judicieux d’augmenter le nombre des représentants qui siégeront au Conseil national. Je le signale, dans l’ancienne instance comme dans la nouvelle, les membres ne sont pas indemnisés, il n’existe pas de jetons de présence. Simplement, pour ceux qui ne sont pas parlementaires, les frais de transport sont remboursés.
Bien que mes propos risquent d’excéder le cadre de cet amendement, permettez-moi, mes chers collègues, d’évoquer à titre d’exemple l’un des dossiers sur lequel j’ai eu l’occasion de me pencher voilà deux ans. Il a fait naître en moi de profonds regrets.
Il s’agissait de la réfection de la cuisine d’un collège. Le conseil général, en interrogeant la CCEN, contestait une décision de l’administration, selon laquelle le plan de travail de cette cuisine devait être installé non pas à 80 centimètres de hauteur, comme prévu initialement, mais à 60 centimètres, en vertu de l’application de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, une personne handicapée ne pouvant pas travailler sur un plan de travail situé à 80 centimètres du sol.
Les membres de la CCEN se sont scandalisés d’une telle situation. Ils ont alors demandé si un employé handicapé travaillait effectivement dans cette cuisine. Non ! Il s’agissait simplement de prévoir la possibilité qu’une personne handicapée puisse travailler à ce poste ! Les membres de la CCEN ont demandé à l’administration de réfléchir et ont décidé de réexaminer le dossier quinze jours plus tard.
On nous a alors expliqué qu’il n’était pas possible de faire autrement, car la loi imposait une telle solution. En ne la respectant pas, le conseil général engageait sa responsabilité pénale. Or, avec un plan de travail situé à 60 centimètres du sol, tous les employés non handicapés vont travailler dans des conditions inadaptées et finiront par avoir mal au dos ! Mais aucun texte ne les protège, la responsabilité pénale du conseil général n’est donc pas engagée pour ce qui les concerne ! En revanche, si une personne handicapée devait travailler sur un plan de travail situé à 80 centimètres du sol, la responsabilité pénale du conseil général serait bel et bien engagée.
Vous le comprenez bien, mes chers collègues, face à ce genre de difficultés, il convient de créer des sections spécialisées au sein du nouveau conseil national.
Monsieur le rapporteur, ne serait-il pas possible d’indiquer clairement l’existence de ces sections ? Il me paraît important d’apporter une telle précision, qui permet d’ailleurs de justifier l’augmentation du nombre des membres de cette instance.
Mme la présidente. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
M. René Garrec. Je souhaite simplement intervenir avant mon collègue Éric Doligé, qui est l’un des auteurs de l’amendement n° 1 rectifié.
Ce matin, en commission des lois, nos représentants, à savoir Philippe Bas, Christian Cointat et moi-même, avons suivi la position de M. le rapporteur sur cet amendement, estimant qu’il était en effet préférable d’augmenter les effectifs du Conseil national, afin que celui-ci puisse travailler en sections.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. J’ai bien entendu ce qui vient d’être dit. M. le rapporteur m’avait expliqué sa position dans une autre enceinte, mais l’amendement était déposé, et son examen permettait de faire passer un certain nombre de messages.
Je suis allé une fois présenter mon rapport sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales à la CCEN. Je n’ai pu que constater la difficulté de cet organe à réunir un nombre suffisant d’élus. L’administration gérait les dossiers complexes et les avis donnés n’étaient pas vraiment ceux des élus.
Je comprends donc parfaitement la réflexion menée en la matière par la commission, qui a estimé souhaitable d’augmenter le nombre des représentants siégeant au sein du Conseil national.
Monsieur le rapporteur, monsieur Frécon, vous avez évoqué un point qui mériterait d’être entendu à l’extérieur de cette enceinte. Nous faisons tous partie d’une dizaine ou d’une vingtaine de structures de ce type, ce qui ne nous rapporte rien, il est bon de le savoir. Il n’y a pas de jetons de présence. Or, bien souvent, les gens pensent que le fait de siéger des journées entières dans ces organismes implique des compensations. C’est faux, je le répète.
Je vous remercie, monsieur Frécon, d’avoir illustré vos propos d’un exemple précis. Nous en connaissons tous des quantités ! Comme ce débat m’intéresse, je me permets de poursuivre la réflexion que vous avez lancée, sachant que je n’interviendrai plus, ensuite, sur ce sujet.
Lorsque j’avais présenté ma proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, deux sujets, je m’en souviens, avaient beaucoup heurté. Le premier concernait l’adaptation des normes à la taille des collectivités. Je cherchais simplement à soulever la question et non à imposer quoi que ce soit !
L’adaptabilité telle que je l’avais présentée a fait long feu. Pourtant, la question revient dans les débats sous des formes diverses et variées, ce qui prouve bien qu’elle méritait d’être posée. Finalement, on arrivera bien, un jour ou l’autre, à discuter vraiment de ce sujet ! Je vous fais d’ailleurs remarquer, mes chers collègues, que de nombreux textes prévoient d’ores et déjà une adaptation de la norme à la taille des collectivités. Nous adopterons peut-être bientôt, en matière électorale, le seuil des communes de 1 000 habitants.
Par ailleurs, je vous ai entendu avec plaisir évoquer la loi du 11 février 2005, qui pose un vrai problème. Quand j’avais osé en parler, je m’étais fait renvoyer, par vous-mêmes, chers amis, dans mes buts… qui étaient aux normes ! (Sourires.) Au demeurant, je suis sûr que nous en reparlerons ici avant 2015.
À mes yeux, il convient de dépasser le cadre strictement politique de nos débats, pour nous engager, de temps à autre, comme c’est le cas ce soir, sur la voie du pragmatisme.
Nous sommes tous conscients que, parfois, nous votons des textes dans un climat particulier qui, précisément parce que cette Haute autorité – ou, plus exactement, ce Conseil national – n’existe pas encore, n’ont fait l’objet d’aucune analyse préalable. Et l’on s’aperçoit par la suite qu’ils sont totalement inapplicables !
J’en suis bien désolé pour mes collègues qui l’ont cosigné, mais je retire finalement mon amendement. J'ai bien entendu nos collègues de la commission des lois, qui nous représentent. Ils se sont exprimés avec sagesse, cette même sagesse dont M. le rapporteur fait preuve sur ce sujet, étant entendu que tel n’est pas toujours le cas. (Sourires.)
M. Alain Richard, rapporteur. Ce ne serait pas drôle ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Richard, rapporteur. Je veux dire à Jean-Claude Frécon que la division du Conseil national en sections relève clairement du domaine réglementaire. Le Gouvernement nous ayant entendus, je ne doute pas que, dans le texte réglementaire qui régira le Conseil national, il tiendra compte de la demande que nous avons formulée au cours de ce débat.
Je souscris aux propos qu’a tenus M. Doligé : il nous a paru possible, après réflexion, de transcrire dans le texte de cette proposition de loi l'analyse du Conseil d'État sur la question de l'adaptabilité des normes en conférant au Conseil national un droit de proposition en la matière à l’attention du Gouvernement. Puisque le Conseil national sera entendu avant le Conseil d'État, ce dernier pourra établir un guide, si je puis dire, sur la marge d’adaptabilité.
En tout cas, il est assuré que c’est à ce stade, loi par loi, objet par objet, qu'on peut définir un champ d'adaptabilité.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, pour explication de vote.
M. Alain Néri. Je voudrais rebondir sur les propos de notre collègue Éric Doligé.
Ni dans mes propos ni dans ceux de notre collègue Jean-Claude Frécon il n'était question de revenir sur notre volonté de prendre en compte la situation des handicapés et d'agir en faveur de leur intégration et de leur égalité de traitement. Nous avons simplement voulu dire que, à trop vouloir fixer des normes dans ce domaine, on peut parfois contrevenir à l’objectif d’une meilleure prise en compte des problèmes que rencontrent les handicapés.
Quand, par démagogie, on fait fi du bon sens et de la réalité en créant des normes si drastiques qu’elles sont impossibles à respecter, on ne fait au fond que reculer sur la nécessaire attention et l’indispensable solidarité dues à nos concitoyens handicapés.
Une fois de plus, j’en appelle au bon sens et au refus de toute démagogie.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Mme la ministre a évoqué tout à l'heure la question de la nomination des conseillers généraux. J'ai lu avec attention le rapport et je me souviens aussi que notre collègue Patrice Gélard s'est demandé s’il convenait de parler de « conseillers départementaux » dans la mesure où le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des délégués communautaires, et modifiant le calendrier électoral, que, pour ma part, j’ai voté, n’a pas encore été définitivement adopté. Quand cette loi sera entrée en vigueur et que les conseillers départementaux seront élus par binôme, est-ce seulement l’un des deux membres de ce binôme qui sera membre de ce futur Conseil national ? Je souhaiterais que Mme la ministre nous donne quelques indications sur ce point. Je précise que la réponse, quelle qu’elle soit, ne remettra pas en cause mon soutien à ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 12 rectifié, puisqu’il fait l’objet de la discussion commune.
Tout d’abord, je salue la ténacité de Mme Lipietz. Ensuite, je remercie le Gouvernement d'avoir émis un avis de sagesse sur cet amendement. Enfin, je veux dire que, autant j'apprécie la ténacité, autant je ne comprends pas l'entêtement, en l’occurrence celui de M. le rapporteur, qui s’obstine dans son refus d’introduire tant soit peu de parité dans la composition de ce futur Conseil national. Lui qui est d’ordinaire d’un esprit si subtil, je le trouve quelque peu figé, ce qui me surprend beaucoup. C’est pourquoi j’aurais préféré que, plutôt que d’émettre un avis défavorable, la commission s’en remette à la sagesse de notre assemblée. L’adoption de cet amendement nous permettrait un petit pas supplémentaire vers plus de parité dans nos institutions. (Mme Hélène Lipietz applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Tout le monde a ses limites ! (Rires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Je n’ai pas osé le dire, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
M. Alain Richard, rapporteur. Toute ma vie, j’ai été un modeste fabricant de textes, en essayant toujours de veiller à leur cohérence. Si nous devions instaurer la parité parmi l’ensemble des différentes catégories de membres constituant le futur Conseil national, si les nominations prononcées par les uns dépendaient des nominations prononcées par les autres, alors nous nous engagerions dans un processus inextricable. Par exemple, s’il revient au président du Sénat de désigner les deux sénateurs appelés à siéger au sein du Conseil, on s’attend naturellement – et les travaux préparatoires en feront foi – à ce que ce soient un sénateur de la majorité et un sénateur de l'opposition. À cette fin, le président du Sénat consultera les groupes et lorsque les groupes de la majorité se seront entendus sur le nom d'une femme, cela signifie qu'ils auront décidé, en lieu et place des groupes de l’opposition, que ceux-ci doivent désigner un homme.
M. Philippe Bas. Très juste !
M. Alain Richard, rapporteur. Ce serait une situation inextricable.
C’est bien sûr par étroitesse d'esprit que je m’exprime ainsi, mais il y a tout de même un peu de raisonnement, que j'espère vous avoir fait partager.
À la question posée par Mme Goulet, je ferai une réponse simple : quoi qu'on pense par ailleurs de ce mode de scrutin, il est bien entendu que l’association de deux personnes de sexe différent pendant le processus électoral – ce dispositif sera inscrit dans le code électoral – n’a plus de conséquence sur l’exercice du mandat, et dans le code général des collectivités territoriales qui régira l’exercice par les conseillers départementaux de leur mandat, chacun d'entre eux est pleinement autonome.
Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Jean Giraudoux a écrit ceci : « Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité. » Nous devons faire preuve d'imagination. Et puisque le Sénat n’a pas voulu instaurer la parité dans la nomination des parlementaires au Conseil national, peut-être pourrions-nous voter cet amendement, qui a trait à la désignation de quatre, cinq ou six personnes. Bien évidemment, en cas de nomination d’un nombre impair de membres, la parité ne pourra pas, par définition, être respectée, même si l’on peut espérer que ce seront alors les femmes qui seront supérieures en nombre aux hommes. En tout cas, c’est possible et nous devons prendre en compte la réalité sociologique et humaine.
Enfin, je précise que je rectifie mon amendement n° 24 de manière à insérer les mots « à parité » à la fin de l’alinéa 14 de l’article 1er de la proposition de loi. Cette omission provient du fait que j’ignorais s’il fallait faire mention du conseiller général ou du conseiller départemental.
Mme la présidente. Je suis donc saisie de l’amendement n° 24 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, et qui est ainsi rédigé :
1° Alinéa 13
Compléter cet alinéa par les mots :
à parité
2° Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
à parité
3° Alinéa 16
Après le mot :
municipaux
insérer les mots :
à parité
La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Loin de moi l'idée que M. le rapporteur puisse être étroit d'esprit.
M. Alain Richard, rapporteur. Il m’arrive de me poser la question ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Plancade. Si c’est ainsi qu’il a interprété mes propos, je lui présente mes excuses. De même, je ne voudrais pas qu’il croie que les difficultés qu’il a soulevées m’avaient échappé. Tel n’est pas le cas et c'est en toute connaissance de cause que je voterai malgré tout cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer le mot :
élu
par le mot :
désigné
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Cet amendement de coordination visant à remplacer non pas des hommes par des femmes, mais un mot par un autre, je pense que M. le rapporteur nous suivra. En effet, tous les membres du Conseil national n’étant pas élus, certains étant désignés, il convient de désigner des suppléants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Cette formulation étant en effet préférable, la commission suit Mme Lipietz.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. Puisqu’il est question de coordination, pourquoi ne pas modifier également l’alinéa 16, qui fait référence à dix conseillers municipaux « élus » par le collège des maires de France ? Les suppléants auront été désignés, cependant que les titulaires auront été élus.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Certaines catégories des représentants au Conseil seront nommées – les représentants de l'État –, cependant que d’autres seront élues par différents collèges, selon des modalités définies dans la partie réglementaire du code général des collectivités territoriales. L’expression dont nous parlons, sur la suggestion de Mme Lipietz, est en facteur commun à la fin. Aussi, « désigné » est le terme propre pour parler de deux types de sélection différents. (M. Jean-Claude Frécon opine.)
Mme la présidente. L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Après le mot :
suppléant
insérer les mots :
du même sexe que le titulaire
Mme Hélène Lipietz. Il n’a plus d’objet, madame la présidente !
Mme la présidente. L’amendement n° 14 rectifié n’a effectivement plus d’objet.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bas et Doligé, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Au début, insérer les mots :
La présidente ou
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Mes chers collègues, je vous invite à prêter une grande attention à cet amendement. (Sourires.)
Le texte adopté par la commission des lois concernant la saisine du Conseil national par le Parlement prévoit curieusement qu’il peut être saisi soit par « la Présidente ou le Président d’un groupe parlementaire », soit par « le président d’une assemblée parlementaire ».
Il est regrettable que cette rédaction laisse supposer qu’une femme ne pourrait être présidente de l’Assemblée nationale ou du Sénat.
Mme Jacqueline Gourault. Bravo !
M. Éric Doligé. Puisque vous connaissez ma passion pour ces sujets, vous comprendrez à quel point il est important pour moi que cette rédaction soit modifiée, même si nous n’approuvons pas l’idée qu'un président ou qu’une présidente de groupe puisse, pour les raisons évoquées tout à l'heure, soumettre à l’avis du Conseil national une proposition de loi issue de ce groupe et inscrite à l’ordre du jour.
En tout cas, il serait dommage de ne pas reconnaître la possibilité pour l’une de nos assemblées d'avoir une présidente à sa tête.
Mme la présidente. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 26
Après les mots :
président
insérer les mots :
ou la présidente
II. - Alinéa 33, deuxième phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou de la présidente
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Je ferai juste une petite remarque : chassez le naturel, il revient au galop, en l’occurrence à l'alinéa 26. Cette différence de traitement entre les alinéas 26 et 27 est amusante.
Pourquoi ne pas avoir choisi de prendre acte de la parité dans l’ensemble du texte, alors qu’on sait qu’elle sera bientôt une réalité ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Je m’efforce en vain de ramener ces discussions à des questions de fabrication de textes cohérents. Il n’existe pas aujourd’hui de norme de rédaction de nos textes législatifs qui réponde à cette question et j'appelle ceux que ce sujet passionne à formuler des propositions, ce qu'ils ont pour l'instant négligé de faire.
Quand il est question dans un texte d’un « président », tout le monde comprend, parce que la langue française est ainsi, qu’il s’agit indifféremment d’un président ou d’une présidente. Aussi, je suggère que nous ne nous servions pas d’un texte dont l’objet est tout autre pour engager des débats sémantiques dont je reconnais la valeur, mais qui appellent un traitement transversal après un débat approfondi par le législateur.
Pardonnez-moi cette déformation, mais j'ai du respect pour les gens qui ont écrit de grands textes. Ils ont soigné leur rédaction. Leurs textes sont restés, ils ne font pas sourire. Quand, au moment de célébrer un mariage dans ma mairie, je lis les différentes formules légales inscrites au code civil, je me retiens de sourire quand je parviens aux deux derniers textes, qui ont été ajoutés audit code. C’est du droit bavard ! Nous ne sommes pas obligés de faire de mauvais textes.
Aussi, ne saisissons pas l’occasion de la rédaction d’un modeste alinéa d’un article du code général des collectivités territoriales pour développer une thématique sur la féminisation des termes de droit, qui mérite un vrai travail d’élaboration de la loi, et de légistique. Je m’efforce simplement de placer les choses dans leur case. (Mme Odette Herviaux ainsi que MM. Alain Néri et Dominique Bailly applaudissent.)
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Si je partage la passion de M. Doligé, et si je reconnais que la féminisation du terme pourrait figurer dans le texte, je tiens à préciser que, à titre personnel, je me considère comme « le ministre » ; je suis plus attachée à la fonction qu’à la féminisation. C’est la raison pour laquelle je m’en remets à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je vous remercie, madame « le » président. (Sourires.)
Mes chers collègues, il nous faut choisir l’un des deux amendements.
M. Éric Doligé. Oui !
M. Philippe Bas. Si nous maintenons la rédaction actuelle de l’alinéa 27 – « La Présidente ou le Président d’un groupe parlementaire peut… » –, nous créons une incohérence avec la rédaction de l’alinéa 26, dont le début est ainsi rédigé : « Le président d’une assemblée parlementaire peut… ».
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. Philippe Bas. Loin de moi la tentation de vouloir, à la faveur de l’examen de ces amendements, régler une question de légistique qui paraît fondamentale, mais je tiens à souligner que nous devons dès maintenant choisir un parti.
Pour ma part, bien qu’étant un des coauteurs de l’amendement n° 4 rectifié, je suis tout prêt à y renoncer pour me rallier à l’excellent amendement de Mme Lipietz, qui a reçu un avis favorable de la commission ce matin. (M. le rapporteur s’exclame.) Cela nous permettrait de faire un choix cohérent.
Mme la présidente. Monsieur Doligé, l’amendement no 4 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Je ne veux pas être provocateur…
M. Alain Néri. Un peu tout de même !
M. Éric Doligé. Non, pas du tout !
Le texte présente en effet une incohérence de rédaction. Madame le président, madame le ministre, la rédaction de l’alinéa 26 me convient à la condition que l’on modifie la rédaction de l’alinéa 27.
Dans la mesure où je ne suis pas membre de la commission des lois et dans l’ignorance de ce qui va passer à l’alinéa 27, j’avais déposé l’amendement no 4 rectifié.
Toutefois, monsieur le rapporteur, si vous me confirmez que, à l’alinéa 27, nous en reviendrons à une rédaction plus classique, je retirerai mon amendement.
M. Alain Richard, rapporteur. Je vous le confirme.
M. Éric Doligé. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 4 rectifié.
Mme la présidente. L’amendement no 4 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’amendement no 10 rectifié.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens afin d’éviter toute polémique et pour rassurer quant aux débats à venir sur l’alinéa suivant.
Tout d’abord, je ne souhaite pas que le groupe UMP utilise l’argument de la féminisation pour demander une modification des modalités de la saisine par le président ou par la présidente, en tout cas par les responsables des groupes parlementaires. J’espère que nous débattrons plus sur le fond que sur le point de savoir si la saisine peut être faite par « le » président ou par « la » présidente du groupe.
Si la rédaction du texte reste fidèle à cet esprit – je rappelle que c’est sur notre initiative que cette réflexion a été introduite en commission –, nous nous rallierons à une réécriture visant à une homogénéisation du texte.
Je prends acte des propos de M. Alain Richard, dont je sais la sincérité, sur la féminisation des noms, que je crois fondamentale. D’ailleurs, Mme Najat Vallaud-Belkacem y revient régulièrement. Cette féminisation n’est pas accessoire. Il ne s’agit pas de se faire plaisir. (Mme Hélène Lipietz opine.) Il s’agit de montrer, à travers des termes importants, que les femmes et les hommes peuvent accéder à des responsabilités. L’Histoire nous montre, que dans des textes respectables, voire fondamentaux, l’usage du terme masculin a entraîné de fait la masculinisation de l’exercice des fonctions.
Je comprends les arguments qui ont été avancés, mais afin de marquer le coup et d’encourager la réflexion, qui est nécessaire, je soutiendrai l’amendement de Mme Lipietz en son état actuel.
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Compléter cet alinéa par les mots :
et à l'exclusion des amendements déposés sur un projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a pour objet d'exclure les amendements déposés par les parlementaires lors de l'examen des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale.
En effet, ces textes sont soumis à des contraintes constitutionnelles strictes encadrant leur temps d'examen par le Parlement. Or, il me semble que le délai tel qu’il est actuellement prévu est totalement incompatible avec le mécanisme d'avis prévu par le présent texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de M. Richard ?
M. Alain Richard, rapporteur. Madame la présidente, si vous demandez l’avis de M. Richard, je vous dirai qu’il est hésitant.
Mme la présidente. L’avis de la commission, voulais-je dire.
M. Alain Richard, rapporteur. L’avis de la commission est ferme : la commission est opposée à cet amendement.
Qu’est-ce qui justifie mon hésitation ? Sur mon initiative, et je n’en ai donc pas de regret, nous instaurons un examen préliminaire par le Conseil national d’évaluation des normes, ex-CCEN, d’amendements émanant tant du Gouvernement que des parlementaires.
Dans un cas l’examen est systématique : tout amendement du Gouvernement ; dans l’autre cas, il est sélectif, par exception : il faut qu’un président d’assemblée soumette au Conseil un amendement et que son auteur n’y soit pas opposé.
Cela n’est pas sans inconvénient. Il n’y a pas à cela d’obstacle constitutionnel – je me serais arrêté avant – parce qu’on a donné au Premier ministre le pouvoir de ramener la durée d’examen par le Conseil national à soixante-douze heures. Au fond, si un amendement émanant du Gouvernement soulève des difficultés et donne lieu à un avis défavorable du Conseil national, il sera loisible au Gouvernement de rectifier ledit amendement. Toutefois, il garde en opportunité sa totale souveraineté. Par conséquent, ses prérogatives constitutionnelles d’intervention devant le législateur ne sont pas altérées, et le déroulement en bon ordre du processus législatif n’est pas perturbé grâce à ce délai de soixante-douze heures.
Mais Mme Goulet a parfaitement raison sur un point, lorsque nous avons inclus les amendements parlementaires, nous n’avons pas prévu l’automaticité du délai de soixante-douze heures.
M. Jean-Claude Frécon. Absolument !
M. Alain Richard, rapporteur. Un amendement est venu rectifier ce point afin que toute saisine du Conseil, par le président d’une assemblée, sur un amendement parlementaire entraîne d’office l’application du délai de soixante-douze heures.
Faut-il pour autant, à cause de ces inconvénients, surmontables, je le répète, retirer les amendements du champ d’examen du Conseil national ? J’appelle les collègues qui ont un peu d’expérience législative à rechercher dans leurs souvenirs, dans l’éphéméride des activités parlementaires, quelles ont parfois été les conséquences de dispositions législatives adoptées par voie d’amendement.
M. Jean-Claude Frécon. En effet.
M. Alain Richard, rapporteur. La lecture du rapport du Conseil d’État de 2006, auquel je faisais allusion tout à l’heure, m’a permis de me remémorer, car ce point y figurait, que le deuxième degré, le droit d’appel devant la cour d’assises avait été instauré par amendement. Personne, à l’époque, n’avait évalué les conséquences de cette décision.
Il arrive fréquemment qu’un projet de loi déposé pour des raisons impérieuses, dont personne ne conteste l’utilité, ne trouve pas de place dans le calendrier parlementaire.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Alain Richard, rapporteur. Que font, alors, les uns et les autres ? Et je ne connais aucun Gouvernement qui n’ait pas péché. Après un certain temps, on transforme le projet de loi en question en amendement, afin de l’insérer dans un texte qui, lui, figure dans le calendrier parlementaire. Est-ce une bonne façon de légiférer ?
C’est pourquoi je considère que les minces inconvénients pratiques, qui sont surmontables, et qui en tout cas n’ont pas d’effet constitutionnel, à la saisine du Conseil national sur les amendements sont nettement inférieurs à l’utilisation libre de l’amendement comme un moyen de détournement de la bonne procédure législative.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement, madame « le » ministre ? (Sourires.)
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. L’argumentation de M. le rapporteur, notamment la modification qui a été apportée quant au délai de soixante-douze heures, me conduit à revoir mon avis et à m’en remettre à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je ne suis pas conseiller d’État, mais si j’ai compris l’objet de la discussion, l’amendement n° 22 répond pour partie au souci que j’ai exprimé, puisqu’il précise que la saisine du Conseil national sur les amendements concernés entraîne l’application du délai réduit à soixante-douze heures. Cette précision est-elle bien de nature à répondre à ma préoccupation, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Richard, rapporteur. Tout à fait, et je considère que vous pouvez retirer votre amendement, madame.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de cette confirmation, monsieur le rapporteur. Dans ces conditions, je retire l’amendement n° 7, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 22, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 26
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La saisine du Conseil national sur un amendement mentionné à l'alinéa précédent entraîne l'application du délai réduit à soixante-douze heures mentionné au deuxième alinéa du V.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Je viens de préciser l’objet de cet amendement. Il s’agit de rectifier une omission du dispositif que j’avais proposé antérieurement à la commission. Les dispositions prévues dans cet amendement s’appliqueront par exception, uniquement lorsqu’un amendement peut avoir des conséquences importantes en matière d’alourdissement normatif. Si, dans cette hypothèse, le président d’une assemblée saisit le Conseil national d’évaluation des normes sur l’amendement, cette saisine entraîne l’application du délai réduit à soixante-douze heures, pour ne pas perturber les travaux parlementaires.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Hyest, Courtois et Béchu, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. J. Gautier et Doligé, Mme Troendle et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Cet amendement, et j’ai évoqué ce point tout à l’heure, vise à supprimer l’alinéa 27 puisque les groupes politiques n’ont pas pour nous d’existence juridique. Je ne vois donc pas à quel titre ils devraient pouvoir saisir le Conseil national.
Mme la présidente. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Supprimer les mots :
La Présidente ou
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. C’est avec beaucoup de regret que je présente cet amendement. Si mon précédent amendement avait été retenu, le terme « présidente » figurerait dans le texte, et il n’y aurait donc pas de problème.
Je suis, paraît-il, une féministe convaincue. Mais avant de faire de la politique, je n’étais absolument pas féministe. C’est la politique qui m’a rendue féministe parce que je me suis aperçue qu’il était extrêmement difficile de faire entendre la parité, la féminisation des noms.
Je m’exprime en cet instant non en tant que femme, mais en tant que juriste. À ce titre, même si je ne peux que le regretter, la règle prétendument officielle qui veut qu’il y ait un genre neutre dans la langue française et que, lorsqu’un texte de loi désigne un président, on sous-entend aussi une présidente doit être respectée. C’est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer la mention « La Présidente ou ».
J’en profite pour saluer l’initiative du président de la commission des lois qui nous a annoncé un colloque sur la langue du droit. À l’issue de ce colloque, nous aurons sans doute de nombreuses idées pour féminiser cette langue. Et la norme qui veut que le masculin est forcément neutre deviendra peut-être la norme qui veut que le féminin est forcément neutre. (Sourires.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Je souhaiterais convaincre nos collègues, dont M. Doligé est le porte-parole, qu’ils ne devraient pas poursuivre dans leur demande d’élimination des présidents de groupe dans cette partie du texte, qui leur donne simplement le rôle de saisir le Conseil.
C’est un élément de pluralisme, cela ajoute aux autorités ou aux institutions qui peuvent soumettre au Conseil national, dans son pluralisme et son objectivité, des sujets de réduction de la surcharge normative, sans altérer son indépendance.
Certes, aucune disposition figurant dans une loi ordinaire ne mentionne les présidents de groupes parlementaires, et l’on ne voit pas pourquoi ce serait le cas puisque, habituellement, ils ne sont pas des sujets de droit spécifiques.
Leur situation est régie par les règlements des assemblées, qui sont néanmoins du droit positif,…
M. René Garrec. Oui !
M. Alain Richard, rapporteur. … et les présidents de groupe sont aujourd’hui des personnalités ayant une qualité que rien n’interdit à une loi ordinaire de mentionner. On me rétorquera que les règlements des assemblées pourraient être modifiés. Or cela doit faire cent vingt ou cent trente ans qu’il existe des présidents de groupe dans les deux assemblées, et il ne viendrait à l’esprit de quasiment personne, semble-t-il, de supprimer cette indispensable institution.
Par conséquent, on peut, je crois, faire état de ces présidents ou présidentes dans le texte (M. René Garrec opine.), il n’y a aucun effet perturbant au fait de leur reconnaître le droit de saisir le Conseil.
L’amendement n° 11 rectifié de Mme Lipietz me paraît cohérent avec l’argumentaire que je me suis efforcé de présenter, puisque le terme « président » implique nécessairement celui de « présidente ; d’ailleurs, aucun juge n’osera interpréter un texte comme signifiant autre chose. C’est le droit !
Si cette disposition figure là, c’est simplement parce que nous avons retenu, au cours du débat en commission des lois, un amendement de nos collègues communistes à qui il a paru évidemment naturel d’écrire « une présidente ou un président », pour des raisons que chacun ici connaît. Mais il n’était dans l’esprit de personne d’instaurer une dualité sémantique quant aux présidences de groupe.
Par conséquent, l’amendement n° 11 rectifié est un amendement de conséquence judicieux.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. La disposition qui permet aux présidents des groupes parlementaires de saisir le Conseil national, et que l’amendement n° 2 rectifié tend à supprimer, est déjà prévue au bénéfice des présidents des assemblées parlementaires. Dès lors, elle institutionnalise la relation formelle entre le Parlement et le Conseil national d’évaluation des normes.
La question se pose donc de savoir s’il est utile et opportun d’alourdir le dispositif. Nous nous en remettons à la sagesse de la Haute Assemblée.
Sur l’amendement n° 11 rectifié, je rejoins la position de M. le rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voulais juste formuler une petite observation sur les propos grammaticaux qui sont tenus.
D’abord, il n’existe pas de « neutre » en français. Il existe des pronoms personnels indéfinis, comme « on » ou « il » dans « il pleut ». Mais il n’existe pas une structure ternaire comprenant deux genres et une troisième entité qui s’appellerait « neutre » comme dans d’autres langues.
Ensuite, je voulais appeler l’attention du Sénat sur le fait que ce débat, au demeurant tout à fait intéressant, est récurrent et pourrait avoir lieu sur tous les textes en discussion devant notre assemblée. Il serait sans doute plus sage, sur le plan de la méthode, de le programmer un jour, afin de pouvoir en tirer des conséquences, car celles-ci ne sont pas nulles.
Si l’on décide d’ajouter la forme féminine à tous les termes qui peuvent être féminisés, cela risque de se traduire par le dépôt d’au moins 10 000 amendements, compte tenu du nombre de textes législatifs et réglementaires. Et même si nous choisissons de nous en tenir aux textes législatifs en vigueur, cela sera très important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. À quand un conseil pour harmoniser la féminisation des noms de tous les textes ? Je ferme la parenthèse ainsi.
Pour en revenir à la proposition de l’amendement n° 2 rectifié de nos collègues de l’UMP, je souhaite tout d’abord rappeler que, au-delà du caractère rédactionnel de cet alinéa, sur lequel je ne dirai rien de plus, l’initiative parlementaire au travers des présidences de groupe est une réalité qui permet aujourd’hui à des groupes politiques, dans un cadre réservé, de déposer des propositions de loi.
Je tiens en ce sens à « rassurer » Mme la ministre : nous n’avons pas souhaité faire exploser le nombre de textes qui pourraient être soumis au Conseil national, puisque nous avons veiller à limiter cette possibilité aux propositions de loi qui sont inscrites à l’ordre du jour.
Par conséquent, dans notre esprit, il n’est nullement question que les groupes politiques puissent saisir le Conseil sur chaque proposition de loi qui leur viendrait à l’esprit ou qui répondrait à des besoins du moment.
Enfin, et sans doute avec un peu d’ironie, voire d’impertinence diront certains, je préciserai que je reste tout de même étonnée du dépôt de cet amendement, puisque, en 2008, M. Hyest a soutenu notre proposition qui visait à introduire un droit de saisine directe du Conseil constitutionnel par les groupes parlementaires, arguant justement de l’indépendance et de la force de l’initiative parlementaire dans ce cas. Il était d’ailleurs rapporteur du texte.
Bien évidemment, il ne s’agit pas aujourd’hui du même texte, et les enjeux sont différents.
M. Alain Richard, rapporteur. A fortiori !
Mme Cécile Cukierman. Tout à fait ! En l’occurrence, il nous semble important que les groupes parlementaires, sur l’initiative de leur président, quel que soit son sexe, puissent saisir le Conseil national dès lors que le texte est inscrit à l’ordre du jour et qu’il peut, éventuellement, entrer en application.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Mme le sénateur vient de me convaincre : je retire l’amendement n° 2 rectifié. (Mme Hélène Lipietz applaudit.) Quoi que vous en disiez, nous avons un esprit…
Mme Cécile Cukierman. Constructif !
M. Éric Doligé. Je ne vous ai jamais vu retirer un amendement après que je vous l’ai demandé. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela figurera dans les annales parlementaires ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. L’amendement n° 2 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Après le mot :
État,
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
par les maires, les présidents des exécutifs locaux et toute personne ayant intérêt à agir.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement tend à élargir les capacités de saisine du Conseil national de façon à attirer son attention sur des normes obsolètes ou mal adaptées, afin de favoriser l’apurement du stock de telles normes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement, pour un motif lié essentiellement à la capacité de traitement du Conseil national.
Cet amendement, comme toujours avec Mme Goulet, présente un intérêt intellectuel, parce qu’il nous rappelle que, si l’institution du Conseil national et son fonctionnement donnent satisfaction, d’autres catégories d’institutions ou d’intérêts qui sont touchés par le foisonnement des normes demanderont la même chose.
À ce risque d’extension ou d’« horizontalisation », je n’ai donc pas de réponse. Aujourd’hui, nous avançons pas à pas, et l’objet du présent texte, dont il faut reconnaître le caractère limité et même, à certains égards, un peu arbitraire, se borne à assurer une protection particulière des collectivités territoriales, accessoirement de leurs administrés et de leurs contribuables, contre la prolifération normative.
Il existe d’autres dispositifs – je m’en suis préoccupé pour être en mesure de m’expliquer sur ce sujet devant le Sénat –, en particulier en faveur des entreprises. Ils ne passent pas par un système consultatif formel comme celui-là, mais ils donnent, je crois, des résultats. Cela nous a conduits à considérer en commission que la saisine par des personnes tierces au monde des collectivités territoriales créerait pour le Conseil national des obligations sans limites.
En revanche, et je prends ainsi un tout petit peu d’avance sur le débat, l’amendement n° 5 de Mme Goulet, que nous examinerons dans un instant, qui tend à prévoir la publication de la saisine du Conseil national, nous paraît intéressant, car toute norme résulte d’un arbitrage, d’un équilibrage entre diverses catégories d’intérêts.
Par conséquent, lorsque l’une des institutions ou l’un des groupes d’institutions compétents a saisi le Conseil national en lui demandant de réexaminer l’état du droit dans un domaine, il est normal que ceci soit public dès la première saisine pour que les autres familles d’intérêts, qui s’estiment satisfaites de ces normes et réclament leur maintien, aient la possibilité de s’exprimer tout de suite, en défense en quelque sorte, devant le Conseil national.
L’équilibre qui nous paraît souhaitable, dans l’état actuel des missions de ce conseil national, nous conduits à préconiser l’adoption, avec quelques modifications, de l’amendement n° 5, et, en revanche, le rejet de l’amendement n° 6.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable, car l’adoption de cette mesure entraînerait un véritable engorgement du Conseil national.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. M. le rapporteur a donné son avis sur l’amendement que je n’avais pas encore présenté, mais j’ai bien compris le problème de l’engorgement. Je vais donc retirer l’amendement n° 6 en attendant des jours meilleurs où nous pourrons étendre le champ de la saisine de ce conseil.
D’ici là, les présidents des exécutifs ou toute personne ayant intérêt à agir pourront toujours intervenir par l’intermédiaire de leurs représentants, qui saisiront eux-mêmes, dans les formes prévues par le texte, le Conseil national.
M. Alain Richard, rapporteur. Absolument !
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
L’amendement n° 5, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute saisine du Conseil national fait l'objet d'une publication par voie électronique. Les conditions de cette publication sont établies par voie réglementaire.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Comme l’a très justement dit M. le rapporteur, l’idée était d’instaurer des lanceurs d’alerte comme il en existe dans d’autres départements. Les saisines doivent être publiques, soit parce que certains auront intérêt à maintenir la norme, soit parce que d’autres, par exemple des collectivités territoriales ou des citoyens, auront intérêt à la voir disparaître.
En toute hypothèse, l’information publique me paraît relativement importante, et en ayant pris connaissance, après le dépôt de mes amendements, de l’existence du site internet http://missionnormes.fr, je pense que l’institution que nous sommes en train de créer aujourd’hui devra comprendre le même type de dispositif, mais dont l’accessibilité ne sera susceptible d’aucune restriction.
Tel est l’objet de mon amendement n° 5, qui pourrait probablement être mieux rédigé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Comme il n’est pas utile à cet endroit de faire un renvoi réglementaire, puisqu’il en existe un général, je suggère à Mme Goulet de rédiger ainsi son amendement : « Les saisines du Conseil national mentionnées aux deux alinéas précédents donnent lieu à publication ».
Mme la présidente. Que pensez-vous de cette suggestion, madame Goulet ?
Mme Nathalie Goulet. Je n’y vois aucune objection, et je rectifie par conséquent mon amendement en ce sens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme N. Goulet, et qui est ainsi libellé :
Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les saisines du conseil national mentionnées aux deux alinéas précédents donnent lieu à publication.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je suis favorable à cet amendement tel qu’il vient d’être rectifié.
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 32
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Chaque avis rendu par le conseil national, sur des normes législatives ou réglementaires, doit proposer des modalités de simplification du droit en vigueur et l'abrogation de normes devenues obsolètes. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Cet amendement pose un problème que vous exposera plus en détail M. le rapporteur. Mais, lorsque je l’ai déposé, mon objectif était, comme je l’ai annoncé tout à l’heure lors de la discussion générale, de prendre acte du souhait du Président de la République, à savoir que toute norme nouvelle doit s’accompagner de la suppression d’une norme précédente.
Toutefois, deux types de normes existent : les normes réglementaires et les normes législatives. Or, en commission des lois, nous n’avons débattu que des premières, oubliant les secondes ! Sans doute estimons-nous que les normes législatives sont toujours bonnes ! (Sourires.)
Le présent amendement, qu’il faudrait peut-être rectifier en ne maintenant que les normes réglementaires, tend donc à préciser que l’avis du Conseil national propose des modalités de simplification des autres normes, lorsque c’est bien entendu nécessaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Mme Lipietz elle-même y a fait allusion, le présent amendement est doublement utile.
Premièrement, il permet de préciser le déroulement de la délibération du Conseil national, lorsque ce dernier se prononce sur un corps de droit existant. Je le rappelle, cette instance ne peut pas être elle-même législateur ou codificateur. Elle aura pour mission de proposer un axe et des modalités de simplification. La formulation proposée par Mme Lipietz est donc parfaitement adaptée. Toutefois, pour une question de forme, il me semble préférable d’écrire « l’avis rendu » plutôt que « chaque avis rendu ».
Deuxièmement, le présent amendement a attiré mon attention sur le fait que nous avions malheureusement échoué à traiter d’une question pourtant importante sur le plan méthodologique : le droit d’examen du Conseil national sur l’état du droit existant se limite-t-il au domaine réglementaire ?
À la vérité, si nous en avions débattu plus tôt, j’aurais recommandé à la commission des lois et au Sénat de répondre non à cette question et, partant, de conférer au Conseil national le pouvoir de transmettre aux autorités compétentes, qui devraient être précisément déterminées, des recommandations de modifications de textes législatifs.
En effet, sur ce point également, le rapport d’Alain Lambert est tout à fait éclairant : lorsqu’on commence à « taper dans le dur », si je puis dire, on constate que le caractère rigide et englobant de certaines normes, qui deviennent très difficiles à appliquer au sein des collectivités, repose sur un point d’appui législatif que l’on ne peut pas contourner.
Néanmoins, il me semble inapproprié de proposer au pied levé un amendement tendant à inclure les normes de valeur législative dans les attributions du Conseil national relatives au réexamen du droit existant. Je me permets donc d’adresser ce message au Gouvernement, afin que nous réfléchissions ensemble à cette question d’ici à la première lecture à l’Assemblée nationale et la deuxième lecture au Sénat.
De fait, si on affirme que le droit de recommandation du CNEN sur le stock normatif existant s’étend aux normes législatives, il faut en tirer les conséquences qui s’imposent sur le plan de la procédure. Lorsque le Conseil national émettra des recommandations en la matière, il faudra qu’il les adresse à la fois au Gouvernement et aux bureaux des deux assemblées. En tout cas, il faut déterminer la marche à suivre de manière plus détaillée.
Quoi qu’il en soit, c’est grâce à l’amendement de Mme Lipietz que nous nous sommes rendu compte de cette carence dans la rédaction du texte proposé par la commission. Mais le mérite d’un gouvernement qui a la vertu de ne pas engager systématiquement la procédure accélérée sur les textes est précisément de permettre la tenue de débats législatifs ordonnés !
M. Éric Doligé. En l’occurrence, il s’agit d’une exception !
Mme la présidente. Madame Lipietz, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?
Mme Hélène Lipietz. Tout à fait, madame la présidente.
Il appartiendra éventuellement à l’Assemblée nationale de réintroduire les normes législatives dans le présent texte, et d’adopter les dispositions qui en découleraient.
M. Alain Richard, rapporteur. Tout à fait !
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 19 rectifié bis, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste et ainsi libellé :
Après l'alinéa 32
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'avis rendu par le conseil national sur des dispositions réglementaires en vigueur propose des modalités de simplification de ces dispositions et, le cas échéant, l'abrogation de normes devenues obsolètes. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame la sénatrice, j’ai bien pris en compte la modification qui a été proposée par M. le rapporteur et que vous avez retenue.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement s’interroge, pour sa part, sur la capacité réelle du CNEN à formuler des propositions. En effet, aujourd’hui, des modifications sont souhaitables, mais nous n’avons pas de propositions en tant que telles à formuler en la matière.
Aussi le Gouvernement s’en remet-il à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote sur l’amendement n° 19 rectifié bis.
M. René Vandierendonck. La remarque de Mme la ministre m’interpelle quelque peu.
À cet égard, je tiens à dire que le Conseil d’État a précisé assez clairement dans l’avis qu’il a remis à notre collègue Éric Doligé que, en cas d’adoption du présent texte, le pouvoir de recommandation confié au CNEN sera clairement encadré.
Chacun de nous a détaillé les raisons pour lesquelles il était préférable de conserver cette institution au cœur de l’exécutif. Parallèlement, il faut évidemment donner au CNEN les moyens d’assumer l’essentiel de la novation que nous proposons aujourd’hui, à savoir un travail incluant également des recommandations quant aux adaptations des normes, selon les marges de manœuvre, si je puis dire, présentées par le Conseil d’État.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. Madame la ministre, moi aussi, je m’interroge.
Certes, il est possible que, dans certains domaines, le CNEN ne puisse pas formuler de propositions. Dès lors, pourquoi ne pas remplacer les termes « doit proposer » par « peut proposer » ?
M. Jean-Claude Frécon. Cette formule n’interdira pas au Conseil national d’émettre des recommandations, s’il le souhaite.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Permettez-moi d’apporter quelques éclaircissements supplémentaires sur ce sujet.
Le CNEN est une instance consultative : c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous avons choisi de modifier son intitulé. Il n’a pas de pouvoir de décision. Voilà pourquoi on ne peut pas lui conférer la compétence de réécrire lui-même une disposition normative qu’il jugerait critiquable.
Dès lors que l’on se borne, en réalité, à commenter ou à expliciter la fonction consultative du CNEN, en précisant qu’il peut présenter des recommandations, ce qui relève du pur bon sens – si on n’ajoutait pas ces précisions, cela reviendrait à peu près au même ! –, il va de soi que celles-ci peuvent être plus ou moins détaillées.
Prenons le cas où le CNEN est saisi par un groupe de collectivités territoriales ou par les représentants d’une assemblée. Si, après avoir étudié le dossier et consulté notamment les administrations, qui ont, elles aussi, leur mot à dire, cette instance constate que, malgré les griefs qui lui sont adressés, la réglementation relative, par exemple, aux obligations de sécurité imposées aux établissements recevant du public, correspond à un équilibre, elle ne préconisera pas de la modifier. Cette possibilité fait partie de son pouvoir de proposition.
Ce pouvoir de proposition ne constitue donc pas nécessairement l’obligation – d’ailleurs, aucune sanction n’est prévue ! – de remettre en cause toute réglementation.
Même en maintenant la présente rédaction, on ne court pas le risque d’un empiètement du CNEN sur le pouvoir normatif du Gouvernement ou du Parlement. Le Conseil national reste cantonné, quoi qu’il en soit, au domaine de la simple proposition.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
1° Alinéa 33, première phrase
Après les mots :
ou d'une demande d'avis
insérer les mots :
sur une proposition de loi
2° Après l'alinéa 34
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il est saisi d'une demande d'avis sur un amendement formulé en application du II, le Conseil national dispose d'un délai de vingt-quatre heures à compter de sa transmission pour rendre son avis.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a exactement le même objet que l’amendement visant à modifier l’alinéa 26 de l’article 1er, que j’ai retiré au profit de l’amendement n° 22 de la commission. Il tend en effet à réduire le délai d’examen d’une demande d’avis lorsqu’il s’agit d’un amendement d’origine parlementaire.
Je le répète, la procédure parlementaire s’accommode mal du délai de six semaines, qui, dans la rédaction actuelle, serait accordé au CNEN pour statuer. Le présent amendement tend donc, à la manière d’un référé exécutoire sur minute, à garantir que le Conseil national statuera rapidement.
J’ignore si un délai de vingt-quatre heures est envisageable, ou si, comme à l’alinéa 26, il convient de prévoir une durée de soixante-douze heures. Quoi qu’il en soit, l’objet de cet amendement est clair : réduire le délai de consultation pour ce qui concerne les amendements d’origine parlementaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. À ce stade de notre travail, je continue à défendre la thèse de l’application d’office d’un délai de soixante-douze heures.
Je l’admets volontiers, j’ai travaillé de manière assez artisanale sur ce sujet. La navette entre les deux assemblées pourrait donc utilement permettre au Gouvernement de mobiliser sur ce sujet le secrétariat général du Gouvernement, que j’ai consulté brièvement, oralement et à titre personnel. Cette démarche serait à même de nous rassurer totalement quant au bon enchaînement et à la parfaite harmonie entre, d’une part, ce dispositif consultatif obligatoire, dont nous prévoyons la création, et qui exprime l’ambition de peser sur les choix d’opportunité – ce qui le distingue nettement du Conseil d’État – et, de l’autre, le déroulement des procédures législatives devant les deux assemblées.
S’il faut modifier la durée du délai indiqué, en la réduisant, par exemple, à quarante-huit heures pour être certain d’être au plus juste dans tous les cas de figure, nous en débattrons en deuxième lecture. Mais, selon moi, le délai de soixante-douze heures que j’ai proposé, et qui découle au demeurant de l’expérience de la CCEN, permet, dans l’état de nos réflexions, de répondre à toutes les situations.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 8.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Dans un souci de cohérence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Goulet, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le rapporteur, seul le délai de six semaines est mentionné à l’alinéa 36. Cela signifie-t-il qu’un renvoi sera fait à l’alinéa 26 ?
M. Alain Richard, rapporteur. Exactement !
Mme Nathalie Goulet. Par conséquent, je retire mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 8 est retiré.
L'amendement n° 23, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 36, première phrase
Remplacer les mots :
dispose d’un délai de six semaines pour présenter
par le mot :
présente
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. En relisant l’ensemble de la présente proposition de loi, je constate que, autant le premier délai de six semaines a son utilité dans le déroulement du processus normatif puisqu’il encadre le travail de la commission, qui est tenue de statuer dans ce laps de temps, autant ce délai n’est pas pertinent lorsque le CNEN exerce sa demande de deuxième délibération.
Certes, dans la pratique actuelle, cette procédure n’est employée que de manière exceptionnelle, et concerne surtout des projets de décret ou d’arrêté. Mais, notamment dans le cas hypothétique d’une demande de réexamen d’un projet de loi, il est inutile d’enfermer le Gouvernement dans un délai strict pour présenter la deuxième version de son texte.
Si le Gouvernement est prêt, notamment si la concertation interministérielle a abouti à un système plus satisfaisant, débouchant sur un avis favorable, même avec réserve, du Conseil national, il n’y a aucune raison d’attendre six semaines. En revanche, si les objections soulevées par le CNEN et les représentants des différents types de collectivités appellent à un réexamen en profondeur, et si le Gouvernement est disposé – quoique, naturellement, tout ministre considère que le projet de loi dont il est chargé revêt une urgence extrême – à travailler en ce sens, parce qu’il a identifié un véritable risque, il n’est pas judicieux de lui imposer un délai butoir de six semaines.
À mon sens, il suffit donc de prévoir que, en cas de demande de deuxième délibération, le Gouvernement est tenu de présenter un nouveau texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Hyest, Courtois et Béchu, Mmes Des Esgaulx et Cayeux, MM. J. Gautier et Doligé, Mme Troendle et M. Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéa 36, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Le présent amendement tend à supprimer la seconde phrase de l’alinéa 36, prévoyant la présence d’un représentant du Premier ministre dans le cadre des secondes délibérations du Conseil national.
Pour garantir au mieux la liberté des débats, nous estimons qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un représentant du Premier ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Je crains que cet amendement ne soit le fruit d’un malentendu avec nos collègues signataires.
De fait, le Gouvernement sera, en tout état de cause, représenté au sein du CNEN. Les neuf représentants de l’État seront nommés par les ministres et émaneront d’une hiérarchie ministérielle. Ils figurent déjà dans le collège appelé à se prononcer. La confrontation d’appréciations entre les représentants des collectivités et ceux des ministres est tout à fait judicieuse.
Si, dans le cadre de la seconde délibération, le texte prévoit la venue d’un représentant du Premier ministre, c’est tout simplement pour accompagner le ministre chargé de présenter le projet, non pour modifier la formation délibérante.
Les observations judicieuses d’Alain Lambert à la suite de l’expérience de la CCEN nous ont conduits à la vigilance. Dans certaines circonstances, selon les objets ou l’origine ministérielle des projets, la capacité à entendre les objections de la Commission et à en tenir compte diffère selon les départements ministériels, pour dire les choses de façon aussi enrobée que possible.
Lorsque, exceptionnellement, le Conseil national fera valoir à un membre du Gouvernement que son projet comporte trop de risques, et devra donc être réexaminé, et si le ministre décide malgré tout de le maintenir, considérant que les normes qu’il propose sont vraiment nécessaires, et de convaincre le Conseil de son bien-fondé, la présence du Premier ministre à ses côtés constituera une garantie supplémentaire. Elle prouvera que cette position a été débattue et arrêtée à l’échelon interministériel.
Il s’agit là non pas de déséquilibrer les travaux du Conseil, mais, au contraire, de leur donner plus de solennité : dans les cas exceptionnels où un membre du Gouvernement maintiendra un projet que le Conseil aura critiqué, nous serons sûrs que le ministre aura l’appui du Premier ministre.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Je veux bien faire miens les arguments qui viennent d’être développés par M. le rapporteur. Toutefois, il me semble que cela relève plus du domaine réglementaire que du domaine législatif.
Aussi le Gouvernement émet-il un avis de sagesse sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
M. René Garrec. Ce débat me rappelle quelques souvenirs personnels : je pense en particulier à une discussion entre ministres sur le maintien du caractère maritime du Mont-Saint-Michel. J’avais alors moi-même demandé au Premier ministre de mettre de l’ordre parmi ses ministres ! J’en ai un souvenir très clair.
Mme Nathalie Goulet. C’était un grand moment !
M. René Garrec. Aussi, devrions-nous, me semble-t-il, mon cher collègue, faire confiance au rapporteur. En tout cas, je voterai comme lui !
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. J’ai écouté avec attention M. le rapporteur et Mme le ministre bien sûr, mais plus encore, bien évidemment, mon collègue René Garrec. Compte tenu de son expérience, j’irai plutôt dans son sens. Même si son avis rejoint celui de M. le rapporteur, je lui donne la priorité ! (Sourires.)
J’ai pu, moi aussi, constater que des frictions existaient de temps en temps quant à l’application d’un texte lorsque plusieurs ministères étaient concernés.
Comme l’a dit notre collègue René Garrec, il est en effet parfois souhaitable de mettre un peu d’ordre dans une structure. Aussi vais-je retirer mon amendement, madame la présidente.
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 3 rectifié est retiré.
L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mme Lipietz et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 39
Après le mot :
restreinte
insérer les mots :
et paritaire
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Il s’agit là encore d’un amendement de parité.
Tous les arguments qui m’ont été opposés au début de notre discussion sont inopérants ici. Si je vous ai bien compris, la sagesse des hommes fera que des femmes seront nommées au sein du Conseil national, en dépit de l’absence de parité.
Par cet amendement, je propose d’intégrer la parité dans la formation restreinte propre au sport. En effet, les femmes sportives ont des caractéristiques spécifiques. Or nous savons toutes – je dis bien toutes ! – que les normes oublient trop souvent non pas les femmes, mais leurs besoins propres. Par exemple, dans les établissements publics, l’attente est beaucoup plus longue devant les toilettes des femmes que devant celles des hommes. Certes, il y a autant de toilettes pour les hommes que pour les femmes, mais on sait très bien que les femmes, pour différentes raisons, ont besoin de s’y rendre plus souvent.
De même, de nombreuses normes oublient également de prendre en compte notre ressenti en tant que femmes. Ainsi, est-il normal que les espaces réservés au change des bébés soient toujours situés dans les toilettes des femmes ? Pourquoi ne seraient-ils pas dans les toilettes des hommes ? Est-il normal que, très souvent, les toilettes accessibles aux personnes handicapées se trouvent également dans les toilettes des femmes ?
Mme Cécile Cukierman. Exactement ! Je suis tout à fait d’accord !
Mme Hélène Lipietz. Ces questions prouvent bien que, quoi qu’on en dise, la vision féminine de nos besoins spécifiques doit être entendue, même si je ne mets pas en cause la générosité des hommes, qui, aujourd’hui, d’ailleurs, me soutiennent sur ces amendements.
Les femmes ont des besoins spécifiques, notamment en matière de sport. Vous le savez très bien, on parle très peu du sport féminin. Rendre paritaire la section dédiée aux normes sportives applicables aux collectivités territoriales serait un signe très fort pour toutes les athlètes féminines.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Même si notre collègue a dit des choses fort justes et respectables, il ne me semble pas que ces motifs constituent, selon l’expression consacrée, le soutien nécessaire du dispositif qu’elle propose.
Cette sous-commission comprendra sans doute peu de membres. Nous ne savons d’ailleurs toujours pas – ce point fera l’objet de la navette parlementaire – si cette formation restreinte spécifique sera composée des membres du collège général du Conseil ou de membres distincts, auquel cas il faudrait revoir l’expression « formation restreinte ».
Je veux faire observer à Mme Lipietz que la CERFRES, la Commission d’examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs, aura à traiter non pas des normes de compétition, mais des normes d’équipement.
Par ailleurs, si la réforme électorale en cours de discussion est finalement adoptée, l’ensemble des assemblées locales élues dont émaneront les représentants dans cette commission seront toutes des assemblées paritaires ! L’objectif de notre collègue est donc satisfait.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame la sénatrice, je suis persuadée que Mme Fourneyron adhérerait aux principes que vous avez énoncés et que la sagesse m’empêche de rejeter.
En revanche, je suis plus inquiète sur le principe même de l’organisation entre la CERFRES et le Conseil national.
Aussi, je préfère m’en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. J’avoue être assez sensible à la justesse de l’amendement présenté par Mme Lipietz.
Permettez-moi de réagir aux propos de M. le rapporteur, qui vient d’indiquer qu’il n’est pas certain que les membres de la CEFRES seront inclus parmi les membres du Conseil. Est-ce bien ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, car ce n’est pas écrit ? (M. le rapporteur opine.)
Dans ce cas, je soutiens plus encore cet amendement. En effet, il est très important que les fédérations sportives aient face à elles une commission au fait des problèmes. Je pensais qu’il ne s’agissait que d’une section, mais ce sera peut-être même une chambre à part entière ; on verra ce qui sera décidé au niveau réglementaire. En tout cas, je tiens vraiment à cet équilibre.
Pour prendre un exemple, voilà quinze jours, j’assistais à l’assemblée générale du comité départemental de basketball de mon département, durant laquelle la question des normes a été évoquée. J’ai expliqué aux nombreux sportifs présents, qui en connaissent plus que moi sur ces questions, les conséquences de la décision de la Fédération française de basketball de changer, sur instruction de la Fédération internationale de basketball, le dessin de la raquette au sol.
Sur les quelques terrains sur lesquels on trace encore les limites – ils ne sont plus très nombreux ! –, cela ne pose pas de problème particulier. Mais c’est fort différent pour tous les autres terrains, en particulier dans les salles couvertes, où on privilégie, à la demande des sportifs, des revêtements spéciaux, posés à chaud, dans lesquels les dessins sont incrustés !
Cette décision représente un coût exorbitant pour les communes qui ont aménagé leurs terrains il y a deux ans en respectant le modèle alors choisi et à qui l’on demande aujourd’hui de faire dessiner une raquette carrée au lieu d’une raquette triangulaire !
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. Jean-Claude Frécon. Et là, nous n’y pouvons rien !
M. Alain Néri. Mais si, on y peut quelque chose, avec un peu courage !
M. Jean-Claude Frécon. Nous ne pouvons rien contre la demande de la Fédération française de basket-ball !
Une autre épée de Damoclès est d’ailleurs au-dessus de nos têtes : la Fédération internationale envisage de rehausser d’une vingtaine de centimètres la hauteur des paniers, au motif, il est vrai, que la taille moyenne des individus augmente dans le monde : un trop grand nombre de joueurs seront donc susceptibles de marquer directement avec la main. Mais le problème, c’est qu’il faut appliquer toutes ces nouvelles normes dans l’année ! Il faut tout changer d’une année sur l’autre, quand ce n’est pas durant l’intersaison ! C’est tout simplement impossible !
M. René Vandierendonck. C’est un très bon exemple !
M. Jean-Claude Frécon. C’est pourquoi des élus très au fait de ces questions doivent siéger au sein de cette commission. J’ai pris l’exemple du basketball, mais il en est de même pour d’autres sports.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri.
M. Alain Néri. Je viens d’écouter avec attention mon collègue Jean-Claude Frécon.
Sur le fond, je partage ses préoccupations. Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, les normes imposées par les fédérations sportives sont extrêmement coûteuses et, parfois même, déraisonnables.
Aussi, je fais appel au bon sens et au sens des responsabilités non seulement de ceux qui siègent au sein de ces commissions, mais également des membres des fédérations et des clubs. Eux aussi doivent avoir le courage de dire : « Trop, c’est trop ! » Nous ne sommes pas non plus obligés de céder aux diktats de certaines fédérations.
À cet égard, permettez-moi de revenir sur ce que j’ai dit tout à l'heure au sujet du lobbying institutionnalisé au Parlement européen.
L’Assemblée nationale et le Sénat veulent réguler ce mouvement, en le modulant et en le contrôlant. De leur côté, les responsables élus des fédérations doivent également s’opposer au lobbying des industriels qui construisent des équipements dont ils font varier les normes pour des raisons exclusivement pécuniaires, et pas par souci sportif.
M. Alain Richard, rapporteur. Et ils sont aussi parfois sponsors des fédérations !
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Mon propos s’inscrit dans le prolongement de celui de mon collègue Alain Néri.
Sans revenir, bien sûr, sur la délégation du pouvoir réglementaire confiée aux fédérations, l’une des manières les plus efficaces de lutter contre ces modifications de réglementation serait de contraindre le prescripteur – en l’espèce, le ministère des sports – à payer une partie du surcoût engendré. (Sourires.) Je suis sûr que ce dernier observerait alors avec intérêt les pseudo-règlements produits par les fédérations. Aujourd’hui, il y a en la matière des abus manifestes !
Mme Cécile Cukierman. C’est précisément cette délégation de pouvoir qui crée cette situation !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1211-4-2 est abrogé ;
2° À l’article L. 1211-3, la dernière phrase du troisième alinéa est supprimée – (Adopté.)
Article 3
(Non modifié)
Les conséquences financières pour l’État de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Madame la présidente, le Gouvernement dépose un amendement tendant à supprimer l’article 3.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 25, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Vous avez la parole, madame la ministre.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Par cet amendement de suppression, le Gouvernement lève le gage.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Richard, rapporteur. Favorable.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 3 est supprimé.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la commission des lois a rédigé comme suit l’intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi portant création d’un Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales. »
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, je ne peux que me féliciter du travail que la Haute Assemblée vient d’accomplir. Je remercie le Sénat d’avoir adopté, en coopération avec la commission des lois et son rapporteur, quelques-uns des amendements que j’ai défendus.
Voilà encore un domaine dans lequel un « parlementaire hors-sol » peut parfaitement connaître les problèmes qui se posent dans son département. Il n’est donc pas indispensable d’être soi-même un élu local pour être au courant des difficultés très importantes que les collectivités territoriales peuvent rencontrer dans l’application des normes. C’est une preuve supplémentaire, s’il en était besoin, que le cumul des mandats n’est pas forcément nécessaire ! (Mme Hélène Lipietz acquiesce.)
Je regrette simplement qu’un plus grand nombre de nos collègues n’aient pas pu assister à notre débat, qui fut un modèle de travail parlementaire en ce qu’il a permis d’enrichir cette proposition de loi.
Enfin, je tiens à remercier le Gouvernement de ne pas avoir engagé la procédure accélérée, ce qui nous permettra d’élaborer une version beaucoup plus travaillée de la proposition de loi en deuxième lecture. Les problèmes que rencontrent tous les élus et que nous cherchons à résoudre avec la création de cette nouvelle instance méritent que l’on prenne le temps d’y réfléchir.
En effet, le diable se logeant dans les détails, il est parfaitement évident que, si l’on commence à tirer un peu sur la pelote, vont apparaître des difficultés nouvelles, qui nécessiteront d’autres réflexions et, donc, l’adoption de dispositions complémentaires.
Quoi qu’il en soit, l’ensemble des membres du groupe UDI-UC voteront la proposition de loi. (Mme Hélène Lipietz applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. J’aurais pu, moi aussi, voter cette proposition de loi.
Après tout, ce texte améliore les procédures visant à dissuader le Gouvernement et, maintenant, le législateur d’émettre de nouvelles normes, qui font peser sur les collectivités territoriales des charges supplémentaires non financées.
Si, de ce point de vue, la proposition de loi va dans le bon sens, je suis, toutefois, embarrassé de constater que, dans le même temps, le Gouvernement s’apprête à prendre – la Commission consultative d’évaluation des normes n’a pas réussi à le décourager ! – des mesures qui aggravent les charges des collectivités territoriales sans prévoir à un aucun moment les compensations nécessaires.
Chacun l’aura deviné, je fais allusion à l’institution de la semaine de quatre jours et demi à l’école. Je ne suis pas défavorable par principe à cette décision, mais celle-ci aura des conséquences très lourdes pour les départements, qui assurent le transport des élèves, et pour les communautés de communes et les communes, qui organisent les activités périscolaires.
M. Alain Néri. On le faisait bien jusqu’en 2005 !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est une autre question !
M. Philippe Bas. Il me semble donc très difficile de donner sur ce texte une sorte de blanc-seing au Gouvernement au moment même où il foule aux pieds l’exigence de la compensation des charges imposées aux collectivités territoriales ! C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai.
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. L’adoption de cette proposition de loi constituera une avancée très significative en même temps qu’une marque de confiance à l’égard de l’exécutif, puisque le Conseil national d’évaluation des normes sera placé en son cœur.
La réflexion doit encore mûrir, s’agissant en particulier des répercussions économiques et des tests qui permettent aux usagers de s’exprimer, comme j’ai essayé de le démontrer dans mes interventions.
Monsieur Bas, je suis convaincu qu’il y a des raisons d’espérer. Les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 adoptées sous le précédent gouvernement ont augmenté d’un millier de pages les différents codes concernés !
Mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer le résultat d’un exercice de comptabilité analytique que j’ai réalisé à l’échelle de la communauté urbaine de Lille, qui comprend 85 communes et compte un peu plus d’un million d’habitants. Le simple fait de généraliser l’information par internet, suivant les recommandations de Mme la ministre, et de ne plus rendre systématiquement obligatoire la communication des documents imprimés dans les procédures d’enquête publique pour les plans locaux d’urbanisme entraîne une économie de 1,6 million d’euros sur la durée d’instruction du PLU. C’est donc bien qu’il existe encore des marges de manœuvre non contradictoires avec une meilleure information des citoyens ! (M. Alain Néri acquiesce.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je tiens à féliciter les auteurs de la proposition de loi, ainsi que le rapporteur pour le travail qu’il a accompli dans un esprit constructif et pour sa grande qualité d’écoute. La rédaction à laquelle nous sommes parvenus conserve l’essence même de la proposition de loi initiale ; notre travail collectif a permis de l’améliorer en la rendant plus efficace encore.
J’insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une simple proposition de loi technique, comme on pourrait le croire ; il s’agit bel et bien d’une proposition de loi politique, en ce qu’elle vise à renforcer l’efficacité des politiques publiques, voire celle de l’action publique, et à rendre pertinents les investissements réalisés par les différentes collectivités territoriales. En ce sens, cette proposition de loi redonne à la politique toute sa noblesse.
Toutefois, nous devrons réfléchir au moyen d’aller encore plus loin. Nous en sommes, me semble-t-il, toutes et tous conscients, cette proposition de loi ne saurait se suffire à elle-même. Plus largement, il faudra mieux anticiper les normes à venir et revoir les normes existantes.
Nous devrons également réfléchir, ici et dans d’autres enceintes, à l’équilibre, difficile à trouver, entre contrainte et protection. Au quotidien, nous entendons des remarques sur telle ou telle norme inutile ou complexe ; des personnes viennent se plaindre auprès de nous de l’application de telle ou telle mesure, qui les ennuie. Nous avons tous des exemples en tête. Or ce sont aussi parfois ces mêmes personnes qui viennent nous demander d’agir pour mieux sécuriser ou mieux protéger ! Je vise tout le monde, et personne en particulier ; c’est notre société qui veut cela.
Il nous faudra redonner du sens à l’intérêt général pour toujours atteindre cet équilibre sans jamais oublier que nos décisions doivent être prises, en prenant le temps nécessaire à la réflexion, avec le souci de protéger le plus grand nombre, notamment les plus faibles.
Nous voterons la proposition de loi, tout en souhaitant que ce débat se prolonge au-delà de la simple création du Conseil national d’évaluation des normes.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé. Je vais essayer de faire abstraction d’un certain nombre de considérations, tout en comprenant très bien la position de notre collègue Philippe Bas. Si le Conseil national que nous allons créer avait existé, il aurait peut-être évité que la décision de modifier les rythmes scolaires ne nous tombe dessus. Il est certain qu’une réflexion aurait été utile sur ce sujet, car les avis sont extrêmement partagés, notamment quant à la méthode employée.
Pour ma part, je vis ce sujet avec beaucoup de passion et d'intérêt : toutes les mesures susceptibles de faire avancer les choses vont, au-delà des convictions personnelles et politiques de chacun, dans le bon sens.
J’ai pris part à tous les débats qui ont eu lieu sur la question des normes depuis un certain temps. J’ai parfois été quelque peu heurté : certains ont adopté des positions très dogmatiques et très politiques, s’opposant par principe aux mesures que je présentais. Ils m’ont systématiquement mis des barrières, alors que toutes les questions relatives aux normes que j’ai abordées ici n’ont jamais été motivées par des arrière-pensées. Je me suis toujours appliqué à ne traduire que les demandes des élus, de droite comme de gauche. D’ailleurs, j’ai retrouvé dans les propos de certains de mes collègues des demandes qui m’avaient été adressées et que je n’étais pas parvenu à faire aboutir ici.
À titre personnel, je voterai la proposition de loi. En effet, même si quelques détails me chagrinent ici ou là, j’y retrouve bon nombre d’idées contenues dans la proposition de loi que j’avais élaborée en collaboration avec d’autres personnes. Ce texte, dans sa philosophie, comporte de nombreux points très positifs. Sur un certain nombre de sujets, j’ai été convaincu que mes raisonnements n’étaient peut-être pas tout à fait exacts, et je les ai rectifiés.
Dans une enceinte comme la nôtre, il faut savoir de temps en temps dépasser certains clivages. Quand je prends la parole, j’ai franchement parfois l’impression que certains font un blocage. Mesdames, il faut savoir accepter le débat et les points de vue de ses collègues, qui peuvent avoir leur propre réflexion ! Les positions que nous prenons sont non pas figées, mais inspirées par le pragmatisme : telle ou telle mesure est-elle réalisable ou non dans la société d’aujourd’hui ?
Mes chers collègues, pour détendre un peu l’atmosphère, je reviendrai sur le sujet passionnant que Mme Lipietz a abordé tout à l’heure : les sportifs.
Sur un tel sujet, nous avons été mis dans l’embarras pour répondre. Dans la mesure où les sportifs sont jeunes, il y a peut-être un problème davantage féminin que masculin. Mais, dans une assemblée comme la nôtre, la situation s’inverse : les hommes sont souvent plus âgés que les femmes, et on n’a pas forcément les mêmes problèmes quand on siège pendant un certain nombre d’heures… (Sourires.)
Aussi, je me demande si les normes sont respectées pour ce qui concerne l’âge et la parité. Peut-être la parité intégrale au Sénat permettra-t-elle de changer la donne ? En tout cas, pour l’instant, ce n’est pas le cas, et se posent un certain nombre de problèmes, qui s’inscrivent dans le droit-fil de vos réflexions, madame Lipietz. Ne faudrait-il pas créer un Haut Conseil spécifique pour traiter de ce problème national important ? (Sourires.) Mais je laisse chacun imaginer les choses à sa façon…
Mme Cécile Cukierman. Il y a plus de toilettes « Hommes » que de toilettes « Femmes » !
M. Éric Doligé. Pour ma part, je voterai, à titre personnel, cette proposition de loi ; chacun est libre de voter comme il le souhaite sur un tel sujet.
J’espère que l’adoption de ce texte ne sera qu’un début et que nous saurons avancer collectivement dans ce domaine.
Chers collègues de la majorité, je ne doute pas que vous saurez faire passer des messages à vos collègues députés pour que, à l’occasion de l’examen de ce texte, ils dépassent un peu leurs convictions politiques et considèrent l’intérêt général ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mmes Hélène Lipietz et Nathalie Goulet applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Le groupe du RDSE, dans son ensemble, votera ce texte sans aucun état d’âme. En effet, bien que nous ayons formulé des remarques et nourri quelques inquiétudes, il constitue, selon nous, une avancée. Il était d’ailleurs très attendu par l’ensemble des élus locaux.
Je tiens aussi à souligner la grande qualité du débat auquel il a donné lieu au sein de cet hémicycle. Je suppose, car je n’en suis pas membre, qu’il a été du même niveau au sein de la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je tiens à mon tour à remercier M. le rapporteur, Mmes les ministres et tous nos collègues qui ont participé activement à ce débat.
Je ne crois pas, cher Éric Doligé, que nous vous ayons opposé de « barrière ». La preuve en est que votre proposition de loi a été adoptée par le Sénat. Certes, quelques amendements avaient été déposés. Mais n’est-ce pas, après tout, la raison de notre présence ?... Toutes les contributions sont donc prises en compte.
Pour conclure, permettez-moi, une nouvelle fois, de rappeler que ce texte a trouvé, pour une part, sa source dans les états généraux de la démocratie territoriale et que ses auteurs ont tenté de traduire une aspiration qui s’est manifestée en cette occasion, comme en d’autres d’ailleurs. Nous avons veillé lors de ces travaux, conformément à l’objectif affiché par le président Jean-Pierre Bel, à ce que le Sénat réponde aux préoccupations des élus locaux.
Si ce texte est voté, ce que je crois, nous aurons marqué un premier but, pour prendre une image sportive ; il nous restera, demain, à en inscrire un autre. Ainsi, nous aurons fait quelques pas – ne soyons pas immodestes ! –, dans l’espoir que l’Assemblée nationale sera prochainement saisie de ce texte.
Je le dis clairement : lorsqu’un texte qui porte, à l’évidence, sur un sujet d’intérêt général, est largement adopté par l’une des assemblées parlementaires, mais n’est pas examiné par l’autre, c’est toujours une déperdition. Je plaide donc pour que l’Assemblée nationale se saisisse de la présente proposition de loi, afin que celle-ci nous revienne en deuxième lecture et que nous parvenions à transformer l’essai ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Hélène Lipietz applaudit également.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.
(La proposition de loi est adoptée.)
7
Nomination de membres de commissions
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe communiste républicain et citoyen a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique et une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
– M. Paul Vergès, membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Michel Billout, démissionnaire ;
– et M. Michel Billout, membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de M. Paul Vergès, démissionnaire.
8
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 29 janvier 2013 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales
(Le texte des questions figure en annexe.)
À quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :
2. Proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat (n° 120, 2012-2013) ;
Rapport de M. Bernard Saugey, fait au nom de la commission des lois (n° 280, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 281, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART