M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chauveau, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Chauveau. Le nouvel article 143 que vous souhaitez introduire dans le code civil stipule…
Mme Laurence Rossignol. Ce sont les contrats qui stipulent ; les articles du code civil disposent !
M. Jean-Pierre Chauveau. … que le mariage est contracté « par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
Vous avancez l’idée qu’il existerait aujourd’hui une inégalité profonde entre les couples homosexuels et les couples hétérosexuels, inégalité que vous cherchez à corriger. Mais vous voyez une discrimination ou une différence de traitement là où les situations ne sont pas identiques. Vous confondez égalité et identité. Il y a des cas où la distinction est pertinente et le traitement en droit différent, sans que cela ait pour conséquence d’établir une discrimination. Les différences de traitement ne constituent pas en soi des inégalités, car il n’y a pas d’injustice juridique, ni d’inégalité de traitement dans des situations factuelles différentes.
Le mariage est avant tout destiné à offrir une structure aux enfants. Or des partenaires de même sexe ne peuvent pas accéder à la procréation, qui suppose l’altérité sexuelle. Le mariage, c’est l’union d’une femme et d’un homme qui s’unissent pour perpétuer l’espèce.
Le dernier alinéa de l’article 75 du code civil précise, au sujet du maire, qu’« il recevra de chaque partie, l’une après l’autre, la déclaration qu’elles veulent se prendre pour mari et femme : il prononcera, au nom de la loi, qu’elles sont unies par le mariage, et il en dressera acte sur-le-champ ».
L’article 144 du même code dispose que « l’homme et la femme ne peuvent contracter mariage avant dix-huit ans révolus ».
Le code civil précise cette donnée biologique : le mariage implique qu’il s’agit d’un couple hétérosexuel ; souhaiter que le mariage demeure une union entre deux personnes de sexe différent n’est pas porter atteinte aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité fondatrices de la République.
La reconnaissance des couples homosexuels ne doit pas induire une dénaturation du mariage. La société a donné un cadre juridique à cette donnée naturelle. Ou alors, le sentiment amoureux va-t-il devenir l’unique fondement du mariage ? Dans ce cas, où placer les limites ? Pourquoi restreindre le mariage à l’union de deux personnes ? (Murmures sur les travées du groupe socialiste.) On pourrait envisager d’ouvrir ce contrat à plus de deux partenaires de même sexe ou de sexe différent. N’est-ce pas un peu discriminant d’exclure du mariage un amant ou une maîtresse, voire les deux ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste. – Sourires sur les travées de l’UMP.) La polygamie existe dans d’autres sociétés et pourrait être souhaitée, au nom du sentiment amoureux, par un certain nombre de nos concitoyens.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. N’importe quoi !
M. Jean-Pierre Chauveau. Mais restons sérieux. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Oui, s'il vous plaît !
M. Jean-Pierre Chauveau. Si nous décidons de légiférer sur le mariage en nous fondant sur le sentiment amoureux et en en faisant un simple contrat en dehors de toute donnée naturelle, où et comment établir la limite ? Au nom de l’égalité, est-il possible de conférer la même valeur à tous les couples ?
Pour ma part, je réponds non ! On ne peut pas mettre sur le même plan les couples hétérosexuels et les couples homosexuels : une femme et un homme, ce n’est pas la même chose que deux hommes ou deux femmes. Un couple homosexuel ne peut pas avoir d’enfant, parce que la procréation implique obligatoirement et définitivement la rencontre entre une femme et un homme.
L’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe, c’est en fait l’ouverture de la possibilité, pour les couples homosexuels, de recourir à l’adoption, puis, comme le Gouvernement nous l’a annoncé dans un second temps, l’ouverture de la possibilité d’accéder à la procréation médicalement assistée.
Je préfère la solution présentée par M. Gélard : une union civile réservée aux couples homosexuels et qui exclurait pour ceux-ci le recours à l’adoption et à la procréation médicalement assistée. Elle permettrait d’éviter de bouleverser les fondements de notre société, tout en garantissant un certain nombre de droits supplémentaires aux couples homosexuels. L’union civile que nous proposons serait une réponse intelligente et respectueuse de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour explication de vote.
Mme Caroline Cayeux. Dans son avis du 21 janvier 2013, l’Académie des sciences morales et politiques relevait que la réforme proposée conduisait à « une transformation profonde du droit du mariage et de la filiation » en vue de « répondre à la demande de couples de même sexe désireux d’organiser leur vie commune ». Elle estimait donc qu’une « formule plus respectueuse de tous aurait consisté à transformer le PACS conclu par des personnes du même sexe en une union civile comportant pour les partenaires de cette union les mêmes droits et obligations que ceux nés entre conjoints dans le mariage », afin d’épargner aux couples de personnes de sexe différent le préjudice d’une transformation trop radicale.
Bien sûr, le PACS n’était peut-être pas parfait ;…
Mme Laurence Rossignol. Vous étiez déjà contre !
Mme Caroline Cayeux. … nous avions conscience d’un certain nombre d’insuffisances et de limites.
Des insuffisances apparaissent d’abord en termes de protection juridique, puisqu’un partenaire n’est pas héritier de l’autre et qu’un testament est nécessaire. En outre, l’article 39 du code des pensions civiles et militaires exclut le conjoint pacsé du bénéfice de la réversion de la retraite, et les articles du code civil relatifs au régime du PACS ne prévoient pas un régime identique à celui de la communauté de biens.
Des insuffisances existent également en termes de solennité : le PACS est conclu non pas en mairie, mais au tribunal d’instance ou devant notaire.
Il apparaît aujourd’hui normal que les pouvoirs publics s’attachent à sécuriser la situation des couples de personnes de même sexe.
Depuis le début des discussions dans notre assemblée, la majorité n’a de cesse d’évoquer les débats sur le PACS. Il ne m’appartient pas aujourd'hui de faire l’inventaire du travail législatif de la majorité précédente, mais je voudrais souligner que, à l’époque, notre opposition, et celle de tous les Français,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pas de tous ! D’un certain nombre !
Mme Caroline Cayeux. … se fondait sur une crainte plus grande, qui a probablement contribué à l’agitation des débats : celle de voir un jour l’institution du mariage fragilisée. Admettez, mes chers collègues, que nous n’étions pas très loin du compte : nous le constatons malheureusement aujourd'hui !
À l’époque, vous aviez promis à la France entière que le mariage resterait ce qu’il est aujourd’hui, à savoir le fondement de la famille, organisée autour d’un homme et d’une femme ; je ne peux que constater qu’il y a eu tromperie !
Aujourd'hui, le PACS ne répond pas forcément, me semble-t-il, à une attente importante des Français, qu’ils soient homosexuels ou hétérosexuels. Toutefois, au vu des chiffres, il peut finalement apparaître comme une étape « prénuptiale » : sur 20 000 ruptures de PACS chaque année, 10 000 sont dues à un mariage entre les deux partenaires.
Nous aurions pu, nous direz-vous, améliorer le régime du PACS. Ce n’est pas la solution que nous vous soumettons, mais nous proposons une alternative au mariage pour les couples de personnes de même sexe, afin d’améliorer leurs conditions de vie sans remettre en cause les droits légitimes des couples hétérosexuels. Comme cela a déjà été précisé, nous préconisons l’instauration d’une union civile, afin de rapprocher la situation des couples homosexuels de celle des couples hétérosexuels du point de vue patrimonial.
Notre projet est sans ambiguïté. Il consiste à rendre le régime matrimonial applicable aux couples homosexuels ayant conclu une union civile. Le II de l’amendement prévoit ainsi que l’ensemble des « dispositions du titre V du livre III du code civil s’appliquent aux personnes ayant contracté une union civile ». Les conditions requises pour contracter cette union et les conséquences découlant de celle-ci seront également identiques à celles qui prévalent pour le mariage.
En revanche, nous limitons les droits extrapatrimoniaux à ceux qui se rattachent à l’adoption simple. Cela nous paraît amplement suffisant au regard des droits qui existent déjà, notamment en matière d’adoption testamentaire et de possession d’état. Je ne reviendrai pas sur les raisons qui motivent cette limitation des droits extrapatrimoniaux. Elles seront encore évoquées dans les jours à venir.
Vous l’aurez compris, la préférence des membres de notre groupe va à l’instauration d’une union civile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Notre collègue Colette Mélot a eu raison de rappeler tout à l’heure que ce projet de loi visait deux objectifs.
Le premier, à savoir ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, est clairement annoncé, mais, s’agissant du second, vous avancez masqués : l’ouverture de la possibilité de recourir à l’adoption n’est pas énoncée explicitement.
C'est la raison fondamentale pour laquelle nous proposons d’instaurer l’union civile. En tant que maire, je célèbre beaucoup de mariages. L’union civile, telle que nous la prônons, permettra aux personnes de même sexe qui le souhaiteront de s’unir solennellement devant le maire. Elle engagera chacun des conjoints à la fidélité (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), au respect, au secours, à l’assistance envers l’autre, à la contribution aux charges du ménage. Ce n’est pas rien !
Pour ma part, je suis favorable à ce que les couples homosexuels puissent bénéficier de ces avancées en termes de solennité de la célébration et d’engagements patrimoniaux. Je ne suis pas homophobe, que les choses soient bien claires !
M. David Assouline. L’homophobie est punie par la loi !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je condamne moi aussi les débordements, mais vous y avez une part de responsabilité.
M. David Assouline. Ah, voilà que c’est notre faute !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Puisque vous n’avez pas voulu d’un grand débat national, les gens s’expriment comme ils le peuvent ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Ce débat national, il fallait l’organiser dès le départ. Vous avez là une responsabilité dont vous ne pouvez pas vous exonérer. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. C’est inacceptable !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce qui est inacceptable, c’est ce que vous nous avez répondu jeudi et vendredi derniers, notamment à propos du référendum ! Les Français ne sont pas dupes !
M. David Assouline. Incroyable !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes responsables devant eux ! Pour ma part, je considère qu’il faut évoluer. Vous, vous n’évoluez pas du tout ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Laurence Rossignol. C’est vrai, vous avez évolué : vous étiez contre le PACS, et maintenant vous être pour !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faut évoluer sur cette question de la reconnaissance sociale et du statut juridique des couples homosexuels : nous devons leur garantir la protection de leur vie familiale et leur faciliter la vie quotidienne.
Cette amélioration des droits des couples homosexuels doit passer par la reconnaissance civile de leur union, par une célébration devant le maire, officier d’état civil. Cela leur donnerait des droits fiscaux, sociaux et successoraux identiques à ceux qui découlent du mariage.
Cette solution permettrait de répondre aux demandes légitimes de ces couples tout en préservant l’institution du mariage, qui doit rester le lieu de la filiation. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.) C’est ce point qui nous oppose !
Le dispositif de l’amendement de M. Gélard, que j’ai cosigné, respecte l’amour homosexuel et vise à lui donner de nouveaux droits, une véritable reconnaissance sociale. Il s’agit de donner aux couples homosexuels non seulement des droits, mais aussi des devoirs : c’est un point sur lequel on n’a pas assez insisté !
M. André Reichardt. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais cette reconnaissance sociale a une limite : celle qui tient aux enfants. À cet égard, madame la garde des sceaux, l’article 1er est le socle de votre texte, car le mariage, nous le savons, ouvrira l’accès à l’adoption ainsi qu’à la PMA et à la GPA.
M. André Reichardt. Bien sûr !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est cela que nous ne voulons pas !
L’amendement présenté par M. Gélard est une main tendue par l’opposition à la majorité. C’est nous qui faisons des propositions en vue de rétablir un climat apaisé, monsieur Assouline !
M. David Assouline. Vous n’avez pas condamné les agressions !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si vous acceptiez cet amendement, notre pays retrouverait la sérénité dont il a besoin sur cette question. Les Français cesseraient de se dresser les uns contre les autres.
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je terminerai en disant que ce que nous proposons est la voie de la sagesse. Je pense que, en 1999, la création du PACS était en phase avec la société ; aujourd’hui, c’est l’instauration de l’union civile ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Ce matin, une personne m’a demandé si un certificat d’homosexualité serait requis pour accéder à ce que l’on désigne à tort comme le « mariage homosexuel ». Bien sûr que non, ai-je répondu.
Permettez-moi d’envisager une hypothèse qui, je l’espère, ne se rencontrera que très rarement. Soit un couple hétérosexuel, avec trois ou quatre enfants, qui divorce. Monsieur part de son côté, monte une société. Il a des difficultés avec son ex-femme et apprécie beaucoup son associé qui, pas plus que lui, n’est homosexuel. Imaginons qu’il lui propose le mariage… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Vendredi dernier, quelqu’un déclarait que cette loi ne coûterait rien. Je m’inscris en faux contre cette affirmation : vous verrez quelles dérives entraînera l’entrée en vigueur de son dispositif ! Ce matin, j’ai reçu deux personnes venues m’alerter sur ce point.
Je ne cherche absolument pas à polémiquer, je pointe un problème : c’est à tort que l’on parle, à propos de ce texte, de mariage homosexuel. Tous les hommes pourront se marier entre eux, toutes les femmes pourront se marier entre elles, qu’ils soient homosexuels ou non.
Mme Laurence Rossignol. Quelle horreur !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, avant d’expliciter le projet sur l’union civile que nous souhaitons soumettre au Gouvernement, permettez-moi de revenir sur les raisons qui nous amènent à nous opposer à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Vous les connaissez pour la plupart, et nous aurons l’occasion d’y revenir, mais, ces raisons fondant notre proposition, je ne crois pas que la répétition soit, en la circonstance, inutile. En tout état de cause, mieux vaut se répéter que se contredire, et cela nous permettra de relever publiquement, une nouvelle fois, la méprise du Gouvernement, qui nous dit, d’une part, que « seule l’ouverture du mariage aux couples de même sexe paraît être une réponse suffisante aux besoins d’évolution de la société », et, d’autre part, que cette réforme « ne remet pas en cause le droit des couples hétérosexuels ».
En réalité, nos compatriotes savent, pour la plupart, que la réforme que nous examinons depuis quelques jours entraînera un bouleversement très important de notre droit de la famille et qu’elle soulève un très grand nombre d’interrogations d’ordre bioéthique.
Pour votre majorité, la dualité des sexes, qui constitue pourtant la condition sine qua non de la procréation, n’est pas en soi un motif justifiant que le mariage soit réservé aux couples hétérosexuels.
Pourtant, la préservation de cette caractéristique fondamentale du mariage ne peut se comprendre qu’au regard de deux autres principes avec lesquels elle s’articule, à savoir la présomption de paternité et la généalogie claire et lisible reposant sur le principe de la vraisemblance biologique. C’est pour préserver ces deux éléments essentiels qui constituent le socle de la cellule familiale classique que le groupe UMP ne s’est pas prononcé en faveur de l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
D’abord, en l’état, le projet de loi va fragiliser la présomption de paternité, qui permet à un père d’établir un lien important entre lui et son enfant, lien qu’il n’a pu créer, contrairement à la mère, durant le développement de l’enfant in utero. On trouve un signe important de cette fragilisation dans le changement de règles en matière de transmission du nom de famille prévu aux articles 2 et 3 du projet de loi.
C’est aussi la nécessité anthropologique d’établir une généalogie claire et lisible qui nous pousse à défendre la « vraisemblance biologique », à la suite de la majorité des psychiatres qui ont été entendus sur ce sujet.
Nous pensons que l’adoption ne devrait pas remettre en cause l’altérité sexuelle, qui permet à l’enfant, dès lors qu’il prend conscience de son adoption, de trouver sa place au sein d’un couple composé d’un homme et d’une femme, qui auraient pu avec vraisemblance être ses parents biologiques. L’enfant fragilisé par la perte de ses parents naturels trouve alors un réconfort dans la vraisemblance biologique de sa nouvelle filiation.
J’évoquerai enfin les questions bioéthiques liées au fait que, nous l’avons compris, le tarissement des offres d’adoption imposera le recours à des PMA et à des GPA « de confort ».
Des zones d’ombre juridiques entachent encore ce projet de loi. Nous pensons notamment qu’il pose des problèmes d’inconstitutionnalité, mais il est inutile de revenir sur ce point ; je ne saurais d'ailleurs me montrer plus clair que M. Gélard sur cette question.
Pour toutes ces raisons, nous proposons l’instauration d’une union civile qui aura l’avantage de sécuriser la situation des couples de personnes de même sexe, notamment à l’égard des enfants qui vivent avec eux, sans remettre en cause les droits légitimes des couples hétérosexuels.
Dans cette perspective, notre projet vise à rendre applicable le régime matrimonial aux couples homosexuels qui auraient conclu une union civile, par l’introduction d’un article mentionnant que « l’ensemble des dispositions du titre V du livre III du code civil s’appliquent aux personnes ayant contracté une union civile ». Quant aux conditions requises pour contracter une telle union et aux conséquences qui découleront de celle-ci, elles seront identiques à celles qui prévalent pour le mariage.
Les pouvoirs publics, au premier rang desquels se trouve le législateur, ont d’ailleurs le devoir de ne pas s’immiscer dans la vie privée des individus ; leur rôle est simplement de définir et d’organiser un modèle social assurant la stabilité et le renouvellement de la société. Voilà en quoi l’intérêt de la famille et celui de l’enfant rejoignent l’intérêt général, que les parlementaires ont mandat de défendre. Pour moi, la liberté des adultes s’arrête là où commence celle des enfants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Je voudrais à mon tour plaider pour l’instauration d’une union civile, car cette formule est, à n’en pas douter, juste, sage et équilibrée.
On peut, en effet, ne pas être indifférent aux difficultés et aux inquiétudes des couples homosexuels sans pour autant vouloir bouleverser notre société par la modification des règles du mariage et de la filiation.
Comme l’a dit notre collègue Patrice Gélard, dont je tiens ici à saluer le travail, cette nouvelle institution de l’union civile donnerait les mêmes droits patrimoniaux aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels.
Il s’agit d’une évolution des droits liés au PACS vers l’égalité que, mesdames les ministres, vous mettez régulièrement en avant dans votre projet de loi. Toutefois, il s’agirait d’une égalité en termes de retraite, de succession, de droit à la pension de réversion, de droits sociaux, de solennité du mariage, etc.
En revanche, ce qu’il n’est vraiment pas envisageable pour nous d’accepter, c’est l’évolution en matière de filiation attachée au mariage prévue dans votre projet de loi. Nous aurons l’occasion de développer amplement ce point lors de l’examen des articles 1er et suivants.
L’union civile que nous proposons d’instaurer ne toucherait donc pas aux règles régissant actuellement la filiation. Une telle solution pourrait satisfaire à la fois les adversaires et les partisans de l’instauration du mariage homosexuel tel que vous le voulez. Elle permettrait surtout de retrouver la sérénité que mérite ce débat, ainsi que Marie-Hélène Des Esgaulx l’a fort justement dit avant moi, avec la passion qui la caractérise ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
D’une part, cela constituerait une avancée importante pour les couples homosexuels, puisque l’union civile répondrait à une réelle attente de leur part en termes de reconnaissance sociale et de sécurité juridique. D’autre part, cela n’aboutirait pas à dévoyer l’institution séculaire qu’est le mariage, à laquelle sont attachés tous ces Français qui, jour après jour, réaffirment leur opposition à votre projet.
C'est la raison pour laquelle j’appelle à voter en faveur de cet amendement dont, je le répète, le dispositif est juste, sage et équilibré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour explication de vote.
M. Michel Magras. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la ministre, chers collègues, cet amendement présente une alternative à l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe.
Il repose en outre sur la décision relative à une question prioritaire de constitutionnalité du 28 janvier 2011 sur le mariage des personnes de même sexe, par laquelle le Conseil constitutionnel a rappelé que le principe d’égalité ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes. Dans la même décision, le Conseil constitutionnel a également considéré que « le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas le droit de se marier pour les couples de même sexe ».
Le législateur, dès lors, semble libre d’ouvrir, mais aussi de ne pas ouvrir, le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Lors de son audition par la commission des lois du Sénat, Nicolas Gougain, porte-parole de l’inter-LGBT, a repris l’idée selon laquelle le mariage homosexuel n’enlèverait rien à la famille hétérosexuelle. Je pense exactement le contraire : ce projet, en changeant la nature même du mariage, prive d’un repère la société tout entière, y compris la famille hétérosexuelle. J’en veux pour preuve, s’il en fallait une, ce changement de vocabulaire auquel nous sommes tous contraints, alors que l’altérité sexuelle du couple marié était jusqu’à présent si évidente qu’elle n’avait pas besoin d’être précisée. Or je reste persuadé qu’une société évolue, mais qu’elle se construit aussi sur des fondamentaux, des valeurs fondamentales.
En réalité, ce projet de loi prévoit déjà deux types de mariages : pour l’un s’appliquera la présomption de paternité, pour l’autre la présomption de parenté. On ne peut donc pas parler d’égalité.
À ce sujet, permettez-moi, mes chers collègues, un aparté. S’il y a deux catégories de mariages, il y aura aussi deux catégories de parents, ceux qui peuvent donner la vie et les autres, et au moins deux catégories d’enfants, qu’on le veuille ou non. Je souhaite vous faire part d’une inquiétude inspirée par une carrière professionnelle consacrée à l’enseignement des sciences de la vie : que se passera-t-il lorsqu’un professeur sera appelé à enseigner à des élèves de sixième la transmission de la vie, à expliquer la fécondation, dont chacun d’entre nous sait qu’elle consiste en la fusion des noyaux d’un gamète mâle et d’un gamète femelle ? Les enfants de cet âge sont loin d’être naïfs et très spontanés. Les questions fusent dans tous les sens, et il faudra bien y apporter des réponses.
M. David Assouline. Eh oui ! Il faudra être intelligent !
M. Michel Magras. Que se passera-t-il lorsque le professeur devra, en classe de quatrième, présenter les bases de la génétique, expliquer notamment la transmission des caractères héréditaires, le déterminisme du sexe, la transmission du groupe sanguin, le rôle que la génétique peut jouer en matière de diagnostic médical ? Là aussi, il faudra bien apporter des réponses.
M. David Assouline. Et alors ?
Mme Cécile Cukierman. Comme il faut déjà le faire aujourd'hui pour les enfants adoptés ou issus de la PMA !
M. Michel Magras. Mes chers collègues, je ne fais que soulever des questions. Je vous laisse imaginer quelle sera la situation des enfants de couples homosexuels.
Loin de moi l’idée que des homosexuels ne puissent pas être d’aussi bons parents que les autres ! Ils ne seront certainement ni moins bons ni meilleurs. Il ne s’agit pas de s’opposer aux personnes homosexuelles, ou de les priver d’un droit. Proposer la création d’une union civile, c’est s’engager en faveur de valeurs auxquelles nous sommes attachés. Notre seule volonté est de maintenir l’imbrication entre la symbolique et le sens du mariage.
De surcroît, l’union civile que nous proposons d’instaurer produirait les mêmes effets protecteurs pour les conjoints que le mariage. Il n’y a donc, de notre part, aucune –je dis bien aucune ! – volonté de priver les couples de personnes de même sexe d’un droit.
L’union civile entraînerait, en revanche, des effets différents de ceux du mariage en matière de filiation. Elle permettrait en effet de réserver aux couples de personnes de sexe différent la plénitude de la filiation, dans le cadre du mariage, au nom de la cohérence biologique que je viens d’évoquer, voulant qu’un enfant naisse d’un père et d’une mère.
Modifier le sens du mariage et de la filiation changerait celui des notions de parent, de père, de mère. Si l’on admettait qu’elles puissent être déconnectées de la filiation sinon biologique, du moins vraisemblable, on réduirait les notions de père et de mère à leur seule dimension éducative. Ce serait affaiblir le lien filial immémorial qui fait que l’on est père ou mère.
Les enquêtes d’opinion auxquelles j’ai déjà eu l’occasion de faire référence montrent que, au fond, une majorité de Français, en étant pour le mariage des personnes de même sexe mais contre l’adoption par ces couples, sont attachés à ce lien filial qui fonde la famille.
Le mariage n’étant pas, comme nous le savons, détachable de la filiation, les Français sont, comme je le suis, favorables à l’union civile pour les personnes de même sexe. C’est cette union souhaitée par les Français que tend à mettre en place l’amendement n° 4 rectifié bis. Voilà pourquoi je le voterai. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)