M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Encore un écrivain à qui l’on fait dire ce qu’il ne dit pas. Décidément, c’est une manie !
M. Philippe Bas. Or vis-à-vis de l’enfant qui survient au foyer, les situations sont éminemment différentes selon que ce foyer a été constitué par une femme et un homme…
M. François Rebsamen. M. Bas parlait plus vite cet après-midi !
M. Philippe Bas. … ou par deux personnes de même sexe, qui n’ont pu concevoir cet enfant ensemble et ont donc avec lui un lien qui peut être fort mais qui, pour l’un d’eux au moins, n’est pas le lien de paternité ou de maternité.
Si le Parlement veut néanmoins appliquer les mêmes règles aux deux catégories de familles, il peut tenter de le faire, c’est son droit, mais certainement pas au nom d’une conception toute personnelle, toute particulière, de l’égalité qui la détournerait de son sens profond. Et ce ne peut d’ailleurs être que sous réserve de respecter nos principes constitutionnels. Ce que vous aurez à démontrer avec ce texte !
Ce qui fonde notre opposition, ce n’est pas le refus de reconnaître la réalité vécue par les personnes de même sexe liées par un engagement mutuel. Leur vie commune doit pouvoir s’organiser dans un cadre stable. Ce qui nous sépare, en vérité, c’est le sentiment que le mariage n’est pas un instrument adapté pour poser ce cadre.
Il ne s’agit pas seulement de permettre à deux adultes de voir leur amour reconnu par un acte solennel, puis protégé ou dénoué par un juge. Si elle se réduisait à cela, votre réforme relèverait d’un acte essentiellement symbolique et politique, destiné à affirmer l’égale dignité de toute personne et la valeur de tout amour. (M. David Assouline s’exclame.) Ce sont des finalités nobles mais étrangères à l’objet du mariage. Celui-ci n’a pas été institué pour le seul bonheur des individus qui s’y engagent, mais dans l’intérêt de la société et des plus vulnérables, c’est-à-dire conjoints sans revenus et enfants.
Se marier, dès lors, c’est s’inscrire dans un cadre juridique conçu principalement pour permettre à la famille de se constituer et d’être protégée.
Il n’y a pas aujourd’hui de mariage sans possibilité d’adoption ni sans droit d’adopter l’enfant de son conjoint, sous réserve de réunir certaines conditions. À travers l’adoption, la « coparenté » – j’utilise cette expression approximative, faute de mieux – serait donc rendue possible du seul fait que le mariage de personnes de même sexe serait autorisé.
Il est difficile d’admettre l’argument presque incivique qui consiste à soutenir que nul ne devrait s’opposer à ce projet dès lors qu’il ajouterait des droits aux uns sans en retirer aux autres. Il ne peut y avoir de « mariage pour tous », selon un slogan que son inexactitude condamne, sans une évolution profonde du sens donné au mariage de chacun. Vous n’êtes pas seulement en train d’élargir l’accès au mariage, vous changez le mariage.
Votre réforme esquisse une conception de la filiation qui reposerait principalement sur la parenté d’intention, parenté intellectuelle et affective, qui s’imposerait comme supérieure ou, à tout le moins, égale à toute autre.
Les auditions auxquelles notre commission a procédé permettent d’entrevoir les quelques fondements doctrinaux et même anthropologiques que vous tentez d’invoquer à l’appui de cette théorie de rupture avec le droit matrimonial actuel.
Nul ne peut d’ailleurs nier la part qui revient à la dimension affective dans la création du lien réciproque de parent à enfant.
M. François Rebsamen. Accélère ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas. Il est également exact que la loi reconnaît déjà l’importance de cette dimension intentionnelle, en matière d’adoption comme en matière d’assistance médicale à la procréation, avec toutes les difficultés que cela implique d’ailleurs s’agissant de la quête, de plus en plus revendiquée, des origines. De même, la loi attache des conséquences essentielles à la présomption de paternité pour les pères, qui sont aussi des époux.
Mais dans ces trois exemples, adoption, assistance médicale à la procréation, présomption de paternité, le législateur, respectueux de l’anthropologie, a toujours recherché l’analogie la plus grande avec l’expérience multiséculaire que nous avons de la famille, dans laquelle les dimensions génétique et affective se fortifient mutuellement.
Par ailleurs, on oublie de rappeler que la présomption de paternité n’est pas irréfragable. On oublie aussi que les actions en recherche de paternité par test génétique sont couramment pratiquées, on oublie encore que la preuve génétique l’emporte toujours dans les conflits de filiation.
C’est dire tout le poids que conserve le paramètre biologique, le paramètre génétique, dans l’établissement de la filiation, même là où ce paramètre ne semblait pas devoir jouer le rôle principal.
En séparant le critère génétique du critère affectif dans la construction de la parenté légale au-delà de ce que permet déjà notre droit, et en négligeant la dimension fondatrice de l’altérité sexuelle, vous voulez créer un moule juridique commun à toutes les familles. Mais vous le faites au prix d’une déconstruction de ce qui faisait jusqu’alors le réalisme de notre droit matrimonial, auquel vous préférez l’intention d’être parents. C’est un peu comme si vous vouliez ériger en norme commune un modèle familial expérimental entravé par les restrictions qu’impose la nature.
Votre approche est exagérément volontariste. Elle se révélera bien souvent fausse. Et dangereuse.
M. Roger Karoutchi. Expliquez pourquoi ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Bas. Que dira la mère biologique le jour où, après séparation, un juge confiera l’enfant à sa compagne ?
M. Gérard Longuet. C’est assez bien vu !
M. Philippe Bas. Votre proposition dispense de penser comme spécifique cette forme, pourtant spécifique, de lien qui attache l’enfant à la compagne ou au compagnon du parent de même sexe.
Vous partez du postulat que ce lien est non pas différent des parentés traditionnelles mais au contraire fondamentalement analogue, au point de vouloir lui appliquer le même régime.
Cela ne nous paraît pas rendre compte de la réalité de ce que l’on a pris l’habitude d’appeler l’« homoparentalité », sans doute précisément pour affirmer et même revendiquer une différence par rapport à la parenté.
On ne cesse de nous dire, à juste titre, qu’il n’y a plus désormais une famille mais des familles,…
M. Jean Desessard. Ah !
M. Philippe Bas. … toutes respectables dans leurs différences, mais toutes différentes.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. François Rebsamen. On avance ! C’est déjà un progrès !
M. Philippe Bas. Pourquoi faudrait-il les englober dans un régime unique qui n’a pas été prévu pour les unes et jetterait un trouble profond parmi les autres ? (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Il serait erroné d’affirmer qu’un enfant élevé par deux femmes ou par deux hommes est forcément pénalisé dans son éducation…
Mme Catherine Génisson. Heureusement !
M. Philippe Bas. … et la formation de sa personnalité par rapport à d’autres enfants.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Philippe Bas. Dans de multiples situations, l’expérience de la vie se charge depuis toujours de démontrer le contraire.
En revanche, qu’on le veuille ou non, il est certain que l’absence d’un père, ou celle d’une mère, est un manque profond pour l’enfant, et ce manque doit être pris en compte.
Mme Catherine Génisson. Et les familles monoparentales ?
M. Philippe Bas. Vouloir accréditer auprès de l’enfant l’idée fausse qu’il a deux pères ou deux mères se heurte à une impossibilité. Deux personnes de même sexe ne peuvent remplacer le père ou la mère qui manque à l’enfant. Quelles que soient leurs qualités éducatives, qui ne sont pas en cause, quel que soit l’amour qu’ils portent à l’enfant, l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre, rien ne peut empêcher que cet enfant reste orphelin du père ou de la mère qu’il n’a pas.
Il est donc périlleux de proclamer une équivalence entre parenté et « homoparentalité », comme si le fait d’avoir deux parents femmes ou deux parents hommes, c’était la même chose qu’avoir un père et une mère.
Il y a dans votre projet un parti pris de négation de l’altérité sexuelle (M. Ronan Kerdraon s’exclame.) pourtant fondatrice de toute vie et de toute organisation sociale.
M. Ronan Kerdraon. Ba-ba-ba-ba !
M. Philippe Bas. Ce parti pris ne correspond à aucune forme d’organisation familiale connue, dans toute l’histoire de l’humanité. Comme le constatait sobrement Claude Lévi-Strauss : « Il existe une infinie variété des formes de la parenté et de la répartition des rôles sexuels, mais ce qui n’existe jamais, c’est l’indifférenciation des sexes. » Monsieur le président de notre commission, les anthropologues ne sont pas prescripteurs de droit mais ils analysent en profondeur les réalités humaines. Nous devons en tenir compte.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais Claude Lévi-Strauss a beaucoup varié sur ce sujet !
M. Philippe Bas. La construction sur laquelle repose votre projet ne comporte qu’un seul inconvénient : celui d’être fausse. Comme il n’est pas vrai que les deux membres d’un couple homosexuel puissent être parents de l’enfant autant l’un que l’autre, ni que l’enfant puisse être issu du couple comme il l’est de son père et de sa mère, il vaudrait mieux que la loi n’affirme pas le contraire en imposant un modèle d’équivalence entre parents de même sexe et parents de sexes opposés.
Ce modèle s’appliquerait à une réalité que les intéressés eux-mêmes décrivent comme différente. Et nous les écoutons, comme vous ! En général, les couples de même sexe disent qu’ils sont conscients de cette exigence et qu’ils n’essaient jamais de faire croire à l’enfant ce qui n’est pas vrai. Respectueuse de l’enfant, cette pratique de vérité est juste. Comment la loi pourrait-elle, au contraire, mentir à l’enfant en lui imposant comme « vérité » légale une conception de la « coparenté » qui ne correspondrait ni à la réalité anthropologique ni à son vécu familial ?
La spécificité de la famille constituée par deux adultes de même sexe doit être affirmée sur des fondements exacts. Ce ne serait pas lui rendre service que de la construire juridiquement par une assimilation abusive à d’autres situations. On créerait alors un fossé entre la réalité et le droit. (Mme Michèle André s’exclame.)
En dehors de l’adoption conjointe d’orphelins, à nos frontières, des enfants naissent déjà de la volonté commune de Français de même sexe, par recours à l’assistance médicale à la procréation ou à des mères porteuses. Vous avez eu la sagesse de refuser de transposer les règles de la présomption de paternité pour établir une filiation de ces enfants à l’égard du conjoint de même sexe que leur mère ou leur père. Le mariage…
M. Roland Courteau. Il faut conclure !
Mme Cécile Cukierman. C’est l’heure !
M. Philippe Bas. Il y a vraiment des choses que vous ne voulez pas entendre !
Le mariage, disais-je, ne produira donc pas ses effets juridiques de droit commun : ni l’épouse de la mère ni l’époux du père n’auront, du seul fait du mariage, la qualité de parents de l’enfant.
M. François Rebsamen. C’est fini !
M. Philippe Bas. Ils devront obtenir un jugement d’adoption.
L’ouverture, par votre réforme, du droit d’adopter l’enfant de son conjoint de même sexe (Marques d’impatience sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)…
M. Charles Revet. Écoutez, c’est très important !
M. Philippe Bas. … constituera cependant une incitation supplémentaire à faire naître des enfants sans père, par assistance médicale à la procréation, dans des pays voisins du nôtre.
M. Christian Favier. Il faut conclure !
M. Philippe Bas. Nous refusons que cette pratique, illégale en France, soit couverte d’un manteau de légitimité par votre réforme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Accommodée à votre façon, l’égalité prend une curieuse physionomie. Il y aura désormais au moins trois catégories de mariages vis-à-vis des enfants survenus au foyer (Mme Isabelle Pasquet ainsi que MM. Christian Favier et Roger Madec martèlent leur pupitre en signe d’impatience.) : celui où le mari devient père par la mise en jeu de la présomption de paternité ;…
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous devez conclure.
M. Gérard Longuet. Il faut compter les arrêts de jeu !
M. Philippe Bas. … celui où la compagne de la mère devient parent par un jugement d’adoption, l’enfant étant le fruit, par exemple, d’une assistance médicale à la procréation à l’étranger ; enfin,…
M. Christian Favier. C’est scandaleux !
M. Philippe Bas. … celui où le compagnon du père se voit refuser toute parenté car l’enfant que les deux membres du couple ont voulu ensemble ne pouvait être le fruit que d’une gestation pour autrui, condamnée par la France.
Mme la présidente. Concluez, monsieur Bas !
M. Philippe Bas. Madame la présidente, je m’achemine tout doucement, comme vous m’y invitez, vers la conclusion de ces brefs propos. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Mon cher collègue, vous avez d’ores et déjà dépassé votre temps de parole !
M. Philippe Bas. Mais j’aurais encore beaucoup à dire sur ce sujet pour vous démontrer à quel point il est nécessaire, mes chers collègues, que vous adoptiez cette motion tendant au renvoi à la commission (M. David Assouline s’exclame.), motion de sagesse et d’apaisement destinée à nous permettre à tous d’approfondir notre réflexion…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Amen !
M. Philippe Bas. … car celle-ci a été partielle et incomplète. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. David Assouline proteste.)
M. Christian Favier. On reviendra la semaine prochaine !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, contre la motion. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Gérard Longuet. Mon cher collègue, vous n’êtes pas obligé d’être bon, mais vous pouvez être long ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Madame la présidente,…
M. Gérard Longuet. Ça commence bien !
M. Jean Desessard. … madame la ministre,…
Mme Isabelle Debré. Mesdames les ministres !
M. Jean Desessard. … mesdames les ministres, en effet – je n’avais pas vu Mme Taubira entrer dans l’hémicycle ! –, mes chers collègues, M. Bas nous présente une motion tendant au renvoi à la commission.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Jean Desessard. Sincèrement, je me demande combien d’heures de débat à l’Assemblée nationale, dans les commissions parlementaires,…
M. Charles Revet. Chez nous, il n’y a pas eu de débat !
M. Jean Desessard. … dans les médias, combien d’auditions et de rapports il faudra à la droite pour qu’elle se fasse enfin une opinion sur le mariage pour tous.
M. Gérard Longuet. Pas à droite seulement ! Vous ne répondez pas à nos questions !
M. Jean Desessard. Que nous ne soyons pas tous d’accord, c’est compréhensible ; il faut respecter la diversité des idées. Mais invoquer l’argument selon lequel les conditions d’examen du présent texte n’ont pas permis de l’étudier de manière approfondie ni d’auditionner l’ensemble des autorités compétentes en la matière me semble, je suis désolé de vous le dire, mes chers collègues, tout à fait démagogique.
M. Charles Revet. Absolument pas !
M. Francis Delattre. C’est un expert qui vous le dit !
M. Jean Desessard. Pour ceux qui ont la mémoire courte, je rappelle que la commission des lois – je salue d’ailleurs en cet instant le travail de son président – a effectué de nombreuses auditions, plus de quarante ! (M. Charles Revet s’exclame.)
M. Gérard Larcher. Ah ça oui !
M. Jean Desessard. Les sénateurs et sénatrices, dont ma collègue Esther Benbassa, qui s’est beaucoup investie sur ce texte, ont consulté, en commission, des experts de l’adoption, des psychanalystes, des ministres, des associations, des juristes, mais aussi des élus locaux, des représentants des différents cultes, des philosophes, des professeurs d’université, des pédopsychiatres, et j’en passe... Que faut-il de plus ?
M. Christian Cambon. L’avis des Français !
M. Jean Desessard. Je crois que cette motion est avant tout un artifice,…
M. Charles Revet. Absolument pas !
M. Jean Desessard. … une procédure de mauvaise foi – n’y voyez aucun jeu de mots, mes chers collègues –, destinée à retarder nos travaux, mais en vain !
M. Charles Revet. Ça n’a jamais été fait par la majorité actuelle quand elle était dans l’opposition ?
M. Jean Desessard. Vous me retardez, mon cher collègue ! (Sourires.)
Certains semblent découvrir avec effarement que la famille est, en fait, une institution multiple et changeante.
M. Gérard Longuet. Non !
M. Jean Desessard. Nous ne sommes plus à l’époque où l’homme était le chef de famille tout-puissant,…
M. Gérard Longuet. C’est vrai !
M. Jean Desessard. … ayant tous pouvoirs sur sa femme restant au foyer et sur ses enfants.
Un sénateur du groupe UMP. Heureusement !
M. Jean Desessard. La famille dite « nucléaire » n’est pas l’unique modèle du bonheur. Et, vous le savez, pour les écologistes, le nucléaire n’est pas un dogme ! (M. André Gattolin applaudit. – Sourires.) Au-delà de la boutade, rappelons qu’il existe des familles élargies, reconstituées, recomposées, monoparentales, des familles sans enfant, et même des familles homoparentales.
M. Gérard Longuet. C’est marginal !
M. Jean Desessard. Cette réalité est de plus en plus répandue,…
M. Gérard Longuet. C’est marginal !
M. Jean Desessard. … car notre société est ouverte et, en son sein, les hommes et les femmes sont libres et autonomes.
Il existe toute une biodiversité des couples : mixité des religions, des ethnies, des nationalités, des sexes. C’est cela qui fait aujourd'hui la richesse de notre civilisation.
Certains voudraient aussi faire un amalgame entre le mariage civil et le mariage religieux.
M. Michel Mercier. Non !
M. Jean Desessard. Moi qui suis très attaché aux valeurs républicaines, je ne comprends pas que l’on puisse ainsi confondre ces institutions !
Comme l’a très bien rappelé Mme la ministre, nous parlons ici du mariage civil créé en 1791, sur lequel le législateur a toute légitimité pour se prononcer.
Des arguments contradictoires, nous en entendons beaucoup ! Mais quelques-uns sont particulièrement cocasses !
On nous dit, par exemple, que, en tant qu’écologistes, nous devrions être contre le mariage pour tous, parce que deux personnes de même sexe, ce n’est pas naturel ;…
M. Gérard Longuet. Évidemment !
M. Jean Desessard. … parce qu’il faut appliquer le « principe de précaution » pour les enfants ; parce qu’il faut veiller à la reproduction de l’espèce humaine.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean Desessard. Rassurez-vous, l’espèce humaine se pérennise très bien et le principe de précaution est respecté (M. Alain Fauconnier s’esclaffe.) : déjà au moins sept pays ont légalisé le mariage homosexuel, à savoir les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, l’Espagne et le Québec en 2005, la Suède en 2009, le Portugal en 2010 et le Danemark en 2012,…
M. François Rebsamen. Et l’Uruguay !
M. Jean Desessard. … dont six autorisent l’adoption. Cela se passe très bien ; personne n’est revenu sur ces avancées.
Enfin, l’amour homosexuel est un sentiment qui s’exprime naturellement, tout comme chez les hétérosexuels, et cela doit être respecté.
Je vous l’affirme, les écologistes sont très attachés au mariage pour tous. Nous le revendiquons depuis longtemps, au nom de nos valeurs progressistes et respectueuses des droits de chacune et de chacun. (Mme Isabelle Debré s’exclame.)
Mes chers collègues, en cet instant, permettez-moi une petite incidente personnelle.
M. Gérard Longuet. Faites votre coming out, mon cher collègue !
M. Jean Desessard. Dans les années soixante-dix, c’est vrai, j’étais un grand défenseur des droits des homosexuels, de la liberté de vivre une autre sexualité. Je vous rappelle que ce n’est que depuis le décret du 27 juillet 1982 que l’homosexualité n’est plus considérée comme un délit !
M. Gérard Longuet. Ce n’est pas un décret mais une loi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est depuis une loi, mon cher collègue !
M. Jean Desessard. Certes, ce décret a été précédé par une loi.
Ce rappel historique montre que ce combat date d’à peine trente ans.
M. Gérard Longuet. Cela n’a jamais été interdit en France !
M. Jean Desessard. Aujourd’hui, personne ne voudrait revenir sur ces dispositions, même si ce combat reste à mener dans d’autres pays.
Je pourrais établir une longue liste des arguments…
M. Philippe Bas. Oui !
M. Jean Desessard. … contradictoires, de mauvaise foi, mais je ne voudrais pas retarder nos débats, mon cher collègue.
Oui, il est temps de se décider. Le débat doit avoir lieu, avec l’examen des articles de ce projet de loi audacieux et d’actualité présenté par Mme Taubira, que je félicite pour sa détermination, son sérieux et son talent.
M. Jean Desessard. Je n’entrerai pas davantage dans ce jeu de rôle qui consiste à prolonger le débat de façon stérile.
M. Jean-Pierre Caffet. Très bien !
M. Jean Desessard. Ce texte constitue une grande avancée pour l’égalité des droits et je suis fier que le Gouvernement le défende devant la Chambre haute. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter contre cette motion, ce que va faire le groupe RDSE. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mes chers collègues, bien entendu, la commission ne vous invite pas à voter la présente motion.
M. Charles Revet. C’est dommage, monsieur le rapporteur ! Ce serait bien utile !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez assisté aux deux tiers des auditions.
M. Charles Revet. Merci de le souligner !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Nous avons entendu environ cent cinquante personnes, de tous horizons, de toutes opinions.
M. Charles Revet. Il n’y a pas eu pour autant de débat !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous avez dit vous-même que les débats étaient intéressants, bien menés, que tout le monde pouvait intervenir. Les questions qui ont été abordées laborieusement par M. Bas ont été examinées. Deux séances de commission, qui ont duré chacune quatre heures et demie, se sont déroulées. Aujourd’hui, nous nous retrouvons. Il faut passer à la suite !
Par conséquent, mes chers collègues, la commission vous demande de ne pas adopter la motion tendant au renvoi à la commission et de passer à la discussion des articles. Quand ? Nous verrons ce que décideront les présidents de groupe. (Mme Dominique Gillot et M. André Gattolin applaudissent.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est une ouverture !
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
M. Gérard Longuet. Vous avez raison !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je considère que, lors de l’examen des motions précédentes, particulièrement de la motion référendaire, les parlementaires se sont autodéjugés, ce qui me surprend considérablement. J’ai été auditionnée aussi bien par la commission des lois que par les groupes qui l’ont souhaité. J’ai lu les rapports, les comptes rendus d’auditions. Je trouve extrêmement surprenant d’entendre dire aujourd’hui qu’il faut renvoyer le texte à la commission.
M. Charles Revet. Mais il n’y a pas eu de débat !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà pourquoi je dis, avec une grande sobriété, que le Gouvernement trouve cette proposition inadaptée. Il vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à ne pas l’adopter. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.
Mme Catherine Troendle. Madame la présidente, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du présent document (L’orateur brandit le document.) demandent la vérification du quorum.
Mme la présidente. Sur la motion que nous examinons, j'ai été saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP. Nous procéderons au vote après la vérification du quorum.
Mes chers collègues, en application de l’article 51 du règlement, je suis saisie d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par Mme Catherine Troendle et plusieurs de ses collègues.
En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Avant qu’il soit procédé à cet appel, la parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Madame la présidente, la vérification du quorum est de droit, mais je conteste les conditions dans lesquelles la demande a été faite. Vous aviez annoncé qu’il n’y avait pas d’explications de vote sur la motion et la procédure de vote était donc commencée.
M. Jean-Claude Lenoir. Non !
M. Christian Cambon. La vérification du quorum avait été demandée avant !
M. François Rebsamen. Je ne m’oppose évidemment pas à la vérification du quorum – je n’en aurais d'ailleurs pas la possibilité –, mais je propose que cette vérification n’ait lieu qu’après le vote sur la motion. (Mais non ! sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Et le règlement ? Il faut connaître le règlement !
Mme la présidente. Monsieur Rebsamen, la procédure est totalement respectée. Le vote sur la motion aura lieu après.
Il va être procédé à l’appel nominal des signataires de la demande de vérification du quorum.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. Philippe Bas, Christian Cointat, Patrice Gélard, Gérard Larcher, Bruno Retailleau, Charles Revet, Mme Sophie Primas, MM. Antoine Lefèvre, Jean-Noël Cardoux, Mme Caroline Cayeux, MM. Francis Delattre, François Trucy, Yann Gaillard, Michel Magras, Abdourahamane Soilihi, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Gérard Longuet, Hugues Portelli, Michel Bécot, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Dominique de Legge, Roger Karoutchi, Mme Catherine Troendle, MM. Christian Cambon, Philippe Dominati, Albéric de Montgolfier, Jean-Claude Lenoir, Marcel-Pierre Cléach, Jean-Pierre Cantegrit et Mme Isabelle Debré.)