M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est mentionné, dans l’étude d’impact du projet de loi, que l’arsenal de sanctions à disposition des pouvoirs publics sera renforcé.
L’autorégulation des entreprises ne suffisant pas, vous souhaitez, monsieur le ministre, doter les services de l’État de compétences accrues pour sanctionner plus rapidement, plus efficacement et plus durement les infractions au code de la consommation.
C’est un objectif que, bien évidemment, nous partageons. Toutefois, augmenter sur le papier les pouvoirs de la DGCCRF ne restera qu’une mesure d’affichage si, dans le même temps, ce service jadis redouté ne dispose pas des moyens humains et matériels nécessaires à son action. Comment les objectifs de rapidité et d’efficacité pourront-ils être atteints si rien ne bouge ?
Les effectifs de la DGCCRF ont été réduits à hauteur de 15 % en six ans, soit une perte de 561 emplois. La DGCCRF ne regroupe plus aujourd’hui que 3 000 agents, dont à peine 2 000 enquêteurs ! Quarante-huit départements comptent moins de douze agents, vingt-huit moins de huit agents. Les baisses d’effectifs ont isolé les enquêteurs, forcés à la polyvalence, au détriment d’une réelle protection du consommateur.
Or rien n’indique que la tendance sera inversée. En effet, il ne suffit pas de « sanctuariser les effectifs existants », comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre ; il s’agit de défaire ce qui a été fait, de remettre en cause une architecture qui ne fonctionne pas et de donner des moyens humains et financiers, mais aussi organisationnels, à la DGCCRF.
À cet égard, le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier est sans appel : « Il doit être mis fin à des dysfonctionnements nés de l’inadaptation de certaines structures nouvelles. » S’agissant de la dispersion des agents de la DGCCRF entre 120 unités, la Cour des comptes observe que « le maillage territorial de certaines administrations n’a pas été adapté à la mobilité internationale accrue des flux de produits ».
Enfin, en matière de marchés publics, nous ne comprenons pas le rejet de notre amendement prévoyant la présence automatique au sein des commissions d’appel d’offres d’agents de la DGCCRF, sur leur demande. Cela aurait pourtant été un signal fort en termes de renforcement des pouvoirs de ces agents et de reconnaissance de leur expertise.
Par ailleurs, ce projet de loi prévoit d’alourdir les sanctions pour fraude économique, de créer des sanctions dans les domaines où elles n’existaient pas et de renforcer certaines sanctions pénales existantes. Nous partageons cette orientation.
Toutefois, ce texte s’inscrit dans l’objectif de dépénalisation du droit économique. Il substitue une procédure de sanctions administratives à certaines sanctions pénales. Sont notamment concernés des manquements à l’obligation d’information des consommateurs sur les prix ou certaines clauses abusives figurant dans les contrats de consommation.
Or la dépénalisation du droit de la consommation nous inquiète. En effet, les amendes administratives sont très souvent anticipées par les entreprises, qui provisionnent le montant de l’amende probablement encourue. Cela rend la sanction quasiment indolore, alors que la sanction pénale permet la mise en cause personnelle des dirigeants et se révèle de ce fait plus efficace. Nous considérons que le droit pénal possède un caractère dissuasif dont l’amende administrative est dépourvue.
De même, nous ne comprenons pas la remise en cause de l’unité contentieuse en la matière. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteur de la commission des lois tendant à unifier le contentieux de la consommation devant l’ordre judiciaire.
Enfin, nous nous interrogeons sur la frilosité du Gouvernement quant à la question de l’indication d’origine de certains produits alimentaires. Alors que plus de 70 % de nos concitoyens jugent important de connaître l’origine précise des produits qu’ils consomment, que les syndicats paysans et organisations de producteurs des différentes filières se sont exprimés sur cette exigence d’indication du pays d’origine, le projet de loi ne contient aucune mesure forte à cet égard.
Pourtant, il ne fait plus de doute aujourd’hui qu’il est indispensable de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformés. L’article 3 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait introduit la possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine pour ces produits, mais cette disposition facultative n’a jamais trouvé de traduction réglementaire. En outre, vous avez refusé, monsieur le ministre, l’inscription de ce principe dans le projet de loi lors des débats à l’Assemblée nationale. Nous devons, sans attendre une action européenne en la matière, envoyer un signal à nos partenaires européens sur la position française en matière d’étiquetage et de traçabilité. Continuons d’être, dans ce domaine, précurseurs et exigeants.
À cet égard, la réorganisation de l’INAO inquiète les viticulteurs du saint-pourcinois, qui m’ont alertée sur ce point. En effet, ils observent un éloignement et un affaiblissement du service public rendu, qui entraîne des difficultés en matière de procédure et une hausse de leurs coûts de production. Cet exemple local illustre la nécessité de préserver tous les acteurs et un maillage territorial à même de renforcer une véritable politique en faveur des consommateurs.
Monsieur le ministre, les consommateurs sont en droit d’attendre de l’État, garant de l’intérêt général, la conduite d’une politique de protection des consommateurs qui soit à la hauteur des enjeux nouveaux issus de la mondialisation des échanges. Nous présenterons, au cours de ce débat, des amendements visant à renforcer l’administration en réseau chargée de la protection économique des consommateurs, à garantir l’équilibre des échanges commerciaux entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que l’accès à des produits de qualité, contrôlés par les pouvoirs publics. Enfin, nous veillerons à la préservation de l’équité des contrats commerciaux, y compris dans le domaine du e-commerce. Monsieur le ministre, nous écouterons bien évidemment vos réponses avec attention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Létard a présenté la position de notre groupe sur ce texte. Quant à moi, je souhaite centrer mon propos sur le crédit à la consommation et le surendettement.
Nouvellement élue sénatrice, ce sont deux des premiers sujets sur lesquels je suis intervenue en séance publique, en septembre 2004. J’ai aussi interpellé le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, dès décembre de cette même année, sur la prévention du surendettement. Il aura fallu presque dix ans pour que ces questions trouvent enfin une réponse.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Enfin un aveu !
Mme Muguette Dini. Les deux grandes lois Scrivener, adoptées à la fin des années soixante-dix, la loi Neiertz du 31 décembre 1989, la loi Borloo du 1er août 2003 et la loi du 28 janvier 2005 ont, successivement ou conjointement, abordé les questions de l’information du consommateur, de sa protection, de son surendettement, de la publicité sur les crédits, en particulier sur les crédits renouvelables.
Mais c’est la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », qui, sans nul doute, est la plus structurante en matière de crédit à la consommation.
C’est la première conclusion générale du rapport d’information que j’ai produit, en juin 2012, avec Anne-Marie Escoffier, sur l’évaluation de cette loi Lagarde, rapport élaboré au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
En effet, la loi Lagarde s’est intéressée à toutes les étapes de la distribution du crédit : publicité, conditions de la souscription sur le lieu de vente, conclusion du contrat, durée et évolution du crédit souscrit.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, vient compléter cette dernière, en instituant notamment le registre national des crédits aux particuliers. Mais, sur certains points, votre texte reste timide ; je le regrette.
Les amendements que j’ai déposés prévoient donc d’aller plus loin, en reprenant les recommandations de notre rapport d’information.
Permettez-moi de présenter mes principaux amendements, en insistant sur quatre points.
Premièrement, l’encadrement de l’entrée dans le crédit reste inachevé.
Les publicités sont encadrées, mais des sollicitations commerciales sont toujours présentes. La publicité passive que constitue le démarchage commercial n’est pas suffisamment mise en cause. Les établissements de crédit ou leurs intermédiaires peuvent relancer leurs clients, en particulier lorsque ceux-ci n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit.
Ces sollicitations commerciales constituent une méthode récurrente, voire agressive, qui laisse croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !
Mme Muguette Dini. Cette démarche prend souvent pour cible les clients financièrement fragilisés.
Dans cette perspective, je défendrai deux amendements, visant l’un à mettre fin au démarchage commercial pour un crédit renouvelable, l’autre à interdire, dans toute publicité, de proposer, sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels et/ou des remises de prix liés à l’acceptation d’une offre de crédit.
Deuxièmement, la principale porte d’entrée dans le crédit demeure les cartes dites « confuses », qui sont à la fois des cartes de crédit et des cartes de fidélité.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !
Mme Muguette Dini. Ces cartes concernent le crédit sur le lieu de vente, mais aussi le crédit dans la vente par correspondance, particulièrement active en matière de crédit renouvelable.
Du fait de l’adossement à une carte de fidélité, les souscriptions de crédit renouvelable sont parfois liées à la simple volonté de disposer d’une carte de fidélité du magasin ou à celle d’obtenir un avantage promotionnel. Il convient de recentrer la carte de fidélité sur ce qu’elle doit récompenser : la fidélité d’un client.
Pourquoi tergiverser sur ce sujet ? Il convient d’interdire les cartes « confuses » en découplant cartes de paiement, avec crédit renouvelable ou non, et cartes de fidélité.
Troisièmement, pour éviter que les vendeurs n’orientent le client vers le crédit renouvelable plutôt que vers une offre amortissable, la loi interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit.
En effet, la commission doit être la même pour la vente d’un crédit renouvelable ou pour celle d’un crédit amortissable. Mais ce garde-fou porte uniquement sur les crédits souscrits pour l’achat d’un bien immobilier ou mobilier, à l’exclusion des crédits contractés pour le financement de prestations de services.
Le projet de loi prévoit d’étendre à l’ensemble des crédits les règles applicables en matière de rémunération des vendeurs. Néanmoins, ces dispositions ne règlent que partiellement le problème. La souscription d’un crédit, amortissable ou renouvelable, ne devrait pas être le résultat d’une pratique commerciale ; elle doit être la solution proposée, par défaut, par le vendeur lorsque le consommateur ne peut ou ne veut pas acheter au comptant. Mon amendement prévoit d’interdire toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur.
J’en viens maintenant à mon quatrième point : le renforcement de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur.
La loi actuelle ne prévoit que l’évaluation des ressources de l’emprunteur, sans prise en compte de ses charges, grâce à une fiche de dialogue et, dans le cas d’un crédit supérieur à 1 000 euros, à des pièces justificatives corroborant cette fiche.
Ce projet de loi suit la même logique au travers de l’instauration du registre national des crédits aux particuliers.
Ma position sur ce point a évolué grâce à mon travail de contrôle. J’étais à l’origine très favorable à la création de ce répertoire, car j’y voyais la solution pour assurer une vérification de la solvabilité de l’emprunteur, jusque-là très lacunaire. Mais la prise en compte progressive de l’ensemble des éléments qui déterminent la conclusion d’un contrat de crédit, dont la vérification de la solvabilité n’est qu’une étape, m’a conduite à penser que ce fichier n’était pas suffisant.
Le registre national des crédits aux particuliers sera sans nul doute un outil fondamental pour l’appréciation du niveau d’endettement de l’emprunteur. En revanche, il ne donnera d’informations ni sur ses revenus, ni sur ses charges, ni sur ses habitudes de consommation. C’est pourquoi je propose de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte bancaire. Même si une personne a plusieurs comptes bancaires, elle n’a généralement qu’une seule source principale de revenus. Les transferts d’argent entre les différents comptes sont visibles et permettent de poser les bonnes questions.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez été attentif au rapport d’information qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons produit. Quelques-unes de nos recommandations ont été reprises dans la loi bancaire. Je souhaite que celles qui trouvent une traduction dans mes amendements connaissent le même succès. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la consommation dont nous débutons l’examen aujourd’hui correspond à un engagement du Président de la République.
Il s’agit d’un texte important, qui doit permettre d’améliorer profondément et durablement le quotidien de nombreux consommateurs, mais pas seulement. En effet, il ne vise pas uniquement à mieux protéger les consommateurs ; il est aussi porteur de régulation économique, de dispositions favorables à nos producteurs, et donc à la croissance. L’objectif est, à juste titre, de rééquilibrer les relations commerciales, aujourd’hui encore très – ou trop – à l’avantage de la grande distribution.
Notre arsenal législatif et réglementaire en matière de protection des consommateurs est d’ores et déjà très développé ; il est également très complexe. Pourtant, il est nécessaire de le compléter et de le parfaire, pour tenir compte des évolutions du droit européen, mais aussi, parfois, pour aller de l’avant à notre échelon national, sans attendre nos voisins européens.
Monsieur le ministre, je ne crois pas plus que vous à ce que vous avez appelé, avec un humour bienvenu en cette période, la « liberté de la poule au milieu d’un poulailler libre où vagabonde un renard libre ». (Sourires.)
Nos concitoyens sont certes des consommateurs lucides et responsables, mais même les plus avertis d’entre eux sont souvent impuissants face aux manipulations de certaines entreprises, de certains « vendeurs » qui ne reculent devant rien pour accroître leur chiffre d’affaires ou leurs profits.
Il nous faut donc saluer l’ambition de ce projet de loi, qui vise à conférer un véritable pouvoir aux consommateurs, comme l’ont souligné les membres de la dream team des rapporteurs réunis autour de M. le président de la commission des affaires économiques ! La mesure phare du présent texte, à savoir l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, va bien dans ce sens.
Pour que ce nouveau recours soit véritablement utile et efficient, nous défendrons plusieurs amendements directement inspirés d’une proposition de loi déposée au Sénat le 5 avril dernier par plusieurs membres du RDSE.
Protéger le consommateur, c’est aussi mieux l’informer. De nombreux articles du présent texte visent cet objectif. Ils concernent par exemple les informations devant être obligatoirement fournies lors de l’achat d’un bien ou lors de la souscription d’un crédit.
Je tiens à saluer l’insertion de l’article 3 ter dans le texte élaboré par notre commission. Il tend à introduire dans les programmes de l’éducation nationale des notions de droit des consommateurs, ainsi qu’une formation à la gestion du budget d’un ménage.
Une telle mesure peut paraître anodine, mais il n’en est rien. De fait, si l’école de la République doit former des citoyens, il lui incombe désormais également de former des consommateurs responsables. Cela correspond d’ailleurs à l’une des propositions du rapport sénatorial de juin 2012 sur le crédit à la consommation et le surendettement rédigé par Anne-Marie Escoffier et Muguette Dini.
Par ailleurs, il me paraît essentiel d’accorder une protection particulière aux plus vulnérables. Le texte s’y attache ; c’est une bonne chose.
Les membres de notre groupe défendront plusieurs amendements à ce sujet. L’un d’eux vise à protéger les personnes âgées qui ont recours à des services à domicile. En effet, contrairement aux employés des maisons de retraite, les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées ne sont pas concernés par les dispositions relatives aux abus de faiblesse. Nous souhaitons remédier à une situation aussi dangereuse qu’inexplicable, bien connue des élus de terrain.
Toujours afin de mieux protéger les plus vulnérables de nos concitoyens – particulièrement les mineurs et les personnes en état de sujétion psychologique –, susceptibles d’être victimes de mouvements à caractère sectaire, nous proposerons de préciser l’article 8 du code de procédure pénale, lequel fait courir le délai de prescription, en cas d’abus de faiblesse à l’encontre d’une personne vulnérable, à compter du jour où l’infraction apparaît à la victime elle-même.
Pour leur part, nos collègues Jacques Mézard et Alain Milon ont présenté deux amendements inspirés des excellents travaux de la commission d’enquête, créée sur l’initiative du RDSE, sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Ces amendements visent notamment à mieux contrôler les appareils et les prestations de services à finalité thérapeutique, ainsi que l’importation de produits dangereux comme la niacine, notamment utilisée par les scientologues.
Le chapitre du projet de loi consacré au crédit et à l’assurance a été enrichi de plusieurs dispositions relatives au surendettement. Ainsi, la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement est une mesure importante : elle permettra à des personnes bien souvent détruites de voir abrégé leur temps d’épreuves ; elles pourront ainsi mieux rebondir.
Quant à la création, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, d’un registre national du crédit aux particuliers, communément appelé « fichier positif », mon collègue Robert Tropeano l’a déjà indiqué : s’ils ne doutent pas de l’utilité d’un tel fichier, les membres du RDSE ne sont pas convaincus de l’opportunité de sa mise en place.
Nous ne sommes pas opposés au principe même de ce fichier : s’il peut aider à prévenir le surendettement en évitant le « crédit de trop », il sera évidemment un outil utile et bienvenu. Néanmoins, compte tenu de l’importance de ce sujet, qui touche à la liberté de chacun, il nous semble que l’introduction d’une mesure d’une telle ampleur mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie, monsieur le ministre. À cet égard, nous n’ignorons pas l’excellent rapport sénatorial publié en janvier 2013 sur le sujet. Mais, je le répète, avant de créer un tel registre, une étude d’impact ou, du moins, une réflexion plus élaborée nous paraît nécessaire. C’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à prévenir toute atteinte aux libertés individuelles, même si nous savons que le Gouvernement n’a évidemment aucune intention de cet ordre. Cela étant, en la matière, la plus grande précision est requise !
Par ailleurs, le projet de loi comporte des avancées importantes pour les consommateurs dans le domaine des assurances, dont le coût pèse lourdement sur le budget des ménages. Si permettre la résiliation infra-annuelle est une bonne chose, il faut également songer aux assurances accessoires que l’on tente de « fourguer » à tous les consommateurs lors d’un achat. Ces assurances sont associées à des biens ou à des cartes de paiement. Elles sont très lucratives pour ceux qui les proposent – souvent en prétendant qu’elles sont obligatoires ! –, mais très peu avantageuses pour les consommateurs. Sur ce sujet, nous présenterons également des amendements.
Pour conclure, je souligne que ce projet de loi est un bon texte, qui va bien au-delà des seules mesures nécessaires au renforcement de la protection des consommateurs. Il augure également l’avènement d’une nouvelle consommation, plus responsable, plus équitable et davantage tournée vers la qualité.
En effet, il est temps de changer, de tourner la page de la consommation exclusivement low cost : consommer toujours moins cher, souvent pour pouvoir consommer plus, n’est pas une fin en soi. Les Français le savent : ils sont particulièrement sensibles, outre aux prix, à la sécurité et à la qualité des produits, qu’ils soient alimentaires ou industriels.
L’article 23 du présent texte, qui étend les indications géographiques aux produits manufacturés, constitue une avancée majeure, que nous soutiendrons. En 2011, la France comptait plus de 300 AOC viticoles et 107 IGP agroalimentaires. Ce système fonctionne bien. Pour ma part, mes chers collègues, je vous recommande vivement l’excellente IGP « agneau de Lozère », lequel n’est toutefois pas entièrement protégé des loups ! (Sourires.)
Au total, la France sera le premier pays à mettre en place une telle protection. Je ne doute pas que nos voisins européens nous emboîteront le pas. Grâce à ces mesures, qui répondent à un engagement du Président de la République et profiteront à tous les Français, nous serons à l’avant-garde de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. Robert Tropeano. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Élisabeth Lamure a déjà exposé la position du groupe UMP sur l’ensemble du projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen.
Ce texte est supposé participer à l’organisation efficace de la consommation et au développement de l’innovation, comme il est indiqué dans son exposé des motifs. Hélas, il semble malheureusement faire totalement l’impasse sur un sujet à mon avis pourtant essentiel, et qui me tient particulièrement à cœur en tant que co-président du groupe sénatorial d’études sur l’énergie : celui de la facture énergétique, laquelle représente près de 10 % de la consommation des Français, soit, en moyenne, une dépense annuelle de 2 300 euros par ménage.
Plus grave encore, en matière de consommation énergétique, les inégalités se sont accrues depuis plus de vingt ans entre ménages modestes et ménages riches, entre villes et campagnes, entre types d’habitat et entre ménages âgés et ménages jeunes.
Or, monsieur le ministre, votre projet de loi ne fait que survoler cette question. Vous me répondrez que le sujet a déjà été traité via la proposition de loi relative à la tarification progressive de l’énergie de notre collègue député François Brottes, mais nous savons tous ce qu’il est advenu de ce texte et du bonus-malus qu’il instituait : son caractère inégalitaire n’a pas échappé au Conseil constitutionnel. Il s’agissait, par cette loi, de cacher derrière de nobles considérations environnementales la hausse des tarifs de l’énergie. Heureusement pour nos compatriotes, sa disposition centrale a été censurée, ce qui a obligé le Gouvernement à dévoiler son jeu !
Les tarifs de l’électricité connaissent des augmentations successives : 5 % le 15 août dernier, encore 5 % à venir le 15 août 2014, sans oublier une hausse, au 1er janvier, de 1,2 % à 1,5 % de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE ; je tiens à rappeler ce dernier point au passage, car on n’en a pas beaucoup parlé !
Mme Évelyne Didier. Et vous, vous n’auriez pas pris une telle mesure ?
M. Ladislas Poniatowski. Aussi, permettez-moi de m’interroger : que prévoit votre projet de loi en ce qui concerne l’énergie ? Que proposez-vous aux Français pour limiter leur facture énergétique ? Quelles mesures permettront de réguler ce secteur stratégique de notre économie ? Je ne peux que constater, à regret, que votre œuvre législative est désespérément pauvre en la matière…
Je ne ferai pas d’ironie mal placée en constatant que seules deux questions afférentes à l’énergie ont retenu votre attention, avec la mise en place de deux dispositifs qui, par ailleurs, ne concerneront que les professionnels, et non les consommateurs.
Le premier porte sur les tarifs réglementés du gaz naturel. L’article 11 bis du texte prévoit en effet la suppression progressive de l’accès aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an. Fort heureusement, les consommateurs finals consommant moins de 30 000 kilowattheures, c’est-à-dire les consommateurs résidentiels et les petits professionnels, ne seront pas concernés par cette mesure.
M. Gérard Le Cam. Pour combien de temps ?
M. Ladislas Poniatowski. Étant donné que cette disposition est inspirée par les négociations menées entre le Gouvernement et la Commission européenne, nous n’avons pas jugé nécessaire de proposer de mesures alternatives, même si certains regretteront, avec raison, que les critères d’accès aux tarifs réglementés soient fixés en fonction de volumes de consommation arbitraires et non de la fragilité des secteurs qui consomment ces volumes. Nous en sommes conscients, introduire des dispositions d’une telle nature ouvrirait la voie à de lourds contentieux.
Le second dispositif relatif au secteur de l’énergie concerne les petits distributeurs de liquides inflammables.
L’article 5 bis vise en effet à repousser le délai pour enterrer les réservoirs pour les stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes de ces produits par an.
Cet article tend donc à donner un peu de temps aux petits professionnels de la distribution d’essence et d’autres liquides inflammables, qui, depuis l’arrêté du 16 décembre 2010, étaient dans l’obligation d’enterrer leurs réservoirs, pourvu que le volume distribué par leurs soins soit inférieur à 3 500 mètres cubes par an.
Monsieur le ministre, sur ce point, le Gouvernement me semble bien timoré. En effet, les stations-service concernées par cet arrêté – y compris celles distribuant plus de 500 mètres cubes par an – sont presque toutes situées en zone rurale, c’est-à-dire dans une partie du territoire que vous connaissez mal… Il s’agit souvent d’entreprises familiales. Elles concourent au développement de territoires difficilement accessibles et sont souvent indispensables au maintien d’une activité économique dans les zones rurales.
Pour ces raisons, la Haute Assemblée doit aller plus loin que les propositions du Gouvernement. Tel sera l’objet d’un amendement que l’ensemble de mes collègues du groupe UMP ont signé avec moi. Il tend à repousser de 2016 à 2020 l’échéance pour la mise aux normes. Ce report rendra d’ailleurs service au Gouvernement, car cette mise aux normes exige une aide financière de l’État !