M. Pierre-Yves Collombat. Tout ce qui permet de mieux ancrer la communauté des Français établis hors de France au sein de la communauté nationale est bon. Ce texte, je le crois, apporte une amélioration à cet égard.
On peut, certes, toujours soupçonner celui qui entreprend de réformer un mode de scrutin de vouloir faire pencher le destin en sa faveur. Mais, mes chers collègues, le destin fait ce qu’il veut : nous verrons bien !
Ceci étant dit, je constate que, à l’heure actuelle, les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France sont élus par des grands électeurs dont le nombre est de trois à cinq fois inférieur à celui qui est nécessaire dans le département français le moins peuplé pour élire un sénateur.
La multiplication par quatre de leur nombre constitue donc, certes, un progrès, mais un progrès somme toute assez modeste, avouez-le ! Même ainsi, on n’est pas encore au rang de la Lozère, qui n’élit qu’un sénateur.
M. Robert del Picchia. C’est vrai !
M. Pierre-Yves Collombat. Mais comment refuser cette réforme ? Comme je l’ai dit lors de la discussion générale – le débat ne m’a pas fait changer d’avis –, le groupe RDSE, dans son immense majorité, votera en sa faveur. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa.
M. Christophe-André Frassa. Madame la ministre, ainsi que je vous le disais hier, au début de la discussion générale, et contrairement à ce que semble penser M. Collombat – mais, ce dernier n’ayant pas suivi l’intégralité des débats, on peut l’en excuser –,…
M. Pierre-Yves Collombat. Bien sûr que si, j’ai tout suivi ! Vous vous moquez ?
M. Christophe-André Frassa. … nous sommes favorables à l’élargissement du collège électoral.
M. Christian Cointat. Et nous le sommes depuis longtemps !
M. Christophe-André Frassa. Nous sommes également favorables au développement d’une plus grande proximité des élus avec les Français qu’ils représentent, ainsi qu’à une réforme de l’AFE, mais, comme je l’avais aussi précisé, pas à n’importe quel prix et pas n’importe comment !
Nous avions placé beaucoup d’espoir en ce débat. Comme vous avez pu le constater, nous avons fait de nombreux gestes en direction du Gouvernement, afin de nous rapprocher de ses positions. Le Gouvernement, je tiens à le souligner, en a fait aussi. Cependant, nous ne sommes pas parvenus à un accord sur tous les points, loin s’en faut. Je le regrette – j’avoue même être un peu triste.
Au cours de ce débat, nous étions pourtant tous animés de la même volonté de réformer la représentation des Français de l’étranger. Vous aviez vos idées, nous avions les nôtres, nous étions prêts à les faire converger. Quelques détails, qui ont une importance capitale pour nous – je n’y reviens pas –, empêchent que nous y parvenions ce soir.
Afin de ne pas rallonger inutilement nos débats, je vous donne le verdict : le groupe UMP votera contre le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Cette réforme fait véritablement progresser la démocratie pour les Français établis hors de France. Que nous soyons des Français établis hors de France ou en France, nous ne pouvons que nous féliciter des avancées qu’elle permet. N’oublions pas d’ailleurs que ces deux catégories ne sont pas étanches !
Comme M. Le Scouarnec, je regrette cependant que la création du bulletin unique ait été rejetée.
Par ailleurs, j’espère très sincèrement que nous aurons l’occasion de débattre de nouveau sur la question du cumul – ou, plutôt, du non-cumul ! – des mandats, y compris dans le temps.
Pour les Français établis hors de France, cette réforme, qui tend à promouvoir une démocratie de proximité, est une vraie chance. Si, parfois, il a pu sembler que nous avions des difficultés à la concevoir, c’est que nous avons dû inverser les schémas qui prévalaient jusqu’à présent.
Je tenais, pour finir, à remercier l’ensemble des sénateurs, représentant les Français de France comme les Français de l’étranger, de la majorité ou de l’opposition, de tous les débats et échanges que nous avons eus ensemble.
M. Christophe-André Frassa. Très bien !
Mme Kalliopi Ango Ela. En ce qui le concerne, le groupe écologiste votera donc en faveur du présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Comme au cours de ma première intervention, et même si je souhaite éviter de me répéter, je rappellerai l’ancienneté de mon mandat. Elle m’a permis d’être le témoin de nombreuses réformes de la représentation des Français de l’étranger et m’autorise à dire que les dernières modifications d’importance ont été précédées de consultations entre les différentes sensibilités politiques et votées à la quasi-unanimité. Comme je l’ai également dit, j’ai considéré tout à fait légitime et normal que le Gouvernement et sa nouvelle majorité décident de la réformer à nouveau.
Un dialogue s’est établi, et les choses semblaient en bonne voie. Peut-être vous souviendrez-vous que, à la fin de cette première intervention, j’ai dit qu’il y avait deux possibilités : ou nous aboutissons à un accord des différentes sensibilités, de la majorité comme de l’opposition, et la réforme sera alors une grande réforme pour les Français de l’étranger ; ou nous n’aboutissons pas à un accord, et il ne s’agira que d’une réforme politique conjoncturelle qui, s’il y a à un moment donné un changement de majorité, sera bien entendu remise en cause.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ah ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. C’est la représentation proportionnelle dans les circonscriptions à deux sièges qui nous sépare. Nous avions été choqués par la mise en place, dans la loi électorale de 1982, de la proportionnelle au plus fort reste pour les circonscriptions à deux sièges. Ici, c’est à la plus forte moyenne, mais cela n’y change rien : la proportionnelle à deux sièges, nous ne l’acceptons pas !
Un pas, un seul, reste donc à faire ; s’il est fait, une grande étape pour la représentation des Français de l’étranger sera franchie.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, nous avons tenté de travailler en bonne intelligence pour obtenir un accord. Cela n’a pas marché, n’y revenons pas, mais j’en suis un peu triste, car j’aurais volontiers voté ce projet de loi.
M. Michel Teston. Vous pouvez le faire !
M. Robert del Picchia. Laissez-moi m’expliquer !
Je me vois contraint de ne pas le voter, d’une part, par solidarité avec mon groupe.
Je me demande, d’autre part, ce qui se serait passé si ce projet de loi avait été adopté à l’unanimité.
J’imagine que le Gouvernement aurait tenté de convaincre l’Assemblée nationale de voter conforme le texte du Sénat, ce qui aurait été une bonne chose puisque ce vote unanime aurait voulu dire que toutes les sensibilités politiques du Sénat s’étaient entendues pour voter un projet de loi qui correspondait, à peu près, à ce que voulaient tant les Français de l’étranger que le Gouvernement et que l’opposition avait approuvé. C’est en toute confiance que le Gouvernement aurait pu alors aller défendre le texte à l’Assemblée nationale.
Mais que va-t-il se passer maintenant ? Je me mets à la place d’un député socialiste,…
M. Alain Néri. C’est délicat ! (Sourires.)
M. Robert del Picchia. … car je me mets toujours à la place de ceux qui sont en face de moi, et je me dis : ces sénateurs, ils nous embêtent avec leurs histoires et je vais faire ce que je veux !
La façon de parvenir à une solution, ce n’est donc pas à l’Assemblée nationale qu’on la trouvera, puisque celle-ci fera ce qu’elle voudra. Elle peut même accepter de voter le texte conforme, ce qui ruinerait nos espoirs de voir le présent projet de loi un peu modifié.
La seule chance est donc que le Gouvernement parvienne à convaincre la majorité de l’Assemblée nationale, et notamment le groupe socialiste, de modifier légèrement le texte pour nous permettre de parvenir à un accord. En cas de succès, tout le monde s’en réjouira, à commencer par les Français de l’étranger.
Rappelez-vous, madame la ministre, lors de sa présentation devant l’AFE, le projet de loi avait suscité des oppositions à gauche comme à droite, et peut-être même plus à gauche qu’à droite ; je vous renvoie aux critiques venant des rangs du groupe Français du monde-Association démocratique des Français de l’étranger.
Nous avons fait beaucoup de progrès et le résultat auquel nous sommes parvenus est tout près de recueillir l’adhésion générale.
Je vous rappelle la dernière proposition que j’ai formulée : faire en sorte que chaque circonscription ait au minimum trois élus en modifiant à la marge le tableau des circonscriptions, ce qui serait une satisfaction pour les uns et un compromis acceptable pour les autres.
À vous de convaincre les députés, madame la ministre !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Je remercie l’ensemble des participants, qu’il s’agisse des sénateurs des Français de l’étranger ou de nos collègues qui ont bien voulu suivre ce « débat d’initiés » et s’intéresser à notre représentation politique spécifique.
Je salue en particulier l’engagement de Mme Tasca, des travaux préparatoires à la discussion en séance.
Mes remerciements vont également aux fonctionnaires de la commission des lois, qui nous ont fourni une assistance de grande qualité dans des délais contraints.
M. Zocchetto, qui n’est plus là, devrait savoir que les Français de l’étranger ont l’expérience des réformes conçues par ordinateur pour satisfaire un camp. Ils ont démontré que les résultats électoraux dépendaient non pas de logiciels informatiques, mais de combats politiques, de débats d’idées et de confrontations programmatiques. Ce sera encore le cas lors des élections à venir, comme cela l’a été en 2012. Notre collègue m’a semblé faire preuve d’un peu d’amnésie…
Au cours de ce débat, et quel que soit d’ailleurs notre vote final, nous avons travaillé ensemble et parfois fait des pas en direction de l’autre pour améliorer le texte et le rendre conforme aux attentes des Français de l’étranger. De ce fait, nous avons, me semble-t-il, permis au Sénat de remplir parfaitement son rôle.
Nombre d’avancées ont déjà été soulignées. Les progrès par rapport au dispositif issu de la loi de 1982 sont manifestes. Je pense par exemple à l’élection du président de l’Assemblée des Français de l’étranger au suffrage universel et au rôle des conseillers consulaires, qui pourront faire un travail de proximité.
Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, compte tenu des attentes des Français de l’étranger et de la nature réglementaire des politiques concernées, le succès de la réforme ne réside pas seulement dans sa dimension législative. L’engagement de tous sera nécessaire. Je pense aux membres de l’Assemblée des Français de l’étranger et aux conseillers consulaires qui seront élus en 2014. Mais il faudra aussi veiller à la définition des moyens et des compétences de ces conseillers dans les décrets d’application de la loi que nous nous apprêtons à voter, madame la ministre.
Le projet de loi constituera un réel progrès s’il répond aux attentes des Français de l’étranger et s’il leur permet de conserver un lien avec notre pays et un sentiment d’appartenance à la communauté nationale.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat a beaucoup intéressé non seulement les sénateurs représentant les Français de l’étranger, mais aussi l’ensemble des membres de la Haute Assemblée.
M. Christian Cointat. Ceux qui étaient présents…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Même si nous représentons un département de la France métropolitaine, nous mesurons en effet l’importance pour notre pays de la présence de nos compatriotes à l’étranger. On peut faire à l’envi des discours sur notre commerce extérieur, mais le succès passe obligatoirement par l’engagement d’hommes et de femmes dans le monde entier. Et le rayonnement culturel, scientifique ou universitaire de notre pays tient à l’investissement de Françaises et de Français au service d’une certaine idée de la France et des valeurs qui sont les nôtres.
À cet égard, il n’est pas du tout indifférent qu’il y ait des conseils consulaires pour renforcer la représentation sur le terrain, une Assemblée des Français de l’étranger plus démocratique et un collège électoral sénatorial plus vaste. Voilà ce que j’aurais dit à M. Zocchetto, si celui-ci, après être apparu à la fin du débat et nous avoir fait entendre une petite musique à laquelle je ne m’attendais pas, n’avait aussi soudainement disparu.
Il était apparu un peu à la manière de figures qui ont été canonisées depuis et, tel l’ange dans Le Soulier de satin, à peine avait-il achevé son discours minimaliste qu’il était reparti !
M. Georges Labazée. À l’étranger ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En fait, comme dans certains textes sacrés ou dans l’œuvre de Stéphane Mallarmé, M. Zocchetto, et ce fut l’un des bonheurs de la soirée, nous a offert une apparition ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert del Picchia. C’est méchant !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 174 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Si certains ont exprimé leur tristesse tout à l’heure, j’aimerais pour ma part exprimer ma joie.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont participé à notre débat, qui ont enrichi le projet de loi et qui se sont engagés depuis des mois avec le Gouvernement pour aboutir au résultat de ce soir.
Je salue tout particulièrement Mme Tasca de son travail sur le texte, M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois, qui n’a pas fait d’« apparition » : il a été bien présent tout au long de l’examen du texte ! (Sourires.)
Le mot de la fin sera bref : un grand merci à tous ! (Applaudissements.)
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 20 mars 2013, à quatorze heures trente et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (n° 365, 2012-2013) ;
Rapport de M. Richard Yung, fait au nom de la commission des finances (n° 422, tomes I et II, 2012 2013) ;
Texte de la commission (n° 423, 2012-2013) ;
Avis de M. Yannick Vaugrenard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 427, 2012-2013) ;
Avis de M. Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois (n° 428, 2012-2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART