M. Philippe Dallier. « Disent vouloir » !
M. Roger Karoutchi. Sur dix ans !
M. Michel Billout, rapporteur. Les 500 millions d’euros que nous demandons aux entreprises serviront à faire patienter les usagers d’aujourd’hui ; c’est important pour la vie quotidienne des Franciliens !
En outre, l’adoption de cette mesure montrerait clairement à tous les Franciliens qu’ils appartiennent à la même région, au moment où la création de la métropole de Paris risque de renforcer la fracture entre les habitants de l’unité urbaine et les autres.
M. Roger Karoutchi. Ah ! Si vous le dites !
M. Michel Billout, rapporteur. Enfin, nous aurons à suivre de près la poursuite du financement des réseaux de transports collectifs, en nous demandant si le temps n’est pas venu d’élargir l’assiette du versement transport pour qu’il ne repose plus seulement sur la masse salariale ; c’est le sens de l’article 2 de la proposition de loi.
Pour conclure, je me dois de vous informer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire n’a pas adopté la présente proposition de loi ; je le regrette, mais c’est un fait. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la présidente, monsieur le président de la commission du développement durable, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la tarification des transports publics est un vaste sujet, qui passionne beaucoup les élus, les usagers et les économistes du transport. C’est légitime car, de manière générale, les transports en commun sont fortement subventionnés, compte tenu de leur effet positif sur la société sur le plan de l’environnement et de la sobriété énergétique. Ils sont également utilisés par des personnes qui, parfois, n’ont pas d’autre moyen pour se déplacer.
En Île-de-France tout particulièrement, les transports en commun jouent un rôle fondamental pour l’accès à l’emploi, aux services publics, à la culture ou tout simplement aux loisirs. Bref, ils sont l’un des éléments du « vivre ensemble », même si les conditions de déplacement se sont fortement dégradées au cours des dix dernières années – je reviendrai sur ce point. Il est donc normal qu’ils soient fortement subventionnés par la collectivité publique ; c’est le cas en Île-de-France, comme du reste en province.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, je comprends parfaitement la logique qui préside à la proposition de loi que vous présentez. Même, mon premier mouvement – pourquoi le cacher ? – serait d’approuver une mesure qui a pour objectif de donner au STIF les moyens de diminuer fortement le prix du transport pour les usagers. En effet, nous souhaitons tous que les transports en commun soient optimisés et que leur utilisation devienne un réflexe. D’ailleurs, je suis certain que ce premier mouvement est partagé par nombre d’entre vous, comme par la plupart des usagers.
Mme Laurence Cohen. Il faut suivre son premier mouvement !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Cependant, on ne peut pas ne pas s’interroger sur les conséquences de cette mesure. Il convient également de se demander si elle correspond bien à l’urgence pour les transports en Île-de-France, dans un contexte où, comme vous le savez, l’argent public est rare et où nous devons tous faire preuve de responsabilité.
Quelles seraient donc les conséquences économiques de cette mesure ?
L’article 1er de la proposition de loi, qui est la principale mesure, vise à porter à 2,6 % l’ensemble des taux de versement transport applicables aux entreprises situées en Île-de-France. Ainsi, les entreprises situées dans le Val-de-Marne et la Seine-Saint-Denis, ainsi que celles situées dans les communes de l’Essonne, du Val-d’Oise, de la Seine-et-Marne et des Yvelines qui appartiennent à l’aire urbaine de Paris, verraient leur taux augmenter, passant de 1,8 % à 2,6 %. Les autres entreprises franciliennes verraient leur taux passer de 1,5 % à 2,6 %. Selon les zones, les taux augmenteraient donc de près de 50 %, voire de 100 % !
Cette mesure reviendrait à prélever chaque année environ 800 millions d’euros supplémentaires sur les entreprises – 630 millions d’euros, si l’on tient compte des effets sur l’obligation de remboursement des forfaits à la charge des entreprises. En outre, elle interviendrait après deux hausses consécutives du versement transport en Île-de-France en moins d’une année. Elle renchérirait pour les entreprises le coût du facteur travail, l’assiette du versement transport étant la masse salariale.
Comme vous le savez, le Gouvernement s’est engagé dans une démarche visant à améliorer la compétitivité des entreprises ; car la compétitivité, c’est l’emploi ! En particulier, dans le cadre du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, un dispositif d’allégement des coûts des entreprises a été adopté par le Parlement : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Or la mesure défendue par les auteurs de la proposition de loi aurait pour effet d’annuler, pour un tiers en 2013 et pour un quart en 2014, la baisse de coût résultant du CICE pour les entreprises actuellement soumises au taux de versement transport de 1,5 %. Elle freinerait donc le développement économique des territoires franciliens les moins dynamiques, ceux qui sont situés en dehors de Paris et des Hauts-de-Seine, alors que les besoins en emplois y sont les plus criants.
De plus, dans la mesure où le système général veut que seules les entreprises de plus de neuf salariés soient soumises au versement transport, la mesure proposée aurait pour conséquence de créer une marche fiscale très haute entre les entreprises de huit salariés et les entreprises de dix salariés et plus. Le risque existe donc de dissuader les créations d’emplois dans les petites entreprises ; il faut en prendre toute la mesure, sans compter que ces entreprises seraient également touchées par l’annulation partielle du bénéfice du CICE.
Cette troisième augmentation du versement transport n’est pas aujourd’hui compatible avec la trajectoire des finances publiques approuvée par le Parlement lors de l’adoption de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017. En effet, cette trajectoire prévoit une baisse des recettes de l’ordre de 3 milliards d’euros en 2014, une somme qui correspond à l’effet net du CICE sur les prélèvements obligatoires.
Enfin, la mesure proposée est-elle compatible avec la logique de paiement pour service rendu sur laquelle se fonde la participation des entreprises au financement des dépenses de transport ?
Dans la mesure où les communes de périphérie se verraient appliquer le même taux que les communes de cœur d’agglomération, qui bénéficient de services de transport de meilleure qualité et de réseaux plus denses, la mise en œuvre du tarif unique pèserait sur les entreprises qui ne sont pas desservies par les transports collectifs, ou le plus mal. Comment expliquer cette mesure aux élus locaux, qui sont très attentifs à ces questions, aux entrepreneurs évidemment et même à tout un chacun ? Elle serait particulièrement difficile à justifier auprès des entreprises qui ne sont pas desservies par un mode de transport performant.
Il faut aussi examiner quelles seraient les conséquences de la mesure proposée sur l’aménagement du territoire.
La tarification unique égalisera le coût du transport sans prendre en compte l’éloignement. Au contraire, le Gouvernement et la région d’Île-de-France souhaitent développer les zones d’emploi et d’habitat autour des gares du réseau du Grand Paris Express. En effet, nous souhaitons mettre en cohérence la politique de transport, le développement économique, la construction de nouveaux logements et la préservation des milieux naturels.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, je comprends l’argument social que vous avancez ; je sais que l’objectif social est à vos yeux le principal et nous pouvons bien évidemment le partager. Même si ce n’est pas toujours le cas, le fait d’habiter loin de Paris résulte souvent de contraintes économiques, et non d’un choix ; c’est en quelque sorte une situation subie, encore que cette formulation ne soit pas très respectueuse des collectivités les plus éloignées de Paris.
L’examen de cette proposition de loi permet d’ouvrir le débat sur les modalités de la tarification. Certaines collectivités ont lié tarification et revenu, dans un souci de justice sociale. D’ailleurs, le STIF a déjà fait beaucoup en ce sens en accordant, par exemple, la gratuité aux allocataires du RSA ou aux chômeurs bénéficiaires à la fois de l’allocation de solidarité spécifique, l’ASS, et de la couverture maladie universelle complémentaire.
Enfin, je tiens à le rappeler, le pass navigo zones 1-2 à 65 euros – soit 2 euros par jour – offre un accès illimité au métro, au RER et au bus sur une distance de quinze kilomètres. En étendant ce tarif à l’ensemble de l’Île-de-France, on offrirait la même possibilité sur une distance de l’ordre de cent trente kilomètres : il y a là une marche considérable.
Enfin, je tiens à évoquer une dernière question, de mon point de vue essentielle : l’urgence, pour les transports en Île-de-France, est-elle de mettre en place une tarification unique ou d’investir pour répondre aux enjeux en matière de qualité du service et de croissance ?
J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici, ma priorité est l’amélioration des conditions de transport au quotidien, plus particulièrement en Île-de-France. En lien avec la région, le Premier ministre a ainsi décidé, le 6 mars dernier, la mise en œuvre du Nouveau Grand Paris. Il s’agit de sortir de la vieille distinction, qui a beaucoup nui dans la période précédente, entre la réalisation d’un nouveau métro, le Grand Paris Express, et l’amélioration du réseau existant, portée notamment par le plan de mobilisation de la région.
Il s’agit d’abord de mettre en œuvre le projet du Grand Paris Express. Ce projet a été optimisé, son plan de financement bouclé et son calendrier de réalisation établi. Les futures lignes 14 à 18 de ce réseau seront donc progressivement mises en service, de 2017, pour le prolongement de la ligne 14 jusqu’à Saint-Ouen, à 2030.
Il s’agit ensuite de répondre à court et moyen terme à l’impératif de modernisation et de désaturation du réseau existant. À la suite de l’annonce faite par M. le Premier ministre, l’État et la région ont décidé, grâce notamment à une participation financière de la Société du Grand Paris, d’engager d’ores et déjà 7 milliards d’euros d’ici à 2017. La mise en œuvre des schémas directeurs des RER A, B, C et D sera ainsi poursuivie. De même, des opérations d’extension du réseau actuel, comme le prolongement d’Éole vers le Mantois, seront lancées.
L’urgence consiste en effet à accélérer la réalisation des schémas directeurs des RER C et D, à lancer les schémas directeurs des RER A et B au sud, à mieux relier, grâce au prolongement d’Éole, les zones d’habitat de l’est parisien aux zones d’emplois de l’ouest, tout en désaturant la ligne A du RER.
Il nous faut donc à la fois préparer l’avenir grâce à de grands projets et répondre aux besoins à court terme des usagers, qui font face à une situation dégradée, liée à plusieurs années de sous-investissement. C’est une attente de nos concitoyens dont nous avons bien conscience. Nous ne pouvons bien évidemment pas nous satisfaire de la situation actuelle du réseau de transports, qui pèse sur la qualité de vie des usagers, et notamment des salariés.
Tel est le sens de la mobilisation du Gouvernement au côté de la région. De mon point de vue, l’essentiel, l’urgence est donc non pas de subventionner le fonctionnement, même si cela pourrait se justifier à certains égards, mais de mettre en œuvre concrètement des investissements de nature à apporter une solution aux difficultés quotidiennes des Franciliens, à améliorer la qualité de vie et à accroître la compétitivité et l’attractivité de la région. Ils seront en outre sources d’emplois.
Depuis les dernières élections, l’État et la région peuvent travailler ensemble en confiance, dans l’intérêt des usagers.
M. Philippe Dallier. Quelle surprise !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Parce qu’il y a respect des collectivités, parce qu’il y a ambition commune et mobilisation des moyens, toutes les forces peuvent s’unir de manière cohérente et construite, dans un esprit d’écoute, en vue d’atteindre un unique objectif : remédier aux insuffisances du réseau de transports, qui n’est plus, depuis maintenant plusieurs années, adapté aux besoins des usagers.
Tel est le sens de ce que nous avons souhaité faire avec le président du conseil régional, dès le lendemain de l’annonce du Nouveau Grand Paris : la crédibilité de ce projet passe par l’immédiateté des investissements et la mise en place d’une action déterminée et volontariste en faveur de l’amélioration du quotidien des Franciliens en matière de transports.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Esnol.
M. Philippe Esnol. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’objet de la proposition de loi de nos collègues du groupe communiste, républicain et citoyen confère à ce débat une importance particulière, puisqu’il porte sur toute une série d’enjeux cruciaux pour le développement de la région d’Île-de-France.
Cette importance est bien évidemment renforcée par l’actualité parlementaire, qui fait que le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles sera discuté dans ce même hémicycle dans les jours à venir.
M. Roger Karoutchi. Peut-être !
M. Philippe Esnol. C’est bien évidemment la question des transports qui est d’abord posée au travers de la proposition d’instaurer une tarification unique pour le pass navigo. Il s’agit d’un sujet fondamental, qui concerne la vie quotidienne de millions de Franciliennes et de Franciliens.
Ce texte soulève ensuite une question fiscale, car, ne nous y trompons pas, le dispositif législatif présenté relève avant tout du domaine de la fiscalité et ne concerne la politique des transports que de manière indirecte.
Je me félicite que la représentation nationale puisse se saisir de ces questions, même si le cadre contraint de l’examen d’une proposition de loi restreindra le champ de notre réflexion et le temps imparti pour la mener. Il est en tous cas naturel et légitime que les sénateurs apportent leurs contributions et leurs réflexions sur l’avenir de l’Île-de-France. Bien évidemment, il ne s’agit nullement d’instituer une sorte de primat de cette région sur les autres territoires de France ; ce serait une injustice, en même temps qu’une ineptie. En revanche, il s’agit bel et bien de prendre toute la mesure des enjeux de développement de la deuxième région d’Europe en termes de PIB, l’une des plus attractives au monde pour les entreprises, tout en mettant au premier plan les enjeux en matière d’aménagement du territoire pour une aire métropolitaine comptant près de 12 millions d’habitants. Nous avons la responsabilité, en tant qu’élus, de penser le cadre de vie, la protection de l’environnement et la fluidité des déplacements.
Dans ce cadre, je souhaite d’abord souligner combien est cruciale la question des transports en Île-de-France. Dans ce domaine, les projets ont considérablement évolué au fil de la réflexion menée sur l’avenir de la région et sur ce que l’on a appelé le Grand Paris. Sous l’impulsion de Jean-Paul Huchon, président du conseil régional et du syndicat des transports d’Île-de-France, priorité a très justement été donnée aux « transports du quotidien ». Cette politique de la majorité régionale a vocation à profiter à tous les Franciliens.
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette logique et comporte un dispositif fiscal au moyen duquel il serait possible de dégager de nouvelles ressources au bénéfice du STIF, pour financer de nouvelles mesures tarifaires ; j’y reviendrai.
La majorité régionale a indiqué qu’elle travaillait dans cette direction. Au final, c’est d’ailleurs à elle, et au STIF, qu’il reviendrait de voter une telle mesure. Pour le moment, nous ne pouvons qu’approuver, sur le principe, un dispositif visant à favoriser les déplacements intrarégionaux. Nous devons toutefois le faire avec le recul nécessaire et dans un esprit de responsabilité, afin d’évaluer les conséquences possibles de sa mise en œuvre.
Je tiens à le rappeler, des mesures sociales existent déjà dans le cadre de la tarification des transports urbains d’Île-de-France. Il s’agit d’ailleurs d’un acquis de la majorité régionale. Le STIF a ainsi accordé la gratuité aux allocataires du RSA, ainsi qu’aux chômeurs bénéficiaires de l’ASS et de la CMU. Concernant les salariés eux-mêmes, ils ne supportent pas la totalité du coût du transport, puisque l’employeur peut prendre à sa charge à hauteur de 50 % l’abonnement au pass navigo. De ce fait, si la question de l’instauration d’une tarification unique est légitime, elle ne paraît pas être la plus urgente, d’autant qu’il nous faut envisager les conséquences possibles de l’adoption d’une telle mesure en termes d’étalement urbain. L’objectif étant un aménagement plus harmonieux des zones d’habitation et des zones d’emploi, nous ne saurions favoriser davantage encore l’étalement urbain. Ainsi, prendre en compte dans la tarification les kilomètres parcourus reste un principe pertinent à bien des égards, et le dézonage du pass navigo ne saurait être sérieusement envisagé sans certaines précautions.
Si nous ne pouvons partager sans réserves l’objectif visé au travers de la présente proposition de loi, cela ne nous dispense pas d’examiner les moyens envisagés. En effet, l’objet de ce texte est de créer de nouvelles ressources fiscales propres à l’Île-de-France, pour rendre possible l’instauration effective du pass navigo unique, laquelle relèverait alors du STIF.
Il est proposé de recourir exclusivement à une augmentation du versement transport. Je rappelle que le taux plafond de celui-ci est actuellement fixé à 2,7 % de la masse salariale pour Paris et les Hauts-de-Seine, à 1,8 % pour l’unité urbaine, au sens de l’INSEE, correspondant à peu près à ce que l’on pourrait appeler la petite couronne, et à 1,5 % pour le reste de la région. Le dispositif de la proposition de loi consiste tout simplement à harmoniser ces taux par le haut, soit à 2,6 %. Incontestablement, les rentrées fiscales attendues, de l’ordre de 800 millions d’euros, seraient de nature à permettre le financement du coût, généralement évalué entre 300 millions et 500 millions d’euros, de l’instauration d’un pass navigo unique au tarif des zones 1et 2.
Pourtant, demander une telle contribution aux entreprises ne paraît ni très juste ni très réaliste dans le contexte actuel. Ce ne serait pas juste, car si les entreprises contribuent au versement transport parce que leurs salariés utilisent les services publics de transport, toutes ne profitent pas de ces derniers de la même manière ! Dans les Yvelines, le service rendu n’est évidemment pas le même qu’à Paris et en banlieue proche. Surtout, ce ne serait pas réaliste, car le contexte actuel du monde économique et des entreprises ne permet pas de demander à celles-ci une contribution aussi élevée.
En moins d’un an, il y a eu deux hausses consécutives du versement transport en Île-de-France : elles ont été maîtrisées et contrôlées, mais elles ne peuvent être suivies aussi rapidement d’une nouvelle augmentation de cette importance.
Surtout, dans le contexte de crise économique que nous connaissons, le Gouvernement a choisi de soutenir les entreprises par le biais du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE. Alors que le Gouvernement met en place une politique globale et cohérente d’abaissement du coût du travail visant à favoriser la reprise et la création d’emplois, quel sens cela aurait-il d’imposer une telle charge à nos entreprises ?
J’ajoute que le versement transport est intégralement assis sur la masse salariale des entreprises de plus de neuf salariés. Va-t-on pénaliser les entreprises qui embauchent ? Sanctionner celles qui distribuent des salaires décents ? Ce n’est évidemment pas notre philosophie ! Les entreprises ont besoin de la stabilité et de la lisibilité fiscales que le gouvernement actuel leur garantit. Il en va de même pour les collectivités que nous représentons ici : elles aussi sont assujetties au versement transport ; elles aussi auraient à pâtir d’une augmentation incontrôlée de ce dernier.
S’il paraît bien difficile d’approuver les moyens retenus par les auteurs de la proposition de loi pour atteindre un objectif – l’unification de la tarification – ne nous semblant guère prioritaire, il n’en reste pas moins que ce texte a l’immense mérite de nous faire réfléchir sur la politique des transports en région d’Île-de-France.
Le Gouvernement est parfaitement conscient des besoins immenses qui existent en matière de développement des infrastructures, mais aussi de modernisation des réseaux existants. Des investissements importants sont donc bel et bien nécessaires, et même indispensables. Avant même de s’intéresser à la question tarifaire, les Franciliens souhaitent une amélioration des moyens de transport qu’ils empruntent quotidiennement.
Dans les Yvelines et le Val-d’Oise, nous sommes confrontés à des enjeux vitaux ; vous le savez bien, monsieur le ministre. Nous avons besoin de l’extension d’Éole, qui est en bonne voie, mais cela ne suffit pas ! Le territoire de la Confluence, en particulier, qui regroupe au bas mot 1 million d’habitants entre les Yvelines et le Val-d’Oise, est menacé d’asphyxie si le bouclage de l’A 104 –la Francilienne – ne se fait pas.
À l’heure où l’on discute du financement du Grand Paris Express, pour lequel les premiers surcoûts sont déjà très importants, il nous faut penser la politique des transports et des déplacements en Île-de-France de manière globale. Nous devons envisager tous les modes de transport et desservir tous les territoires. Ainsi, lorsque je me fais l’avocat du bouclage de la Francilienne, je parle aussi en tant que défenseur de la voie d’eau en France, car je sais que la future plateforme multimodale d’Achères devra être connectée à la route et au rail pour pouvoir fonctionner réellement.
La mise en place d’un réseau de transport global, multimodal et interconnecté : voilà un objectif prioritaire ambitieux pour la politique des transports en Île-de-France, qui suppose aussi un rééquilibrage entre les territoires, car si le sens de la solidarité doit bien sûr nous conduire à prendre en compte les spécificités et les difficultés de l’est francilien, pour autant les populations de l’ouest de la région refusent clairement d’être les grandes oubliées en termes d’accès aux grandes infrastructures de transport et de fluidité des déplacements. Nous aurons bien sûr l’occasion de reparler de ce schéma global pour un meilleur aménagement des territoires franciliens.
L’importance des questions d’infrastructures et des investissements en jeu, ainsi que la difficulté, bien compréhensible dans le contexte actuel, de trouver les financements nécessaires, devraient conduire le groupe socialiste à ne pas voter en faveur de l’adoption de la présente proposition de loi.
Mme Éliane Assassi. C’est bien dommage !
M. Philippe Esnol. Même si je reconnais son intérêt sur le principe, je ne pense pas qu’elle soit opportune hic et nunc au regard de l’intérêt général des Franciliennes et des Franciliens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. M. le rapporteur nous a dit, en commission, qu’il ne lui serait sans doute pas facile de convaincre sur ce sujet. Je tiens à saluer sa clairvoyance… Il est vrai qu’en inscrivant cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat, nos collègues du groupe CRC ont pris le risque d’importer dans notre enceinte les débats qui se tiennent au sein du conseil régional d’Île-de-France et du Syndicat des transports d’Île-de-France.
L’exercice n’est donc pas aisé en soi. Nous comprenons que l’augmentation du versement transport supposerait une évolution législative que, pour notre part, nous entendons repousser. Vous nous demandez, en conséquence, de solder un différend interne à une majorité régionale quelque peu désemparée.
L’origine de cette proposition de loi remonte à la campagne pour les élections régionales de 2010.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
M. Vincent Capo-Canellas. Les Verts défendaient alors la mise en place d’une tarification unique dans les transports collectifs franciliens, face à Jean-Paul Huchon et aux socialistes. Entre les deux tours, ils réussirent à imposer cette mesure à Jean-Paul Huchon, qui pour sa part n’en voulait guère, semble-t-il.
Depuis, en application de cet accord électoral, la majorité rose, verte et rouge du conseil régional d’Île-de-France a voté le principe de la création du pass navigo unique en décembre 2011, sans pour autant le mettre en œuvre, faute de financement…
Voilà pourquoi nous sommes amenés aujourd’hui à examiner la présente proposition de loi, d’ailleurs défendue par le groupe CRC et non par le groupe écologiste et son président, ancien vice-président du conseil régional d’Île-de-France chargé des transports, qui nous rejoindra sans doute sitôt terminée la conférence de presse du Président de la République.
Cette mesure ne pouvant être financée par le budget du STIF, il nous est aujourd'hui proposé de la faire financer par les entreprises franciliennes. L’augmentation du versement transport prévue par le texte doit en effet permettre de compenser la perte de recettes résultant, pour le STIF, de l’alignement de l’ensemble des tarifs du pass navigo sur le moins cher d’entre eux, à savoir celui des zones 1-2.
Sur le fond, la mise en place d’un tarif unique de 65 euros pour le pass navigo, même si elle relève d’une bonne intention, serait contre-productive pour les usagers des transports en commun d’Île-de-France eux-mêmes.
Je vois au moins trois raisons de nous opposer à une telle mesure.
Premièrement, l’instauration d’un tarif unique favoriserait l’étalement urbain, comme vient d’ailleurs de le rappeler Philippe Esnol. Cela irait à l’encontre de la tendance générale à la densification de l’habitat autour des gares et serait, au passage, contradictoire avec les objectifs fixés par le schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, qui vise à limiter l’installation des populations de plus en plus loin en grande couronne.
En outre, vous raisonnez comme si ceux qui s’éloignent de Paris ne le faisaient que pour des raisons économiques.
Mme Laurence Cohen. Le prix des logements n’y est-il pas pour quelque chose ?
M. Vincent Capo-Canellas. Le coût des loyers joue bien sûr un rôle, mais il s’agit également de choix de vie. M. le ministre a rappelé tout à l’heure très opportunément que s’installer en grande couronne n’a rien d’une punition et que les territoires concernés méritent toute notre considération.
La tarification unique ne répond pas, ou très mal, à cette problématique. De même, comme l’a souligné mon collègue Hervé Maurey en commission, elle ne permet pas non plus de traiter le problème du « mur tarifaire » pour les usagers des régions limitrophes de l’Île-de-France. Elle ne ferait au contraire qu’accroître l’écart important qui existe entre les tarifs appliqués à ces usagers et ceux dont bénéficient les populations qui résident du « bon » côté de ce mur.
Deuxièmement, la mise en œuvre de la proposition de loi, qui prévoit une harmonisation des taux du versement transport, conduirait à prélever entre 500 millions et 800 millions d’euros supplémentaires sur les entreprises franciliennes de plus de neuf salariés. M. le rapporteur proposera, par voie d’amendement, de limiter cette augmentation du versement transport à 500 millions d’euros. Cela est habile, eu égard à la grande circonspection que suscite cette mesure sur les différentes travées de notre hémicycle, mais est-ce suffisant ? Je pense que non.
Compte tenu de la crise économique, de l’avalanche de taxes que les entreprises ont subie ces derniers mois, est-ce bien raisonnable ? Certes, le versement transport a été créé, en 1971, afin de faire contribuer les entreprises au financement des déplacements de leurs salariés entre le domicile et le lieu de travail, mais rappelons que la loi de finances de 2013 a déjà augmenté de 0,1 point les taux applicables aux trois zones du versement transport d’Île-de-France et que le taux du versement transport pour la zone 3, qui regroupe les communes de grande couronne, doit passer en trois ans de 1,4 % à 1,7 %.
En outre, les entreprises remboursent déjà pour moitié l’abonnement au pass navigo de leurs salariés. Il en résulte qu’elles constituent la plus importante des trois sources de financement du fonctionnement des transports en commun en Île-de-France, leur part atteignant environ 45 %. Augmenter le versement transport reviendrait à encore alourdir les charges supportées par nos entreprises. À l’heure où tout le monde s’accorde à vouloir favoriser leur compétitivité, cette mesure serait un mauvais coup pour l’emploi en Île-de-France ! Dès lors, on comprendra que les pistes évoquées dans la proposition de loi concernant l’évolution du versement transport ne nous paraissent pas acceptables en l’état.
Enfin et surtout, en matière de transports en Île-de-France, la priorité doit, me semble-t-il, être accordée aux investissements dans le réseau et non au financement d’une mesure certes généreuse, mais démagogique. L’Île-de-France a accumulé un retard considérable en matière d’investissements, que ce soit dans l’entretien des voies, dans le matériel roulant ou, plus globalement, dans le réseau.
Que demandent les Franciliens ? Quelle est leur priorité ? Ils souhaitent avant tout un renforcement de l’offre de transports en commun et un service plus fiable et régulier pour leurs déplacements quotidiens, notamment pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail. Ce constat, tous les élus franciliens le font. Ce matin même, monsieur le ministre, je suis resté bloqué vingt-cinq minutes dans le RER B !