M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, sur l'article.
M. Louis Nègre. Ce texte est différent de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, que j’ai votée, mais il s’inscrit dans la même démarche.
L’article 31 rappelle que la métropole est un « espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble » – j’insiste bien sur le mot « ensemble » – « un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion. » Il est également précisé qu’elle « valorise les fonctions économiques métropolitaines, ses réseaux de transport et ses ressources universitaires, de recherche et d’innovation. »
Ainsi, nous avons en quelques mots la définition de ce qu’est une métropole : c’est d’abord un ensemble solidaire.
Pour avoir soutenu la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, je me retrouve dans cette démarche tournée vers l’avenir, qui est indispensable. Voilà quelques années, la DATAR comparaît la France à un village de Gaulois séparés en de multiples entités et nous invitait à prendre à prendre en compte le monde qui nous entoure - sans aller jusqu’en Chine, l’Europe suffit -, pour y constater le fait urbain et son essor, afin de ne pas être distancés dans la course qui s’annonçait.
Pour moi, il n’y a pas d’opposition entre le rural et l’urbain. Le fait métropolitain, je le vis quotidiennement, en tant que premier vice-président de la métropole Nice Côte d’Azur. Je discute avec mes quarante-cinq collègues et nous définissons conjointement la politique de l’ensemble. Le président, Christian Estrosi, primus inter pares, est un maire comme les autres. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) S’il est la tête de la métropole, c’est ensemble que nous en définissons la politique.
La métropole me paraît être un outil adapté face à un monde en évolution constance. C’est, je le crois, une institution nécessaire, pour faire face aux difficultés de notre temps et créer, comme il est nécessaire, les conditions d’un développement durable autour de nous.
Certaines ressassent sans cesse les mêmes arguments : les métropoles vont faire disparaître la ruralité. Je peux comprendre une telle crainte, mais l’exemple de la métropole Nice Côte d’Azur suffit à la lever : chez nous, il y a plus de communes rurales que de communes urbaines !
M. Pierre-Yves Collombat. Belle circonscription ! (Sourires.)
M. Louis Nègre. Les communes rurales sont donc majoritaires. Et nous vivons au quotidien – ce n’est pas un fantasme ; c’est un constat ! – l’adhésion des maires, y compris des maires d’opposition. D’ailleurs, c’est la démonstration de la pertinence d’un tel outil. Même l’opposition est présente et participe à la métropole Nice Côte d’Azur ! Et elle le fait pour une raison simple : nous avons trouvé un consensus, un équilibre, dirait notre collègue Gérard Collomb, et même, serais-je tenté d’ajouter, une harmonie de fonctionnement interne : chaque commune a la possibilité de continuer à intervenir et à exister dans la métropole.
J’entends les inquiétudes relatives à la ruralité, mais notre exemple est patent qui illustre que la métropole est le lieu d’une véritable solidarité. J’irais même plus loin : non seulement le monde rural n’a pas peur de la métropole, mais, en plus, il la réclame ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Apparemment, certains ont l’air surpris. Mais, mes chers collègues, je vous invite à venir chez nous pour voir comment cela fonctionne !
M. Christian Bourquin. C’était la minute de publicité de M. Nègre ! À présent, nous allons pouvoir reprendre une discussion sérieuse !
M. Louis Nègre. Mon cher collègue, je regrette que vous n’aimiez pas la contradiction !
M. Christian Bourquin. Vous avez de la chance que je ne sois pas chez vous !
M. Louis Nègre. Essayez au moins d’être démocrate !
Le monde rural participe et soutient la métropole. La solidarité est donc de droit et de fait.
Il y a un deuxième motif d’inquiétude :…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Louis Nègre. … c’est l’équilibre des pouvoirs. Or la charte que nous avons adoptée, et qui fait office de constitution interne, assure ce fonctionnement harmonieux des pouvoirs dont je parlais.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, non, nous n’avons pas peur ! Non, nous ne sommes pas des ringards ! (M. Louis Nègre s’exclame.) Et non, nous ne sommes pas d'accord avec vous !
M. André Reichardt. C’est dommage !
Mme Évelyne Didier. Acceptez l’idée qu’il n’y ait pas consensus complet ! Et arrêtez de vouloir à tout prix nous convaincre ; je pense que nous avons des arguments !
Je vous ferai remarquer que tout le monde ne vit pas dans une métropole. Nous voulions précisément attirer votre attention sur les autres territoires, les « délaissés ».
M. Louis Nègre. Il n’y a pas de délaissés chez nous !
Mme Évelyne Didier. Bien sûr que si !
Mme Cécile Cukierman. On pourrait faire bien plus de logements sociaux dans les Alpes-Maritimes !
Mme Évelyne Didier. Que je sache, l’ensemble des métropoles ne couvrent pas l’intégralité du territoire de la France ! Alors, cessez de caricaturer !
Vous nous parlez de ce qui semble être un vrai pays de cocagne.
M. Louis Nègre. C’est la Côte d’Azur !
Mme Évelyne Didier. C’est Louis le bienheureux au pays des Bisounours ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et sur certaines travées du groupe socialiste.)
Pour ma part, je vais vous parler d’un territoire dans lequel il n’y a pas de grande métropole ; la ville la plus proche n’irrigue pas notre territoire. La zone a connu de multiples vagues de désindustrialisations et, malgré l’acharnement des élus locaux, la difficulté de redynamiser le territoire est réelle.
Je puis vous garantir que, pour l’instant, nous ne nous reconnaissons absolument pas dans votre vision des choses. La description que vous faites est peut-être vraie dans certains endroits du territoire, mais le Parlement est censé élaborer une loi valable pour l’ensemble de la République et pour tous. Arrêtons de prétendre que ce modèle peut être appliqué partout ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Pierre-Yves Collombat et Mlle Sophie Joissains applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, sur l'article.
M. Gérard Collomb. C’est parfaitement exact, ma chère collègue, un certain nombre de territoires connaissent aujourd’hui des difficultés.
Nous n’avons jamais prétendu qu’il fallait créer des métropoles partout. Nous proposons simplement d’en mettre en place là où, dans notre pays, la réalité socio-économique est déjà métropolitaine sans que cela corresponde encore à une réalité institutionnelle.
Mme Valérie Létard. Voilà !
M. Gérard Collomb. L’idée est de faire concorder la réalité socio-économique avec une capacité de gouvernance.
Dans ces grandes métropoles, c’est-à-dire dans ces lieux de vie qui sont des espaces métropolitains, les difficultés apparaissent la plupart du temps faute d’organisation des transports en commun Nos concitoyens veulent pouvoir se déplacer dans ces aires. Nous reviendrons tout à l’heure sur les exemples du sud de la France.
Le premier problème, ce sont donc les transports en commun ; le deuxième, c’est le logement. Lorsque les zones sont segmentées, il est difficile de conduire des politiques d’ensemble pourtant essentielles en matière de logement : c’est grâce à elles que les difficultés sont résolues.
Bien évidemment, il faut que les territoires travaillent en coordination avec la région. La capitale régionale, chez vous, doit pouvoir aussi travailler en partenariat avec les territoires. C’est dans cette perspective que nous devons construire ensemble et essayer de trouver des partenariats. Il faut partir de l’endroit où se trouve la croissance la plus forte pour la faire rayonner partout, pour la renforcer, pour créer des conditions propices à la renaissance d’une industrie et d’une économie.
Vous avez raison, chère collègue, d’attirer l’attention sur des régions comme la vôtre, qui rencontrent aujourd’hui des difficultés. Néanmoins, ce n’est pas dans le séparatisme des pouvoirs locaux, mais c’est au contraire dans leur travail en commun que l’on pourra trouver des solutions.
L’émergence de quelques métropoles, qui sont véritablement des métropoles régionales, permettra à cet égard de promouvoir des territoires beaucoup plus larges.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mme Catherine Morin-Desailly s’inquiétait du fait que l’on aborde les métropoles sans avoir évoqué d’autres sujets, laissant derrière nous – mais nous y viendrons bientôt – les questions liées aux collectivités territoriales et à l’aménagement du territoire.
Au-delà de sa démonstration, que je ne saurais commenter trop longtemps, car elle était structurée et chacun peut avoir son opinion, je veux lui dire que nous nous sommes beaucoup inspirés du rapport de Mme Jacqueline Gourault fait au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Dans ce rapport figurait, à côté du développement urbain, métropolitain et rural, la notion de « conférence des exécutifs » permettant le lien entre tous.
Cette réponse, quelle que soit l’écriture du texte, permet de bâtir une gouvernance partagée, sur tous les territoires de toutes les régions de France, entre les métropoles, les petites villes, les communautés de communes rurales.
Ce sera le grand travail des trente prochaines années.
Mme Catherine Morin-Desailly. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous avez raison sur le sentiment d’abandon. Nous le prendrons en compte, car il s’agit d’une réalité qu’il ne faut absolument pas nier. Ce sentiment a été exprimé dans pratiquement toutes les interventions.
Si nous réussissons à expliquer que nous prenons en compte le fait métropolitain ou le fait urbain, pour ne pas utiliser le mot « métropole », qui n’est pas très aimé en France - je note que Jean-Pierre Raffarin converge, dans son analyse, avec le président de la commission des lois –, si, grâce aux efforts de l’ensemble des exécutifs, une région peut contribuer à soumettre à discussion tout ce qui naît au sein des métropoles ou des grandes villes, alors nous parviendrons à intégrer l’ensemble des territoires dans une même spirale de développement. J’y reviendrai lorsque nous aborderons le rôle des départements.
Quoi qu’il en soit, je vous remercie d’avoir relayé ici les inquiétudes qui se manifestent et qu’il ne faut absolument pas balayer d’un revers de main.
M. Collombat, au fond, en appelle à la différence entre le développement de métropoles qui ne seraient que des « boîtes à habitants » en concurrence les unes avec les autres – c’est ce que nous avions vu ensemble à propos des textes issus de la stratégie de Lisbonne – et une métropolisation raisonnée, raisonnable, qui prenne en compte le fait urbain, sans mettre de côté les réseaux de villes, de communautés, les réseaux d’exécutifs, ces réseaux capables, à partir de ce qui se passe dans les villes, de diffuser, par exemple, les innovations technologiques.
On oublie souvent de souligner, dans cette analyse de la métropole et du polycentrisme, que les communautés de communes rurales ont absolument besoin de l’énorme travail réalisé par les métropoles en termes de transports, de logements, d’universités, d’accueil des étudiants. En effet, ce sont aussi les étudiants des zones rurales que les aires urbaines accueillent, afin que chacun ait accès à l’économie de la connaissance.
Dans ce qui a été dit, je retiens l’idée de réseau. Il faut réussir à la mettre en pratique, à tout le moins la faire partager.
Parmi les inquiétudes exprimées, j’ai entendu celles des villes plus petites. Je ne ferai injure à personne en évoquant une « grande petite ville », Brest, dont un journal régional rapporte les craintes du maire, rencontré par Jean-Luc Fichet. Ce maire, qui reconnaît que le fait urbain est indispensable à un moment où les finances publiques pourraient être en difficultés, redoute que l’on ne décide qu’une seule métropole par région suffit, une seule université, un seul CHU. Il craint que sa grande ville d’équilibre, une communauté urbaine à 250 kilomètres de la plus grande ville de sa région, ne soit tout d’un coup abandonnée.
Je m’engage ici, au nom du Gouvernement : ce n’est pas parce que des collectivités territoriales urbaines seront baptisées « métropoles » que nous laisserons de côté des collectivités éloignées, qui comptent moins d’habitants, mais qui soutiennent d’autres territoires. Elles auront leur CHU ou leur université, car les grandes aires ne pourront peut-être pas accueillir toutes les fonctions ni toutes les activités exercées par les plus petites.
Soyons donc clairs et précis, et dissipons les craintes.
J’approuve vos propos, monsieur Collombat, sur le rôle des régions, sur les péréquations et sur la nécessité des réseaux. Il faut également donner à nos régions la possibilité de porter cette nécessité du réseau, des péréquations, des échanges, des mises en filières et en stratégies communes, bref, tout ce que nous attendons pour nos territoires.
Il faudrait que nous réussissions à sortir de ce débat en ayant dissipé les craintes.
Edmond Hervé, après Jean-Pierre Sueur, a rappelé qu’il était autant que les orateurs précédents attaché au polycentrisme et que l’article 1er avait été réécrit par la commission. Il a dit des choses auxquelles nous souscrivons parce que nous y croyons.
Nous prenons acte du fait que nous avons besoin de lieux d’anticipation, d’innovation, des lieux dans lesquels les laboratoires de recherche – mais pas seulement, il peut aussi s’agir d’innovation en termes d’urbanisme ou de diffusion culturelle – naissent et nourrissent l’ensemble des territoires.
Monsieur Hervé, nous avons une histoire commune, mais je n’ai sans doute pas le droit de m’y référer ici. Ces craintes sont nées du fait que certains outils, qui auraient pu être installés dans de petites villes, sont parfois venus renforcer les unités métropolitaines, sans que cela soit absolument nécessaire.
En 2013, nous ne devons plus éprouver de telles craintes. Les grandes unités urbaines ont suffisamment de problèmes à régler en termes de transport et de logement pour ne pas chercher à attirer à n’importe quel prix des populations, par exemple via l’installation d’usines de production agroalimentaire. Nous devons plutôt renforcer les grandes unités urbaines dans les fonctions que vous avez décrites, monsieur le sénateur. D’ailleurs, dans l’exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement avait insisté sur les fonctions plus que sur la démographie : on peut exercer de grandes fonctions avec des démographies différentes. Nous aurons ce débat quand nous en viendrons aux seuils.
Ce sont les fonctions que nous devons valoriser. Ronan Dantec avait raison en ce qui concerne l’environnement de la grande métropole nantaise, Redon ou Châteaubriant. Effectivement, les populations de ces communes ont besoin de la proximité d’une métropole et des grandes fonctions qu’elle exerce. On a évoqué les CHU, l’enseignement supérieur, mais les grandes gares TGV ne peuvent pas non plus s’implanter n’importe où.
Si nous mettions tous l’accent sur ces potentialités, nous dissiperions peut-être en partie les craintes de ceux qui ont peur de perdre leur population, comme les nombreuses communautés de communes rurales qui s’en sont émues auprès du Gouvernement en lui adressant des messages divers et variés. Ces craintes sont infondées. La région Centre, aujourd’hui, voit de très petites communes gagner en population.
M. Charles Revet. Cela va s’arrêter !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce phénomène se retrouve dans toutes les régions de France. Les grandes unités urbaines ne chercheront pas à capter toutes les populations, il ne pourra en être question. Certaines régions périphériques gagneront 25 000 habitants par an et d’autres en gagneront jusqu’à 100 000.
Il faut parler d’équilibre, d’organisation, d’anticipation, d’innovations technologiques, urbaines et autres.
Il faut tenter d’éradiquer ces craintes sur la métropole « pompe aspirante » qu’a exprimées M. Favier. Au fond, c’est un peu ce que j’entends sur l’ensemble du territoire national depuis que je prépare cette loi. J’ai eu l’honneur d’effectuer soixante et un déplacements. À chaque fois, la crainte était la même : celle de la pompe aspirante, chacun ayant peur de tout perdre en cas de renforcement des unités urbaines métropolitaines, tout, c'est-à-dire les populations, les écoles…
Non, ce ne sera pas le cas. (MM. Roland du Luart et Charles Revet s’exclament.) Nous avons besoin d’équilibre. Et, si vous me permettez cette remarque souriante, ne faut-il pas que les personnes qui habitent les métropoles elles-mêmes soient nourries ? Un certain nombre de fonctions seront exercées par les territoires ruraux. Il faut faire cesser cette peur : les métropoles n’ont aucun intérêt à accumuler des populations. Elles exerceront au contraire de très grandes fonctions. Certains s’interrogent : pourquoi ne pas supprimer le département ? D’autres hier ont même évoqué la suppression de la région, notamment en ce qui concerne Paris.
Nous n’avons pas du tout cette crainte, mais il nous revient de tenir le bon discours.
Madame Didier, ceux d’entre nous qui habitent loin d'une métropole voient avec satisfaction ce que celle-ci peut leur apporter en termes d'innovation et de recherche – je pense notamment aux laboratoires –, autant de projets que nous ne pourrions pas porter sur nos territoires. La crainte que je viens d’évoquer peut donc être dissipée.
Ronan Dantec faisait remarquer que l'ordre de discussion des articles du texte avait peut-être contribué à modifier cette appréciation. Mais il est tout de même formidable que ce soit le Sénat qui demande à discuter en premier lieu du fait urbain et de l'existence des métropoles ! Ce sont les sénateurs, dont on dit qu'ils représentent plutôt le milieu rural, qui demandent au Gouvernement de reconnaître d’abord le fait urbain… C'est une bonne nouvelle tant pour les villes que pour les communes rurales, car cela signifie que le Sénat, qui représente tous les territoires, prend acte, lui aussi, du fait urbain.
Monsieur Nègre, vous avez fait un superbe plaidoyer pour Nice, auquel je n’ajouterai rien, sinon pour vous conseiller de tenir le même discours dans toutes les communes de la périphérie de Nice ! Et la tâche ne sera pas facile… Quand je défends avec insistance votre métropole, on me rétorque qu’Isola 2000 était une aberration de l'histoire. Faites donc campagne autour de Nice !
Pour conclure, je voudrais dire combien il est important de ne pas faire de confusion.
Paris, c’est Paris capitale, une très grande métropole dont nous avons vu hier soir qu’elle n'était pas la plus simple à organiser !
Lyon est une grande métropole européenne, qui joue un rôle international important ; on pourrait également rapprocher du cas de Lyon, pour des raisons différentes, Strasbourg, siège du Parlement européen, ou Lille, qui est déjà en relation avec des communes belges.
Quant à Aix-Marseille-Provence, c'est la grande métropole méditerranéenne de la France et de l'Europe, et sa population a beaucoup de chance !
Toutes les autres métropoles doivent répondre aux besoins de leur territoire : fournir un enseignement supérieur de qualité, disposer de bons CHU, être des forces d’innovation, dans le domaine tant culturel que social, qui puisse se propager à d’autres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la France est un pays polycentrique, et je pense qu’elle le restera. Compte tenu du rôle que nous avons bien voulu donner aux régions, et que nous renforcerons – je l'espère – dans la suite, les métropoles, avec les régions et l’ensemble des communes, permettront à chaque territoire de France d’offrir à la population, aux familles, la possibilité d’être en bonne santé, de bénéficier de services publics, d’envoyer sans inquiétude leurs enfants dans des écoles où ils pourront apprendre, tout en gagnant elles-mêmes en compétitivité.
C’est possible, j'en suis absolument convaincue, à la condition d’établir entre les uns et les autres une grande solidarité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Mes chers collègues, sans prétendre égaler ceux d’entre vous qui viennent de se livrer à de brillants plaidoyers, je tiens cependant à rappeler les principes qui ont guidé la commission des lois.
Premièrement, sur la question du nombre de métropoles, le Sénat s'est déjà exprimé clairement en 2009, notamment dans les rapports que j'ai cités lors de la discussion générale, et il a retenu le principe d’un nombre limité. Il faut nous y tenir et résister à la tentation inverse, car une augmentation du nombre des métropoles, peut-être judicieuse en termes de marketing territorial, ne manquerait cependant pas de galvauder la définition de la métropole.
Deuxièmement, et la commission des lois a été très claire sur ce point, s’agissant de l’extension des compétences des métropoles, le département ne sera pas la variable d'ajustement ! C'est la raison pour laquelle nous avons voulu marquer avec force que, en dehors de Paris, Lyon et Marseille, qui connaissent depuis 1982 un régime dit « exorbitant du droit commun », aucun transfert obligatoire n’est envisageable. Nous avons fermement rappelé que si des délégations de compétences ou des transferts sur une base conventionnelle étaient possibles, la loi n’autorisera cependant pas de prélèvements obligatoires de la métropole sur les compétences départementales. La précision me semble utile.
M. Éric Doligé. Indispensable, même !
M. René Vandierendonck, rapporteur. Pour atteindre ces objectifs, et au terme d’un large débat sur le nombre de métropoles, nous avons arrêté un double seuil – comme tous les seuils, il peut toujours être discuté, mais c’est le maximum, à mon sens, que l’on puisse retenir : 450 000 habitants dans la partie agglomérée, pour une aire urbaine, au sens de l’INSEE, de 650 000 habitants.
Nous avons ensuite évoqué la fonction métropolitaine à visée régionale, que je ne banalise pas. Elle doit être définie, autant que faire se peut, à partir de critères fonctionnels. Nous sommes donc partis à la recherche de ces critères fonctionnels. C'est ainsi que nous avons prévu des dispositions permettant, par exemple, à une communauté d'agglomération qui ne remplirait que deux critères sur les cinq énumérés par la loi, c'est-à-dire qui n’atteindrait pas le seuil nécessaire pour prendre le statut de communauté urbaine, de devenir, en raison de son rôle fonctionnel, une métropole à échelle régionale. Cela va dans votre sens, monsieur Hervé.
Tels sont les principes retenus par la commission des lois. Je tenais à les rappeler pour que les choses soient claires dès le début de la discussion de cet article.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 162 est présenté par M. Povinelli, Mme Ghali et MM. Andreoni et Guérini.
L'amendement n° 218 est présenté par Mlle Joissains.
L'amendement n° 528 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Povinelli, pour présenter l’amendement n° 162.
M. Roland Povinelli. Nous sommes pour la suppression pure et simple de cet article. Je partage tout à fait le point de vue de M. Favier : nous avons mis la charrue devant les bœufs ! Nous aurions dû commencer par parler de la métropole, avant de passer à Paris, Lyon et, hélas ! Marseille.
Mais c’est bien l’inverse que nous faisons : nous avons évoqué Paris et Lyon, et maintenant nous parlons de la métropole. C'est tout de même bizarre ! Mais plus rien ne m'étonne dans cet hémicycle… (Sourires.)
En entendant les différents orateurs, je me suis dit que la métropole était vraiment la panacée, qu’il fallait vraiment en passer par là, car il y avait tout dedans ! Mais, mes chers collègues, je fais partie de ces Français qui préfèrent vivre en Ardèche plutôt qu'à New York ou à Shanghai.
M. Charles Revet. Oui !
M. Roland Povinelli. Chaque habitant de ce pays doit tout de même pouvoir être libre de décider comment et où il veut vivre, dans un grand immeuble ou dans un petit village ! Sinon, il faudrait uniformiser tous les logements pour que nous vivions tous de la même façon, comme des robots... Personnellement, je le redis, ce n'est pas ce que je cherche !
Edmond Hervé a évoqué les transferts de compétences, qui ne peuvent être que volontaires. Gérard Collomb l’avait d'ailleurs dit excellemment avant lui. Madame la ministre, tel n'est pas le sort que l'on réserve à la métropole de Marseille-Aix-Provence ! Vous nous avez reçus très aimablement à plusieurs reprises, vous nous avez écoutés, mais vous n'avez rien changé à votre projet !
Si cette métropole voit le jour demain, il faudra y intégrer de force 90 % des communes : je vous souhaite bien du plaisir ! En tout cas, telle n'est pas ma conception de la démocratie, d’autant qu’une telle mesure est contraire aux lois de décentralisation de 1982.
On a largement évoqué les transports et le logement. Je suis d’accord, les transports doivent relever des grandes villes, des métropoles ou des départements. En revanche, en ce qui concerne le logement, j’y reviens, nous devons laisser à chaque Français le soin de décider où il veut vivre, dans un immeuble d’une grande ville ou dans un petit village. Chacun doit être libre, sinon nous ne vivrons plus que comme des robots.
Par ailleurs, et mes collègues maires le savent bien, pour construire des logements, il faut des terrains.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Roland Povinelli. On ne peut pas construire en l'air ! Or, aujourd'hui, quand il n'y a pas de terrain, les maires n'ont pas la possibilité de construire des logements, notamment sociaux.
La loi SRU, votée du temps de Lionel Jospin, a été une bonne chose. Avant, les maires pouvaient bloquer un terrain dans le plan d'occupation des sols pour faire une école, une piscine ou une crèche, mais pas pour construire des logements sociaux. Aujourd'hui, grâce à cette loi, c'est possible. Sauf que, mes chers collègues, et vous le savez tous, si l’on veut acheter un terrain pour construire des logements, il faut passer par les Domaines, service de l’État qui fixe un prix. Mais les propriétaires de ces terrains, qui ont reçu des propositions dix ou vingt fois supérieures de promoteurs privés, nous traitent de voleurs quand nous leur faisons notre offre ! Il faut alors passer par une procédure d’expropriation, ce qui nous prend cinq ans, contre six mois en Suède… Nous sommes vraiment très forts…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Roland Povinelli. Je comprends que l’on puisse vouloir vivre dans une métropole, par exemple pour avoir accès aux universités. Mais faisons en sorte que ceux qui veulent vivre à la campagne puissent le faire librement !
Mlle Sophie Joissains. Bravo !
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour présenter l'amendement n° 218. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)