Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Il n’y avait pas lieu de s’inquiéter de mon arrivée tardive dans l’hémicycle : je me trouvais dans mon bureau, où j’écoutais le Président de la République ! (Exclamations amusées.)
Mme Éliane Assassi. Et alors ?
M. Roger Karoutchi. C’était intéressant ?
M. Jean-Vincent Placé. Les écologistes, on le sait, sont de fervents défenseurs du pass navigo à tarif unique. Nous avions d’ailleurs inscrit son instauration dans notre programme pour les élections régionales de 2010 en Île-de-France. Entre les deux tours, nous étions parvenus à convaincre Jean-Paul Huchon, le président de la région, de l’intérêt d’une telle mesure, qu’il s’était engagé à mettre en œuvre au nom de la majorité socialiste, écologiste et communiste régionale.
Les élus régionaux écologistes, notamment Mounir Satouri, le président du groupe, sont plus que jamais mobilisés, sur le terrain, pour mettre en place cette disposition emblématique. C’est un très beau projet, mais l’innovation qu’il représente suscite quelques réticences, dont je ne doute pas que M. Karoutchi se soit fait l’écho, avec sa compétence et son humour habituels ! (M. Roger Karoutchi rit.)
Pourtant, cela répond à une demande forte des Franciliennes et des Franciliens, qui souhaitent pouvoir bénéficier de transports collectifs à moindre coût. Pour nos concitoyens qui vivent en périphérie de Paris, c’est la double peine : les trains sont peu nombreux, en mauvais état, surchargés ; les temps de transport sont considérables, pouvant parfois atteindre jusqu’à trois heures par jour, avec la fatigue et l’énervement que cela induit pour les usagers, qui voyagent dans des conditions difficiles et doivent, de surcroît, payer le prix fort. Je le constate dans ma circonscription, l’Essonne : si vous habitez en zone 5, à Brétigny par exemple, et si vous travaillez à Paris, comme c’est souvent le cas, votre abonnement de transport vous coûte 113,20 euros tous les mois ! Même si la moitié de cette somme est remboursée par votre employeur, cela reste exorbitant et cette dépense réduit dans une mesure considérable le pouvoir d’achat des familles.
La mise en place d’un pass navigo à tarif unique répond donc à un premier enjeu, d’ordre social : permettre à chacun de se déplacer entre son domicile et son lieu de travail à un coût acceptable.
Mais n’oublions pas l’enjeu environnemental d’une telle mesure. Je regrette, à cet égard, que cet adjectif n’apparaisse pas dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, mais je sais que le rapporteur a cette préoccupation à l’esprit.
L’instauration du pass navigo à tarif unique permettra de favoriser le report modal de la route vers le transport collectif. C’est un outil indispensable en vue de la transition écologique du territoire : combien de voitures roulent chaque jour sur les routes de la région sans autre occupant que leur conducteur ? Combien restent coincées dans les bouchons pendant des heures ? La pollution atmosphérique engendrée par ce mode de déplacement est dramatique pour la qualité de l’air en Île-de-France, en particulier à Paris, sans même évoquer la question du diesel.
Cela ne peut plus continuer ainsi, mais comment demander à nos concitoyens et à nos concitoyennes de prendre le train si l’offre est inexistante ou s’il est beaucoup moins coûteux de prendre sa voiture ? Il faut agir dès maintenant, d’une part en diminuant le prix des transports publics, notamment grâce au pass navigo à tarif unique, d’autre part en améliorant l’offre.
Enfin, comme l’a dit la présidente du groupe CRC – je suis certain que le Sénat sera sensible à cet argument –, le projet du pass navigo à tarif unique est fédérateur, car sa mise en œuvre permettra de renforcer la solidarité territoriale. Nous ne pouvons prétendre promouvoir la décentralisation et réfléchir à son acte III sans doter nos collectivités territoriales des moyens de susciter le sentiment d’appartenance aux territoires, de créer cette identité régionale à laquelle Éliane Assassi faisait référence.
Je vous l’accorde, si le principe est louable, la mise en œuvre n’est pas aisée. Différents modes de financement sont envisageables ; je n’y reviendrai pas. Le versement transport est un outil indispensable, mais complexe à gérer, surtout dans la situation économique difficile que nous connaissons aujourd’hui. Les modulations proposées par notre excellent rapporteur, M. Billout, ont le mérite de tendre vers un compromis, même s’il paraît délicat d’augmenter, ne fût-ce que dans une modeste mesure, le versement transport pour les entreprises de la grande couronne, compte tenu notamment de la faiblesse de l’offre de transports publics dans ce territoire. Cela étant, je sais Michel Billout parfaitement au fait de ces questions.
En effet, s’il est légitime que les entreprises participent au financement des moyens de transport qu’empruntent chaque jour leurs salariés, la zone 3, contrairement aux zones 1 et 2, ne bénéficie que très peu des infrastructures de transports. On peut d’ailleurs craindre, monsieur le ministre, que la mise en œuvre du projet du Grand Paris Express n’aggrave la situation, dans la mesure où celui-ci ne concernera qu’à la marge la grande couronne. Dans ces conditions, tant que l’offre de transports en commun n’aura pas été améliorée, je crois qu’il serait injustifié d’augmenter le versement transport pour cette zone périphérique.
En tant qu’ancien vice-président de la région d’Île-de-France chargé des transports, je sais combien les besoins en matière d’investissements restent importants, en dépit de ce qui a déjà été réalisé. Modernisation du réseau, offre de transports, régularité, fréquence, sécurité, qualité de service, éco-mobilité : il y a encore beaucoup à faire, au vu de l’état des lignes de RER ou du manque de liaisons inter-banlieues.
La stratégie suivie a été celle des « petits pas », consistant à promouvoir une tarification de plus en plus juste sans renoncer à réaliser les investissements nécessaires. J’avais ainsi proposé et obtenu la suppression de la zone 6, ce qui a permis à des milliers d’usagers d’économiser près de 14 euros sur leur abonnement mensuel.
Mon successeur et ami Pierre Serne – les écologistes étant attachés au non-cumul des mandats, j’ai démissionné du conseil régional alors que la loi ne m’y obligeait pas ! –…
Mme Éliane Assassi. Bravo !
M. Jean-Vincent Placé. … a d’ores et déjà mis en place le dézonage dans toute l’Île-de-France le week-end et les jours fériés. Par ailleurs, le conseil du STIF a entériné aujourd’hui même le principe d’un pass navigo unique en période estivale ; cette mesure entrera en vigueur dès cet été.
Il faut maintenant passer le dernier cap en mettant en place le pass navigo à tarif unique partout en Île-de-France. Pour financer cette mesure en année pleine, 400 millions d’euros sont nécessaires.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Vincent Placé. Je vais obtempérer dans les délais les plus raisonnables possible, madame la présidente ! (Sourires.)
Dans le cadre de nos réflexions sur la décentralisation, je crois qu’il serait intéressant d’envisager le déplafonnement du versement transport, dont la fixation du taux serait laissée à la libre appréciation du conseil du STIF, selon des modalités que ses membres auront le soin de déterminer compte tenu de leur connaissance fine du territoire. Je pense même que l’on pourrait créer davantage de zones pour le versement transport.
M. Roger Karoutchi. Je déteste cette pagaille !
M. Jean-Vincent Placé. Je sais que vous préférez les choses à l’ancienne, monsieur Karoutchi. (Rires.)
M. Roger Karoutchi. J’aime ce qui marche !
M. Jean-Vincent Placé. Ce n’est pas à la loi de déterminer quel taux doit s’appliquer pour telle ou telle commune d’Île-de-France : cela appartient aux acteurs locaux, qui connaissent de manière fine les enjeux économiques, sociaux et environnementaux de la région. Faisons confiance aux autorités organisatrices de transports et à nos élus locaux.
En conclusion, renforcer les transports collectifs et l’éco-mobilité est une priorité, surtout dans une région comme l’Île-de-France, qui en a particulièrement besoin. Nous n’approuvons pas l’ensemble des modalités de mise en œuvre prévues par le présent texte, mais nous sommes favorables à l’instauration effective d’un pass navigo unique. Parce que nous partageons la philosophie qui la sous-tend, le groupe écologiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la présidente, je vais m’efforcer de respecter le temps de parole qui m’est imparti, M. Placé ayant largement dépassé le sien. (Sourires.)
M. Jean-Vincent Placé. Merci pour ce geste de solidarité, mon cher collègue !
M. Philippe Dallier. Cela me sera d’autant plus facile que je partage presque complètement le point de vue de nombre des intervenants qui m’ont précédé ; les propos de M. le ministre, en particulier, m’ont rassuré.
Ainsi, le Sénat est appelé à la rescousse de la majorité de gauche du conseil régional, qui, comme l’a rappelé Jean-Vincent Placé, entre les deux tours des dernières élections régionales et, certainement, dans la précipitation, a conclu un accord sur la mise en place du pass navigo à tarif unique, sans prévoir, bien évidemment, les moyens nécessaires… L’échéance des élections régionales de 2014 approchant, il faut sauver le soldat Huchon. Quelle solution nous présente-t-on au travers de ce texte ? Toujours la même : un problème, une taxe !
Mme Éliane Assassi. On parle des gens !
M. Philippe Dallier. Ainsi, pour trouver les 500 millions d’euros dont vous avez besoin, vous nous proposez d’augmenter le versement transport.
Je ne peux me rallier à cette solution. Pour autant, je suis favorable au principe de la tarification unique. Je suis d’ailleurs assez étonné que certains de nos collègues s’y soient opposés, au motif que son instauration favoriserait l’étalement urbain.
Pour lutter contre l’étalement urbain, mes chers collègues, il existe des dispositifs, figurant dans les documents d’urbanisme, le SDRIF, les plans d’occupation des sols, les PLU. Je ne vois pas pourquoi il faudrait jouer sur la tarification des transports en commun, en faisant payer plus cher l’abonnement aux habitants de l’Île-de-France les plus éloignés de Paris.
En Île-de-France, chacun l’a dit, la priorité est d’améliorer le réseau de transports existant, qui souffre depuis de nombreuses années d’un manque d’investissements. Roger Karoutchi l’a rappelé, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans sont responsables de cette situation. L’état de dégradation de la ligne B du RER est bien connu, mais elle n’est pas la seule à avoir besoin d’une remise à niveau. Il faut en outre prolonger nombre de lignes de métro, ainsi qu’Éole vers l’ouest. Un accord a été trouvé sur ce sujet entre la région et l’État, ce qui est une très bonne chose.
Il faut aussi financer le projet du Grand Paris Express, lancé par le précédent gouvernement. Ce projet coûtera plus cher qu’initialement prévu. Il sera donc nécessaire de mobiliser des moyens supplémentaires. Or il nous est ici proposé de consacrer 500 millions d’euros par an au financement du pass navigo à tarif unique : d’ici à 2030, ce sont donc de 8 milliards à 9 milliards d’euros qu’il faudrait dépenser à ce titre, alors même que le financement du Grand Paris Express est dans l’impasse. Mes chers collègues, il va falloir choisir ! Quitte à solliciter les entreprises, mieux vaudrait que ce soit pour participer au financement des investissements, plutôt qu’à celui d’une modification tarifaire à laquelle – je le répète – je suis cependant favorable.
Pour ma part, je suggère de recourir à la péréquation tarifaire entre usagers pour financer la mise en place du pass navigo unique. Il est en effet paradoxal que ceux qui bénéficient du meilleur service, c’est-à-dire les Parisiens et les habitants de la petite couronne, paient aujourd’hui moins cher que les autres habitants d’Île-de-France. Avec un peu de courage politique, nous pourrions entériner le principe de faire payer un peu plus ceux qui bénéficient de la meilleure desserte…
M. Pierre Charon. Allons donc !
M. Philippe Dallier. Je comprends que mon collègue parisien Pierre Charon n’y soit pas favorable, mais telle est ma proposition ! Cela permettrait de dégager les moyens nécessaires à la mise en place progressive d’un tarif unique pour l’ensemble des Franciliens. Je m’étonne que nos collègues communistes n’aient pas pensé à cette solution, à mon avis plus simple et plus équitable, qui préserve des marges de manœuvre pour l’avenir, s’agissant du financement de la rénovation des infrastructures de transports actuelles et du Grand Paris Express. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. C’est le plan B ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Charon.
M. Pierre Charon. Nos collègues du groupe CRC nous présentent aujourd’hui un texte visant à instaurer un pass navigo unique au tarif des zones 1-2. Cette proposition se heurte malheureusement à un problème de taille, celui du coût.
Évidemment, inspirés par de bonnes intentions, nous pourrions être tentés d’instaurer la gratuité des transports publics pour tous. Mais, on le sait, dans ce domaine comme dans tant d’autres, la gratuité n’existe pas : le coût est simplement transféré à des acteurs moins identifiables que l’usager qui achète un ticket ou une carte d’abonnement.
La réponse qu’apporte cette proposition de loi à la question du financement passe ainsi par l’augmentation du versement transport. Cette charge, qui pèse sur les entreprises, a représenté environ 3,2 milliards d’euros en 2012, soit quasiment l’équivalent des recettes tarifaires de la RATP et de la SNCF en Île-de-France, qui se sont élevées à 3,3 milliards d’euros en 2011.
Si l’on ajoute à ce montant le remboursement de la moitié du pass navigo de leurs salariés, qui atteint environ 800 millions d’euros par an, la contribution des entreprises au financement des transports en commun aura été de l’ordre de 4 milliards d’euros en 2012, soit pratiquement la moitié du coût de fonctionnement des transports en commun franciliens.
Mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui en tant qu’élu parisien soucieux de la bonne mise en œuvre du projet du Grand Paris, soucieux aussi de ne pas voir se déliter le réseau d’entreprises qui contribue à la création de richesse francilienne et constitue un maillon très important de notre territoire.
Le contexte économique a imposé à de nombreuses entreprises de réduire la voilure pour ne pas succomber aux effets de la crise. Il est aujourd’hui impensable de leur porter un coup supplémentaire en alourdissant le poids des charges qui pèsent sur l’activité.
Pourtant, la mise en place d’une tarification unique pour le pass navigo devrait coûter entre 550 millions et 700 millions d’euros par an, sur la base d’un tarif forfaitaire de 65 euros par mois pour les abonnements et d’une diminution du prix des billets longue distance. Le point d’équilibre financier de cette mesure s’établit à 91 euros par mois. Selon le STIF, cette mesure pourrait être financée par l’application d’un taux unifié de 2,6 % pour le versement transport.
Une telle harmonisation affecterait très fortement des départements comme la Seine-Saint-Denis ou le Val-de-Marne, pour lesquels le taux du versement transport passerait de 1,7 % à 2,6 %, et plus encore les quatre départements de la grande couronne, le taux s’appliquant actuellement à ces derniers étant de 1,4 %.
Le surcoût net, pour les entreprises, s’élèverait à 586 millions d’euros, soit une augmentation de près de 25 % en une seule année.
Mes chers collègues, nous avons le devoir de préserver le tissu entrepreneurial francilien. Notre énergie doit s’orienter vers la création de richesses ; celle-ci assure la prospérité de tous et le financement de services publics de qualité. Si les entreprises disparaissent, c’est l’emploi qui disparaît, et l’instauration du pass navigo unique devient alors une question très accessoire…
Par ailleurs, je tiens à formuler une inquiétude s’agissant spécifiquement des usagers parisiens.
Les entreprises ne pouvant indéfiniment être sollicitées, il est à craindre que le coût de cette harmonisation du versement transport ne se reporte un jour, une fois de plus, sur les usagers parisiens, lesquels ont déjà vu augmenter considérablement le prix de leur abonnement depuis plusieurs années. Cela serait tout à fait fâcheux, les Parisiens n’ayant pas vocation à subventionner les déplacements de ceux qui ont fait le choix de s’éloigner de la capitale. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Le choix ? Quel culot !
M. Pierre Charon. Certaines familles, pour vivre à Paris, doivent acquitter des loyers très élevés. Leur demander de financer le coût des longs trajets en Île-de-France reviendrait à leur faire subir une forme de double peine : un loyer cher et des transports de plus en plus coûteux.
Mes chers collègues, ce qu’attendent les usagers, avant l’instauration d’un tarif unique, c’est un service de qualité : ils veulent pouvoir voyager en sécurité, dans des trains qui arrivent à l’heure. Cette proposition de loi soulève finalement un problème de financement, alors qu’il faudrait en réalité trouver des solutions en termes d’organisation et de services. C’est pourquoi le groupe UMP ne la votera pas. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je tiens tout d’abord à remercier les sénateurs du groupe CRC de nous offrir l’occasion de débattre de la question des transports en commun, trop peu souvent abordée au Parlement. Monsieur Karoutchi, l’initiative parlementaire doit aussi permettre d’évoquer un tel sujet : il ne s’agit pas d’un manque d’organisation ou de ligne politique. Le Parlement a toute latitude à cet égard. Il peut parfaitement décider de se pencher sur des thèmes intéressant le quotidien de nos compatriotes, surtout lorsque, comme c’est le cas en l’occurrence, il y va de la compétitivité de nos territoires et de la justice sociale.
Les services publics ont un coût, cela va de soi, monsieur Charon, et la gratuité n’existe pas. Cela étant, il importe d'assurer à nos concitoyens la plus grande égalité possible en matière d'accès à des services publics de qualité et fiables. Le Gouvernement est mobilisé, autour du Premier ministre, pour assurer aux Français des conditions de vie à la hauteur de leurs attentes.
S’agissant des 25 milliards d’euros d’investissements nécessaires à la mise en œuvre du Nouveau Grand Paris, j’ai déjà rappelé la forte détermination exprimée par le Premier ministre au mois de mars dernier, qui contraste avec la lenteur, pour ne pas dire l’indécision, de nos prédécesseurs : les décisions sont arrêtées. Mme Duflot et moi travaillons à donner une traduction concrète dans les meilleurs délais aux engagements pris.
Parallèlement, nous devons nous soucier d’améliorer le quotidien des Franciliens. Dans cette perspective, 7 milliards d'euros d'investissements ont d’ores et déjà été engagés. Monsieur Karoutchi, vous avez reconnu que, depuis dix ans, rien n’avait été fait. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Depuis vingt ans ! Cela concerne autant la gauche que la droite !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. On avait laissé faire la SNCF et la RATP : telle n’est pas notre conception d’un État stratège.
M. Roger Karoutchi. Du temps de Jospin, c’était déjà comme ça !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. L’action des opérateurs doit se conformer à la volonté exprimée conjointement par les collectivités locales et le Gouvernement, qui ne peut se désintéresser de ces problématiques.
Les 7 milliards d'euros d’investissements que j’ai évoqués permettront de mettre en œuvre un certain nombre de projets emblématiques : désaturation de la ligne 13, prolongement de la ligne 11 jusqu’à Rosny, puis Noisy, débranchement du T4 à Clichy-Montfermeil, réalisation de la ligne de tramtrain Massy-Évry, de la tangentielle ouest entre Saint-Cyr-l’École et Saint-Germain-en-Laye et de la tangentielle nord entre Épinay et Le Bourget, monsieur Capo-Canellas, prolongement du T8 au sud.
Les perturbations sur le réseau de transports francilien qui ont été évoquées…
M. Roger Karoutchi. Il y en a tous les jours !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … peuvent aussi être dues à des événements tout à fait indépendants de l’état de celui-ci, tels des accidents de personne. De telles circonstances, extrêmement pénalisantes, sont à l’origine du retard que vous avez subi, monsieur Capo-Canellas.
Mme Éliane Assassi. Cela arrive partout !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Certes, mais il faut donc permettre à la police judiciaire et à l’opérateur d'intervenir le plus rapidement possible.
Le Gouvernement a pris dix mesures concrètes : mobilisation d’une enveloppe de 400 millions d'euros pour financer l'amélioration du confort et la robustesse de l'exploitation, ainsi que la rénovation des quais, protection du réseau pour éviter l'intrusion de personnes ou d'animaux, création de sites de maintenance et de garages pour accroître la disponibilité du matériel roulant, renforcement des stations d'alimentation électrique, certaines d’entre elles étant aujourd’hui saturées, retournement des trains pour rendre le réseau plus performant… Il sera prochainement demandé aux entreprises de transport de présenter un programme précis en la matière, accompagné d’un calendrier de réalisation. Telle est la traduction concrète de notre volonté politique.
M. Roger Karoutchi. Attendons de voir…
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous avons demandé à RFF et à la SNCF de systématiser la mise en place de plateaux communs dans le cadre des projets d'infrastructures. Cela suppose la désignation d’un chef de projet unique, commun aux deux entreprises.
Monsieur Karoutchi, vous vous êtes déclaré favorable à la création d’une filiale commune à la RATP et à la SNCF en vue de l’unification de la gestion du RER. Par conséquent, j’espère que vous soutiendrez la réforme ferroviaire que présentera le Gouvernement, visant à réunifier le service public dans un souci d'efficacité, l’objectif étant de réduire les délais d'intervention et les coûts.
M. Roger Karoutchi. Attendons de voir le texte !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous avons également demandé un renforcement de l’intégration de la gestion des lignes A et B du RER, qui sont co-exploitées par la SNCF et la RATP.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Un commandement unique de la ligne B sera mis en œuvre dès le mois d'octobre prochain. Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place pour définir les modalités d’un commandement unifié de la ligne A.
Nous avons tiré les conséquences de l’incident du 7 novembre dernier, dû à la création d’un arc électrique par un parapluie qui s’était envolé, ce qui a amené la paralysie d’une partie importante du réseau. Certains élus de l’opposition francilienne avaient alors dénoncé un manque d’initiative politique, mais il ne s’agissait donc que d’un fait divers des plus banals, même s’il a entraîné de lourdes perturbations. Cet événement a mis en évidence l’inadaptation du système d’alerte radio, permettant de stopper le trafic sur un secteur du réseau en cas d’incident. J'ai demandé une révision des procédures ; ce travail d’analyse a débouché sur la préconisation de substituer à l’alerte radio, qui interrompt systématiquement l’ensemble du trafic, un système de « marche à vue ». Cet été, 15 000 cheminots seront formés pour éviter qu’une telle paralysie du réseau ne se reproduise.
Par ailleurs, afin de lutter contre les vols de câbles, d’ici à 2014, RFF investira 9 millions d'euros en Île-de-France et 30 millions d'euros à l’échelle nationale pour renforcer la sécurisation des espaces et des sites.
Ainsi, dès les premiers jours ayant suivi son installation, le Gouvernement a cherché à apporter des réponses aux difficultés du quotidien, à prévenir les perturbations afin de garantir la qualité du service public. Soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, de l'intérêt que nous portons à ces questions. Il ne s’agit nullement, monsieur Karoutchi, de laisser faire les opérateurs : la volonté politique sera suivie d'effet !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La commission n'ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Article 1er
L’article L. 2531-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après les mots : « Île-de-France », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « dans la limite de 2,6 %. » ;
2° Les 1°, 2° et 3° sont supprimés.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault, sur l'article.
M. Serge Dassault. L’article 1er de la proposition de loi vise à unifier les taux plafonds du versement transport pour l’ensemble du territoire francilien, en les alignant sur celui en vigueur pour Paris et les Hauts-de-Seine, à savoir 2,6 %. Actuellement, ce taux plafond est de 1,4 % pour la zone 3 et de 1,7 % pour la zone 2.
Un tel relèvement perturberait gravement les activités des PME de l’Essonne, déjà handicapées par les augmentations d’impôt qu’elles subissent en permanence. Ce nouveau zonage induirait une rupture de l’équité fiscale, car on demande aux entreprises de l’Essonne de payer plus pour un réseau de transport vétuste et inadapté aux besoins des usagers. En augmentant ce taux, vous aggravez encore leur situation ! En plus du versement transport, les entreprises remboursent à leurs salariés la moitié du coût de leur abonnement navigo. Elles contribuent également financièrement à la réalisation du Nouveau Grand Paris.
Pour les PME de l’Essonne, il est inconcevable de financer le réseau de transports au même niveau que les entreprises parisiennes, nettement mieux desservies. Ce n’est pas le relèvement de cette taxe qui permettra de mieux financer le réseau. En toute logique, les entreprises de l’Essonne devraient payer moins ! Il faut absolument revenir à la réalité : dans un contexte de crise et de récession, alourdir de nouveau la fiscalité des entreprises ne peut que contribuer à les fragiliser davantage encore.
Monsieur le ministre, chers collègues, une telle augmentation du taux plafond pour le versement transport diminuerait la compétitivité des PME, leur croissance et leur capacité d’embaucher, au rebours de ce que vous prétendez rechercher.
Je suis tout à fait opposé à cette proposition de loi, qui est antiéconomique pour les entreprises de l’Essonne, qu’elles soient implantées en zone périurbaine ou dans des secteurs ruraux.
Je me fais ici l’interprète du président de la chambre de commerce et d’industrie de l’Essonne pour demander la suppression de cet article, dont le dispositif, s’il était mis en œuvre, compromettrait l’activité de nos PME. Si vous voulez vraiment lutter contre le chômage, commencez par ne pas l’aggraver ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)