Sommaire

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

Secrétaires :

MM. Alain Dufaut, Jean-François Humbert.

1. Procès-verbal

2. Séparation et régulation des activités bancaires. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Articles 1er bis A, 1er bis et 1er ter (supprimés)

Articles 2 et 3. – Adoption

Article 4

Amendement n° 177 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – MM. Aymeri de Montesquiou, Richard Yung, rapporteur de la commission des finances ; Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Mme Nathalie Goulet, M. Éric Bocquet. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 4 bis A (supprimé)

Amendement n° 84 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Mme Nathalie Goulet, M. Jean Desessard. – Rejet.

L’article demeure supprimé.

Article 4 bis

Amendement n° 174 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Philippe Marini, Éric Bocquet. – Rejet.

Amendements identiques nos 137 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol et 236 rectifié de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Laurence Rossignol, M. Jean Desessard.

Amendements nos 237 à 239 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 175 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – M. Aymeri de Montesquiou.

Amendement n° 240 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 43 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat. – Retrait.

Amendement n° 85 de M. Éric Bocquet. – M. Éric Bocquet.

Amendement n° 241 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 194 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Éric Bocquet, Mme Nathalie Goulet. – Adoption des amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié, les amendements nos 237 à 239, 175 rectifié et 85 devenant sans objet.

M. Jean Desessard. – Retrait des amendements nos 240 et 241, l’amendement no 85 étant devenu sans objet.

Mme Laurence Rossignol. – Adoption de l’amendement n° 194 rectifié bis.

Amendements identiques nos 52 de Mme Frédérique Espagnac et 234 de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Frédérique Espagnac, MM. Jean Desessard.

Amendement n° 270 de la commission. – M. le rapporteur.

MM. Pierre Moscovici, ministre ; Pierre-Yves Collombat, Mme Frédérique Espagnac, M. Jean Desessard. – Retrait des amendements nos 52 et 234 ; adoption de l’amendement n° 270.

Amendements identiques nos 86 de M. Éric Bocquet et 235 de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Éric Bocquet, Jean Desessard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 4 bis

Amendement n° 87 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 195 rectifié ter de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Mme Bernadette Bourzai, MM. Éric Bocquet, Pierre-Yves Collombat, Mmes Nathalie Goulet, Laurence Rossignol.

M. le président.

Amendement n° 192 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Laurence Rossignol. – Retrait.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait de l’amendement n° 195 rectifié ter.

Reprise de l’amendement n° 195 rectifié ter par M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, André Reichardt. – Rejet de l’amendement n° 195 rectifié quater.

Article 4 ter A. – Adoption

Article additionnel après l’article 4 ter A

Amendement n° 213 rectifié de M. Yvon Collin et sous-amendement n° 281 du Gouvernement. – MM. François Fortassin, Pierre Moscovici, ministre ; le rapporteur, Mme Nathalie Goulet. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.

Article 4 ter B

Amendement n° 271 de la commission. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 4 ter C et 4 ter. – Adoption

Article additionnel après l’article 4 ter

Amendement n° 216 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Article 4 quater (nouveau). – Adoption

Articles additionnels après l’article 4 quater

Amendement n° 199 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol.

Amendement n° 228 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Mme Laurence Rossignol. – Retrait de l’amendement n° 199 rectifié bis.

MM. Jean Desessard, Joël Bourdin, Jean-Pierre Caffet, Pierre-Yves Collombat, François Fortassin. – Retrait de l’amendement n° 228 rectifié.

Amendement n° 233 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 229 de M. Jean Desessard. – Retrait.

Amendement n° 230 rectifié de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Joël Bourdin. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 231 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard. – Retrait.

Amendement n° 214 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 140 rectifié bis de M. Yannick Botrel. – MM. François Marc, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Francis Delattre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 232 rectifié de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 215 rectifié de M. Yvon Collin. – MM. François Fortassin, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Article 4 quinquies (nouveau). – Adoption

Article additionnel après l’article 4 quinquies

Amendement n° 202 de Mme Frédérique Espagnac. – Mme Frédérique Espagnac, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4 sexies (nouveau). – Adoption

Articles additionnels après l’article 4 sexies

Amendement n° 83 rectifié de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

3. Questions cribles thématiques

europe de la défense

Mme Leila Aïchi, M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense.

MM. Jean-Pierre Chevènement, Jean-Yves Le Drian, ministre.

MM. Philippe Paul, Jean-Yves Le Drian, ministre.

MM. Jean-Marie Bockel, Jean-Yves Le Drian, ministre.

MM. Daniel Reiner, Jean-Yves Le Drian, ministre.

Mme Michelle Demessine, M. Jean-Yves Le Drian, ministre.

MM. François-Noël Buffet, Jean-Yves Le Drian, ministre.

MM. André Vallini, Jean-Yves Le Drian, ministre.

MM. René Beaumont, Jean-Yves Le Drian, ministre.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

4. Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi

5. Séparation et régulation des activités bancaires. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels après l'article 4 sexies (suite)

Amendement n° 163 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, Richard Yung, rapporteur de la commission des finances ; Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. – Retrait.

Articles 4 septies et 4 octies (nouveaux). – Adoption

Article 4 nonies (nouveau)

MM. Vincent Delahaye, Philippe Marini.

Adoption de l'article.

Articles additionnels après l'article 4 nonies

Amendement n° 2 rectifié de M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis. – MM. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Philippe Marini.

M. Jean-Pierre Caffet.

Suspension et reprise de la séance

MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – Rectification de l’amendement n° 2 rectifié.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Éric Bocquet, Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis ; Jean Desessard. – Adoption de l'amendement n° 2 rectifié bis insérant un article additionnel.

Amendement n° 44 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Pierre-Yves Collombat.

Amendements identiques nos 119 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann et 258 rectifié de M. Jean-Vincent Placé. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, M. Jean Desessard

Amendement n° 82 rectifié de M. Éric Bocquet. – M. Éric Bocquet.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Pierre-Yves Collombat, Mmes Nathalie Goulet, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean Desessard, Éric Bocquet. – Rejet de l’amendement n° 44 rectifié ; retrait de l’amendement n° 119 rectifié bis ; rejet des amendements nos 258 rectifié et 82 rectifié.

Amendement n° 196 rectifié ter de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – MM. Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Article 5

MM. Éric Bocquet, Francis Delattre.

Amendement n° 188 rectifié bis de M. Maurice Vincent. – MM. Maurice Vincent, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 100 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Daniel Raoul. – Rejet.

Amendements identiques nos 45 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat et 120 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – M. Pierre-Yves Collombat, Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Amendement n° 260 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Francis Delattre, Jean Desessard, Mme Nathalie Goulet, M. Jean-Claude Requier. – Retrait des amendements nos 120 rectifié et 260 ; rectification de l’amendement n° 45 rectifié ; adoption de l’amendement n° 45 rectifié bis.

Amendement n° 212 de M. Philippe Marini. – MM. Philippe Marini, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 90 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 6

Amendement n° 178 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 47 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Jean-Claude Requier.

Amendement n° 91 de M. Éric Bocquet. – M. Éric Bocquet.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait de l’amendement n° 47 rectifié ; rejet de l’amendement n° 91.

Amendement n° 48 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Jean-Claude Requier, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 272 de la commission. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 141 rectifié ter de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. Jean-Pierre Caffet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 7

M. Éric Bocquet.

Amendement n° 1 rectifié de M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis, et sous-amendement n° 280 du Gouvernement. – MM. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis ; Pierre Moscovici, ministre ; le rapporteur. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.

Amendement n° 179 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – MM. Aymeri de Montesquiou, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 92 de M. Éric Bocquet. – M. Éric Bocquet.

Amendement n° 49 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Jean-Claude Requier.

Amendement n° 191 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Mme Laurence Rossignol, M. Jean-Pierre Caffet. – Retrait de l’amendement no 191 rectifié bis ; rejet des amendements nos 92 et 49 rectifié.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

Amendement n° 50 rectifié de M. Pierre-Yves Collombat. – M. Jean-Claude Requier.

Amendement n° 259 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait des amendements nos 50 rectifié et 259.

Amendement n° 273 de la commission. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 171 rectifié de M. Jean Arthuis. – MM. Vincent Delahaye, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article 8

Amendement n° 257 de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 9 et 10. – Adoption

Article 11

M. Éric Bocquet.

Amendement n° 142 rectifié de Mme Michèle André. – Mme Laurence Rossignol, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendements nos 93 à 96 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet des quatre amendements.

Amendement n° 101 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 108 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 274 de la commission. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 14 de M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. – MM. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois ; le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 11

Amendement n° 102 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 103 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Article 11 bis

Amendement n° 15 de M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis. – MM. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 11 ter

M. Jean-Claude Requier.

Amendement n° 160 de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. François Marc, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 153 rectifié quater de M. Maurice Vincent. – MM. Maurice Vincent, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Jean Desessard, Philippe Dallier. – Adoption.

Amendement n° 150 rectifié quater de M. Maurice Vincent. – MM. Maurice Vincent, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 11 ter

Amendement n° 201 rectifié de M. Jean-Étienne Antoinette. – MM. Georges Patient, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 161 rectifié bis de M. Maurice Vincent. – MM. Maurice Vincent, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 264 rectifié du Gouvernement. – MM. Pierre Moscovici, ministre ; le rapporteur, François Marc, Éric Bocquet, Maurice Vincent, Vincent Delahaye, Philippe Dallier. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

M. Pierre Moscovici, ministre.

Article 11 quater. – Adoption

Article additionnel après l’article 11 quater

Amendement n° 189 rectifié bis de M. Maurice Vincent. – MM. Maurice Vincent, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Articles 12 et 13. – Adoption

Article 13 bis (nouveau). – Adoption

Article 14

M. Vincent Delahaye.

Amendement n° 275 de la commission. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 145 rectifié de M. Jean-Pierre Caffet. – M. François Marc.

Amendement n° 122 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Laurence Rossignol.

Amendement n° 172 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – M. Vincent Delahaye.

Amendement n° 176 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – M. Vincent Delahaye.

Amendement n° 173 rectifié de M. Aymeri de Montesquiou. – M. Vincent Delahaye.

Amendement n° 26 rectifié de M. Gérard César. – M. Philippe Dallier.

Amendement n° 262 de M. Jean-Vincent Placé. – M. Jean Desessard.

Amendements identiques nos 27 rectifié de M. Gérard César et 261 de M. Jean-Vincent Placé. – MM. Philippe Dallier, Jean Desessard.

Amendement n° 146 rectifié de M. Jean-Pierre Caffet. – M. François Marc.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l’amendement n° 145 rectifié, les amendements nos 122 rectifié, 172 rectifié, 176 rectifié, 173 rectifié et 26 rectifié devenant sans objet.

M. Jean Desessard. – Retrait de l’amendement n° 262 ; rejet des amendements nos 27 rectifié et 261 ; adoption de l’amendement n° 146 rectifié.

Amendement n° 193 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l’article 14

Reprise par la commission sous le n° 286 de l’amendement n° 211 de M. Philippe Marini. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 14 bis A et 14 bis. – Adoption

Article additionnel après l’article 14 bis

Amendement n° 144 rectifié de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. Jean-Pierre Caffet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 15, 15 bis A à 15 bis C et 15 bis. – Adoption

Article 15 ter

Reprise par la commission sous le n° 287 de l’amendement n° 209 de M. Philippe Marini. – MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 15 ter

Amendement n° 123 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 128 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Amendement n° 124 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Amendement n° 125 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Amendement n° 126 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Amendement n° 127 rectifié de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Amendement n° 129 rectifié bis de Mme Marie-Noëlle Lienemann. – Retrait.

Article 16. – Adoption

Articles additionnels avant article 17

Amendement n° 65 de M. Éric Bocquet. – M. Éric Bocquet.

Amendement n° 244 rectifié de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet des amendements nos 65 et 244 rectifié.

Amendement n° 66 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Article 17

M. Georges Patient.

Amendement n° 169 rectifié bis de Mme Laurence Rossignol. – Mme Laurence Rossignol, MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 242 de M. Jean Desessard. – MM. Jean Desessard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 4 rectifié de M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis. – MM. Yannick Vaugrenard, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait.

Amendement n° 143 rectifié quater de M. Jean-Pierre Caffet. – MM. Jean-Pierre Caffet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption.

Amendement n° 107 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Amendement n° 268 de M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis. – M. Yannick Vaugrenard.

Amendement n° 269 de M. Jean-Pierre Caffet. – M. Jean-Pierre Caffet.

Amendement n° 243 de M. Jean Desessard. – M. Jean Desessard.

Amendement n° 147 rectifié ter de Mme Laurence Rossignol. – Mme Marie-Noëlle Lienemann.

MM. le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre ; Jean Desessard, Jean-Pierre Caffet. – Retrait de l’amendement n° 268 ; adoption de l’amendement n° 269 ; rejet de l’amendement n° 243 ; adoption de l’amendement n° 147 rectifié ter.

Amendement n° 109 de M. Éric Bocquet. – MM. Éric Bocquet, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 17

Amendements nos 98 et 99 de M. Maurice Antiste. – MM. Georges Patient, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Retrait de l’amendement n° 98 ; adoption de l'amendement n° 99 insérant un article additionnel.

Amendement n° 190 rectifié ter de M. Maurice Vincent. – MM. Maurice Vincent, le rapporteur, Pierre Moscovici, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

Secrétaires :

M. Alain Dufaut,

M. Jean-François Humbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 1er bis A

Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (projet n° 365, texte de la commission n° 423, rapport n° 422, avis nos 427 et 428).

Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE IER (suite)

SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 1er bis

Article 1er bis A

(Supprimé)

Article 1er bis A
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 1er ter

Article 1er bis

(Supprimé)

Article 1er bis
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 2

Article 1er ter

(Supprimé)

Article 1er ter
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 3

Article 2

(Non modifié)

La section 6 du chapitre II du titre Ier du livre VI du même code est ainsi modifiée :

1° Après l’article L. 612-33, il est inséré un article L. 612-33-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 612-33-1. – Lorsque l’activité d’une personne soumise à son contrôle est susceptible de porter atteinte à la stabilité financière ainsi que dans les situations d’urgence prévues par le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut décider de limiter ou de suspendre l’exercice de certaines opérations par cette personne. » ;

2° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 612-35, après la référence : « L. 612-33 », est insérée la référence : « , L. 612-33-1 ».

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4

Article 3

(Non modifié)

L’article L. 531-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les filiales mentionnées à l’article L. 511-47 ne peuvent bénéficier de l’exemption d’agrément prévue au présent article. » – (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4 bis A (Supprimé)

Article 4

I. – Le présent titre ne s’applique pas à la gestion extinctive des portefeuilles d’instruments financiers existant à la date de la promulgation de la présente loi.

II. – (Non modifié) Les établissements mentionnés à l’article L. 511-47 du code monétaire et financier identifient, au plus tard le 1er juillet 2014, les activités à transférer à la filiale mentionnée à l’article L. 511-48 du même code. Le transfert effectif de ces activités intervient au plus tard le 1er juillet 2015. Les mêmes établissements s’acquittent des obligations fixées à l’article L. 511-49 dudit code au plus tard le 1er juillet 2014.

III. – (Non modifié) Le transfert de l’ensemble des biens, droits et obligations de toute nature liés aux activités mentionnées à l’article L. 511-48 du code monétaire et financier est réalisé de plein droit et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité, nonobstant toute disposition ou stipulation contraire. Il emporte les effets d’une transmission universelle de patrimoine ainsi que le transfert de plein droit et sans formalité des accessoires des créances cédées et des sûretés réelles et personnelles les garantissant. Le transfert des contrats en cours d’exécution, quelle que soit leur qualification juridique, conclus par les établissements mentionnés à l’article L. 511-47 du même code dans le cadre des activités à transférer n’est de nature à justifier ni leur résiliation, ni la modification de l’une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. De même, ces transferts ne sont pas de nature à justifier la résiliation ou la modification d’aucune autre convention conclue par les établissements mentionnés au même article L. 511-47 ou les sociétés qui leur sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce.

M. le président. L'amendement n° 177 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. - Première phrase

Remplacer la date :

1er juillet 2014

par la date :

1er juillet 2016

II. - Deuxième phrase

Remplacer la date :

1er juillet 2015

par la date :

1er janvier 2017

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à repousser de deux ans la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi de manière à limiter les distorsions de concurrence qui pourraient naître d’une réglementation française précédant trop celle des États-Unis, des pays membres de l’Union européenne et de l’Union elle-même, affaiblissant ainsi nos banques dans un contexte de concurrence difficile.

Cela a déjà été répété à plusieurs reprises, la réglementation bancaire progresse sur le plan européen : nous ne saurions avancer plus vite que le train européen sans mettre en grande fragilité nos banques.

Tous les pays qui se sont lancés dans des projets de réglementation bancaire ont décidé d’attendre pour mettre effectivement leurs dispositifs de régulation en action. La loi Dodd-Franck a été votée voilà presque trois ans et les décrets d’application ne sont toujours pas entrés en vigueur. Pourquoi ? Parce que les États-Unis ont fait le choix de la reconquête de la croissance à tout prix plutôt que de la mise en place d’une réglementation qu’ils jugent trop hâtive par rapport à la concurrence.

La problématique est bien différente en Europe. Tous les États membres avancent dans une solidarité de destin économique. Ce qui touche l’un affecte l’autre, et réciproquement.

À court terme, cette réforme, qui est nécessaire, freinera la rentabilité des banques. En conséquence, elle favorisera les groupes bancaires qui ne seront pas soumis au texte. L’effet de court terme peut dissuader à moyen terme nos partenaires de s’engager dans la voie de l’union bancaire.

Mes chers collègues, prenons le temps de la concertation et du dialogue. Avançons conjointement avec nos partenaires européens plutôt que de nous faire, vaille que vaille, l’avant-garde de la réglementation administrative.

L’industrie bancaire française constitue l’un de nos fleurons. Elle est internationalement respectée et enviée. Ne prenons pas le risque de l’affaiblir par rapport à ses concurrents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. L’amendement vise à repousser l’entrée en vigueur de l’article 1er, que nous avons examiné hier soir.

Cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement puisque la disposition proposée mettrait la loi française en décalage avec la future législation européenne.

L’exemple américain est un mauvais exemple ! Les États-Unis ont voté la loi Dodd-Franck à laquelle vous avez fait référence, monsieur de Montesquiou, mais ils sont engagés depuis deux ans dans des palabres infinies pour sa mise en application, car un lobbying puissant bloque le système. Tout cela n’est pas satisfaisant.

De même – certes, c’est un point annexe –, le changement de pied sur le projet Capital Requirements Directive IV, ou CRD IV, n’est pas une bonne chose.

La législation que nous sommes en train de mettre en place sur la séparation, la régulation et le renforcement des fonds propres vise à consolider le système bancaire. Grâce à ce texte, les banques françaises seront mieux organisées, mieux structurées, avec des fonds propres plus vigoureux qui devraient tenir pleinement leur place parmi la concurrence internationale.

Je ne pense pas que nous devions avoir peur. « N’ayez pas peur », disait une personnalité célèbre ! (Sourires.)

Sans développer davantage ce point, je dirai qu’il ne me paraît pas judicieux de repousser la date d’entrée en vigueur des dispositions du titre Ier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Nous avons souhaité être des précurseurs, disposer d’une loi qui soit en avance sur les autres, mais nous avons également voulu une loi dans l’esprit de ce qui se prépare et se pratique en Europe. Nous sommes prêts techniquement et politiquement. Ce texte doit entrer en vigueur rapidement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement partage l’avis de la commission et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 177 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas cet amendement.

Tout d’abord, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, s’il est important, reste quand même a minima. On aurait en effet pu imaginer d’autres mesures.

Par ailleurs, je suggère à notre ami Aymeri de Montesquiou et à ceux de mes collègues qui ne l’auraient pas visionné de voir et de revoir l’excellent documentaire sur la crise Inside Job. Ils comprendront que les dispositions qui nous sont suggérées aujourd’hui sont plus que nécessaires. L’heure n’est que trop venue de les voter ! (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je m’étonne également de cette demande de délai, qui plus est de délai aussi important.

Il y a en effet urgence. On peut même dire qu’il y a le feu dans la maison bancaire, financière et économique européenne, voire mondiale.

L’argument de la concurrence a été avancé. Or la concurrence est à l’œuvre depuis des décennies. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Mervyn King, a souligné que si les banques sont internationales dans leur vie, elles sont nationales dans leur mort !

Il y a d’ores et déjà des dégâts, et les premières victimes sont nombreuses : je pense à la Grèce, à l’Espagne, à l’Irlande, à Chypre. Demain, à qui le tour ?

Il ne me paraît pas possible de transiger davantage. Quand les transactions se mènent en millisecondes, repousser les décisions de quatre années serait totalement suicidaire.

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

M. Aymeri de Montesquiou. C’est un peu une conversation d’autistes !

Mme Nathalie Goulet. C’est la journée nationale de l’autisme !

M. François Fortassin. Qui est l’autiste ?

M. Aymeri de Montesquiou. Je n’ai pas pris les banques américaines en exemple, j’ai simplement souligné que les États-Unis avaient repoussé l’application de la loi Dodd-Franck.

Je me place du point de vue européen. Monsieur le rapporteur, je devine en vous un Européen qui fait plus que sommeiller. Pourquoi ne pas coordonner notre action avec celle des autres pays européens ? C’est une question de bon sens et non de loi.

Je considère que cette réforme est bonne pour la structuration des banques françaises, pour leurs clients. Mais il serait à mon avis souhaitable qu’une coordination d’ensemble soit effectuée au niveau de l’Union européenne. Sinon, nos banques seront fragilisées par rapport à leurs concurrentes allemandes, anglaises et autres.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

TITRE IER BIS

TRANSPARENCE ET LUTTE CONTRE LES DÉRIVES FINANCIÈRES

(Division et intitulé nouveaux)

Chapitre Ier

Lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux

(Division et intitulé nouveaux)

Article 4
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Article 4 bis

Article 4 bis A

(Supprimé)

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La liste des États et territoires non coopératifs, tels que définis à l'article 238-0 A du code général des impôts, fait l'objet d'un débat chaque année devant les commissions compétentes en matière de finances et d'affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre chargé des finances.

Un document préparatoire, faisant état des résultats de la coopération fiscale internationale, est publié à l’occasion de ce débat.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous abordons ici la question de l’évasion fiscale, sujet toujours d’actualité, comme nous le constatons régulièrement (Mme Nathalie Goulet et M. Pierre-Yves Collombat s’exclament.), et comme la réaction à l’instant de certains de mes collègues ici présents membres de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France nous le confirme.

Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, et je n’y reviendrai pas. Je souhaite simplement profiter de l’examen de cet amendement pour rappeler trois des soixante et une propositions qui figurent dans le rapport adopté par l’ensemble des membres de la commission.

Permettez-moi de citer, telles qu’elles figurent dans le rapport, les propositions nos 3, 4 et 5.

« Proposition n° 3 : Intégrer aux études d’impact accompagnant les projets de dispositions législatives en matière fiscale une évaluation des pratiques frauduleuses ou d’évasion qui peuvent en résulter.

« La loi organique du 15 avril 2009 prévoit que tous les projets de loi, sauf exceptions prévues, sont accompagnés d’une étude d’impact réalisée par le Gouvernement. Dans la même logique, il pourrait être envisagé d’intégrer aux études d’impact accompagnant les projets de dispositions législatives en matière fiscale une évaluation des pratiques frauduleuses ou d’évasion qui peuvent en découler.

« De cette façon, une plus grande coordination entre la direction de la législation fiscale (DLF), chargée de coordonner la rédaction des textes fiscaux, et le service du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques (DGFIP) serait encouragée et les risques de fraude et d’évasion fiscales s’en trouveraient mieux maîtrisés. »

Proposition n° 4 : Procéder à une évaluation régulière des différents dispositifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

« L’adoption de mesures nombreuses et variées en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ne garantit en rien leur efficacité. C’est la raison pour laquelle une évaluation régulière et systématique de ces différentes mesures paraît nécessaire afin, le cas échéant, d’y apporter les modifications et les améliorations nécessaires.

« Cette évaluation pourrait emprunter diverses voies et, ainsi, reposer sur la transmission, chaque année, lors du projet de loi de finances initiale, au Parlement d’un document d’évaluation, comme le permet la LOLF, mais également sur des contrôles réalisés par les organes parlementaires compétents selon les modalités appropriées. »

« Proposition n° 5 : Engager la réflexion sur l’organisation du Parlement pour suivre en permanence les enjeux envisagés dans le présent rapport.

« Le Parlement français est dans une phase d’adaptation de son organisation pour procéder à une meilleure évaluation des politiques publiques.

« Unanimement, les membres de votre commission ont souhaité que l’attention portée à son sujet, complexe, et à forts enjeux, ne retombe pas au terme de sa mission.

« La présente commission d’enquête a contribué à sa façon à l’accomplissement de la mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques et de notre législation. Les contraintes constitutionnelles et la modicité des moyens constituent des limites inhérentes aux commissions d’enquête parlementaires, qui ne les empêchent pas de formaliser un problème et de donner un élan à l’action publique.

« Des structures parlementaires permanentes existent dans certains pays dédiées à la protection des intérêts financiers publics contre les fraudes. C’est en particulier le cas aux États-Unis.

« Par ailleurs, les limites que rencontre la loi pour embrasser toute la complexité de la matière fiscale, exposées dans le présent rapport, invitent à une diversification des moyens d’intervention du Parlement si celui-ci veut mieux maîtriser les effets des textes qu’il vote. Le Parlement doit prendre sa place dans la rénovation du cadre institutionnel d’adjudication des règles fiscales à laquelle appelle le présent rapport. Il pourrait, par exemple, être conduit à examiner les schémas fiscaux suspendus par l’administration dans le cadre d’une procédure rénovée de validation législative.

« Enfin, même si le président et le rapporteur général des commissions des finances ne peuvent se voir opposer le secret fiscal, une extension de cette inopposabilité devrait être envisagée pour faciliter les missions que pourrait se voir attribuer une délégation parlementaire à la protection des intérêts financiers publics, dont la création devrait être mise à l’étude du fait de la spécificité et de la transversalité des compétences que cette mission suppose. »

Il ne me paraît pas utile de développer plus avant les motifs qui justifient pleinement l’adoption de cet amendement n° 84, déposé par le groupe CRC.

J’ajouterai toutefois deux derniers éléments pour préciser notre point de vue : d’abord, nous aurons précisément un débat spécifique sur ce sujet dans le courant du mois d’avril, ce dont je me félicite ; par ailleurs, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, ce débat est d’autant plus légitime que les membres de la commission d’enquête avaient unanimement adopté les recommandations formulées dans le rapport.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Monsieur Bocquet, je crois que nous partageons unanimement dans cette enceinte les recommandations que vous avez rappelées et qui figurent dans l’excellent rapport de la commission d’enquête présidée par M. Dominati, et dont vous étiez le rapporteur.

Ainsi que vous l’avez également souligné, la commission d’enquête avait adopté à l’unanimité ces propositions. Vous dites vous-même qu’un suivi est nécessaire et qu’un débat spécifique sur ce sujet aura lieu dans le courant du mois d’avril 2013 ; cela permettra sans doute de faire le point, d’aller plus loin, peut-être en élaborant éventuellement un dispositif en la matière, car le sujet, par sa haute importance, le mérite.

Par conséquent, mon cher collègue, vous ne serez pas étonné que la commission des finances ait considéré inutile de prévoir dans la loi un débat annuel sur cette question. La commission peut en effet, à n’importe quel moment, procéder à des auditions, évoquer ces questions et émettre un avis. Une telle disposition serait donc redondante.

Si, sur le fond, nous sommes d’accord avec vous, pour autant, sur la méthode, nous divergeons. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Sur le fond, je rejoins assez ce que vient de dire M. le rapporteur. D’innombrables manières de consulter, d’interpeller le Gouvernement, sans parler des rapports et des comptes rendus qui sont transmis, existent déjà.

Cela dit, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je soutiendrai cet amendement, d’abord parce que j’ai été, me semble-t-il, un membre actif de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France. Nous avons déduit de chaque audition que nous devions marquer aussi souvent que possible notre volonté politique de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Ce débat est donc aussi l’occasion de rappeler les principes qui ont été définis et adoptés à l’unanimité par notre commission dans ses soixante et une propositions.

Qui peut le plus peut le moins : je soutiendrai cet amendement au nom du travail que nous avons collectivement accompli et qui, pour l’instant, n’est pas encore entré dans notre droit positif, mais nous allons y veiller. Je ne manque d'ailleurs pas une occasion de remercier le rapporteur pour le travail important et utile qui a été réalisé au Sénat avec son concours.

Les dispositions proposées dans cet amendement ne sont pas onéreuses, elles n’impliquent pas de grandes modifications de notre architecture administrative ou ministérielle. Il s’agit simplement, par l’établissement chaque année d’une sorte de feuille de route, de marquer notre volonté de lutter contre des procédés que la France ne peut plus tolérer.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je veux également saluer le travail accompli par M. Bocquet dans son rapport sur l’évasion fiscale.

M. Richard Yung, rapporteur du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, considère que le travail de contrôle doit être permanent, et, en l’occurrence, il ne veut pas spécifier d’échéance particulière.

Cela étant, monsieur le ministre, j’aimerais savoir quelles instances exercent, au niveau européen, ce rôle de contrôle des paradis fiscaux. Je ne vous demande pas d’entrer dans les détails, mais il serait intéressant que vous puissiez en quelques mots nous décrire l’action, ou au moins la coordination, prévue au niveau européen pour lutter contre l’évasion fiscale. Nous constaterions ainsi que la lutte contre l’évasion fiscale ne peut pas aujourd'hui être menée au seul niveau national.

Certes, mes chers collègues, je comprends votre position qui consiste à dire que ce qui n’est pas fait au niveau européen doit l’être au niveau français. Mais il faut être conscient que l’action menée au niveau européen a davantage de portée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'article 4 bis A demeure donc supprimé.

Article 4 bis A (Supprimé)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Articles additionnels après l'article 4 bis

Article 4 bis

L’article L. 511-45 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Sont ajoutés des II à V ainsi rédigés :

« II. – À compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014, les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes ayant leur siège social en France publient en annexe à leurs comptes annuels consolidés des informations sur leurs implantations incluses dans le périmètre de consolidation dans chaque État ou territoire ou au plus tard six mois après la reddition de leurs comptes annuels.

« III. – Les informations suivantes sont publiées pour chaque État ou territoire :

« 1° Nom des implantations et nature d’activité ;

« 2° Produit net bancaire ;

« 3° Effectifs, en équivalent temps plein.

« Pour les informations mentionnées aux 2° et 3°, les données sont agrégées à l’échelle de ces États ou territoires.

« IV. – Un rapport comprenant les informations mentionnées aux II et III est mis à disposition du public.

« V (nouveau). – Un décret en Conseil d’État définit et précise les conditions de mise en œuvre des obligations prévues aux II, III et IV. »

M. le président. L'amendement n° 174 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. L’article 4 bis, introduit à l’Assemblée nationale, dispose que les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes publient en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans chaque État ou territoire au plus tard six mois après la reddition de leurs comptes annuels.

Les résultats sont agrégés à l’échelle de ces États ou territoires. Cet article liste notamment les informations devant être publiées : noms des entités et nature d’activité, produit net bancaire, effectifs en personnels, etc.

Il s’inscrit clairement dans le cadre de la politique de lutte contre les paradis fiscaux initiée dès 2009 dans le cadre du G20, politique qui a été mise en œuvre à droite comme à gauche et à laquelle nous souscrivons. Pour autant, il nous semble que le principe d’une publication généralisée en vue de dissuader l’implantation n’est pas le moyen le plus opportun d’agir en la matière en tant qu’il pénalisera toutes les banques, y compris les plus vertueuses.

En effet, la diffusion d’informations stratégiques relatives à l’implantation des banques, à leurs moyens matériels et humains fragilisera nécessairement les banques françaises en donnant à leurs concurrents des informations stratégiques que ceux-ci seront seuls à exploiter.

Nous allons nous retrouver dans une parfaite situation d’asymétrie d’information puisque nous allons donner aux concurrents de nos banques, je le répète, des informations, donc des armes, pour venir les concurrencer dans les lieux d’implantation les plus fragiles.

Notre amendement de suppression a pour objet de vous alerter, monsieur le ministre, sur les conséquences du dispositif prévu à l’article 4 bis, qui pose un problème majeur de concurrence pour les banques françaises. La filialisation aura une incidence négative sur la rentabilité de banques qui souffrent déjà, comme toutes les entreprises, de la crise économique actuelle. Ne leur rendons pas la situation encore plus difficile, en donnant en plus un avantage à leurs concurrents.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement, comme l’a rappelé M. de Montesquiou, vise à supprimer l’obligation de publication des données pays par pays. Nous abordons, avec cet article 4 bis, la question de la transparence, sur laquelle une longue série d’amendements a d'ailleurs été déposée.

Il s’agit là d’un débat nouveau et important sur les informations que les banques – les banques françaises, mais ce sera vrai des autres banques européennes – devront donner sur leurs activités à travers le monde. Nous aurons ainsi une idée de leur implantation, de leurs actions et peut-être, dans certains cas, de stratégies d’évitement fiscal, si vous me permettez cet euphémisme.

À Aymeri de Montesquiou, qui exprime souvent la crainte que la France ne fasse cavalier seul en avant – c'est pourtant une tradition dans la cavalerie française ! –, ce qui pourrait être défavorable à notre industrie bancaire, je répondrai qu’il s’agit d’une politique coordonnée au niveau européen. Il n'y a donc pas de crainte à avoir dans ce domaine.

Je suis par conséquent défavorable à l’amendement n° 174 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Si vous me le permettez, monsieur le président, je ferai une intervention générale sur l'article 4 bis qui me permettra de donner mon sentiment d'ensemble sur les amendements, ce qui m’évitera d’y revenir trop longuement par la suite.

J’ai eu très tôt l’occasion d’indiquer dans le débat que j’étais ouvert à des amendements portant sur le thème de la lutte contre les paradis fiscaux.

M. Desessard m'a interrogé sur ce qui se passe à l'échelle internationale. Je ne souhaite pas entrer trop avant dans ce débat ce matin, mais j’indiquerai que c'est précisément parce qu'il se passe trop peu de chose sur les plans international et européen que j'ai accepté à l’Assemblée nationale un amendement des groupes écologiste et socialiste qui nous permet d’aller de l'avant, sans pour autant fragiliser notre système bancaire ou nous mettre dans une situation de trop grande vulnérabilité.

Soyez-en bien conscients, la législation que nous allons adopter sera une première. Nous allons demander des informations sur l'activité et les effectifs des banques non seulement dans les territoires non coopératifs, mais plus largement dans tous les pays. Cela nous permettra d’identifier les lieux où telle ou telle banque aurait une simple activité de boîte aux lettres, et ensuite d’agir.

L’amendement présenté à l’Assemblée nationale par les groupes écologiste et socialiste a marqué une avancée. J’ai indiqué, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, qu’il fallait non seulement être conscients de l’importance de la mesure adoptée, mais également attendre que celle-ci « essaime » avant d’aller plus loin.

Sur ce point, je vous rejoins : c'est en effet quand notre action sera portée au moins au niveau européen, et si possible au niveau international, que le dispositif sera pleinement efficace. J'ai utilisé à l'Assemblée nationale un terme auquel je tiens, à savoir celui d’ « équilibre ». Les députés sont convenus qu'il ne fallait pas ajouter de critères supplémentaires. En effet, dès lors que les autres États ne seraient pas dans la même dynamique que nous, la publication unilatérale de certaines données pourrait défavoriser nos banques dans la compétition internationale, ce qui aurait des incidences sur leurs revenus et, au final, sur leurs emplois.

Je l'ai rappelé hier, l’industrie financière est très importante pour notre pays puisqu’elle fournit 400 000 emplois : au sens large du terme, elle est probablement la deuxième industrie après l'industrie automobile. Je m’engage donc à porter la mesure au niveau européen, et même au-delà, à condition qu’elle soit bien calibrée.

L’incidence de notre décision au niveau européen est importante. Vous le savez, un processus est actuellement en cours, avec les négociations conclusives sur la directive CRD IV, alors même que le sujet n'avait jamais été sur la table depuis un an ! Grâce à l'initiative française, des propositions très fortes ont également été faites en matière de transparence : le compromis prévoit que de nouvelles obligations de transparence seront imposées aux banques à partir de 2015, mais également qu’elles seront étendues aux entreprises d’investissement.

L’obligation de transparence devrait ainsi être élargie à la publication d’informations relatives au bénéfice ou à la perte avant impôt, au montant total des impôts dont les entités sont redevables et aux subventions publiques reçues.

Conformément à la teneur des discussions que j’ai eues avec les députés, et puisque nos voisins européens commencent à suivre le même chemin, je suis évidemment favorable à ce que nous puissions étendre dès à présent dans le projet de loi le champ des critères concernés à celui qui est mentionné dans la future directive.

Tel est mon point de repère. Il correspond à l’ambition affichée dans l’amendement n° 137 rectifié bis de Mme Rossignol, que je vous proposerai, mesdames, messieurs les sénateurs, de soutenir. Ce texte me semble en effet s’inscrire tout à fait dans cette volonté d’équilibre que j'évoquais. Nous devons nous assurer que cette transcription nous permettra de nous conformer à nos obligations européennes.

L’intérêt de la directive est par ailleurs d’harmoniser les exigences au niveau européen, ce qui est d’ores et déjà très ambitieux. Il ne me semble pas raisonnable d’imposer à nos entreprises des obligations qui ne figureraient pas directement dans la directive, que ce soit en termes de contenu ou en termes de délai de mise en œuvre, et ce afin de ne pas nous fragiliser.

Tel est l’état d’esprit dans lequel j’aborde l'ensemble des amendements déposés sur l’article 4 bis. J'ai indiqué que j’en retenais un ; cela signifie donc que, s’agissant des autres – et cela vaut, monsieur de Montesquiou, pour votre amendement –, je n’émettrai pas d’avis favorable, et ce pour des raisons diverses que je laisserai M. le rapporteur exposer : nous sommes en effet, me semble-t-il, en phase sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. Nous arrivons à un stade important du débat. Sur ce sujet, qui a été à mon sens bien formulé et posé par l’Assemblée nationale, nous sommes interpellés à nouveau par, si j'ose dire, le couple compétitivité-transparence. M. le ministre vient de le rappeler, notre industrie financière possède un potentiel d'activités et d’emplois très significatif. La contraindre à respecter des obligations plus importantes que celles qui sont imposées par les autres États serait susceptible de nous exposer à des pertes de substance, par déplacement d'activités en Europe. Nous devons bien évidemment nous prémunir contre un tel risque.

Je crois, pour ma part, que le texte de l'Assemblée nationale est utile, même s’il peut sans doute être encore précisé. En tout cas, il nous interpelle sur un point : il traduit l'échec – il faut bien le dire ! – des politiques conduites au sein de l'OCDE pour définir une liste des États et territoires non coopératifs.

Monsieur le ministre, Chypre, État de la zone euro,…

M. Pierre-Yves Collombat. Le Luxembourg !

M. Philippe Marini. … le Luxembourg, État de la zone euro, et l'Irlande, État de la zone euro, sont-ils des États particulièrement bienveillants en termes de législation fiscale ?

M. Philippe Marini. Le Royaume-Uni, qui est à la fois si proche et si loin de nous, n'exerce-t-il pas des compétences régaliennes sur l’ensemble des îles et territoires avec lesquels il a une histoire commune et qui ne cessent de faire commerce de leurs spécificités ?

Sur ces sujets, l'hypocrisie est souvent au rendez-vous. Demander aux groupes multinationaux de publier la répartition territoriale selon les États de leurs activités, de leurs profits et de leurs impôts n'est pas forcément une si mauvaise orientation que cela. Il pourrait d’ailleurs être utile que cette prise de conscience survienne dans d'autres domaines – par exemple dans l'industrie du numérique – et qu’elle s’étende à toute l’Europe. Les États européens, au premier rang desquels la France et l'Allemagne, doivent être à l'origine d'une nouvelle conception, plus transparente, de ces questions.

Tout en reconnaissant le grand mérite à mon collègue et ami Aymeri de Montesquiou d'avoir été le premier à soulever cette question, je crois que l’article 4 bis, même s'il n'est pas parfait – mais il sera vraisemblablement encore précisé – peut être utile et pédagogique. Sans doute ne faut-il pas en attendre une révolution absolue. C'est un texte évolutif dans un contexte qui l’est également, si je puis m'exprimer ainsi. Mais les signaux que nous envoyons en examinant ce sujet seront utiles. J'avoue que je me retrouve assez bien dans les analyses qui ont été présentées tant par le rapporteur que – une fois n'est pas coutume ! – par le ministre de l'économie.

Mme Laurence Rossignol. Votez avec nous !

M. Philippe Marini. Ne m’en demandez pas trop ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Je suis assez d’accord avec l’idée de Philippe Marini d'élargir la notion de transparence à l'ensemble des groupes français. Dans un article paru le 23 janvier dernier, le journal financier néerlandais Financieele Dagblad faisait état de la présence aux Pays-Bas de grands groupes français dont l'État est d'ailleurs pour partie actionnaire. Il en est ainsi, par exemple, d’EDF et de la holding Renault-Nissan.

Du côté de l'État, n’y aurait-il pas lieu de se pencher sur les motifs qui justifient la présence de ces groupes français aux Pays-Bas ? Cela ne relèverait-il pas de la même démarche ?

Je reprendrai à mon compte le terme « hypocrisie » qui a été employé par M. Marini. Il y a effectivement beaucoup d’hypocrisie entre, d’un côté, des discours très fermes et volontaristes – « la fin des paradis fiscaux » et autres propos – et la réalité, à savoir la poursuite de l'évasion fiscale ! J'ai en tête le chiffre, cité dans le rapport de l'OCDE que M. Saint-Amans a présenté au Sénat voilà quelques semaines, du nombre de schémas d'optimisation fiscale : il est passé de 350 l'an dernier à 400 aujourd'hui. L'ingénierie de l’optimisation est toujours à l'œuvre !

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

M. Aymeri de Montesquiou. Je note une opinion commune transversale : nous sommes tous d'accord ici pour inciter nos banques à être vertueuses et pour éviter les excès. J'ai bien peur que l’excès de vertu ne nous handicape face à nos concurrents étrangers.

M. Daniel Raoul. On a des marges de progression !

M. Jean-Pierre Caffet. Qu’est-ce que la vertu sans transparence ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 174 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 137 rectifié ter est présenté par Mmes Rossignol, Espagnac et Lienemann, MM. Caffet, Yung, Dilain, Chastan, Courteau, Teulade et Godefroy, Mmes Lepage et M. André, MM. Berson, Botrel, Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Madec, Madrelle, Fauconnier, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Eblé, Rainaud, Vincent et Pastor, Mme Cartron, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 236 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

a) Après l'année :

2014

insérer les mots :

pour les 1° à 3° du III et à compter de l’exercice 2014 et pour publication à partir de 2015 pour les 4° à 6° du III

b) Après les mots :

holdings mixtes

insérer les mots :

, et entreprises d’investissement

II. – Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« 4° Le bénéfice ou la perte avant impôt ;

« 5° Le montant total des impôts dont les entités sont redevables ;

« 6° Les subventions publiques reçues.

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 137 rectifié ter.

Mme Laurence Rossignol. Nous avons déjà largement engagé la discussion sur l'extension de la transparence aux activités des banques dans les paradis fiscaux.

Le Gouvernement a fait preuve de détermination et l'Assemblée nationale a déjà fourni un important travail sur ce texte en déposant des amendements. Aujourd'hui, nous envisageons d'étendre cette obligation de transparence aux bénéfices et pertes avant impôt, au montant total des impôts dont les entités sont redevables et aux subventions publiques reçues. À lire leurs amendements, les autres groupes de gauche partagent très largement notre position.

L'intervention de notre collègue Philippe Marini m’a permis de constater que nos ambitions en matière de transparence des paradis fiscaux progressent au sein de cette assemblée et qu’il existe une volonté commune d'aboutir.

Monsieur le ministre, vous avez employé le terme « équilibre », et je comprends ce que cela recouvre pour vous ; effectivement, entre la préservation de l'activité économique de nos banques, qui est un facteur important de création de richesses, et le besoin de moralisation, la ligne de crête est étroite.

Dans le même temps, l'absence de moralisation finira un jour par handicaper l'activité de nos banques. Il faut aussi prendre cela en compte dans l’équilibre auquel nous voulons parvenir. Je note avec intérêt que ce que nous faisons en France et les discussions actuellement menées sur le plan européen dans le cadre de la directive CRD IV pour étendre l'obligation de transparence imposée aux banques relèvent d’une dynamique commune.

S’il faut toujours être un pas en avant de l’Europe, jamais deux, pour paraphraser un propos que certains reconnaîtront peut-être, cet unique pas est précieux pour entraîner l’Europe dans des ambitions plus grandes.

Loin de moi l’envie de polémiquer ; bien au contraire, nous cherchons le rassemblement le plus large possible autour de nos propositions. Néanmoins, je ne suis pas sûre que les paradis fiscaux contribuent à préserver l’emploi dans les banques françaises ! Et s’ils le font, c’est d’une manière tellement indirecte qu’elle m’échappe un peu…

Quant à la préservation de la compétitivité de nos banques par les paradis fiscaux, elle est extrêmement fragile et toujours susceptible d’être menacée.

Monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vous soutiendrez notre amendement. Nous vous en remercions.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l’amendement n° 236 rectifié.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, je défendrai par la même occasion les amendements nos 237, 238 et 239.

Comme l’avait montré l’excellent travail de la commission d’enquête du Sénat, dont le rapporteur était notre collègue Éric Bocquet, l’évasion fiscale est à l’origine d’un manque à gagner, pour l’État français, d’environ 40 milliards d’euros – rendez-vous compte, mes chers collègues ! –, une somme dont il semblerait que nous n’ayons pas vraiment aujourd'hui les moyens de nous priver. Dans un récent rapport, l’OCDE a tiré le même constat.

Outre le manque à gagner fiscal, l’utilisation des paradis fiscaux par nos entreprises permet également d’utiliser des législations conciliantes pour héberger des pratiques contestables. Par exemple, ce n’est pas un hasard si la fameuse viande de cheval a transité, du moins virtuellement, par les portefeuilles de plusieurs traders situés dans les paradis fiscaux.

M. Éric Bocquet. C’est la même logique, en effet !

M. Jean Desessard. Depuis la crise de 2008, qui a relancé la volonté de lutter contre les paradis fiscaux, la démarche adoptée a consisté à dresser des listes de différentes nuances de gris pour tenter de stigmatiser les mauvais élèves.

Toutefois, la diplomatie a très vite prévalu et les listes se sont retrouvées vides, ou presque. Ce fut un échec.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, c’est une tout autre démarche que nos collègues députés ont adoptée à l’Assemblée nationale : il s’agit de demander à nos banques, qui ont une responsabilité particulière dans l’évasion fiscale, parce qu’elles servent d’intermédiaires, de rendre compte de leurs activités pays par pays.

Avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a voté une disposition obligeant les banques à communiquer, pays par pays, le nom et la nature de leurs filiales, le nombre de leurs employés et leur chiffre d’affaires. Nos collègues députés du groupe écologiste avaient également proposé d’ajouter les bénéfices et les impôts, mais ils n’ont pu réussir à rassembler une majorité sur ce point.

Toutefois, depuis lors est intervenu un accord européen, qui incorpore non seulement les bénéfices et les impôts, mais aussi les subventions publiques reçues.

C’est pourquoi, dans la continuité du travail de nos collègues députés écologistes et en accord avec le compromis européen, nous vous proposons cet amendement, qui est identique à celui du groupe socialiste, par un heureux hasard ou, peut-être, en raison du travail réalisé en commun à partir d’une analyse commune. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 237, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

À compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014,

II. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Impôts et taxes versés. »

III. – Alinéa 9

Remplacer les mots : 

et 3°

par les mots :

, 3° et 4°

IV. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées aux 1°, 2° et 3° seront fournies à compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014. Les informations mentionnées au 4° seront fournies à compter de l’exercice 2014 et pour publication à partir de 2015. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 238, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

À compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014

II. - Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Résultat avant impôt. »

III. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

et 3°

par les mots :

, 3° et 4°

IV. - Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées aux 1°, 2° et 3° seront fournies à compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014. Les informations mentionnées au 4° seront fournies à compter de l'exercice 2014 et pour publication à partir de 2015. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 239, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

À compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014

II.- Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Subventions publiques reçues. »

III.- Alinéa 9

Remplacer les mots :

et 3°

par les mots :

, 3° et 4°

IV. - Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées aux 1°, 2° et 3° seront fournies à compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014. Les informations mentionnées au 4° seront fournies à compter de l'exercice 2014 et pour publication à partir de 2015. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 175 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

Remplacer les mots :

publient en annexe à leurs comptes annuels consolidés

par les mots :

transmettent au ministère de l’économie et des finances

II. - Alinéas 5 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« III. - Un arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances spécifie les informations publiables par l’administration.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement tend à s’inscrire dans le même esprit que celui que j’ai précédemment présenté. Il s'agit de limiter les distorsions de concurrence qui pourraient naître d’une publication généralisée d’informations relatives à l’implantation de nos banques à l’étranger.

Néanmoins, cet amendement est moins volontariste que le précédent : il constitue une solution de repli, qui pourrait à la fois garantir une certaine confidentialité quant à la politique stratégique d’implantation menée par nos banques et la nécessaire transparence – j’y insiste – en matière de lutte contre les paradis fiscaux.

Nous proposons de substituer au principe de la publication généralisée une procédure de transmission au ministère des finances des informations demandées à l’article 4 bis, dans sa rédaction actuelle.

L’adoption de cet amendement donnerait au ministre des finances le pouvoir d’établir par voie d’arrêté le type d’informations publiables par son administration. Le ministre des finances serait chargé de la police de la concurrence dans l’accès à l’information et se ferait juge de ce qui ressort ou non d’une donnée stratégique en matière d’implantation étrangère.

M. le président. L'amendement n° 240, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

incluses dans le périmètre de consolidation

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je serai bref…

Mme Nathalie Goulet. Mais brillant ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. … et défendrai par la même occasion l’amendement n° 241.

Dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, les informations devant être fournies par les banques portaient sur l’ensemble de leurs implantations. La commission des finances du Sénat a choisi de restreindre le champ de ces informations aux seules filiales entrant dans le périmètre de consolidation des comptes.

Je m’adresse ici aux téléspectateurs qui nous regardent (Sourires.). Eh oui, mes chers collègues : j’ai d'ailleurs reçu des retours très positifs en ce qui concerne notre débat d’hier soir ! (Nouveaux sourires.) En réalité, la consolidation d’une maison mère ne porte pas sur toutes les filiales : quelques-unes d’entre elles, plus petites que les autres, n’entrent pas dans la consolidation, certainement faute de pouvoir trouver les informations techniques nécessaires.

M. Pierre-Yves Collombat. Elles sont trop petites !

M. Jean Desessard. Néanmoins, si elles ne figurent pas dans le périmètre de la consolidation, elles échappent par là même en partie au contrôle !

Monsieur le rapporteur, nous craignons que la restriction que vous avez apportée n’ouvre des failles permettant de contourner le dispositif de transparence mis en place.

Cet amendement est un amendement d’appel : je souhaiterais être convaincu qu’il serait vraiment techniquement impossible aux banques de nous donner des informations sur l’ensemble de leurs filiales, celles qui entrent dans le périmètre de consolidation comme les autres.

J’en viens à l’amendement n° 241. Celui-ci vise l’hypothèse où des considérations comptables empêcheraient de compiler les données mentionnées à l’article 4 bis : dans ce cas, nous proposons de ne sortir du périmètre de la consolidation que la donnée qualitative des noms et natures des filiales. Cette possibilité permettrait de vérifier que ne se multiplient pas dans certains pays les petites filiales échappant au principe de transparence, comme je l’ai expliqué. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. L'amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Bas et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Contribution au produit net bancaire consolidé ;

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Résultat avant impôt sur les bénéfices ;

« …° Détail des impôts versés.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline » : vous le savez, c’est ainsi que Tartuffe entre en scène. Il semble que, comme lui, nous essayons de serrer la discipline…

Il est tout de même assez hallucinant de s’entendre dire que le texte ferait courir aux banques françaises un risque de distorsion de concurrence ! S'agissant de champions de l’évasion fiscale et du blanchiment, une telle distorsion ne me paraît pas forcément complètement immorale.

Du reste, il n’est pas certain que 400 000 emplois soient en jeu : j’espère que la solidité de nos banques ne tient pas à leur commerce avec ces lieux exotiques ! On peut aussi penser aux emplois préservés ou encore à ceux qui ont déjà été supprimés du fait des agissements de certaines de nos banques.

Si vous me le permettez, je vais vous lire un court passage d’un livre que je vous conseille : Ces 600 milliards qui manquent à la France.

M. Éric Bocquet. Excellent ouvrage !

M. Pierre-Yves Collombat. Il est signé d’Antoine Peillon – le frère du ministre que nous connaissons.

Mme Nathalie Goulet. Quelle famille ! (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Ce savoureux passage permet de prendre la dimension du problème : « Selon un décompte réalisé par Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives économiques, le 11 mars 2009, BNP Paribas comptait alors pas moins de 189 filiales domiciliées dans les paradis fiscaux, nombre record parmi ceux affichés par toutes les grandes entreprises françaises du CAC 40 : sept en Suisse, vingt-sept au Luxembourg, vingt et un dans les îles Caïman.

« Dans une tribune publiée dans le quotidien Libération, le 19 octobre 2009, les députés européens Éva Joly et Pascal Canfin soulignaient que BNP Paribas propose à ses clients les plus fortunés des services d’optimisation juridique et fiscale à Monaco, en Suisse ou au Luxembourg et que sa filiale suisse vend, selon ses propres termes, la création, la gestion ou l’administration des structures établies dans des juridictions telles que les Bahamas, Jersey, le Luxembourg, Panama, Singapour, le Liechtenstein et la Suisse, c’est-à-dire des sociétés écrans, derrière lesquelles il est possible de posséder des comptes bancaires non déclarés. » Fermez le ban !

Cela étant, je retire mon amendement, au bénéfice des amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié, dont la formulation est très proche.

M. le président. L'amendement n° 43 rectifié est retiré.

L'amendement n° 85, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Chiffre d’affaires des entités ;

« …° Charges fiscales détaillées incluses dans leurs comptes.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Je défendrai par la même occasion l’amendement n° 86, monsieur le président.

Dans ce débat central, je vous propose à tous de faire deux pas de plus dans les contraintes.

Au terme de la discussion du projet de loi, l’Assemblée nationale a commencé de lever un coin du voile, pour reprendre l’expression de notre collègue Collombat, sur la présence de nos établissements de crédit dans ce que l’on appelle pudiquement « les États et territoires non coopératifs », autrement dit les paradis fiscaux.

L’article 4 bis traite, de manière incomplète, du reporting pays par pays. Je tiens à en rappeler les contours les plus précis.

Pour ce faire, je citerai le Comité catholique contre la faim et pour le développement, organisation non gouvernementale que chacun connaît, qui agit notamment dans les pays les plus pauvres, où l’évasion fiscale a aussi des effets dévastateurs, et qui mène un travail remarquable sur le sujet depuis de nombreuses années.

Le Comité a eu l’occasion de spécifier ce qu’il convenait d’entendre par le reporting dont nous débattons : il faut « obliger les utilisateurs des paradis fiscaux à rendre des comptes : introduire dans les normes comptables internationales une obligation de reporting pays par pays, afin d’obliger les entreprises à la transparence sur leurs activités dans les paradis fiscaux ».

Le paragraphe suivant constitue le cœur des préoccupations de l’ONG, que je partage pleinement : « Pour chaque pays et territoire où elles sont implantées, les sociétés doivent présenter des informations détaillées : coordonnées des filiales, succursales, nature des activités, produits commercialisés, effectifs, bénéfice avant impôts, taxes versées et – du moins pour l’activité dans les paradis fiscaux – gestion des risques et système de contrôle interne ».

L’effectif constitue une dimension importante dans les critères à imposer. Pierre-Yves Collombat évoquait tout à l'heure le nombre de filiales de BNP Paribas ; les sous-filiales et sous-filiales de sous-filiales qui comptent parfois un ou deux agents mais réalisent des chiffres d’affaires absolument extraordinaires doivent, bien sûr, interpeller.

L’amendement n° 85 vise à compléter le contenu de l’article 4 bis, dont les critères actuels ne peuvent constituer les seuls paramètres d’évaluation.

Nous parlons beaucoup de l’Europe. Elle nous observe, réfléchit et travaille sur ces sujets ; ne la décevons pas !

Dès lors, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter ces deux amendements, l’amendement n° 86 tendant à tirer les conséquences du caractère particulièrement précis des dispositions de l’article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. L'amendement n° 241, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception faite au II du présent article, les informations mentionnées au 1° sont publiées pour l'ensemble des implantations de ces États ou territoires et non seulement pour les implantations incluses dans le périmètre de consolidation. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 194 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette et Leconte, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Eblé, Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Daudigny, Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – En cas de manquement à l’obligation d’information prévue aux II et III, l’autorité de contrôle décide l’ouverture d’une procédure de sanction à l’encontre des dirigeants de l’établissement concerné mentionnés aux articles L. 511-13 et L. 532-2. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Il n’y a pas de règle sans sanction : le principe est bien connu des juristes, particulièrement des pénalistes ! Nous proposons donc d’assortir les nouvelles dispositions concernant la transparence des activités bancaires dans les paradis fiscaux de sanctions en cas de manquement aux obligations d’information : l’autorité de contrôle déciderait l’ouverture d’une procédure de sanction à l’encontre des dirigeants de l’établissement concerné.

Cet amendement est cohérent avec les dispositions dont nous venons de débattre, me semble-t-il.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je souhaite préalablement formuler quelques remarques d’ordre général. Nous sommes dans un débat important, celui qui porte sur les paradis fiscaux et sur l’évasion fiscale. Je partage le sentiment exprimé par plusieurs collègues, en particulier par M. Marini : la démarche engagée par l’OCDE, qui concerne toutes les grandes économies, n’aboutit pas et n’ouvre pas vraiment de fenêtre d’espérance.

Nous avons auditionné des responsables de l’OCDE. Ils formulent des propositions très intéressantes, mais la méthode de travail qu’emploie cette organisation pour déterminer à la fois les pays et les différentes techniques qui devraient être condamnés est celle du consensus. Pour adopter une règle, il faut donc que les États s’accordent. Par conséquent, cette sorte de comitologie, qui se poursuit indéfiniment, n’aboutit jamais.

On a rappelé, ainsi, les difficultés rencontrées pour établir les listes de paradis fiscaux et, surtout, l’impuissance de l’OCDE face au développement des techniques nouvelles, ou même anciennes d'ailleurs, comme la facturation intergroupe. Ce procédé est le grand vecteur de l’évasion fiscale : on se facture des prestations de service entre différentes filiales, entre la société mère et ses succursales, on loge les marques et les redevances de marque dans un paradis fiscal, on place les activités purement logistiques dans un autre paradis fiscal, on transite par les Pays-Bas – la plaque tournante en la matière – pour rapatrier les bénéfices vers les États-Unis, etc.

Tout cela est connu et a été bien décrit, mais rien ne se fait. Par conséquent, ce qui est proposé ici, à l’échelon européen, constitue un grand progrès. C’est la première fois que l’Union européenne permet de faire avancer les choses en ce domaine.

On voit bien la difficulté à propos d’un sujet connexe : le Royaume-Uni envisage de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés à 20 %. Certains s’en réjouiront en pensant que c’est une bonne mesure politique, mais nous sommes ainsi engagés dans une concurrence fiscale à la baisse, à laquelle l’Irlande aussi, par exemple, participe grandement. Tant que des politiques de ce genre ne seront pas coordonnées, nous n’avancerons pas. D’une façon générale, la commission partage donc les sentiments qui viennent d’être exprimés.

J’en viens aux différents amendements.

Les amendements nos 237, 238 et 239 tendent chacun à étendre l’obligation de transparence à certaines informations. Je partage les intentions de leurs auteurs. Toutefois, l’adoption des amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié entraînerait le même résultat, si bien que je vous demande monsieur Desessard, de bien bouloir vous rallier à ces dispositions.

M. Jean Desessard. Tous ces amendements sont en effet très proches.

M. Richard Yung, rapporteur. Les amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié ont pour objet d’étendre les obligations de transparence aux trois types d’informations qui ont été évoquées : les bénéfices ou pertes avant impôt, le montant total des impôts acquittés et les subventions publiques reçues, et cela à partir de 2014, en vue d’une première publication en 2015.

À titre personnel – la commission ne m’a pas suivi sur ce point –, je suis favorable à ces amendements, qui visent à transposer le récent accord au conseil ECOFIN sur ces questions, l’accord dit « CRD IV » – pour « capital requirements directive IV ». Leurs dispositions viendraient ainsi compléter l’article 4 bis introduit à l’Assemblée nationale.

Pour répondre à une crainte souvent exprimée, toutes les banques européennes demeureraient traitées sur un plan d’égalité, sans cette distorsion de concurrence dont M. de Montesquiou, en particulier, s’inquiétait.

Pour des raisons de forme, je suis favorable aux amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié. Je demanderai donc aux auteurs des amendements nos 237, 238 et 239, ainsi qu’à ceux des amendements nos 43 et 85, qui seraient également satisfaits par l’adoption de ces amendements identiques, de se rallier à ces derniers. Toutefois, je le rappelle, il s'agit d’une position personnelle, la commission ayant exprimé un avis défavorable sur tous ces amendements.

L’amendement n° 175 rectifié tend à revenir sur la publication des données par pays, qui seraient seulement transmises à l’administration, le ministre des finances décidant finalement des informations publiées. Cette mesure étant contraire à l’esprit de l’article 4 bis et à l’impératif de transparence dont nous venons de débattre, mon avis est défavorable.

L’amendement n° 240 de M. Desessard vise à supprimer la référence au périmètre de consolidation pour établir le champ de l’obligation de transparence pays par pays – c’est la question posée par M. Desessard.

Il faut comprendre que la consolidation – une notion comptable, mobilisée par les commissaires aux comptes – permet de déterminer ce qui est réellement sous la responsabilité de l’action de la banque. Prendre en compte le périmètre de consolidation sur la base de participations significatives – par exemple, de l’ordre de 30 % du capital – revient à prendre en considération les décisions et l’action réelles d’une banque dans tel ou tel pays, avec telle et telle filiale.

En revanche, il peut exister de nombreuses autres participations, très minoritaires – par exemple, 1 % dans une caisse d’épargne à Tachkent ou diverses participations résiduelles –, qui peuvent découler d’héritages divers et n’impliquent pas une action déterminée et volontaire de la banque. Ces participations n’ont pas grand intérêt, la banque étant totalement passive en la matière.

L’idée est de déterminer ce qui compte. C’est pourquoi nous avons introduit cette notion de consolidation, et si cette explication vous convient, monsieur Desessard, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement n° 241 vise également à maintenir certaines obligations de publication en dehors du périmètre de consolidation ; j’en suggère, de même, le retrait.

Enfin, l’amendement n° 194 rectifié bis de Mme Rossignol a pour objet de créer une sanction à l’encontre des dirigeants d’une banque en cas de manquement à l’obligation de publier des données de transparence pays par pays.

Cette demande me paraît satisfaite par le droit en vigueur : c’est le rôle de l'autorité de contrôle prudentiel que de contrôler le respect par les banques de l’ensemble des normes de valeur législative et règlementaire du code monétaire et financier. Je vous demanderai donc, madame Rossignol, de bien vouloir retirer l'amendement n° 194 rectifié bis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Compte tenu de ce que j’ai indiqué tout à l’heure dans mon intervention générale sur l’article 4 bis, je suis favorable aux amendements identiques nos 137 rectifié et 236 rectifié. Je suggère aux auteurs des autres amendements de les retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié.

M. Éric Bocquet. Dans la perspective d’un reporting pays par pays, je me permets d’insister sur le critère des effectifs à déclarer. En effet, aujourd'hui, nous évoluons dans un univers si virtuel que, dans certains territoires, seule la présence physique de personnels d’une banque peut témoigner d’une activité réelle ; par exemple, les îles vierges britanniques sont le sixième investisseur en Russie, ce qui soulève certaines interrogations. Je maintiendrai donc tout à l'heure l’amendement n° 85.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voterai la totalité des amendements de précision qui ont été présentés, sauf, naturellement, ceux qui seraient retirés parce qu’ils seraient redondants. En effet, le travail de la commission d’enquête sur l'évasion fiscale a montré que, à l’évidence, nous avons besoin non seulement de précisions, mais aussi de sanctions.

Même si la loi les prévoit et que les institutions en place ont pour rôle de les faire appliquer, je voudrais rappeler que, lors de certaines auditions, notamment celles des responsables de grands groupes ayant des filiales à l’étranger, nous avons eu l’impression d’entendre de la langue de bois et nous avons perçu une certaine légèreté. Celle-ci indiquait que les établissements visés n’étaient pas tellement inquiets des sanctions qu’ils encourraient en ne respectant pas les règles existantes en matière de reporting ou de déclaration.

Une réitération des sanctions me paraît donc très intéressante. Aussi, je suis tout à fait favorable à l’amendement n° 194 rectifié bis de Mme Rossignol, car je crois comme elle qu’il n’y a pas de règle sans sanction. Il faut réaffirmer ces sanctions haut et fort, puisque celles qui existent n’incitent pas les établissements concernés à respecter la réglementation et à cesser d’agir dans l’opacité.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 137 rectifié ter et 236 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 237, 238, 239, 175 rectifié et 85 n'ont plus d'objet.

Monsieur Desessard, les amendements nos 240 et 241 sont-ils maintenus ?

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, je tiens à saluer le vote que nous venons d’émettre. Au travers de cet article 4 bis, l’Assemblée nationale avait réalisé une avancée considérable dans le règlement de la question des paradis fiscaux. Son dispositif est aujourd'hui complété. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Je retire les deux amendements, monsieur le président.

M. le président. Les amendements nos 240 et 241 sont retirés.

Madame Rossignol, l'amendement n° 194 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Je ne suis pas certaine que cet amendement soit satisfait par les règles actuellement en vigueur.

L’autorité de contrôle peut saisir la commission des sanctions ; je propose que cette saisine devienne automatique. En cas de non-respect des obligations de transparence, le principe d’une présomption de faute, la banque ayant la charge d’apporter la preuve contraire, me paraît approprié.

Par conséquent, je maintiens cet amendement, monsieur le président.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 52 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 234 est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Après le mot :

territoire

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 52.

Mme Frédérique Espagnac. Le présent amendement tend, via la suppression du délai de six mois, à exiger des établissements de crédit, des compagnies financières et des compagnies financières holding mixtes qu’ils publient en même temps que leurs comptes annuels une annexe comportant les informations relatives à leurs implantations et à leurs activités dans chaque État ou territoire.

En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article 4 bis laisse envisager une pérennisation de ce délai dans les années à venir, ce qui irait à l’encontre des débats que nous avons menés précédemment.

Or la principale avancée que constitue la communication en annexe de ces informations publiées simultanément aux comptes annuels est de permettre aux pouvoirs publics et aux particuliers d’appréhender les chiffres des comptes annuels en perspective avec les pays ou les territoires où ces bénéfices ou pertes sont réalisés.

Prenons un exemple pour illustrer la nécessité de voter le présent amendement : l’annonce de bénéfices records d’une banque X, suivie quelques mois plus tard d’une annexe détaillant les origines desdits bénéfices passera incognito, j’en suis convaincue, dans les médias et les cercles dirigeants. Dès lors, les banques n’ont aucune raison de changer leurs pratiques peu morales et contraires à l’esprit de ce projet de loi.

Or, mes chers collègues, imaginez l’effet d’une annonce de bénéfices records de la même banque X, mais accompagnée de l’information suivante : « dont 70 % ont été réalisés via des comptes offshore ou dans des paradis fiscaux » !

Vous en conviendrez, la simultanéité de ces informations peut, à terme, changer radicalement les pratiques de certaines banques, en instaurant une véritable transparence, pour tous.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 234.

M. Jean Desessard. L’amendement étant identique au précédent, ma présentation sera brève.

M. le rapporteur m’a demandé de retirer mes amendements relatifs au périmètre non consolidé, ce que j’ai fait à la suite de son argumentaire.

Toutefois, en l’espèce, je suis surpris que les banques demandent un délai de six mois supplémentaires : si elles peuvent publier leurs comptes annuels consolidés en deux mois, pourquoi ont-elles besoin de six mois supplémentaires pour communiquer les informations demandées ? Elles ont, en principe, tous les éléments à leur disposition. Pourquoi les informations ne sont-elles pas publiées en même temps que les comptes consolidés ? C’est tout de même surprenant.

M. le président. L'amendement n° 270, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

reddition de leurs comptes annuels

par les mots :

clôture de l'exercice

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 270 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 52 et 234.

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les comptes annuels doivent être remis à la clôture de l’exercice.

Je comprends les interrogations des auteurs des amendements identiques nos 52 et 234 sur le délai de six mois. Nous sommes cependant défavorables à ces propositions. En effet, les comptes consolidés sont établis par les filiales, mais celles-ci peuvent être implantées dans de nombreux pays ou territoires. La répartition par pays peut donc représenter un travail relativement lourd. C'est pourquoi les banques ont sollicité un délai.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis favorable à l’amendement n° 270, donc défavorable aux amendements identiques nos 52 et 234.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Franchement, monsieur le rapporteur, à l’ère de l’informatique, si l’on a effectué la consolidation des comptes, il suffit d’appuyer sur le bon bouton pour obtenir le détail !

Un délai supplémentaire de six mois – ce n’est pas rien ! – pourrait être pour les banques l’occasion d’organiser quelque évasion ou dissimulation… Il ne faut pas inciter au vice.

M. le président. Madame Espagnac, l'amendement n° 52 est-il maintenu ?

Mme Frédérique Espagnac. Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 270.

M. le président. L'amendement n° 52 est retiré.

Monsieur Desessard, l'amendement n° 234 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je le retire également, monsieur le président. Je me rallie moi aussi à l'amendement n° 270 de la commission.

M. le président. L'amendement n° 234 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 270.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 235 est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 86.

M. Éric Bocquet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre l'amendement n° 235.

M. Jean Desessard. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer la référence à un décret en Conseil d’État. Il me paraît pourtant utile de maintenir celle-ci. En effet, le pouvoir exécutif doit disposer d’une marge de manœuvre pour prendre les mesures d’application nécessaires, qui peuvent parfois être complexes.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 86 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 235 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je le maintiens, monsieur le président : je reste solidaire de mes amis communistes ! (Sourires.)

M. Philippe Marini. Unis et solidaires !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 86 et 235.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.

(L'article 4 bis est adopté.)

M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !

Article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4 ter A

Articles additionnels après l'article 4 bis

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L.... – Il est interdit à un établissement de crédit d’exercer directement ou indirectement des activités dans des États ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance permettant l’échange automatique de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale française et d’entretenir des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Les dispositions de cet amendement découlent évidemment de la position de fond de notre groupe sur la question de l’évasion et de la fraude fiscales.

Il s’agit tout simplement d’inviter nos établissements de crédit à se mettre en conformité avec les principes de transparence des transactions et des mouvements financiers qui nous animent ici, c’est-à-dire de poser le principe d’une interdiction a priori d’implantation dans les États et territoires non coopératifs, tels que nous en avons défini la liste.

À ce titre, j’observe d’ailleurs que des divergences d’appréciation existent aujourd’hui entre les différentes instances d’évaluation de la liste des États et territoires non coopératifs, les ETNC, selon qu’elles proviennent du Groupe d’action financière, le GAFI, de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, de la France, et qu’il ne nous semble pas nécessairement le mieux venu de ne retenir, dans cette liste, que les pays ne s’étant pas encore mis en conformité avec les seules recommandations de l’OCDE.

Dans le droit fil du débat annuel que nous souhaitons mener au sein du Parlement sur la question des paradis fiscaux, il nous semble nécessaire de disposer d’une certaine forme d’indépendance en appréciant à la fois les listes de paradis fiscaux reconnues à l'échelon international, mais aussi celles qui procèdent de l’analyse objective des relations fiscales bilatérales que nous pouvons entretenir avec tel ou tel pays. En attendant, nous devons nous libérer des mauvaises pratiques que constituent les implantations de nos établissements de crédit dans les ETNC.

Mes chers collègues, tel est le sens de l’amendement que je viens de vous présenter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’interdire les relations d’affaires conduites avec une contrepartie installée dans un paradis fiscal, au sens de la liste française, c'est-à-dire dans les pays avec lesquels nous n’avons pas conclu de convention de coopération fiscale.

Mes chers collègues, je partage votre philosophie, mais je doute des effets d’une telle mesure. Des entreprises françaises sont implantées ou entretiennent des relations d’affaires dans certains pays – je pense par exemple à la République des Philippines, que nous avons évoquée hier.

Je mesure mal les conséquences d’une telle disposition. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable, monsieur Bocquet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Les conventions fiscales signées par la France à ce jour avec des pays tiers ne prévoient pas la mise en œuvre d’un dispositif d’échange automatique d’informations. L’adoption de cet amendement aurait donc pour conséquence la fermeture des banques françaises hors de France, ce que je trouve tout à fait disproportionné au regard des enjeux.

En revanche, je tiens à vous assurer que l’échange automatique d’informations constitue un objectif stratégique de l’action de mon ministère à l’international, en particulier dans le cadre du G20 ou des négociations menées par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales.

La France soutient la mise en place, à l'échelle mondiale, d’un dispositif d’échange automatique d’informations. Quelques pays nous ont déjà rejoints. Mes services sont mobilisés pour parvenir à convaincre les autres. À ce titre, les mesures de transparence prises dans le cadre de la loi, j’en suis persuadé, renforceront la crédibilité de l’action de la France en faveur d’une plus grande transparence.

Pour toutes ces raisons, au nom de notre démarche d’avancées progressives et de confortement de nos positions dans les discussions mondiales, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 87 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 195 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Chastan, Courteau, Teulade et Godefroy, Mmes Rossignol et Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements de crédit publient annuellement un rapport comportant notamment les données, établies par bassin de vie entendu comme un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires, relatives à leur activité de collecte de l’épargne et à leur activité de crédit aux personnes physiques, aux très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, aux entreprises de taille intermédiaire et aux structures de l’économie sociale et solidaire.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Au travers de cet amendement, j’aborde une question que nous avons eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises, notamment au sein de la commission des affaires économiques, à savoir la territorialisation.

Bon nombre de nos collègues, notamment en secteur rural, mais aussi dans des zones urbaines sensibles, observent que l’épargne drainée sur leur territoire est forte au regard des prêts et de l’implication des banques pour les activités économiques desdits territoires.

Beaucoup d’élus locaux, comme bon nombre de sociétaires de banques mutualistes ou de coopératives, aimeraient savoir à quoi sert leur argent. Contribue-t-il vraiment à l’économie réelle, et sur quel territoire ? Il ne s’agit évidemment pas de fixer des règles d’usage des fonds – dans un premier temps, en tout cas –, mais d’exiger une certaine transparence en la matière.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’insérer un article additionnel qui serait rédigé de la façon suivante : « Les établissements de crédit publient annuellement un rapport comportant notamment les données, établies par bassin de vie entendu comme un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires, relatives à leur activité de collecte de l’épargne et à leur activité de crédit aux personnes physiques, aux très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, aux entreprises de taille intermédiaire et aux structures de l’économie sociale et solidaire. » La définition du terme « bassin de vie » n’est évidemment pas encore d’une grande précision.

Ma collègue Laurence Rossignol avait pour sa part plaidé pour qu’un tel dispositif soit appliqué au moins dans certains territoires, telles que les zones de revitalisation rurale ou les zones urbaines sensibles.

Mon amendement est d’abord un amendement d’appel. Mon objectif est que la question de la territorialisation soit mieux traitée qu’elle ne l’est aujourd'hui. J’espère que M. le rapporteur et M. le ministre pourront nous indiquer quelles actions ils pourraient mettre en œuvre pour répondre à cette préoccupation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Le problème que soulève Mme Lienemann intéresse un grand nombre de nos élus. Beaucoup d’entre eux partagent en effet l’impression que, dans certains endroits, la collecte de l’épargne est importante, mais que, en revanche, les prêts et les crédits aux entreprises et aux commerces ne sont pas équivalents. Cela suscite un sentiment diffus,…

M. Richard Yung, rapporteur. … partagé, de frustration.

Au fond, l’impression est que notre belle épargne part ailleurs. J’attire d’ailleurs votre attention sur un point, mes chers collègues : il est normal qu’il n’y ait pas nécessairement équivalence ; le rôle du système bancaire est précisément de faire circuler à la fois l’épargne et les crédits. Toutefois, le problème se posant réellement, la question de la territorialisation revient de façon assez régulière.

J’ai deux choses à dire concernant la proposition de Mme Lienemann.

En premier lieu, je rappelle que deux expériences de territorialisation sont actuellement en cours dans deux régions, en Franche-Comté – une région chère à votre cœur, monsieur le ministre – et en Île-de-France. Ces expériences feront l’objet d’un rapport dont les conclusions seront connues dans quelques mois. Je pense qu’il est préférable de les attendre.

En second lieu, madame Lienemann, je crains que le critère du bassin de vie ne soit pas très opérationnel, même si l’expression est jolie.

M. Philippe Marini. Elle n’est pas très juridique !

M. Richard Yung, rapporteur. Nous nous sommes en effet demandé ce qu’était un bassin de vie.

M. Philippe Marini. Qu’est-ce que la vie ? Et quand commence-t-elle ? (Exclamations amusées.) C’est un vrai sujet !

M. François Marc. Ce n’est pas un débat sur l’IVG !

M. Philippe Marini. Il faut animer un peu le débat ! (Sourires.)

M. Richard Yung, rapporteur. Vous en donnez la définition suivante : « un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires ». Or je crains qu’il ne soit très difficile pour les banques de rassembler les données d’un territoire comprenant deux agences bancaires.

Vous l’avez dit vous-même, madame Lienemann, il s’agit d’un amendement d’appel, visant à apporter une solution à un problème réel. Toutefois, en l’état actuel des choses, je vous suggère de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. La publication par chaque établissement d’un rapport annuel détaillant les montants alloués aux personnes physiques et aux entreprises suivant leur taille, par zone géographique, pose plusieurs problèmes.

Un tel rapport pose tout d’abord des problèmes de confidentialité pour les banques, dont les données relatives aux activités sont, par nature, très sensibles. Il pourrait dans certains cas être aisé d’avoir une vision assez détaillée de leur stratégie commerciale. Or les banques ne sont pas des institutions publiques, à la différence de la BPI, laquelle a des obligations de publication très larges.

Un tel rapport poserait ensuite des problèmes de confidentialité pour les entreprises, inconvénient tout aussi sérieux, puisque le degré de précision du maillage géographique proposé risque de permettre dans certains cas l’identification des entreprises concernées.

Par ailleurs, un tel rapport poserait des problèmes de mise en œuvre, comme cela a été dit, car la notion de bassin de vie, telle que vous l’envisagez, madame la sénatrice – je n’entrerai pas dans le débat soulevé par M. le président de la commission des finances –,…

M. Philippe Marini. Vous avez raison ! (Sourires.)

M. Pierre Moscovici, ministre. … manque de précision et pourrait donner lieu à des interprétations très variées.

Je rappelle que la Banque de France publie déjà des données détaillées relatives aux crédits et aux dépôts à l’échelle de chaque département, dans le cadre des statistiques monétaires, des comptes financiers, des données rassemblées par le service central des risques bancaires, ainsi que de nombreuses études.

Enfin, je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur, pour des raisons de cœur, certes, mais aussi par raison. Je sais que la question du suivi de l’activité des banques en matière de crédits aux TPE-PME fait l’objet d’expérimentations en Franche-Comté, bientôt en Île-de-France, avec la participation volontaire de certains réseaux bancaires et le soutien des conseils régionaux concernés.

J’encourage vivement ces expérimentations. Je pense qu’elles nous permettront de mieux cerner les chances offertes par la territorialisation, laquelle, en soi, n’est pas négative, ainsi que les difficultés qu’elle pose.

Je vous recommande donc, madame la sénatrice, d’attendre les résultats de ces travaux avant de prendre des dispositions aussi contraignantes, car ils permettront de mieux éclairer la façon ou les conditions dans lesquelles on pourrait atteindre les objectifs que vous fixez.

Pour ces raisons, comme M. le rapporteur, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.

Mme Bernadette Bourzai. Je comprends les observations de M. le rapporteur et de M. le ministre. Néanmoins, je soutiendrai l’amendement de Mme Lienemann, et ce pour plusieurs raisons.

Une relative transparence est déjà possible. Ainsi, dans les groupes bancaires mutualistes, il est de tradition que la caisse locale fournisse des éléments d’information chiffrés sur le montant de la collecte et sur les prêts consentis sur place, tant aux collectivités locales qu’aux entreprises ou aux particuliers, sans nommer quiconque, évidemment, l’anonymat étant respecté.

Ces éléments permettent de prendre conscience du fossé existant entre les montants collectés dans certains bassins de vie – j’utilise volontairement cette expression –, par les caisses locales, ces montants étant ensuite agglomérés par les caisses régionales. La différence entre le montant de la collecte et celui des prêts est souvent très significative.

Cela tient-il à la région à laquelle j’appartiens, le Limousin ? Nous sommes très proches de l’Auvergne et nous n’avons pas la réputation d’être très généreux. Nous serions plutôt économes. (Sourires.)

Nous ne sommes pas opposés à ce que l’épargne collectée participe au développement national de l’économie, mais nous aimerions qu’il contribue d’abord au développement local. En tant qu’élue, je sais les difficultés que rencontrent les petites et moyennes entreprises, ainsi que les artisans, pour se financer dans des conditions convenables. Je pense donc qu’il est indispensable que nous fassions évoluer l’idée de territorialisation et de transparence, mais aussi, éventuellement, celle d’une meilleure adéquation entre la collecte et les montants prêtés localement, même si je mesure la difficulté de la tâche.

Je pense qu’il est important que nous envisagions, à l’issue des expérimentations qui sont en cours, des mesures plus favorables au développement, en particulier dans les zones de revitalisation rurale, qui en ont grand besoin et pour lesquelles l’État consent des efforts par ailleurs, et dans les zones urbaines sensibles.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. J’entends également les réserves émises par M. le rapporteur et M. le ministre. Pour autant, je partage assez largement la philosophie de l’amendement de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann.

J’ai en tête le slogan publicitaire datant d’il y a quelques décennies maintenant de l’un des grands groupes bancaires français, que chacun reconnaîtra : « Le bon sens près de chez vous ». Ce groupe bancaire, comme beaucoup d’autres, s’est depuis lors internationalisé. Il s’est même quelque peu fourvoyé dans la dette souveraine grecque, avec les conséquences que l’on sait aujourd'hui pour son chiffre d’affaires. L’utilité d’une banque dans un territoire, c’est aussi cela.

Permettez-moi d’évoquer un cas particulier, celui de la boulangerie de mon village, laquelle a fermé ses portes il y a six mois, non parce que le boulanger faisait du mauvais pain ou parce que celui-ci était trop cher. Quatre repreneurs potentiels étaient intéressés, mais aucun n’a été suivi par la banque. Aujourd'hui, mon village, qui compte 2 000 habitants et qui est situé en métropole lilloise, n’a plus de boulangerie. C’est un véritable sujet de préoccupation.

M. Éric Bocquet. Des questions de confidentialité ont été évoquées. Or il s’agit non pas de dresser la liste des sommes d’argent prêtées à telle ou telle entreprise, mais de présenter une information globale : telle banque a investi 300 millions d’euros dans le tissu économique local.

Nous voterons donc cet amendement d’appel.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Mme Lienemann pose un véritable problème et je suis un peu étonné – non, à la vérité, je ne le suis pas ! – qu’on lui oppose des arguties, des impossibilités, que l’on évoque des perturbations pour les banques, entre autres.

Le but n’est pas du tout qu’il y ait une adéquation parfaite entre l’épargne collectée et les financements réalisés. Il s’agit de faire en sorte que les territoires en difficulté puissent au moins profiter de l’argent qu’ils déposent dans les banques.

Demander aux banques de fournir un minimum d’informations les inciterait à considérer avec un peu plus de générosité les demandes de prêts qui leur sont faites.

Je soutiendrai bien évidemment cet amendement, parce qu’il y a longtemps que le bon sens près de chez nous est devenu l’absence de bon sens en Grèce !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Mon intervention ira dans le même sens.

Je rappelle que, lors de la création de la Banque publique d’investissement, nous avons souligné, les uns et les autres, les difficultés que poserait le fait de n’avoir sur nos territoires qu’un guichet unique pour les PME-PMI, pour les toutes petites entreprises et les artisans. Nous souhaitions également des distributeurs dans les territoires et tout ce qui va avec un réseau bancaire. En effet, en raison d’un certain nombre de normes additionnelles de sécurité, ces établissements disparaissent purement et simplement des territoires ruraux.

Pour ma part, je voterai des deux mains cet amendement d’appel au secours pour nos territoires.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, les positions qui viennent d’être exprimées sur des travées très diverses de notre assemblée sont convergentes.

Je tiens à dire qu’il ne s’agit en aucune façon pour moi d’un I want my money back. Je n’entends nullement promouvoir le chacun chez soi ou l’esprit de Clochemerle.

M. Richard Yung, rapporteur. Il y a tout de même un peu de cela !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons besoin d’une fluidité des flux bancaires et d’une solidarité, que les banques devraient organiser.

Toutefois, nous devons nous poser la question de l’adaptation des outils bancaires à la diversité des territoires. Notre collègue Bernadette Bourzai a souvent évoqué au sein de la commission l’exemple de son canton, dont la banque mutualiste ou coopérative, qui a collecté – excusez du peu ! – 100 millions d’euros de dépôts – il est vrai que les Limousins et les Auvergnats sont des épargnants (Sourires.) –, n’a consenti que 5 millions d’euros de prêts.

Les cas tels que celui qu’a évoqué Alain Bocquet se multiplient dans bien des territoires. Les activités de service et des petits artisans locaux n’entrent pas dans les scorings habituels des activités des zones dynamiques et fortes.

Franchement, les banques pourraient faire preuve d’une plus grande créativité, en instituant par exemple des fonds de cautionnement ou de solidarité – entre 5 millions d’euros et 100 millions d’euros, elles ont une marge de manœuvre ! –, lesquels permettraient d’améliorer le scoring de certaines activités. Après une analyse un peu plus bienveillante, ces activités pourraient fonctionner et se développer. Or, aujourd'hui, elles se voient opposer un véto.

Sur la base de cette constatation, et après avoir revu la notion de « bassin de vie », qui est en effet légère d’un point de vue juridique – toutefois, la proposition de Mme Rossignol est également restreinte –, il faut définir des aires géographiques ayant une certaine pertinence.

J’entends l’argument selon lequel il convient de mener, avant de prendre une quelconque décision, des expérimentations en la matière. Je demande donc à M. le ministre de veiller à ce que, au cours de celles-ci, les banques soient incitées par l’État à réfléchir sur les possibilités de mise en place d’une meilleure territorialisation de leur activité de prêt, au profit, notamment, des secteurs où les déséquilibres sont patents et où les besoins sociaux d’une relance de l’activité économique sont importants.

J’ai cru comprendre que M. le ministre considérait nos préoccupations avec une certaine bienveillance, même s’il a exprimé quelques doutes relatifs à l’outil juridique proposé. Dès lors, et sous réserve des observations que je viens de formuler, je suis prête à retirer l’amendement n° 195 rectifié ter, car je pense que le Gouvernement a saisi les attentes exprimées sur cette question majeure.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Mme Laurence Rossignol. L’ordre dans lequel les amendements sont appelés me rend perplexe. Mme Lienemann l’a évoqué, j’ai déposé un amendement dont l’esprit se rapproche de celui de l’amendement n° 195 rectifié ter, mais dont la discussion n’est prévue qu’après l’examen de l’article 17 bis B du présent projet de loi

D'ailleurs, pour nous permettre de gagner du temps, mon amendement n° 192 rectifié bis pourrait faire l’objet d’une discussion commune avec celui qui vient d’être présenté par Mme Lienemann, car ils ont, finalement, le même objet.

En effet, l’objet de cet amendement est que « les établissements de crédit fournissent chaque année au Parlement le ratio entre le volume des encours et des nouveaux engagements consentis aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises par secteur d’activité, dans l’ensemble des communes comprenant une zone de revitalisation rurale ou une zone urbaine sensible. »

M. Pierre-Yves Collombat. Il est plus général que celui qui a été déposé par Mme Lienemann.

Mme Laurence Rossignol. Certes, mon cher collègue, mais ces deux amendements, tout comme l’intervention de Mme Bourzai, d’ailleurs, montrent bien que nous visons le même objectif : une meilleure évaluation du rapport entre épargne collectée et soutien à l’activité par territoire, ce à quoi se livre déjà le gouvernement américain.

Nous le savons bien, les prêts aux entreprises ne représentent que 12 % de l’activité bancaire, autant dire pas grand-chose. Ce soutien, en outre, varie considérablement selon les territoires, alors que l’épargne est collectée même dans les territoires les moins favorisés.

La pertinence du découpage du territoire est, en la matière, douteuse. Si l’INSEE retient la notion d’« îlots regroupés pour l’information statistique », ou IRIS, l’utilisation de cette dernière en ce domaine semble problématique.

Notre irresponsabilité n’est pas telle que notre proposition tende à ce que l’ensemble des agences de toutes les banques fournissent un relevé de leur activité au Parlement ou à d’autres institutions. Pourtant, les parlementaires, tout particulièrement les sénateurs, qui assurent la représentation des collectivités territoriales, ont besoin d’avoir une connaissance plus fine, territoire par territoire, du rapport entre épargne et soutien à l’activité. C’est pourquoi ma proposition retient comme mailles de référence les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale.

En déposant cet amendement, je n’avais pas pour intention de fragiliser les banques en leur demandant de communiquer des informations dont je comprends qu’elles souhaitent garder la confidentialité. Dès lors, un ratio représentant le rapport entre l’épargne collectée et les activités de crédit me paraissait une bonne solution.

Je pense, monsieur le ministre, que l’avis du Gouvernement sera similaire à celui qui a été donné sur l’amendement présenté Mme Lienemann. Pourtant, que pouvez-vous nous proposer qui prenne en compte notre préoccupation ? Au-delà des expérimentations déjà menées en Franche-Comté, nous avons besoin de savoir ce qui peut être fait en région parisienne, par exemple, comme dans tous les territoires que j’ai évoqués.

M. le président. Si vous le souhaitez, ma chère collègue, nous pouvons, au prix d’une légère rectification, mettre votre amendement n° 192 rectifié bis en discussion commune avec l'amendement n° 195 rectifié ter.

Mme Laurence Rossignol. Cela me semble judicieux, monsieur le président.

M. Jean Desessard. C’est une bonne idée !

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 192 rectifié ter, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, M. J.C. Leroy, Mme Bourzai, MM. Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, et qui est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 313-12-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. …. – Les établissements de crédit fournissent chaque année au Parlement le ratio entre le volume des encours et des nouveaux engagements consentis aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises par secteur d’activité, dans l’ensemble des communes comprenant une zone de revitalisation rurale ou une zone urbaine sensible. »

Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.

Mme Laurence Rossignol. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l'amendement n° 192 rectifié ter ?

M. Richard Yung, rapporteur. La commission demande le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 195 rectifié ter : en particulier, les banques pourraient éprouver des difficultés à mettre en place une telle mesure, l’évaluation de la répartition de leurs encours et de leurs dépôts par zone de revitalisation rurale ou zone urbaine sensible se révélant complexe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce débat a retenu mon attention. Je vois bien qu’il s’agit d’un sujet sensible pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit votre sensibilité politique, et j’en mesure l’acuité.

Comprenez-moi bien, je n’ai aucune opposition de principe à ce que l’activité des banques sur les territoires soit mesurée et identifiée avec plus de précision, peut-être même établissement par établissement. Je pense, simplement, que le sujet n’est pas tout à fait mûr et que nous aurions tout à gagner à nous inspirer des expérimentations locales en cours.

Les travaux du Parlement, notamment ceux de la Haute Assemblée, ne se résument pas au vote de la loi. Personnellement, je redoute les effets pervers provoqués par l’adoption de textes qui, peu opérationnels, finissent par nous embarrasser au lieu de nous offrir une solution réelle.

Je m’engage donc à créer, si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, une mission ou un groupe travail sur ce sujet. Il nous sera ensuite loisible de nous inspirer de ses réflexions lors de nos discussions futures sur ce point.

M. Richard Yung, rapporteur. Très bien !

M. Pierre Moscovici, ministre. Fort de ces arguments et de l’engagement ferme que je viens de prendre devant vous, je vous invite donc une nouvelle fois, mesdames les sénatrices, à bien vouloir retirer ces amendements.

J’ai eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale et je le répète ici, vous soulevez une véritable question. Néanmoins, je voudrais éviter que l’on ne se précipite pour prendre des mesures qui, finalement, se retourneront contre l’objectif, tout à fait louable, que nous visons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 192 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 192 rectifié ter est retiré.

Madame Lienemann, l’amendement n° 195 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, je le retire, monsieur le président. Mes chers collègues, je vous demande d'ailleurs de ne pas le reprendre.

En effet, même si nous sommes tous convaincus de la nécessité d’avancer sur cette voie, le sujet mérite à l’évidence d’être encore étudié. Nous devons préférer l’efficacité. Certains pourraient être tentés de faire un geste politique en reprenant cet amendement à leur compte. À ceux-là, je dis que l’engagement du ministre à faire progresser ce dossier est précis et que celui du groupe socialiste à adopter des mesures efficaces l’est tout autant.

M. le président. L’amendement n° 195 rectifié ter est retiré.

M. Pierre-Yves Collombat. Je le reprends, monsieur le président ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 195 rectifié quater, présenté par M. Collombat.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Je tiens à préciser qu’il ne s’agit absolument pas d’un geste politique. Cela m’est tout à fait égal !

Il s’agit, à mon sens, d’une question essentielle. Je ne redoute pas tant les effets pervers mentionnés par M. le ministre que notre habitude de traîner si bien les pieds que rien ne se passe. Prenons date, monsieur le ministre !

Vous l’aurez compris, cet amendement me semble excellent, et je suis très heureux de le reprendre.

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l'amendement n° 195 rectifié quater.

M. André Reichardt. Je comprends, bien sûr, l’intérêt de veiller à ce que les établissements de crédit fassent leur travail. Compte tenu de ce que l’on a connu dans le passé, je comprends tout aussi bien qu’il faille s’assurer, d’une manière ou d’une autre, que les mêmes établissements financent non seulement les particuliers, mais aussi les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles.

En revanche, je ne vois pas très bien à quoi pourrait servir l’information que cet amendement tend à rendre obligatoire. Une fois celle-ci connue, il faudra, de toute évidence, en tirer les conséquences, et adopter des mesures particulières. Pour le dire franchement, je ne suis pas sûr que le dispositif prévu par cet amendement soit véritablement opérationnel.

Je rejoins totalement l’observation faite par M. le ministre. Il importe de voir de façon claire et précise sur ces sujets. Cependant, ce n’est pas la création d’un quelconque observatoire qui permettra de résoudre les difficultés, si tant est qu’elles existent encore. (M. Joël Bourdin applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 195 rectifié quater.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 4 bis
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article additionnel après l’article 4 ter A

Article 4 ter A

I. – À la fin du 4° de l’article L. 561-10 du code monétaire et financier, les mots : « mentionné au VI de l’article L. 561-15 » sont remplacés par les mots : « figurant sur les listes publiées par le Groupe d’action financière parmi ceux dont la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ».

II. – À la fin de l’article L. 561-11 du même code, les mots : « mentionnés au VI de l’article L. 561-15 » sont remplacés par les mots : « figurant sur les listes publiées par le Groupe d’action financière parmi ceux dont la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ». – (Adopté.)

Article 4 ter A
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Article 4 ter B (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l’article 4 ter A

M. le président. L’amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Mazars, est ainsi libellé :

Après l’article 4 ter A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 561-25 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « opération », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « non encore exécutée, dont il a eu connaissance à l’occasion des informations qui lui ont été communiquées dans le cadre des articles L. 561-15, L. 561-26, L. 561-27, L. 561-30 et L. 561-31. Son opposition est notifiée au professionnel assujetti en charge de l’opération selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « sept ».

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Le présent amendement vise à améliorer les outils permettant de lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. C’est TRACFIN, un service rattaché aux ministères financiers, qui est chargé de conduire cette lutte. Celle-ci repose notamment sur des « déclarations de soupçon » émanant de certaines catégories de professionnels, limitativement énumérées dans le code monétaire et financier, comme les banques et les assurances, mais aussi les avocats ou les agents sportifs, notamment.

TRACFIN dispose actuellement d’un droit d’opposition à des transactions qui ont fait l’objet d’une déclaration de soupçon et qui pourraient donc être associées à une tentative de blanchiment. Il apparaît qu’il convient d’élargir ce droit, en prévoyant qu’il peut être exercé à la suite, non seulement d’une déclaration de soupçon, mais aussi d’informations transmises à TRACFIN par l’État, par les autorités de contrôle ou encore par les administrations étrangères avec lesquelles notre pays coopère, par exemple.

Tel est l’objet du présent amendement, dont l’adoption devrait permettre à la fois de renforcer la lutte anti-blanchiment et de protéger les professionnels qui transmettent des déclarations de soupçon.

Cet amendement vise également à allonger le délai dont dispose TRACFIN pour exercer son droit d’opposition administrative. La durée de deux jours ouvrables actuellement prévue par l’article L. 561-25 du code monétaire et financier semble, en effet, insuffisante. C’est pourquoi nous vous proposons de l’étendre à sept jours.

Cependant, le délai de cinq jours proposé par le sous-amendement n° 281 du Gouvernement nous semble s’inscrire de façon satisfaisante dans la logique de notre amendement. Par conséquent, nous nous y rallierons.

M. le président. Le sous-amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 213

Alinéa 5

Remplacer le mot :

sept

par les mots :

cinq

La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. L’amendement qui vient d’être défendu a pour objet de faire évoluer le droit dont dispose TRACFIN de s’opposer à l’exécution d’une opération financière. Il tend à élargir ce droit d’opposition aux cas dans lesquels TRACFIN souhaite agir sur la base d’informations obtenues d’une cellule de renseignement financier d’un autre État membre ou du Conseil de l’Europe.

Je pourrais être favorable à cet amendement, si l’extension du délai qu’il tend à prévoir était réduite de sept jours, une durée qui me semble excessive, à cinq jours.

Tel est l’objet du sous-amendement n° 281.

M. François Fortassin. Je l’ai déjà accepté !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je tiens à souligner l’importance du travail de TRACFIN, qui joue un rôle fondamental, quoique méconnu, dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Cet amendement, qui vise à élargir la gamme des opérations dont l’organisme peut se saisir, va, me semble-t-il, dans le bon sens. L’avis de la commission est donc favorable.

Le Gouvernement propose par ailleurs de ramener à cinq jours le délai prévu à l’article L. 561-25 du code monétaire et financier, que nos collègues du groupe RDSE envisageaient de porter à sept jours. La commission n’a pas eu le temps d’examiner ce sous-amendement, mais j’y suis favorable à titre personnel.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 281.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 213 rectifié.

Mme Nathalie Goulet. La commission des affaires étrangères a été saisie du projet de loi de ratification de la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, qui est un texte important. C’est notre collègue André Vallini qui vient d’en être désigné rapporteur.

En outre, le président du conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, que nous avons auditionné dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, a insisté sur la nécessité de renforcer les échanges d’informations avec TRACFIN en la matière.

Cet amendement est donc le bienvenu, mais je pense que les acteurs de la lutte contre le blanchiment ont encore de beaux jours devant eux. Il faudrait en tout cas avancer sur la ratification de la convention, qui se fait attendre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 213 rectifié, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter A.

Article additionnel après l’article 4 ter A
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Article 4 ter C

Article 4 ter B

(Non modifié)

Le premier alinéa du II de l’article L. 561-29 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la référence : « L. 561-15 », sont insérés les mots : « ou en lien avec les missions de ces services » ;

2° Après le mot : « détient », la fin est ainsi rédigée : « aux autorités judiciaires et à l’administration des douanes. »

M. le président. L'amendement n° 271, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le mot : « détient », sont insérés les mots : « aux autorités judiciaires, »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Yung, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 271.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 ter B, modifié.

(L'article 4 ter B est adopté.)

Article 4 ter B (Texte non modifié par la commission)
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Article 4 ter

Article 4 ter C

(Non modifié)

Au premier alinéa du II de l’article L. 561-30 du code monétaire et financier, les mots : « , ils en informent » sont remplacés par les mots : « ou toute somme ou opération visées à l’article L. 561-15, ils en informent sans délai ». – (Adopté.)

Article 4 ter C
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Article additionnel après l’article 4 ter

Article 4 ter

(Non modifié)

I. – L’article L. 561-15 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Les IV et VI sont abrogés ;

2° Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :

« V bis. – Les tentatives d’opérations mentionnées aux I et II du présent article font l’objet d’une déclaration au service mentionné à l’article L. 561-23. »

II. – L’article L. 561-15-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° À la première phrase, le mot : « déclarent » est remplacé par le mot : « adressent » ;

3° La seconde phrase est ainsi modifiée :

a) Les mots : « une déclaration » sont remplacés par les mots : « cette information » ;

b) Les mots : « à compétence nationale TRACFIN » sont remplacés par les mots : « mentionné à l’article L. 561-23 » ;

c) À la fin, le mot : « déclaration » est remplacé par le mot : « transmission » ;

4° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :

« II. – Les personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article L. 561-2 adressent au service mentionné à l’article L. 561-23 les éléments d’information relatifs aux opérations financières présentant un risque élevé de blanchiment ou de financement du terrorisme en raison du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds, du type d’opération ou des structures juridiques concernées. Un décret en Conseil d’État fixe les critères objectifs des opérations ainsi soumises à une obligation d’information.

« III. – Les informations adressées en application du présent article sont faites sans préjudice des déclarations éventuellement faites en application de l’article L. 561-15. » – (Adopté.)

Article 4 ter
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Article 4 quater (nouveau)

Article additionnel après l’article 4 ter

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Fortassin, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, Mme Laborde et M. Mazars, est ainsi libellé :

Après l'article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’efficacité des obligations de déclaration relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et les possibilités d’amélioration de ce dispositif notamment à travers l’élargissement de la liste des personnes assujetties à ces obligations.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Au travers de cet amendement, nous demandons la remise d’un rapport au Parlement.

Certes, notre groupe n’est pas particulièrement friand de rapports. Toutefois, la lutte contre le blanchiment nous semble un sujet particulièrement important pour la stabilité financière et pour la sécurité mondiale.

Nous nous interrogeons ainsi sur l’efficacité du dispositif de déclaration de soupçon, que nous avons déjà évoqué à propos de l’amendement n° 213 rectifié. La liste des professionnels assujettis à cette obligation a déjà été élargie à plusieurs reprises. Toutefois, en pratique, certaines catégories d’intermédiaires ne font quasiment jamais de déclaration à TRACFIN, dont je préfère d’ailleurs prononcer le nom « traque fin », pour des raisons que d’aucuns comprendront. (Sourires.)

La liste de professionnels assujettis est-elle donc mal calibrée, ou y a-t-il une faille dans l’application des obligations de communication relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ? Cette liste ne mérite-t-elle pas d’être encore élargie ? D’autres améliorations permettant de renforcer l’efficacité de la lutte anti-blanchiment ne pourraient-elles pas être apportées ?

Le rapport que nous réclamons au travers de cet amendement permettrait d’apporter des réponses à ces questions essentielles. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes pour la transparence la plus totale en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Les auteurs de cet amendement demandent un rapport au Gouvernement sur l’efficacité des obligations déclaratives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Or le rapport annuel de TRACFIN, qui analyse ces éléments en détail, répond déjà à vos préoccupations, monsieur Fortassin. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Fortassin, l'amendement n° 216 rectifié est-il maintenu ?

M. François Fortassin. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 216 rectifié est retiré.

Chapitre II

Régulation du marché des matières premières

(Division et intitulé nouveaux)

Article additionnel après l’article 4 ter
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Articles additionnels après l’article 4 quater

Article 4 quater (nouveau)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du second alinéa du I de l’article L. 621-9, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Elle veille également à la régularité des opérations effectuées sur des contrats commerciaux relatifs à des marchandises liés à un ou plusieurs instruments financiers. » ;

2° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« - un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs instruments mentionnés aux alinéas précédents, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; »

3° À la fin du second alinéa de l’article L. 465-2, les mots : « de nature à agir sur les cours » sont remplacés par les mots : « ou d’un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs des instruments mentionnés précédemment de nature à agir sur les cours desdits instruments ou actifs ». – (Adopté.)

Article 4 quater (nouveau)
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Article 4 quinquies (nouveau)

Articles additionnels après l’article 4 quater

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 118 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann et MM. Dilain, Teulade, Chastan et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 511-46 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L... - 1° Les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction peut faire la preuve que ledit instrument couvre un risque au sens et dans les conditions définies par la section 7 du chapitre Ier du titre Ier du livre V.

« 2° Sont considérées comme nulles les prises de positions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles qui ne correspondent pas à la couverture d’un risque tel que visé au précédent alinéa.

« 3° Les établissements mentionnés au 1° et négociant des produits dérivés sur matières premières agricoles, sur ou hors d'une plateforme de négociation, sur les marchés réglementés et sur les marchés de gré à gré, fournissent à l’Autorité des marchés financiers une ventilation complète de leurs positions sur base hebdomadaire.

« 4° Sur la base de ces informations, l’Autorité des marchés financiers publie chaque trimestre un rapport concernant les activités menées par les établissements mentionnés au 1° sur les marchés réglementés de matières premières agricoles et les marchés de gré à gré. Ce rapport rend notamment publiques les informations relatives aux montants investis sur les marchés de matières premières agricoles, le type d’instruments financiers utilisés et les résultats financiers. Un décret détermine les modalités d’application du présent alinéa. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 199 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Madec, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, M. J.C. Leroy, Mme Bourzai, MM. Vincent et Rome, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 511-46 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - 1° Les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction peut faire la preuve que ledit instrument couvre un risque au sens de l’article L. 511-47 du code monétaire et financier.

2° Sont considérées comme nulles les prises de positions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles qui ne correspondent pas à la couverture d’un risque tel que visé au précédent alinéa. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Le dérèglement climatique et les politiques publiques de soutien aux agrocarburants ont joué un grand rôle dans la déstabilisation des marchés agricoles alimentaires, contribuant ainsi aux émeutes de la faim en 2008.

C’est à peu près à cette même époque que les institutions financières ont choisi d’investir massivement sur les marchés dérivés de matières premières agricoles. Aujourd'hui, seulement 35 % des opérations constatées sur ces marchés sont le fait de producteurs et de commerçants physiques.

Le présent projet de loi, qui a vocation à réguler et à moraliser les activités financières, interdit aux établissements bancaires de réaliser des opérations de spéculation pour compte propre sur les marchés dérivés de matières premières agricoles.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Laurence Rossignol. C’est déjà une belle avancée.

Toutefois, nous serions un certain nombre à souhaiter aller plus loin dans la restriction des possibilités de spéculation, par une limitation des transactions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles, c'est-à-dire des opérations que les banques effectuent au compte de leur client.

D’ailleurs, et je l’ai souligné hier, certaines banques, et non des moindres, ont fait le choix de l’autorégulation. Ainsi, la BNP et le Crédit agricole se sont engagés à ne plus vendre de produits dérivés à des opérateurs externes dont l’objectif serait exclusivement financier, c'est-à-dire ne serait pas lié à la nécessité de protéger une activité physique contre les fluctuations d’un prix.

Notre amendement va exactement dans le même sens. Par conséquent, son adoption permettrait aussi de protéger nos grandes banques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 228 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47, les compagnies d’assurances ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction est une entreprise non financière qui peut faire la preuve que ledit instrument est destiné :

1° à atténuer les conséquences des variations de cours sur les marges commerciales, et

2° à sécuriser les coûts d’achat et/ou de vente à terme de la matière première agricole utilisée par l’entreprise non financière.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Nous abordons une série d’amendements relatifs à la spéculation sur les matières premières agricoles.

Les marchés agricoles à terme ont été créés au XIXe siècle, afin d’assurer un prix aux fournisseurs et aux transformateurs de matières premières pour des biens livrés parfois plusieurs mois plus tard et avec des cours variables en raison du caractère aléatoire de la production.

Il s’agissait donc d’acheter des produits alimentaires avec un règlement à une échéance ultérieure, par exemple six mois ou un an plus tard, le client ayant la certitude de recevoir une livraison dans des termes connus à l’avance.

Il y avait toutefois un inconvénient ; d’où l’évolution constatée, car des investisseurs qui n’étaient pas directement concernés sont entrés dans le jeu. Je résumerai la situation en ces termes : « Pas de marché, c’est flou ; trop de marché, c’est fou ! »

« Pas de marché, c’est flou ! » En effet, une certaine fluidité est nécessaire pour avoir la réalité des prix. Sans un certain niveau de marché, on ne connaît pas le prix exact.

« Trop de marché, c’est fou ! » En effet, aujourd'hui, ce sont des investisseurs qui spéculent en masse sur les matières premières agricoles. Et le problème joue dans les deux sens : soit on manque de matières premières, ce qui provoque une montée des prix et mène à des crises alimentaires dans les pays qui ne peuvent plus s’approvisionner en riz ou en blé ; soit on a au contraire une surproduction, ce qui entraîne un effondrement des prix, donc la faillite d’entreprises agricoles et la ruine de producteurs.

Il faut donc trouver un équilibre entre le maintien d’un certain niveau de marché pour avoir de la fluidité et la lutte contre une spéculation trop importante sur les matières premières agricoles, sous peine de voir apparaître des prix dépourvus de tout lien avec les coûts réels de production et les capacités de paiement de certains pays en voie de développement.

Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Les auteurs des amendements nos 199 rectifié bis et 228 rectifié prévoient que les banques peuvent réaliser des transactions sur un instrument financier dont le sous-jacent est une matière première agricole uniquement si la contrepartie de la transaction peut prouver que cet instrument sert de couverture à un risque.

Mes chers collègues, je vous rappelle les termes du débat.

D’un côté, nous avons un cycle agricole de production, avec des décalages, donc des problèmes de financement et de vente selon les périodes ; les acteurs de la filière agricole, qu’ils soient producteurs, intermédiaires ou vendeurs, ne sont pas des financiers.

De l’autre, nous avons des institutions spécialisées dans la prise en charge du risque financier, qu’il s’agisse de banques ou d’autres établissements, ce qui n’a rien de condamnable. À chacun son métier. Le travail d’un cultivateur de blé, ce n’est pas de suivre l’évolution du cours des céréales à la bourse de Chicago ! Ça, c’est le rôle des intermédiaires financiers, qui exercent leur mission de manière honnête et non spéculative, du moins nous l’espérons, même si la spéculation peut exister.

Nous avons déjà encadré de telles activités, en renforçant les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, et en inscrivant au titre de ses missions l’obligation de fixer des positions sur les marchés de matières premières et d’en assurer le contrôle. Le marché est donc déjà extrêmement contrôlé. L’ACPR procédera à des vérifications jour par jour, semaine par semaine, et elle interviendra pour fixer de nouvelles positions si elle l’estime nécessaire.

Ces amendements ne me paraissent pas opérants pour limiter la spéculation. En outre, ils visent seulement les banques françaises. Or, pour l’essentiel, les intervenants en la matière ne sont ni des banques ni des acteurs français. Le dispositif est ainsi très incomplet.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avons déjà commencé à évoquer le sujet hier soir. Je ne reprendrai pas tous les arguments que j’ai développés.

Je n’ai pas pour objectif d’empêcher un certain nombre de professionnels de la filière agricole de poursuivre leurs activités. Pas, je me suis déjà déclaré favorable aux amendements nos 230 rectifié du groupe écologiste, 214 rectifié du groupe RDSE et 140 rectifié bis du groupe socialiste, qui tendent tous trois à insérer un article additionnel après l’article 4 quater.

Il me semble que si nous nous en tenons à ces amendements, nous disposerons d’un dispositif très complet de mesures permettant d’assurer la transparence de ces marchés, leur suivi par l’AMF et l’encadrement des opérations, bref d’en garantir le bon fonctionnement tout en évitant de les perturber.

Les objectifs que vous visez seraient ainsi atteints. Pour le reste, nous risquons de réitérer toujours la même démarche. Le mieux est l’ennemi du bien !

M. le président. Madame Rossignol, l’amendement n° 199 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. La définanciarisation de notre économie est un long chemin, sur lequel il faut avancer pas à pas. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 199 rectifié bis est retiré.

Monsieur Desessard, l’amendement n° 228 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.

M. Joël Bourdin. La description des acteurs des marchés de matières premières, telle qu’elle transparaît au travers des amendements qui viennent d’être défendus, ne laisse pas de m’étonner. Ainsi, celui de M. Desessard me paraît dater quelque peu du XIXe siècle. Je parle bien de l’amendement, et non de son auteur... (Sourires.)

La première catégorie des acteurs de ces marchés rassemble les spécialistes des « marchés physiques », selon le terme technique communément employé, qui peuvent être des producteurs de blé ou des transformateurs, par exemple des fabricants de biscuits. Ces professionnels ont besoin de couvrir leurs risques. C’est aussi le cas des éleveurs qui achètent du soja pour leurs bêtes et qui ont besoin de couvrir leurs risques sur le marché à terme de cette céréale. Et il en est de même sur tous les marchés à terme, qu’il s’agisse de celui du cacao, du café, etc.

Je le répète, tous les acteurs professionnels des marchés à terme ont besoin de contrats leur permettant de couvrir leurs risques, que ce soit sur des échéances ou sur des livraisons qu’ils doivent effectuer ou réceptionner. Lorsqu’ils interviennent, ils reçoivent en quelque sorte l’assurance d’obtenir un certain prix de vente ou d’achat. Ces marchés, auxquels participent aussi des spéculateurs, fonctionnent donc comme des marchés d’assurance pour ces professionnels.

La deuxième catégorie d’acteurs est constituée par les spéculateurs, des personnes comme vous ou moi, qui interviennent sur les marchés par la vente ou l’achat de contrats et la pose d’options, pour orienter ceux-ci à la hausse ou à la baisse et profiter des fluctuations ainsi suscitées.

Il est évident que ces spéculateurs interviennent sur les marchés, mais je ne suis pas certain qu’ils en soient les acteurs les plus nombreux et les plus influents. En effet, lorsque l’on examine l’évolution des cours du blé et de ceux de la plupart des matières premières sur plusieurs années, on constate que la courbe des hausses et des baisses successives finit par ressembler au tracé d’un encéphalogramme assez compliqué.

Or cette évolution traduit avant tout des déséquilibres sur les marchés physiques. Vous n’allez pas me dire que ce sont les spéculateurs qui ont fait monter le prix du blé l’année dernière ! Cette hausse des cours s’est produite, en fait, quand la Russie a décidé d’un seul coup, à la suite de certaines difficultés, de ne plus exporter, ce qui a entraîné une raréfaction de cette marchandise sur les marchés. Or, en juin et en juillet de la même année, la sècheresse a frappé les États-Unis, et l’on savait qu’il y aurait moins de blé. C’est donc l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande mondiale qui a créé un accroissement des prix.

M. Roland Courteau. Et aussi un peu de spéculation...

M. Joël Bourdin. Certes, cher collègue, ce phénomène a sans doute été accompagné par des spéculateurs, mais il est surtout lié aux données du marché.

De même, ce qui a fait grimper le cours du cacao, voilà quelques années, c’était la crise traversée par la Côte d’Ivoire, premier pays producteur.

M. Roland Courteau. Et le cours du cheval ? (Sourires.)

M. Joël Bourdin. Ce qui fait monter le prix d’un produit, c’est l’arrêt brutal de son exportation et l’insuffisance de ce produit sur le marché.

Encore une fois, il est possible que les spéculateurs aient accompagné ce phénomène. Je rappelle cependant, même si je ne suis pas là pour les défendre (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), qu’il ne faut pas tout leur mettre sur le dos !

La troisième catégorie d’acteurs, dont on ne parle jamais, ce sont les arbitragistes. Nous sommes là au cœur de l’amendement !

Les arbitragistes, qui ne sont pas des spéculateurs, interviennent sur les marchés pour tenter de limiter le caractère erratique des cours. Par exemple, considérant qu’il existe un écart trop élevé, lié à l’augmentation des taux d’intérêt, entre les cours affichés du mois de décembre et ceux du mois de septembre de la même année, ils peuvent vendre les contrats portant sur décembre pour faire baisser les cours, et acheter des contrats portant sur septembre pour les faire monter.

Ce faisant, ils lissent les cours et introduisent de la fluidité dans le fonctionnement des marchés. L’action de ces intervenants, qui ont besoin de nombreux moyens et sont souvent soutenus par des banques, doit donc être considérée non comme spéculative, mais comme liée au marché.

Les amendements qui viennent d’être présentés tendent à autoriser les interventions sur les marchés de matières premières agricoles aux seuls professionnels appartenant à la première catégorie. Selon moi, c’est insuffisant, car nous avons aussi besoin des autres acteurs.

Je suis donc bien évidemment opposé à ces amendements, à l’instar de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Il convient d’aborder ce sujet des marchés agricoles, qui est à fois extrêmement important et très complexe, avec une grande précision.

Chacun conviendra que les marchés des produits dérivés des matières premières agricoles sont utiles et nécessaires. (M. François Marc opine.) En effet, ils mettent en relation des producteurs, qu’il s’agisse d’agriculteurs ou d’industriels du secteur agroalimentaire ayant besoin de matières premières agricoles pour les transformer, avec des organismes financiers. Mes chers collègues, si vous ôtez l’un des deux éléments de ce système, celui-ci ne peut plus fonctionner, tout simplement parce que les organismes financiers prennent en charge la couverture des risques des producteurs. Cet élément tout à fait incontestable figure d'ailleurs dans l’excellent rapport publié par Oxfam, auquel je souscris.

Le problème, c’est qu’il y a également sur ces marchés, sur lesquels sont passées des opérations directement liées à l’économie réelle, c’est-à-dire à la production, des produits dérivés, et donc, inévitablement, des phénomènes spéculatifs.

Or il se trouve que, au cours des dernières années, les phénomènes purement spéculatifs, totalement déconnectés de toute contrepartie relevant de l’économie réelle, ont pris une énorme importance.

M. Jean-Pierre Caffet. Permettez-moi, à cet égard, de rectifier les chiffres cités par Laurence Rossignol. La répartition des transactions opérées sur ces marchés, dont elle a fait état – 65 % relevant des spéculateurs et 35 % des producteurs –, n’est pas exacte ; ces chiffres, qui figurent bien dans le rapport d’Oxfam, ne concernent en effet que les échanges de blé enregistrés à la bourse de commerce de Chicago et ne rendent pas compte de la situation française.

Sur le marché à terme international de France, le MATIF, les proportions sont inverses : 75 % des transactions concernent l’économie réelle, et seulement 25 % des opérations peuvent être qualifiées de spéculatives.

Cela dit, deux solutions se présentent à nous.

La première, celle qui est prévue au travers des amendements nos 199 rectifié bis et 228 rectifié, respectivement présentés par Laurence Rossignol et Jean Desessard, revient en fait à interdire aux acteurs financiers l’accès à ces marchés, qui ne pourront ainsi plus fonctionner. Leur fonctionnement suppose en effet la présence tout à la fois de producteurs et d’acteurs financiers qui acceptent de couvrir leurs risques.

La seconde solution, proposée dans les amendements à venir nos 230 rectifié de Jean Desessard et 140 rectifié bis, déposé par Yannick Botrel au nom de mon groupe et que défendra François Marc, permettra, en revanche, à ces marchés de continuer à fonctionner.

Il s’agit en effet de mieux connaître ces marchés et d’imposer aux banques un reporting extrêmement précis des transactions passées en leur sein, afin de faire le tri entre celles qui sont directement corrélées à l’économie réelle et les opérations spéculatives. Disposer de ces connaissances représenterait d’ores et déjà un très grand progrès.

M. Desessard propose, par ailleurs, et nous voterons bien sûr son amendement, d’introduire sur la base de ces données des limites de position aux acteurs financiers intervenant sur ces marchés.

En permettant à ces marchés de continuer à fonctionner, tout en les contrôlant, nous accomplirons un progrès tout à fait considérable. C’est d’ailleurs exactement la position défendue par Oxfam dans son rapport, que nombre d’entre vous ont dû lire, et dont vous me permettrez de citer un extrait : « Ces limites de position constituent un outil-clef qui permettrait de lutter efficacement contre la spéculation excessive et l’ultra-financiarisation des marchés dérivés de matières premières agricoles ».

La position défendue par Yannick Botrel et Jean Desessard au travers de leurs amendements respectifs est donc in fine la même que celle d’Oxfam, à laquelle je souscris.

J’appellerais donc à voter contre l’amendement n° 228 rectifié si Jean Desessard décidait de le maintenir.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous aurions intérêt à distinguer, d’une part, les échanges, voire la spéculation, portant sur des produits réels, qui supposent l’existence de véritables engagements, et, d’autre part, ceux qui concernent des produits dérivés, c’est-à-dire au départ des contrats d’assurance. Le problème commence quand on se met à échanger non plus des produits mais des contrats, et à spéculer sur ces derniers. Ce n’est pas exactement la même chose !

Peut-être pourrions-nous, dans un premier temps, car cela paraît assez facile, interdire la spéculation sur les contrats. Il paraît plus complexe, en revanche, d’empêcher les opérations de spéculation consistant à acheter au bon moment pour revendre à meilleur prix.

En effet, cette spéculation sur les matières premières, sur les produits agricoles, remonte à la nuit des temps. C’est même l’une des premières activités spéculatives de l’humanité. Limiter les prises de position, comme tendent à le prévoir certains des amendements à venir, paraît beaucoup plus difficile.

L’amendement que nous avions déposé visait, quant à lui, à interdire la spéculation sur les contrats eux-mêmes, c’est-à-dire sur les produits qui ne sont pas liés à une transaction portant sur des matières véritablement existantes.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

M. François Fortassin. Il existe incontestablement une relation entre les marchés financiers et les marchés physiques, qui sont tous indispensables.

Des dérives peuvent cependant se produire, ce qui peut poser problème, comme le montrent les quelques exemples que je vais citer.

Que des spéculateurs achètent en août la récolte de maïs 2012 qui n’est pas encore ramassée, passe encore ; on peut en effet considérer que cette opération n’est pas exempte d’une certaine vision. Toutefois, qu’ils achètent la récolte 2013, c’est ubuesque, et il faut bien entendu y mettre un terme !

Ces spéculateurs ont pour l'essentiel deux vices majeurs : d'une part, ils affaiblissent les producteurs au point de les étrangler ; d'autre part, ils accentuent le phénomène de la faim dans le monde.

Dans les pays pauvres, notamment, on a engagé les agriculteurs, qui représentent en général la majorité de la population, à délaisser les cultures vivrières pour se lancer dans des cultures spéculatives qui se retrouvent aux mains des spéculateurs. Résultat : ces populations nombreuses n'ont plus de revenus ou doivent se contenter de revenus très faibles et, dans le même temps, n’ont plus les cultures vivrières qui leur permettaient de s'alimenter.

Sur ce point, je serai très dur : la plupart de ces spéculateurs se comportent comme des criminels. Il faut tirer le signal d'alarme. Et si la représentation nationale ne le fait pas, qui le fera ?

Nous ne devons pas être la dupe d’un comportement respectable en apparence, d’une présentation irréprochable et d’un langage policé, encore que les spéculateurs ont souvent recours à un galimatias que nous ne comprenons guère.

Je le répète, nous avons le devoir d’alerter sur ces pratiques.

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je remercie mon collègue du groupe du RDSE des exemples qu'il a donnés pour rendre compte de la spéculation sur les matières premières agricoles. Son inquiétude en la matière montre que nous sommes loin d'avoir résolu ce problème.

Pour autant, comme je l'ai fait remarquer hier au cours de la discussion générale, il faut considérer ce projet de loi comme une étape en vue d’un travail commun avec l'Europe visant à consolider la régulation des marchés financiers.

L’avis favorable du Gouvernement sur les amendements nos 230 rectifié et 214 rectifié, même si ceux-ci vont moins loin que la mesure prévue par l'amendement n° 228 rectifié, témoigne d’une meilleure prise en compte de la nécessité de réguler le marché des matières premières agricole. J’en suis conscient.

Par conséquent, même si j’aurais aimé que nous soyons plus audacieux sur ce sujet, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 228 rectifié est retiré.

L'amendement n° 233, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les transactions impliquant un instrument financier de couverture de risques pour les opérateurs du physique dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole devront être réalisées auprès d’une chambre de compensation, au plus tard le 1er janvier 2016.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. On estime que 80 % des transactions agricoles se font de gré à gré ; c'est beaucoup. Il s’agit là d’une évaluation, car ces marchés, qui s’appuient sur des transactions bilatérales et qui, par définition, ne sont pas soumis à une autorité de contrôle, sont peu transparents. Cet état de fait facilite tous les montages financiers et offre une grande, une trop grande flexibilité.

Par comparaison, les marchés organisés sont régis par des autorités de gouvernance qui édictent un règlement intérieur, lequel précise notamment le montant des dépôts de garantie à constituer et permet de demander à un participant de réaliser des engagements d’achat ou de vente si l’autorité juge son volume d’engagement excessif par rapport à sa surface financière.

Ces marchés disposent d’une chambre de compensation des opérations ou d’un système de règlement-livraison où se déroulent simultanément le règlement et la livraison des contrats. De la sorte, il n’existe pas de risque de contrepartie et la transparence des transactions y est assurée. Ces marchés sont gouvernés par les ordres d’achat ou de vente, dont la confrontation dégage un « prix du marché ».

Pour mettre en place une mesure de plafonnement des positions prises par les opérateurs financiers, afin de circonscrire le champ de la spéculation sur les produits dérivés, une condition est nécessaire.

C’est d’ailleurs pour ces raisons que, à l’occasion du sommet du G20 de Pittsburgh, en 2009, soit l’année suivant la crise alimentaire, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé le transfert progressif des transactions de gré à gré vers des marchés organisés. Dans la déclaration « Améliorer les marchés de gré à gré de produits dérivés », ils s’engageaient à soutenir une transition des contrats de produits dérivés de gré à gré vers des plates-formes d’échanges ou des plates-formes de négociations électroniques et compensés par des contreparties centrales d’ici à la fin 2012 au plus tard.

De même, dans son rapport préparatoire aux G8 et G20 remis au mois d’octobre 2010 au Président de la République, Jean-Pierre Jouyet, alors président de l’Autorité des marchés financiers, insistait sur la nécessaire transparence des marchés financiers agricoles, en particulier les marchés de gré à gré, et proposait d’appliquer au monde agricole les mesures avancées dans le domaine financier par la Commission européenne.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de rendre transparents les marchés de gré à gré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Sur ce sujet, monsieur Desessard, nous avons une assez grande convergence de vue. En effet, vous prévoyez, au travers de cet amendement, que les transactions sur produits dérivés de couverture soient réalisées auprès d’une chambre de compensation.

De quoi s'agit-il ? Une chambre de conversation est le préalable à un marché organisé ; cela implique une publicité des achats et des ventes et le déroulement des transactions dans un lieu déterminé. La chambre de compensation s'engage à organiser le marché, à publier et, le cas échéant par exemple, à maintenir les prix et à garantir la reprise de produits et de contrats pour lesquels aucun acheteur ne se serait déclaré. Elle garantit donc la liquidité et fait en sorte que le système fonctionne.

Une chambre de compensation permet l'organisation d'un marché plus transparent, plus clair, avec des garanties de prix, et offre une sécurité supplémentaire aux différents acteurs.

Dans la mesure où, par définition, les contrats et transactions de gré à gré se font sans publicité – personne ne connaît les quantités échangées, le prix des transactions, etc. –, la création d’une chambre de compensation constitue à l’évidence un grand progrès. Bien plus, elle tend à devenir une obligation à l'échelon européen, avec l’entrée en vigueur du règlement européen EMIR, European market infrastructure regulation, qui demande à tous les pays d'organiser des chambres de compensation pour les différents produits que nous venons de mentionner.

C'est la raison pour laquelle cet amendement est satisfait.

M. Jean Desessard. Vraiment ?

M. Richard Yung, rapporteur. Le ministre vous le confirmera sans doute dans un instant, monsieur Desessard.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends la préoccupation que vous exprimez par cet amendement : il faut améliorer la sécurisation et la transparence des transactions sur les produits dérivés de matières premières agricoles.

Je pense cependant, à l’instar de M. le rapporteur, que la chambre de compensation n’est pas le bon instrument pour y parvenir, car elle ne pourra être efficace sur un champ aussi vaste de produits dérivés.

Par ailleurs, l'outil que vous proposez n'est pas conforme à la réglementation européenne EMIR, qui prévoit déjà cette obligation de compensation centrale pour les produits dérivés de gré à gré, chaque fois que c’est possible et uniquement dans ces cas. C'est ce principe que le G20 a acté.

Dans la mesure où d'autres amendements, notamment l'amendement n° 230 rectifié sur lequel j'ai déjà annoncé que le Gouvernement émettrait un avis favorable, permettront de mettre en place un dispositif que je juge efficace et complet pour assurer la transparence et limiter la spéculation sur ces marchés, je vous invite à retirer l'amendement n° 233.

M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 233 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 233 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 229, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Dans les conditions fixées par son règlement général, l’Autorité des marchés financiers impose des limites aux positions sur instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole qu’une personne est autorisée à détenir et peut fixer des dérogations lorsque les positions en cause ont été constituées pour :

« 1° atténuer les conséquences des variations de cours sur les marges commerciales,

« 2° sécuriser les coûts d’achat et/ou de vente à terme de la matière première agricole utilisée par l'entreprise non financière. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 229 est retiré.

L'amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Dans les conditions fixées par son règlement général, l’Autorité des marchés financiers impose des limites aux positions sur instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole qu’une personne est autorisée à détenir et fixe des dérogations notamment lorsque les positions en cause ont été constituées à des fins de couverture."

II.-Le présent article s'applique à partir du 1er juillet 2015.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. À défaut de pouvoir interdire complètement la spéculation sur les matières premières agricoles, je propose par cet amendement d’introduire une forme de contrôle et de régulation en dotant l’Autorité des marchés financiers du pouvoir d’établir des limites aux positions des opérateurs financiers sur les marchés à terme de matières premières agricoles.

Le principe d’imposer des limites aux positions que sont susceptibles de détenir les acteurs de marché n’est pas une idée nouvelle. Nous nous inspirons ici de l’esprit de la réglementation existante aux États-Unis et mise en place par la CFTC – non pas le syndicat, mais la Commodities futures trading commission (Sourires) –, le régulateur américain chargé des dérivés de matières premières.

Depuis 2011, cette structure met en œuvre une réglementation en matière de limites de position par la fixation de plafonds, imposés ex ante, qui déterminent le nombre de contrats ouverts que peut détenir un même opérateur sur un produit financier ou une gamme donnée de produits financiers ayant le même sous-jacent.

Les États-Unis jouent un rôle de pionnier en la matière. Cette question est l’objet de la refonte de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers. Il serait heureux que la France, en particulier le Sénat, se positionne dès aujourd’hui sur cette option, pour affirmer nos choix dans le cadre des négociations européennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que l’AMF fixe des limites de position sur dérivés sur les matières premières. Nous avons déjà largement débattu de ce sujet.

La commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement.

M. Jean Desessard. Tout arrive, il suffit d'attendre ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.

M. Joël Bourdin. Cet amendement me semble satisfait par la pratique des organismes de compensation.

Il existe deux façons de réguler le marché et les contrats à terme.

En premier lieu, il est possible d’agir sur les positions autorisées : acheteurs, vendeurs, échéances, etc. Ainsi, en cas de surchauffe, les organismes de compensation limitent les positions des acheteurs, si la tendance est à la hausse, ou celles des vendeurs, si le cours est à la baisse.

En second lieu, les organismes de compensation peuvent intervenir sur le montant de garantie et l’augmenter si les circonstances l’exigent. Sur les marchés à terme, la spéculation existe, l’acheteur ne devant verser qu’une garantie initiale qui représente 7 %, 8 %, quelquefois 10 % du total de la transaction, alors que l’échéance est de plusieurs mois.

Même si cette pratique existe déjà dans la plupart des organismes de compensation, il est bon de le rappeler à l’AMF. C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.

M. Jean Desessard. Là encore, tout arrive ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 230 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

L'amendement n° 231 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47 et les compagnies d’assurances ne peuvent proposer à leurs clients aucun fonds d’investissement indexés, même partiellement, sur des matières premières agricoles.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Dans leur rédaction comme dans leur philosophie, les dispositions de cet amendement ressemblent à celles de l'amendement n° 228 rectifié. Comme j’ai accepté de retirer celui-là, je retire également celui-ci, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 231 rectifié est retiré.

L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier est complété par une section ainsi rédigée :

« Section … – Obligation d’information par les personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole

« Art. .... – Toute personne détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est constitué en tout ou partie d’une matière première agricole, au-delà d’un seuil de détention fixé pour chaque matière première concernée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et dans les conditions fixées par ce dernier, communique quotidiennement le détail de ses positions à l’Autorité des marchés financiers. »

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement n° 214 rectifié tend à obliger toute personne dépassant un seuil de détention d’instruments financiers relatifs à des matières premières à déclarer ses positions à l’AMF.

L’amendement n° 140 rectifié bis, que nous allons examiner dans quelques instants, a, lui, pour objet d’obliger l’AMF à publier un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées sur les différents instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole.

Nous allons donc toujours dans le sens, opportun selon moi, d’un renforcement des pouvoirs de l’AMF, qu’il s’agisse de connaître les positions prises sur le marché ou de les limiter.

La commission est favorable à ces instruments, qui permettront au régulateur de mieux connaître les positions et les acteurs présents sur ces marchés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

L'amendement n° 140 rectifié bis, présenté par MM. Botrel et Caffet, Mme M. André, M. Berson, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre IV du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La section 6 du chapitre Ier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – L’Autorité des marchés financiers publie un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole négociés sur un marché réglementé et qui lui ont été communiquées en application de l’article L. 451-5.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » ;

2° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – L’Autorité des marchés financiers publie un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole négociés sur un système multilatéral de négociation et qui lui ont été communiquées en application de l’article L. 451-5.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. »

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Nous avons déjà longuement évoqué le problème du détournement des instruments de couverture des risques, instruments qui ont, au demeurant, toute leur utilité en matière agricole.

Les détournements importants qui ont été constatés ont amené le Gouvernement à introduire dans le projet de loi une interdiction pour la filiale cantonnée d’opérer à titre propre sur ce marché, ce qui est une très bonne chose.

Il apparaît toutefois nécessaire à nombre d’entre nous d’aller plus loin dans l’encadrement des activités au compte de clientèle.

Comme pour l’encadrement des relations avec les hedge funds, nous sommes face à deux options.

L’une, assez radicale, défendue à travers plusieurs amendements, consiste à interdire l’essentiel des transactions dès lors qu’elles ne couvriraient pas un risque économique, agricole ou industriel. Comme Jean-Pierre Caffet l’a clairement démontré tout à l’heure, la limite de cette solution est qu’elle prive en réalité les acteurs, qui doivent impérativement se couvrir, d’acheteurs qui porteront le risque. Or le problème de ces marchés, ce n’est pas la présence d’intervenants financiers, c’est la déconnexion entre le volume de titres échangés et les volumes de matières premières agricoles.

En outre, la question des matières premières agricoles se posant à un niveau international, il ne peut être réglé que dans un cadre international. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste, à l’interdiction sous différentes formes je préfère l’encadrement des positions prises, dans la logique que promeut la directive MIF 2, en cours de négociation.

C’est dans cet esprit que nos collègues écologistes et radicaux de gauche proposent de mettre en place un système de reporting régulier des acteurs financiers, au-delà des seules banques. Ce reporting se fera sous le contrôle de l’AMF, qui pourra fixer des limites de positions individuelles, afin d’éviter toute perturbation du marché.

Ces amendements complètent d’ailleurs les améliorations apportées à l’Assemblée nationale et en commission des finances sur les manipulations de cours.

Par cet amendement, qui vise à compléter le dispositif introduit par les amendements du RDSE et du groupe écologistes, nous demandons que la surveillance opérée par l’AMF fasse l’objet d’un rapport hebdomadaire, qui permettra d’identifier les différents acteurs et les volumes échangés.

Nous savons que la spéculation se nourrit d’une certaine opacité. Dès lors, créer de la transparence aura forcément pour effet de dissuader la spéculation.

Nous pensons que le système ainsi mis en place assurera un encadrement optimal du marché, qui permettra à la fois de couvrir utilement les risques agricoles et de limiter les fluctuations de cours, donc, par voie de conséquence, les effets pervers que peut engendrer la spéculation.

Cet ajout au dispositif, déjà très élaboré, que vous avez mis au point avec ce projet de loi, monsieur le ministre, nous semble utile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

M. Francis Delattre. Nous approuvons les intentions qui sous-tendent cet amendement, mais, à vrai dire, il ne change pas grand-chose.

De plus, je me demande si la disposition qu’il introduit ne serait pas plutôt de nature réglementaire. Du reste, j’ai le sentiment que, au fil de nos débats, nous incluons dans la loi des mesures qui me semblent relever du domaine du règlement.

Si M. le ministre s’engageait à inclure ce dispositif dans un futur texte réglementaire, cela ne suffirait-il pas ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Cette disposition relève bien du domaine législatif, monsieur le sénateur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

L'amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47 et les compagnies d’assurances doivent tenir une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion des contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles et sur les marchés de gré à gré.

Ces informations sont transmises à l’Autorité des marchés financiers, de façon hebdomadaire. Chaque trimestre, l’Autorité des marchés financiers publie un rapport, rendu public, présentant pour chaque établissement les montants investis sur les marchés de matières premières agricoles, la typologie des instruments financiers utilisés et des résultats financiers.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement porte sur la transparence.

Nous avons constaté précédemment une convergence pour dire qu’il existe un lien entre spéculation sur les matières premières agricoles et accentuation de la volatilité des prix alimentaires, même si d’autres facteurs ont aussi une incidence sur ces variations de prix.

Nous avons noté que les fonds indexés sur les matières agricoles créés en France l’ont été après la crise alimentaire de 2008.

Nous avons indiqué que les investisseurs institutionnels étaient largement représentés parmi les souscripteurs des fonds indexés, en tout ou en partie, sur les matières premières agricoles.

Si nous voulons que la spéculation sur les matières premières agricoles et la financiarisation à outrance de ces marchés cessent, encore faut-il avoir une idée précise de l’activité des banques et des investisseurs sur ces marchés.

Mais l’exigence de transparence, pour être efficace, doit être conditionnée à une notification régulière de l’évolution de ces positions puisque, comme avec le trading à haute fréquence, ce sont les variations rapides qui permettent d’identifier une activité purement spéculative sur un marché. Elle doit être également conditionnée à la publication de ces notifications.

Pour freiner, voire stopper cette financiarisation des marchés agricoles, il faut pouvoir disposer d’un « levier de pression ». Et quel meilleur « levier de pression » que la transparence sur les activités ?

La publication du rapport d’Oxfam France, en février dernier, a déjà conduit BNP Paribas à suspendre les souscriptions à son fonds Parvest World Agriculture, indexé à 100 % sur le cours de matières premières agricoles, et à fermer son fonds ETF Ultra Light Energy, indexé à plus de 40 % sur les matières premières agricoles.

Cette transparence a également conduit le Crédit Agricole à fermer trois fonds indiciels qui permettaient à ses clients de spéculer sur les matières premières agricoles.

De son côté, le groupe Axa a fourni à l’ONG des informations sur plusieurs fonds, que l’opacité du système financier ne lui avait pas permis d’identifier.

C’est bien lorsqu’elles sont confrontées à une obligation de transparence que les banques s’organisent.

On peut également estimer que les banques et investisseurs « irréprochables » en la matière gagneront à voir publier ces informations. Les investisseurs vertueux, ceux qui ont le souci de l’éthique, se repéreront ainsi mieux dans le paysage bancaire.

C’est la transparence des positions, leur communication régulière à l’AMF et leur publication que nous préconisons au travers de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement impose une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion de contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles et sur les marchés de gré à gré, lesquels peuvent concerner d’autres sous-jacents que les matières premières agricoles – des actions, des obligations, des indices, du pétrole, que sais-je encore…

La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement, monsieur Desessard, en dépit de vos excellents arguments invoquant la transparence et la vertu.

La vertu est souvent citée dans cet hémicycle, mais Offenbach nous a appris ce qu’il fallait en penser… (Sourires.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y a de petites et de grandes vertus ! (Nouveaux sourires.)

M. Richard Yung, rapporteur. Pour ce qui concerne les matières premières agricoles, les amendements que nous venons d’adopter sur la communication des positions quotidiennes et hebdomadaires à l’AMF et la fixation de limites de positions me semblent de nature à répondre à vos préoccupations, monsieur Desessard.

S’agissant des contrats sur les marchés de gré à gré, un problème de définition se pose puisque vous englobez l’ensemble des transactions, qu’elles concernent ou non les matières premières agricoles. Or cette mesure est probablement irréalisable sur le plan technique.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je me range à l’avis de la commission.

M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 232 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Vous avez reconnu que cet amendement portait une vraie question, monsieur le rapporteur. Vous estimez toutefois qu’il serait aujourd'hui techniquement difficile de le mettre en œuvre.

Comme je l’ai dit, je considère ce projet de loi comme une étape. Je retire donc cet amendement, en espérant que, lors d’une prochaine étape, y compris à l’échelon européen, nous pourrons mettre en place ces instruments de transparence.

M. le président. L'amendement n° 232 rectifié est retiré.

L'amendement n° 215 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, C. Bourquin, Bertrand, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan des mesures visant à lutter contre la volatilité des prix des matières premières agricoles, notamment à travers la régulation des marchés de dérivés sur matières premières agricoles.

La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Cet amendement reflète la préoccupation des membres du RDSE quant à la spéculation sur les matières premières agricoles et ses incidences.

Le G20 présidé par la France en 2011 avait donné lieu à un certain nombre de déclarations relatives à l’influence des marchés financiers agricoles sur les marchés physiques et sur les risques qui y sont associés, notamment en termes de volatilité des prix des matières premières.

« Nous reconnaissons que des marchés financiers agricoles régulés de façon appropriée et transparents sont effectivement essentiels au bon fonctionnement des marchés physiques », avaient ainsi déclaré les ministres de l’agriculture des vingt principales puissances mondiales, à Paris, voilà deux ans.

Mais où en sommes-nous sur cette question ?

Il nous semble que, depuis 2011, il n’y a pas eu beaucoup d’avancées en matière de régulation et de transparence ; du reste, la place occupée dans le présent débat par les problèmes que pose la spéculation sur les matières premières agricoles en témoigne.

Par cet amendement, nous demandons qu’un rapport permette de faire le point sur ce sujet et d’en tirer les conséquences pour limiter les dérives des marchés financiers agricoles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement prévoit la rédaction d’un rapport dressant le bilan des mesures visant à lutter contre la volatilité des prix des matières premières agricoles.

La commission sollicite le retrait de cet amendement. En effet, des organismes internationaux comme le FMI, l’OCDE ou, en France, le Conseil de stabilité financière font régulièrement paraître des études sur ce point.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Fortassin, l'amendement n° 215 rectifié est-il maintenu ?

M. François Fortassin. Il ne faudrait pas se contenter de grandes déclarations à l’occasion des conférences internationales, car, en fin de compte, rien ne bouge, hélas !

MM. Gérard Le Cam et Éric Bocquet. Vous avez raison !

M. François Fortassin. Je veux bien retirer cet amendement comme cela m’est demandé, mais le fond du problème demeure.

M. le président. L’amendement n° 215 rectifié est retiré.

Chapitre III

Encadrement du trading à haute fréquence

(Division et intitulé nouveaux)

Articles additionnels après l’article 4 quater
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article additionnel après l’article 4 quinquies

Article 4 quinquies (nouveau)

Le chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Obligation d’information sur les dispositifs de traitement automatisés

« Art. L. 451-3-1. - Toute personne utilisant des dispositifs de traitement automatisés doit :

« 1° Notifier à l’Autorité des marchés financiers l’utilisation de dispositifs de traitement automatisés générant des ordres de vente ou d’achat de titres de sociétés dont le siège social est localisé en France ;

« 2° Assurer une traçabilité de chaque ordre envoyé vers un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, conserver pendant une durée fixée par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers tout élément permettant d’établir le lien entre un ordre donné et les algorithmes ayant permis de déterminer cet ordre, conserver tous les algorithmes utilisés pour élaborer les ordres transmis aux marchés et les transmettre à l’Autorité des marchés financiers lorsqu’elle en fait la demande.

« Les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés doivent mettre en place des procédures et des dispositifs internes garantissant la conformité de leur organisation avec les règles du 2°.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » – (Adopté.)

Article 4 quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4 sexies (nouveau)

Article additionnel après l’article 4 quinquies

M. le président. L'amendement n° 202, présenté par Mme Espagnac, M. Caffet et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le huitième alinéa de l’article L. 533-10 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 8. Lorsque les prestataires de services d’investissement fournissent un accès direct à une plate-forme de négociation à une autre personne, signer un accord écrit contraignant avec cette personne portant sur les droits et obligations essentiels découlant de la fourniture de ce service et stipulant que le prestataire de services d’investissement conserve la responsabilité de garantir la conformité des négociations effectuées par son intermédiaire, puis mettre en place les systèmes permettant au prestataire de service d’investissement de vérifier le respect des engagements prescrits par ledit accord, s’agissant notamment de la prévention de toute perturbation du marché ou abus de marché. »

La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Mme Frédérique Espagnac. Le présent amendement vise à renforcer le dispositif permettant de mieux encadrer les acteurs du trading à haute fréquence, qui bénéficient souvent d’accès directs au marché, particulièrement utiles à la mise en place de leurs stratégies spéculatives.

Les participants de marché ne doivent plus, à terme, pouvoir offrir d’accès direct à leurs clients sans contrôle préalable sur les flux d’ordres transmis.

Ces pratiques, dites de naked market access, participent grandement à la volatilité des cours et permettent de réaliser des profits colossaux. Ce contrôle, matérialisé par un contrat écrit, vise donc à assurer la stabilité du marché, à prévenir les abus et à garantir la pleine responsabilité du membre de marché à l’égard des flux de ses clients.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise à empêcher que les plateformes boursières ne soient mises à disposition de clients, quels qu’ils soient – traders, personnes physiques, entreprises ou intermédiaires –, sans contrôle de la part des propriétaires de ces plateformes.

Il s’agit d’une pratique discutable et la commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui complète utilement un certain nombre d’autres amendements portant sur le trading à haute fréquence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 202.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quinquies.

Article additionnel après l’article 4 quinquies
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Articles additionnels après l’article 4 sexies (début)

Article 4 sexies (nouveau)

Le titre II du livre IV du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La section 4 du chapitre Ier est complétée par un article un article L. 421-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 421-16-1. - I. - L’entreprise de marché met en place des procédures assurant que ses systèmes possèdent une capacité suffisante de gestion de volumes élevés d’ordres et de messages et permettent un processus de négociation ordonné en période de tensions sur les marchés. Ses systèmes sont soumis à des tests afin de confirmer que ces conditions sont réunies dans des conditions d’extrême volatilité des marchés. L’entreprise de marché met en place des mécanismes assurant la continuité des activités en cas de défaillance imprévue des systèmes.

« II. - L’entreprise de marché met en place des mécanismes permettant de rejeter les ordres dépassant des seuils de volume et de prix qu’elle aura préalablement établis ou des ordres manifestement erronés, de suspendre temporairement la négociation en cas de fluctuation importante des prix d’un instrument financier sur le marché et, dans des cas exceptionnels, d’annuler des transactions.

« III. - L’entreprise de marché met en place des procédures et des mécanismes pour garantir que les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés ne créent pas des conditions de nature à perturber le bon ordre du marché. Elle prend notamment des mesures, en particulier tarifaires, permettant de limiter le nombre d’ordres non exécutés.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » ;

2° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article L. 424-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 424-4-1. - I. - La personne qui gère un système multilatéral de négociation met en place des procédures assurant que ses systèmes possèdent une capacité suffisante de gestion de volumes élevés d’ordres et de messages et permettent un processus de négociation ordonné en période de tensions sur les marchés. Ses systèmes sont soumis à des tests afin de confirmer que ces conditions sont réunies dans des conditions d’extrême volatilité des marchés. L’entreprise de marché met en place des mécanismes assurant la continuité des activités en cas de défaillance imprévue des systèmes.

« II. - La personne qui gère un système multilatéral de négociation met en place des mécanismes permettant de rejeter les ordres dépassant des seuils de volume et de prix qu’elle aura préalablement établis ou des ordres manifestement erronés, de suspendre temporairement la négociation en cas de fluctuation importante des prix d’un instrument financier sur le marché et, dans des cas exceptionnels, d’annuler des transactions.

« III. - La personne qui gère un système multilatéral de négociation met en place des procédures et des mécanismes pour garantir que les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés ne créent pas des conditions de nature à perturber le bon ordre du marché. Elle prend notamment des mesures, en particulier tarifaires, permettant de limiter le nombre d’ordres non exécutés.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » – (Adopté.)

Article 4 sexies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Articles additionnels après l’article 4 sexies (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l’article 4 sexies

M. le président. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 sexes

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le a du 3° du II de l’article 235 ter ZD du code général des impôts est complété par les mots : « selon les critères techniques définis par l’Autorité des Marchés Financiers en ce qui concerne la taille, le prix ou « écart de cours » et le temps de présence sur le marché ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

Nous avons eu l’occasion d’indiquer, lors de la discussion de l’article 4 bis A, tout le bien que nous pouvions penser des limites de la taxation des transactions financières telle qu’elle est prévue par l’article 235 ter ZD du code général des impôts. Cet article dispose en effet que cette taxation n’est pas applicable aux opérations de tenue de marché répondant à certains critères spécifiques :

« Ces activités sont définies comme les activités d’une entreprise d’investissement ou d’un établissement de crédit ou d’une entité d’un pays étranger ou d’une entreprise locale membre d’une plateforme de négociation ou d’un marché d’un pays étranger lorsque l’entreprise, l’établissement ou l’entité concernée procède en tant qu’intermédiaire se portant partie à des opérations sur un instrument financier, au sens de l’article L. 211-1 du même code :

« a) Soit à la communication simultanée de cours acheteurs et vendeurs fermes et compétitifs de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité au marché sur une base régulière et continue ;

« b) Soit, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution des ordres donnés par des clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part ;

« c) Soit à la couverture des positions associées à la réalisation des opérations mentionnées aux a et b ; »

Pour aller à l’essentiel, je dirai qu’avant même d’appliquer un dispositif de taxation des transactions financières, on a commencé par définir les opérations qui échapperaient à ladite taxation !

Notre amendement tend donc à compléter cet article afin que l’assiette de la taxe soit quelque peu élargie et son rendement, majoré à due proportion.

Assurer la liquidité du marché ou répondre aux ordres donnés par les clients : ce sont là deux motifs qui apparaissent comme suffisamment vagues pour permettre de déclassifier facilement certaines opérations de haute fréquence, d’échapper à l’impôt et de prolonger la poursuite des pratiques financières les plus discutables.

Nous recommandons donc que l’Autorité des marchés financiers se penche avec plus de précision sur les spécifications techniques de ces opérations dites de « tenue de marché » afin que nous puissions requalifier celles dont le caractère spéculatif est avéré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Il s’agit en fait d’une proposition de modification de la taxe sur les transactions financières, ainsi que de la taxe sur le trading à haute fréquence.

J’avancerai deux arguments pour amener M. Bocquet à le retirer.

En premier lieu, je l’ai déjà indiqué hier, la bonne façon, selon moi, de lutter contre les dérives du trading à haute fréquence est celle que prévoit le dispositif de l’article 4 sexies, qui introduit des règles tarifaires de nature à décourager l’annulation des ordres. Il s’agit de l’outil efficace permettant de lutter contre la spéculation, ou l’excès de spéculation, sur ce marché.

En second lieu, monsieur Bocquet, vous nous proposez une modification de nature fiscale qui aurait plutôt sa place dans une loi de finances.

M. Jean-Pierre Caffet. Tout à fait ! C’est un cavalier !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. Éric Bocquet. Je maintiens l’amendement, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

Articles additionnels après l’article 4 sexies (début)
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Discussion générale

3

Questions cribles thématiques

europe de la défense

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’Europe de la défense.

Mes chers collègues, je vous rappelle que l’auteur de la question et le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.

Je vous rappelle également que ce débat est retransmis en direct par Public Sénat, ainsi que par France 3, et qu’il importe que chacun des orateurs respecte son temps de parole.

La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Maastricht est supposé avoir instauré la politique extérieure et de sécurité commune, le traité de Lisbonne, la politique de sécurité et de défense commune, à l’instar des accords de Lancaster House, du Triangle de Weimar ou du projet Weimar plus, qui étaient censés ouvrir la voie à une défense à l’échelle européenne.

Chaque année, la France investit 5 milliards d’euros, soit près de 30 % du budget d’équipement de ses armées, dans des coopérations d’armement en Europe. Pour autant, où en est l’Europe de la défense ?

L’absence de l’Europe dans le conflit qui se déroule au Nord-Mali est symptomatique et a été très justement résumée ainsi par Daniel Cohn-Bendit : « On dit aux Français : on va vous donner les infirmières et allez vous faire tuer au Mali. »

Sans doute, la réintégration de la France dans l’OTAN nous a-t-elle éloignés d’une Europe autonome et forte puisque, comme l’a rappelé l’ancien chef d’état-major des armées, le général Bentégeat, « l’OTAN a un effet direct sur les budgets militaires européens ».

Monsieur le ministre, à l’heure des restrictions budgétaires, seule une volonté politique forte, associée à une vision stratégique, peut porter l’Europe de la défense. Plus nous tardons à construire cette dernière, moins nous serons efficaces face aux risques et menaces bien réels que sont le trafic d’armes conventionnelles et chimiques, le trafic de drogue, les trafics affectant la biodiversité, le dérèglement climatique, l’afflux de réfugiés qui y est lié, les catastrophes naturelles, le terrorisme, la cybercriminalité.

Aujourd’hui, il est question de fixer un seuil minimal de 1,5 % du PIB pour le budget de la défense française. Monsieur le ministre, c’est à l’échelon européen qu’il faut se donner les moyens d’assurer notre défense, quitte à y consacrer 2 % du PIB : 1 % pour la défense nationale et 1 % pour l’Europe de la défense.

La construction de cette Europe de la défense pourrait être l’occasion de proposer une nouvelle approche de la gestion des conflits, prenant en compte la dimension environnementale des crises actuelles.

La raréfaction des ressources, l’accroissement de la demande énergétique, les changements climatiques ont des conséquences sociales et économiques qui auront nécessairement un impact majeur sur les relations internationales. Le développement durable est aujourd’hui « la » donnée stratégique que nous devons intégrer dans notre réflexion sur la défense. L’ignorer serait une suprême erreur.

Monsieur le ministre, ces éléments doivent nous conduire à réorienter notre réflexion.

À plusieurs reprises, j’ai eu l’occasion d’interpeller le Gouvernement sur ce que j’appelle l’« écologisation de la défense », en particulier sur l’adaptation de certaines missions de l’armée.

Après la smart defence et la soft defence, la France doit être leader pour porter, au sein de l’Europe, la green defence.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, je renonce à ma réplique, mais permettez-moi d’achever mon propos.

M. le président. Il vous reste alors quelques secondes…

Mme Leila Aïchi. Lors de son allocution devant le Parlement européen, le président Hollande a affirmé : « Il est temps d’en finir […] avec la dispersion des initiatives » parce que « l’Europe doit parler d’une voix ».

En conséquence, monsieur le ministre, quels efforts concrets le Gouvernement mène-t-il pour relancer l’Europe de la défense ? À quand une green defence européenne ? (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la sénatrice, je partage votre enthousiasme pour la construction de l’Europe de la défense. Toutefois, avant de formuler quelques observations à ce sujet, je voudrais m’inscrire en faux contre l’idée selon laquelle la France serait seule à combattre au Mali, le reste de l’Europe se contentant d’y dépêcher des infirmières. Bien sûr, il y avait une part de provocation dans la phrase que vous avez citée, mais la réalité n’est pas celle-là.

Aujourd’hui, vingt-deux pays européens participent à la mission de formation et de reconstitution de l’armée malienne dont l’Union européenne a pris l’initiative. Cette mission, mise sur pied rapidement, commencera ses actions de formation dès la semaine prochaine.

De surcroît, plusieurs pays européens nous ont apporté leur soutien logistique, que ce soit la Grande-Bretagne, le Danemark, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique. Vous le constatez donc : la France n’est pas seule au Mali.

Pour autant, vous avez raison de souligner que l’Europe de la défense est encore en friche. La décision, prise par le président Van Rompuy, d’organiser un Conseil européen sur la défense à la fin de l’année afin de relancer l’Europe de la défense est une bonne initiative. Nous nous y préparons activement. J’espère que, à l’issue de ce sommet, seront entreprises à cette fin des actions nouvelles et fortes.

Quant à votre volonté de consacrer 1 % du PIB au budget de la défense nationale et 1 % à l’Europe de la défense, je ne peux qu’en saluer l’optimisme. Cependant, je dois vous faire observer que la participation de la France à l’Europe de la défense, que ce soit au titre de l’Union européenne ou du pilier européen au sein de l’OTAN, passe avant tout par nos propres capacités de défense. En d’autres termes, même si votre souhait est tout à fait louable, la répartition de notre effort entre la défense nationale et l’Europe de la défense ne peut être envisagée selon la formule que vous préconisez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, nous connaissons votre attachement à la défense, non seulement à l’outil militaire, mais aussi à la condition des hommes. Vous avez su montrer votre proximité avec nos soldats en vous préoccupant directement des questions les plus matérielles. Je pense au retard de paiement des soldes ou encore à vos visites sur le terrain, notamment dans l’Adrar des Ifhogas.

Nombreux, sur ces travées, sont ceux qui connaissent la situation budgétaire très préoccupante de la défense face à l’ampleur des coupes envisagées par le ministère du budget. Quasi unanimement, le Sénat vous soutient, estimant qu’il n’est pas possible de relâcher l’effort de défense, au point de le faire descendre en dessous de 1,5 % du PIB, soit environ 31 milliards d’euros par an, sans compromettre définitivement l’indépendance et la qualité de notre outil de défense.

Nos soldats, avec peu, font merveille au Mali. Je salue leur professionnalisme, leur courage, leur esprit de sacrifice. En raison de leur action, ils ont évité que le Mali ne devienne un sanctuaire d’Aqmi. L’intervention décidée par le Président de la République, François Hollande, correspond à l’intérêt non seulement de la France, mais aussi de l’Europe.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Chevènement. Or celle-ci n’apporte qu’un soutien modeste à l’armée française engagée sur le terrain, de même qu’à la mission de formation EUTM, dont 40 % à 50 % des missions et des charges sont supportés par la France.

Monsieur le ministre, au mois d’octobre dernier, devant l’Assemblée nationale, vous avez indiqué : « Les contraintes budgétaires représentent peut-être une chance pour l’Europe de la défense, car il faut éviter que l’Europe ne connaisse un déclassement stratégique. »

Nous serions prêts à vous suivre sur ce terrain si, toutefois, un effort accru de coopération et de mutualisation était entrepris, sans préjudice, bien entendu, pour notre autonomie de décision.

Or quelles sont les coopérations industrielles et technologiques nouvelles qui, depuis l’automne dernier, sont venues s’ajouter – je dis bien : « s’ajouter » – à celles qui sont déjà engagées et qui ne couvrent qu’un champ très limité ? Je veux citer : le programme MRTT, relatif aux avions multirôle de ravitaillement en vol et de transport, dont les premières commandes sont inscrites au budget de 2013 ; l’avion de transport militaire A400M, déjà commandé à cinquante exemplaires et dont la première livraison devrait intervenir à la fin de cette année ; les drones, dont le Watchkeeper – à quel horizon sera-t-il effectif ? – ; les missiles PAAMS pour les frégates anti-aériennes et les missiles air-air de longue portée METEOR, déjà commandés à deux cents exemplaires ; le projet franco-britannique de missile antinavire léger, dont nous aimerions savoir s’il est maintenu et financé ; le programme MUSIS ; les radios logicielles militaires.

M. le président. Je vous rappelle, mon cher collègue, que nous avons des contraintes de temps !

M. Jean-Pierre Chevènement. Ma question est simple, monsieur le ministre : à ces coopérations déjà engagées, quelles autres sont venues s’ajouter ? Les crédits nécessaires à la mise en œuvre de ces programmes seront-ils sauvegardés, sanctuarisés, dans notre pays comme chez nos partenaires ? Les démarches ont-elles été entreprises en ce sens ?

Il y a un moment où les mots doivent recouvrir une réalité, sauf à dire que la constitution d’une défense européenne ne peut être qu’une perspective à très long terme, insusceptible de résoudre les problèmes de l’immédiat. Alors, nous devons compter sur nous-mêmes !

Telles sont, monsieur le ministre, les questions auxquelles nous aimerions obtenir des réponses précises.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, je m’associe à l’hommage que vous avez rendu aux soldats français qui mènent à l’heure actuelle, et encore cette nuit à Tombouctou, une action exemplaire au Mali. Ils témoignent de leur courage et de leur savoir-faire tactique et militaire. Le soutien de l’ensemble de la nation à cette intervention est important tant pour leur moral que pour leur dynamisme.

Je voudrais vous remercier plus généralement, mesdames, messieurs les sénateurs, de l’extrême vigilance dont font preuve les groupes politiques du Sénat au moment de la préparation des conclusions du livre blanc et du futur projet de loi de programmation militaire. Vous êtes très vivement attachés à ce que les crédits consacrés à la défense militaire française restent autour de 1,5 % du produit intérieur brut, et croyez bien que j’apprécie cette position.

J’en viens, monsieur Chevènement, à la question que vous m’avez posée sur les futures coopérations à l’échelon européen, après avoir dressé une liste des coopérations en cours. Il est vrai que la mutualisation et la coopération sont tout à fait essentielles. Certes, depuis le début de l’année, aucun nouveau projet n’a été concrètement conclu. Cependant, des avancées notables doivent être relevées dans deux ou trois domaines, en particulier dans ceux des drones et des chasseurs de mines, qui nous donnent à penser que nous pourrons déboucher sur des conclusions assez rapidement.

Par ailleurs, le champ des coopérations engagées n’est pas limité. Vous avez dressé une liste d’équipements, qui, ajoutés les uns aux autres, correspondent à peu près à 30 % des investissements réalisés en France, hors dissuasion. C’est un signal important, qui montre que l’Europe de l’industrie de la défense est en route, même si elle est avance d’un pas trop lent à nos yeux.

Lors de la préparation du prochain budget et de l’élaboration du projet de loi de programmation militaire, nous ferons tout pour préserver les contractualisations que nous avons passées avec nos voisins européens, tant pour notre propre sécurité que pour la leur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour la réplique, bien que le temps censé être consacré à celle-ci soit d’ores et déjà épuisé. Je présente d’ailleurs mes excuses à Mme Aïchi, qui a, elle, renoncé à sa réplique.

M. Jean-Pierre Chevènement. Monsieur le ministre, il y a un seuil en dessous duquel nous ne pouvons pas descendre : 1,5 % du PIB. Je suggère que le surcroît de l’effort de défense opéré par la France par rapport à la moyenne européenne – soit 0,5 % de PIB – vienne en déduction du plafond de déficit autorisé depuis Maastricht, soit 3 % du PIB.

En dessous de 1,5 %, il y aurait rupture de l’équilibre entre la France et l’Allemagne. Le président Hollande en est certainement conscient. Nous disposons là d’un avantage comparatif dont nous ne pouvons pas nous défaire !

M. le président. La parole est à M. Philippe Paul.

M. Philippe Paul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre a annoncé récemment que des coupes budgétaires substantielles étaient indispensables afin de réduire notre déficit public, conformément aux exigences de la Commission européenne de le ramener en dessous de 3 % du PIB. Ces coupes sont évaluées à près de 5 milliards d’euros.

Manifestement, tous les ministères seraient concernés par ce plan d’économies et le budget de la défense ne serait pas épargné. On parle ainsi de le ramener de 1,56 % à 1,1 % du PIB. C’est sans précédent !

Cela provoque de nombreux remous au sein de nos armées, voire le désarroi aussi bien de nos militaires que des personnels civils et de l’industrie de la défense. Ce serait absolument catastrophique !

Dans l’hypothèse d’un tel scénario, comment ne pas s’interroger sur le maintien de la capacité opérationnelle de nos armées ? Accomplir leurs missions deviendrait tout bonnement impossible ! Et les fondements mêmes de la défense nationale, voire de notre indépendance, seraient remis en question ! Ce serait insensé ! Nous n’aurions plus d’armée !

Par ailleurs, la France est intervenue au Mali sous couvert de l’ONU, avec, me semble-t-il, le feu vert des vingt-six autres pays de l’Union européenne.

Alors que Bruxelles demande instamment à la France de ramener son déficit public à moins de 3 % du PIB, alors que la France est le seul pays européen à avoir engagé des troupes au sol, pour préserver notre pays d’actes terroristes, certes, mais aussi l’Europe dans son ensemble, ne considérez-vous pas, monsieur le ministre, que la France doit exiger que cette dépense militaire figure hors contingent des déficits publics ou, à tout le moins, bénéficie d’un traitement particulier quant à son déficit ?

Nos partenaires européens doivent comprendre qu’on ne peut pas avoir l’armée française et la gratuité de l’armée française. Notre armée a un coût, il faut en accepter les conséquences !

Le ministère de la défense pourrait ainsi être épargné par les coupes budgétaires prévues, ce qui lui permettrait de poursuivre efficacement sa mission en préservant ses matériels, ses personnels civils et militaires et, bien entendu, notre industrie de défense. C’est aussi une question de crédibilité de nos armées, de rayonnement international et de souveraineté de la France.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, nous sommes effectivement en pleine préparation du livre blanc et du projet de loi de programmation militaire, qui sera soumis aux assemblées à l’automne. Comme toujours en pareille circonstance, avant que les arbitrages soient rendus, il y a des discussions et, inévitablement, la presse se fait l’écho de certains propos, on annonce ici ou là telle ou telle situation particulièrement difficile. J’ai connu ce phénomène lorsque j’étais député ; je l’observe aujourd'hui d’un autre point de vue.

Il importe que nous puissions surmonter une difficulté majeure : pour assurer notre souveraineté, nous devons à la fois maîtriser nos finances publiques et notre dette et conserver une défense cohérente et efficace.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce double impératif se traduit dans les chiffres. C’est la difficulté à laquelle nous nous heurtons en ce moment ; un arbitrage sera rendu dans les semaines à venir.

En tout cas, votre proposition, qui est proche de celle que vient de formuler Jean-Pierre Chevènement, de ne pas intégrer l’investissement de défense – précisément parce qu’il s’agit d’un investissement – dans le calcul des déficits publics au sens des autorités européennes a toute ma sympathie. Cependant, je ne suis pas en situation de pouvoir vous répondre, même si le raisonnement a indiscutablement une cohérence. J’espère que la tenue d’un Conseil européen de défense à la fin de l’année permettra de poser réellement la question de la place de l’investissement de défense dans l’ensemble de la dette des États et d’évaluer son efficacité en termes de sécurité, ainsi que de développement économique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.

M. Jean-Marie Bockel. Environ 90 % de nos compatriotes adhèrent à l’idée d’une coopération européenne plus étroite en matière de défense. Dans le contexte de crise économique et de réduction des budgets de défense que nous connaissons un peu partout en Europe, le renforcement des capacités militaires de l’Union européenne semble très opportun.

La création de l’Agence européenne de défense, l’AED, en 2004, afin d’harmoniser nos efforts de défense, a constitué une avancée, fondée sur l’idée d’un partage et d’une mutualisation des moyens. Un certain nombre de projets décisifs ont été lancés. Jean-Pierre Chevènement a notamment cité les avions ravitailleurs, dont on mesure actuellement l’utilité ; c’est un exemple positif, et il en faudrait d’autres.

Cependant, l’AED est confrontée à des obstacles persistants. En particulier, son budget reste modeste : il stagne depuis trois ans à un niveau de 30 millions d’euros annuels.

Le renforcement des capacités de l’Union est pourtant primordial à au moins deux titres.

D'une part, l’industrie de défense n’est pas une industrie comme les autres, en raison de sa dimension stratégique. En effet, sans une solide base industrielle et technologique de défense, l’Europe risque fort de voir s’éroder son indépendance stratégique et donc sa capacité d’influer sur la scène internationale, de promouvoir ses valeurs propres, que nous partageons tous.

D'autre part, le potentiel de développement et de création d’emplois du secteur de la défense est considérable ; c’est un point particulièrement important en temps de crise. Il suffit de faire le parallèle avec l’industrie aérospatiale, qui constitue un véritable succès européen, pour se rendre compte de notre potentiel. Je pense également aux nombreuses opportunités dans le domaine de la cyberdéfense, hautement stratégique et qui connaît une croissance exponentielle.

Un Conseil européen de défense se tiendra en décembre prochain. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer – j’associe Yves Pozzo di Borgo, qui suit les enjeux de défense européenne au sein de notre groupe, à ma question – quelles seront les propositions mises sur la table pour améliorer la coopération européenne sur le plan capacitaire ? Comment la France, nation cadre en matière de défense et qui entend le rester – je l’espère en tout cas –, peut-elle soutenir les grands programmes structurants et favoriser les rapprochements industriels ?

Enfin, qu’en est-il du renforcement espéré des moyens matériels et humains de l’AED, dont la directrice est d'ailleurs une compatriote ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, je partage votre appréciation sur la situation de l’AED et je m’associe à votre soutien à cette agence, qui est un outil important. C’est non une agence de programme – l’OCCAR, organisme conjoint de coopération en matière d’armement, remplit cette fonction –, mais un outil de coopération capacitaire qui tente de faire converger l’expression des besoins opérationnels des États. Cet outil a apporté la preuve de son efficacité.

Il existe une difficulté, que vous avez signalée : le budget de l’AED reste très modeste, avec seulement 30 millions d'euros par an. En outre, ce budget n’est pas réévalué, alors qu’il devrait l’être pour que l’AED puisse exercer ses compétences et assumer ses missions. En effet, lors de chaque réunion du conseil de l’AED, la représentation britannique bloque toute réévaluation ; je l’ai encore constaté il y a quelques semaines. J’espère que le Conseil européen de défense qui se tiendra en décembre sera en mesure de donner un nouveau souffle à l’AED.

Pour ma part, je souhaite que ce Conseil européen de décembre, qui sera le premier depuis cinq ans à s’occuper des questions de défense, soit l’occasion de prendre l’engagement d’organiser à l’avenir une réunion annuelle pour permettre aux chefs d'État et de gouvernement européens d’aborder les questions de défense. Je souhaite également que nous obtenions une véritable avancée pratique, et non pas théorique, de l’Europe de la défense sur trois points : dans le domaine opérationnel – en particulier sur la manière de gérer les crises –, en matière de partage capacitaire – l’AED peut jouer un rôle essentiel à cet égard –, ainsi que sur la définition du socle de l’industrie et des technologies de défense européennes et des moyens de renforcer nos capacités d’initiative.

Telles sont les bases sur lesquelles nous travaillons aujourd'hui. Nous voulons que ce débat permette de dégager des orientations pragmatiques et efficaces, afin qu’il ne s’agisse pas d’un coup d’épée dans l’eau à un moment donné de l’histoire de l’Europe.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour la réplique.

M. Jean-Marie Bockel. Il existe de belles potentialités en matière de rapprochement de nos industries de défense. J’ai cité l’exemple de la cyberdéfense, qui est en plein développement. Les entreprises européennes gagneraient à travailler ensemble, notamment pour fabriquer certains équipements sensibles.

Je pourrais également citer, dans un secteur plus « rustique », celui des munitions, l’entreprise Manurhin, que je connais bien puisqu’elle est installée à Mulhouse : elle a déjà ouvert son capital à une participation minoritaire slovaque et elle pourrait s’associer avec d’autres entreprises, de Belgique ou d’ailleurs, afin de devenir un fleuron de son secteur.

J’ajoute que notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par Jean-Louis Carrère, a récemment pris l’initiative, appuyée par la quasi-totalité des groupes, de vous soutenir, monsieur le ministre, dans votre bataille pour que notre budget de défense ne descende pas en dessous de 1,5 % du PIB. Cela me semble extrêmement important, et je voulais profiter de ce débat pour rappeler ma détermination, notre détermination à vous soutenir dans cette bataille qui précède les arbitrages. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, je voudrais d'abord, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, vous remercier de votre disponibilité et de celle de vos collaborateurs pour nous rendre compte en permanence des opérations actuellement conduites au Mali.

J’ai deux interrogations à vous soumettre.

Récemment, le Président de la République a participé, à Varsovie, à une réunion préparatoire au Conseil européen de décembre. Il fut question des moyens d’améliorer l’efficacité de la politique de sécurité et de défense commune, la PSDC, de renforcer les capacités militaires européennes et d’accroître, si possible, les performances de l’industrie européenne de défense. C’est sur ce dernier point que porte ma première question.

Nous savons tous que nous ne pourrons plus réaliser de programme d’armement majeur de manière unilatérale. En clair, nous ne construirons plus seuls un avion de combat come nous l’avons fait avec le Rafale. Le risque est que, faute de s’être associés, les Européens – et donc les Français – soient contraints d’acheter leurs appareils hors d’Europe. Cela se ferait évidemment au détriment de notre indépendance stratégique et de notre recherche et développement. Or on constate malheureusement que, à peu près depuis l’an 2000, il n’existe plus aucun programme d’armement majeur qui fasse l’objet d’une coopération. C’est bien dommage !

Ma question sera en même temps une suggestion. L’Europe et la France ont essuyé un échec industriel patent en matière de drones. Des accords ont été passés entre agences d’armement, entre États et entre entreprises industrielles. Nous aurions prévu de faire les drones UCAV avec les Britanniques et les drones MALE avec les Allemands. Tout cela ne me paraît pas très clair. Ne devrait-on pas plutôt lancer un grand programme européen de construction des drones de demain ?

J’en viens à mon second point.

M. le président. Et il vous faudra l’aborder très brièvement !

M. Daniel Reiner. Ce sera en effet très bref, monsieur le président, et je ne répliquerai pas à M. le ministre.

L’Union européenne et les États-Unis discutent actuellement d’un accord de libre-échange. Monsieur le ministre, êtes-vous certain que les industries d’armement ne sont pas concernées ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur Reiner, je commencerai par répondre à votre interrogation sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, en vue duquel la Commission européenne entend engager des négociations, ainsi qu’elle l’a annoncé la semaine dernière.

Nous avons appris à cette occasion qu’elle prévoyait d’inclure le secteur de la défense dans le périmètre desdites négociations, ce qui constituerait un précédent. Des échanges ont eu lieu sur ce sujet, non seulement au niveau national, mais aussi, dès mardi, entre les gouvernements. À ce stade, il en ressort un consensus sur l’opportunité d’exclure le secteur de la défense du champ de l’accord de libre-échange.

MM. Daniel Reiner et Jean-Pierre Chevènement. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Par ailleurs, mes services ont interrogé les industriels concernés afin de recueillir leur analyse sur une telle perspective. Hier, ils ont confirmé l’opportunité de l’exclusion du secteur de la défense du champ des négociations. C’est donc en ce sens que nous travaillons actuellement.

Il me paraissait important de vous répondre d’emblée avec précision sur ce point.

J’en viens à présent au premier sujet que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, et qui a déjà été abordé par plusieurs orateurs : les programmes industriels européens.

Il est vrai qu’aucun grand programme de coopération associant plusieurs États n’a été engagé depuis quelque temps. Il est non moins vrai que certains projets devraient pouvoir donner lieu à une nouvelle coopération industrielle. Vous avez cité la prochaine génération aéronautique, et notamment les drones UCAV. Nous avons conclu un accord de recherche en amont avec les Britanniques sur cette question. Vous avez également évoqué les drones MALE, c'est-à-dire les drones de moyenne altitude. Notre pays, mais aussi certains pays voisins, comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne et même l’Italie, souffrent d’un réel manque capacitaire en la matière. Il nous faut acquérir assez rapidement des drones. Il ne s’agit pas de nous contenter de drones intérimaires, mais d’en posséder de manière pérenne. C’est un sujet de discussion potentiel.

M. Daniel Reiner. En effet, c’est un vrai sujet !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Une fusion entre EADS et BAE Systems aurait pu être un exemple concret de constitution d’un groupe européen susceptible de relancer l’Europe de la défense, dont le Président de la République a fait l’une de ses priorités.

En effet, la France et le Royaume-Uni, qui représentent la moitié de l’effort militaire européen et les deux tiers des budgets de recherche, avaient estimé qu’il fallait rationaliser et coordonner leurs efforts pour optimiser les dépenses.

Cette fusion n’a pu aboutir, car, hélas, il ne s’agissait pas véritablement de mutualisation ni de coopération. En réalité, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne et la France se sont opposés sur des intérêts stratégiques, industriels et financiers divergents.

Par la suite, la perspective d’une sortie partielle des groupes Lagardère et Daimler du capital d’EADS a entraîné une renégociation du pacte des actionnaires publics, laquelle s’est malheureusement faite au détriment de notre pays et a surtout renforcé le poids des actionnaires privés dans le capital du groupe, à la grande satisfaction, dirai-je, du P-DG d’EADS, Tom Enders, qui ne perd pas une occasion de déclarer qu’il n’est pas favorable à l’actionnariat d’État.

La décision d’entériner cette modification de la structure du capital, ainsi que la nouvelle gouvernance qui en découle, devrait être prise le 27 mars, lors d’une assemblée générale extraordinaire des actionnaires du groupe.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir si les représentants de l’État vont approuver sans réagir ces modifications qui me semblent contraires à la protection de nos intérêts en matière de défense nationale.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame la sénatrice, vous avez rappelé comment les discussions entre le groupe EADS et BAE Systems ont abouti à un échec.

Nous avions travaillé en profondeur sur cette question et avions même, de notre côté, bien progressé sur la structuration actionnariale, les garanties tant industrielles qu’en termes d’emploi, ainsi que sur nos propres intérêts en matière de défense ; je pense, en particulier, à la dissuasion.

J’ai moi-même entretenu des relations très étroites avec les ministres allemand et britannique de la défense, mais il y a également eu d’autres contacts à un plus haut niveau.

Nous avions, me semble-t-il, en tout cas en ce qui nous concerne, réussi à faire converger des positions, mais les entreprises ont jugé qu’il n’était pas possible de faire converger à la fois les positions des États et celles des principaux actionnaires. Il en est résulté un échec, à la suite duquel les parties se sont mobilisées pour résoudre les principaux problèmes de gouvernance d’EADS en un temps record. C’est dans ce cadre qu’ont été conclus, en décembre dernier, les accords de restructuration de l’actionnariat d’EADS.

Ces accords permettent la sortie des actionnaires historiques, Daimler et Lagardère, sans déstabiliser le groupe, la constitution d’un noyau d’actionnaires soudés autour de la France, l’Allemagne et l’Espagne, la protection du groupe vis-à-vis de prises de contrôle hostiles, la normalisation de la gouvernance du groupe et le renforcement de la protection de nos propres actifs, en particulier les actifs de souveraineté liés à la dissuasion, qui seront placés dans une filiale au sein de laquelle nous disposerons de droits renforcés.

Eu égard à ces avancées, nous considérons que les principes de restructuration actés par les actionnaires pourront être validés lors de l’assemblée générale du 27 mars prochain, à laquelle vous faisiez référence.

Je considère qu’EADS va bien, même sans la fusion avec BAE Systems, et je me félicite de ce que nous puissions franchir le cap délicat de la restructuration en préservant les intérêts de la France.

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, l’Europe de la défense est impossible à construire si nous n’avons pas une défense nationale crédible.

Mercredi dernier, dans cet hémicycle, le groupe UMP s’est associé sans réserve à l’initiative nécessaire, et d’ailleurs couronnée de succès, du président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Jean-Louis Carrère : il s’agissait de tirer la sonnette s’alarme et d’interpeller le Président de la République sur les terribles dangers que représenteraient les coupes budgétaires pour nos armées et pour notre pays.

À la veille d’un conseil de défense et de sécurité nationale qui assombrit profondément l’avenir de nos armées et menace la survie de notre outil de défense, comment plaider auprès des États de l’Union européenne pour qu’ils investissent dans leur défense si, nous-mêmes, nous utilisons la nôtre comme variable d’ajustement budgétaire ?

M. Alain Fouché. Absolument !

M. François-Noël Buffet. Et pourquoi, au final ? Pour réaliser des économies de quelques millions, mais en vertu d’une vision à très court terme !

La défense est et demeure l’un des derniers leviers de croissance. Il faut rappeler que ce secteur nous rapporte des milliards à l’export, qu’il représente près de 400 000 emplois hautement qualifiés et peu délocalisables. Enfin, il est porté par un tissu industriel de très nombreuses PME, dont un de vos collègues du Gouvernement nous rabâche qu’il veut doubler le nombre.

Comment parler d’Europe de la défense alors que nous sommes peut-être en train d’hypothéquer notre indépendance stratégique et que nous sommes à l’ultime limite du décrochage capacitaire qui entraînerait la perte de notre souveraineté ?

Enfin, monsieur le ministre, si le Président de la République a pu engager des troupes françaises au Mali, allant même jusqu’à dire, à Tombouctou, le 2 février, qu’il était en train de vivre « le plus beau jour de sa vie politique », c’est parce qu’il disposait d’une capacité de projection et d’un outil de défense qui le lui permettaient.

Ce sont les moyens budgétaires alloués aujourd’hui qui gageront notre présence dans le monde demain.

En vérité, monsieur le ministre, certaines nations sont des moteurs pour l’Europe de la défense : c’est le cas de la France.

L’heure n’est pas à la complainte, elle est à l’action et à la responsabilité. Monsieur le ministre, il vous revient, et nous savons que vous en être pleinement conscient, de ne pas céder aux pressions hypothécaires de Bercy, qui annihileraient les cinquante ans d’efforts de construction européenne et militaire que notre pays a consentis et doit poursuivre.

Monsieur le ministre, je souhaiterais savoir, au nom du groupe UMP, quels arguments et quels moyens vous allez employer pour convaincre le Président de la République de ne pas soumettre le budget de notre défense à un coup de rabot qui serait, sans doute, extrêmement dangereux.

M. Alain Fouché. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, si je dispose d’un atout, il s’agit bien de ma conviction…et de la vôtre ! J’ai déjà eu l’occasion de le faire tout à l’heure, mais je veux remercier de nouveau le Sénat de ses prises de position concernant le maintien d’un effort significatif de défense pour notre sécurité.

Vous comprendrez bien que je ne vais pas anticiper sur les conclusions d’un processus qui est loin d’être achevé, et qui nécessitera des arbitrages difficiles.

J’ai rappelé précédemment à votre collègue Philippe Paul combien l’équation était délicate, entre la nécessité d’assurer la souveraineté de notre pays par la maîtrise de sa dette – car, quand un pays est à la merci de ses créanciers, il perd sa souveraineté ! – et la nécessité de garder une capacité sécuritaire significative. La souveraineté passe donc aussi par un effort de défense important. C’est le sujet qui est sur la table.

Chaque fois qu’il y a eu un livre blanc et/ou une loi de programmation militaire, des questions de ce type sont revenues. Elles sont encore plus compliquées maintenant qu’hier, et ce pour deux raisons, monsieur le sénateur.

La première – ne voyez là aucune volonté de polémique de ma part –, c’est que la loi de programmation précédente n’a pas été respectée, et cela parce qu’elle avait été établie avant la crise. La projection contenue dans la loi de programmation 2009-2014 n’a donc tenu que deux ans. Quand je suis arrivé à ce poste de responsabilité, il manquait déjà, selon la Cour des comptes – et j’ai constaté qu’elle avait raison –, 4 milliards d’euros par rapport à la trajectoire.

La seconde raison est liée aux difficultés du moment et à la nécessité d’atteindre les 3 % de déficit budgétaire à la fin de l’année 2014.

Telles sont les contraintes. Pour ma part, je souhaite être suffisamment persuasif pour que nous puissions maintenir un effort de défense nous permettant d’avoir des forces armées cohérentes et efficaces. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Monsieur le ministre, nous avons bien entendu ce que vous venez de dire. Sachez que vous trouverez, de ce côté-ci de l’hémicycle, un soutien infaillible dans la défense de votre budget, afin que nos armées puissent recevoir les moyens nécessaires.

Je me permets simplement de rappeler que M. David Cameron a annoncé que les ministères britanniques connaîtraient une diminution budgétaire de 1 %, mais que la défense bénéficierait, elle, d’un report de crédits non utilisés.

Espérons que cet exemple nous servira dans les semaines qui viennent ! (Mme Colette Mélot applaudit.)

M. le président. La parole est à M. André Vallini.

M. André Vallini. Monsieur le ministre, alors que le monde est en train de réarmer, l’Europe semble s’apprêter à désarmer.

Confrontés à la crise économique, et donc à celle de leurs finances publiques, la plupart des pays européens réduisent leur budget de la défense. Si elle continue dans cette voie, l’Europe risque un véritable déclassement stratégique. Pour reprendre l’expression d’Hubert Védrine, elle risque de « sortir de l’Histoire ».

En raison de la réorientation stratégique des États-Unis vers l’Asie-Pacifique, l’Europe ne peut plus tout attendre de ce pays en matière de défense, d’autant que, contrairement à ce que pensent trop souvent les opinions publiques, les menaces et les dangers n’ont pas disparu, bien au contraire.

Le moment semble donc venu de relancer l’Europe de la défense. Au risque de sembler paradoxal, je dirai que c’est au moment où la construction européenne traverse la crise de confiance la plus grave de son histoire qu’il faut relancer la défense européenne.

En effet, si l’on cumule l’ensemble des moyens militaires des 27 pays membres, l’Europe dispose de 1 500 000 soldats et de 175 milliards d’euros de budget : il est aisé d’imaginer les économies que nous pourrions tous réaliser en mutualisant ces forces !

Or aucun pays n’est mieux placé que la France pour s’engager dans cette démarche, a fortiori depuis qu’elle a rejoint le commandement militaire intégré de l’OTAN.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, je pense, à l’instar d’autres collègues qui l’on dit avant moi, que le Conseil européen de décembre prochain est une occasion unique de relancer l’Europe de la défense.

Je souhaiterais donc savoir, dans cette perspective, si vos priorités sont plutôt d’ordre institutionnel, industriel ou opérationnel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Drian, ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, j’en viens directement à la fin de votre propos. À mon sens, il serait peu efficace d’envisager les mutations indispensables et la relance de l’Europe de la défense par le biais de la question institutionnelle, car une telle approche a déjà échoué.

Si la France abordait le débat qui va s’ouvrir, et c’est tant mieux, au Conseil européen de la fin de l’année par cette question, nous risquerions d’être en difficulté.

À cet égard, souvenons-nous des déboires de l’OHQ, tentative de mise en œuvre d’un quartier général européen qui avait été bloquée, provoquant un certain enlisement.

Nous voulons aborder cette question de manière pragmatique, en déclinant, je crois l’avoir indiqué tout à l’heure, toute une série d’initiatives concrètes et réalisables tant en matière de gestion opérationnelle des crises que de capacités et d’industrie. Sinon, c’est à désespérer du concept d’Europe de la défense !

Tels sont les souhaits du Président de la République, que j’ai repris en différentes occasions. Je sens apparaître quelques frémissements en ce sens du côté de nos partenaires.

Sur les crises et les opérations, il y a déjà eu des progrès. Contrairement à ce que certains ont pu dire, je considère que l’opération au Mali est un progrès pour l’Europe de la défense, car il y a bien une initiative européenne, qui permet d’avoir dès à présent 500 militaires européens sur le sol malien pour former la nouvelle armée malienne. Sans doute cela ne comble-t-il pas toutes nos attentes, mais c’est tout de même inédit.

Il y aura sans doute, demain, des interrogations sur des actions à mener, pas forcément sous la même forme, en Lybie et dans la région des Balkans, afin de reprendre l’initiative dans le nord du Kosovo.

Le même état d’esprit pragmatique concernera les capacités. Il a été dit tout à l’heure que, dans le secteur du ravitaillement en vol, des progrès avaient été enregistrés. D’autres secteurs importants peuvent faire l’objet de coopérations très concrètes, susceptibles d’être mises en œuvre rapidement.

S’agissant de l’industrie, la Commission européenne prépare une communication sur la coopération industrielle en matière de défense pour le mois de mai, qui servira de base à la préparation du Conseil européen. Tout cela est de bon augure.

Enfin, très brièvement, j’ajoute que le concept de coopération structurée permanente, qui avait un peu « disparu des radars », pour employer une expression militaire, est en train de revenir progressivement. Il est inscrit dans le traité de Lisbonne et il pourrait éventuellement réapparaître au cours des mois prochains, peut-être pour faire l’objet d’initiatives au moment du Conseil européen de fin d’année.

M. le président. La parole est à M. René Beaumont.

M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a maintenant un peu plus de deux ans, la France et la Grande-Bretagne ont signé un partenariat de défense historique. Ce 31e sommet franco-britannique a permis de raviver l’esprit du sommet de Saint-Malo de 1998. Les accords de Lancaster House furent une formidable occasion d’impulser une vraie dynamique en matière de coopération militaire, qui rime avec mutualisation.

En période de crise et face au manque d’attraction pour la défense de la part des autres pays membres de l’Union européenne, ce type de coopération bilatérale constitue un exemple et même plus : un moteur pour l’avenir de la défense européenne.

Bien entendu, sur le terrain, en termes d’opérations extérieures, l’Europe de la défense se fait de plus en plus attendre ; les exemples libyens et maliens suffisent à démontrer l’inertie européenne ! Mais verser aujourd’hui dans l’euroscepticisme en matière de défense est d’une telle facilité politique et intellectuelle que nous devons nous y refuser.

La France et la Grande-Bretagne, qui sont, après les États-Unis, de loin les deux contributeurs les plus importants à l’OTAN, assureront, d’ici à moins de dix ans, près de 65 % des dépenses de défense au sein de l’Union européenne. Ces deux nations atomiques, qui partagent la même vision en termes de dissuasion nucléaire, ont encore, au sein de l’Union européenne, les rares défenses nationales à demeurer mondialement crédibles.

Aussi, monsieur le ministre, nous espérons que le conseil de défense de vendredi ne balaiera pas mes modestes propos ni, surtout, le travail réalisé dans nos deux pays depuis la signature des accords de Lancaster House. Ces engagements sont des références en matière de coopération structurelle renforcée.

Les objectifs des deux traités qui en découlent nous permettent déjà, grâce à la mutualisation, de dégager des économies à hauteur de 150 millions d’euros par an. Mieux, cette coopération militaire s’accompagne d’une coopération parlementaire. Grâce à l’engagement du président Josselin de Rohan, une véritable collaboration entre notre commission et nos homologues anglais s’est instaurée. Et je souligne que le président Jean-Louis Carrère se montre très actif pour continuer de faire vivre cette initiative, qui fait l’unanimité au sein de notre commission.

M. le président. Mon cher collègue, il faut poser votre question.

M. René Beaumont. J’y viens tout de suite, monsieur le président.

En ces temps difficiles, ces consensus devraient inciter le Gouvernement à poursuivre le dialogue franco-britannique, seul capable, aujourd’hui, de créer la véritable ébauche d’une Europe de la défense.

Mon souci, vous l’avez compris, monsieur le ministre, est de connaître l’avenir que vous réservez au fameux traité de Lancaster House.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui me permet de dire que je partage le point de vue que vous développez et que la coopération franco-britannique structurée dans le cadre des accords de Lancaster House se poursuit de manière positive.

Votre question me donne aussi l’occasion de répondre indirectement à M. Buffet, que je n’aperçois plus dans l’hémicycle, puisqu’il a fait l’éloge de M. Cameron : peut-être trouvera-t-on l’occasion de lui rappeler que ce dernier avait, l’année dernière, fait baisser le budget de la défense britannique de 8 %. ; M. Buffet pourra ainsi faire de ce chiffre le sujet de sa méditation du week-end ! (Sourires.) Il est évidemment plus facile de préserver le budget de la défense quand on lui a infligé, l’année précédente, une telle mise à la diète…

Le traité de Lancaster House présente une singularité inédite puisqu’il comporte un volet nucléaire. C’est une avancée significative de notre coopération avec le Royaume-Uni.

Au-delà, nous progressons de manière intelligente et loyale sur l’ensemble de l’accord qui a été signé. Par exemple, la CJEF, Combined Joint Expeditionary Force, est en cours de constitution. Cette force de combat franco-britannique sera pleinement opérationnelle en 2016.

Toujours en matière opérationnelle, nous avons pris l’initiative d’exercices communs. C’est ainsi qu’un exercice très important a eu lieu en présence des deux ministres de la défense en octobre dernier. Nous mettons par ailleurs en place des interopérabilités de systèmes d’information et de communication et le partage du renseignement.

Nous avons aussi lancé, sous ma responsabilité, une coopération en matière de drones, à la fois les drones de théâtre Watchkeepers, mais aussi les drones de génération future, en particulier, le véhicule aérien non habité de combat, l’UCAV. Ce sont des signes d’une coopération très active, concernant en l’occurrence, du plus petit au très grand, des outils qui mettent en jeu les technologies du futur.

Nous menons en outre une collaboration très étroite en matière de guerre des mines. Nous avons transféré à l’OCCAR cette responsabilité, sous le patronage d’une équipe franco-britannique.

En résumé, nos relations avec les Britanniques sont bonnes, mais elles ne sont pas exclusives. Nous leur disons clairement que la qualité de notre relation avec eux ne nous empêche pas d’avoir des relations avec le Triangle de Weimar ou avec le groupe de Visegrad. Ainsi, une réunion commune des ministres de la défense de ces ensembles régionaux a eu lieu voilà peu de temps. Il faut procéder dans la transparence, en disant à chacun ce que l’on fait avec l’autre, de manière à éviter les incompréhensions, voire les grincements qui ont pu se produire dans le passé.

Vous avez raison, monsieur le sénateur : c’est grâce à une coopération capacitaire que nous pourrons obtenir une gestion plus économe de l’argent public, rare en cette période, que ce soit en Grande-Bretagne ou en France.

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie.

Nous en avons fini avec les questions cribles thématiques sur l’Europe de la défense.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Engagement de la procédure accélérée pour l'examen d'un projet de loi

M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 20 mars 2013.

5

Articles additionnels après l’article 4 sexies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Articles additionnels après l'article 4 sexies (suite)

Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

Dans la discussion des articles, nous avons entamé l’examen des amendements portant article additionnel après l’article 4 sexies.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4 septies (nouveau)

Articles additionnels après l'article 4 sexies (suite)

M. le président. L'amendement n° 163 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Eblé, Vincent et Rome, Mme Lepage et MM. Daudigny, Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'article 4 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 235 ter ZD bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au I, les mots : « des titres de capital, au sens de l'article L. 212-1 A du code monétaire et financier » sont remplacés par les mots : « des instruments financiers, au sens de l'article L. 211-1 du code monétaire et financier » ;

2° Le III est ainsi rédigé :

« III. – La taxe due est égale à 0,01 % du montant des ordres annulés ou modifiés. » ;

3° Le IV est abrogé.

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Le présent amendement vise à taxer l’ensemble des opérations de trading à haute fréquence, qui illustrent assez bien la folie spéculative qui s’est emparée des marchés financiers.

Représentant désormais 35% des transactions sur les marchés financiers, le trading à haute fréquence parasite leur bon fonctionnement. Il crée une liquidité artificielle, rompt l’équité concurrentielle entre les intervenants, introduit des asymétries d’information et favorise les variations brutales de cours, ainsi qu’une vision à très court terme. Il crée en outre de nouvelles possibilités de manipulation des cours et d’abus de marché.

Celles et ceux qui siègent à la gauche de cet hémicycle approuveront certainement ces propos puisque je les ai empruntés à Nicole Bricq, qui s’était exprimée en ces termes en 2011, en tant que rapporteur générale de la commission des finances.

Afin de mettre un frein au développement de cette technique, la loi du 14 mars 2012 a institué une taxe. Toutefois, les conditions de mise en œuvre de celle-ci, qui ne concerne du reste que les actions, n’ont pas permis de juguler le trading à haute fréquence.

De très nombreuses opérations sont en fait exonérées : d’abord, parce que la taxe ne concerne pas les activités de tenue de marché, qui représentent la grande majorité des opérations de trading à haute fréquence ; ensuite, parce que, ces opérations n’étant taxables que si leur proportion par rapport au total des ordres introduits sur une journée dépasse 80 %, chaque opération supérieure à une demi-seconde permet de défiscaliser quatre opérations de trading à haute fréquence.

Nous proposons donc par cet amendement, non d’interdire le trading à haute fréquence, mais de taxer l’ensemble des opérations de trading à haute fréquence, y compris celles qui correspondent à des activités de tenue de marché, l’objectif étant aussi de procurer des ressources supplémentaires pour financer nos actions publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. J’ai précédemment développé les arguments de la commission en présentant son avis sur l’amendement n° 83 rectifié. La commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Même avis.

M. le président. Madame Rossignol, l'amendement n° 163 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 163 rectifié bis est retiré.

Chapitre IV

Répression des abus de marché

(Division et intitulé nouveaux)

Articles additionnels après l'article 4 sexies (suite)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4 octies (nouveau)

Article 4 septies (nouveau)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa et à la première phrase du dernier alinéa de l’article L. 465-1, après la première occurrence du mot : « réaliser », sont insérés les mots : « , de tenter de réaliser » ;

2° Au second alinéa de l’article L. 465-2, après le mot : « répandre », sont insérés les mots : « ou de tenter de répandre » ;

3° Au premier alinéa des c et d du II de l’article L. 621-15, les mots : « ou s’est livrée à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou » sont remplacés par les mots : « , à une manipulation de cours, à la diffusion d’une fausse information ou s’est livrée ». – (Adopté.)

Article 4 septies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 4 nonies (nouveau)

Article 4 octies (nouveau)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 465-1 et au second alinéa de l’article L. 465-2, après la première occurrence des mots : « marché réglementé », sont insérés les mots : « ou négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 465-2, après le mot : « réglementé », sont insérés les mots : « ou d’un système multilatéral de négociation » ;

3° Le second alinéa du I de l’article L. 621-9 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sont également soumis au contrôle de l’Autorité des marchés financiers les instruments financiers négociés sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lesquels une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée. » ;

4° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« - un instrument financier négocié sur un système multilatéral de négociation, admis à la négociation sur un tel marché ou pour lequel une demande d’admission à la négociation sur un tel marché a été présentée ; ». – (Adopté.)

Article 4 octies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Articles additionnels après l'article 4 nonies

Article 4 nonies (nouveau)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 465-2, il est inséré un article L. 465-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 465-2-1. - Est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article L. 465-1 le fait :

« - pour toute personne de transmettre des données ou des informations fausses ou trompeuses utilisées pour calculer un indice défini au dernier alinéa du présent article ou de nature à fausser le cours d’un instrument ou d’un actif auquel serait lié cet indice, lorsque la personne ayant transmis les données ou les informations savait ou aurait dû savoir qu’elles étaient fausses ou trompeuses ;

« - pour toute personne d’adopter tout autre comportement aboutissant à la manipulation du calcul d’un indice.

« Constitue un indice toute donnée diffusée calculée à partir de la valeur ou du prix, constaté ou estimé, d’un ou plusieurs sous-jacents, d’un ou plusieurs taux d’intérêt constaté ou estimé, ou de toute autre valeur ou mesure, et par référence à laquelle est déterminé le montant payable au titre d’un instrument financier ou la valeur d’un instrument financier. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 465-3, la référence : « et L. 465-2 » est remplacée par les références : « , L. 465-2 et L. 465-2-1 » ;

3° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« - un indice tel que défini à l’article L. 465-2-1 ; ».

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l'article.

M. Vincent Delahaye. N’ayant pas pu prendre la parole au début de l’examen du titre Ier bis, je souhaite intervenir avant que nous passions au titre II.

Ce projet de loi me laisse perplexe. Les objectifs affichés sont alignés sur les promesses de campagne : « Il faut tordre le cou à la finance, la mettre à genoux », « Notre ennemi invisible, c’est la finance », etc. Or la réalité du projet est très éloignée de ces déclarations.

Le talon d’Achille de ce texte est le titre Ier, censé pourtant en être le cœur. Il a pour objet de séparer les activités bancaires utiles à l’économie des activités spéculatives. Mais la montagne a accouché d’une souris… Le lobby bancaire a joué efficacement son rôle ! Vous avez réfléchi, nous avez-vous dit, monsieur le ministre, et d’un projet de séparation nous sommes passés à un projet de cantonnement, à travers la création d’une filiale d’un nouveau type puisque les maisons mères sont normalement responsables des filiales et que, en l’occurrence, ce ne sera plus le cas.

Certains regrettent la minceur du résultat au regard des annonces faites, d’autres s’en félicitent. Je fais plutôt partie de la deuxième catégorie, car je n’ai jamais été partisan d’une séparation idéologique des activités bancaires et d’un affaiblissement de notre industrie bancaire. Je me réjouis donc que le Président de la République ne tienne pas son engagement et que la réforme bancaire reste bien en deçà des promesses de campagne.

J’en viens à quelques remarques s’appuyant sur mon engagement européen.

Je soutiens le Gouvernement dans sa participation à la mise en place d’une union bancaire européenne, mais je ne souhaite pas que la France fasse cavalier seul.

Selon moi, sur le sujet qui nous intéresse, à savoir les mesures à prendre pour éviter d’être de nouveau surpris par une crise majeure du système bancaire, il faut « jouer collectif ». Sous l’impulsion du G20, un travail considérable de renforcement de la régulation prudentielle des banques a été entrepris depuis 2008. Il faut le poursuivre dans un cadre européen. Le rapport Liikanen devrait être suivi d’une directive sur la réglementation bancaire, qu’il nous faudra transposer. Il m’aurait semblé logique d’attendre cette transposition pour modifier notre législation.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est-il de nature à empêcher tout nouveau problème ?

Ce texte ne protège en rien la communauté nationale des dérives de la finance de marché. Pire : affirmer qu’il y a séparation dans ce cas est un faux-semblant, qui crée un sentiment illusoire de sécurité. C’est très dangereux !

Le critère choisi par le Gouvernement pour établir la frontière entre les activités pouvant rester du côté des dépôts et celles devant être filialisées peut sembler à première vue de bon sens : activités utiles au financement de l’économie versus activités spéculatives. Les apparences sont ici trompeuses.

L’utilité est définie comme le fait d’avoir un client. Avec ce critère « mou » retenu par le Gouvernement, quand une banque structure un produit complexe de spéculation sur matières premières agricoles et le vend à un client, quel qu’il soit et où qu’il se trouve, cette opération est du côté des dépôts. Elle bénéficie donc de facto de la garantie publique. De la même manière, l’immense masse des opérations sur dérivés reste du côté des dépôts.

Le projet de loi présenté filialise une part infime des activités des banques. Certains parlent même de moins de 1 % du bilan des banques, voire de 0,1 %. Ce n’est pas pour rien qu’aucun chiffre ne figure dans l’étude l’impact !

Pourtant, depuis 2008, qu’est-ce qui a coûté cher aux contribuables français ? C’est la faillite de Dexia, dont les conséquences financières ne sont pas encore connues, mais se chiffrent en milliards d’euros.

L’État actionnaire est loin d’être toujours à la hauteur de ses responsabilités. L’État propriétaire ne fait malheureusement pas mieux. Et l’on peut en dire autant, bien souvent, de l’État employeur !

J’aimerais vous entendre, monsieur le ministre, sur les améliorations que vous envisagez d’apporter sur ces points. À quand les réformes nous mettant à l’abri des gros pépins ?

En attendant, je m’abstiendrai sur ce texte. D’un côté, il apporte sans doute des améliorations, mais, de l’autre, il ne s’inscrit pas dans un travail collectif européen, ce que je regrette. Il donnera le sentiment aux Français que tout est réglé dans le secteur bancaire – ce qui est loin d’être le cas –, et c’est ce que je redoute !

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, sur l'article.

M. Philippe Marini. Notre collègue Vincent Delahaye a évoqué les marchés de dérivés sur matières premières. Je sais que le ministre et ses services sont attentifs à ce secteur d’activité.

Je rappelle que la société MATIF SA, filiale d’Euronext, a toujours une activité importante en ce domaine. Elle a défini, selon le droit français, des contrats qui sont appréciés des acteurs de ces marchés. Il s’agit bien de transactions réglementées, offrant un degré satisfaisant de transparence.

Or nous pouvons être préoccupés, monsieur le ministre, par l’évolution capitalistique de NYSE Euronext. Notre rapporteur, Richard Yung, connaît bien ce sujet. Des opérations sont intervenues qui sont susceptibles de permettre aux investisseurs financiers de la place de Paris représentatifs des banques et des assurances de reprendre pied dans l’actionnariat des bourses fédérées par Euronext : Paris, Bruxelles, Amsterdam, Lisbonne.

Je sais bien que ce sujet qui concerne une entreprise cotée est complexe et qu’il faut veiller à ce que les acteurs privés puissent prendre position selon les règles du marché. Toutefois, je saisis l’occasion qui m’est donnée en cet instant pour rappeler qu’avec Euronext se présente une opportunité de structurer le marché des opérations à terme sur les matières premières, ce qui répond à de réels besoins économiques, la France étant, comme chacun le sait, un État dont les agro-ressources sont un élément d’excellence et de compétitivité internationale.

Ainsi, parmi les sujets de préoccupation que nous pouvons exprimer au Sénat, figure bien la nécessité d’obtenir plus de transparence dans ce type de transactions et de maintenir à Paris un pôle d’excellence, avec des transactions portant sur des contrats régis par le droit français.

M. le président. Je mets aux voix l'article 4 nonies.

(L'article 4 nonies est adopté.)

Article 4 nonies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 5

Articles additionnels après l'article 4 nonies

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre V du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L’assemblée générale ordinaire des actionnaires se prononce annuellement sur l’enveloppe des rémunérations de toutes natures des dirigeants responsables au sens des articles L. 511–13 et L. 532–2 et des catégories de personnel, incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre 1er ter

Encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Ce projet de loi peut paraître complexe, plusieurs de ses articles étant extrêmement techniques. D’autres articles le sont un peu moins et peuvent être compris par tous. C’est le cas de l’article additionnel que vise à introduire cet amendement, qui traite de la rémunération des hauts dirigeants des banques ainsi que des salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société considérée : en d’autres termes, les mandataires sociaux et les traders.

Dans cet amendement, je suggère que l’assemblée générale des actionnaires puisse annuellement décider de l’enveloppe globale de la rémunération des hauts dirigeants, qui représente environ 1 % de la masse salariale dans chaque établissement bancaire.

La Cour des comptes, dans son rapport paru en 2013, préconise que l’assemblée générale des actionnaires soit consultée sur ce point. Je vais plus loin en souhaitant qu’elle soit décisionnaire. On a dit hier qu’il fallait que la faute soit payée. Il me semble que ceux qui sont les propriétaires doivent aussi pouvoir décider.

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à donner à l’assemblée générale un pouvoir de contrôle accru sur la rémunération de ces dirigeants et traders. Elle devra se prononcer sur le niveau global des rémunérations de ces personnes.

Je le répète, cet amendement reprend une recommandation de la Cour des comptes, mais il va un peu plus loin, car nous considérons que le fait, pour l’assemblée générale des actionnaires, d’être consultée en la matière n’est pas suffisant et qu’elle doit pouvoir décider.

Cette mesure a vocation à s’intégrer dans un arsenal législatif à venir concernant l’encadrement des rémunérations de toutes natures dans la finance, là où s’applique le principe de ce qu’on appelle le say on pay. Celui-ci a permis de réguler certaines extravagances, l’assemblée générale sanctionnant en effet les dirigeants qui s’octroient des augmentations alors même que le groupe qu’ils dirigent connaît des difficultés. C’est cela qu’il faut modifier, et c’est le bon sens qui, en l’espèce, doit prévaloir.

L’encadrement des rémunérations dans la finance est un élément essentiel de la régulation et de la lutte contre la spéculation. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur l’attente politique forte qui existe à cet égard. Les déclarations faites hier par le Premier ministre vont tout à fait, me semble-t-il, dans ce sens.

Tel est l’objet de l’amendement que je vous demande d’adopter afin de compléter ce projet de loi que, par ailleurs, j’approuve totalement. L’adoption de ma proposition renforcerait la lisibilité du texte et mettrait en lumière la volonté politique qui nous anime.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement dont nous sommes saisis est important et mérite une discussion approfondie. Les excès de rémunération dans un certain nombre d’entreprises, en particulier dans le secteur bancaire et financier, suscitent d'ailleurs de véritables débats au sein de l’opinion publique.

La partie fixe, en général relativement modeste – encore qu’on s’en contenterait souvent ! –, mais surtout la partie variable, indexée sur différents critères plus ou moins discutables, font s’envoler ces rémunérations jusqu’à 6 millions, 8 millions, voire 10 millions d’euros par an, ce qui, à juste titre, a été perçu comme inacceptable par l’opinion publique. Les gens qui vivent avec le SMIC en sont abasourdis et se demandent comment cela est possible !

Cela est d’autant moins acceptable que, dans un certain nombre de cas, ces rémunérations concernent des sociétés dont les performances sont moyennes ou en baisse, voire pis, et que cette mauvaise situation n’a pas de répercussion sur la rémunération des dirigeants. Je mets de côté, pour l’instant, cet aspect des choses puisque nous défendrons ultérieurement un amendement visant spécifiquement à empêcher les versements de bonus et de parts variables dans les cas où la société est en difficulté, du moins dans le secteur bancaire.

J’ajoute qu’il est aussi beaucoup question de ce sujet dans le monde anglo-saxon : les journaux britanniques et américains sont remplis d’articles sur la rémunération des dirigeants, ce qui explique d’ailleurs les réactions extrêmement fortes des Britanniques lors de l’adoption d’un certain nombre de dispositions, qui ne sont pas encore tout à fait formalisées, dans le cadre de la proposition législative de la Commission européenne, dite CRD4, sur la rémunération des dirigeants et des traders.

Le référendum qui a eu lieu en Suisse voilà une quinzaine de jours a été organisé à la suite de l’octroi d’un bonus de 70 millions d’euros au dirigeant de Sandoz lors de son départ de la société, dans des conditions d’ailleurs assez particulières. Le scandale a été tel que le dirigeant en question a dû rendre ces 70 millions d’euros à son entreprise. Ainsi est né le mouvement populaire qui a abouti au référendum suisse.

Enfin, comme l’a rappelé M. Vaugrenard, il y a le rapport de la Cour des comptes.

La volonté de contrôle de l’actionnaire se traduit dans le say on pay : les actionnaires, autrement dit les propriétaires de l’entreprise, se réunissent en assemblée générale, discutent, puis donnent un avis ou prennent une décision – c’est un des points dont nous débattrons – concernant la détermination des rémunérations. Cela existe dans un grand nombre de pays, y compris aux États-Unis. Ce n’est donc pas une innovation.

Pour ma part – je ne parle pas là au nom de la commission –, je trouve que ce système, même s’il faut l’encadrer, est meilleur que celui du comité des rémunérations. En effet, dans les grandes entreprises, les rémunérations dépendent en pratique d’un tout petit comité, composé de trois ou quatre administrateurs, qui sont en général des partenaires de tennis ou de golf… C’est ce petit groupe qui fixe les rémunérations des dirigeants et autres mandataires sociaux, et chacun comprend que c’est à charge de revanche : aujourd'hui, on se réunit pour le conseil d’administration de la société N et, demain, les mêmes – c’est le jeu des chaises musicales ! – se réuniront pour celui de la société W. Comme cela, tout fonctionne très bien !

Voilà quelques jours, une étude émanant de HEC – certes, on peut penser qu’elle est donc orientée – a été publiée, qui fait le point de la situation et parvient à la conclusion que le say on pay, donc l’implication de l’assemblée générale, agit très peu sur l’enveloppe des rémunérations concernées. Elle écrête, elle corrige les situations tout à fait exceptionnelles – c’est en tout cas ce que dit l’étude HEC –, mais elle ne modifie ni l’enveloppe de ces rémunérations ni, par conséquent, la rémunération moyenne. Le say on pay serait donc assez peu efficace.

Par ailleurs, la commission des lois de l’Assemblée nationale, institution éminemment respectable, a établi un rapport sur la question ; il a été publié la semaine dernière. Quant au Gouvernement, il prépare, pour l’été, un projet de loi, sur lequel nous aimerions, bien sûr, en savoir plus.

Le Parlement européen, pour sa part, est en débat dans le cadre du trilogue sur la rémunération des dirigeants et traders. Un certain nombre de règles semblent se dessiner : celle du 1/1, qui interdit que la part variable soit supérieure à la partie fixe et celle selon laquelle au moins la moitié de la part variable devrait être payée sous forme d’actifs de la société concernée.

Le rapport de l’Assemblée nationale comporte une proposition n° 16 qui traite de ce problème. Permettez-moi de vous en donner partiellement lecture :

« Imposer aux grandes entreprises une obligation légale de publier des rapports spécifiquement consacrés à la présentation de leur politique de rémunération de leurs dirigeants-mandataires et à la description lisible, précise et exhaustive des rémunérations individuellement perçues par ces derniers ;

« Modifier la loi pour reconnaître à l’assemblée générale des actionnaires un droit de vote qui serait :

« - triennal et ex ante » – c'est-à-dire avant que les rémunérations aient été versées – « lorsqu’il porterait sur les principes et les grandes lignes de la politique de rémunération des dirigeants-mandataires sociaux pour les trois années à venir ;

« - annuel et ex post » – c'est-à-dire après que les rémunérations auront été versées, ce qui constituerait une sorte d’examen critique de ces rémunérations – « lorsqu’il porterait sur le détail des rémunérations – fixes et variables, mais aussi sous forme d’indemnités de bienvenue, de départ et de non-concurrence – perçues individuellement par les dirigeants-mandataires sociaux au cours de l’exercice précédant l’assemblée générale. »

La rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale propose ensuite de « reconnaître aux actionnaires un droit de veto sur les principes et le détail des rémunérations dès lors qu’une majorité des deux tiers des actionnaires réunis en assemblée générale exprime un vote négatif ». C’est donc un système de majorité semblable à celui que nous connaissons pour les nominations dans un certain d’instances du type Hauts Conseils.

Le co-rapporteur est d’un avis différent puisqu’il propose de « conférer au vote des actionnaires un caractère purement consultatif ».

Les deux formules sont donc sur la table.

En conclusion, j’indique que notre commission a souhaité s’en remettre à la sagesse du Sénat sur cet amendement. Conscients de ces différents problèmes, nous souhaitons savoir, avant que le Sénat ne se prononce, ce que le Gouvernement entend faire dans les mois qui viennent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour répondre à M. Marini, je dirai d’abord, comme je l'ai fait en commission, que je suis de près l'évolution de la situation d’Euronext. Je serai évidemment attentif aux développements qui pourront se produire dans les prochains mois. Ma réponse n’est pas évasive ; elle traduit simplement mon attachement au maintien à Paris d'un groupe boursier fort, capable de fournir des services utiles aux émetteurs et aux investisseurs, notamment au MATIF pour les matières premières agricoles.

J'en viens à l'amendement présenté par Yannick Vaugrenard, ainsi qu’aux explications apportées par le rapporteur.

Cet amendement tend à prévoir que l'assemblée générale se prononce sur l'enveloppe des rémunérations accordées aux mandataires sociaux et aux salariés dont les activités ont une incidence significative sur le profil de risque de la société.

Nous avons bien évidemment une convergence de vues sur l'objectif poursuivi. La proposition de la commission des affaires économiques rejoint la réflexion du Gouvernement sur les mécanismes de limitation des rémunérations indécentes et sur la possibilité qui pourrait être offerte aux actionnaires de s'exprimer sur la politique de rémunération des entreprises.

Toute la question est cependant de savoir par quel véhicule législatif, à quel moment et sous quelle forme cette idée peut être transcrite dans la loi.

Sur les bonus des traders et des dirigeants, la discussion a énormément progressé dans le cadre des discussions sur la future directive CRD IV, qui devraient aboutir dans les jours à venir. Cela tient en grande partie à la France, qui a permis de dégager une majorité qualifiée sur un accord ambitieux, basé sur une proposition du Parlement européen, dont je veux saluer le travail.

Si les discussions parviennent à leur terme, ce qui devrait être le cas, la part variable des rémunérations ne pourrait pas dépasser la part fixe. J'insiste sur ce point, car c'est une victoire politique considérable ! Songez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’avec les règles internes en vigueur des établissements de la City le rapport est plutôt d’un pour neuf, ce qui explique une bonne part des résistances à l’œuvre de l'autre côté de la Manche. Toutefois, nos amis Britanniques sont bien obligés de constater qu’il y a là un mouvement qui dépasse les frontières de tel ou tel pays. Vous avez mentionné la Suisse, dont j’avais également évoqué la situation.

Ainsi, au conseil Ecofin, le ministre britannique a cherché à apporter des amendements, mais n’a évoqué ni une remise en question du texte ni un éventuel veto. Une telle démarche ne serait de toute façon plus du tout comprise par l'opinion publique.

Sur la politique de rémunération générale, le Premier ministre a annoncé son intention de déposer rapidement un projet de loi comprenant notamment les dispositions que vous avez envisagées, monsieur Vaugrenard.

Il faudra discuter aussi avec les représentants des professions, car certains aspects peuvent être intégrés dans un code de conduite ; d'autres sont, en revanche, de nature législative. Nous devrions pouvoir proposer rapidement des mesures qui concerneront l'ensemble de nos entreprises. Ce chantier, le Premier ministre m'a demandé de m’en charger et les choses ont d’ores et déjà beaucoup avancé.

Je veux rappeler que ce gouvernement a fait en sorte que les écarts de rémunération dans les entreprises publiques – il ne s’agit pas ici des entreprises privées – ne dépassent pas un rapport d’un à vingt. Ainsi, dans les entreprises publiques majoritairement détenues par l'État, aucun salaire ne dépasse aujourd'hui 450 000 euros, ce qui est déjà une somme très respectable ! Un certain nombre de dirigeants d'entreprises publiques, dont je ne citerai pas les noms, ont ainsi vu leur rémunération, fixe et variable, divisée de moitié, voire plus.

De la sorte, nous sommes revenus dans l’épure de ce que j'appellerai la décence. Celle-ci doit s'appliquer à tous, et il me semble qu’un effort semblable doit être fourni par les entreprises privées, tout en tenant compte évidemment des différences de structures, même si, je le redis, cela ne passera pas par le même canal.

Pour en revenir à l’amendement, la question qui se pose est la suivante : faut-il légiférer maintenant dans le cadre de ce projet de loi, ou plutôt attendre la conclusion des discussions sur la proposition de directive CRD IV, qui ne saurait tarder, et la présentation par le Gouvernement de son projet de loi sur la gouvernance et sur la rémunération des dirigeants ? J’opterai plutôt pour la seconde solution, je vous l’avoue. Je le dis d'autant plus facilement que je serai amené à présenter également ce dernier texte. Il me semble que, de la sorte, notre démarche sera plus forte, plus percutante et plus globale.

J'ajoute que l'amendement tel qu'il est rédigé, même si j'en partage la philosophie, peut soulever un certain nombre de problèmes. On ne sait pas notamment ce qui se passerait en cas de vote négatif ; cela pourrait entraîner un réel risque juridique.

Afin de supprimer toute ambiguïté, peut-être vaudrait-il mieux prévoir une brève suspension de séance. La volonté du Gouvernement rejoint tout à fait la vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs : nous voulons avancer, réguler, moraliser et introduire de la décence. Dans le même temps, j’aimerais qu'une réflexion soit menée sur le calendrier et sur le véhicule législatif. Honnêtement, sauf à modifier la rédaction de cet amendement, possibilité que je laisse ouverte, pour atténuer un peu, à ce stade, ses effets, il me semble préférable d'attendre le projet de loi sur la gouvernance et sur la rémunération des dirigeants.

Je voudrais en discuter quelques instants avec le président de la commission des affaires économiques, le rapporteur et le rapporteur pour avis, s'ils en sont d'accord, raison pour laquelle une suspension de séance me paraîtrait souhaitable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

M. Philippe Marini. Tant que cet amendement est en circulation, je peux m'exprimer à son sujet ! (Sourires.)

Je souscris à la plupart des propos tenus par le rapporteur et par le ministre. Ma question est la suivante : le renforcement de la compétence des assemblées générales en matière de politique de rémunération des dirigeants doit-il prioritairement prendre place dans un texte qui ne vise que le secteur bancaire ? Ne serait-il pas préférable que cette avancée de notre droit des sociétés commerciales couvre tous les secteurs d'activité ?

À titre personnel, je préférerais cette dernière approche, s’il était possible de soumettre au Parlement dans les prochains mois un texte législatif traitant de la gouvernance des entreprises.

Au demeurant, on le sait, il y a plusieurs façons d’aborder le sujet. Certains préconisent un vote consultatif global de l'assemblée générale sur l'ensemble des rémunérations des dirigeants. L'initiative utile de notre commission des affaires économiques relative au secteur bancaire va plus loin puisque l’amendement ajoute, en plus des dirigeants, les preneurs de risques, qui doivent être juridiquement définis, ce qui n'est pas si simple. Sont également visés les personnes exerçant une fonction de contrôle et les salariés les mieux rémunérés dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque. On comprend qu'il s'agit là des opérateurs de marché, en d'autres termes des traders.

Ces différentes personnes forment un ensemble hétérogène qui, si j’ai bien compris, ferait l'objet d'une appréciation globale de l'assemblée générale. Cette appréciation globale serait-elle significative ? Ne serait-il pas préférable de s'interroger sur les principes de rémunération des dirigeants, d'une part, et sur ceux des opérateurs et autres salariés hautement rémunérés, d'autre part ?

Doit-on aller au-delà de la législation et des pratiques actuelles, et prévoir que, dans certains cas, l'information de l'assemblée générale devrait être plus précise que la simple prise de connaissance d’une enveloppe ? Quelles sont les règles à appliquer ? Le vote de l'assemblée générale doit-il être annuel ou porter sur une période plus longue ? Est-il consultatif ou contraignant ?

Il y a là de réels problèmes de fond que nous devons traiter en étant très attentifs aux législations en vigueur chez nos principaux voisins et à aux évolutions qu’elles connaissent, comme c’est actuellement le cas en Grande-Bretagne.

Au final, même si l'initiative de la commission des affaires économiques est utile, car elle permet au Sénat d’aborder un sujet important et d'imprimer quelque peu sa marque sur le débat, le texte qui nous est soumis n'est pas encore, me semble-t-il, suffisamment mûr du point de vue de sa rédaction technique.

Par ailleurs, il est peut-être critiquable dans la mesure où son application sectorielle ne saurait suffire, la gouvernance des entreprises commerciales, des grandes sociétés cotées en particulier, ayant vocation à évoluer dans ce domaine.

J'espère que la suspension souhaitée par M. le ministre permettra de trouver la juste voie sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, je demande une suspension de séance.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à seize heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, la commission des affaires économiques rectifie son amendement n° 2 rectifié, afin de remplacer « se prononce » par « est consultée ».

Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas la même chose !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais ce n’est déjà pas si mal !

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. L’adoption de l’amendement marquerait tout de même une avancée par rapport à la pratique actuelle. En effet, la transparence à l’égard de l’assemblée générale des actionnaires serait accrue.

Bien évidemment, il ne s’agit là que d’une première étape, permettant d’aller un peu plus loin. Pour le reste, je fais confiance à M. le ministre, qui nous a annoncé qu’un texte était en préparation. Néanmoins, dans la gradation vers la transparence à l’égard des actionnaires, une phase intermédiaire serait ainsi ouverte.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, et qui est ainsi libellé :

I. Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre V du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - L’assemblée générale ordinaire des actionnaires est consultée annuellement sur l’enveloppe des rémunérations de toutes natures des dirigeants responsables au sens des articles L. 511–13 et L. 532–2 et des catégories de personnel, incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe. »

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :

Titre 1er ter

Encadrement des rémunérations dans le secteur bancaire

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

Comme l’a déclaré M. Raoul, cet amendement permet une avancée tout en ménageant l’avenir et ouvre la voie à une approche qui mérite d’être plus globale et encore plus précise.

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

M. Éric Bocquet. Pour leur part, les membres du groupe CRC regrettent la rectification qui vient d’être faite. En effet, nous étions tout à fait disposés à voter l’amendement présenté par notre collègue Yannick Vaugrenard.

Bien évidemment, on peut toujours « lambiner » en évoquant la prise de risque des dirigeants des établissements bancaires. Mais, franchement, mes chers collègues, ces derniers ne font-ils pas prendre de risques aux peuples qu’ils dirigent ? Je n’oublie ni nos amis Espagnols ni nos amis Grecs, et on pourrait aussi parler des Chypriotes.

Comme nous le disions hier dans la discussion générale, les finances ne sont pas incompatibles avec un peu de démocratie. À mes yeux, elles peuvent même très bien se coordonner. Du reste, il y a urgence à légiférer sur le sujet pour garantir l’avenir de la démocratie dans notre République.

Une décision prise par les actionnaires, c’est un peu de démocratie. À tout le moins, c’est une décision à caractère humain, non soumise à je ne sais quel phénomène de spéculation ou à des algorithmes savants qui décident des transactions boursières à la place des hommes. C’est une décision que les hommes et les femmes peuvent prendre en responsabilité. Cela ne ferait donc pas de mal…

Du reste, la démocratie ne règle pas tout : on l’a vu, la votation par laquelle nos amis Suisses ont décidé de limiter les rémunérations n’a nullement empêché UBS de considérablement augmenter celle de son président.

Tout pas en avant, aussi modeste soit-il, vers plus de démocratie et de transparence nous convient. Par conséquent, nous ne voterons pas l’amendement dans sa nouvelle version.

M. le président. La parole est à Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Pour ma part, je veux être positif : je considère que cet amendement, qui, je l’espère, sera voté, manifeste la volonté clairement exprimée par notre Haute Assemblée qu’un contrôle soit exercé sur l’enveloppe globale des rémunérations des dirigeants des grandes banques.

En outre, cette démarche envoie un signal important à l’opinion publique.

Monsieur Bocquet, j’aurais peut-être préféré une autre solution, mais, dans la vie, il faut savoir écouter les avis des uns et des autres, et négocier !

Monsieur le ministre, j’ai apprécié que vous ayez fait état de notre convergence de vues, dont je ne doutais d’ailleurs pas : votre objectif coïncide avec celui que la commission des affaires économiques s’est fixé, à l’unanimité de ses membres.

Je considère qu’une première étape extrêmement importante est franchie. En effet, je n’imagine pas un instant que le fait que l’assemblée générale des actionnaires soit informée de la réalité des rémunérations ne puisse pas peser sur le reste. C’est cet élément déterminant, qui me semble répondre au souci partagé par tous, qui m’a fait accepter la proposition faite par le président de la commission des affaires économiques.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les membres du groupe écologiste étaient favorables à la rédaction initiale de l’amendement n° 2 rectifié.

Toutefois, comprenant qu’il n’était pas facile pour le groupe majoritaire de la majorité sénatoriale de déboucher sur un consensus, nous nous rallions bien volontiers à l’amendement n° 2 rectifié bis, que nous voterons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 nonies.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 225-177 du code de commerce est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Les entreprises relevant du code monétaire et financier ne peuvent bénéficier de la faculté ouverte par le présent article s'agissant de la distribution d'options de souscription ou d'achat d'actions.

« Les autorisations antérieures à la date de publication de la loi n° … du … de séparation et de régulation des activités bancaires sont valables jusqu'à leur terme.

« Au titre de la maîtrise des risques, et pour une année donnée, les entreprises relevant du même code ne peuvent verser à leurs mandataires sociaux une part variable de rémunération, de toute nature, supérieure à la part fixe. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Au cours des explications qui viennent d’être données me revenait une petite musique : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement. » La seule chose que je crois avoir comprise est qu’il était urgent d’attendre ! Après ces palinodies,…

M. Jean-Pierre Caffet. « Palinodies » ?...

M. Pierre-Yves Collombat. Oui, et j'y tiens !

Après ces palinodies, disais-je, j’ai conscience du caractère incongru de cet amendement qui tend à la suppression des stock-options et au plafonnement des bonus. J’ai pour excuse d’avoir des complices, par exemple François Hollande, qui avait annoncé que les stock-options seraient supprimées, mais il est vrai qu’il n’avait pas donné de date… Ce sera donc peut-être pour le prochain quinquennat ! (Mme Éliane Assassi s’esclaffe).

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 119 rectifié bis est présenté par Mmes Lienemann et Rossignol et MM. Godefroy, Dilain, Teulade, Chastan et Vandierendonck.

L'amendement n° 258 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article L. 225-177 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les entreprises relevant du code monétaire et financier ne peuvent bénéficier de la faculté ouverte par le présent article s’agissant de la distribution d’options de souscription ou d’achat d’actions. »

II. – Les autorisations antérieures à la date de publication de la présente loi sont valables jusqu’à leur terme.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 119 rectifié bis.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur Collombat, nous avons de bonnes références : nous avons retenu l’un et l’autre le discours qu’a tenu à Rouen, le 15 février 2012, François Hollande ! Alors candidat à l’élection présidentielle, il prenait des engagements relatifs au système bancaire et annonçait que les stock-options seraient supprimées et les bonus encadrés.

C’est pourquoi je me suis permis de déposer un amendement qui tend précisément à supprimer les stock-options dans les groupes bancaires. On le sait, ces instruments incitent à prendre plus de risques et procurent des enrichissements dont la cause est hautement discutable, car ils peuvent résulter d’une performance boursière générale et non d’une « surperformance » de l’entreprise.

Je pense en effet que débat sur les stock-options mérite d’être plus largement posé, mais, pour être franche, je vois une grande différence structurelle entre un informaticien de très haut niveau qui travaille à MATRA Systems sur des technologies en pointe qui apporteront des évolutions industrielles majeures et les dirigeants des grandes banques, qui spéculent ou pas mais qui n’ont en tout cas pas besoin de salaires et de bonus aussi élevés pour être performants.

Je préconise donc, monsieur le ministre, la suppression des stock-options dans le système bancaire.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 258 rectifié.

M. Jean Desessard. En écho à l'engagement n° 7 du Président de la République, cet amendement tend à interdire les stock-options dans le secteur bancaire.

Les stock-options permettent à leur détenteur d'acheter une action à une date et à un prix déterminés d'avance. Si, à cette date, le cours de l'action est supérieur au prix convenu, l'option est levée et son détenteur empoche alors la différence.

Apparu en France dans les années soixante-dix, installé dans les années quatre-vingt puis vraiment utilisé dans les années quatre-vingt-dix, ce système de rémunération des dirigeants a accompagné la grande épopée de la dérégulation libérale venue du monde anglo-saxon.

J’expliquais hier que le secteur industriel nécessitait des investissements de long terme. Mais, alors que l'intérêt des dirigeants des grandes industries familiales était la pérennité de l'entreprise par-delà les générations, l'intérêt du dirigeant moderne repu de stock-options devient le profit immédiat que peut procurer la variation quotidienne du cours de la bourse.

Par exemple, le déclenchement d’une offre publique d’achat contre une entreprise peut faire, du jour au lendemain, la fortune personnelle de son dirigeant, qui peut donc trouver intérêt à cette attaque qui fait augmenter le cours de l’action et lui permet d’empocher une plus-value. Les « vertus » incitatives, puisque l’on parle beaucoup de vertu, de son mode de rémunération ne sont donc pas vraiment évidentes.

Ces dernières années, de nombreux scandales financiers ont éclaté autour de l'usage abusif de ces rémunérations, tant en France qu'aux États-Unis. Il nous semble donc avisé de renoncer aux stock-options, avec toutefois une exception pour les entreprises naissantes, les startup, pour lesquelles ce système permet d’offrir aux salariés une rémunération différée en cas de succès.

En attendant sa généralisation, promise par le Président de la République et esquissée hier par le Premier ministre, cet amendement vise donc à l’interdiction des stock-options dans le secteur bancaire, particulièrement exposé aux prises de risques intempestives qu’engendrent des rémunérations abusives.

M. le président. L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 225-102-1 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Dans les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, la part variable de rémunération et les avantages de toute nature attribués annuellement aux président du conseil d’administration, président directeur général, directeurs généraux délégués et membres du directoire ou du conseil de surveillance ne peuvent être supérieurs à la part fixe. Ces dispositions sont également applicables aux salariés des personnes morales mentionnées aux articles L. 511-1 et L. 531-4 du code monétaire et financier, lorsque l’activité de ces salariés est susceptible d’avoir une incidence significative sur l’exposition aux risques de l’entreprise, ainsi qu’aux professionnels de marché sous le contrôle desquels opèrent ces salariés. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Le moins que l'on puisse dire est que cet amendement a une origine précise.

Première source de notre réflexion, il nous est apparu que les auteurs du collectif budgétaire d'octobre 2008, où figurait le plan de sauvetage des banques françaises, qui ne mobilisait pas moins de 360 milliards d'euros de « droit de tirage » – soit un niveau presque comparable au budget –, avaient, dans un premier temps, oublié d’imposer quelques principes de savoir-vivre – de « vertu », diraient certains de nos collègues – aux dirigeants des établissements de crédit.

Ainsi, l'article 6 de la loi de finances rectificative indiquait notamment : « Les établissements concernés passent une convention avec l'État qui fixe les contreparties de la garantie, notamment en ce qui concerne le financement des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. Cette convention précise également les engagements des établissements et de leurs dirigeants sur des règles éthiques conformes à l'intérêt général ».

Chacun en conviendra, cela n'était pas particulièrement contraignant...

Beaucoup plus récemment, une votation citoyenne, organisée dans un pays voisin, pourtant réputé pour la solidité et le sérieux de son secteur bancaire, a été l'occasion de constater que la grande majorité des électeurs était favorable au plafonnement de la rémunération des dirigeants d'établissements bancaires…

Les majorités observées pour cette votation étaient d'ailleurs sans équivoque : 67,9 % des électeurs ont voté en faveur de la limitation des rémunérations des grands dirigeants d'entreprises et, singulièrement, de banques. La proportion a atteint 67,7 % dans le canton de Genève, 70,3 % dans le canton de Berne et même plus de 77 % dans le canton romand du Jura. Avec la même assurance, le canton de Zurich s’est prononcé en faveur de la limitation des rémunérations avec plus de 70 % de votes favorables et même le canton alémanique de Zoug, connu pour être un paradis fiscal encore plus remarquable que les autres cantons suisses, a voté « oui » à plus de 58 % !

Une telle situation ne peut que nous encourager à faire évoluer la législation française.

Une bonne part des dérives que nous avons pu constater depuis une trentaine d’années dans la gestion de nos banques est d'ailleurs due à des formes nouvelles de rémunération des cadres dirigeants. Elles font de la rentabilité obtenue coûte que coûte, de ce que l'on dénomme la « création de valeur », un des éléments déterminants de la rémunération.

Ces dérives, ces abus, ces parachutes dorés et autres retraites chapeau, ces « golden hello », comme disent les Anglais, et ces plans d'option d'achat d'actions, il convient de les limiter, sinon d'y mettre un terme !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Les quatre amendements traitent des mêmes sujets, mais de façon un peu différente…

Je formulerai préalablement deux remarques générales.

D’abord, je rappellerai qu’à l’origine, comme l’a fort bien dit M. Desessard, les stock-options ont été introduites pour permettre un versement différé de leurs rémunérations aux créateurs de sociétés en développement, de startup, parfois en difficulté à leurs débuts. C’était donc un dispositif plutôt « vertueux », pour employer un mot que vous aimez particulièrement, monsieur Desessard. Par la suite, le dispositif a été dévoyé, en particulier dans les grandes entreprises et dans les institutions financières.

Le mécanisme est relativement simple : par contrat, l’entreprise garantit à un dirigeant la possibilité d’acheter des actions à une valeur « 100 » puis de les revendre, après un certain délai mais à un moment qu’il choisira lui-même, en général à un ou deux ans plus tard, au prix du marché. Il suffit donc d’attendre que la valeur atteigne « 180 » ou « 200 » puis empocher la plus-value.

Il s’agit d’une rémunération que je qualifierai de « sèche », qui ne correspond à aucun mérite et n’encourage guère le travail. Les auteurs des amendements ont cité plusieurs fois le Président de la République, et je crois que nous sommes en effet tous d’accord sur la nécessité de revoir ce mécanisme et d’interdire les stock-options, encore qu’il faudra sans doute distinguer le cas des startup,

L’autre remarque concerne le rapport entre la part fixe et la part variable des rémunérations. Aujourd'hui, la part variable représente souvent huit, voire dix fois la part fixe, ce qui permet d’afficher une rémunération « modeste », si l’on peut dire, alors qu’il s’agit en réalité de dix fois plus.

J’en viens aux amendements.

L’amendement n° 44 rectifié prévoit l’interdiction de distribuer des options de souscription, avec certains aménagements de délais, et, au titre de la maîtrise des risques, l’interdiction pour les entreprises relevant du code monétaire et financier de verser à leurs mandataires sociaux une part variable de rémunération supérieure à la part fixe.

M. Collombat dira, bien sûr, qu’il s’agit de « palinodies » – je lui rappelle d’ailleurs que c’était le nom du bateau de Gaston Deferre,…

M. Philippe Marini. Il avait un grand sens de l’humour !

M. Richard Yung, rapporteur. … élu de sa région.

M. Pierre-Yves Collombat. S'il avait eu un vrai successeur, on n'en serait pas là !

M. Richard Yung, rapporteur. Quoi qu’il en soit, monsieur Collombat, ces points figurent dans le paquet CRD IV, en voie de finalisation et de traduction. Par conséquent, nous devons nous inscrire dans ce processus européen. Je vous demanderai donc de retirer votre amendement.

L’amendement n° 119 rectifié bis reprend l’interdiction de la distribution de souscription ou d’achat d’actions, c'est-à-dire de stock-options, tout comme l’amendement n° 258 rectifié de M. Desessard. J’en demande donc aussi le retrait.

Enfin, l’amendement n° 82 rectifié de M. Bocquet couvre à la fois la part de rémunération variable des mandataires et celle des salariés qui ont une influence dans la vie et les résultats de l’entreprise, mais on retrouve la même idée de limiter la part variable au montant de la part fixe. Je formule donc, ici encore, une demande de retrait, dans l’attente de la transcription de CRD IV.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. La proposition d’introduire dans la réglementation bancaire une interdiction des stock-options ne me semble pas adaptée.

Je crois tout à fait légitime qu’une réflexion soit menée avec nos partenaires européens sur le renforcement de la réglementation bancaire en matière de rémunération, mais il s’agit ici en outre d’une interdiction générale, visant une population de salariés beaucoup plus large.

Je sais aussi que les banques utilisent ce type d’instrument dans le cadre de plans collectifs, qui impliquent typiquement des milliers de cadres dirigeants.

C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote sur l'amendement n° 44 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Je croyais avoir compris les explications du rapporteur mais, après l’intervention du ministre, je n’en suis plus si sûr… (Sourires.)

Le rapporteur m’indique que la question est en passe d’être réglée à Bruxelles. Donc, le crime sera perpétré mais nous n’en serons pas coupables… J’étais prêt à retirer mon amendement, mais je me demande maintenant ce que cachent ces explications.

En définitive, comme je n’ai absolument rien compris, je maintiens mon amendement.

M. Philippe Marini. Il faut savoir rester un peu mystérieux…

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Nous avons lutté, dans cette enceinte, pour taxer les stock-options, dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale puis du projet de loi de finances, et débattu à plusieurs reprises de ces sujets.

Par ailleurs, dans le cadre de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, nous avons entendu un certain nombre de dirigeants de grandes entreprises, dont le P-DG de Danone, qui nous a expliqué qu’il avait besoin des stock-options pour fidéliser des cadres de qualité.

Donc, même si l’intention est extrêmement louable, même si la part variable de la rémunération ne peut continuer à croître de façon exponentielle et que les stock-options à plusieurs zéros, insupportables en période de crise, ont à juste titre souvent défrayé la chronique, je partage l’avis de la commission et du Gouvernement sur la nécessité d’attendre qu’une réglementation européenne soit mise en place, de sorte que l’interdiction soit bien paramétrée et ajustée aux entreprises financières, pour lesquelles ce peut être un outil pour conserver leurs cadres et leurs dirigeants.

Il me paraît donc prudent d’attendre, et, contrairement à notre ami Collombat, j’ai très bien compris ce qu’ont dit le rapporteur et le ministre. (Sourires.)

M. Pierre-Yves Collombat. Vous êtes plus douée que moi !

Mme Nathalie Goulet. Je suis moins sûre de moi, c’est peut-être pour cela que j’écoute mieux…

M. Pierre-Yves Collombat. Non, il s’agit d’une disponibilité naturelle !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° 119 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je n’ai pas non plus toujours perçu la cohérence du discours du ministre, qui ne semblait pas d’un enthousiasme délirant à la perspective de supprimer les stock-options dans le secteur bancaire, conformément, je le rappelle, à un engagement de François Hollande.

Cependant, je me range à l’avis de notre rapporteur. Sans doute vaut-il mieux en effet suivre les étapes nécessaires pour atteindre cet objectif et régler d’abord la question des votes européens avant d’engager une réflexion plus globale sur les stock-options.

Je retire donc mon amendement, monsieur le président, même si je n’en pense pas moins sur le fond !

M. le président. L’amendement n° 119 rectifié bis est retiré.

Monsieur Desessard, l'amendement n° 258 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. M. Bocquet l’a dit, le contexte mondial, qui favorise toujours plus l’enrichissement et les profits de quelques-uns, mais aussi le chômage de masse et les pertes d’emplois dans nos territoires, nous impose d’agir.

Faut-il qu’il y ait beaucoup de riches parce qu’ils donnent des miettes aux pauvres pour que ceux-ci aient tout de même quelque chose ? On peut le penser, mais ce n’est pas une idée de gauche !

M. Pierre-Yves Collombat. Tout de suite les grands mots !

M. Jean Desessard. Ce qui est de gauche, c’est de penser que l’existence d’hyper-riches se traduit par une pauvreté plus importante : l’analyse n’est pas la même !

Certes, ce n’est pas directement lié au secteur bancaire, mais pourquoi ce secteur aurait-il besoin de stock-options ? Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, et je vous remercie de votre sincérité.

Que des gens qui investissent massivement leur temps et leurs idées dans des entreprises nouvelles se rémunèrent sur la valeur prise par l’entreprise faute d’avoir pu percevoir les salaires correspondants à leurs compétences et à leur travail, c’est normal !

M. Jean Desessard. Que des cadres installés dans une entreprise attendent que la valeur de l’action croisse pour la vendre au moment le plus opportun, quelle que soit la santé de l’entreprise, c’est inacceptable ! Nous sommes donc dans notre rôle en supprimant leurs stock-options.

Monsieur le rapporteur, vous faites confiance, sans doute à juste titre, au Gouvernement, qui évoque une loi en préparation. Pour notre part, nous sommes partisans, à l’heure où l’on s’attaque à ce problème à l’échelle européenne et mondiale, d’agir immédiatement. C'est la raison pour laquelle je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 258 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 82 rectifié est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Le magazine Forbes vient de publier, voilà quelques semaines, sa liste annuelle des milliardaires du monde en se réjouissant de leur augmentation sensible. Ces derniers sont désormais 1 426, soit 210 de plus que l’année précédente, chiffre à mettre en regard des 7 milliards d’humains qui peuplent la planète.

Comme l’a souligné notre collègue Jean Desessard, dans le même temps, la pauvreté explose partout en Europe, et je ne parle pas du tiers-monde !

Il est donc plus qu’urgent de statuer sur le sujet, et l’amendement est, bien sûr, maintenu !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 196 rectifié ter, présenté par Mmes Lienemann et Rossignol, MM. Chastan, Courteau, Teulade, Dilain et Godefroy, Mme Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’article 4 nonies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier est complété par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Les entreprises régies par le présent titre dotées d’un conseil d’administration doivent respecter les prescriptions de l’article L. 225-42-1 du code de commerce, même si leurs titres ne sont pas admis sur un marché réglementé.

« Les entreprises régies par le présent titre dotées d’un directoire et d’un conseil de surveillance doivent respecter les prescriptions de l’article L. 225-90-1 du code de commerce, même si leurs titres ne sont pas admis sur un marché réglementé. »

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les sociétés cotées sont soumises à une obligation de publicité s'agissant de la rémunération de leurs dirigeants, ou à tout le moins de certains d’entre eux.

Nous proposons d’étendre cette obligation à tous les établissements de crédit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Pour les raisons que j’ai exprimées précédemment, la commission sollicite le retrait de cet amendement.

Le projet de loi de transposition de la CRD IV sera l’occasion d’examiner en détail la question de la rémunération dans les banques et de sa publicité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Retrait, sinon rejet.

M. le président. Madame Lienemann, l'amendement n° 196 rectifié ter est-il maintenu ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je reprends le même argumentaire que précédemment : on nous annonce des jours meilleurs ; je ne manquerai pas, à ce moment-là, d’être exigeante pour qu’ils le soient réellement !

Je retire l’amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 196 rectifié ter est retiré.

TITRE II

MISE EN PLACE DU RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE

Chapitre Ier

Institutions en matière de prévention et de résolution bancaires

Section 1

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Articles additionnels après l'article 4 nonies
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 6 (Texte non modifié par la commission)

Article 5

I. – (Non modifié) Dans tous les codes et les dispositions législatives en vigueur, les mots : « Autorité de contrôle prudentiel » sont remplacés par les mots : « Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ».

II. – Le chapitre II du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après le 3° du II de l’article L. 612-1, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° De veiller à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires, prévues aux articles L. 613-31-11 à L. 613-31-17, dont l’objet est de préserver la stabilité financière, d’assurer la continuité des activités, des services et des opérations des établissements dont la défaillance aurait de graves conséquences pour l’économie, de protéger les déposants, d’éviter ou de limiter au maximum le recours au soutien financier public. » ;

2° L’article L. 612-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 612-4. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution comprend un collège de supervision, un collège de résolution et une commission des sanctions.

« Sauf disposition contraire, les attributions confiées à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sont exercées par le collège de supervision, qui statue en formation plénière, en formation restreinte, en sous-collège sectoriel ou, le cas échéant, en commission spécialisée.

« Les missions mentionnées au 4° du II de l’article L. 612-1 ainsi qu’au III de l’article L. 312-5 et régies par les articles L. 613-31-12 à L. 613-31-16 sont exercées par le collège de résolution. » ;

3° Après l’article L. 612-8, il est inséré un article L. 612-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 612-8-1. – Le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est composé de cinq membres :

« 1° Le gouverneur de la Banque de France ou son représentant, président ;

« 2° Le directeur général du Trésor ou son représentant ;

« 3° Le président de l’Autorité des marchés financiers ou son représentant ;

« 4° Le sous-gouverneur désigné par le gouverneur de la Banque de France, ou son représentant ;

« 5° Le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution ou son représentant.

« Par dérogation à l’article L. 612-12, un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’organisation et de fonctionnement des services chargés de préparer les travaux du collège de résolution. Le directeur chargé de ces services est nommé par arrêté du ministre chargé de l’économie, sur proposition du président du collège de résolution. Il rapporte au collège de résolution.

« Le collège de résolution ne peut délibérer que si la majorité de ses membres sont présents.

« Ses décisions sont prises à la majorité des voix. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.

« Les décisions pouvant entraîner, immédiatement ou à terme, l’appel à des concours publics, quelle que soit la forme de ces concours, ne peuvent être adoptées qu’avec la voix du directeur général du Trésor ou de son représentant.

« Les membres du collège de résolution et les services chargés de la préparation de ses travaux ont accès, pour l’exercice de leurs missions au sein de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, aux informations détenues par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour l’exercice de ses missions de contrôle prudentiel. » ;

4° Le 5° de l’article L. 612-33 est complété par les mots : « ainsi que tout ou partie d’un portefeuille de crédits ou de dépôts d’un établissement de crédit » ;

5° Aux premier et douzième alinéas, à la première phrase du quinzième alinéa, à l’avant-dernier alinéa, trois fois, et au dernier alinéa de l’article L. 612-5, au premier alinéa et aux 3°, 4° et 5° de l’article L. 612-6, au premier alinéa de l’article L. 612-7, à l’article L. 612-8, aux sixième et avant-dernier alinéas de l’article L. 612-9, à la première phrase du premier alinéa, aux deuxième et avant-dernier alinéas, au dernier alinéa du I, deux fois, à la première phrase du premier alinéa du II et du second alinéa du III de l’article L. 612-12, au premier alinéa de l’article L. 612-13, aux 1° et 3° du II de l’article L. 612-14, aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 612-15, à la première phrase du IV de l’article L. 612-16, au troisième alinéa, à la fin du quatrième alinéa et à la première phrase de l’avant-dernier alinéa du II de l’article L. 612-19, au dernier alinéa du III de l’article L. 612-20, à l’article L. 612-36 et à la première phrase du troisième alinéa et à la deuxième phrase du sixième alinéa de l’article L. 612-38, après le mot : « collège », sont insérés les mots : « de supervision » ;

6° Aux premier, cinquième, sixième et septième alinéas de l’article L. 612-10, après le mot : « collège », sont insérés les mots : « de supervision, du collège de résolution » ;

6° bis (nouveau) Le début du premier alinéa de l’article L. 612-11 est ainsi rédigé :

« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 612-8-1, le directeur général du Trésor… (le reste sans changement). » ;

7° Le premier alinéa de l’article L. 612-38 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « collège », sont insérés les mots : « de supervision ou le collège de résolution » ;

b) Le début de la deuxième phrase est ainsi rédigé : « Si cette formation ou le collège de résolution décide... (le reste sans changement). »

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.

M. Éric Bocquet. L’article 5 du projet de loi est l’un des articles déterminants du texte, s’agissant notamment de la composition de la nouvelle autorité de contrôle prudentiel, dont les missions vont être élargies et les pouvoirs de sanction quelque peu renforcés, comme nous le verrons avec l’article 7. Nous avons souligné, hier, cette avancée.

À la vérité, nous sommes toujours circonspects dès lors qu’une partie des prérogatives naturelles du pouvoir législatif ou du pouvoir politique, légitimes et démocratiquement élus, est confiée à une autorité indépendante.

D’une certaine manière, la nouvelle autorité de contrôle prudentiel et de résolution participe de ce lent mais sûr démantèlement des champs d’intervention du pouvoir politique qui a accompagné une bonne partie de l’évolution des choses dans l’appréhension de bien des domaines de la vie sociale, qu’il s’agisse par exemple des questions sanitaires, avec la Haute Autorité de santé, des questions éthiques, du fonctionnement du secteur de l’audiovisuel ou de l’ensemble des secteurs d’activité et de production ouverts à la concurrence par la voie des directives européennes et pour lesquels l’arbitrage a été confié à une autorité administrative indépendante.

Cependant, dans le cas qui nous préoccupe, plusieurs observations essentielles doivent être formulées.

Le recrutement des membres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est pour le moins restreint, puisqu’aux côtés des hauts magistrats habituels, issus des grandes juridictions du pays, il est limité aux « professionnels de la profession ».

Alors même que la nouvelle ACPR va s’occuper de la garantie des dépôts, question essentielle au regard de la relation que les particuliers peuvent entretenir avec leur banque – on peut le dire d’autant plus aisément que se développe depuis quelques jours la controverse sur le traitement par l’Europe de la crise chypriote –, nous ne trouvons aucune trace, dans la composition du collège, et a fortiori dans les commissions spécialisées, d’une représentation des usagers du secteur bancaire, pas plus d’ailleurs que des salariés de ce même secteur.

Que les concepteurs originaux de l’autorité de régulation n’aient pas jugé utile que la société civile, dans sa diversité, soit justement représentée au sein du collège est une chose, mais que le projet de loi, en l’état, oublie quelque peu cette exigence de représentation et de transparence n’est pas acceptable et doit donc être corrigé.

L’autorité de régulation a beaucoup à gagner à éviter d’être assimilée, comme cela est à craindre, à un cercle d’initiés où l’on se retrouve « entre soi », pour parfois « laver son linge sale en famille », à l’abri des regards indiscrets.

Les événements qui se sont produits depuis 2007 sur les marchés financiers, la connaissance approfondie des errements des établissements bancaires que le grand public a fini par acquérir sont autant de facteurs qui justifient pleinement que nous franchissions l’étape de la démocratie et de la transparence en ce qui concerne le contrôle prudentiel des établissements de crédit, des compagnies d’assurance et des activités financières en général.

C’est à l’aune de ces observations que nous nous positionnerons dans le cadre de la discussion de cet article essentiel du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, sur l'article.

M. Francis Delattre. Les articles 5 et 6 du projet de loi sont essentiels et le vote final d’un certain nombre d’entre nous dépendra donc de leur rédaction.

Nous sommes attachés à une autorité de contrôle indépendante administrativement. Avec le dispositif que vous introduisez, l’autorité de contrôle le demeure-t-elle réellement ? Dans cette Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, ou ACPR, c’est le « R » de résolution qui pose problème, sa composition et son fonctionnement évoluant en conséquence.

Dans son fonctionnement, le collège de supervision demeure, avec ses dix-neuf membres, mais celui qui prendra les vraies décisions, la cheville ouvrière du système sera le nouveau collège de résolution, lequel ne comprend plus que cinq membres : seuls restent deux personnalités issues de la Banque de France, auxquelles s’ajoutent le directeur général du Trésor – pourquoi pas ? –, le président de l’Autorité des marchés financiers et le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

La difficulté est la suivante : les résolutions qui peuvent être prises par le collège de résolution ont une incidence directe sur le fonds de garantie des dépôts et changent profondément sa nature.

Dans l’esprit des contribuables et des déposants, le fonds de garantie des dépôts, alimenté par la profession, garantit les dépôts. En aucun cas il n’est considéré comme étant éventuellement un moyen d’intervenir dans la modification profonde du capital, du système de fonctionnement d’un établissement, comme il est prévu à l’article 6.

L’indépendance du collège de résolution est à mon avis altérée du fait de son mode de fonctionnement.

À l’origine, l’autorité de contrôle travaillait essentiellement avec les moyens de la Banque de France. Aujourd'hui, les dossiers sont instruits par le directeur d’un service, lequel est nommé par le ministre de l’économie et des finances. Autrement dit, certains des dossiers qui seront présentés au collège de résolution viendront directement des services de Bercy !

Traditionnellement, c’était la Commission bancaire qui effectuait les contrôles, suivait les problèmes bancaires au plus près. On rétablit maintenant le système qui a donné lieu voilà quelques années au fiasco du Crédit Lyonnais. En réalité, les difficultés du cet établissement ont directement résulté d’un certain interventionnisme purement politique. Une législation a ensuite été mise en place pour éviter qu’un tel fiasco ne se reproduise.

Je regrette d’avoir à le dire, mais, dès lors que les dossiers les plus importants qu’aura à traiter le collège de résolution proviendront directement des services du ministère de l’économie et des finances et que le directeur qui instruira ces dossiers sera nommé par le ministre à la tête de ce même ministère – c’est écrit noir sur blanc –, un problème d’indépendance se posera indiscutablement.

Croyez-moi, tous ceux qui ont suivi de près, à une certaine époque, l’affaire du Crédit Lyonnais savent pourquoi ses problèmes sont survenus. Il n’y a pas eu de problème de dirigeant. C’est parce qu’on a imposé à M. Haberer de financer l’achat de studios aux États-Unis par M. Paretti que le principal fiasco de la défaisance s’est produit ensuite. Je pense donc qu’il faut éviter tout interventionnisme.

Circonstance aggravante, le fonds de garantie peut être amené à intervenir dans des mesures de redressement, ce qui peut gravement lui nuire. Je reprendrai à ce sujet l’image intéressante du collier de perles utilisée par M. le rapporteur hier : si une première perle tombe, toutes les autres suivent ! En l’occurrence, je peux vous l’assurer, mes chers collègues, si le fonds de garantie est saisi afin de restructurer financièrement un établissement alors qu’il disposera, dans le meilleur des cas, d’une somme comprise entre 2 milliards et 10 milliards d’euros, il y aura un vrai problème pour garantir à hauteur de 100 000 euros les fonds des déposants dans les établissements qui arriveraient après !

Déjà à l’époque de l’affaire du Crédit Lyonnais, la mise en place du fonds de garantie avait constitué, dans l’esprit de tous et notamment des déposants, une avancée importante, que les lois de 2008 et de 2010 avaient encore renforcée. Que ce fonds puisse désormais servir à redresser un établissement bancaire en difficulté est une dénaturation du principe qui aura de graves effets sur et pour les déposants.

Monsieur le ministre, c’est, je le répète, la rédaction qui sera retenue pour les articles 5 et 6 qui déterminera notre vote final, car ils constituent à nos yeux l’armature du dispositif, armature qui, en l’état, nous paraît à bien des égards peu sûre.

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié bis, présenté par MM. Vincent, D. Bailly, Chiron, J.C. Leroy, Magner, Mazuir, Patriat et Rainaud, Mme Rossignol, M. Néri, Mme Bourzai et MM. Vandierendonck, Teulade et Carvounas, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …° De veiller à contrôler la nature des produits bancaires proposés aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux organismes publics afin d’éviter que des produits structurés comportant des risques financiers significatifs puissent leur être vendus. » ;

La parole est à M. Maurice Vincent.

M. Maurice Vincent. Comme cela vient d’être rappelé, avant l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, c’était la Commission bancaire qui avait pour fonction de contrôler les banques et de veiller à la qualité des produits financiers diffusés dans l’économie.

Cette commission a pourtant laissé dériver sans réagir la banque Dexia, bien après le Crédit Lyonnais, ainsi que d’autres banques. Elle n’a pas réagi face à la diffusion importante d’emprunts structurés, dont certains étaient toxiques, aux collectivités territoriales. Il y a donc eu une réelle et importante défaillance, alors même que cette commission avait repéré en 2006, comme elle l’indiquait dans son propre rapport, parmi les produits offerts une part non négligeable de produits complexes dits « structurés ». Elle n’ignorait donc pas le danger potentiel. Néanmoins, elle n’a pas réagi, en tout cas pas suffisamment, ce qui a conduit à la situation que nous connaissons.

Il me semble donc utile d’ajouter de façon explicite aux missions protection des déposants de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution des missions de contrôle des produits bancaires vendus aux collectivités territoriales et aux organismes publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise à confier à l’ACPR le contrôle de la nature des produits bancaires distribués aux collectivités publiques. Cette proposition, on le voit bien, fait suite aux situations douloureuses vécues ces dernières années par un certain nombre de ces collectivités, situations à propos desquelles je pense que tout le monde partage votre sentiment, monsieur Vincent.

Parmi les missions de l’ACPR figure cependant déjà le contrôle des produits distribués par tout établissement de crédit quel qu’il soit, en particulier des produits destinés aux collectivités publiques.

Vous me direz certainement, mon cher collègue, que l’expérience montre que ce contrôle n’a pas fait ses preuves à 100 % et je vous en donnerai volontiers acte. Cela étant dit, nous avons retravaillé, avec votre soutien d’ailleurs, l’article 11 ter, dans lequel nous avons introduit toute une série de mesures d’encadrement des emprunts par les collectivités publiques, ce qui devrait répondre à vos préoccupations et vous conduire à retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Vincent, l'amendement n° 188 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Maurice Vincent. Je ne cacherai pas mon intérêt pour les précisions qu’il nous sera possible d’apporter à un certain nombre de dispositifs lors de l’examen de l’article 11 ter. Je ne suis pas totalement convaincu qu’elles répondront aux mêmes préoccupations que mon amendement, mais je veux bien faire confiance à la future Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Tout en insistant sur la nécessité des missions de contrôle des produits bancaires vendus aux collectivités, je retire donc mon amendement.

M. le président. L'amendement n° 188 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 100, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil de supervision comprend aussi trois députés et trois sénateurs, désignés par leur assemblée respective, avec voix consultative.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement porte sur la composition de la future autorité de régulation du secteur financier.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire, lors de notre intervention sur l’article, que la composition actuelle de l’autorité de contrôle nous posait quelques problèmes, notamment en raison de son caractère assez fortement « endogamique » qui laissait peu de place à ce que nous pourrions appeler les « non-initiés ».

Au demeurant, nous regrettons que l’irrecevabilité « lolfienne » ait été opposée à nos amendements visant à intégrer dans le collège des représentants des organisations syndicales de salariés et des associations d’usagers des banques.

Une telle démarche est cohérente avec nos positions de fond et de principe. Sa motivation était d’ailleurs fort simple : l’autorité de régulation étant censée organiser la résolution en bon ordre des éventuelles « faillites » d’établissements de crédit, il paraissait tout à fait logique que les salariés et les usagers des banques soient associés à sa démarche, les uns parce qu’il y allait de leur emploi, les autres parce que la garantie de leurs dépôts pouvait être en jeu.

Sachant qu’il a fallu un vote du parlement chypriote, au demeurant unanime nonobstant l’abstention du parti du nouveau Président de la République, adhérent du Parti populaire européen, pour que la garantie des dépôts des déposants locaux ne soit pas remise en cause par le plan de sauvetage européen des banques locales, on se dit que la transparence est décidément un mal nécessaire en matière de crise bancaire et financière.

M. Philippe Marini. Cela pose surtout la question des dépôts russes !

M. Éric Bocquet. Permettez-moi d’ailleurs de vous faire observer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que, avant l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d’agrément et de contrôle de la banque et de l’assurance, laquelle a créé l’Autorité de contrôle prudentiel, nous étions en présence d’organismes au sein desquels siégeaient ès qualités des représentants des salariés.

Ainsi, le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, le CECEI, ancienne autorité de régulation, comportait un collège de douze membres, dont deux représentants des salariés des entreprises des secteurs bancaire et financier, choisis en fonction des rapports de force syndicaux de la branche.

Le Comité comptait également deux personnalités qualifiées, choisies à raison de leurs compétences dans les domaines couverts par le CECEI, personnalités dont on pouvait escompter l’indépendance et l’absence de liens d’intérêt avec toute entreprise du secteur.

L’amendement n° 100 vise à prévoir l’information de la représentation nationale sur l’action menée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, non pas pour la placer sous le contrôle du Parlement, mais afin de pouvoir mesurer, grâce à la présence de parlementaires, l’usage pouvant être fait des compétences dévolues à l’ACPR, d’autant que celle-ci sera appelée à jouer un rôle non négligeable dans la résolution des difficultés de certains établissements.

Ainsi, mes chers collègues, avant de créer une structure de cantonnement d’actifs présumés illiquides ou porteurs de moins-values, on peut penser que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution serait à même d’émettre toute recommandation et de valider tout plan de redressement d’un possible sinistre, comme celui du Crédit Lyonnais.

Or, l’extension des compétences de l’ACPR allant de pair avec une réduction des prérogatives du Parlement, nous ne pouvons que préconiser l’intégration, avec voix consultative, de représentants du Parlement au sein de ladite Autorité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cher collègue, la formation que vous avez évoquée et au sein de laquelle siégeaient des salariés avait pour fonction l’agrément bancaire, ce qui est d’une nature tout à fait différence de ce dont nous parlons aujourd'hui, à savoir la régulation et la supervision. En outre, on pourrait craindre, tout du moins dans certains cas, des conflits d’intérêts avec des salariés du secteur bancaire.

L’amendement n° 100 tend à modifier la composition du collège de supervision de l’ACPR afin d’y prévoir la présence, avec voix consultative, de trois députés et de trois sénateurs.

Je ferai deux observations.

En premier lieu, le président du Sénat et celui de l’Assemblée nationale désignent eux-mêmes un membre du comité de supervision.

En second lieu, la question de savoir si des parlementaires, députés ou sénateurs, doivent siéger au sein d’un organisme dont la fonction est d’édicter les règles générales de fonctionnement du système bancaire et les règles de supervision – je ne parle même pas du collège de résolution, où l’on voit bien quelles difficultés se poseraient, et sur la composition duquel nous reviendrons sans doute plus tard – mérite un vrai débat.

Pour l’heure, la composition du collège de supervision – vingt personnes, essentiellement des experts financiers, soit ès qualités, soit nommés par différentes autorités pour leur expertise financière – me paraît être la bonne formule.

Je vous prie donc, cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis que la commission.

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 100 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Permettez-moi de vous livrer une réflexion sur les autorités indépendantes et les autorités de régulation d’une façon générale et sur la présence de parlementaires dans ces organismes.

Je ne suis pas fanatique des autorités prétendument indépendantes, et encore moins de la présence des parlementaires dans ces instances. C’est là un mélange des genres que je ne comprends pas très bien. En outre, la multiplication de la présence de parlementaires dans des organismes extérieurs pose tout de même un problème de présence dans notre assemblée, comme on peut d’ailleurs le constater cet après-midi dans notre hémicycle !

Le rôle des parlementaires est de légiférer. On ne peut pas à la fois élaborer la loi et être membre d’instances chargées de contrôler son application. Je ne comprends pas ce mélange des genres.

M. le rapporteur a évoqué une réforme du fonctionnement de nos assemblées ; je souhaiterais que, dans ce cadre, la question de la présence des parlementaires au sein de ces instances soit posée.

Mme Nathalie Goulet. Très juste !

M. Philippe Marini. Bonne remarque !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 100.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 45 rectifié est présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall.

L’amendement n° 120 rectifié est présenté par Mme Lienemann, M. Dilain, Mme Rossignol et MM. Chastan et Vandierendonck.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, ou son représentant.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour présenter l’amendement n° 45 rectifié.

M. Pierre-Yves Collombat. Le présent amendement concerne le collège de résolution l’ACPR, qui est – convenons-en –, aussi réduit que consanguin. Il se compose, en effet, des gouverneur et sous-gouverneur de la Banque de France, du directeur du Trésor, du président de l’AMF, du président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

L’absence de juge, pour une procédure qui s’apparente à une liquidation judiciaire, est regrettable. Par conséquent, nous proposons de remplacer le sous-gouverneur de la Banque de France par un juge de la Cour de cassation, le gouverneur de la Banque de France étant déjà président du collège.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 120 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je vais tenter de renforcer l’argumentaire de M. Collombat.

S’il est, fort heureusement, très rare que la résolution d’un organisme bancaire ou d’un établissement financier soit décidée, cette opération s’apparente à une liquidation judiciaire et les sommes en jeu peuvent être considérables. On parle de structures dont le bilan peut atteindre 2 000 milliards d’euros et d’un ensemble de près de 10 000 milliards d’euros de bilan.

Je crois, monsieur le ministre, vous avoir entendu vous-même parler des risques que pouvait représenter une certaine forme de consanguinité des dirigeants dans le milieu bancaire.

Or, comment est composé le collège de résolution ? Il y a le gouverneur de la Banque de France, qui préside, et c’est normal, et son sous-gouverneur, que je vois mal voter différemment du gouverneur, puis le directeur du Trésor, ce qui est légitime, le président de l’AMF, ce qui est également légitime, et le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

Franchement, s’agissant d’une procédure qui s’apparente à une liquidation judiciaire, nous pensons qu’il faut aussi un juge. Nous proposons donc que le sous-gouverneur soit remplacé par le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, ou son représentant. Nous aurions là des acteurs d’une grande fiabilité technique et offrant tous les gages de sérieux et de confidentialité.

Vouloir éviter que les décisions ne soient prises par un organe trop homogène me paraît répondre à une préoccupation légitime. Les fiascos divers et variés dont M. Delattre a donné quelques exemples ont sans doute plusieurs raisons, mais l’une des premières d’entre elles est que les décideurs partagent souvent une même pensée, quitte à nous envoyer collectivement dans le mur !

Un peu de diversité culturelle au sein du collège de résolution, combinée au sérieux, à la compétence et à l’intégrité du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, me paraîtrait donc une bonne chose.

M. le président. L’amendement n° 260, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Après l’alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« ...° Un conseiller à la Cour de cassation désigné par le premier président de la Cour de cassation, ou son représentant. »

« La participation au collège de résolution ne donne pas lieu à rémunération.

II. - En conséquence, alinéa 10

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

six

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le collège de résolution de l’ACPR dispose de pouvoirs très importants, puisqu’il peut défaire, du moins théoriquement, des structures bancaires.

Il dispose, de fait, d’un pouvoir de liquidation judiciaire sur des établissements de taille potentiellement systémique. Il ne nous apparaîtrait donc pas insensé qu’un magistrat puisse siéger à ce collège.

Il a déjà été évoqué que le principe de séparation des pouvoirs serait remis en cause par une telle participation, au motif que le collège de résolution relèverait du pouvoir exécutif.

C’est un argument qui ne me convainc pas puisque, précisément, il est doté de pouvoirs empiétant clairement sur le domaine judiciaire.

Étant donné l’ampleur des pouvoirs dévolus à cette instance et la confiance qui lui est accordée, il nous semble légitime que puisse y siéger un membre qui ne soit pas mécaniquement issu du sérail financier.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Pour les auteurs de ces amendements, les pouvoirs du collège de résolution s’apparentent au pouvoir de procéder à une liquidation, laquelle relèverait plutôt du domaine judiciaire.

M. Francis Delattre. On n’en est pas loin, objectivement !

M. Richard Yung, rapporteur. Les dispositions du projet de loi que nous examinons et celles qui vont suivre démontrent que, justement, nous tentons de mettre en place une procédure différente de la liquidation judiciaire, l’objectif étant de sauvegarder d’abord ce qui peut l’être et de n’entrer dans la phase de liquidation que lorsque tout aura été fait en ce sens.

C'est la raison pour laquelle le collège de résolution se voit doté pour remplir son rôle d’armes, de moyens tout à fait spécifiques, qui sont détaillés dans le projet de loi et qui n’ont rien à voir, en termes d’objectifs comme de méthode, avec les mécanismes de liquidation appliqués en droit commercial.

Pour toutes ces raisons, la commission demande aux auteurs de ces trois amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote sur l’amendement n° 45 rectifié.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. À titre personnel, je me rallie à cet amendement et je retire l’amendement n° 120 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 120 rectifié est retiré.

La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote sur l’amendement n° 45 rectifié.

M. Francis Delattre. Ces amendements avaient les mêmes finalités.

Il paraît effectivement utile de rééquilibrer la composition du collège de résolution, qui, ne nous y trompons pas, sera l’instrument principal du système mis en place par le présent projet de loi. M. le rapporteur avance – il est dans son rôle ! – que nous ne sommes pas en pré-liquidation judiciaire, mais, dans certaines circonstances, on y sera ! C’est donc la moindre des choses qu’un certain nombre de garanties juridiques encadrent cette phase de la procédure.

Par ailleurs, le projet de loi prévoyant que la voix du président, à savoir le gouverneur de la Banque de France, sera prépondérante, nous avons la garantie que le collège de résolution fonctionnera à six membres.

L’amendement n° 45 rectifié renforcerait la confiance accordée au collège de résolution. Puisque les dossiers seront instruits par des services directement issus de Bercy et dont le directeur sera nommé par le ministre des finances, une vision un peu différente sera bien nécessaire, d’autant, je le répète, qu’il s’agira souvent de processus qui conduiront à la liquidation.

J’ajoute qu’il est très utile aussi de préciser que c’est le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation qui sera désigné, car tous les conseillers de la Cour ne sont pas nécessairement spécialistes de ces questions.

Nous voterons donc l’amendement n° 45 rectifié.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je retire moi aussi mon amendement pour me rallier à l’amendement de M. Collombat.

M. le président. L’amendement n° 260 est retiré.

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jean Desessard. Les banquiers que nous avons auditionnés nous ont dit qu’ils devaient assumer la responsabilité de leurs erreurs : si leur banque a contracté des produits toxiques, sa faillite doit pouvoir être organisée. Ils sont allés jusque-là, et c’est tout à fait dans cette dimension que se situent les auteurs des amendements, celle de la responsabilité des banques et donc de la nécessité d’aller jusqu’au bout en cas de défaillance, c'est-à-dire jusqu’à la liquidation judiciaire.

C’est pourquoi il est bon qu’il y ait un magistrat au collège de résolution.

Bien sûr, monsieur le rapporteur, la liquidation judiciaire est l’étape ultime, mais que vont faire les représentants du monde de la finance au collège ? Ils se serreront les coudes et soutiendront leur corporation ! Il est donc positif que quelqu’un leur rappelle le droit et jusqu’où va la logique de responsabilité.

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Mme Nathalie Goulet. Je voterai aussi l’amendement présenté par M. Collombat.

Dans le cadre de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, nous avons procédé à l’audition du secrétaire général adjoint de l’Autorité de contrôle prudentiel et il est apparu que sa mission était en fait extrêmement réduite et cantonnée à un domaine très particulier.

Inutile donc de jeter l’opprobre sur la structure telle qu’elle fonctionne actuellement, mais il est vrai que l’élargissement de ses compétences et de ses capacités d’action requiert que sa composition soit complètement revue et, à cet égard, la présence d’un magistrat en son sein serait tout à fait bienvenue.

Ce responsable de l’ACP nous a également indiqué qu’il ne pouvait pas gérer lui-même les faits de blanchiment mais qu’il avait cinq jours pour prévenir TRACFIN. Puisque nous en sommes à revoir le fonctionnement de l’ACP, il serait intéressant d’examiner aussi comment mieux coordonner son action avec celles des autres structures chargées de ces matières.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Yung, rapporteur. D’abord, l’amendement présenté par M. Collombat vise à remplacer le sous-gouverneur par le président de la chambre commerciale de la Cour de cassation. Or le sous-gouverneur est chargé de superviser les activités de régulation et de résolution à la Banque de France. Je ne suis pas sûr que l’évincer du collège de résolution soit la meilleure décision que nous prenions aujourd’hui !

M. Jean Desessard. Il faut rédiger un sous-amendement, alors !

M. Richard Yung, rapporteur. Ensuite, que se passera-t-il quand les décisions du collège de résolution, qui seront des décisions fortes, seront contestées – je ne suis pas juriste, mais cela pourra certainement se produire – devant les tribunaux de commerce, puis devant les cours d’appel, puis devant la chambre commerciale de la Cour de cassation ? Je vois là un risque de conflit de compétences !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Sans vouloir prononcer de jugement de Salomon, il me semble que l’on peut modifier cet amendement de manière intelligente.

J’entends bien les arguments échangés, même s’ils ne me convainquent pas totalement. En même temps, personne ne peut dire que les compétences du sous-gouverneur chargé de la résolution soient inutiles. Dès lors, pourquoi ne pas, tout simplement, ajouter un nouveau membre au collège sans supprimer celui-ci ? (Marques d’approbation.)

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien ! Quel sens du compromis, monsieur le ministre !

M. Jean Desessard. Bravo, monsieur le ministre !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 45 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, et ainsi libellé :

I. Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° bis (nouveau) Le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation, ou son représentant ;

II. En conséquence, alinéa 10

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

six

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

M. Richard Yung, rapporteur. Elle s’en remet à la sagesse du Sénat !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je peux soutenir l’amendement ainsi rectifié, même si je partageais au départ la position de M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Le fait que cela fasse un nombre pair ne risque-t-il pas de créer des problèmes en cas de partage des votes ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Non, puisque la voix du président sera prépondérante !

M. Jean-Claude Requier. Alors, très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 212, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 15

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« ….° Le président de l’Autorité de la concurrence, ou son représentant.

« La participation au collège de résolution ne donne pas lieu à rémunération.

II. – En conséquence, alinéa 10

Remplacer le chiffre :

cinq

par le chiffre :

six

La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait à présent, l’ACPR aura pour mission de veiller à la préparation et à la mise en œuvre des mesures visant à démanteler les établissements en difficulté. Et c’est le collège de résolution, placé à côté du collège de supervision, qui exercera cette responsabilité.

Les récentes crises bancaires ont souvent renforcé la concentration du secteur bancaire et accéléré les regroupements entre établissements. Dans certains cas, cela peut nous placer en situation de contradiction avec le droit, notamment communautaire, de la concurrence. Plus la concentration s’accroît, plus le consommateur de services bancaires risque d’être en position de faiblesse par rapport à des groupes devenant omniprésents.

En outre, nous devons toujours être attentifs à la doctrine de la Commission et de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’aides d’État. Cette doctrine est au cœur de l’encadrement européen des dispositifs de soutien au secteur bancaire depuis le début de la crise. Il convient donc de veiller à ce que les considérations relatives à la sécurité financière et destinées à inspirer le collège de résolution ne soient pas en contradiction avec les principes issus du droit de la concurrence.

C’est en particulier ce que nous disait une brillante universitaire, Jézabel Couppey-Soubeyran, lorsque nous l’avons auditionnée dans le cadre de la préparation de ce projet de loi. Elle suggérait, et je souscris à sa proposition, d’associer l’Autorité de la concurrence au collège de résolution afin que les décisions prises par ce dernier tiennent compte de la nécessité de veiller le plus possible au maintien de la concurrence dans le secteur bancaire.

Je propose donc que le président de l’Autorité de la concurrence ou son représentant siègent au sein du collège de résolution. Je profite de l’occasion pour rappeler que la participation à ce collège ne doit pas être rémunérée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement.

À titre personnel, je n’étais pas exactement sur la même ligne, le Gouvernement ayant insisté sur la nécessité d’avoir une instance resserrée pour pouvoir réagir rapidement en cas de difficulté.

Néanmoins, je comprends la préoccupation de notre collègue Philippe Marini. La concentration du secteur bancaire doit être surveillée, afin de prévenir les risques potentiels en termes de stabilité du système et de maintenir les conditions de la concurrence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. J’ai pris bonne note de la proposition de M. Marini et de l’avis de la commission. Je vous invite toutefois à y réfléchir à deux fois, mesdames, messieurs les sénateurs, car un tel dispositif suscite plusieurs difficultés.

Tout d’abord, dans un souci d’efficacité, nous préférons que la composition du collège soit restreinte ; nous venons déjà de l’élargir un peu… Face à une crise bancaire, il faut faire preuve de réactivité. Je puis vous en parler en connaissance de cause puisque nous sommes en train de mener une sorte de procédure de résolution dans le cadre de la crise Chypriote.

À ce propos d’ailleurs, monsieur le président, je vous prie de bien vouloir suspendre la séance à dix-neuf heures, soit bien plus tôt que je ne l’aurais souhaité, car je dois participer à une réunion téléphonique de l’Eurogroupe sur ce sujet, qui nous concerne tous.

Résoudre une crise exige une très grande concentration des intelligences et une très forte rapidité de réaction. À mon avis, moins on est, mieux on se porte !

Ensuite, la présence du président de l’Autorité de la concurrence au sein du collège de résolution risque le placer dans une situation de conflit. S’il est sollicité en tant que membre du collège de résolution sur une question dont l’Autorité de la concurrence n’a pas été saisie, il devra se prononcer sans connaître le point de vue de sa propre instance. Si celle-ci est saisie ensuite, il sera alors lié par la position qu’il aura prise au sein de l’ACPR.

Par conséquent, je crains fort qu’une telle mesure ne remette en cause l’autonomie même de l’Autorité de la concurrence.

Au demeurant, le rôle de l’ACPR est de veiller à la stabilité financière. La situation serait donc totalement inédite si le président de l’Autorité de la concurrence y siégeait. Cela pourrait même créer une certaine confusion quant aux missions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Nous devons être exemplaires en matière de respect des règles sur la concurrence, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres pays.

En outre, le projet de loi ne modifie pas la compétence de l’Autorité de la concurrence, qui pourra toujours être saisie si des décisions du collège de résolution amènent, par exemple, à déclencher une procédure de contrôle des concentrations.

Monsieur Marini, je connais votre esprit de finesse et votre souci de précision. Nous sommes en présence, me semble-t-il, d’une « fausse bonne idée ». D’une part, une telle mesure apporterait surtout de la confusion. D’autre part, nous risquons d’affaiblir deux institutions à la fois : l’Autorité de la concurrence et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Je vous invite donc à bien réfléchir et, si possible, à retirer votre amendement. C’est d’ailleurs la position qu’avait défendue M. le rapporteur en commission. Si cet amendement n’était pas retiré, j’appellerais les membres de la Haute Assemblée à prendre en compte les arguments que je viens de développer. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. le président. Monsieur Marini, l’amendement n° 212 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on peut en effet comprendre la nécessité de réagir rapidement et de n’avoir autour de la table que les compétences strictement indispensables dans une situation de crise.

Toutefois, certains exemples récents nous montrent que les difficultés conduisant à organiser la cession des actifs d’un groupe par branches ont des conséquences sur la structure du secteur et, de proche en proche, sur un grand nombre d’établissements voisins.

Vous avez raison de souligner qu’il ne faut pas confondre les registres. Néanmoins, si le point de vue d’un spécialiste du droit de la concurrence est intégré dans les délibérations du collège de résolution, cela ne pourra, à mon sens, qu’en renforcer la portée.

Si le président de l’Autorité de la concurrence siège au sein du collège, il sera un membre parmi d’autres, mais il n’engagera pas son institution. La décision qui sera prise sera une décision collégiale. Et je ne crois pas qu’il soit envisagé de publier les comptes rendus des délibérations en communiquant les opinions individuelles, majoritaires ou minoritaires, des membres du collège.

Par conséquent, le risque de conflit que vous évoquez ne me paraît pas convaincant.

Nous avons souhaité renforcer l’indépendance de l’ACPR en prévoyant la présence du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation ou de son représentant au sein du collège de résolution, afin de tenir compte de certaines appréhensions, d’aucuns craignant une proximité trop grande avec la Direction générale du Trésor ou les services qui examinent ces sujets sous votre autorité. Je crois que l’argument s’applique tout autant au président de l’Autorité de la concurrence.

Au demeurant, comme le président de l’Autorité de la concurrence est généralement un haut magistrat de l’ordre juridictionnel administratif, souvent un membre du Conseil d'État, nous aurions un équilibre tout à fait opportun avec l’ordre juridictionnel judiciaire, dont est issu le président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation.

Dans ces conditions, je pense pouvoir maintenir la proposition que j’ai formulée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 212.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

« Aucune décision pouvant entraîner immédiatement ou à terme l’appel à des concours publics, quelle qu’en soit la forme, ne peut être adoptée sans accord préalable du Parlement.

« Après autorisation du Parlement, les décisions pouvant entraîner immédiatement ou à terme l’appel aux concours publics mentionnées à l’alinéa précédent ne peuvent être mises en œuvre qu’avec la voix du directeur général du Trésor ou de son représentant.

« Tout appel aux concours publics importe une mise en œuvre de la suspension des fonctions des dirigeants de l’entité concernée et la nomination d’une administration provisoire. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. Cet amendement procède d’une philosophie légèrement différente de celui que nous venons d’exposer. En effet, il porte non pas sur la composition de l’Autorité de régulation, mais sur le contenu de son intervention.

Nous sommes clairement pour que, dans le cadre des procédures de résolution, tout appel aux concours publics emporte modification organique de la gouvernance de l’établissement concerné, règle figurant dans l’échelle des sanctions que l’Autorité de contrôle prudentiel est habilitée à prendre.

L’installation d’une administration provisoire est considérée aujourd’hui comme la seule résolution d’une faute ou d’une erreur de gestion, alors même que nous préconisons que ce dispositif s’applique de fait, au moment même où le plan de redressement de tel ou tel établissement est organisé avec le concours du contribuable.

Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement de sanctionner : l’impasse financière dans laquelle peut se trouver un établissement de crédit peut fort bien avoir sa source dans les contraintes externes de l’établissement. La raison est ailleurs. En effet, la moindre participation des deniers publics au redressement d’une banque en difficulté engage bel et bien la collectivité et la société dans son ensemble dans cette opération.

Quant à la procédure, elle suivrait évidemment les règles habituelles, notamment le passage par la nomination de l’administration provisoire par la justice commerciale.

C’est donc une simple mesure de bon sens que nous vous invitons ici à adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise à soumettre à l’autorisation du Parlement toute décision pouvant entraîner l’appel à des concours publics.

La commission a demandé le retrait de ce dispositif, car l’article 5 prévoit que le directeur général du Trésor a un droit de veto sur les décisions du collège de résolution, pouvant entraîner, immédiatement ou à terme, un appel à des concours publics : il s’agit d’une formulation large couvrant un nombre important de décisions, en particulier la toute première, l’entrée en résolution.

Le présent amendement vise à ajouter un étage supplémentaire au dispositif, en prévoyant que cet appel à fonds publics sera autorisé par le Parlement.

L’intention démocratique et votre souci d’information sont légitimes, mon cher collègue, mais cette mesure conduirait à rendre le dispositif de résolution inopérant. Il faudrait convoquer le Parlement, ce qui peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines, mais également l’informer, alors que ces données sont souvent couvertes par le secret des affaires ou relatives à des décisions délicates.

Cette proposition ne paraît pas opérationnelle. Les mesures de résolution doivent en effet être décidées dans les quelques heures qui suivent l’apparition de la crise. Nous avons prévu d’informer le Parlement ultérieurement, au travers d’un amendement aux termes duquel le ministre doit informer les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est le même avis.

M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° 90 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 90.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Section 2

Le fonds de garantie des dépôts et de résolution

Article 5
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 7

Article 6

(Non modifié)

I. – Dans tous les codes et les dispositions législatives en vigueur, les mots : « fonds de garantie des dépôts » sont remplacés par les mots : « fonds de garantie des dépôts et de résolution ».

II. – La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est ainsi modifiée :

1° Le premier alinéa de l’article L. 312-4 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « crédit », sont insérés les mots : « , les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, » ;

b) Sont ajoutés les mots : « et, sur demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, d’intervenir, dans les conditions prévues à l’article L. 613-31-15, auprès d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’investissement, autre qu’une société de gestion de portefeuille, d’une compagnie financière et d’une compagnie financière holding mixte » ;

2° Les deux derniers alinéas du II et le III de l’article L. 312-5 sont remplacés par des III à VI ainsi rédigés :

« III. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut également saisir le fonds de garantie des dépôts et de résolution de la situation d’un établissement de crédit, d’une entreprise d’investissement, d’une compagnie financière et d’une compagnie financière holding mixte, qui correspond aux prévisions de l’article L. 613-31-15 et donne lieu à la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L. 613-31-16.

« L’Autorité peut demander au fonds de garantie des dépôts et de résolution d’intervenir auprès de la personne agréée pour reprendre ou poursuivre les activités cédées ou transférées en application du même article.

« Lorsque le fonds de garantie des dépôts et de résolution est saisi, ne peuvent être mis à sa charge que les montants nécessaires après l’exercice par l’Autorité des prérogatives prévues au 9° du I de l’article L. 613-31-16.

« Il intervient selon les modalités déterminées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

« IV. – Pour l’application des II et III, le fonds de garantie des dépôts et de résolution peut :

« 1° Acquérir tout ou partie des actions ou des parts sociales de l’établissement concerné ;

« 2° Souscrire au capital de l’établissement-relais mentionné à l’article L. 613-31-16 ;

« 3° Souscrire à une augmentation du capital de l’établissement concerné ou de l’établissement-relais ;

« 4° Consentir des financements à l’établissement concerné ou à l’établissement-relais, sous quelque forme que ce soit, y compris sous la forme d’une garantie ;

« 5° Participer, sur demande d’un organe central mentionné à l’article L. 511-30, à l’action de ce dernier en prenant en charge une partie du coût des mesures destinées à garantir la solvabilité d’un établissement de crédit affilié à cet organe central ou, en cas de nécessité constatée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, intervenir sur demande de cette dernière.

« Les sommes versées par le fonds de garantie des dépôts et de résolution dans la mise en œuvre des II et III bénéficient du privilège mentionné à l’article L. 611-11 du code de commerce.

« Le fonds de garantie des dépôts et de résolution ne peut être tenu responsable des préjudices subis du fait des concours qu’il a consentis, sauf dans les cas limitativement énumérés à l’article L. 650-1 du même code.

« V. – Les recours de pleine juridiction contre les décisions du fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre des I et II relèvent de la juridiction administrative.

« VI. – L’article L. 613-31-18 est applicable aux décisions prises par le fonds de garantie des dépôts et de résolution au titre des III et IV du présent article. » ;

3° L’article L. 312-15 est ainsi rédigé :

« Art. L. 312-15. – I. – Dans l’exercice de sa mission d’indemnisation prévue au I de l’article L. 312-5, le fonds de garantie des dépôts et de résolution a accès aux informations détenues par ses adhérents nécessaires à l’organisation, à la préparation et à l’exécution de sa mission, y compris celles couvertes par le secret professionnel mentionné à l’article L. 511-33.

« II. – Lorsque l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution informe le fonds de garantie des dépôts et de résolution que la mise en œuvre des II et III de l’article L. 312-5 est envisagée, celui-ci a accès, par l’intermédiaire de l’Autorité, à l’ensemble des documents comptables, juridiques, administratifs et financiers relatifs à la situation et aux éléments d’actif et de passif de l’établissement qui seraient susceptibles de faire l’objet de son intervention, y compris les documents couverts par le secret professionnel mentionné à l’article L. 511-33, ainsi qu’aux rapports des commissaires aux comptes.

« III. – Le fonds de garantie des dépôts et de résolution peut communiquer les informations et documents obtenus en application des I et II du présent article aux personnes qui concourent, sous sa responsabilité, à l’accomplissement de ses missions. Ces personnes sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 312-14. » ;

4° Au 5 de l’article L. 312-16, les mots : « de crédit adhérents » sont remplacés par le mot : « adhérant ».

M. le président. L'amendement n° 178 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Le fonds de garantie des dépôts, créé par la loi du 25 juin 1999 relative à l’épargne et la sécurité financière, a pour mission principale d’indemniser aussi rapidement que possible les déposants, mais sous certaines conditions, et en particulier dans la limite d’un plafond de 100 000 euros, lorsque l’établissement auquel ils ont confié leurs avoirs ne peut plus faire face à ses engagements.

Les réserves du fonds sont actuellement abondées à hauteur de 2 milliards d’euros, soit 30 euros par habitant. Le Gouvernement a réaffirmé hier sa volonté de porter ces réserves à 10 milliards, grâce à la contribution des groupes bancaires.

Le fonds peut aussi intervenir à titre préventif pour permettre la disparition ordonnée d’un établissement défaillant, sans que les déposants soient lésés par cette défaillance. Son action, en coordination avec celle de l’Autorité de contrôle prudentiel, l’ACP, est donc une composante de la sécurité du système bancaire français, confortant en cas de nécessité la confiance des déposants dans la qualité d’ensemble de ce système.

Ce fonds agit comme une assurance à laquelle une banque peut souscrire pour protéger ses déposants. Faut-il pour autant en faire une assurance tout risque en en faisant l’appui financier de la procédure de résolution confiée à l’ACPR ? Nous pensons que non.

Même avec un montant de réserves porté à 10 milliards d’euros, le fonds reste sous-abondé. Il ne pourra pas assumer, à la fois, la protection des dépôts et la mise en œuvre de la résolution. Cette mise en cause de l’exécution de sa mission première est de nature à distiller la défiance chez les épargnants.

Cet amendement de suppression a donc pour vocation de vous alerter, monsieur le ministre, en vous communiquant nos interrogations quant au rôle du fonds de garantie dans votre dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui confie au fonds de garantie des dépôts la mission d’intervenir en résolution.

La commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, car ce fonds est une pièce essentielle du dispositif de résolution.

Si l’on suivait l’auteur de l’amendement, il faudrait d’ailleurs prévoir un second fonds, destiné à gérer les fonds de résolution. En l’état actuel des choses, nous avons mieux à faire.

Si l’objectif est de protéger les fonds déposés, qui sont ceux des banques, il est nécessaire de disposer d’un fonds de résolution alimenté par les banques et capable d’intervenir sous différentes formes.

Par ailleurs, l’intervention en résolution n’affaiblira pas la garantie des dépôts puisqu’elle permettra, au contraire, d’éviter la résolution et, par conséquent, de mieux protéger les dépôts. C’est l’argument, auquel je souscris, de la fongibilité des deux fonds, les dépôts et le fonds de résolution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur de Montesquiou, l’amendement n° 178 rectifié est-il maintenu ?

M. Aymeri de Montesquiou. Vous souhaitez apaiser mes angoisses, monsieur le rapporteur, en rendant fongibles ces deux fonds. Ainsi rassuré, je retire mon amendement…

M. le président. L’amendement n° 178 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

I. - Le fonds de garantie des dépôts prend le nom de fonds de garantie des dépôts et de résolution.

Il comprend deux structures juridiques distinctes et cantonnées :

« 1° Le fonds de garantie des dépôts exclusivement dédié à la protection des dépôts et autres fonds remboursables conformément à l’article L. 312-4 du code monétaire et financier ;

« 2° Le fonds de résolution.

II. - En conséquence, alinéas 7 à 9, 11, 17 à 20, 23 et 24, remplacer les mots :

fonds de garantie des dépôts et de résolution

par les mots :

fonds de résolution

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Notre groupe avait déposé un amendement visant à séparer en deux le fonds de garantie des dépôts et de résolution, avec, d’un côté, l’entité chargée de la garantie des dépôts et, de l’autre, le fonds chargé de la résolution au sein d’une structure juridique unique.

La commission nous ayant opposé l’article 40 de la Constitution, nous vous proposons un amendement de repli qui vise, non pas à séparer, mais à distinguer ces deux entités. Cette proposition, qui ne coûte rien, enrichirait le projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le fonds de garantie des dépôts et de fiscalisation est composé de deux structures juridiques et comptables distinctes : le fonds de garantie des dépôts, exclusivement dédié à la protection des dépôts, titres et cautions, et le fonds de résolution. Aucune décision prise au titre de la résolution ne peut avoir d’incidence sur le fonds de garantie des dépôts.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. La mise en place d’un fonds commun de résolution et de garantie des dépôts constitue une question sérieuse.

Dans les faits, les sommes mises en jeu sont, pour l’heure, relativement réduites. Le fonds ne dispose aujourd’hui que d’environ 2,1 milliards d’euros, somme bien inférieure, faut-il le souligner, au total du bilan de nos établissements de crédit, et très au-dessous des sommes nécessaires à la seule garantie des particuliers déposants, garantie établie à 100 000 euros maximum par compte ouvert.

Même si l’objectif affiché du projet de loi est de procéder à l’accroissement des moyens du fonds de garantie pour le porter, dans les années à venir, aux alentours de 10 milliards d’euros, on peut légitimement se demander si les sommes concernées seraient suffisantes au cas où un sinistre surviendrait et si l’ensemble des procédures suivies par l’Autorité de contrôle éviterait la sollicitation de ces réserves de liquidités finalement plutôt réduites.

Pour ce qui nous concerne, il nous a toutefois semblé nécessaire de procéder à la séparation des affectations potentielles des ressources du fonds de garantie, séparation à la fois juridique et comptable, en mettant d’un côté les ressources mobilisables pour apport en capital et accompagnement de la résolution d’un plan de redressement d’établissement, de l’autre des ressources utilisables pour faire face à l’inquiétude des déposants.

Il ne nous paraît pas souhaitable de mélanger les ressources et les usages, sous peine de confusion éventuelle, avec tout ce que cela peut impliquer.

M. le président. L’amendement n° 121 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... – Le fonds de garantie des dépôts et de résolution comprend deux structures juridiques distinctes et cantonnées :

- le fonds de garantie des dépôts, exclusivement dédié à la protection des dépôts, titres et cautions ;

- le fonds de résolution.

Aucune décision prise au titre de la résolution ne doit pouvoir impacter les fonds dédiés à la protection des dépôts.

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 47 rectifié et 91 ?

M. Richard Yung, rapporteur. J’ai déjà expliqué notre position sur la séparation des deux fonds et sur la fongibilité. Je n’y reviens pas, car ces arguments demeurent valables. Je vous demande donc, monsieur Bocquet, de bien vouloir retirer l’amendement n° 91.

Je comprends l’intention des auteurs de l’amendement n° 47 rectifié, ayant moi-même d’abord exploré cette voie en cherchant une solution à cette confusion des deux fonds de garantie des dépôts et de résolution, avant de me heurter au problème de la fongibilité. J’émets donc, là encore, une demande de retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est le même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 47 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement n° 47 rectifié est retiré.

Monsieur Bocquet, l’amendement n° 91 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 91.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après le mot :

Autorité

insérer les mots :

de l'intégralité

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Il s’agit de s’assurer que le fonds de garantie des dépôts et de résolution n’intervient bien qu’en dernier ressort pour sauver un établissement défaillant, après que l’intégralité des prérogatives prévues à l’article 7 a été mise en œuvre par l’ACPR. Son intervention ne se produirait donc qu’à la fin d’un long processus, une fois toutes les autres possibilités épuisées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que le fonds de garantie des dépôts et de résolution ne peut intervenir en résolution seulement quand les mesures de dépréciation sur les actionnaires et les créanciers ont été intégralement épuisées.

L’article 6 du projet de loi confie au fonds la mission d’intervenir en résolution, par exemple pour financer un établissement en difficulté ou pour le recapitaliser. Il précise que cette intervention ne peut avoir lieu qu’après que les mécanismes d’absorption des pertes prévus à l’article 7 – imputation des pertes sur les actionnaires ou détention des titres hybrides, par exemple – ont tous été utilisés.

L’amendement vise à préciser que les mécanismes d’imputation sur les actionnaires ou les créanciers devront être intégralement épuisés. Or la dépréciation des titres des créanciers pourrait ne pas être totale : il pourrait s’agir, par exemple, d’une décote de 50 % ou de 70 % sur les différents types de dettes.

Il pourrait être nécessaire de faire intervenir le Fonds de garantie des dépôts et de résolution pour boucler un programme de recapitalisation.

D'une façon générale, il convient de laisser à l’ACPR une marge d’appréciation pour décider, au cas par cas, de la configuration du programme de résolution.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 48 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Oui, je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Bas, est ainsi libellé :

Alinéa 15

Remplacer les mots :

sous quelque forme que ce soit, y compris

par le mot :

uniquement

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 272, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer les références :

des I et II

par les mots :

du présent article

La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Yung, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 272.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 141 rectifié ter, présenté par M. Caffet, Mme M. André, MM. Berson et Botrel, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini et Yung, Mme Lepage et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 20

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du second alinéa de l’article L. 312–6, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il peut engager toute action en responsabilité à l’encontre des actionnaires ou détenteurs de titres représentatifs d’une fraction de capital social des établissements pour lesquels il intervient aux fins d’obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes versées par lui. »

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

M. Jean-Pierre Caffet. Lors d'une procédure de résolution, c'est-à-dire dans des cas très précis, il convient de permettre au Fonds de garantie des dépôts et de résolution d'agir en responsabilité, pour le compte de l’ACPR, contre les actionnaires ou les sociétaires de l'établissement en résolution sur le plan tant économique que juridique. En effet, s’il est bon de responsabiliser les acteurs du secteur financier comme les dirigeants bancaires, il doit en être de même pour les actionnaires, et ce dans deux cas : lorsqu'il s'agira d'obtenir le remboursement de tout ou partie des sommes versées par le Fonds de garantie des dépôts et de résolution, d’une part, si les actionnaires s'opposent aux mesures prises par l’ACPR dans le cadre d'une procédure de résolution, d’autre part.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Il est utile que le Fonds de garantie des dépôts et de résolution puisse se retourner contre ceux, dirigeants ou actionnaires, qui s’opposeront à son intervention. Nous avons connu, voilà quelques mois, un tel cas dans le paysage bancaire français.

M. Richard Yung, rapporteur. L’intervention du Fonds de garantie des dépôts et de résolution, en garantie des dépôts ou en résolution, peut se révéler coûteux pour lui-même et pour ses adhérents. Dans ce cadre, le Fonds doit pouvoir se retourner en responsabilité contre les dirigeants des établissements aidés, lorsque la situation de l’établissement est liée à des manquements de leur part.

Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Chapitre II

Planification des mesures préventives de rétablissement et de résolution bancaires et mise en place du régime de résolution bancaire

Article 6 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 8 (Texte non modifié par la commission)

Article 7

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre VI du code monétaire et financier est complétée par une sous-section 3 ainsi rédigée :

« Sous-section 3

« Mesures de prévention et de résolution des crises bancaires

« Art. L. 613-31-11. – Dans le but de préserver la stabilité financière dans les conditions énoncées au 4° du II de l’article L. 612-1, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, dépassant un seuil de bilan fixé par décret et qui ne font pas l’objet d’une surveillance sur une base consolidée dans les conditions prévues à l’article L. 613-20-1 élaborent et communiquent à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution un plan préventif de rétablissement prévoyant, en cas de détérioration significative de leur situation financière, les mesures envisagées pour leur rétablissement.

« En outre, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut demander à un établissement, à une société ou à une entreprise soumise à son contrôle et se trouvant hors du champ des dispositions qui précèdent, et dont l’activité viendrait à présenter un risque spécifique au regard de la stabilité financière, de lui soumettre un plan préventif de rétablissement.

« Lorsque ces établissements et entreprises appartiennent à un groupe, au sens de l’article L. 511-20, dont le total de bilan dépasse un seuil fixé par décret et font l’objet d’une surveillance sur une base consolidée dans les conditions de l’article L. 613-20-1, le plan préventif de rétablissement est élaboré sur une base consolidée.

« Le plan préventif de rétablissement ne prend en compte aucune possibilité de soutien financier exceptionnel de l’État ou du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

« Le plan préventif de rétablissement est actualisé par l’établissement ou l’entreprise au moins une fois par an, ainsi qu’après chaque modification significative de son organisation ou de ses activités.

« Si l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution estime que le plan préventif de rétablissement n’est pas suffisant, elle peut adresser des observations à l’établissement ou à l’entreprise et lui demander de le modifier.

« Les personnes ayant participé à l’élaboration du plan ou ayant connaissance de celui-ci sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 511-33.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.

« Art. L. 613-31-12. – (non modifié) L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution établit pour les établissements de crédit et entreprises d’investissement mentionnés à l’article L. 613-31-11 un plan préventif de résolution prévoyant les modalités spécifiques d’application des mesures de résolution prévues à l’article L. 613-31-16.

« Dans les cas prévus au troisième alinéa de l’article L. 613-31-11, le plan préventif de résolution est élaboré sur une base consolidée et comporte des sections spécifiques pour chacune des entités de taille significative.

« Les personnes ayant participé à l’élaboration du plan ou ayant connaissance du plan sont tenues au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 511-33.

« Art. L. 613-31-13. – (non modifié) Dans les cas où l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution estime, au vu notamment des plans préventifs de rétablissement ou de résolution prévus aux articles L. 613-31-11 et L. 613-31-12, que l’organisation et le fonctionnement d’un établissement ou d’une entreprise mentionnés à l’article L. 613-31-12 seraient de nature à faire obstacle à la mise en œuvre efficace des mesures de résolution prévues à l’article L. 613-31-16, elle peut demander à cet établissement ou à cette entreprise de prendre des mesures visant à réduire ou à supprimer ces obstacles.

« Si l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution estime que ces mesures sont insuffisantes, elle peut, après que l’établissement ou l’entreprise a pu présenter ses observations, lui enjoindre de prendre dans un délai déterminé les mesures, y compris, le cas échéant, de modification de ses activités ou de sa structure juridique et opérationnelle, qu’elle estime nécessaires afin de permettre la mise en œuvre effective des mesures de résolution mentionnées à l’article L. 631-31-16.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.

« Art. L. 613-31-14. – (non modifié) Les membres mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 612-8-1 peuvent saisir le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution de la situation d’un établissement de crédit, d’une compagnie financière, d’une compagnie financière holding mixte ou d’une entreprise d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille, en vue de la mise en œuvre des mesures de résolution mentionnées à l’article L. 613-31-16. Toutefois, dans le cas prévu au 3° du II de l’article L. 613-31-15, seul le membre du collège de résolution mentionné au 2° de l’article L. 612-8-1 peut saisir l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

« Art. L. 613-31-15. – I. – Dans les cas où il est saisi en application de l’article L. 613-31-14, le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution apprécie si la personne en cause, prise individuellement ou au sein du groupe auquel elle appartient, au sens de l’article L. 511-20, est défaillante et s’il n’existe aucune perspective que cette défaillance puisse être évitée dans un délai raisonnable autrement que par la mise en œuvre d’une mesure de résolution.

« II. – L’établissement ou l’entreprise est défaillant s’il se trouve ou s’il existe des éléments objectifs montrant qu’il est susceptible de se trouver à terme rapproché dans l’une ou l’autre des situations suivantes :

« 1° Il ne respecte plus les exigences de fonds propres qui conditionnent le maintien de l’agrément ;

« 2° Il n’est pas en mesure d’assurer ses paiements, immédiatement ou à terme rapproché ;

« 3° Il requiert un soutien financier exceptionnel des pouvoirs publics.

« Art. L. 613-31-16. – I. – Les mesures prises par le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au titre de la résolution poursuivent les finalités d’intérêt public mentionnées au 4° du II de l’article L. 612-1. Les mesures prises envers toute personne soumise à la procédure de résolution permettent d’atteindre ces finalités de manière proportionnée et peuvent consister à :

« 1° Exiger de toute personne soumise à son contrôle, de ses dirigeants, de ses mandataires sociaux, de ses commissaires aux comptes ou de ses salariés de fournir toutes informations utiles à la mise en œuvre de la procédure de résolution ;

« 2° Nommer un administrateur provisoire, au sens de l’article L. 612-34. Toute stipulation prévoyant que cette nomination est considérée comme un événement de défaut est réputée non écrite ;

« 3° Révoquer tout dirigeant responsable, au sens de l’article L. 511-13, de la personne soumise à la procédure de résolution ;

« 4° Décider du transfert d’office de tout ou partie d’une ou plusieurs branches d’activité de la personne soumise à la procédure de résolution. Ce transfert est réalisé de plein droit à la date fixée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sans qu’il soit besoin d’aucune formalité. Il entraîne la transmission universelle de patrimoine de la branche d’activité concernée. Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les contrats afférents aux activités cédées ou transférées se poursuivent sans qu’aucune résiliation ni compensation ne puisse intervenir du seul fait de ce transfert ou de cette cession ;

« 5° Décider du recours à un établissement-relais chargé de recevoir, à titre provisoire, tout ou partie des biens, droits et obligations de la personne soumise à la procédure de résolution, en vue d’une cession dans les conditions fixées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Ce transfert est réalisé de plein droit à la date fixée par l’Autorité et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité. Il porte également sur les accessoires des créances cédées et des sûretés réelles ou personnelles les garantissant. Nonobstant toute disposition ou stipulation contraire, les contrats afférents aux activités cédées ou transférées se poursuivent sans qu’aucune résiliation ni compensation ne puisse intervenir du seul fait de ce transfert ou de cette cession. L’Autorité peut procéder à l’agrément de l’établissement-relais en le dispensant à titre provisoire du respect de tout ou partie des exigences prudentielles en vigueur ;

« 6° Faire intervenir le fonds de garantie des dépôts et de résolution en application de l’article L. 312-5, en veillant à ce que cette intervention ne provoque pas de contagion des difficultés de la personne soumise à la procédure de résolution aux autres adhérents du fonds. Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles est déterminé le plafond des contributions qui peuvent être appelées auprès des adhérents du fonds, en tenant compte de leur situation au regard des exigences de fonds propres qui leur sont applicables ;

« 7° Transférer, avec son accord, au fonds de garantie des dépôts et de résolution ou à un établissement-relais les actions et les parts sociales émises par la personne soumise à la procédure de résolution ;

« 8° Estimer les dépréciations sur la base d’une valorisation de l’actif et du passif de la personne soumise à la procédure de résolution, sans prendre en compte la mise en œuvre des mesures de résolution ni l’éventualité d’un soutien public ;

« 9° Imposer la réduction du capital, l’annulation des titres de capital ou des éléments de passif ou la conversion des éléments de passif afin d’absorber le montant des dépréciations, selon l’ordre et les modalités suivantes :

« a) En premier lieu, les dépréciations sont imputées sur les capitaux propres ;

« b) En deuxième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les titres subordonnés de dernier rang émis en application de l’article L. 228-97 du code de commerce, les titres participatifs et les autres instruments de dernier rang dont le contrat d’émission prévoit qu’ils absorbent les pertes en continuité d’exploitation. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées sur les actifs ;

« c) En troisième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les autres obligations dont le contrat d’émission prévoit que, en cas de liquidation de l’émetteur, elles ne sont remboursées qu’après désintéressement des créanciers privilégiés et chirographaires. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées. Ces mesures s’appliquent de manière égale entre créanciers de même rang, en réduisant le montant en principal de ces créances ou l’encours exigible à leur titre dans une égale mesure proportionnellement à leur valeur ;

« 10° Imposer à la personne soumise à la procédure de résolution qu’elle émette de nouvelles actions ou parts sociales ou d’autres instruments de fonds propres, y compris des actions de préférence et des instruments convertibles conditionnels ;

« 11° Prononcer, pour un délai fixé par décret, nonobstant toute disposition ou toute stipulation contraire, l’interdiction de payer tout ou partie des dettes mentionnées au 9° nées antérieurement à la date de la décision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ;

« 12° Limiter ou interdire temporairement l’exercice de certaines opérations par cet établissement ;

« 13° Interdire ou limiter la distribution d’un dividende aux actionnaires ou d’une rémunération des parts sociales aux sociétaires de cet établissement ;

« 14° Suspendre l’exercice du droit d’invoquer la déchéance du terme, ainsi que des droits de résiliation et de compensation prévus à l’article L. 211-36-1, de tout ou partie d’un contrat conclu avec cet établissement, jusqu’à 17 heures au plus tard le jour ouvrable suivant la publication de cette décision, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Lorsque les mesures mentionnées aux 12° et 13° ont déjà été prises par le collège de supervision, le collège de résolution est seul compétent pour décider de les maintenir, les adapter ou les lever aux personnes entrées en résolution.

« II. – Le collège de résolution de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution veille, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, à ce qu’aucun actionnaire, sociétaire ou créancier n’encoure de pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si la personne avait été liquidée selon la procédure de liquidation judiciaire prévue par le code de commerce.

« III. – Le prix d’émission des actions nouvelles et autres instruments de fonds propres à émettre, le taux de conversion des dettes convertibles, le prix de cession ou de transfert des actions et autres titres de capital et le prix de cession ou de transfert des actifs sont fixés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution sur proposition d’un expert indépendant désigné par le premier président de la Cour de cassation. Dans le cas où une valorisation indépendante n’est pas possible en raison de l’urgence de la situation, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut procéder elle-même à la valorisation. Ces valorisations justes et réalistes sont conduites selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession totale ou partielle d’actifs de sociétés, en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence des filiales et des perspectives d’activité.

« IV. – Les biens, droits et obligations régis par une convention mentionnée à l’article L. 211-36-1 et leurs accessoires ne peuvent être cédés ou transférés qu’en totalité.

« Les contreparties ne peuvent exercer le droit d’invoquer la déchéance du terme, ainsi que les droits de résiliation et de compensation, prévus par une convention, du seul fait qu’une mesure de résolution prévue au I du présent article a été prise, sauf lorsque cette mesure entraîne la cession ou le transfert prévu au 4° ou au 5° du même I, s’agissant des biens, droits et obligations régis par une convention mentionnée à l’article L. 211-36-1 ainsi que leurs accessoires, qui ne sont pas cédés ou transférés à un tiers ou à un établissement-relais, selon les cas.

« V (nouveau). – Le ministre chargé de l’économie informe les présidents et les rapporteurs généraux des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat de la mise en œuvre des mesures de résolution.

« Art. L. 613-31-17. – (non modifié) I. – En cas d’urgence, les mesures mentionnées à l’article L. 613-31-16 peuvent être prises à titre provisoire sans procédure contradictoire. Une procédure contradictoire est engagée dès que possible aux fins de lever, d’adapter ou de confirmer ces mesures.

« II. – Lorsque la mise en œuvre d’une mesure prévue à l’article L. 613-31-16 n’a pu donner lieu à l’information ou à la consultation préalable du comité d’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 2323-2 du code du travail, cette instance est réunie par l’employeur dès que possible. 

« Art. L. 613-31-18. – (non modifié) L’annulation d’une décision du collège de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n’affecte pas la validité des actes pris pour son application lorsque leur remise en cause est de nature à porter atteinte aux intérêts des tiers, sauf en cas de fraude de ceux-ci. »

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l'article.

M. Éric Bocquet. Cet article porte sur l’une des questions essentielles posées par le contrôle prudentiel des établissements de crédit, celle de la réalité des sanctions qui pourront être prises, selon la gravité des situations qui aura été relevée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

L’éventail des opérations de contrôle et de sanction que peut prendre l’Autorité indépendante est globalement renforcé par cet article 7, et l’échelle des mesures prises est fixée avec relativement de précision et de sérieux.

Faisons une remarque d’emblée, qui n’est pas qu’incidente.

On pourrait s’étonner que les mesures de résolution ne prévoient qu’assez peu de moyens pour assurer la garantie des dépôts, ce qui constitue sans doute la préoccupation essentielle des usagers des banques, et tentent surtout de repousser autant que faire se peut toute démarche mobilisant des fonds publics, privilégiant de fait le financement interne des dispositifs éventuels de redressement.

Avec ce texte, nous sortons donc a priori du schéma privilégié ces dernières années qui, la plupart du temps, a consisté à solliciter les puissances publiques pour résoudre les crises de liquidité qu’ont traversées les marchés financiers, en particulier les établissements de crédit.

Pour autant, il nous semble que l’une des questions qui n’est pas encore résolue se pose directement dans le cadre de cet article relatif aux procédures de résolution.

Depuis la loi bancaire de 1984, et singulièrement depuis l’alternance politique de 1986, notre secteur financier a connu de profondes transformations, conduisant à la privatisation forcenée de l’essentiel des établissements de crédit, qu’il s’agisse des banques nationalisées en 1981 comme des entités historiques de la Libération. Cette privatisation est allée de pair avec des changements de structure assez fondamentaux au sein des établissements à statut particulier, comme l’a montré, par exemple, la fusion entre les Banques populaires et les Caisses d’épargne telle qu’elle a été mise en œuvre sous la législature précédente.

Observons d'ailleurs qu'aucune disposition du texte n’est venue mettre en question la loi de fusion et que le Groupe BPCE a quelque peu anticipé la séparation des activités bancaires en détachant Natixis de l’ensemble BPCE.

Pour autant, et cela en surprendra certains, dans ce maelström de la privatisation du secteur financier, quels sont les établissements considérés comme les plus sûrs du monde, ceux dans lesquels le risque systémique est faible ? Étonnamment, il s’agit d’établissements dont le caractère public est plus ou moins clairement affirmé, c’est-à-dire qui assurent pour l’essentiel des missions d’intérêt général.

En tête de gondole – si je puis dire – du classement établi par le magazine Global Finance, référence en la matière, la banque allemande KfW, Kreditanstalt für Wiederaufbau, littéralement Établissement de crédit pour la reconstruction, dont nous avions eu l’occasion de parler lors de l’examen du projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement et qui constitue la référence en la matière.

La KfW devance la banque néerlandaise BNG, Bank Nederlandse Gemeenten, littéralement Banque néerlandaise des communes, c’est-à-dire l’établissement finançant les investissements des collectivités locales aux Pays-Bas.

En troisième position se trouve la Zürcher Kantonalbank, Banque cantonale de Zurich, entité placée sous le contrôle direct et la supervision du conseil cantonal de Zurich.

Suivent les deux institutions spécialisées que constituent la Landwirtschaftliche Rentenbank et la Landesbank Baden-Württemberg, deux établissements de propriété publique intervenant l’un dans le champ du financement des activités agricoles et agroalimentaires, l’autre dans celui de l’économie générale, singulièrement dans la partie sud de l’Allemagne.

Arrive ensuite notre bonne vieille Caisse des dépôts et consignations, dont les activités, celles de la Section générale en fait, sont suffisamment sérieusement conduites pour que l’établissement, placé sous le contrôle des parlementaires, figure en bonne position dans cette liste des établissements « sûrs ».

La suite du classement publié par Global Finance continue d’égréner les entités publiques, avec des noms aussi surprenants que la Nederlandse Waterschapsbank N.V., qui ressemble quelque peu à la structure que d’aucuns souhaiteraient mettre en place dans notre pays pour le financement local, DBS, la Banque de développement de Singapour, ou la Caisse centrale Desjardins, sorte de Caisse d’épargne version canadienne. Quel tour du monde ! (Sourires.)

La première banque privée figurant dans la liste est la Rabobank néerlandaise, même s’il convient de rappeler que cette structure présente un caractère coopératif.

La première banque française privée figurant dans ce classement est la Banque fédérative du Crédit mutuel, structure particulière du point de vue de l’actionnariat et de l’organisation, classée en 36e position, devant La Banque Postale en 43e position et BNP Paribas en 47e position.

Ces statistiques ne sont pas inintéressantes.

Nous sommes donc en présence d’un univers financier où la plupart des grands établissements privés, européens ou américains, portent en eux-mêmes l’essentiel des risques systémiques et où, la plupart du temps, les circuits de financement du développement local et de la finance au service de l’économie – ménages, collectivités ou entreprises – font la démonstration de leur qualité.

Nous ne pouvions que souligner cet aspect à ce stade du débat.

M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 613–31–19. - Dans les sociétés mentionnées à l’article L. 613–31–14, les modalités de détermination de la rémunération des dirigeants responsables au sens des articles L. 511–13 et L. 532–2 et des catégories de personnel, incluant les preneurs de risques, les personnes exerçant une fonction de contrôle, ainsi que tout salarié qui, au vu de ses revenus globaux, se trouve dans la même tranche de rémunération, dont les activités professionnelles ont une incidence significative sur le profil de risque de l’entreprise ou du groupe, prévoient les conditions dans lesquelles les éléments de rémunération variable, y compris les éléments de rémunérations attribués mais non versés, et les indemnités ou avantages dus ou susceptibles d’être dus en raison de la cessation ou du changement de fonctions de ces personnes, peuvent être réduits ou annulés en cas de mise en œuvre de l’une ou plusieurs des mesures mentionnées à l’article L. 613–31–16.

« L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution s’assure que ces modalités sont de nature à garantir une participation financière effective des personnes concernées en cas de mise en œuvre de l’une ou plusieurs des mesures mentionnées à l’article L. 613–31–16. »

II. - L’article L. 631–31–19 du code monétaire et financier est applicable aux contrats conclus à partir de l’entrée en vigueur de la présente loi. Les contrats conclus avant cette date doivent être modifiés dans un délai de trois ans après la promulgation de la même loi pour tenir compte de l’obligation prévue par le même article L. 631–31–19.

III. – En conséquence, alinéa 1

Faire précéder cet alinéa de la mention :

I. –

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis.

M. Yannick Vaugrenard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans le cadre du plan de résolution bancaire, les dispositions du projet de loi de séparation et de régulation apportent bien la garantie des actionnaires et des créanciers des banques : ceux-ci seront mis à contribution. En revanche, l'hypothèse d'une garantie des principaux dirigeants, notamment des traders, n'est pas évoquée, en cas de résolution.

Cet amendement vise donc à impliquer personnellement les dirigeants des banques et les traders dans le coût financier du sauvetage de leur établissement en cas de crise. Il a également pour objet de faire figurer dans les contrats de travail les conditions dans lesquelles les preneurs de risques renoncent à tout ou partie de leur rémunération variable, y compris les retraites chapeau.

Actuellement, rien n'oblige ces preneurs de risques à supporter le coût des décisions qu'ils ont prises. Leur rémunération est acquise quoi qu'il arrive. Ils ne sont donc pas incités à la prudence.

L’amendement que je propose introduit en quelque sorte une forme de franchise d’assurance dans la rémunération des dirigeants et des traders. En cas de sinistre bancaire, ils devront payer la franchise.

J'ajoute que l’ACPR vérifiera si cette franchise est fixée à un niveau significatif.

Monsieur le président, avec votre autorisation, je donnerai d'emblée mon point de vue sur le sous-amendement n° 280 du Gouvernement. Il est précisé dans l'amendement que les contrats en cours devront être modifiés dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi. Cette disposition pose à l'évidence un problème juridique et administratif. J’accepte donc sa suppression. Je souhaite cependant que le Gouvernement s'engage à introduire ladite disposition, si l'expertise approfondie proposée par M. le ministre est positive.

M. le président. Le sous-amendement n° 280, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rect.

Alinéa 4, dernière phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. L’amendement n° 1 rectifié est conforme aux intentions du Gouvernement.

Toutefois, l'application de la mesure aux contrats en cours soulève de possibles difficultés, puisqu'il s'agit d'intervenir dans des contrats de travail de salariés. Il me semble plus raisonnable de ne pas accepter cette disposition sans qu'une expertise préalable de son impact ait été menée.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement qu’il présente et qui vise à supprimer la dernière phrase du II relative aux contrats en cours.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Nous avons déjà abordé la question des rémunérations, de la partie fixe et de la partie variable, et j’avais alors indiqué que nous serait soumis un amendement visant à supprimer totalement ou partiellement le versement de ces compléments de rémunération pour les entreprises en situation de résolution.

La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, modifié par le sous-amendement du Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 280.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 1 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 179 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 30

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 31

Supprimer les mots :

au fonds de garantie des dépôts et de résolution ou

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de l’amendement n° 178 rectifié que nous avons déposé à l’article 6.

Les sénateurs du groupe UDI-UC ont des doutes quant au rôle du Fonds de garantie des dépôts et de résolution dans ce nouveau dispositif. Nous avons déjà pu exposer nos interrogations à ce sujet, notamment sur la protection des épargnants et des déposants. Il s’agit donc de dissocier le Fonds des dispositions relatives à l’ACPR.

Nous l’avons souligné : ce Fonds agit comme une assurance. Or toutes les banques n’y souscrivent pas. Quelle en est la conséquence ? Ce sera aux banques prudentes de financer la prise de risque des banques les moins prudentes. Ce phénomène porte un nom, l’aléa moral, ce même aléa moral que le texte entend combattre.

Nous nous interrogeons donc sur l’opportunité de faire courir aux déposants un risque majeur causé par une résolution qui se passerait mal en attribuant au Fonds deux missions différentes. N’aurait-il pas été plus opportun de créer un fonds alternatif pour appuyer les procédures de résolution ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. La commission avait demandé le retrait de l'amendement n° 178 rectifié, ce que M. de Montesquiou a accepté de faire. Aussi, par coordination, elle demande le retrait de l’amendement n° 179 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

M. le président. Monsieur de Montesquiou, l'amendement n° 179 rectifié est-il maintenu ?

M. Aymeri de Montesquiou. Je tiens à manifester mon étonnement devant le fait que certaines banques souscrivent alors que d'autres ne souscrivent pas.

Cela étant dit, je retire cet amendement, monsieur le président. Mais j'aurais souhaité avoir une réponse du Gouvernement !

M. le président. L'amendement n° 179 rectifié est retiré.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 92, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 36, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

« c) En troisième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur l’ensemble des autres obligations et titres de créances émis, l’application de cette disposition concernant les obligations autres que celles dont le contrat d’émission prévoit qu’en cas de liquidation de l’émetteur, elles ne seront remboursées qu’après le désintéressement des créanciers privilégiés et chirographaires pouvant être reportées jusqu’à l’entrée en vigueur d’une législation équivalente au niveau de l’Union européenne.

La parole est à M. Éric Bocquet.

M. Éric Bocquet. L’article 7 du projet de loi prévoit pour l’autorité de résolution la possibilité d’imputer les pertes sur les actions, puis sur les dettes subordonnées, puis sur les dettes dites « juniors ».

Les dettes dites « seniors » sont en revanche exclues de la liste, et cet oubli est lourd de conséquences, car la possibilité pour les créanciers d’absorber les pertes constitue le seul moyen d’éviter que ces dernières ne soient supportées par le contribuable.

Or les seuls actionnaires et détenteurs de dette « subordonnée » et « junior » s’avéreront vite insuffisants en cas de défaillance d’un établissement financier.

Ne pas inclure les dettes « seniors » des banques dans la liste des instruments financiers pouvant faire l’objet d’une résolution revient donc à renoncer à casser l’aléa moral.

Il est ici important de noter que les mécanismes de résolution bancaire envisagés aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou au niveau de l’Union européenne prévoient tous de donner le pouvoir à l’autorité de résolution d’imputer des pertes aux créanciers seniors.

Le texte du présent projet de loi est donc le seul, pour le moment, à faire exception à ce niveau.

Dans un but d’articulation de la loi française avec la réglementation en cours d’élaboration au niveau de l’Union européenne sur ce sujet, il est possible de prévoir une entrée en vigueur de cette disposition concomitamment avec la réglementation européenne, mais il est indispensable que la règle soit posée par la loi française, car l’impossibilité de faire supporter le poids de pertes éventuelles à l’ensemble des créanciers aurait comme conséquence de faire porter ces pertes par le contribuable.

Avouez tout de même qu’il serait paradoxal que le renforcement des pouvoirs et compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel aille de pair avec une sollicitation probablement aussi significative qu’auparavant des deniers publics.

Il serait dommage de donner des prérogatives à l’ACPR pour avoir le bonheur de rejouer le psychodrame du Crédit Lyonnais à la première faillite bancaire venue...

M. le président. L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 36, première phrase

Après le mot :

imputées

rédiger ainsi la fin de cette phrase :

sur l’ensemble des autres obligations et titres de créances.

La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. La rédaction actuelle du projet de loi permet de faire supporter les pertes de la banque aux créanciers juniors et subordonnés, mais non aux créanciers seniors. Cette disposition, qui doit être prise au niveau français et européen, est pourtant essentielle pour assurer à nos concitoyens que ceux qui bénéficient aujourd’hui des possibilités offertes par la spéculation seront aussi ceux qui en assumeront les risques en cas de nouvelle crise.

Il peut paraître choquant que tous ceux qui ont profité des investissements risqués en période faste soient à l’abri des conséquences des risques pris.

En n’intégrant pas la possibilité de faire supporter les pertes éventuelles aux créanciers dits « seniors », le projet de loi français est très en retrait sur divers dispositifs ou projets de dispositifs de résolution ayant le même objet : projet de directive européenne ou dispositifs de rétablissement et de résolution bancaire aux États-Unis, en Grande-Bretagne et au Danemark.

Ce souci des intérêts des créanciers privés des établissements financiers à finalité spéculative est touchant, mais moins que ne pourrait l’être celui des finances publiques et du contribuable français.

M. le président. L’amendement n° 191 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 36

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) En quatrième lieu, les dépréciations qui demeurent sont imputées sur les autres valeurs mobilières représentatives de créances. Les mesures qui précèdent peuvent consister en une réduction du principal, en une annulation ou en une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées. Ces mesures s’appliquent de manière égale entre créanciers de même rang, en réduisant le montant en principal de ces créances ou l’encours exigible à leur titre dans une égale mesure proportionnellement à leur valeur ;

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Mme Laurence Rossignol. Cet amendement vise à inclure la dette senior dans la liste des instruments financiers pouvant faire l’objet d’une résolution.

Avouez, mes chers collègues, que cette disposition prend un peu de relief dans la période actuelle.

Le projet de loi, dans sa rédaction présente, prévoit pour l’autorité de résolution la possibilité d’imputer les pertes sur les actions, puis sur les dettes subordonnées, puis sur les dettes dites « juniors ». Les dettes dites « seniors », qui bénéficient d’un privilège de remboursement, sont pour l’instant exclues de la liste des outils financiers mobilisables.

Notre amendement vise à permettre à l’autorité de résolution, à l’instar de ce qui a été fait en Grande-Bretagne et aux États-Unis, d’intégrer les créances de dette senior parmi celles que les banques peuvent appeler.

Ce ne serait pas, pour l’autorité de résolution, une obligation, mais une simple possibilité. Nous considérons donc que cet amendement ne fragilise pas l’équilibre du projet de loi, puisqu’il ne crée pas une sanction automatique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Ce débat sur la participation de tous les créanciers au comblement de passif, ou bail-in, est important.

La commission a émis un avis de sagesse négative sur ces amendements, considérant qu’ils permettaient d’engager un débat important mais que les réponses qu’ils apportaient n’étaient pas pleinement satisfaisantes.

L’article 7 du projet de loi prévoit que les pertes d’un établissement en résolution sont imputées, dans l’ordre, sur les actionnaires, les détenteurs de titres hybrides, puis certains créanciers dits subordonnés.

Je vous rappelle que, dans la hiérarchie des titres, on trouve au sommet les obligations sécurisées, puis les créances garanties par des sûretés – mobilières et immobilières –, les créances ordinaires ou chirographaires, au sein desquelles on trouve les dépôts, les titres subordonnés – ce que l’on appelle la dette « junior » –, les prêts et titres participatifs, les titres super-subordonnés et, enfin, les actions. Le terme de dette senior est imprécis, car il renvoie non seulement aux créances ordinaires, mais aussi aux créances garanties et privilégiées.

Le présent amendement vise à inclure l’ensemble des créanciers dans le dispositif, y compris les créanciers ordinaires et les créanciers privilégiés.

Il s’agit d’une évolution à laquelle je suis, sur le principe, plutôt favorable.

À ma connaissance, les négociations qui se déroulent au niveau européen s’orientent plutôt dans ce sens. À terme, cette solution me semble d’ailleurs la seule capable de nous prémunir contre un appel de fonds publics d’importance, la dette senior représentant une part considérable de l’ensemble des titres.

Cependant, il ne me semble pas opportun de la prévoir dans le texte français à ce stade pour deux raisons.

D’une part, il conviendrait d’en préciser les contours techniques. Quels créanciers privilégiés veut-on inclure ? Veut-on inclure les dettes de court terme, nécessaire au refinancement des banques ? Veut-on, surtout, inclure les déposants, qui ne sont rien d’autre que des créanciers de la banque ?

D’autre part, cette discussion est déjà bien engagée à Bruxelles, même si elle n’est pas finalisée, et il me semble prudent d’attendre d’avoir le texte européen définitif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur.

Je soutiens moi aussi la philosophie de ces amendements, mais il me semble que l’inscription de ces mesures dans la loi n’est pas souhaitable à ce stade.

Premièrement, l’implication des créanciers seniors, c’est-à-dire les créanciers obligataires ne bénéficiant d’aucune garantie particulière, mais aussi des dépôts, est en cours de discussion au niveau européen dans le cadre de la directive « résolution ». Il me paraît donc plus sage d’attendre que les choses se consolident à Bruxelles.

Deuxièmement, si j’ai eu l’occasion d’affirmer publiquement, lors des débats à l’Assemblée nationale, en commission des finances comme en séance, que la France soutenait l’implication des créanciers seniors dans le processus de résolution, il ne me semble pas pour autant souhaitable d’inclure dès à présent cette disposition dans la loi, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, attendons le consensus européen sur le périmètre du bail-in, sans aller au-delà de ce qui figure à ce stade dans le projet de loi. Ces débats européens, auxquels je participe, sont loin d’être stabilisés et il me paraît donc plus prudent d’attendre l’adoption de la directive.

Ensuite, le projet de directive lui-même prévoit des exceptions à l’endroit des dépôts couverts par des garanties afin de protéger les déposants et d’éviter les risques de panique ou de run, encore illustrés par les événements survenus récemment.

Ces exceptions sont nécessaires pour la stabilité financière et la protection des déposants et nous devons les prendre en compte.

Enfin, cette disposition peut avoir un effet important sur l’accès des banques au financement et sur son coût. Il faut prendre en compte l’impact d’une telle mesure sur le financement des banques, et donc sur le financement de l’économie.

À cet égard, mon souci est toujours le même : oui, réformer, contrôler, réguler, maîtriser, mais ne pas pénaliser unilatéralement le financement de l’économie française.

Le dispositif de directive lui-même prévoit un dispositif spécifique pour l’entrée en vigueur du bail-in. Le report à 2018 doit permettre de prendre en compte ses effets possibles sur le financement bancaire, car nous ne sommes pas en mesure de le prévoir immédiatement.

Dans le cadre des négociations en cours sur le projet de directive, nous participons activement aux travaux pour trouver rapidement un consensus sur ce sujet sensible. Je souhaite que la directive retienne un périmètre large, tout en reconnaissant des exceptions nécessaires pour la stabilité financière, notamment en excluant les dépôts des particuliers.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à retirer ces trois amendements. À défaut, et même si le Sénat est une assemblée sage, par définition, je dirais que ma sagesse est peut-être encore plus négative que la vôtre, monsieur le rapporteur. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Bocquet, l'amendement n° 92 est-il maintenu ?

M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.

M. le président. Sur ces trois amendements en discussion commune, je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Madame Rossignol, l'amendement n° 191 rectifié bis est-il maintenu ?

Mme Laurence Rossignol. Je me satisfais des explications que vient de donner M. le ministre. Elles témoignent d’une convergence d’intentions et apportent un certain nombre d’éléments complémentaires et sérieux, qui justifient en eux-mêmes le dépôt de cet amendement.

Pour ce qui me concerne, je n’ai nul besoin d’une demande de scrutin public pour m’inciter à retirer un amendement, ce que j’ai déjà su faire à plusieurs étapes du débat, lorsque le Gouvernement m’a convaincu.

Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 191 rectifié bis est retiré.

Monsieur Caffet, la demande de scrutin public du groupe socialiste est-elle maintenue sur les amendements nos 92 et 49 rectifié ?

M. Jean-Pierre Caffet. Je n’en suis pas à l’origine, mais il ne me semble pas nécessaire de procéder par scrutin public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Requier, l'amendement n° 49 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

Dans l’examen des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 7, à deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 50 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

II. – Après l’alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... – Durant la procédure de résolution, il est interdit à la société de distribuer tout dividende aux actionnaires ou de rémunérer des parts sociales aux sociétaires de ces établissements.

La parole est à M. Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Le projet de loi donne à l’Autorité de contrôle le pouvoir d’apprécier si l’interdiction de distribution de dividendes ou de rémunération des sociétaires d’un établissement durant la procédure de résolution est justifiée.

Cet amendement tend à interdire ces distributions de manière automatique tant que la procédure de résolution n’est pas arrivée à son terme.

Mme la présidente. L'amendement n° 259, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

II. - Après l'alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ... - Lorsqu'un établissement est soumis à la procédure de résolution, il ne peut pas être procédé à la distribution de dividende aux actionnaires ni à la rémunération de parts sociales aux sociétaires. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je comprends bien l’esprit de ces deux amendements. Au fond, il s’agit d’une mesure de bon sens.

La commission estime cependant qu’il vaut mieux laisser à l’ACPR la possibilité d’apprécier au cas par cas. Il peut en effet arriver que la possibilité de distribuer un dividende attire de nouveaux actionnaires, qui seront intégrés au mécanisme de résolution et qui reprendront, par exemple, une filiale ou une partie d’un groupe sous le coup d’une procédure de résolution.

Il ne s’agira sans doute pas du cas le plus fréquent, mais cela pourrait arriver. Dans ces conditions, la distribution d’un dividende peut s’avérer utile. La commission demande donc le retrait de ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Requier, l’amendement n° 50 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 50 rectifié est retiré.

Monsieur Desessard, l’amendement n° 259 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 259 est retiré.

L'amendement n° 273, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 46

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

IV bis. – Les mesures prévues au 4° et 5° du I du présent article, lorsqu'elles ont pour effet de transférer une partie mais pas la totalité des actifs, droits et obligations d'une personne soumise à une procédure de résolution à une autre personne, ne peuvent affecter le fonctionnement des systèmes visés à l'article L. 330–1 ni les règles de ces systèmes.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Richard Yung, rapporteur. C’est un amendement technique qui vise, en cas de transfert ou de cession de certains actifs d’une banque vers un autre établissement, à assurer la continuité des systèmes de paiement afférents aux actifs concernés. Il s’agit là de simple bon sens technique.

M. François Marc. C’est une bonne idée !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 273.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 171 rectifié, présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :

Alinéa 48

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 613-31-17. - I. - Les mesures mentionnées à l'article L. 613–31–16 sont prises dans le cadre d’une procédure contradictoire dont les modalités sont fixées par un décret en Conseil d’État. En cas d'urgence, les mesures mentionnées à l'article L. 613–31–16 peuvent être prises à titre provisoire après avis du Conseil d’État. »

La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. L’un des défauts majeurs de la rédaction de ce projet de loi réside dans l’absence d’une définition du risque systémique.

Le Gouvernement a cherché à pallier ce manque en laissant à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, au moyen de pouvoirs exorbitants du droit commun, la charge d’évaluer le risque systémique au cas par cas.

L’ACPR pourra interdire à un groupe de mener certaines activités ; elle pourra également conduire l’équipe dirigeante à partir, voire mettre en œuvre la procédure de résolution – le « testament bancaire », en quelque sorte – des banques soumises à son contrôle. Un tel pouvoir est totalement sidérant !

On n’a jamais vu une décision administrative mettre en jeu des milliards d’euros ni le sort de milliers de nos concitoyens. On n’a jamais vu non plus une telle décision être prise en l’absence de procédure contradictoire !

Le texte de l’article 7 nous explique en effet que l’urgence joue contre le succès d’une procédure de résolution, et que l’on ne saurait donc retarder la mise en œuvre de certaines dispositions sans nuire à l’ensemble de la procédure.

Nous ne partageons pas ce constat. Une procédure aussi lourde que la résolution, manifestement comparable, dans ses conséquences, à une sanction administrative, nous semble entrer dans le champ des stipulations de la Convention européenne des droits de l’homme, notamment de son article 6, dont l’application a prospéré jusque dans la jurisprudence du Conseil d’État.

Dès lors, en l’absence d’aménagement visant à la rendre plus contradictoire, cette procédure, dans sa rédaction actuelle, s’avérera contre-productive : elle suscitera un contentieux particulièrement important devant le juge administratif, contentieux qui ne pourra que nuire aux dispositions d’urgence.

Nous proposons donc un léger aménagement de l’article 7, de manière à renforcer les garanties de respect du principe du contradictoire et des droits de la défense face aux décisions de l’ACPR.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement.

Le caractère contradictoire de la procédure est déjà prévu à l’article 7, alinéa 48. Les mesures de résolution doivent faire l’objet d’une procédure contradictoire, sauf urgence.

S’il peut arriver que l’ACPR doive agir en urgence au début de la procédure de résolution pour les raisons que nous avons déjà évoquées, une fois cette période terminée, le droit normal, celui de la procédure contradictoire, reprend pleinement effet. La commission estime donc que votre amendement est satisfait, monsieur Delahaye.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Delahaye, l’amendement n° 171 rectifié est-il maintenu ?

M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L’amendement n° 171 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 9

Article 8

(Non modifié)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 517-5, la référence : « L. 612-34 » est remplacée par la référence : « L. 612-35 » ;

2° Le II de l’article L. 612-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’elle a soumis à son contrôle l’une des personnes mentionnées aux 1° à 3° du présent II, la section 2 du chapitre III du présent titre est applicable. » ;

3° Le III de l’article L. 612-16 est abrogé ;

4° L’article L. 612-34 est ainsi modifié :

a) Après le premier alinéa du I, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« La rémunération de l’administrateur provisoire est fixée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Elle est prise en charge, ainsi que les frais engagés par l’administrateur provisoire, par la personne auprès de laquelle il est désigné.

« En cas de désignation d’un administrateur provisoire, les engagements pris au bénéfice d’un dirigeant suspendu par l’établissement lui-même ou par toute entreprise contrôlée ou qui la contrôle, au sens des II et III de l’article L. 233-16 du code de commerce, et correspondant à des éléments de rémunération, à des indemnités ou à des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de ses fonctions, ou postérieurement à celles-ci, ne peuvent donner lieu à aucun versement pendant la durée de l’accomplissement de sa mission. » ;

b) (Suppression maintenue)

c) Le II est ainsi modifié :

– après le mot : « provisoire », sont insérés les mots : « ainsi que les frais engagés par celui-ci » ;

– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les fonds disponibles de la personne auprès de laquelle un administrateur provisoire a été désigné par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution n’y peuvent suffire immédiatement, le Trésor public, à la demande de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, fait l’avance de la rémunération et de l’ensemble des frais engagés par l’administrateur provisoire. » ;

5° Le second alinéa de l’article L. 613-24 est ainsi rédigé :

« Lorsque la situation laisse craindre à terme une incapacité de l’établissement de crédit ou d’une des personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à assurer la rémunération du liquidateur ainsi que les frais engagés par celui-ci, le fonds de garantie des dépôts et de résolution ou le Trésor public peuvent, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article L. 612-34, décider d’en garantir le paiement. » ;

6° Aux deux premiers alinéas de l’article L. 613-27, après le mot : « avis », il est inséré le mot : « conforme ».

Mme la présidente. L'amendement n° 257, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de révocation d'un dirigeant responsable en application du 3° du I de l'article L. 613–31–16 du présent code, les engagements pris au bénéfice de ce dirigeant par l'établissement lui-même ou par toute entreprise contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233–16 du code de commerce, et correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci ne peuvent donner lieu à aucun versement. »

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. En phase de résolution, l’article 8 prévoit qu’un dirigeant suspendu et remplacé par un administrateur provisoire ne touche pas, le temps de sa suspension, les éventuelles rémunérations différées dont il pourrait bénéficier. Il s’agit des rémunérations qui ne sont versées qu’à la cessation ou au changement d’activité, du type « parachute doré ».

L’article 7 prévoit par ailleurs qu’un dirigeant peut être non seulement suspendu mais aussi révoqué par l’ACPR.

Cet amendement de précision tend à ce que les rémunérations différées ne soient pas non plus versées en cas de révocation. Cela était peut-être sous-entendu, nous demandons que ce soit précisé.

Aujourd’hui, nos concitoyens font preuve de moins en moins de tolérance à l’égard de rémunérations qui défient parfois le sens commun en raison de leur disproportion. Même en Suisse, pays pourtant peu susceptible de se défier de la richesse, les électeurs viennent d’approuver, à une importante majorité de plus de 69 %, une limitation des rémunérations abusives. M. Bocquet a fait le détail de cette consultation presque canton par canton.

Sur ce sujet, nous aurons un intéressant débat avant l’été à l’occasion de l’examen d’un projet de loi que nous présentera le Gouvernement. Vous l’avez répété cet après-midi, monsieur le ministre. D’ici là, je pense que, sans trop nous engager, nous pouvons convenir qu’un dirigeant d’un établissement en résolution révoqué par l’autorité de contrôle ne peut toucher de rémunérations différées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Richard Yung, rapporteur. Monsieur Desessard, la commission des lois a trouvé votre amendement excellent.

M. Jean Desessard. Merci, monsieur le rapporteur !

M. Richard Yung, rapporteur. Mais non, mon cher collègue, il n’y a pas de rétention de pensée !

La commission est favorable à cet amendement, car il est légitime d’instituer la suppression de la rémunération différée pour tous les dirigeants révoqués dans le cadre d’une procédure de résolution.

L’article 8 prévoit déjà de ne pas verser de rémunération différée au dirigeant suspendu par l’établissement lui-même. Il est normal de le compléter et d’instaurer la même suspension pour les dirigeants révoqués directement par l’ACPR. C’est ce que vous proposez, monsieur Desessard. Aussi, je le répète, la commission émet un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je rêvais d’un tel amendement ! (Sourires.) En effet, nous sommes amenés à nous prononcer sur certaines situations, que j’estime anormales, sans pouvoir, toutefois, nous faire entendre. Ainsi, il m’arrive de voir des dirigeants ayant été responsables d’un certain nombre de problèmes, pour dire les choses de manière euphémistique, partir tranquillement avec des indemnités sans que nous n’y puissions rien.

Tout comme M. le rapporteur, je trouve cet amendement excellent,…

M. Jean Desessard. Merci, monsieur le ministre !

M. Pierre Moscovici, ministre. … et j’y souscris des deux mains. (MM. Jean-Pierre Caffet et Michel Berson applaudissent.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 257.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Chapitre III

Dispositions transitoires

Article 8 (Texte non modifié par la commission)
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Article 10

Article 9

(Non modifié)

I. – Les mesures prises en application des articles 7 et 8 sont applicables aux contrats en cours à la date de publication de la présente loi, nonobstant toute stipulation contraire.

II. – Les mesures de police administrative mentionnées aux articles L. 612-30 à L. 612-34 du code monétaire et financier prises par le collège de l’Autorité de contrôle prudentiel avant la publication de la présente loi sont maintenues de plein droit et peuvent être renouvelées ou levées par le collège de supervision. – (Adopté.)

TITRE III

SURVEILLANCE MACRO-PRUDENTIELLE

Article 9
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Article 11

Article 10

Après l’article L. 141-5 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 141-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 141-5-1. – La Banque de France veille, conjointement avec le Haut Conseil de stabilité financière, à la stabilité du système financier. Elle contribue à la mise en œuvre des décisions de ce Haut Conseil. » – (Adopté.)

Article 10
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Articles additionnels après l'article 11

Article 11

Le titre III du livre VI du même code est ainsi modifié :

1° A L’intitulé est ainsi rédigé : « Surveillance du système financier, coopération, échanges d’informations et surveillance complémentaire des conglomérats financiers » ;

1° B L’intitulé du chapitre Ier est ainsi rédigé : « Surveillance du système financier, coopération et échanges d’informations sur le territoire national » ;

1° L’intitulé de la section 2 est ainsi rédigé : « Le Haut Conseil de stabilité financière » ;

2° L’article L. 631-2 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, les mots : « le conseil de régulation financière et du risque systémique » sont remplacés par les mots : « le Haut Conseil de stabilité financière » ;

a bis) Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Trois personnalités qualifiées désignées, pour une durée de cinq ans, à raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, respectivement par le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat et le ministre chargé de l’économie. » ;

a ter) Après le 5°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de nomination des membres nommés au 5° permettant le respect de l’objectif de parité entre les femmes et les hommes au sein du Haut Conseil. » ;

b) Au dernier alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « quatre » ;

3° L’article L. 631-2-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 631-2-1. – Sans préjudice des compétences respectives des institutions que ses membres représentent, le Haut Conseil de stabilité financière exerce la surveillance du système financier dans son ensemble, dans le but d’en préserver la stabilité et la capacité à assurer une contribution soutenable à la croissance économique. À ce titre, il définit la politique macro-prudentielle et assume les missions suivantes :

« 1° Il veille à la coopération et à l’échange d’informations entre les institutions que ses membres représentent, de même qu’entre ces institutions et lui-même. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et l’Autorité des marchés financiers peuvent, à cet effet, lui transmettre des informations couvertes par le secret professionnel ;

« 2° Il identifie et évalue la nature et l’ampleur des risques systémiques résultant de la situation du secteur et des marchés financiers, compte tenu notamment des avis et recommandations des institutions européennes compétentes ;

« 3° Il formule tous avis ou recommandations de nature à prévenir tout risque systémique et toute menace à la stabilité financière. Il peut rendre publics ses avis ou recommandations ;

« 4° Il peut, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, imposer aux personnes définies au 1° et au a du 2° du A du I de l’article L. 612-2 des obligations en matière de fonds propres plus contraignantes que les normes de gestion arrêtées par le ministre chargé de l’économie au titre du 6 de l’article L. 611-1 en vue d’éviter une croissance excessive du crédit ou de prévenir un risque aggravé de déstabilisation du système financier ;

« 5° Il peut fixer, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, des conditions d’octroi de crédit par les personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution pour prévenir l’apparition de mouvements de hausses excessives sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques ;

« 6° Il peut adresser aux institutions européennes compétentes tout avis visant à recommander l’adoption des mesures nécessaires à la prévention de tout risque systémique menaçant la stabilité financière de la France ;

« 7° Il facilite la coopération des institutions représentées par ses membres pour l’élaboration des normes internationales et européennes applicables au secteur financier et peut émettre tout avis à ce sujet.

« Dans l’accomplissement de ses missions, le Haut Conseil de stabilité financière prend en compte les objectifs de stabilité financière au sein de l’Union européenne et dans l’Espace économique européen. Il coopère avec les autorités homologues des autres États membres et avec les institutions européennes compétentes.

« Les institutions mentionnées aux 1° à 4° de l’article L. 631-2 veillent, pour ce qui les concerne, à la mise en œuvre des décisions du Haut Conseil de stabilité financière.

« Le gouverneur de la Banque de France peut décider de rendre publique la proposition qu’il formule au titre des 4° et 5° du présent article.

« Les décisions du Haut Conseil de stabilité financière mentionnées aux mêmes 4° et 5° peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État.

« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article. » ;

4° Aux premier et second alinéas de l’article L. 631-2-2, les mots : « conseil de régulation financière et du risque systémique » sont remplacés par les mots : « Haut Conseil de stabilité financière » ;

4° bis Le même article L. 631-2-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le président du Haut Conseil de stabilité financière est entendu, sur leur demande, par les commissions des finances des deux assemblées et peut demander à être entendu par elles. » ;

5° La section 2 du chapitre Ier est complétée par un article L. 631-2-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 631-2-3. – I. – Les personnes mentionnées au 5° de l’article L. 631-2 doivent informer le président du Haut Conseil de stabilité financière :

« 1° Des intérêts qu’elles ont détenus au cours des deux années précédant leur nomination, qu’elles détiennent ou qu’elles viendraient à détenir ;

« 2° Des fonctions qu’elles ont exercées au cours des deux années précédant leur nomination dans une activité sociale, économique ou financière, qu’elles exercent ou viendraient à exercer ;

« 3° De tout mandat qu’elles ont détenu au sein d’une personne morale au cours des deux années précédant leur nomination, qu’elles détiennent ou qu’elles viendraient à détenir.

« Ces informations sont rendues publiques par le président du Haut Conseil.

« Nul ne peut être nommé membre du Haut Conseil de stabilité financière par le ministre chargé de l’économie s’il est susceptible de délibérer ou de participer à des travaux de ce Haut Conseil concernant une situation individuelle dans laquelle lui-même ou, le cas échéant, une personne morale au sein de laquelle il exerce des fonctions ou détient un mandat, ou dont il est l’avocat ou le conseil, a un intérêt.

« Aucun membre du Haut Conseil de stabilité financière ne peut être salarié, ni détenir un mandat ou un intérêt, hormis celui d’être client, dans une personne soumise au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ou de l’Autorité des marchés financiers.

« Il est interdit aux membres du Haut Conseil de stabilité financière qui cessent temporairement ou définitivement leurs fonctions de travailler, de prendre ou de recevoir une participation par conseil ou capitaux dans une personne dont ils ont été chargés d’assurer la surveillance dans le cadre de leurs fonctions au sein dudit conseil, pendant les trois années qui suivent la fin de ces fonctions.

« II. – Toute personne qui participe ou a participé à l’accomplissement des missions du Haut Conseil de stabilité financière est tenue au secret professionnel dans les conditions prévues à l’article L. 641-1.

« Ce secret n’est pas opposable :

« 1° À l’autorité judiciaire agissant dans le cadre soit d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard d’une personne soumise au contrôle des institutions que ses membres représentent, soit d’une procédure pénale ;

« 2° Aux juridictions administratives saisies d’un contentieux relatif à l’activité du Haut Conseil de stabilité financière ;

« 3° En cas d’audition par une commission d’enquête dans les conditions prévues au dernier alinéa du II de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;

« 4° À la Cour des comptes, dans le cadre des contrôles que la loi lui confie. »

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Bocquet, sur l’article.

M. Éric Bocquet. Nous voilà parvenus à un autre sujet important du présent projet de loi, à savoir le Haut Conseil de stabilité financière.

Dans les faits, celui-ci apparaît comme la déclinaison française nécessaire au fonctionnement de la future Union bancaire, quand bien même les contours de cette Union bancaire sont bien loin d’être exactement fixés et que les pouvoirs dévolus au Conseil sont loin d’être parfaitement coercitifs.

On notera, d’ailleurs, que le Haut Conseil sera habilité à formuler des avis et recommandations quant à la prévention des risques systémiques, mais que la véritable mise en œuvre de ces décisions ne pourra être réalisée qu’avec le concours soit de la Banque centrale européenne, soit de sa quasi-succursale nationale qu’est devenue la Banque de France.

L’indépendance confirmée de la Banque centrale européenne au regard des gouvernements de la zone euro, la large privatisation des secteurs de la banque et de l’assurance ont, de fait, déplacé le centre de production et de création monétaire vers la sphère privée.

Dans notre pays, aujourd’hui, ce sont les établissements bancaires qui réalisent l’essentiel des transactio