Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à remercier Mme Bricq de m’avoir suppléé avec brio dans ce débat. En tant que ministre de l’économie et des finances, chacun le comprendra, je me devais d’être au côté du Premier ministre au moment de l’examen de la motion de censure à l’Assemblée nationale. Cette séance exigeait la présence de nombreux ministres – Nicole Bricq aurait pu y être également –, notamment ceux qui ont la charge, comme moi, de la politique économique. Je me suis toutefois tenu informé du déroulement de vos débats, et je vous garantis que je serai désormais personnellement présent jusqu’à la fin de l’examen du texte.
Je reprends donc le fil des amendements.
L’amendement n° 208 tend à supprimer la possibilité de fixer un seuil unique pour l’ensemble des établissements. Il précise également que l’activité à filialiser correspond à la part de l’activité qui excède ce seuil.
Si ma mémoire est bonne, nous avons déjà examiné un amendement semblable en commission des finances présenté par M. le rapporteur.
M. Philippe Marini. Tout à fait !
M. Pierre Moscovici, ministre. Je me dois aujourd’hui d’apporter la même réponse, monsieur Marini, non que je ne comprenne pas le souci que vous exprimez, mais parce qu’il vaut mieux que le ministre puisse conserver une palette de choix. En effet, dans certains cas, le ministre peut souhaiter intervenir en fixant un seuil applicable pour l’ensemble des établissements. Cette hypothèse n’exclut pas que l’on puisse intervenir établissement par établissement. Aussi la rédaction actuelle me semble-t-elle offrir des possibilités plus larges.
Telle est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit retiré, à l’instar de celui qui avait été examiné en commission des finances. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable. Je le répète, il ne s’agit pas de s’opposer à l’esprit de cet amendement, mais de préserver les marges de manœuvre dont le ministre doit disposer.
L’amendement n° 223 est de même nature. Il tend à ce que le ministre fixe une limite au-delà de laquelle les activités de tenue de marché seraient obligatoirement filialisées.
La logique du texte, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, est la suivante : le ministre doit pouvoir déterminer les cas où les activités d’un ou de plusieurs établissements seraient manifestement excessives et de nature à détourner l’esprit de la loi. Il ne s’agit pas de fixer ex ante une limite quantitative mais de prévoir la possibilité que le ministre puisse intervenir en cas de dérive. C’est cet outil que Mme Berger, rapporteure de ce texte à l’Assemblée nationale, a qualifié de « ciseaux ». Il s’agit d’un mécanisme à la fois souple et précis. En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de l’amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 110 tend à ce que la faculté accordée au ministre de forcer la filialisation des activités de marché au-delà d’un seuil de matérialité ne puisse être exercée que sur proposition de l’ACPR. Cette mesure ne s’inscrit pas dans la logique du texte adopté par l’Assemblée nationale, à laquelle je souscris : laisser la main au politique en donnant clairement au ministre l’initiative de cette décision.
Il n’y a là aucune contradiction. Je rappelle que la décision du ministre est prise après avis de l’ACPR, ce qui assure que ses compétences techniques seront bel et bien mises à contribution dans l’élaboration de la décision. Sur ce point encore, le texte adopté par la commission des finances du Sénat me conduit à demander le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Par l’amendement n° 225, M. Desessard propose de supprimer la possibilité de fixer un seuil unique pour l’ensemble des établissements. Il précise aussi que l’activité à filialiser correspond à la part de l’activité qui excède ce seuil. Sur ce sujet, j’ai déjà donné l’avis du Gouvernement : retrait ou, à défaut, défavorable.
Aux termes de l’amendement n° 224, le ministre doit remettre au Parlement un rapport concernant l’usage de son pouvoir de fixer une limite au-delà de laquelle les activités de tenue de marché seraient obligatoirement filialisées.
M. Jean Desessard. Exact !
M. Pierre Moscovici, ministre. Il ne me semble pas nécessaire de mettre en œuvre une procédure aussi lourde pour assurer la bonne information du Parlement sur ces mesures dès lors que le ministre aura décidé de fixer un seuil. Le Parlement dispose déjà de tous les moyens d’obtenir l’information nécessaire quant à l’usage des pouvoirs qu’il délègue au Gouvernement. Je demande en conséquence le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
La série d’amendements qui suit concerne la filialisation compte tenu de l’exposition des banques aux hedge funds. Je développerai un peu plus cet aspect.
Le projet de loi filialise les participations que les banques pourraient détenir dans des hedge funds. Plus largement, il filialise leurs opérations avec des hedge funds, sauf lorsque celles-ci sont garanties par une sûreté. La loi fixe ainsi une norme prudentielle visant à imposer aux banques l’obligation de réduire au maximum les risques qu’elles peuvent prendre en traitant avec un hedge fund.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le sais, les hedge funds sont souvent perçus comme les principaux acteurs de la spéculation sur les marchés. Cette interprétation n’est pas fausse en soi. Toutefois, sur cette question, il convient de faire preuve de pragmatisme et de réalisme. En effet, il ne faudrait pas adopter des mesures qui pénaliseraient inutilement les banques françaises sans atteindre les hedge funds eux-mêmes.
Faire preuve de pragmatisme, c’est réaliser que la filialisation de toutes les activités conduites avec des hedge funds aboutirait en pratique à interdire aux banques françaises de traiter avec ce type de contreparties. Or force est de constater que celles-ci sont incontournables du fait de leur poids et de leur capacité à prendre des risques lorsque aucun autre investisseur ne l’accepte. Je ne l’admets pas sans un certain regret : les banques françaises doivent pouvoir traiter avec les hedge funds si elles veulent jouer leur rôle dans le financement de nos entreprises.
À cet égard, je rappelle que le présent texte répond à une logique de régulation, de moralisation et de contrôle, et non à une logique de punition de nos entreprises ou de pénalisation de leur capacité de financement. Il faut dépasser tout rapport affectif aux hedge funds ; qu’on les aime ou non, ces derniers sont des acteurs clefs du placement des titres d’entreprise, comme, par exemple, les obligations convertibles. Vous le savez, il s’agit là d’un instrument très utilisé par les entreprises de taille intermédiaire françaises lorsqu’elles émettent sur les marchés.
Faire preuve de réalisme, c’est admettre que ce n’est pas à l’échelle nationale et en pénalisant les banques françaises que nous améliorerons la réglementation des hedge funds. De fait, ces derniers trouveraient sans peine des banques non françaises avec qui traiter. Nous n’avons donc rien à y gagner.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut pas être favorable à l’amendement n° 75. A contrario, l’amendement n° 138 rectifié déposé par le groupe socialiste – j’y reviendrai – va dans le sens d’un durcissement des exigences posées par la loi. Il tend en effet à ce que l’ACPR fixe des règles encadrant les sûretés permettant à ces opérations d’échapper à la filialisation.
Pour les raisons exposées précédemment, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 115 rectifié, 114 rectifié ainsi que sur les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 222.
Je vous invite donc à vous rallier à l’amendement n° 138 rectifié présenté par M. Caffet au nom du groupe socialiste. Je le répète, ce très bon amendement tend à confier à l’ACPR la mission de contrôler la qualité, la quantité et la disponibilité du collatéral. Voilà une mesure qui fait preuve à la fois de pragmatisme et de réalisme !
À mon sens, cette disposition permettra de répondre dans la pratique aux préoccupations exprimées par les auteurs de tous les autres amendements relatifs à cette question, lesquels risqueraient fort, hélas, de manquer leur cible ! De fait, la mise en œuvre de ces préconisations pénaliserait nos banques sans pour autant atteindre les hedge funds. Or c’est bien ces derniers qu’il s’agit de juguler, ou du moins de maîtriser et de contrôler.
L’amendement n° 113 rectifié bis, qui tend à filialiser toutes les opérations des banques dans des juridictions non coopératives au sens fiscal, appelle le même type de raisonnement.
Madame Lienemann, il va sans dire que je souscris pleinement à votre volonté de lutter contre la fraude fiscale. Toutefois, la filialisation vise un but bien précis : cantonner des risques de marché que la banque assume pour son compte propre. Le fait que les contreparties d’une banque soient domiciliées dans des juridictions non coopératives au sens fiscal n’emporte, à cet égard, aucune conséquence.
De surcroît, il faut veiller à ne pas empêcher les exportateurs français de continuer de travailler avec des pays visés par la liste fiscale française. Les entreprises en question doivent pouvoir continuer à bénéficier d’un soutien financier depuis la France, par exemple sous la forme de crédits à l’exportation. Or l’adoption du présent amendement rendrait de facto une telle solution impossible.
Je le répète, le projet de loi contient d’ores et déjà plusieurs mesures à même de renforcer la lutte contre les paradis fiscaux, le blanchiment et la fraude fiscale. Ne perdons pas de vue le but visé : assurer la moralisation et le contrôle de l’activité bancaire, tout en garantissant le financement de nos entreprises.
L’amendement n° 38 rectifié vise à imposer la création d’une structure holding détenant, d’une part, la filiale cantonnée et, d’autre part, le reste du groupe bancaire.
Cette mesure altérerait profondément la philosophie du projet de loi. De plus, elle aurait un impact majeur sur la structure des groupes français, notamment des groupes mutualistes, sans effet utile sur la limitation des risques : le cantonnement de la filiale est déjà assuré par des dispositions instituant des règles prudentielles strictes, notamment en matière de respect des exigences en termes de capital et de ratio d’exposition de la mère par rapport à sa filiale. En conséquence, le Gouvernement demande le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement. Il en va de même pour les amendements nos 221 et 40 rectifié.
Les amendements nos 76 et 77 tendent à transférer à la filiale les activités de prestations de services d’investissement et à supprimer la notion de seuil d’application de l’obligation de filialiser. Leur adoption aurait pour conséquence de faire basculer l’essentiel des activités de marché au sein de la filiale, notamment la fourniture de services d’investissement. Ces activités correspondent, au sens large, à l’ensemble des services visant à faciliter l’accès des clients de la banque aux marchés, soit en tant qu’émetteurs soit en tant qu’investisseurs.
En procédant ainsi, compte tenu des fortes contraintes pesant sur la filiale et de la nature même de ces activités, cantonner ces dernières reviendrait à les condamner. Je crains donc que l’adoption de tels amendements ne porte gravement atteinte à la capacité des banques françaises à financer l’économie, tout particulièrement dans un contexte où le recours direct au marché par les entreprises devrait devenir plus fréquent, sous la pression des nouvelles normes internationales en matière de régulation bancaire. Ce n’est pas là la logique de la filialisation des activités utiles qu’adopte le présent texte. Voilà pourquoi le Gouvernement préconise le retrait ou, à défaut, le rejet de ces amendements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réflexions que je tenais à vous livrer, qui s’inscrivent dans une perspective plus large : via le projet de loi, nous devons viser un équilibre intelligent, permettant à la fois de moraliser la finance, de lutter contre l’aléa moral, de contrôler, de réguler et de prévenir les risques, qu’ils soient individuels ou systémiques. Cependant, nul ne doit avoir pour but de pénaliser l’accès de nos entreprises aux financements : elles en ont plus que jamais besoin !
La politique du Gouvernement, notamment celle que je mène en tant que ministre de l’économie et des finances, c’est précisément de faciliter l’accès des entreprises aux différentes sources de financement. Tel est le sens de la création de la Banque publique d’investissement. Tel est le sens de cette réforme bancaire. Tel est également le sens des mesures que nous mettons en œuvre en faveur de la compétitivité de l’économie française. Dans ce cadre, veillons à ne pas nous contredire.
Le projet de loi, enrichi des amendements que je vous suggère d’adopter, des dispositions votées à l’Assemblée et complété par la commission des finances du Sénat, aboutit à un équilibre dont nous ne devons pas trop nous écarter.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 36 rectifié.
M. Pierre-Yves Collombat. Je suis fasciné par la sérénité pleine de certitude avec laquelle tous les ministres des finances que j’ai vu se succéder dans cet hémicycle affirment que leur mesure va tout régler, qu’il n’y a pas de problème et qu’ils ont pris les bonnes décisions… Ceux-là même qui n’ont rien vu venir et qui continuent à ne rien voir venir – qui a prévu ce qui se passe à Chypre ? Qui sait ce qui se passera demain ? – nous disent : « Tout est sous contrôle », « Nous surveillons », « Nous allons mettre en place une autorité », etc.
M. Bouton ne savait pas que M. Kerviel faisait des trucs bizarres, mais l’autorité de contrôle, elle, verra tout à l’avance et mettra un terme à ces pratiques qui nous mènent au bord de la faillite, n’est-ce pas ? Franchement, nous sommes chez Molière : « Le poumon, le poumon, vous dis-je ! »
Le problème n’est pas de trier entre les activités utiles et inutiles, mais de distinguer entre les activités de financement qui méritent la garantie de la collectivité et les autres. Car vous l’avez dit, monsieur le ministre, même parmi les activités spéculatives, même dans les hedge funds, il peut y avoir des éléments extrêmement intéressants… quand ça marche. (Marie-Noëlle Lienemann s’esclaffe.)
M. Jean-Pierre Caffet. Ah oui !
M. Pierre-Yves Collombat. Parce que quand ça ne marche pas, c’est un peu plus embêtant. Mais, dans votre idée, ça ne peut que marcher : ce système est si merveilleux ! Et puis, on n’en a pas d’autre… Il faut dire qu’on le construit depuis trente ans, je comprends que vous y soyez attaché.
Revenons à ce que disait Maurice Allais : il faut empêcher les banques de spéculer avec l’argent qu’elles créent comme il faut empêcher les filiales des banques ou les fonds d’investissement de spéculer avec l’argent prêté par les banques.
On n’empêchera pas la spéculation, mais ceux qui prennent des risques, voire des risques entrepreneuriaux tout à fait légitimes, tant mieux s’ils gagnent de l’argent. Mais s’ils en perdent, ce n’est pas au contribuable d’en payer le prix !
Certes, dans l’état où se trouve le pays, séparer strictement l’activité des banques de dépôt de celle des banques d’investissement pose problème. Mais, à part déposer des cierges à la Bonne Mère, avez-vous d’autres solutions ?
La mesure que je propose n’empêcherait pas l’économie de tourner. Regardez donc ce qui s’est passé entre la fin de la guerre et les années quatre-vingt. On n’a jamais connu une telle croissance ! Je m’abstiendrai de faire des comparaisons, parce qu’elles sont toujours hasardeuses, mais nous ne nous trouvions pas alors dans une situation plus calamiteuse qu’aujourd’hui.
Nous nous sommes mis dans la nasse, en sortir est difficile, j’en conviens volontiers. Mais ne nous dites pas que ces quelques personnes éminentes, qui n’ont d’ailleurs jamais pu livrer d’expertise précise et qui vont surveiller à la loupe ce qui se passe, régleront le problème.
Je veux bien accepter qu’on me dise que des banques d’investissement ont dû être sauvées. C’est simplement parce que les bilans de toutes les banques d’investissement ou de crédit étaient gorgés de titres douteux, opaques, et la méfiance était donc généralisée. Retrouver des subprimes dans des SICAV monétaires, cela bloque tout le système, c’est certain. C’est peut-être là qu’il faudrait mettre un peu d’ordre !
Évidemment, monsieur le ministre, ce que vous faites, c’est mieux que rien. Reste à savoir si trois fois rien, c’est encore quelque chose. (Mme Marie-Noëlle Lienemann s’esclaffe.)
Quand la droite était au pouvoir, ma foi, je m’en donnais à cœur joie. Aujourd’hui, tel n’est pas le cas. Le jour où la crise va repartir de plus belle, et il n’y a pas de raison que cela n’arrive pas, ce n’est certainement pas avec ce type de dispositions que l’on pourra y faire face. C’est difficile, j’en conviens volontiers, mais encore faut-il essayer ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean Desessard et Thierry Foucaud applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je vais un peu prolonger vos propos, mon cher collègue.
Vous affirmez que les hedge funds peuvent être intéressants quand tout marche bien. Mais même quand c’est le cas, il faut savoir ce que cela signifie ! Ces fonds rachètent des entreprises en difficulté et les vendent à la découpe. Il faut dire qu’ils cherchent une rentabilité maximale pour les retraites, ce qui part d’une bonne intention, mais ces processus entraînent des conséquences très lourdes pour le tissu industriel des territoires.
Ces fonds n’investissent pas sur le long terme parce qu’il faudrait alors acquérir des machines plus chères ou offrir des formations, toutes choses qui grèveraient la rentabilité sur une année. Ils privilégient le court terme et n’ont donc aucun intérêt au développement de ce type d’entreprises.
J’ai bien entendu que tous ces capitaux circulant seraient nécessaires à l’économie, mais je n’en suis pas du tout certain !
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Cette intervention vise tous les amendements proposant une séparation stricte entre les activités de banque de détail et les activités spéculatives, l’amendement n° 36 rectifié comme l’amendement n° 219 ainsi que quelques autres.
Je rends bien sûr hommage à l’insistance toute particulière de M. Collombat. Cette proposition de séparation peut, à n’en pas douter, sembler séduisante, compte tenu des excès du marché et de la spéculation dont nous avons été témoins par le passé. Pour autant, je suis de ceux qui pensent qu’il faut d’autant moins jeter l’opprobre sur toutes les activités de spéculation que leur part dans l’origine des revenus des banques demeure relativement faible.
M. Jean Desessard. Justement !
M. André Reichardt. Elle est naturellement évolutive, mais, par exemple, elle correspond tout au plus à 20 % du revenu de la Société générale, une des banques françaises qui a le plus d’activités de marché.
L’essentiel des revenus provient donc toujours de la banque de détail, notamment de l’activité de prêt aux entreprises. Malheureusement, cette part s’amenuise pour de très nombreuses raisons, notamment à cause des ratios de liquidités imposés aux établissements bancaires, qui sont particulièrement suivis dans notre pays. Cela a d’ailleurs fait l’objet d’une proposition d’amendement précédemment.
Dans ce contexte, les activités de marché deviennent d’autant plus stratégiques pour financer l’économie. Comme l’a dit M. le ministre, la séparation stricte poserait le problème de la rentabilité des banques de dépôt, qui, en abandonnant les activités à risques fortement rémunératrices, se paieraient uniquement par la différence entre taux prêteurs et taux emprunteurs. Cela entraînerait subséquemment une augmentation du prix des services bancaires, que nous devons prendre en compte.
Enfin, n’oublions pas que les marchés ne sont plus ce qu’ils étaient dans les années trente, au moment du Glass-Steagall Act. Dans les marchés mondiaux d’aujourd’hui, les masses importantes d’épargne financent même les dettes souveraines. C’est pourquoi filialiser les activités de spéculation pour compte propre apparaît comme une solution certes insatisfaisante, mais aussi équilibrée que possible.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre l’amendement n° 36 rectifié et les amendements qui iraient dans le même sens.
M. Philippe Marini. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 37 rectifié et 220.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur Marini, l’amendement n° 208 est-il maintenu ?
M. Philippe Marini. Monsieur le ministre, je n’ai pas l’impression que nos positions soient très éloignées.
Ma suggestion, me semble-t-il, permettrait à la fois une clarification et un assouplissement. Faire en sorte que l’arrêté s’applique de manière distincte à chaque groupe n’interdit pas au ministre d’y intégrer des dispositions de portée générale. On pourrait ainsi avoir à la fois un plafond susceptible de s’appliquer à l’ensemble des groupes et une déclinaison tenant compte des variables d’activité et de bilan de chaque groupe.
Il ne me semble donc pas que l’amendement que je propose soit de nature à restreindre la liberté du ministre. C’est la raison pour laquelle, à toutes fins utiles, je le maintiens.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Philippe Marini. Quelle déception !
Mme la présidente. Monsieur Desessard, l'amendement n° 223 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 223 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 110.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Monsieur Desessard, les amendements nos 225 et 224 sont-ils maintenus ?
M. Jean Desessard. Non, je les retire, madame la présidente.
Mme la présidente. Les amendements nos 225 et 224 sont retirés.
Je mets aux voix l'amendement n° 75.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l'amendement n° 115 rectifié.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’ai bien entendu le plaidoyer de M. le ministre, mais je ne suis pas totalement convaincue par l’argumentaire qu’il a développé selon lequel les hedge funds auraient des vertus utiles pour l’économie réelle. Par ailleurs, je ne vois pas pourquoi il faudrait que l’État garantisse le risque.
À cet égard, permettez-moi, monsieur le ministre, de faire une citation : « Par contre, les transactions sur produits dérivés, toutes catégories confondues, qui représentaient moins de 1 trilliard de dollars (soit mille milliards de dollars) au début des années 1980 se montent vingt-cinq ans plus tard à 1,406 trilliard de dollars (soit un million quatre cent six mille milliards de dollars !). On le voit, l’économie mondiale marche sur la tête, une tête financière hypertrophiée et malade. Le capitalisme, désormais seul mode de production sur la planète, est aspiré et déréglé par sa finance. […]
« Un fossé entre la sphère financière et la sphère productive, une finance globale à la dérive et en proie à la spéculation, un oligopole de grandes banques devenu facteur d’instabilité et une “élite” financière qui crée d’immenses inégalités : tel est l’un des germes de l’instabilité de l’économie globalisée.
« Que faire alors ? Face à une finance globale qui s’est libérée des contraintes, il faut rétablir un contre-pouvoir global à travers un nouveau système de régulation, à légitimité incontestable. »
C’est Lionel Jospin qui a tenu ces propos dans Le Monde en septembre 2008.
M. Jean-Pierre Caffet. Excellente référence !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il avait raison à l’époque, et il a encore raison aujourd'hui !
M. Philippe Marini. Quel témoignage de fidélité !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement ainsi que l’amendement n° 114 rectifié.
Mme la présidente. Les amendements nos 115 rectifié et 114 rectifié sont retirés.
La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 164 rectifié bis et 222.
Mme Laurence Rossignol. Je ne résisterai pas à la demande de retrait émanant à la fois de M. le ministre, de M. le rapporteur et de M. Caffet.
Néanmoins, je formulerai une remarque.
Nous légiférons aujourd'hui pour réguler et moraliser le système bancaire classique. Nous en conviendrons, nous légiférons a posteriori. Entre le début de la crise et maintenant, le système bancaire classique s’est lui-même doté de quelques règles internes et de quelques outils d’autorégulation. Au reste, si nous avions eu cette discussion avant la grande crise bancaire, on ne peut pas exclure qu’il nous aurait été également répondu que nous disposions de nombreux outils pour éviter une crise.
Aujourd'hui, nous ne discutons a posteriori que du système bancaire classique. Toutefois, une partie des fonds qui poseront demain problème se trouvent dans le système bancaire parallèle. Ce n’est pas moi qui le dis ! Ce sont des personnes aussi sérieuses et respectées dans cette enceinte que Michel Barnier ou Philippe Wahl, le président du directoire de la Banque postale, qui appellent à la régulation du système bancaire parallèle.
Je crains que nous ne nous privions aujourd'hui d’un outil de régulation du système bancaire parallèle et que nous nous retrouvions dans quelque temps à légiférer a posteriori sur ce sujet. J’espère que nous aurons de la chance – simplement de la chance ! – et que cela ne se produira pas.
Cela étant, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 164 rectifié bis est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 222.
(L'amendement n'est pas adopté.)