Sommaire
Présidence de mme Bariza Khiari
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Jacques Gillot.
1. Ouverture de la troisième session extraordinaire de 2012-2013
4. Demande d’avis sur un projet de nomination
6. Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
7. Mise au point au sujet d’un vote
Mmes Valérie Létard, la présidente.
DÉPENSES D’INVESTISSEMENT POUR LES ÉCOLES
Question n° 506 de M. Jacques-Bernard Magner. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Jacques-Bernard Magner.
MAINTIEN DU CENTRE COMMUN DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LOZÈRE
Question n° 514 de M. Alain Bertrand. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Alain Bertrand.
UTILISATION DES CRÉDITS DU FONDS SOCIAL EUROPÉEN
Question n° 415 de Mme Valérie Létard. – M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; Mme Valérie Létard.
DÉSENGAGEMENT DE L’ÉTAT ET AVENIR DES DOSSIERS DE DROIT DES SOLS
Question n° 392 de M. Jean-Claude Carle. – Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement ; M. Jean-Claude Carle.
VOLET TERRITORIAL DU CONTRAT DE PROJETS ÉTAT-RÉGION
Question n° 508 de M. Jean-Léonce Dupont. – Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement ; M. Jean-Léonce Dupont.
PROTECTION DES RIVERAINS CONTRE LES ÉPANDAGES DE PESTICIDES AGRICOLES
Question n° 494 de M. Claude Domeizel. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Claude Domeizel.
DONATIONS DÉGUISÉES DE PARCELLES AGRICOLES
Question n° 504 de Mme Claire-Lise Campion. – M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Mme Claire-Lise Campion.
AVENIR DE L’ENVA ET DU CENTRE DE CHAMPIGNELLES
Question n° 519 de M. Pierre Bordier. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Pierre Bordier.
COMPÉTITIVITÉ DES ENTREPRISES DE LA FILIÈRE MAÏS DOUX
Question n° 530 de M. Georges Labazée. – MM. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Michel Teston, en remplacement de M. Georges Labazée.
AVENIR DU HARAS NATIONAL DU PIN
Question n° 551 de Mme Nathalie Goulet. – M. Guillaume Garot, ministre délégué chargé de l'agroalimentaire ; Mme Nathalie Goulet.
Suspension et reprise de la séance
Question n° 501 de M. Jean-Yves Leconte. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jean-Yves Leconte.
AVENIR DES SÉJOURS D’ACCUEILS COLLECTIFS DE MINEURS ET STATUT DE VOLONTAIRE DE L’ANIMATION
Question n° 265 de M. Michel Teston. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Michel Teston.
AVENIR DES CHAMBRES DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE
Question n° 548 de M. Michel Doublet. – Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Michel Doublet.
AVENIR DE L’OBSERVATOIRE DU MONT AIGOUAL
Question n° 444 de M. Simon Sutour. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Simon Sutour.
Question n° 486 de M. Marcel Rainaud. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Marcel Rainaud.
Question n° 507 de M. René-Paul Savary. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; René-Paul Savary.
PROTECTION DU BOIS DE VINCENNES EN ESPACE NATUREL
Question n° 509 de M. Christian Cambon. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Christian Cambon.
PROPOSITION DE RÉALISATION D’INFRASTRUCTURES NOUVELLES EN SEINE-ET-MARNE
Question n° 491 de M. Jean-Jacques Hyest. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Jean-Jacques Hyest.
DONNÉES ISSUES DU SYSTÈME DE TRAITEMENT DES INFRACTIONS CONSTATÉES
Question n° 458 de M. Jean-Paul Fournier. – MM. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ; Jean-Paul Fournier.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
9. Consommation. – Discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances ; Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; MM. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Jean-Luc Fichet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable ; Mmes Michèle André, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois.
M. Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Valérie Létard, MM. Robert Tropeano, Richard Yung, Mmes Leila Aïchi, Catherine Procaccia, Delphine Bataille, Mireille Schurch, Muguette Dini, MM. Alain Bertrand, Ladislas Poniatowski, Yannick Vaugrenard, Henri Tandonnet, François Calvet.
MM. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques ; Benoît Hamon, ministre délégué ; le président.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. JEAN-Léonce dupont
11. Consommation. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale (suite) : MM. Jean-Jacques Mirassou, Gérard Cornu, François Trucy.
M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.
Clôture de la discussion générale.
Article additionnel avant l’article 1er
Amendement n° 438 de M. Gérard Le Cam. – MM. Gérard Le Cam, Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Benoît Hamon, ministre délégué. – Retrait.
Mmes Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Évelyne Didier.
Amendement n° 156 rectifié bis de M. Jean-Pierre Plancade. – MM. Robert Tropeano, Martial Bourquin, rapporteur ; Benoît Hamon, ministre délégué. – Rejet.
Amendement n° 155 rectifié de M. Jean-Pierre Plancade. – M. Robert Tropeano.
Amendement n° 116 de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Élisabeth Lamure.
Amendement n° 445 de M. Paul Vergès. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 154 rectifié de M. Jean-Pierre Plancade. – M. Robert Tropeano.
Amendement n° 441 de M. Gérard Le Cam. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 443 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 444 de M. Gérard Le Cam. – Mme Mireille Schurch.
Amendement n° 442 de M. Gérard Le Cam. – Retrait.
Amendements identiques nos 274 de Mme Leila Aïchi et 507 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mmes Leila Aïchi, Chantal Jouanno.
Amendement n° 538 de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Élisabeth Lamure.
Amendements identiques nos 229 rectifié de M. Henri Tandonnet et 537 de Mme Élisabeth Lamure. – M. Henri Tandonnet, Mme Élisabeth Lamure.
Amendement n° 539 de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Élisabeth Lamure.
Amendement n° 401 rectifié bis de M. Jean-François Husson. – M. Jean-François Husson.
Amendement n° 440 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 230 rectifié de M. Henri Tandonnet. – M. Henri Tandonnet.
Amendement n° 327 de M. Alain Fouché. – M. Alain Fouché.
Amendement n° 540 de Mme Élisabeth Lamure. – Mme Élisabeth Lamure.
Amendement n° 439 de M. Gérard Le Cam. – M. Gérard Le Cam.
Amendements identiques nos 275 de Mme Leila Aïchi et 609 rectifié de Mme Chantal Jouanno. – Mmes Leila Aïchi, Chantal Jouanno.
Amendement n° 3 de Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis. – Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Amendement n° 405 rectifié bis de M. Jean-François Husson. – M. Jean-François Husson.
Amendements identiques nos 273 rectifié de Mme Leila Aïchi et 511 rectifié bis de Mme Chantal Jouanno. – Mmes Leila Aïchi, Chantal Jouanno.
MM. Martial Bourquin, rapporteur ; Benoît Hamon, ministre délégué. – Retrait des amendements nos 155 rectifié, 445, 154 rectifié, 441 et 443 ; rejet des amendements nos 116, 444, 274, 507 rectifié, 538, 229 rectifié, 537, 539, 401 rectifié bis, 440 et 230 rectifié.
MM. Bruno Retailleau, Alain Fouché, Benoît Hamon, ministre délégué. – Rejet des amendements nos 327 et 540 ; retrait de l’amendement n° 439 ; rejet des amendements nos 275 et 609 rectifié.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis ; M. Bruno Retailleau. – Adoption de l’amendement n° 3.
M. Jean-François Husson. – Rejet des amendements nos 405 rectifié bis, 273 rectifié et 511 rectifié bis.
Amendement n° 407 rectifié bis de M. Jean-François Husson. – MM. Jean-François Husson, Martial Bourquin, rapporteur ; Benoît Hamon, ministre délégué. – Rejet.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
M. Jacques Gillot.
1
Ouverture de la troisième session extraordinaire de 2012-2013
Mme la présidente. J’ai reçu de M. le Premier ministre communication des décrets de M. le Président de la République en date des 23 et 30 août 2013 portant convocation du Parlement en session extraordinaire, à compter du 10 septembre 2013.
Ces décrets vous ont été adressés les 26 et 30 août dernier.
Acte est donné de cette communication.
En conséquence, la troisième session extraordinaire de 2012-2013 est ouverte.
2
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
3
Conférence des présidents
Mme la présidente. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture de l’ordre du jour des prochaines séances du sénat, établi à la suite des conclusions de la conférence des présidents du 24 juillet 2013, après la publication des décrets du Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire, et tenant compte de la modification de l’ordre du jour en date du 4 septembre 2013 :
Troisième session extraordinaire 2012-2013
Aujourd’hui, Mardi 10 septembre 2013
À 9 heures 30 :
1°) Ouverture de la troisième session extraordinaire 2012-2013
2°) Lecture des conclusions de la conférence des présidents
3°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 265 de M. Michel Teston à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative
(Avenir des séjours d’accueils collectifs de mineurs et statut de volontaire de l’animation)
- n° 392 de M. Jean-Claude Carle à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Désengagement de l’État et avenir des dossiers de droit des sols)
- n° 415 de Mme Valérie Létard à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
(Utilisation des crédits du fonds social européen)
- n° 444 de M. Simon Sutour à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Avenir de l’observatoire du mont Aigoual)
- n° 458 de M. Jean-Paul Fournier à M. le ministre de l’intérieur
(Données issues du système de traitement des infractions constatées)
- n° 486 de M. Marcel Rainaud à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Non-renouvellement de l’inspecteur des sites Aude de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement)
- n° 491 de M. Jean-Jacques Hyest à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Proposition de réalisation d’infrastructures nouvelles en Seine-et-Marne)
- n° 494 de M. Claude Domeizel à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Protection des riverains contre les épandages de pesticides agricoles)
- n° 501 de M. Jean-Yves Leconte à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Mariage et loi personnelle)
- n° 504 de Mme Claire-Lise Campion à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Donations déguisées de parcelles agricoles)
- n° 506 de M. Jacques-Bernard Magner à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique
(Dépenses d’investissement pour les écoles)
- n° 507 de M. René-Paul Savary à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Projet de décret « TRIMAN »)
- n° 508 de M. Jean-Léonce Dupont à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Volet territorial du contrat de projets État-région)
- n° 509 de M. Christian Cambon à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Protection du bois de Vincennes en espace naturel)
- n° 514 de M. Alain Bertrand à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Maintien du centre commun de sécurité sociale de Lozère)
- n° 519 de M. Pierre Bordier à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Avenir de l’ENVA et du centre de Champignelles)
- n° 530 de M. Georges Labazée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Compétitivité des entreprises de la filière maïs doux)
- n° 548 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’économie et des finances
(Avenir des chambres de commerce et d’industrie)
- n° 551 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Avenir du Haras national du Pin)
À 14 heures 30 et le soir :
4°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la consommation (texte de la commission, n° 810, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 9 septembre, à 17 heures ;
- au jeudi 5 septembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le mardi 10 septembre, à 13 heures 30, à l’issue de la séance publique de l’après-midi et le mercredi 11 septembre matin.)
Mercredi 11 septembre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Jeudi 12 septembre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
- Suite du projet de loi relatif à la consommation
Vendredi 13 septembre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 817, 2012-2013)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 11 septembre matin [délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 septembre, à 17 heures].)
Il a été décidé de fixer :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le jeudi 12 septembre, à 17 heures ;
- au jeudi 12 septembre, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le vendredi 13 septembre, à 9 heures.)
2°) Suite du projet de loi relatif à la consommation
Lundi 16 septembre 2013
À 15 heures et le soir :
- Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (texte de la commission, n° 808, 2012-2013)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps de parole de dix minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 13 septembre, à 17 heures ;
- fixé au mercredi 11 septembre, à 13 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le jeudi 12 septembre matin.)
Mardi 17 septembre 2013
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Éloge funèbre de Jean-Louis Lorrain
2°) Suite de l’ordre du jour de la veille
Mercredi 18 septembre 2013
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (n° 734, 2012-2013) et projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (n° 733, 2012-2013).
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 11 septembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 septembre, à 13 heures.)
La conférence des présidents a fixé :
- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 17 septembre, à 17 heures ;
- au mardi 17 septembre, à 14 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 18 septembre matin.)
Jeudi 19 septembre 2013
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Éventuellement, vendredi 20 septembre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite de l’ordre du jour de la veille
Le Sénat suspendra ses travaux en séance plénière :
– du lundi 23 décembre 2013 au dimanche 5 janvier 2014 ;
– du lundi 3 mars au dimanche 6 avril 2014 ;
– du lundi 21 au dimanche 27 avril 2014.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
4
Demande d’avis sur un projet de nomination
Mme la présidente. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et pour l’application de l’article 10 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, M. le Premier ministre, par lettre en date du 6 septembre 2013, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Philippe Wahl à la présidence du conseil d’administration de La Poste.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.
Acte est donné de cette communication.
5
Dépôt d’un rapport
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 85 de la loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012, le rapport sur la mise en œuvre de la garantie accordée à la société Banque PSA Finance.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances.
6
Demande d’inscription à l’ordre du jour d’une proposition de résolution
Mme la présidente. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que le délégué des sénateurs non-inscrits a demandé l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 459 de M. Pierre Bernard-Reymond, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à créer une station de radio française « Radio France Europe », déposée le 27 mars 2013.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de notre conférence des présidents qui se tiendra ce jour.
7
Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Madame la présidente, lors du scrutin public n° 332 sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique, ma collègue Sylvie Goy-Chavent souhaitait voter pour ce projet de loi, et non s’abstenir, comme cela a été indiqué.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, madame la sénatrice. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Questions orales
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
dépenses d'investissement pour les écoles
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, auteur de la question n° 506, adressée à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
M. Jacques-Bernard Magner. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur ce qui est vécu comme une injustice par certains maires de communes dont l’école publique accueille des élèves de communes voisines n’ayant pas ou plus d’établissement scolaire.
En effet, comme la loi le prévoit, les communes qui n’ont plus d’école – il s’agit en général de petites communes rurales – participent à l’obligation légale de financement des charges de fonctionnement annuelles entraînées par leurs enfants scolarisés dans une autre commune. Mais elles ne sont pas tenues de participer aux frais d’investissement nécessités par l’accueil de leurs élèves dans d’autres communes.
Or, la commune d’accueil peut se trouver dans l’obligation, compte tenu du nombre d’élèves provenant d’autres communes, de procéder à l’extension de bâtiments pour la classe ou la restauration scolaire, ainsi qu’à l’achat de mobilier supplémentaire.
Par exemple, en cas d’ouverture d’une classe, justifiée en particulier par l’arrivée de nouveaux élèves provenant d’une ou de plusieurs communes voisines n’ayant pas d’école, la commune d’accueil qui ne dispose plus de locaux vacants doit agrandir le groupe scolaire à ses seuls frais, même si des subventions de l’État et du département sont largement mobilisées.
Depuis longtemps, pour les communes qui n’ont plus d’école, la participation aux dépenses de fonctionnement des écoles des communes d’accueil est logique et réglementée. Certes, cette participation a un coût, mais ce dernier est bien moins élevé que les dépenses d’investissement et de fonctionnement courant d’une école.
On peut donc constater que, pour certains maires, il serait plus « économique » ou plus « avantageux » que leur commune ne compte pas d’école, le financement des infrastructures nécessaires à l’accueil de tous les élèves grevant souvent lourdement le budget communal, même si le fait pour une commune, en particulier une commune rurale, de conserver son école reste une grande chance.
Certes, deux ou plusieurs communes peuvent transférer leur compétence en matière scolaire à un établissement public de coopération intercommunale, ou EPCI, soit de manière générale, soit de manière partielle. Mais, là non plus, il n’y a pas de caractère obligatoire, et la compétence scolaire reste généralement communale et non communautaire.
Madame la ministre, il me paraît important, afin de remédier à cette situation, qu’une obligation de cofinancement des dépenses d’investissement puisse être envisagée lorsque la situation locale le justifie, comme c’est déjà le cas pour les dépenses de fonctionnement.
Je vous remercie par avance de bien vouloir me faire connaître vos propositions en la matière.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Marylise Lebranchu, qui vous aurait volontiers répondu en personne si elle avait pu être présente ce matin.
Vous soulevez une question que nous connaissons bien et qui se pose surtout en milieu rural : les enfants des communes n’ayant pas d’école sont accueillis dans les écoles des communes voisines.
Monsieur le sénateur, je ne vous rappellerai pas la loi : vous la connaissez, puisque vous avez vous-même cité les dispositions relatives à la prise en charge des dépenses de fonctionnement et des dépenses d’investissement.
Vous m’interrogez sur la possibilité de donner un caractère obligatoire à un transfert de charges entre la commune d’accueil et la commune de résidence. Deux formules sont possibles.
La première formule, que vous avez-vous-même évoquée, est le transfert à un EPCI des compétences relatives au fonctionnement et à l’investissement dans les écoles publiques.
La compétence relative au fonctionnement des établissements scolaires, telle que définie par le code de l’éducation et par le code général des collectivités territoriales, au 4° de l’article L. 5214-16, comprend la « construction, [l’] entretien et [le] fonctionnement […] d’équipements de l’enseignement préélémentaire et élémentaire ».
Les compétences relatives au fonctionnement et à l’investissement dans les établissements scolaires doivent être distinguées de la compétence relative au service des écoles.
Les communes peuvent choisir – effectivement, c’est un choix, et non une obligation – de confier à l’EPCI soit la compétence relative au service des écoles, soit la compétence relative à l’investissement et au fonctionnement des établissements scolaires, soit les deux compétences à la fois. Je le répète, il n’y a pas aujourd’hui d’obligation.
La seconde formule est le regroupement pédagogique intercommunal, le RPI : il permet une réelle prise en charge communautaire, dans le cadre d’un véritable accord, et donne, vous le savez, de très bons résultats.
Le Gouvernement, attaché au principe de libre administration des collectivités territoriales, ne souhaite pas imposer de solution. J’indique néanmoins que, pour la ministre déléguée chargée de la décentralisation que je suis, la formule du RPI est la plus souple et la plus cohérente pour répondre au problème que vous avez soulevé.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques-Bernard Magner.
M. Jacques-Bernard Magner. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre.
Ayant participé à la création de nombreux RPI dans mon département, je connais bien cette formule. C’était une bonne solution, mais on est arrivé aujourd’hui un peu au bout de ce dispositif, les écoles rurales qui subsistent regroupant souvent les enfants de communes voisines qui ont malheureusement perdu leur école.
Dans mon département, le nombre d’élèves en provenance de certaines communes périphériques est passé d’une dizaine il y a quelques années à une quarantaine ou à une cinquantaine actuellement. Mais les maires de ces communes ne demandent pas pour autant la réouverture d’une école, car cela revient moins cher de laisser les enfants fréquenter les établissements scolaires des communes voisines. Il s’agit là de questions d’argent. J’incite pour ma part les maires à demander une telle réouverture, car l’école est vraiment le cœur battant de la commune.
maintien du centre commun de sécurité sociale de lozère
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand, auteur de la question n° 514, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
M. Alain Bertrand. Madame la présidente, mes chers collègues, je remercie Mme Escoffier de bien vouloir répondre à cette question, qui va d’ailleurs certainement l’intéresser : elle porte sur l’organisation du service public sur le territoire, et plus précisément sur le maintien de la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, la CCSS.
La mise en place de cette structure à titre expérimental au 1er janvier 2009, qui résultait de l’article 141 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, devait permettre de créer une caisse unique en lieu et place des trois caisses préexistantes, à savoir une caisse primaire d’assurance maladie, ou CPAM, une caisse d’allocations familiales, ou CAF, et une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales, ou URSSAF.
Au-delà des missions et compétences traditionnelles des trois branches, la CCSS répondait à plusieurs objectifs.
Tout d’abord, elle devait faire vivre un nouveau modèle d’organisme alliant performance et efficacité en simplifiant la gestion courante grâce à la mise en place d’un interlocuteur unique.
Ensuite, elle avait pour objet de maintenir les instances décisionnelles que sont le conseil et la direction sur le territoire pour permettre une gestion de proximité du service public de la sécurité sociale et entretenir un lien étroit avec les partenaires locaux, notamment les entreprises.
En outre, elle tendait à maintenir l’emploi lié à ces activités sur un territoire fragile, en l’occurrence la Lozère, plus petit département de France.
Enfin, elle avait pour but d’offrir un service de proximité aux Lozériens au vu des spécificités géographiques du territoire.
Madame la ministre, la période d’expérimentation de ce dispositif arrivant à son terme le 31 décembre 2013, un bilan a d’ores et déjà été dressé, comme cela était prévu. Celui-ci fait ressortir le bénéfice et la performance liés à la création de cet organisme unique, que ce soit en termes de service rendu aux usagers, ce qui est bien sûr important, de résultats en matière de délais et de nombre de dossiers traités, ou encore d’économies de gestion découlant de la mise en commun de moyens, à une époque où il s’agit d’un critère déterminant pour le maintien d’un service public.
Les derniers indicateurs nationaux du contrat pluriannuel d’objectifs et de gestion, ou CPOG, de la branche recouvrement, au 31 juillet 2013, tendent à confirmer mes propos quant à la performance de gestion de la CCSS de la Lozère.
Ainsi, en matière de recouvrement des cotisations des entreprises de moins de dix salariés, majoritaires en Lozère comme en Languedoc-Roussillon, la CCSS de la Lozère se place au huitième rang national avec un taux de recouvrement supérieur à la moyenne nationale et deux fois plus important que celui de la région Languedoc-Roussillon. La performance de sa politique de recouvrement amiable est également à souligner, puisque la CCSS de la Lozère occupe le sixième rang national en la matière. Elle a également de très bons résultats en matière de fréquence de redressement des cotisations pour les TPE et PME – c’est important –, avec un taux deux fois plus important que le taux régional.
Toutefois, malgré le consensus existant sur la réussite de ce dispositif efficace et peu onéreux, et même si la caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et la caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, s’accordent pour proposer la pérennisation, à la fin de l’expérimentation, de la CCSS dans son périmètre actuel, il apparaît que l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACCOSS, souhaite retirer sa branche recouvrement pour l’intégrer dans la nouvelle URSSAF régionale créée en janvier 2013.
Vous l’aurez compris, madame la ministre, je viens ici témoigner de l’inquiétude que soulève cette position dans notre département.
Tout d’abord, une telle position remet en cause le principe de la prise en charge globale qui a présidé à la création de la CCSS de la Lozère. À cet égard, il me semble que nous devrions faire preuve d’intelligence !
Ensuite, elle fait peser un risque sur la pérennité de la caisse commune de sécurité sociale qui, avec plus de 200 salariés, est l’un des principaux employeurs privés de la Lozère.
Enfin, à mon sens, il serait dommageable de se priver de ce laboratoire innovant et unique qu’est la CCSS, laquelle permet d’exploiter et de mettre en œuvre de nouvelles orientations répondant pleinement à l’hyper-ruralité d’un département comme la Lozère. Cette expérimentation est soutenue à l’unanimité par l’ensemble des partenaires sociaux, syndicats de salariés comme patronat.
Aussi, madame la ministre, vous qui connaissez bien la ruralité, je vous demande de bien vouloir lever les doutes existant aujourd’hui sur la pérennisation, dans son périmètre actuel, de la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, au vu de son bilan extrêmement positif, y compris en matière budgétaire.
Les finances de la CPAM, de la CAF et de l’URSSAF n’auraient rien à gagner à la non-pérennisation de ce dispositif. La capitale régionale se situant à quatre heures aller-retour en voiture et à huit heures aller-retour en train, tout le monde, citoyens comme entreprises, aurait à y perdre.
Madame la ministre, pérenniser cette caisse commune de sécurité sociale à l’issue de l’expérimentation serait parfaitement en cohérence avec la politique du Président de la République François Hollande en matière d’égalité territoriale, que vous êtes chargée de mettre en œuvre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur Bertand, je pense que votre longue plaidoirie aurait plu à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, qui, retenue par un débat sur les retraites, ne peut malheureusement vous répondre en personne. Vous me permettrez donc de m’exprimer en son nom, étant entendu que je suis particulièrement vigilante sur ce sujet de l’accès au service public sur l’ensemble du territoire, véritable préoccupation du Gouvernement.
En l’espèce, je suis heureuse de pouvoir vous apporter une bonne nouvelle au travers de la réponse que m’a chargée de donner Mme Touraine : la disposition législative qui doit permettre de passer du stade expérimental à un stade définitif doit effectivement intervenir. Mme la ministre des affaires sociales et de la santé vous confirme qu’une telle disposition figurera dans un prochain projet de loi, l’intérêt du guichet unique pour les assurés étant en effet manifeste. Les chiffres et les résultats que vous avez donnés le montrent bien, et je ne manquerai pas de les communiquer à Mme Touraine.
La caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et la caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, ont d’ores et déjà fait part, dans l’évaluation dont vous avez parlé, de leur avis favorable au maintien des activités des branches maladie et famille dans le périmètre de la caisse.
L’agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, a quant à elle fait part de son souhait de maintenir en Lozère les activités de recouvrement dans le cadre de l’URSSAF régionale créée en Languedoc-Roussillon le 1er janvier dernier.
En tout état de cause, il n’est donc pas prévu de mettre un terme aux activités de recouvrement assurées dans le département, qui, comme vous l’avez dit, assurent de bons résultats. Le conseil d’administration de l’ACOSS est particulièrement vigilant sur la présence des URSSAF sur l’ensemble du territoire et sur le développement de missions régionales dans les sites de petite taille.
La caisse a également bénéficié de nouvelles activités, exercées en soutien d’autres caisses, activités dont vous n’avez pas parlé, me semble-t-il : plate-forme régionale de traitement des e-mails, renfort téléphonique au bénéfice des caisses d’Île-de-France. L’emploi local n’est donc évidemment pas mis en cause ; au contraire, tout est fait pour le pérenniser.
Le périmètre de la caisse commune pourra être défini par voie réglementaire. Quel que soit le schéma retenu, il devra respecter les objectifs de maintien des activités de recouvrement en Lozère, de respect du lieu de travail d’origine des agents et de prise en compte des évolutions des objectifs de la branche recouvrement.
Monsieur Bertrand, en cet instant, compte tenu de la réponse que je viens de vous faire, je pense que vous ne pouvez être qu’un sénateur heureux !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Madame la ministre, je prends acte de votre réponse et vous remercie, ainsi que Mme Touraine. Il faudra veiller à ce que ces décrets d’application maintiennent le périmètre actuel de la CCSS.
utilisation des crédits du fonds social européen
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, auteur de la question n° 415, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, je souhaite vous alerter ce matin sur les problèmes de trésorerie que rencontrent les différentes structures qui bénéficient de financements du Fonds social européen, le FSE.
Dans le contexte économique actuel, il est impératif, nous le savons, que le Gouvernement soutienne activement les collectivités territoriales, les entreprises et les associations qui œuvrent au quotidien pour le maintien et le développement de l’emploi. Cette politique volontariste passe par des projets de création d’activité économique, d’insertion professionnelle ou encore d’amélioration de l’accès à l’emploi. Tous ces projets bénéficient de financement par des crédits du FSE.
Je ne vous apprendrai pas, monsieur le ministre, que les dossiers de demande de financements pour obtenir ces crédits du FSE sont longs et complexes à monter – et c’est le moins que l’on puisse dire. Pour un porteur de projet habitué à ces procédures, il faut compter au minimum deux ans entre le dépôt d’un dossier, son instruction, son passage en comité de programmation, sa notification, son bilan, le « contrôle de service fait », le rapport sur ce contrôle et la certification de la dépense. Une fois toutes ces opérations effectuées, la dépense peut enfin être déclarée à la Commission européenne, qui débloque alors les financements. Ces derniers transitent encore par l’échelon national, qui les reverse au final aux structures porteuses de projet.
Dans l’intervalle, vu la lenteur du processus, certaines collectivités locales ont fait le choix de procéder à du préfinancement du FSE au moyen d’avances de subventions et à des avances remboursables. C’est le cas de la communauté d’agglomération dont je suis présidente, Valenciennes métropole, pour laquelle ces avances de subventions et avances remboursables ainsi consenties représentent désormais un engagement financier non négligeable de près de un million d’euros annuels, pendant deux ans, en plus des financements octroyés au titre de la communauté d’agglomération.
Actuellement, on entend beaucoup parler de « simplification », objectif affiché du Président de la République. Le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et de promotion de l'égalité des territoires tend à confier aux régions la gestion des programmes opérationnels de mise en œuvre régionale des fonds européens et prévoit la possibilité de déléguer tout ou partie des crédits du FSE aux départements. Mais il est vrai que le calendrier législatif de ce texte reste flou. Les élus de terrain, quant à eux, voient que leurs dotations financières vont diminuer, alors que la réalité économique et le niveau de chômage sur leur territoire sont toujours complexes à accompagner.
En attendant une réforme législative d’envergure, envisagez-vous, monsieur le ministre, de procéder à une simplification de nos procédures nationales ? Pourriez-vous notamment réfléchir à la possibilité d’une mise en œuvre d’un système d’avances de subventions par l’État, tel que les règles européennes le permettent ?
Aujourd’hui, sans ces avances consenties par les collectivités, l’accès des acteurs de terrain aux crédits du FSE resterait toujours en deçà des financements disponibles. On ne peut pas s’inquiéter de la sous-consommation des crédits européens sans chercher à y porter remède, d’autant que nombre d’associations n’ont pas sur leur territoire cette possibilité d’avances, ce qui les fragilise.
Dans la période actuelle, il est donc crucial de pouvoir mobiliser tous les financements susceptibles de conforter nos politiques locales en matière d’emploi et d’assurer une trésorerie pour ses principaux acteurs, notamment les associations, qui sont les fers de lance de nos politiques en direction des populations les plus éloignées de l’emploi.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame Létard, vous avez attiré mon attention notamment sur les difficultés de trésorerie que rencontrent les différentes structures qui bénéficient du financement, utile et même indispensable, du FSE en France.
Vous faites état de la nécessité de soutenir ces organismes dans un contexte économique difficile – et c’est justement ce qui rend leur action indispensable –, et notamment de simplifier les procédures.
Ancien président de région, je connais bien ce sujet et je sais, madame la sénatrice, combien l’action de votre agglomération en matière d’accompagnement des acteurs de la politique de l’emploi dans leur utilisation du FSE est importante et pertinente.
Vous l’avez dit, Valenciennes métropole accorde elle-même des avances pour soutenir les projets. Cette initiative, qui n’est pas isolée, mérite d’être saluée – soyez-en remerciée ! –, mais elle souligne aussi, comme vous venez de le faire, la nécessité d’améliorer la mise en œuvre opérationnelle du FSE.
Je suis particulièrement attentif, a fortiori dans cette période particulière que vous avez décrite, à la modification des règles d’utilisation du FSE soit au niveau français, avec une modification des compétences, soit au niveau européen, dans le cadre du nouveau plan. Sachez que je partage totalement les préoccupations que vous avez exprimées, surtout au moment où la bataille pour l’emploi rend nécessaire la mobilisation pleine et entière du FSE à son service.
Afin de répondre aux difficultés que vous évoquez, plusieurs actions ont d’ores et déjà été engagées. Il en est ainsi de la dématérialisation totale des procédures entreprise à travers le développement du service en ligne appelé « ma démarche FSE », progressivement déployé depuis 2012, permettant de traiter la demande de subventions, le rapport d’instruction, le rapport de contrôle de service fait et le conventionnement. En 2012, 64 % des bilans transmis dans le cadre de la programmation 2007-2013 l’ont été sous cette forme.
Cette dématérialisation a pour objectif de raccourcir les délais de traitement des dossiers et de limiter les risques d’irrégularités, dont les conséquences dans la gestion quotidienne des organismes concernés sont importantes.
Cette initiative a été saluée par la Commission européenne, qui estime nécessaire d’assurer un suivi attentif de son développement et d’utiliser ses résultats dans l’optique de sa généralisation pour la prochaine période de programmation.
En vue de réduire les délais de paiement, je serai par ailleurs particulièrement attentif, dans le cadre de la future période de programmation 2014-2020, à la pleine utilisation des nouvelles facilités ouvertes par la réglementation communautaire. Il s’agit notamment du recours au régime de forfaitisation et à l’utilisation de barèmes de coûts unitaires standard, qui devra être poursuivi et amplifié en vue d’accroître la fluidité de la chaîne de la dépense au profit des bénéficiaires du Fonds social européen. Cette possibilité de forfaitisation, qui existe depuis 2011 mais est soumise à certaines conditions – encore de la complexité ! –, permet en effet de simplifier la déclaration des charges incombant aux porteurs de projet dans le cadre des procédures actuelles de remboursement sur la base de coûts réels, procédure souvent extrêmement lourde pour les petites structures. Le forfait à la place de la justification réelle : voilà une simplification considérable !
Les avances de trésorerie, qui me semblent plus adaptées au secteur associatif que le système d’avances remboursables, doivent pouvoir être consenties au démarrage du projet. Il y en a déjà, et elles devront être généralisées. Les modalités de préfinancement des programmes opérationnels prévus dans les projets de règlements européens relatifs aux fonds structurels devraient pouvoir permettre de généraliser ces avances dans le cadre du prochain programme pluriannuel.
S’agissant des fonds européens, au-delà des difficultés matérielles réelles – elles sont souvent qualifiées de « lourdeurs » – que nous nous efforçons de réduire, je tiens à souligner le niveau particulièrement satisfaisant du niveau de consommation des crédits du Fonds social européen, s’agissant du programme opérationnel « compétitivité régionale et emploi », auquel vous avez fait allusion. L’enveloppe de crédits dédiée à la période 2007-2013 a été programmée à hauteur de 95 %, soit près de 4,3 milliards d’euros pour une enveloppe totale de 5 milliards d’euros ; cela témoigne d’une mobilisation des acteurs des politiques de l’emploi et de l’insertion que je salue.
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier des réponses extrêmement précises que vous nous avez apportées quant aux intentions du Gouvernement à l’occasion de la programmation des nouveaux fonds structurels européens.
Cette question doit être au cœur de nos préoccupations dans nos territoires ; en effet, de nombreux organismes associatifs rencontrent aujourd’hui des difficultés pour justifier de l’utilisation de leur financement, les justifications arrivant souvent en aval. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre, un important travail doit donc être réalisé sur la nature des financements, la forfaitisation ; mais il faut également se soucier de l’information et de la formation des organismes afin que ces derniers ne se retrouvent pas dans l’incapacité de justifier l’utilisation de leurs financements. Cette difficulté peut en effet aboutir à ce que les organismes associatifs ne bénéficient que de financements partiels, au risque pour eux de devoir mettre la clé sous la porte. Il y a donc un travail considérable à accomplir à cet égard.
La façon dont cette préparation va avoir lieu, dans le cadre de la régionalisation et de la négociation des modalités de partenariat à mettre en place entre départements et agglomérations pour accompagner ces dispositifs, va être absolument déterminante. Si, comme vous l’avez dit, l’on ne peut se tromper sur le type de financement, on ne peut non plus se tromper sur la façon dont nous allons accompagner nos porteurs de projets.
désengagement de l'état et avenir des dossiers de droit des sols
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 392, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur l’avenir de la compétence en matière d’instruction des dossiers relevant du droit des sols.
Des maires de mon département m’ont informé que, lors d’une réunion organisée à la préfecture de la Haute Savoie, ils se sont vu annoncer qu’à compter du 1er janvier 2014 les services de la direction départementale des territoires ne seraient plus en mesure d’instruire les dossiers de droit des sols émanant des communes, et ce pour cause de rigueur budgétaire.
Plus grave encore, si ces communes ne mettent pas en œuvre les moyens pour reprendre à leur compte cette instruction de quelque façon que ce soit, leurs différents dossiers d’urbanisme se verront agréés de manière tacite, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer.
Il a été suggéré à ces maires d’organiser ce service à l’échelon de l’intercommunalité dont ils relèvent. Cette proposition est a priori fondée, la mutualisation des moyens dans ce secteur paraissant en effet intéressante.
Mais cette évolution engendre un transfert de charges financières non négligeable vers ces intercommunalités, ce qui pèse par conséquent sur les contribuables. À titre d’exemple, un premier chiffrage a révélé que le coût de ce service s’élèverait à environ 200 000 euros annuels pour la seule communauté de communes du canton de Rumilly.
Pourtant, le code de l’urbanisme impose toujours à l’État d’assurer ce service au bénéfice des communes de moins de 10 000 habitants sans contrepartie financière.
Par ailleurs, les élus locaux ont été étonnés de s’entendre dire que les services de l’État, qui n’auraient plus le temps d’assurer l’instruction des dossiers, disposeraient en revanche de tout le temps nécessaire pour mieux accompagner les collectivités dans cette transmission de compétence et dans l’élaboration de leurs documents d’urbanisme, de type plan local d’urbanisme ou schéma de compétence territoriale, entre autres.
Il s’agit là à mon sens d’un désengagement patent de l’État. Ce désengagement est pour le moins surprenant de la part d’un gouvernement dont l’un des axes principaux de la politique était précisément la restauration du service public.
Ce désengagement frappe très durement en particulier les petites collectivités qui disposent seulement de structures légères et de faibles moyens financiers afin de recruter du personnel spécialisé.
Il est d’autant moins admissible qu’il se fait sans compensation financière aucune. N’est-ce pas votre actuelle majorité, madame la ministre, qui reprochait naguère vertement au précédent gouvernement de compenser insuffisamment les transferts de compétences auquel il procédait ? Que de fois n’ai-je entendu, au conseil régional Rhône-Alpes, les élus de la majorité dénoncer les carences du précédent gouvernement ?
Enfin, la direction départementale du territoire n’ayant plus à assumer la gestion des routes, transférée aux départements, aurait pu se concentrer sur ses missions d’urbanisme.
En réalité, il s’agit d’un nouveau coup porté aux territoires ruraux ! Un coup grave car, sauf à alourdir notablement la fiscalité locale, ceux-ci auront des difficultés à reprendre cette compétence. C’est tout simplement un nouveau signe d’abandon des territoires ruraux, ce que nous ne pouvons accepter !
Madame la ministre, au regard de ces éléments et des conséquences d’une telle décision, je vous demande de bien vouloir entendre la voix des élus locaux et de m’indiquer quelles mesures vous seriez susceptible de mettre en œuvre afin de les rassurer quant à l’avenir et à la pérennité des missions d’instruction du droit des sols.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous évoquez dans votre question une réforme que j’ai décidé d’engager pour mon ministère : celle de l’instruction du droit des sols.
Vous parlez justement de transfert de compétence. Ces missions ont en effet été transférées par la loi de décentralisation de 1982, qui confie une compétence pleine et entière aux communes en matière de délivrance d’autorisations d’urbanisme, et notamment de permis de construire. Aujourd’hui, plus de trente ans après cette loi, l’instruction des permis de construire par les services de l’État pour le compte des communes repose sur des dispositions de transition introduites dans le code de l’urbanisme pour accompagner la décentralisation de l’urbanisme ; ces dispositions sont devenues pérennes sans raisons valables. Elles ont d’ailleurs pour effet d’éloigner les lieux d’instruction des lieux de décision et créent dans un certain nombre de cas des tensions, des élus ayant tendance à considérer que c’est l’État qui accorde ou refuse certains permis de construire.
Dans un cadre de nécessaires économies et de rationalisation des finances publiques, j’ai souhaité, plutôt que de réaliser une diminution généralisée et homogène des effectifs – c’est ce qui avait été fait au sein des directions départementales des territoires notamment au titre de la révision générale des politiques publiques, fragilisant les personnels, les mettant dans une situation ne leur permettant pas d’assumer les missions pour lesquelles ils étaient mandatés alors qu’il leur était demandé parallèlement d’assurer le même niveau de service que précédemment –, j’ai souhaité, disais-je, renoncer de manière claire et assumée à cette mission, qui est une mission pleine et entière des collectivités territoriales, mais accompagner ce transfert et la montée en compétence des intercommunalités.
L’État continuera naturellement à instruire les permis dont il a légalement la charge. Il ne s’agit bien entendu pas, par ce redimensionnement de l’application du droit des sols, de faire disparaître la filière métier. Je considère que la compétence en matière de droit des sols comporte un certain nombre de missions qui sont d’ordre régalien. Celles-ci seront poursuivies. L’État continuera d’exercer un contrôle de légalité ou de remplir ses missions fiscales.
Mais je le redis et je vous le confirme, après l’avoir indiqué voilà maintenant près d’un an, monsieur le sénateur : l’instruction pour le compte des petites communes sera recentrée sur celles qui sont membres d’intercommunalités ne disposant pas de la taille critique pour structurer au niveau intercommunal un service d’instruction. Nous n’abandonnons pas les toutes petites intercommunalités qui, aujourd’hui, ne seraient pas matériellement en situation de procéder à ce service.
Mais nous allons maintenant franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance de la capacité des communes ou des intercommunalités à exercer pleinement les compétences qui leur ont été dévolues par le législateur. Dans une logique d’anticipation et de lisibilité, j’ai prévu d’encourager la prise de l’instruction par les communes avant la fin de l’année 2015, soit directement, soit via la constitution de services mutualisés à l’échelle d’une ou de plusieurs intercommunalités – je réponds là à votre interrogation – qui pourront se rassembler.
Pour les collectivités qui sont tenues de mettre fin au recours aux services de l’État, une convention de transition pourra être établie en vue de définir les modalités d’accompagnement de l’État pour la mise en place de ces services.
Parallèlement, la filière « application du droit des sols » sera restructurée pour faire face à toutes les responsabilités de l’État en matière de droit des sols, notamment les actes pour le compte de l’État ; cette restructuration permettra également à l’État d’être à la hauteur des enjeux – vous avez évoqué ce point en parlant des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d’urbanisme – réaffirmés d’animation, d’expertise ou de contrôle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Je tiens tout d’abord à remercier Mme la ministre des informations qu’elle a apportées. Je rappelle que ce mouvement s’inscrit dans le processus de décentralisation auquel les élus locaux ne sont pas hostiles. Ces derniers ne sont en effet pas opposés à une évolution de la situation et au fait d’assumer cette mission, à condition bien sûr d’en avoir les moyens financiers. Je note bien que ce point fera l’objet de conventions, et notamment d’un appui de l’État pour les très petites collectivités. Je souhaite aussi que l’État puisse apporter son ingénierie et ses compétences techniques au bénéfice de ces petites collectivités qui n’ont pas les moyens humains et financiers de faire face à cette mission, mission qu’elles ne refusent pas, je le répète, mais qu’elles aimeraient avoir la capacité d’assumer.
volet territorial du contrat de projets état-région
M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, auteur de la question n° 508, adressée à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
M. Jean-Léonce Dupont. Madame la ministre, je voudrais à nouveau attirer votre attention, ainsi que celle du Gouvernement, sur les engagements de l’État pour le volet territorial des contrats de projets État-région.
Au mois de janvier dernier, je vous avais fait part de mon inquiétude quant au financement des projets négociés et validés dans le cadre du contrat de projets État-région. Je vous rappelle qu’il s’agit du document par lequel l’État et une région s’engagent sur la programmation et le financement pluriannuels de grands projets structurants complétés par un volet territorial. En Basse-Normandie, sur la base d’un diagnostic territorial, l’État et la région ont défini trois grandes orientations.
Depuis le lancement du volet territorial du contrat de projet 2007-2013, l’État a subventionné cent vingt-deux opérations pour un montant total d’environ 21,5 millions d’euros de crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire.
Un comité de programmation s’est tenu le 16 novembre dernier afin d’examiner la recevabilité de vingt-neuf dossiers pour lesquels 6 969 410 euros de crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire étaient sollicités. Le 8 avril, la région Basse-Normandie apprend des services de l’État l’incapacité de ce dernier à honorer les contrats signés dans le cadre du volet territorial, la dotation s’élevant seulement à 3 791 077 euros. Cette délégation ne permet pas à la région d’engager financièrement la totalité des dossiers dont la programmation a pourtant été examinée à la fin de l’année 2012, les projets ayant été négociés et validés : en Basse-Normandie, des conventions territoriales ont ainsi été signées avec les treize pays, les cinq agglomérations et les trois parcs naturels nationaux.
Jamais l’État n’a fait défaut dans l’exécution des engagements pris dans le cadre du volet territorial du contrat de projets État-région. Ce défaut provoque donc l’arrêt brutal de projets ayant parfois nécessité des années de travail et de conciliation. Il s’agit de projets participant à l’objectif européen de cohésion sociale et territoriale.
Ainsi, un problème de financement se pose à la ville de Bayeux pour sa « maison de l’avenir », pour un montant en jeu de 160 000 euros, et pour sa « médiathèque », pour 100 000 euros. Sont également concernés la « bibliothèque en réseau » de la communauté de communes d’Orival, dans un territoire profondément rural, pour un montant de 50 939 euros et, enfin, le « centre de loisirs » de la communauté de communes de Trévières, pour un montant de 191 220 euros.
Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous me donniez des précisions quant au respect par l’État de ses engagements sur le volet territorial du contrat de projets État-région.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous m’avez interpellée sur le financement de plusieurs projets inscrits dans le volet territorial du contrat de projets État-région, ou CPER, de la région Basse-Normandie. La ville de Bayeux est concernée, avec sa « maison de l’avenir », pour 160 000 euros, et sa « médiathèque », pour 100 000 euros, mais également la communauté de communes d’Orival, avec sa « bibliothèque en réseau », pour 50 939 euros, et la communauté de communes de Trévières, avec son « centre de loisirs », pour un montant de 191 220 euros.
Les contrats de projets 2007-2013 seront engagés à la fin de l’année à plus de 83 %, ce taux étant conforme au taux d’exécution des contrats de plan 2000-2006 à leur clôture. Malgré les contraintes budgétaires fortes qui pèsent sur l’État, vous avez pu constater que les dotations ministérielles en faveur du CPER ont été préservées.
J’ai ainsi confirmé, en réponse à une question orale qui m’avait été adressée en janvier 2013, que le pôle de santé libéral et ambulatoire, ou PSLA, de Livarot, porté par le pays d’Auge, recevrait en 2013, dans le cadre de la programmation du volet territorial, le financement prévu de l’État. De fait, le comité des financeurs a validé le plan de financement du PSLA de Livarot le 25 avril 2013, pour un engagement global de l’État de 901 800 euros, correspondant à 35 % du coût du projet.
Au-delà, il faut noter que 500 000 euros ont été versés à la région Basse-Normandie dans le cadre du plan « maisons de santé », soit 200 000 euros de plus que la délégation initialement prévue, qui a été renforcée compte tenu de l’incidence du programme sur les territoires. Il faut aussi signaler que tous les projets proposés dans ce domaine ont pu être soutenus à ce jour : aucun projet de maison de santé – ces projets sont mieux connus sous le nom de « pôles de santé libéral et ambulatoire » – n’a été écarté en région Basse-Normandie faute de financements de l’État.
Afin de préparer dans de bonnes conditions la prochaine période de contractualisation entre l’État et les régions et d’honorer les engagements de l’État, il a été décidé de faire de l’année 2014 une année de transition, qui permettra de porter le taux d’exécution des CPER 2007-2013 à 88 %, soit au-delà du taux observé pour les contrats précédents. Le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire, ou FNADT, suivra cette trajectoire budgétaire.
Je vous confirme donc, monsieur le sénateur, que la mise en œuvre des engagements du CPER 2007-2013 sera poursuivie en 2014.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Madame la ministre, je n’avais pas d’inquiétude concernant la maison de santé de Livarot, puisque vous vous étiez totalement engagée. En revanche, je ne suis pas tout à fait sûr d’avoir obtenu une réponse sur l’ensemble des points précis que j’ai soulevés.
Madame la ministre, derrière d’éventuelles modifications de règles, derrière le non-respect d’engagements effectivement validés, c’est plus généralement la confiance réciproque entre l’État et l’ensemble des territoires qui est en jeu. Face à la gravité de cette situation, je vous demande de bien vouloir y réfléchir.
protection des riverains contre les épandages de pesticides agricoles
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, auteur de la question n° 494, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Claude Domeizel. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’agriculture sur les conditions d’épandage de pesticides agricoles dans les zones agricoles habitées.
En effet, de nombreux terrains agricoles étant devenus constructibles, coexistent désormais dans les zones rurales des habitations privées, parfois des établissements publics – des écoles quelquefois –, et des exploitations agricoles pratiquant l’épandage de pesticides en dépit des mises en garde. Les scientifiques tirent avec insistance le signal d’alarme contre les incidences néfastes des pesticides sur la santé, notamment en raison de la présence de perturbateurs endocriniens.
Le rapport remis par nos collègues sénatrices Nicole Bonnefoy et Sophie Primas dresse des constats sans appel, indiquant que les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques. Plus particulièrement, l’arrêté ministériel du 12 septembre 2006 fixe à l’agriculteur un délai de « rentrée » dans une parcelle après son traitement chimique. De leur côté, les riverains réclament le droit de savoir quels sont les produits utilisés pour connaître éventuellement les précautions qui s’imposent à eux du fait de l’arrêté précité. Or, malgré le programme national « Ambition bio 2017 » engagé récemment par le ministère de l’agriculture, de plus en plus de riverains s’inquiètent des nuisances qu’ils subissent, sans constater de réduction de l’utilisation des pesticides ni d’amélioration de la prévention, pourtant préconisées.
Je souhaiterais donc connaître, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement compte prendre en vue de renforcer la réglementation destinée à protéger les populations.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, chargé de l’agroalimentaire. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Stéphane Le Foll, actuellement en déplacement à l’étranger.
Vous savez que la mise sur le marché et le suivi des produits phytosanitaires sont strictement encadrés et harmonisés au niveau européen. L’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires n’est délivrée que sur la base d’une évaluation nationale des risques pour la santé humaine et pour l’environnement.
Ces mises sur le marché sont complétées, d’une part, par l’arrêté du 12 septembre 2006 qui impose des mesures visant à limiter le risque pour l’environnement et pour les personnes et, d’autre part, par l’arrêté du 27 juin 2011 qui prévoit des mesures de protection des personnes.
Stéphane Le Foll a, dès le mois d’octobre 2012, décidé de renforcer le plan Écophyto, visant à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires, que ce soit en agriculture ou pour tout autre usage.
À la suite du rapport auquel vous vous êtes référé – il a d’ailleurs été salué à maintes reprises par Stéphane Le Foll – et du rapport de l’INSERM publié en juin dernier, les ministères concernés – agriculture, santé, écologie – se sont mis au travail pour mettre en œuvre un maximum de mesures répondant aux préconisations de ces deux rapports, en particulier concernant les maladies qui pourraient être reconnues comme maladies professionnelles. Par ailleurs, le Gouvernement établira d’ici à la fin de l’année sa stratégie nationale à l’égard des perturbateurs endocriniens.
Enfin, la loi d’avenir pour l’agriculture, actuellement en préparation, fournira également l’occasion d’apporter des réponses concrètes à certains des problèmes identifiés. Un suivi des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires sera mis en place, afin de mieux mesurer les effets de l’utilisation effective de ces produits non seulement sur l’environnement, l’eau, les sols et la biodiversité, mais également sur la santé des animaux et des personnes.
Par ailleurs, la possibilité de modifier l’arrêté de 2006 pour introduire une distance minimale d’application des pesticides les plus dangereux vis-à-vis des habitations est actuellement en cours d’expertise.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, l’action du gouvernement de Jean-Marc Ayrault obéit au double impératif de vigilance et d’exigence en faveur de nos concitoyens et de l’environnement.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je souhaite remercier M. le ministre des précisions qu’il vient d’apporter. J’insiste particulièrement sur la nécessité de réviser l’arrêté du 12 septembre 2006 qui, comme vous venez de l’annoncer, devrait fixer une distance minimale entre les zones d’épandage et les habitations. Les riverains des terrains agricoles souhaitent que cette mesure entre en vigueur le plus rapidement possible.
donations déguisées de parcelles agricoles
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 504, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Mme Claire-Lise Campion. Ma question porte sur les donations déguisées de parcelles agricoles. Le 5 février 2013, je portais à la connaissance du ministre de l’agriculture les vives inquiétudes de nombreux élus du département de l’Essonne, nées de la prolifération des donations déguisées de parcelles agricoles.
En effet, dès le mois de décembre 2012, la communauté de commune de l’Arpajonnais et une partie des municipalités qui la composent m’ont alertée sur des soupçons de pratiques illégales concernant la cession de six parcelles situées en zone agricole sur le territoire de la commune d’Ollainville. Ces parcelles ont été cédées sous le régime de la donation à des personnes dont les intentions d’installation n’entrent pas dans le champ des activités agricoles. Depuis, d’autres communes de l’Essonne sont également concernées par de telles pratiques.
Vous le savez, monsieur le ministre, le fait de recourir à la donation permet de soustraire le bien en question au droit de préemption des collectivités territoriales et des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les SAFER. Cette règle peut se comprendre lorsqu’il s’agit de transmettre un patrimoine à un héritier, mais elle perd tout sens lorsqu’un propriétaire, désireux de maximiser d’éventuels profits, se joue de la loi sous couvert d’un élan « philanthropique » pour, finalement, toucher des rémunérations occultes liées à ladite donation.
Dans le cas dénoncé, la commune d’Ollainville est persuadée que la donation visait à soustraire intentionnellement les six parcelles à son droit de préemption. Elle a donc déposé une plainte auprès du procureur de la République.
Ce phénomène n’est pas nouveau, comme en témoigne la publication, depuis 2008, de plusieurs questions écrites sur le sujet. Il n’est pas non plus isolé, puisqu’il dépasse le cadre géographique du département de l’Essonne.
Une réponse du ministère a été publiée au Journal officiel du 25 octobre 2012, indiquant que la discussion de « la prochaine loi d’avenir de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt [..] sera[it] l’occasion d’aborder dans toutes ses dimensions la question du foncier ». Cette loi d’avenir, dont nous avons appris récemment qu’elle serait soumise au Parlement au début de l’année 2014, nous donnera l’occasion de mettre fin à ces pratiques, en comblant les lacunes de notre droit.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, j’insiste encore aujourd’hui sur l’importance de ce dossier, tout en étant persuadée que le Gouvernement lui accordera une grande attention. Pourriez-vous m’indiquer l’état d’avancement des réflexions du ministre de l’agriculture, ainsi que les mesures envisagées pour mettre un terme à ces donations déguisées qui contribuent à l’effacement de surfaces agricoles, si précieuses pour nos territoires, en Île-de-France ou dans d’autres régions ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, chargé de l’agroalimentaire. Madame la sénatrice, je comprends bien le sens de votre question, qui soulève de réels problèmes.
Quel est l’état actuel de la législation ? Les droits de préemption ne peuvent être exercés que sur des biens faisant l’objet d’une aliénation à titre onéreux, c’est-à-dire d’une vente. Les aliénations à titre gratuit – donations et legs – sont exclues du champ du droit de préemption, sauf en cas de fraude. Tel serait le cas d’une donation déguisée conclue dans le seul but de faire échec à l’exercice de ce droit.
Pour lutter contre cette pratique, deux actions peuvent être engagées devant le juge civil : l’action en déclaration de simulation et l’action en nullité. Par ailleurs, il convient de rappeler que la donation déguisée peut être contestée par l’administration fiscale.
Pour les transmissions qui interviennent dans le cadre familial, le code rural exempte du droit de préemption les cessions de biens à caractère agricole ou rural consenties à titre onéreux entre parents ou alliés ou à des cohéritiers ou à leurs conjoints survivants jusqu’au quatrième degré inclus. Il est vrai que cela complexifie un peu les choses.
Sont également concernés les échanges, dations en paiement, apports en société ou ventes en viager.
Vous proposez, madame la sénatrice, de rechercher s’il est possible d’améliorer l’information via les SAFER.
Nous avons expertisé une amélioration de l’information des SAFER à l’égard des transmissions par aliénation à titre gratuit portant sur des parcelles ou des biens à vocation agricole. Cela soulève des difficultés techniques réelles et importantes. En effet, elles portent souvent sur la totalité du patrimoine des cédants en incluant pour partie seulement les biens agricoles. Informer, comme vous le proposez, les SAFER sur l’ensemble des aliénations à titre gratuit conduirait ces mêmes SAFER à recevoir un volume très important de données, documents, fichiers, ce qui pèserait de manière significative sur les structures de gestion foncière.
Donc, il n’est pas prévu, à ce stade, de donner suite à votre proposition dans le cadre du futur projet de loi d’avenir pour l’agriculture, qui nous donnera l’occasion de traiter d’autres difficultés relatives aux SAFER.
La question que vous posez est parfaitement pertinente et appelle évidemment des réponses. La proposition que je vous fais ce matin, c’est de continuer à travailler avec vous sur cette question pour essayer de trouver une solution équilibrée, efficace, qui ne représente pas une charge trop importante pour les opérateurs fonciers et qui, de ce fait, pourrait être examinée dans le cadre des discussions sur la loi d’avenir pour l’agriculture. Telle est la proposition de démarche commune que je vous fais ce matin, madame la sénatrice.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse. Vous avez à nouveau déroulé tous les outils juridiques à notre disposition, pointant ainsi un manque réel.
Je vous remercie surtout pour votre proposition de travail commun, à laquelle je réponds de manière tout à fait positive. Il est en effet nécessaire de trouver des solutions à ce problème tangible, qui, outre qu’il existe depuis un certain temps, dépasse largement le cadre de mon département et celui de la région francilienne.
Je vous ai entendu sur l’inadéquation de la discussion parlementaire sur la loi d’avenir agricole pour trouver une solution. Je suis tout à fait à disposition et prête au travail que vous nous proposez. Je ne manquerai pas d’y donner suite.
avenir de l’enva et du centre de champignelles
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bordier, auteur de la question n° 519, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.
M. Pierre Bordier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Centre d’application de Champignelles, dans l’Yonne, a été créé en 1975 pour permettre à l’enseignement théorique de l’Ecole nationale vétérinaire d’Alfort, l’ENVA, de trouver son application pratique et clinique sur les productions animales. Il a connu plusieurs évolutions, principalement sur fonds de la région Bourgogne et de l’Europe.
Tout d’abord, on a assisté, pendant la période 1985-1996, à la création d’un site d’exploitation agricole exceptionnel de 86 hectares, s’insérant activement dans une démarche de développement régional grâce à l’implantation d’une ferme riche d’une grande variété de productions animales.
Puis, en 2007, on a vu l’achèvement de la construction d’une nouvelle plateforme d’enseignement de 286 mètres carrés, répondant aux exigences des nouvelles normes européennes en termes de santé publique.
L’activité du Centre a connu une croissance exponentielle jusqu’à ce jour, la qualité de son mode d’enseignement et la situation exceptionnelle du site étant reconnues par tous les acteurs concernés.
Les résultats sont là : une situation budgétaire en équilibre pour le seul centre de Champignelles, une augmentation du nombre d’étudiants, français et étrangers, chaque année, et des perspectives de sortie de formation avantageuses. La gestion dynamique du Centre est principalement due à la persévérance et à la foi de sa directrice, qui a su mener avec passion son entreprise aujourd’hui florissante jusqu’à ce niveau d’excellence.
Néanmoins, depuis 2005, un alourdissement des procédures, des autorisations et des moyens permettant au Centre d’engager de nouveaux projets laisse planer le doute sur son avenir.
L’ombre d’une intention sacrificielle pesant sur le Centre, au nom d’un quelconque raisonnement comptable, est difficilement acceptable.
Permettez-moi de vous rappeler que le Centre est la pierre angulaire de l’enseignement initial du Département des productions animales et de santé publique, le DPASP, ce département ayant en charge la formation de vétérinaires destinés à l’exercice rural et en hygiène alimentaire, c’est-à-dire en prise directe avec les préoccupations du ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Il est, par ailleurs, essentiel à l’atteinte des critères d’agrément internationaux tels que ceux de l’A3EV. L’arrêt de l’enseignement initial de Champignelles serait d’autant plus préjudiciable qu’il entraînerait ipso facto l’échec de la prochaine évaluation de l’A3EV prévue fin 2014-début 2015.
Peut-on alors raisonnablement envisager la non-pérennisation du Centre d’application ?
De même, peut-on remettre en cause l’usage de crédits européens très importants sur ce site depuis 1985, crédits gérés par la région Bourgogne elle-même et accordés uniquement dans ce but ?
En outre, le Centre est sous l’emprise d’un bail emphytéotique, qui continuerait de courir quoi qu’il advienne.
Le Centre ne peut pas être une variable d’ajustement de l’ENVA, sur fond de rééquilibrage uniquement comptable. Champignelles, c’est la transition de la théorie à la pratique, passage indispensable à un enseignement clinique de grande qualité, en situation, répondant aux critères des normes européennes, allant jusqu’à l’agroalimentaire et intégrant des enseignements en matière d’hygiène alimentaire.
Ce centre est donc le complément indispensable d’Alfort et est aujourd’hui vital à sa survie.
Je souhaiterais, pour finir, rappeler que la volonté clairement affichée ces dernières années de nos responsables politiques de tous bords est bien de redynamiser, voire de revitaliser et de se réapproprier les territoires, et donc clairement de lutter contre la désertification rurale, ce à quoi répond dans une certaine mesure Champignelles en termes de retombées économiques – emplois et interactions professionnelles in situ.
Nous souhaiterions juste être certains que la problématique est bien comprise et considérée dans toute sa dimension, afin d’être rassurés sur l’avenir de ce site exceptionnel qu’est Champignelles. On peut même considérer que Champignelles ne nous appartient plus tout à fait désormais puisqu’il est l’œuvre commune de nos collectivités et de l’Europe.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, l’École nationale vétérinaire d’Alfort, l’ENVA, est l’une des quatre écoles vétérinaires françaises et constitue donc un élément clé du dispositif national de formation de nos vétérinaires.
La qualité de cette formation est d’une importance évidente pour chacun d’entre nous – je pense, en particulier, à vous, monsieur le sénateur, qui, comme votre passé professionnel en témoigne, connaissez le rôle essentiel des vétérinaires pour la protection de la santé publique et la sécurité alimentaire. Cela va de soi, mais je me devais de le rappeler.
Cette école fait l’objet d’un soutien particulier depuis plusieurs années. Reconnaissons toutefois qu’aujourd’hui elle connaît d’importantes difficultés.
Sachez que le rétablissement de la santé financière de l’École nationale vétérinaire d’Alfort constitue une priorité pour nous. Stéphane Le Foll a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises.
Dans le cadre de l’élaboration du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’ENVA est l’une des pierres angulaires dans la réflexion pour la création d’un pôle vétérinaire national qui s’appuiera – qui devra s’appuyer – sur les quatre écoles existantes.
Au sein de l’ENVA, le centre d’application en productions animales de Champignelles sert de centre de formation et d’hébergement des étudiants et des vétérinaires en zone rurale, plus proche des exploitations et des animaux.
Je me dois de vous le dire, malgré tout l’intérêt qu’il constitue, le modèle économique du Centre doit être repensé.
Je vais vous donner quelques points de repère pour bien fixer les choses. L’exploitation agricole a un budget de dépenses de l’ordre de 190 000 euros mais ne génère que 130 000 euros de recettes.
Sur l’hébergement et la formation, le budget annuel de fonctionnement du Centre est de l’ordre de 305 000 euros.
Au total, le coût annuel est de 365 000 euros, sans inclure la masse salariale des agents de l’État.
Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, de redressement des comptes publics et de sérieux budgétaire auquel nous devons nous astreindre, ce budget ne permet pas la maintenance préventive des bâtiments qui se dégradent et qui finiront par nécessiter de coûteuses réparations, notamment sur le château acquis dans les années quatre-vingt.
Aussi, la pérennisation du Centre de Champignelles passera par l’élaboration et la mise en œuvre d’un nouveau modèle économique impliquant l’ensemble des partenaires concernés ; vous en avez cité quelques-uns. Ce travail est actuellement en cours et il devra être finalisé dans les prochains mois.
Nous sommes convaincus que ce centre contribue fortement à la qualité de la formation de nos vétérinaires. C’est la raison pour laquelle nous nous efforçons, Stéphane Le Foll et moi-même, de trouver des solutions pour assurer son avenir.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bordier.
M. Pierre Bordier. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui me rassure partiellement. Vous avez fait une ouverture, indiquant qu’il fallait trouver de nouvelles solutions pour maintenir le Centre. Cela permettra d’aller plus loin et de voir localement comment nous pouvons travailler ensemble pour pérenniser ce centre national qui me semble avoir une importance toute particulière s’agissant du passage de la théorie à la pratique.
J’étais de ceux qui, avant même l’ouverture du Centre, ont accueilli les élèves d’Alfort dans ma clientèle. À partir de ce moment-là, nous avons monté un projet apte à développer la pratique chez nos jeunes vétérinaires. Il faut, à mon sens, absolument continuer sur cette voie, même si nous devons, bien évidemment, comprendre qu’il faut changer quelque chose.
compétitivité des entreprises de la filière maïs doux
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, en remplacement de M. Georges Labazée, auteur de la question n° 530, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire.
M. Michel Teston. Monsieur le ministre, en lieu et place de Georges Labazée, empêché, je souhaite appeler votre attention sur les enjeux majeurs de la compétitivité des entreprises de la filière « maïs doux ».
La filière française des légumes transformés représente, en France, onze entreprises et trente sites industriels, 15 000 emplois industriels et près de 5 500 agriculteurs.
Le maïs doux, qui représente près de 20 % des légumes transformés, est le principal produit de cette filière et, par conséquent, l’élément central de l’économie de ce secteur.
L’Aquitaine est la première région française pour la production de maïs doux. La filière rassemble 1 000 agriculteurs, six entreprises, sept outils industriels et plus de 1 500 salariés.
Cette industrie est performante et reconnue comme telle. Une grande part du maïs doux français est donc exportée chez les voisins européens. La balance commerciale française est, ainsi, largement positive.
Il est donc essentiel de permettre aux producteurs français de préserver la filière et de conserver leur position.
Relever ces défis suppose, en premier lieu, de favoriser la consommation de maïs doux en France.
Si le maïs doux est actuellement consommé comme un légume en étant déjà considéré comme tel par de nombreux États, y compris en Europe, il n’est pas, en France, officiellement reconnu comme tel. Il serait pourtant souhaitable que sa consommation soit encouragée comme celle des autres fruits et légumes.
La reconnaissance du statut nutritionnel du maïs doux en tant que légume constituerait un véritable relais de croissance pour le marché hexagonal et, par conséquent, pour la production française.
En plus de cette reconnaissance, le maïs doux devrait être classé en légume au niveau de la politique agricole commune.
Être classé comme un légume vis-vis de la PAC, cela veut dire : d’une part, entrer dans le champ d’application de l’OCM fruits et légumes et, ainsi, avoir accès à des aides financières spécifiques au secteur ; d’autre part, bénéficier de soutiens dans le cadre des programmes de communication cofinancés par la Commission européenne.
Même si les dossiers « statut nutritionnel » et « classification au niveau de la PAC » du maïs doux sont indépendants d’un point de vue réglementaire, il n’en demeure pas moins que la filière vise à moyen terme son intégration à l’OCM fruits et légumes, au cours de prochaines discussions, bien que le compromis européen sur la future PAC, acté au mois de juin dernier, ne prévoie pas de modification de sa classification.
Sur ce sujet, monsieur le ministre, Georges Labazée souhaiterait connaître la position du Gouvernement.
Relever les défis évoqués précédemment, c’est aussi permettre à la filière française, en tête de l’Union européenne, de conserver sa compétitivité par rapport à la Thaïlande et à l’Amérique du Nord.
Le marché européen est en effet mis en danger par les importations originaires des pays précités. Entre 2000 et 2005, il a connu une progression extrêmement rapide des importations de conserves, à des prix sans cesse décroissants, faisant de la Thaïlande le premier fournisseur pays tiers de l’Union européenne.
L’Union a adopté en 2007 des mesures antidumping – il s’agissait de droits de douane supplémentaires – à l’encontre des importations thaïlandaises, pour une durée de cinq ans. Ces mesures ont été prolongées pour quinze mois en mars 2012, soit jusqu’en septembre 2013.
Nous avons récemment appris que les droits antidumping sur les importations de maïs doux thaïlandais devaient être reconduits. Monsieur le ministre, pouvez-vous le confirmer ?
Il s’agit d’un point essentiel pour la filière. Même en cas de reconduction de cette confirmation, la plus grande vigilance s’impose lors des prochaines discussions programmées entre l’Union européenne et la Thaïlande, afin qu’aucune concession ne soit accordée au maïs doux thaïlandais.
De même, il importe que le maïs doux soit maintenu en produit sensible dans les négociations entre l’Union européenne et les États-Unis, qui devraient être abordées prochainement.
Monsieur le ministre, vous êtes sensible à ces sujets et convaincu de l’intérêt de soutenir cette filière. Pouvez-vous apporter les confirmations sollicitées par Georges Labazée ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué pour répondre à Michel Teston, en la personne duquel l’Ardèche est venue suppléer les Pyrénées-Atlantiques. (Sourires.)
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Je l’avais bien noté, madame la présidente.
Je vous remercie, monsieur Teston, d’être venu ce matin poser la question de votre collègue Georges Labazée, que je salue également, et auquel vous voudrez bien transmettre la réponse suivante.
Cette question, qui porte sur un sujet auquel le Gouvernement porte un vif intérêt, permet de rappeler l’importance économique de la filière nationale de maïs doux.
L’objectif du Gouvernement est très simple : tout faire pour préserver durablement la compétitivité de cette filière. Je serai d’ailleurs le 18 septembre prochain à Labatut pour la remise du prix Origine France Garantie sur le site d’une grande entreprise de maïs doux, dont je ne citerai pas ici le nom mais que chacun aura reconnue.
S’agissant du réexamen des mesures antidumping visant les conserves de maïs doux en provenance de la Thaïlande, je suis heureux de vous indiquer, monsieur le sénateur, que la Commission européenne a proposé lors du Comité antidumping du 4 juillet dernier la reconduction des mesures qui touchaient ce produit originaire de Thaïlande.
Cette reconduction a bien entendu été soutenue par la délégation française. L’approbation finale de la mesure sera faite dans un délai d’un mois environ par le Conseil, où la France tiendra la même position favorable.
Vous avez élargi votre propos de façon tout à fait pertinente, monsieur le sénateur, au problème des négociations commerciales avec les États-Unis et la Thaïlande. Sachez que la France défend auprès de la Commission européenne le caractère sensible – c’est le terme consacré – du maïs doux, aussi bien en congelé qu’en conserve.
D’ailleurs, dans le cadre de la négociation qui ne manquera pas de se conclure avec le Canada, la France a obtenu le classement du maïs doux en produit sensible, qui devrait n’être soumis qu’à un contingent tarifaire limité, voire être exclu de toute ouverture tarifaire.
C’est le même principe que nous défendrons dans les négociations avec les États-Unis ou la Thaïlande : le classement en produit sensible, avec un objectif d’exclusion de la libéralisation, ou, a minima, des contingents tarifaires très limités.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, notre gouvernement se bat au côté de la filière, afin de défendre une production dont je suis convaincu qu’elle est essentielle pour l’équilibre et l’économie de nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et salue les efforts engagés par le Gouvernement pour préserver la compétitivité de la filière « maïs doux ».
J’ai bien noté que, s’il restait des problèmes à résoudre, par exemple en matière de préservation des moyens de production, il n’en demeure pas moins que les producteurs devraient être rassurés par la reconduction très probable par l’Union européenne, lors des prochaines semaines, des droits antidumping sur les importations de maïs doux en provenance de Thaïlande.
avenir du haras national du pin
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, auteur de la question n° 551, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Mme Nathalie Goulet. L’Orne a beaucoup de chance ! Nous avons en effet en votre personne ainsi qu’en celle du ministre de l’agriculture, M. Stéphane Le Foll, deux voisins. J’évoquerai donc très brièvement la situation du Haras national du Pin, dont vous connaissez parfaitement les problèmes, les atouts, ainsi que les enjeux stratégiques qui s’y rattachent, non seulement pour l’Orne et la région Basse-Normandie, mais pour la Mayenne, qui compte un certain nombre de cavaliers émérites ; certains siègent d’ailleurs dans cette assemblée... (Sourires.)
Le Haras du Pin connaît, comme vous le savez, quelques difficultés, et nous sommes un certain nombre d’élus du département de l’Orne à penser qu’il est temps de passer de la réflexion à l’action.
Je pense notamment à Yves Goasdoué, député-maire de Flers, qui a défendu avec beaucoup d’énergie, lors du débat sur la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, un amendement visant à régler ce problème, qui s’est naturellement fait retoquer au titre de l’article 40.
Je pense aussi à l’excellent président du conseil général et ancien ministre du budget, Alain Lambert, qui travaille beaucoup sur ce sujet.
Quant à moi, je relaie leurs positions au sein du Sénat.
Les principaux élus de ce département sont donc absolument solidaires pour trouver une solution à la situation du Haras du Pin, géré depuis quelques années par l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, dont la politique et la stratégie peinent à émerger.
L’État doit bien sûr conserver ses fonctions régaliennes, en particulier la traçabilité des races et le rayonnement international du Haras du Pin. Il est également essentiel de permettre aux collectivités locales d’assurer la préservation du patrimoine bâti, dans un contexte budgétaire que vous avez rappelé à plusieurs reprises et que, malheureusement, nous connaissons tous.
S’agissant du patrimoine bâti du Haras, tout d’abord, des problèmes très urgents se posent. Si l’on « gratte » un peu, on peut même trouver au sein de ce merveilleux « Versailles du cheval » des choses inquiétantes, voire très inquiétantes.
Selon Alain Lambert, l’engagement financier serait d’environ 50 millions d’euros. Le président du conseil régional de Basse-Normandie, Laurent Beauvais, et les responsables du département ont décidé de s’engager. Le ministre de l’agriculture s’est lui-même rendu sur le site du Haras du Pin et a rencontré les acteurs concernés pour étudier le type de support juridique susceptible d’être enfin instauré pour assurer, à la fois, la gouvernance future ainsi que le développement et l’essor du Haras du Pin.
Ma question est simple : quelles dispositions législatives comptez-vous prendre, si possible avant le vote de la loi de finances ? Allez-vous notamment enfin mettre en place l’établissement public de gestion du Haras du Pin, qui est absolument nécessaire ?
Vous savez ce qui va se passer si une solution n’est pas trouvée avant le vote de la loi de finances : on ne pourra pas, cette année encore, avancer sur ce dossier.
Les Jeux Équestres Mondiaux auront lieu l’année prochaine. Il faut absolument résoudre le problème du Haras du Pin, véritable serpent de mer. Tous ceux qui connaissent le dossier souhaitent qu’une solution soit trouvée au cours du trimestre qui débute aujourd’hui et de la session parlementaire. Yves Goasdoué, Alain Lambert et moi-même comptons sur le Gouvernement pour y parvenir.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Nathalie Goulet.
Vous le savez, l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, créé en 2010, résulte du regroupement des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation. Il est sous la tutelle conjointe des ministères chargés de l’agriculture et des sports.
Sur le site du Haras du Pin, la construction d’un partenariat innovant entre l’État et les collectivités territoriales présente, à nos yeux, de nombreux intérêts. Néanmoins une telle structure ne peut se substituer à l’établissement public IFCE, opérateur de l’État concernant la filière équine dans son ensemble.
Un travail tout à fait utile, d’ores et déjà très efficace, a été conduit par la région Basse-Normandie, le conseil général de l’Orne, les élus et les parlementaires, dont vous étiez, madame la sénatrice, et en particulier par le député de la circonscription, M. Yves Goasdoué.
Je voudrais d’ailleurs saluer ici, au nom du ministre de l’agriculture, ce travail de qualité qui sert actuellement de base à une démarche conjointe avec les services du ministère et les représentants de l’IFCE pour la création d’un établissement public local en vue des Jeux Équestres Mondiaux qui auront lieu au Pin en 2014.
L’accueil de ces jeux au Haras du Pin contribuera, c’est évident, au rayonnement du site et de l’équitation à la française sur le plan touristique, culturel, mais aussi au plan régional pour les manifestations équestres sportives.
La concertation, le travail commun, avec le conseil régional de Basse-Normandie et le conseil général de l’Orne se poursuit actuellement au ministère de l’agriculture. Comme vous le disiez, madame la sénatrice, il faut agir et trouver des solutions.
Nous devons aller plus loin et approfondir encore ce travail dans le cadre du calendrier que vous avez indiqué, celui de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentaire et la forêt qui est actuellement en préparation.
Madame la sénatrice, nous partageons votre volonté de trouver rapidement des solutions durables pour le Haras du Pin, au vu des échéances prochaines. Puisque nous sommes, les uns et les autres, très attachés à ce site, je ne doute pas que cette conviction et cette volonté communes nous permettront d’y parvenir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, mais toute la réflexion du monde n’amènera pas de financement.
Il est vrai que l’Orne, un département extrêmement bien géré mais pauvre, comme vous le savez, et la région Basse-Normandie font le maximum. Quant à l’État, il jouera son rôle et assumera ses obligations à l’égard de ce site. Mais cela ne réglera pas le problème.
Je pense qu’il faudrait, ainsi que mon prédécesseur Daniel Goulet l’avait proposé il y a de nombreuses années, faire un tour de table de sponsors, à défaut duquel nous ne parviendrons pas à gérer ce patrimoine, et mettre en place un partenariat public-privé. Vous savez, comme moi, que de nombreux pays sont très intéressés par la réalisation d’investissements dans le domaine de l’équitation. Or le quart de la somme nécessaire à l’acquisition d’un joueur de football suffirait à renflouer largement les finances du Haras du Pin.
Je vous encourage vivement à vous tourner vers le 1, rue de Tilsitt, qui est l’ambassade du Qatar (M. Michel Teston sourit.), pour trouver des investissements permettant de financer ce projet qui est moins onéreux que la Coupe du monde de football, écologiquement plus sûr, notamment au regard de l’effet de serre, et bien plus utile pour les régions Basse-Normandie et Pays de la Loire, ainsi que pour le département de la Mayenne que nous aimons tendrement.
Chacun doit donc ouvrir son carnet d’adresses et commencer à chercher des partenariats et du sponsoring. Compte tenu de mes liens, que vous connaissez, avec les pays du Golfe, je suis tout à fait prête à vous donner un coup de main. Peut-être n’en avez-vous pas besoin ? Je rappelle néanmoins que cette proposition, que nous avions formulée voilà longtemps, était restée lettre morte. Il est grand temps de rouvrir ce dossier.
Mme la présidente. Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de Mme la garde des sceaux, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures, est reprise à onze heures cinq.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, auteur de la question n° 501, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, ma question porte sur les conséquences de l’interprétation de la hiérarchie des normes donnée dans la circulaire du 29 mai 2013 sur la mise en œuvre de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Le second alinéa de l’article 202–1 du code civil, voté par le Parlement au mois d’avril 2013, est clair : si une personne réside en France, sa loi personnelle, c’est-à-dire la loi du pays dont elle a la nationalité, ne doit pas limiter le droit au mariage. Pourtant, la circulaire précise que sont exclus de ce droit les ressortissants des pays avec lesquels la France est liée par des conventions bilatérales qui prévoient que la loi applicable aux conditions de fond du mariage est celle du pays dont le ressortissant a la nationalité.
La soumission d’une personne à ce qui est appelé « sa loi personnelle » n’est pourtant pas un principe intangible de la France. Ainsi, notre pays accorde le droit d’asile à des personnes selon leur situation propre et en dehors de toute règle de conflit des lois, et sans considérer comme légitime la loi personnelle du demandeur. Il y est dérogé aussi pour des raisons d’ordre public.
Selon cette circulaire, le mariage entre un Français et un ressortissant d’Algérie, de Bosnie-Herzégovine, du Cambodge, du Kosovo, du Laos, du Maroc, du Monténégro, de Pologne, de Serbie, de Slovénie et de Tunisie serait impossible, par le seul fait de la nationalité de ce dernier.
Les ressortissants de ces pays ne seraient donc pas nés « libres et égaux en droit » face au mariage en France avec un citoyen français.
Interpréter les choses ainsi, dans le cas de ressortissants de pays de l’Union européenne comme la Pologne ou la Slovénie, revient à pratiquer, sur le territoire national, une violation du principe du droit européen de non-discrimination entre ressortissants des pays de l’Union européenne installés sur leur territoire par les États membres. Ce principe est intégré à un traité qui a fait l’objet d’une ratification, complétant les normes conventionnelles qu’il conviendrait de prendre en compte pour l’application de la loi votée au printemps dernier par le Parlement au nom de l’égalité.
Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Serbie et du Kosovo, la France n’a pas formellement ratifié de convention avec ces pays ; elle l’a fait avec la Yougoslavie. À l’exception de la Serbie, ces pays, parfois à la suite d’une guerre avec la Yougoslavie, ont déclaré leur indépendance. Je m’interroge donc, au regard des articles 52 à 55 de la Constitution, sur la pertinence à donner à des échanges de lettres confirmant les dispositions d’une convention franco-yougoslave datant de 1971 en matière de droit des personnes et de la famille le niveau conventionnel que nous leur attribuons par cette circulaire.
Quant aux autres pays concernés – Maroc, Cambodge, Laos, Tunisie, Algérie –, nombre de leurs ressortissants vivent en France depuis longtemps et il est regrettable qu’ils ne disposent pas du même droit que les autres résidents en matière de mariage, alors même que, précisément, ce droit au mariage leur est interdit dans leur pays d’origine. À ce titre, cette discrimination constitue une atteinte au principe d’égalité entre les habitants de notre pays.
En conséquence, madame la ministre, il est essentiel d’engager toutes les démarches pour qu’une loi votée au nom de l’égalité ne renvoie pas des ressortissants étrangers présents sur notre territoire à leur origine. Cela va à l’encontre de nos principes républicains et de la reconnaissance de droits identiques à tous les habitants de notre pays, condition d’une bonne intégration des étrangers dans notre pays.
Par ailleurs, madame la ministre, les dispositions précisées dans la circulaire sont-elles compatibles avec le principe de non-discrimination dans l’Union européenne consacré par traité ? En outre, je m’interroge sur une éventuelle dénonciation des dispositions conventionnelles actuelles, qui apparaissent en totale contradiction avec la volonté du législateur.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Jean-Yves Leconte, la question que vous posez est extrêmement importante. Elle nous a occupés pendant toute la durée des débats et le Gouvernement a souhaité apporter une réponse de principe et de règle générale, qui, vous vous en souvenez, a été introduite dans la loi dès sa première version.
Ainsi, dans l’article 202–1 du code civil qui a été créé par l'article 1er du projet de loi, au premier alinéa, il a été spontanément fait mention du rappel de la loi personnelle de façon à permettre, au second alinéa, d’y déroger. Aujourd'hui, si une des personnes du couple a, par sa loi personnelle ou par la loi de l’État de résidence, la possibilité d’accéder au mariage, le mariage peut se faire. Même pour deux personnes de nationalité étrangère, le mariage peut se faire, puisque la loi de l’État de résidence prévaut.
Vous le savez, les débats ont été vifs, certes beaucoup moins ici qu’à l'Assemblée nationale où ont été tenus des propos inacceptables (M. Michel Teston opine.) évoquant des risques de « tourisme nuptial », du fait de ces dérogations à la loi personnelle.
Cette règle générale concerne 181 pays. Le Gouvernement avait toutefois immédiatement identifié une dizaine de conventions bilatérales précisant que la loi personnelle ne pouvait être suspendue. Ces textes sont de nature différente. Pour un certain nombre de pays, tels que la Tunisie, l’Algérie, le Laos ou le Cambodge, il est explicitement mentionné que les Français ne peuvent déroger à la loi personnelle. Il s’agit en fait de mesures de protection, ces conventions datant de la période coloniale ou postcoloniale. Pour autant, l’officier d’état civil, voire le procureur de la République ont beaucoup de souplesse et ne sont pas tenus de considérer que, pour les ressortissants de ces pays, il ne peut être dérogé à la loi personnelle.
Pour les autres pays que vous signalez à raison, notamment ceux qui ont composé l’ancienne Yougoslavie, la situation est différente. Il faut noter avec intérêt qu’aucune date de révision de la convention n’est prévue.
J’écarte immédiatement la comparaison avec le droit d’asile. En effet, ce dernier relève de la Convention internationale de Genève qui élabore le statut de réfugié. Par conséquent, c’est le statut de réfugié et non la nationalité qui est pris en compte. Je rappelle que, dans notre pays, le droit d’asile a une valeur constitutionnelle.
Vous avez parlé de discrimination, mais il s’agit bien plutôt de l’application des dispositions d’une convention internationale. Ainsi, le juge peut énoncer que l’interdiction du mariage est contraire à l’ordre public international français et donc souverainement décider d’autoriser ce mariage. Je conviens toutefois qu’il n’est pas satisfaisant de s’en remettre à des décisions de justice. Néanmoins, nous devons respecter notre droit interne et le droit international. D’où le sens de cette circulaire.
Par ailleurs, j’ai demandé à mon cabinet, notamment à mon conseiller diplomatique, et à l’administration du ministère de la justice de sensibiliser le secrétariat général aux affaires européennes, de mobiliser notre représentation permanente à Bruxelles et de retravailler la circulaire du 29 mai ainsi que la dépêche explicative du 1er août avec le ministère des affaires étrangères. C’est en effet celui-ci, et non le ministère de la justice, qui a la main pour renégocier éventuellement les conventions bilatérales, lesquelles portent sur de nombreux sujets et pas seulement sur la question du mariage.
Pour six pays, aucune date de révision n’est prévue, ce qui signifie que cette révision peut être introduite à tout moment. Cette mobilisation devrait nous permettre d’avancer, à un rythme différent selon les pays visés.
Quoi qu’il en soit, je suis bien déterminée à sortir de cette situation de blocage. En effet, même si elle ne concerne qu’une dizaine de pays, plus vraisemblablement seulement cinq ou six, il ne saurait y avoir d’exception à la règle et au principe d’égalité. C’est tout de même sous les auspices de l’égalité que la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été adoptée aussi bien par les députés que par les sénateurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Madame la ministre, il est vrai que ces conventions bilatérales portent également sur de nombreux autres points qui, eux aussi, sont protecteurs, en particulier pour les ressortissants français à l’étranger et les familles binationales. C’est donc important.
J’ai été sensibilisé au sujet que j’évoque aujourd'hui par la situation d’Algériennes ou de Marocaines résidant en France. Alors que l’application de la loi personnelle prohibait le mariage, l’évolution s’est faite par la jurisprudence. Par conséquent, une voie est tracée, qui permet de continuer à protéger tout en établissant le principe d’égalité et les principes d’ordre public et de République.
Dans l’Union européenne, la question reste aussi posée. La Belgique recourt à un principe d’autonomie de la volonté : ce sont les parties contractantes qui choisissent la loi qui s’applique. Certes, ce peut être une solution, mais il me semble qu’en France on devrait dire que l’ordre public, c’est la République et que l’égalité concerne toutes les personnes vivant sur le territoire. En réalité, c’est bien de cela qu’il s’agit. Aucun État, aucune loi, aucune jurisprudence ne serait légitime si elle ne prenait pas en compte le fait que l’amour et sa protection par le mariage peuvent passer les frontières. Ce serait tout à fait contraire aux débats que nous avons eus. Il nous faut donc trouver une solution pour résoudre cette difficulté dans le respect de la République et de l’ordre public français.
avenir des séjours d’accueils collectifs de mineurs et statut de volontaire de l’animation
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston, auteur de la question n° 265, adressée à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative.
M. Michel Teston. Madame la ministre, à la suite de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 14 octobre 2010 et de celle du Conseil d’État du 10 octobre 2011, la loi du 22 mars 2012 de simplification du droit et d’allègement des démarches administratives a apporté des modifications juridiques au contrat d’engagement éducatif.
En mettant en conformité ce contrat avec la législation européenne, ces dispositions ont permis aux associations d’accueils collectifs de mineurs d’organiser les séjours prévus à l’été 2012.
Néanmoins, dans son bilan des séjours de l’été 2012, la plateforme du volontariat de l’animation, regroupant la plupart des structures organisatrices de séjours d’accueils collectifs de mineurs, a fait apparaître des difficultés importantes, notamment une perte du sens de l’engagement des personnels de l’animation, une complexité accrue de l’organisation des séjours et l’impossibilité de réaliser certains types de séjours comme les circuits itinérants, ou encore des surcoûts financiers totalement pris en charge par les structures en 2012, mais qui devront être reportés sur les familles, avec les conséquences qui en découlent pour les plus défavorisées d’entre elles.
En outre, la plateforme du volontariat de l’animation a constaté une baisse du nombre de séjours organisés en 2012 – 2 170 de moins, soit 70 000 enfants – et prévoit que cette tendance devrait s’accentuer cette année.
En conséquence, afin d’éviter une remise en cause du modèle des séjours collectifs, fondé sur la mixité sociale et porté par ces structures à but non lucratif, il semble urgent, comme l’ont proposé le rapport Nutte de mars 2012 et le rapport d’information de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale de juillet 2013, de créer un statut de volontaire de l’animation compatible avec le droit européen, à l’instar du statut de sapeur-pompier volontaire.
Aussi, madame la ministre, je souhaite que vous puissiez m’indiquer les orientations du Gouvernement concernant l’avenir des séjours d’accueils collectifs de mineurs organisés par des structures à but non lucratif et, en particulier, la position du Gouvernement sur l’éventuelle création d’un statut de volontaire de l’animation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Permettez-moi tout d’abord de vous présenter les excuses de Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, qui se trouve actuellement à Buenos Aires, en Argentine, où elle représente le continent européen au comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage.
Mme Fourneyron souhaite tout d’abord vous rappeler le contexte dans lequel les dispositions de la loi Warsmann de 2012 ont été adoptées.
Dans sa décision du 14 octobre 2011, le Conseil d’État avait confirmé que la réglementation française applicable au contrat d’engagement éducatif, prévu par la loi de 2006 relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif, n’était pas conforme au droit de l’Union européenne, particulièrement à une directive de 2003. Cette réglementation ne prévoyait en effet ni repos quotidien ni repos compensateur pour les titulaires de ce contrat.
C’est pourquoi il avait été nécessaire d’adopter en 2012 un nouveau dispositif législatif et réglementaire pour permettre aux animateurs d’assurer la surveillance permanente des mineurs et de bénéficier de repos compensateurs équivalents aux repos quotidiens, ce que souhaitaient les syndicats de salariés, et ce que vous approuvez manifestement, monsieur le sénateur.
Certains mouvements d’éducation populaire et de jeunesse ont proposé la création par la loi d’un statut de « volontariat de l’animation ». Cette proposition est intéressante et mérite d’être examinée, en rappelant que la législation européenne ne reconnaît actuellement que deux types d’activités : le bénévolat et le salariat.
La Cour de justice de l’Union européenne a considéré que l’animation, y compris occasionnelle, relevait du champ du salariat.
Il convient également de préciser que les statuts de volontaires existants sont strictement encadrés et reposent sur plusieurs caractéristiques essentielles : engagement dans une mission d’intérêt général, durée limitée dans le temps, versement d’une indemnité en contrepartie de cet engagement et absence de lien de subordination.
Dans le cas du « volontariat d’animation », l’absence de lien de subordination au sein d’une équipe encadrant des mineurs ne pourrait être envisagée sans remettre en cause la sécurité de ces derniers. Nous parlons ici d’enfants âgés pour certains de moins de six ans.
Une mission d’information sur l’accessibilité des jeunes aux séjours collectifs et de loisirs a été mise en place par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Dans leur rapport remis en juillet dernier, les députés Annie Genevard et Michel Ménard ont attribué le coût élevé des séjours de vacances non pas à la rémunération des personnels, mais à l’hébergement, aux transports et aux prestations d’activités.
À la suite de ces conclusions, différentes pistes sont suivies, et un dialogue avec le président de la SNCF a été engagé pour essayer d’obtenir une réduction du coût des transports.
En ce qui concerne la proposition de volontariat, Mme Fourneyron invite les partenaires sociaux de la branche professionnelle de l’animation, les syndicats de salariés et d’employeurs à un dialogue pour aboutir, pourquoi pas, à un accord de branche, condition essentielle de la réussite dans la durée d’un dispositif construit collectivement.
Elle rappelle toutefois que la sécurité des mineurs dans les accueils collectifs doit rester la première des priorités. Je suis certaine que vous partagez cette préoccupation, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Madame la ministre, vous avez rappelé la position de votre collègue, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, qui considère qu’un statut de volontaire de l’animation est intéressant, mais que sa mise en œuvre se heurte à plusieurs obstacles que vous avez rappelés.
Le premier obstacle tient à la position de la Cour de justice de l’Union européenne, qui considère que l’animation, y compris occasionnelle, relève du champ du salariat. Pour la Cour, il n’y a finalement que deux types d’activités, le bénévolat et le salariat.
Un autre obstacle, que vous avez rappelé, tient à l’absence de lien de subordination, qui ne peut être envisagé pour des raisons de sécurité dans le cadre d’une équipe encadrant des mineurs.
Cela étant, madame la ministre, il ne me semble plus possible de se retrancher derrière ces arguments, quelle que soit leur valeur.
En effet, le plus important aujourd’hui me paraît de poser la question de l’avenir des séjours d’accueils collectifs de mineurs, dont l’intérêt est évident, mais dont le nombre est en baisse extrêmement sensible.
Je souhaite donc que l’on puisse essayer de définir, dans la concertation, un statut qui reconnaisse pleinement les particularités des activités des animateurs des centres de vacances.
Tel est donc le sens de ma demande, qui rejoint la proposition de la plateforme du volontariat de voir créé un statut proche de celui des sapeurs-pompiers volontaires.
avenir des chambres de commerce et d’industrie
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Doublet, auteur de la question n° 548, transmise à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
M. Michel Doublet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ma question porte sur les préoccupations des chambres consulaires de la région Poitou-Charentes, suite à l’annonce d’une diminution d’au moins 20 % des ressources fiscales des chambres, soit deux fois plus que la trajectoire fixée par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage aux organismes publics.
Les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, soutiennent l’effort national de réduction des déficits publics ; toutefois, elles ne peuvent accepter une diminution de 6 millions d’euros pour la seule région Poitou-Charentes.
Les chefs d’entreprise élus des CCI estiment que cette restriction budgétaire alimente le budget de l’État sans flécher les actions spécifiques au profit des entreprises, ni réduire leur pression fiscale. La ressource fiscale des CCI de Poitou-Charentes provient des 62 000 entreprises ressortissantes inscrites au registre du commerce et des sociétés.
Il convient de noter que les ressources des CCI ont d’ores et déjà fait l’objet d’une baisse de 4 % du taux de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la TACVAE, pour les impositions établies au titre de 2011, de 8 % pour celles de 2012 et de 15 % pour 2013, par rapport au taux de 2010.
De plus, les CCI assurent de nombreuses missions supplémentaires imposées par l’État, sans transfert de ressources correspondantes, ces missions ayant été confirmées par le contrat d’objectifs et de performance signé le 28 mai dernier avec les ministres de tutelle.
Les CCI de Poitou-Charentes ont accompagné 8 850 femmes et hommes porteurs de projets de création d’entreprises. En 2012, plus de 20 000 formalités ont été enregistrées dans les centres de formalités des entreprises du réseau, plus de 12 000 salariés en formation continue ont été formés et pas moins de 3 600 apprentis ont bénéficié de formations dispensées par les établissements consulaires.
Dans ce contexte, réduire de 20 % les ressources des CCI conduit à réduire leurs capacités d’action au service de la création et du développement des entreprises, de la formation des jeunes et des professionnels, ainsi que leurs capacités d’investissement dans les équipements de nos territoires.
Enfin, considérant que 60 % des budgets sont consacrés aux charges de personnel, il est à craindre à terme des suppressions d’emplois.
En conséquence, madame la ministre, quelles réponses entendez-vous apporter aux chambres consulaires ? Bien entendu, j’associe mes collègues Claude Belot et Daniel Laurent à ces légitimes préoccupations.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Doublet, M. le ministre Bernard Cazeneuve, actuellement retenu par une réunion, vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Le Gouvernement souhaite très fermement enrayer la détérioration de la compétitivité des entreprises. Le rôle crucial des chambres consulaires dans l’accompagnement et le développement des entreprises ne fait aucun doute à ses yeux, comme en témoigne la signature par le Premier ministre, le 28 mai dernier, du Pacte entre l’État et les chambres de commerce et d’industrie.
Pour autant, dans le contexte actuel très dégradé de nos finances publiques, il est parfaitement légitime de veiller à la bonne utilisation de l’argent public, et pour les établissements financés par taxe affectée, de les inciter à plus d’efficacité dans la conduite des politiques dont ils ont la charge.
Ainsi, le rapport confié à MM. Queyranne, Demaël et Jurgensen dans le cadre de la modernisation de l’action publique, tout comme celui remis par le Conseil des prélèvements obligatoires sur la fiscalité affectée ont montré que les ressources des chambres de commerce et d’industrie ont progressé de manière très dynamique ces dernières années, pour atteindre au total 4 milliards d’euros. Elles ont par ailleurs dégagé un excédent de 200 millions d’euros en 2012, qui devrait continuer à croître en 2013.
Cette progression constante de leurs moyens, qui pèse à la fois sur la fiscalité des entreprises et la dépense publique, doit inviter les chambres de commerce et d’industrie à un effort d’amélioration et de transformation de leurs structures, quand l’ensemble des administrations et établissements publics participent au rétablissement des comptes publics. Elles se sont d’ailleurs déclarées prêtes à s’engager dans cette démarche d’économies.
Ces mesures d’économies ne visent aucunement à pénaliser les chambres de commerce et d’industrie, et encore moins à remettre en cause leurs missions ou à diminuer leurs capacités d’intervention, dont chacun sait l’importance pour le soutien à la vitalité économique de nos territoires, elles visent à permettre la mise en œuvre d’économies globales, en particulier sur leur fonctionnement, auxquelles tous les organismes bénéficiaires d’un financement de l’État doivent contribuer.
M. le ministre Bernard Cazeneuve vous informe qu’une concertation a été engagée avec le réseau des chambres de commerce et d’industrie, afin notamment de trouver la meilleure répartition de l’effort qu’elles fourniront en 2014. Le résultat de cette concertation trouvera sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2014 qui sera, vous le savez, soumis très prochainement au Parlement.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement ne conteste en aucun cas le rôle que peuvent jouer les chambres de commerce et d’industrie dans le dynamisme économique de nos territoires. Nous sommes toutefois unanimes à réclamer une baisse des déficits, des dépenses et de la fiscalité. Le Gouvernement s’y attaque, en faisant en sorte que les efforts soient le plus justement répartis. Nous pourrons continuer à travailler ensemble dans ce domaine, puisque nous poursuivons le même but d’assainir les finances publiques de façon à peser le moins possible sur les contribuables, notamment les plus modestes ou ceux qui appartiennent aux classes moyennes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Doublet.
M. Michel Doublet. J’entends bien vos arguments, madame la ministre, ainsi que ceux qui sont contenus dans les rapports élaborés par certains spécialistes.
Il n’empêche que les chambres de commerce et d’industrie, qui ont déjà fait des efforts en réduisant considérablement leurs dépenses et leurs frais, sont fortement pénalisées, tout du moins dans ma région, par la baisse des dotations de l’État.
J’espère, comme vous venez de le dire, que le Gouvernement reverra sa copie pour 2014. Mais, pour l’instant, je reste relativement inquiet pour les finances des CCI en 2013.
avenir de l'observatoire du mont aigoual
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 444, adressée à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur l’avenir du centre météorologique du mont Aigoual, situé dans le département du Gard, à la suite de la réorganisation des activités et des tâches de Météo France, qui prive cette station de l’élaboration du bulletin quotidien de prévision météorologique dit « Massif Aigoual », et plus généralement sur la volonté de Météo France de participer au développement de ce site, dernier observatoire encore habité dans notre pays.
En effet, depuis le 1er juin 2012, l’élaboration du bulletin quotidien de prévisions, rédigé et enregistré quotidiennement à l’observatoire, a été confiée au centre météorologique territorial de Nîmes-Montpellier, alors que la mise à niveau technique du site a d’ores et déjà été opérée.
Or, plus d’une année après ce transfert, qui se voulait transitoire, la situation n’a pas évolué, ce qui crée dans le département du Gard et au-delà un émoi considérable.
Comme j’avais déjà pu en informer votre prédécesseure ici même le 17 juillet 2012, le maintien d’une activité de prévision et, donc, de personnels de Météo France à l’observatoire météorologique du mont Aigoual est capital à plus d’un titre.
Capital, parce que cette station est en activité permanente depuis 1894. Elle est de ce fait l’une des plus anciennes stations météorologiques françaises, fondamentale pour ses relevés et ses prévisions. Les prévisions locales sont, dans cette zone au temps très changeant, indispensables pour assurer notamment la coordination des moyens de sécurité publique, compte tenu de la fréquentation, quelle que soit la saison, de ce massif, qui couvre une bonne partie de la Lozère, de l’Aveyron, de l’Hérault et, bien évidemment, du Gard.
Capital, parce que la station est située au cœur du parc national des Cévennes, seul parc habité en France, ainsi qu’au centre d’une zone Causses-Cévennes, classée récemment au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Capital, parce que la station, du fait de son altitude et de sa localisation, constitue le seul centre de tests industriels en conditions extrêmes.
Enfin, le maintien de cet observatoire est également capital pour Météo France, cette station en étant la vitrine la plus médiatisée, la seule à drainer un nombre toujours plus important de visiteurs et de touristes, qui trouvent sur ce site un accueil de qualité, grâce aux investissements des collectivités locales, et, je tiens à le souligner, en premier lieu de la communauté de communes de l’Aigoual. Cette dernière s’est d’ailleurs rapprochée de la direction nationale de Météo France pour lui présenter un projet global et ambitieux de rénovation et de revalorisation du site : outre l’engagement pris par les collectivités de rénover l’observatoire et le « météosite » avec, notamment, une mise aux normes des bâtiments, un comité scientifique en phase de création permettra de faire de l’observatoire de l’Aigoual le premier centre national d’interprétation des changements climatiques.
C’est pourquoi, alors même que votre action a permis à la station de bénéficier d’une mise à niveau de ses équipements, je souhaite que vous puissiez vous engager à maintenir une activité de prévision, conforter le personnel existant, et renforcer la collaboration entre Météo France et les élus sur les nombreux projets en cours concernant le devenir de l’observatoire.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir évoqué cette question, qui, je le sais, préoccupe nombre d’élus de la région.
Comme vous, comme les Français, peut-être parce que je suis issu d’un département rural qui sait l’importance des stations météo, je reste très attaché aux missions de service public de Météo France.
L’implantation du mont Aigoual est, comme vous le soulignez, exceptionnelle : c’est un site historique de Météo France, situé au cœur des Cévennes et attirant de nombreux touristes.
Je connais le dévouement et le professionnalisme des agents qui animent ce météosite. Je sais qu’ils sensibilisent les visiteurs à la météorologie et au climat, durant la période estivale. Et Dieu sait s’il est important à l’heure actuelle – nous le mesurons chaque jour davantage – de mobiliser l’ensemble de nos concitoyens autour de la question climatique.
Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que la pérennité de ce site n’est pas menacée. L’évolution de ses fonctions pédagogiques et culturelles à l’égard du grand public contribue, au contraire, à sa valorisation.
Par ailleurs, il est prévu que le site pourra être utilisé, en tant que de besoin, pour tester des matériels en conditions extrêmes.
Si la réalisation sur place des prévisions météorologiques locales ne se justifie plus, c’est en grande partie en raison de l’évolution des métiers de la météorologie liée aux progrès scientifiques et technologiques de ces dernières décennies.
Les prévisions locales ne sont plus réalisées isolément sur la base d’observations in situ. Elles s’inscrivent désormais dans un système national d’observation et de prévision, mis en œuvre et piloté depuis un centre national situé à Toulouse, en Midi-Pyrénées.
Ces prévisions sont ensuite exploitées et adaptées au plan interrégional, puis déclinées au plan local, au travers de centres compétents pour un ou plusieurs départements.
Au sein de cette chaîne opérationnelle, le centre météorologique de Nîmes réalise l’ensemble des prévisions pour les départements du Gard et de la Lozère.
Le site du mont Aigoual n’est pas un maillon de cette chaîne de prévision, mais ses instruments d’observation n’en continueront pas moins d’alimenter la base de données nationale des observations météorologiques, qui nourrit le travail de prévision et forge la connaissance du climat des différentes régions de notre pays.
Concernant le bulletin téléphonique quotidien de prévision que vous évoquez, le site avait, par exception, conservé sa réalisation jusqu’en 2012.
Dans un souci de cohérence de son organisation interne, Météo France a réattribué cette mission au centre de Nîmes, qui en avait déjà la charge les week-ends pendant la période hivernale.
Monsieur le sénateur, soyez assuré de l’importance accordée par moi-même, à titre personnel et en tant que ministre de tutelle de Météo France, et par le Gouvernement à la protection des biens et des personnes et, donc, au maintien de la qualité des prévisions de Météo France.
Je sais plus que d’autres l’importance de ces prévisions pour les biens des personnes, et notamment des agriculteurs. Croyez en mon entier dévouement et en ma volonté que ce site de Météo France continue d’être un lieu important de votre région et de votre département.
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Monsieur le ministre, je vous remercie de la tonalité générale de votre réponse. Si je regrette le fait que la station du mont Aigoual n’émettra plus le bulletin météorologique, auquel les Gardois étaient très attachés, notamment dans cette zone géographique, je comprends les explications que M. le ministre a bien voulu me donner.
Pour l’avenir, je souhaite que le travail en cours entre Météo France et la communauté de communes de l’Aigoual, sur la restructuration du site et son confortement, soit accentué.
À cette occasion, monsieur le ministre de l’écologie, je me permets de vous inviter à la station météorologique du mont Aigoual. Vous avez, je le sais, un emploi du temps très chargé. Toutefois, votre présence, au cœur du parc des Cévennes, dans cette zone classée par l’UNESCO, permettrait de conforter les acteurs de terrain.
Cette zone, marquée par l’histoire, n’est pas quelconque. Les Camisards s’y sont battus pour la liberté de culte ; on y a résisté durant la dernière guerre. Permettez-moi d’insister et de renouveler mon invitation.
non-renouvellement de l'inspecteur des sites aude de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 486, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, ma question porte sur la situation du poste d’inspecteur des sites de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, la DREAL, dans l’Aude. Vous le savez, mon département est, en toute objectivité, un écrin aux multiples facettes, doté d’un patrimoine culturel et historique dense. C’est un territoire particulièrement riche dans ce domaine. Les acteurs audois mènent, depuis vingt-cinq ans, une démarche concertée pour développer une politique ambitieuse de mise en valeur de ces atouts.
Permettez-moi de donner quelques exemples. Le conseil général a créé le programme « Pays cathare » : les élus de l’ensemble des collectivités locales, les acteurs socioéconomiques, l’État ont travaillé main dans la main à la restauration et l’ouverture au tourisme de dix-neuf châteaux, abbayes et villages, à l’aménagement de deux sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, à la mise en valeur de l’ensemble monumental du Narbonnais.
Aujourd’hui, nous enclenchons de nouveaux projets : la labellisation de l’« Opération Grand Site » de Carcassonne, la revalorisation du canal du Midi, la mise en œuvre d’une nouvelle phase du programme « Pays cathare », une démarche de classement au patrimoine mondial de l’UNESCO de certains sites du pays cathare, pour ne citer que les principaux. L’Aude accueille chaque année 2,5 millions de touristes, la cité de Carcassonne demeure une destination prisée, qui dynamise l’ensemble de la destination « Aude Pays cathare ».
Nous sommes la porte d’entrée du sud de l’Europe pour 60 % des touristes. Vous comprendrez dès lors que ce secteur, qui crée un cercle vertueux, est pour nous primordial : en préservant le patrimoine, l’attrait touristique grandit, et engendre à son tour une activité économique dont nous avons bien besoin !
Aussi avons-nous eu, je dois le dire, monsieur le ministre, quelques frayeurs dans le courant du mois de juin dernier. Nous avons d’abord appris le probable non-renouvellement du poste d’inspecteur des sites de la DREAL pour l’Aude, puis la classification du poste comme non prioritaire. C’est d’ailleurs pourquoi l’ensemble des parlementaires et le président du conseil général s’étaient alors mobilisés auprès de votre ministère : nous ne pouvions pas concevoir de perdre l’inspecteur des sites ! Son absence aurait ralenti et menacé la dynamique impulsée par les élus audois, laquelle allie développement du territoire et maîtrise de son devenir. L’inspecteur des sites est pour nous un maillon essentiel de la chaîne. Il assure un suivi attentif des dossiers, accompagne et mène avec autant d’implication que nous les concertations et les projets, aussi bien au sein du département qu’auprès de l’administration centrale.
Des rumeurs nous laissent entendre que ce poste serait aujourd’hui placé au premier rang des postes à pourvoir, mais soumis à un gel de six mois. Ces nouvelles sont, je dois le dire, rassurantes, bien qu’elles actent une trop longue vacance !
Ma question est simple, monsieur le ministre : pouvez-vous aujourd’hui m’assurer et assurer à l’ensemble des élus de mon département que le poste d’inspecteur des sites de l’Aude sera pourvu, et ce aux dates prévues ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. L’Aude, que je connais bien, est l’un des départements les plus riches en biodiversité végétale de notre pays, avec un parc naturel régional – la Narbonnaise –, une réserve naturelle nationale et une réserve naturelle régionale, des grottes préhistoriques bien connues, des espaces naturels sensibles et un champ d’action étendu du Conservatoire du littoral.
Je connais l’implication des élus locaux, notamment du conseil général, pour protéger ces richesses. Je sais leur volonté de développer un tourisme durable et responsable sur ces sites.
J’apprécie et j’encourage leur action dans les projets très importants concernant notamment la cité médiévale de Carcassonne et le canal du Midi, que je connais bien en tant qu’élu midi-pyrénéen, tous deux inscrits au patrimoine mondial de l’humanité – nous allons agir bientôt concernant les platanes malades du canal –, ainsi que la démarche de classement au patrimoine mondial des sites cathares.
Dès lors, je comprends que la situation du poste d’inspecteur des sites du département de l’Aude à la DREAL de Languedoc-Roussillon vous préoccupe.
Je tiens à vous le confirmer, la suppression de ce poste n’est pas envisagée. Les règles qui encadrent la gestion des ressources humaines des services de l’État peuvent conduire à ne pas publier immédiatement un poste bientôt vacant.
Mais, je vous le redis, il n’est pas question de supprimer ce poste. Je puis vous confirmer que l’instruction, l’accompagnement et la gestion des dossiers du département de l’Aude comme l’Opération Grand Site de Carcassonne et le programme d’abattages et de replantations du canal du Midi font partie des priorités d’action de la DREAL et de mon ministère. À mes yeux, ils constituent même une priorité absolue.
Afin de poursuivre tous ces travaux et projets, les équipes de la DREAL, notamment les chargés de mission « sites et paysages », sont en capacité d’assurer les missions attendues jusqu’au remplacement – il aura bien lieu ! – de l’inspectrice des sites, qui interviendra début 2014.
J’espère, par ma réponse, avoir fait taire les rumeurs et apaisé vos frayeurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Rainaud.
M. Marcel Rainaud. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je ne peux que me réjouir de vous entendre dire objectivement, avec moi, toute la beauté et la valeur de mon département. (Sourires.)
Plus sérieusement, je suis heureux que vous souteniez les politiques qui y sont menées. C’est un soulagement de savoir que le poste de l’inspecteur des sites de l’Aude sera de nouveau occupé. Je suis heureux d’entendre que vous avez pris la mesure de son importance pour nous.
Vous me permettrez néanmoins d’ajouter, parce que l’argent ne fait pas le bonheur mais y contribue, que la DREAL de la région Languedoc-Roussillon et l’Aude auront besoin de financements importants pour assumer et concrétiser nos projets, qui pourraient se résumer en une phrase : nous voulons tendre vers l’excellence de qualité dans la valorisation des patrimoines bâtis et paysagers.
projet de décret « triman »
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, auteur de la question n° 507, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, j’appelle aujourd’hui votre attention sur le projet de décret relatif à l’étiquetage des consignes de tri, qui envisagerait l’apposition d’un nouveau logo, appelé « Triman », sur tous les emballages recyclables présents sur le marché français.
En effet, le système particulier du recyclage du verre, en place depuis les années soixante-dix, a largement démontré son efficacité et sa popularité auprès des consommateurs, puisque le verre, matériau utilisé notamment pour contenir un vin précieux, le champagne, si cher au département de la Marne, dont je suis l’élu, bénéficie d’un taux de recyclage de 84 %, contre 70 % pour la moyenne européenne.
Eh oui ! monsieur le ministre, la population française sait reconnaître et trier le verre en le disposant dans un contenant adapté.
Dès lors, pour les emballages en verre, l’apposition du logo « Triman » me semble inutile, sans compter qu’elle créerait pour toutes les entreprises des contraintes économiques supplémentaires, difficilement compatibles avec le choc de simplification des normes annoncé par le Président de la République.
Dans les conclusions du comité interministériel de modernisation de l’action publique du 17 juillet dernier, dont j’ai pris connaissance, il est indiqué que ce projet sera « simplifié afin de ne pas pénaliser les entreprises françaises par rapport à leurs concurrents européens ».
Il est également précisé que les modalités d’apposition du logo pourront être assouplies en cas de difficultés financières. Par exemple, il serait autorisé d’apposer le logo sur la notice ou sur l’emballage, et non directement sur le produit.
C’est une avancée, mais elle est insuffisante au regard des conséquences, en termes de compétitivité, d’une telle obligation d’étiquetage, notamment pour les entreprises, souvent des PME, produisant des vins et spiritueux.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de bien vouloir étudier une éventuelle exemption, pour les emballages en verre, du système d’étiquetage mis en place prochainement, appelé marquage ou logo « Triman ».
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, vous et moi avons quelques points communs : un âge identique et, lorsque j’étais un enfant, j’ai vécu dans votre département, que je connais donc bien et pour lequel je nourris quelque nostalgie. Mais tel n’est pas l’objet de votre question…
Parmi les enjeux de la transition écologique, il en est un tout à fait fondamental pour l’avenir de nos sociétés et l’avenir des générations futures : celui d’extraire le plus de valeur possible de nos ressources.
C’est ce que j’ai tenu à affirmer lors d’un déplacement que j’ai récemment effectué en Gironde, à l’occasion d’un forum sur l’économie circulaire.
La raréfaction des ressources étant une réalité, il est urgent d’agir.
Vous le savez, depuis le 20 août dernier, l’humanité a déjà épuisé toutes les ressources naturelles dont la planète peut disposer en un an. Depuis cette date, nous sommes entrés dans ce qu’on appelle une période de dette environnementale.
La France utilise un milliard de tonnes de matières chaque année et son taux d’utilisation de matières premières de recyclage se limite à 40 %.
La prochaine conférence environnementale, qui se tiendra les 20 et 21 septembre prochains, sera l’occasion de réaffirmer que nous devons passer d’une logique économique linéaire à une logique économique circulaire et, pour cela, prendre des mesures de sensibilisation de nos compatriotes, comme l’instauration du logo « Triman ».
De fait, monsieur le sénateur, nos points de vue divergent quelque peu sur cette question.
Les expérimentations existantes montrent qu’un tel affichage n’entraîne pas un surcoût, mais correspond à une demande des consommateurs.
Il convient de passer du stade de l’expérimentation à celui de la généralisation, de l’harmonisation des pratiques, afin d’améliorer encore les performances de tri des produits recyclables.
Le logo intitulé « Triman » va contribuer activement à la simplification du geste de tri. Il renseignera les consommateurs sur les produits qui ne doivent pas être jetés dans la poubelle des ordures ménagères résiduelles. Il permettra l’amélioration du rendement de la collecte et du traitement des déchets.
L’efficacité de ce dispositif dépend de l’effet d’une communication globale, d’une signalétique unique. J’entends les remarques que vous venez de formuler : c’est pourquoi il est important que le logo s’applique de manière cohérente à l’ensemble des produits recyclables, y compris les emballages en verre.
Je sais que le projet de décret le concernant suscite des interrogations de la part des entreprises. C’est notamment pour cette raison qu’il a fait l’objet d’une consultation directe d’une dizaine d’entreprises dans le cadre d’un « test PME ».
Les résultats de ce test viennent maintenant alimenter les discussions en cours pour la finalisation de ce texte. L’objectif, monsieur le sénateur, est bien de trouver un équilibre entre les dispositions demandées aux entreprises et l’enjeu essentiel d’amélioration du recyclage, dans une démarche d’économie circulaire.
La simplification du droit de l’environnement, vous avez raison de le dire, est une nécessité si nous voulons que nos entreprises aient la liberté de se développer. L’environnement, le tri, le recyclage sont une priorité pour nous.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, même si celle-ci ne me satisfait pas entièrement. Vous avez précisé que, sur le plan national, à peine 40 % des matériaux étaient recyclés ; s’agissant du verre, c’est plus de 84 % : cela montre bien qu’il existe déjà une véritable filière et qu’il n’est pas nécessaire de la pénaliser davantage avec ce décret.
protection du bois de vincennes en espace naturel
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 509, adressée à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
M. Christian Cambon. Monsieur le ministre, ma question porte sur la protection du bois de Vincennes en tant qu’espace naturel.
Ce poumon vert à l’est de Paris constitue, avec le bois de Boulogne, cher à notre présidente de séance, à l’ouest, les seuls véritables espaces verts à la disposition des habitants de Paris et de la banlieue.
Certaines grandes métropoles comptent de vastes espaces verts en leur centre – je pense notamment à Berlin, à Londres et à New York. Tel n’est pas le cas pour Paris. Aussi, ces bois ont une importance essentielle pour la qualité de vie dans notre région.
Leur gestion administrative dépend de la Ville de Paris, mais les communes riveraines, et bien au-delà, se sentent évidemment concernées par le devenir de ces espaces verts.
Or, malheureusement, et depuis des années – ces observations ne visent pas seulement l’actuelle municipalité –, nous assistons à une remise en cause de la vocation de ces bois, qui devraient être exclusivement réservés à la promenade, aux sports de plein air et aux activités de nature.
Malheureusement, des implantations successives d’établissements de toute nature viennent empiéter sur les espaces forestiers, au point que, dans le bois de Vincennes, près d’un tiers de la surface initiale a disparu. On le voit parfaitement sur Google Maps. Ainsi, 11 hectares ont été définitivement neutralisés pour accueillir la Foire du Trône et différents cirques, des installations militaires couvrent une partie substantielle du nord du bois et on y a même réalisé un centre de rétention des étrangers en situation irrégulière. Et voilà que le Conseil de Paris vient en plus de décider d’y implanter – ainsi que dans le bois de Boulogne – une aire d’accueil des gens du voyage !
Cette décision du maire et du Conseil de Paris a été prise sans aucune concertation avec les villes riveraines. Elle ne respecte pas la charte que nous avions signée avec le maire en 2003 sur l’aménagement durable du bois de Vincennes, laquelle stipulait notamment que celui-ci n’a pas vocation à servir de réserve foncière pour des projets qui ne sont pas en rapport strict et immédiat avec la qualité de ces territoires.
Certes, le Conseil de Paris a voulu remplir ses obligations au titre de la loi de 2000 relative à l’accueil des gens du voyage. Il est clair néanmoins que le choix de ce terrain ne correspond pas aux objectifs fixés par la loi puisqu’il n’y a dans le bois de Vincennes aucune école, aucun centre de santé, aucune structure sociale susceptibles de favoriser l’insertion de ces populations.
Pour répondre à ces objections, la Ville de Paris a proposé que les enfants des gens du voyage soient scolarisés dans le douzième arrondissement de la ville, à plus de trois quarts d’heure en navette de leur lieu de résidence.
C’est pourquoi les maires des communes riveraines du bois de Vincennes – Saint-Mandé, Saint-Maurice, Vincennes, Nogent, Joinville, Charenton – et les villes proches – Saint-Maur, Maisons-Alfort – se sont mobilisés pour empêcher cette nouvelle atteinte à l’intégrité du bois de Vincennes et protéger la vocation d’espace vert naturel essentiel aux populations de notre région.
La Commission supérieure des sites, perspectives et paysages de votre ministère, saisie à notre demande par l’un de vos prédécesseurs, avait rejeté à l’unanimité le projet de la Ville de Paris en novembre 2011. Des dizaines de milliers de protestations ont été recueillies pour contester cette décision incompréhensible.
Notre but n’est pas, en effet, de porter atteinte au droit légitime de ces populations. Chaque commune a le devoir, comme nous le faisons nous-mêmes, de prendre les dispositions nécessaires pour respecter la loi. Néanmoins, la protection d’un site naturel d’une telle qualité, essentiel à la santé et à l’épanouissement de nos populations, doit être assurée.
À cet égard, nous sommes nombreux à penser que, dans le cadre de la future métropole parisienne, l’organisation et le choix d’implantation d’aires de gens du voyage devraient relever de la compétence de la future métropole et non de décisions successives des élus, qui tendent à rejeter ce genre d’équipement le plus loin possible de leurs populations.
Aussi, monsieur le ministre, puisque la Ville prétend avoir remanié ce projet dans le bois de Vincennes, je vous demande de bien vouloir prescrire, comme la loi vous y autorise, l’examen de ce nouveau projet par la Commission des sites, que vous avez seul le pouvoir de convoquer.
Le bois de Vincennes, par son histoire, par son rôle essentiel, ne peut dépendre uniquement de la décision des élus et, quelque part, l’État est engagé et doit exercer sa responsabilité.
Monsieur le ministre, vous venez de prendre vos fonctions. Nous fondons beaucoup d’espoir sur vous et sur un examen objectif par vous de ce dossier. Vous avez le devoir d’être éclairé de manière neutre et je vous demande donc de bien vouloir me faire part des décisions que vous comptez prendre pour protéger l’un des espaces verts les plus importants de notre région.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je vous remercie des bonnes intentions que vous me prêtez, mais, je le crains hélas ! comme l’on dit souvent, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son propre détriment.
Vous avez déjà posé une question sur le même sujet, en avril 2013, au ministre de l’intérieur, qui vous a alors répondu.
S’agissant des éléments relevant de mon ministère, je peux vous indiquer qu’un premier projet avait, en effet, été présenté, le 17 novembre 2011, devant la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages, ou CSSPP, laquelle avait émis un avis défavorable sur l’opération proposée ainsi que sur celle, similaire, envisagée dans le site classé du bois de Boulogne.
Deux nouveaux projets ont donc été élaborés et présentés le 28 mars 2013 devant la commission départementale de la nature, des paysages et des sites de Paris.
Tenant compte de la nette évolution des propositions d’aménagement, cette dernière a émis un avis favorable sur les deux dossiers. En effet, les projets intègrent, dorénavant, pour ce qui concerne le projet situé dans le bois de Vincennes, la quasi-totalité de l’aire de stationnement et recompose un ensemble paysager procédant à une requalification et à une renaturation du plateau de Gravelle.
Par ailleurs, l’aire d’accueil pour les gens du voyage a fait l’objet de modifications substantielles, en particulier avec la réduction du nombre des constructions envisagées.
Les nouveaux projets avaient donc pris en compte les demandes exprimées par l’inspecteur général dans son rapport présenté devant la CSSPP en novembre 2011 et fait l’objet d’un avis favorable des instances locales.
Aussi, au vu des éléments que je viens de porter à votre connaissance, ma prédécesseur – et c’est une décision que j’assume – a autorisé, le 24 juin 2013, conformément aux dispositions de l’article L. 341–10 du code de l’environnement, les travaux d’aménagement paysager et l’installation d’aires d’accueil pour les gens du voyage dans le site du bois de Vincennes, ainsi que dans celui du bois de Boulogne.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Dans votre réponse, monsieur le ministre, vous vous en êtes tenu aux éléments juridiques et administratifs, je le regrette. En tant que nouveau ministre de l’écologie, vous auriez pu porter un jugement de fond quant à la nécessité de préserver ces bois.
Vous avez dit, à l’occasion d’une précédente question, que vous étiez un ministre dont le territoire d’origine était rural. Selon moi, vous ne saisissez peut-être pas tout à fait l’importance de réserver ces hectares des bois de Boulogne et de Vincennes à 8 millions d’habitants. Au fur et à mesure, la ville de Paris continuera à mettre dans le bois de Vincennes ce qu’elle ne veut pas accueillir sur son territoire. Je le déplore. Nous continuerons notre combat par d’autres voies.
proposition de réalisation d'infrastructures nouvelles en seine-et-marne
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la question n° 491, adressée à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le ministre, nous allons nous éloigner un peu plus de la couronne parisienne pour évoquer ce qui pourrait constituer le futur Grand Paris.
Vous n’êtes pas insensible au fait que les performances économiques des entreprises soient annihilées par la saturation totale des infrastructures de transport et que le mode de vie des habitants en pâtisse fortement.
S’agissant de l’A4, vous connaissez l’existence d’un futur projet Villages Nature. Si les travaux ne sont pas effectués, la saturation augmentera encore. Et je ne vous parle pas de la Francilienne, où le moindre incident suffit pour paralyser le déplacement de milliers de personnes pendant des heures. Voilà la réalité quotidienne que nous vivons en Seine-et-Marne !
Nous souhaitions depuis longtemps l’amélioration de la Francilienne, qui est à deux voies sur la plus grande partie, et la création d’une liaison multimodale, une quatrième voie rapide reliant l’A1 et l’A6.
La chambre de commerce et d’industrie de Seine-et-Marne a diligenté une étude extrêmement sérieuse – je suppose qu’elle vous a été envoyée par ladite chambre, mais je vous l’ai moi-même transmise – révélant que les performances économiques et naturelles engendrées par la réalisation de ces infrastructures seraient tout à fait positives.
Selon cette étude, les deux projets sont pertinents et financièrement responsables, puisque le délai de retour sur investissement, grâce à l’accroissement de valeur prévisible selon les hypothèses retenues, est d’un peu plus de deux ans pour la quatrième voie rapide multimodale d’Île-de-France, et d’un peu moins de deux pour l’aménagement de la Francilienne entre l’A1 et l’A6.
Monsieur le ministre, je n’attends pas que ces mesures soient inscrites dans le budget de 2004, mais si la population de notre département de Seine-et-Marne continue d’augmenter, nous devons, pour être économiquement attractifs, créer de nouvelles infrastructures. J’aurais pu aussi évoquer les infrastructures ferroviaires. Il y aurait en effet beaucoup à dire sur les difficultés rencontrées par de nos concitoyens pour utiliser notamment les lignes du RER.
Monsieur le ministre, la réalisation de telles infrastructures est-elle envisageable pour le Gouvernement ? Nous avons un schéma directeur de la région d’île de France, le SDRIF, mais il va encore évoluer, et il est absolument stratégique, en particulier pour le développement du département de Seine-et-Marne et de l’est parisien, de pouvoir désenclaver toutes ces zones.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Frédéric Cuvillier, qui est retenu à Strasbourg au Parlement européen et m’a chargé de vous répondre à sa place.
Vous avez souhaité appeler son attention sur les résultats de quatre études diligentées par la chambre de commerce et d’industrie de Seine-et-Marne au sujet d’infrastructures intéressant ce département, et plus particulièrement sur deux d’entre elles : le projet de quatrième voie rapide multimodale d’Île-de-France reliant l’A1 à l’A6 et le projet d’aménagement de la Francilienne entre l’A1 et l’A6.
Je tiens à vous le dire, Frédéric Cuvillier est à votre disposition pour confronter le résultat de ces études, qui n’ont jamais été officiellement transmises à ses services, avec les analyses et évaluations menées par les services du ministère.
Cependant, d’ores et déjà, compte tenu du coût des infrastructures que vous évoquez, les chiffres que vous annoncez soulèvent un certain nombre d’interrogations, notamment s’agissant du retour sur investissement. La confrontation des études avec les analyses et évaluations menées par le ministère permettrait sans doute de lever des ambiguïtés.
Par ailleurs, il ne me semble pas que la méthodologie utilisée donne sa juste place – vous comprendrez que ce point m’intéresse plus particulièrement – aux enjeux environnementaux, urbanistiques et de transition écologique et énergétique, notamment en termes de report vers les modes alternatifs à la route et de développement des transports collectifs, conformément aux orientations de l’actuel Gouvernement.
Au-delà, je rappelle que la liaison entre l’A1 et l’A6 s’effectue actuellement par le boulevard périphérique, l’A86 et la Francilienne. Compte tenu des phénomènes de saturation sur ces axes, qui sont bien réels, il avait été envisagé historiquement, dans le cadre du schéma directeur de la région d’Île-de-France, une quatrième rocade reliant ces autoroutes.
Le projet de schéma directeur approuvé par l’assemblée régionale d’Ile-de-France le 25 octobre 2012 a retenu l’aménagement du contournement de Roissy, de la liaison Roissy-Meaux, du contournement de Melun et de la RN 36 sous la forme de voies multimodales.
Ce schéma ne s’inscrit ainsi plus dans une logique de grande rocade autoroutière promouvant un objectif d’augmentation de la capacité autoroutière. Il s’inscrit en revanche dans une logique de projets réalisables de façon indépendante et progressive, destinés à améliorer les déplacements du quotidien.
Frédéric Cuvillier a bien conscience, je veux vous le dire en son nom, de l’intérêt que portent les élus locaux aux aménagements qui remplissent des fonctions d’évitement de l’agglomération francilienne et, pour les entreprises, vous en avez parlé, de compléments au maillage des voies structurantes de l’est francilien et de lien entre le nord et le sud de la Seine-et-Marne en desservant les ensembles urbains de Meaux, Sénart et Melun.
Ces projets seront réalisés de façon progressive dans le cadre des contractualisations entre l’État et les collectivités territoriales. En particulier, la réalisation du contournement de Roissy est inscrite à l’actuelle génération des programmes de modernisation des itinéraires routiers 2009-2014 pour un montant de 125 millions d’euros. La recherche des financements complémentaires nécessaires à l’achèvement de ces opérations sera à examiner dans le cadre de l’élaboration du prochain contrat de plan État-région, ou CPER.
Par ailleurs, les opérations d’aménagement et d’exploitation sur l’A86 et la Francilienne seront poursuivies pour en améliorer les performances. L’élargissement à 2x3 voies de la Francilienne entre l’A4 et la RN 4 est ainsi en cours de réalisation avec un premier tronçon complet entre l’A4 et la RD 361 qui doit être mis en service mi-2015.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je remercie M. le ministre d’avoir précisé toutes les infrastructures qui sont prévues. Mais ce ne sont que des bouts, et on attend toujours. La saturation est là, et on pense avoir réglé les problèmes dans vingt ans…
Monsieur le ministre, notre département est complètement saturé. Je suis bien évidemment d’accord pour qu’il y ait une alternative à la route, et qu’on ne réalise pas seulement des infrastructures routières, mais à condition d’effectuer les investissements nécessaires sur les infrastructures ferroviaires notamment, ce qui n’est pas toujours le cas. Lorsqu’on voit l’état de la ligne D du RER, par exemple, on ne peut pas être complètement satisfait.
La saturation tient aussi et surtout au transit européen : les camions qui viennent de l’Europe du nord ou de l’est prennent l’A86, la Francilienne, les périphériques. Ne serait-il pas opportun de construire une rocade multimodale plus à l’est afin d’éviter que tous ces déplacements ne se fassent en transitant par le noyau dur de l’agglomération ? Selon moi, une telle liaison mérite une étude.
Monsieur le ministre, je reprendrai contact avec les services de votre ministre délégué pour que nous puissions approfondir les éléments fournis par la chambre de commerce et d’industrie de Seine-et-Marne.
données issues du système de traitement des infractions constatées
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n° 458, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le ministre, voilà plus de dix ans, l’architecture de la politique de sécurité sur le plan local était revue en conférant au maire une prérogative de coordination jusqu’alors exclusivité de l’État.
Cinq ans plus tard, la loi relative à la prévention de la délinquance renforçait encore le maire comme acteur essentiel des politiques publiques locales en ce domaine.
Dans l’ensemble, les élus ont pris cette mission à bras-le-corps. Pour les villes les plus exposées, ils ont même acquis une réelle expertise. C’est aussi pour cela qu’ils aspirent à toujours plus de transversalité en conformité avec les textes et leur esprit.
Le code général des collectivités territoriales précise que le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, le CLSPD, « ... favorise l’échange d’informations entre les responsables des institutions et organismes publics et privés concernés, et peut définir des objectifs communs pour la préservation de la sécurité et de la tranquillité publiques… »
Nous sommes de plain-pied dans la coproduction de sécurité.
La vidéoprotection en est l’exemple le plus criant : la commune fournit police et justice. Mais il y a aussi d’autres outils tenant à la coopération : la cartographie de la délinquance se révèle être un outil stratégique préparant à une affectation optimale des moyens.
La répartition des actes de délinquance sur un territoire ne doit rien au hasard et sa prise en compte est une nécessité. Elle permet d’allouer les ressources opérationnelles de l’ensemble des partenaires, y compris ceux dont la sécurité n’est pas au cœur de la mission. Je veux notamment parler des bailleurs sociaux, de la prévention spécialisée et des services techniques des communes. In fine, la cartographie demeure le plus bel outil d’évaluation de l’action publique.
Pour autant, sa fabrication permanente exige une parfaite transversalité.
Alors que la plupart des villes sont dotées de logiciels cartographiques performants, vos services semblent être empêchés, monsieur le ministre, de fournir des données précises tirées du système de traitement des infractions constatées, le STIC. Pour des motifs dont je recherche encore la pertinence, la direction de la sécurité publique dans mon département du Gard – mais il semble que ce soit généralement le cas d’autres autorités – dit ne pas être autorisée à alimenter notre cartographie en données de localisation précises.
Les données du STIC sont pourtant précises à la rue près, mais ce n’est qu’à l’échelle de l’IRIS INSEE qui regroupe des îlots de 2 000 habitants que sont fournies ces données aux collectivités.
Si l’on peut convenir que la transmission de données soit strictement encadrée dès lors qu’il y a des mentions nominatives ou certaines mentions qualitatives, je m’interroge sur ce qui pourrait en l’espèce légalement entraver une telle transmission.
Monsieur le ministre, à l’heure où la contrainte sur les moyens oblige à leur optimisation, dans le climat actuel où l’efficacité des politiques publiques est une exigence que nos concitoyens jugent insatisfaite, je vous demande, dans le cas où aucun obstacle juridique majeur ne l’interdirait, de permettre la transmission aux maires et aux présidents de CLSPD de ces données précises. Je sais que vous êtes demandeur d’une implication totale des collectivités.
Pouvez-vous faire l’état du droit et vous engager, monsieur le ministre, sur cette demande ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité appeler l’attention du ministre de l’intérieur sur la transmission des données du STIC aux maires et aux présidents d’établissements publics de coopération intercommunale. Manuel Valls vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd’hui et m’a chargé de vous faire part de sa réponse.
Comme vous le savez, l’article 2 de la loi du 17 juillet 1978 dispose que les administrations sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande.
Les statistiques établies en matière de délinquance font l’objet d’une large diffusion. On peut citer notamment les sites internet du ministère de l’intérieur et de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.
Les données qui permettraient d’établir des cartographies plus fines, ce dont vous nous parlez, au niveau d’un quartier ou d’une rue, sont issues du STIC. Cet outil n’est pas adapté à de telles requêtes, qui nécessitent des paramétrages plus complexes. En outre, ces données sont utilisées par les services de police pour planifier leur travail et orienter leurs efforts en fonction de la délinquance connue sur un territoire, dans des conditions qui nécessitent, vous le comprendrez aisément, une grande confidentialité.
Pour l’ensemble de ces raisons, le ministre de l’intérieur n’envisage pas de diffuser les informations permettant de recenser précisément les lieux où sont commises les infractions.
C’est d’ailleurs précisément pour préserver la sécurité publique que la Commission d’accès aux documents administratifs a considéré que le nom des villes dont la police municipale n’a pas obtenu l’autorisation de détenir des armes de quatrième catégorie n’est pas communicable.
Cependant, comme vous l’avez souligné, une approche transversale entre les acteurs locaux est nécessaire. Le ministre de l’intérieur est, tout comme vous, monsieur le sénateur-maire, conscient du rôle des élus locaux dans la lutte contre la délinquance. Les dispositifs de partenariat existants, tels que le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, mais aussi les contacts informels, permettent aux responsables de la police et de la gendarmerie de communiquer régulièrement avec les élus locaux en termes de données relatives à la délinquance.
Telle est la réponse que Manuel Valls m’a demandé de vous fournir.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.
M. Jean-Paul Fournier. Je remercie M. le ministre de sa réponse, mais elle ne me satisfait pas.
Je suis maire d’une grande ville, et je pense que les maires font preuve de beaucoup de rigueur et sont capables de respecter la confidentialité. Aussi, c’est un manque de respect à l’égard des élus que nous sommes.
Aujourd’hui, dans ces grandes villes, on le sait, la criminalité est très présente. Si nous disposions de précisions rue par rue, cela nous permettrait, avec une police municipale importante comme celle de ma ville qui compte 160 policiers municipaux, d’aller un peu plus dans le détail concernant les délinquants.
Mme la présidente. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Consommation
Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la consommation (projet n° 725, texte de la commission n° 810, rapport n° 809, avis nos 792, 793 et 795).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, ce week-end, j’ai pris connaissance d’un sondage très proche de vos préoccupations : quelque 68 % des Français auraient une opinion négative de la société de consommation. Ce que nous indique une telle enquête d’opinion, à nous, représentants politiques, c’est que, face à une société de marché, les Français aspirent de plus en plus à une société de valeurs.
Les Français ne veulent pas seulement consommer, ils veulent consommer autrement. Ils veulent de plus en plus transformer l’acte de consommation en un geste citoyen, voire, pourquoi pas, en un geste politique.
À cet égard, le projet de loi que M. Hamon et moi-même présentons aujourd’hui au Sénat traduit une triple ambition.
Première ambition : engager une réforme structurelle des rapports économiques entre les agents, avec pour objectif de soutenir la consommation et le pouvoir d’achat des ménages. Pour les Français, l’économie, ce n’est pas le PIB, le taux de croissance ou les grands équilibres ; c’est le pouvoir d’achat de tous les jours, ce sont les petits chiffres de la vie quotidienne. C’est à ces chiffres-là que ce projet de loi répond.
Deuxième ambition : participer pleinement à la politique du Gouvernement pour le soutien aux petites et moyennes entreprises, en offrant aux fournisseurs et aux sous-traitants de nouveaux moyens de négocier à armes égales avec les grands donneurs d’ordre.
Troisième et dernière ambition : offrir au consommateur de nouveaux pouvoirs, et lui permettre ainsi d’exercer pleinement ce qui participe de la citoyenneté d’une société moderne, à savoir la citoyenneté économique. Le présent projet de loi ouvre aux Français de nouveaux droits, directement en lien avec leur vie quotidienne.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser mon collègue Benoît Hamon, qui a élaboré l’essentiel de ce texte – même s’il s’agit d’un travail interministériel –, présenter ses dispositions en détail, je reviendrai un bref instant sur ces trois ambitions.
Tout d’abord, il s’agit de soutenir la consommation et le pouvoir d’achat des ménages. (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.) Vous le savez, la consommation est l’un des éléments fondamentaux de la reprise économique naissante dans notre pays. Si nous avons enregistré, au deuxième trimestre 2013, une reprise, un rebond de l’activité de l’ordre de 0,5 %, c’est non seulement grâce à l’amélioration de la situation dans la zone euro, grâce à l’amélioration de la situation des entreprises, qui reconstituent leurs stocks, mais aussi et avant tout grâce à la solidité de la demande intérieure. À cet égard, le présent texte comporte plusieurs mesures directement favorables au pouvoir d’achat des ménages.
Ainsi, ce projet de loi contribue notamment à la lutte contre les rentes ou contre certains monopoles de situation. En termes simples, il existe dans notre économie des situations où le consommateur, ou bien la partie à un contrat, est en quelque sorte « captif » de cette relation : il est dans l’impossibilité de la faire évoluer ou tout simplement de la faire cesser, parce que les arrangements contractuels sont rigides ou non respectés. Notre objectif est donc bien de casser certaines rentes de situation pour les redistribuer aux ménages.
Je prendrai quelques exemples.
Grâce à ce projet de loi, les consommateurs pourront désormais résilier leurs contrats d’assurance en cours d’année. C’est une mesure qui est bonne pour la concurrence, bonne pour le pouvoir d’achat. Je précise d’emblée à ses détracteurs – je sais qu’ils existent – que nous n’allons pas ainsi encourager les Français à ne plus assurer leur véhicule ou leur habitation ! Toutes les dispositions sont prises pour éviter ces conséquences dommageables. Simplement, et on le comprendra aisément sur chacune de ces travées, un libre choix est offert par la loi.
La création de ce que l’on appelle le « fichier positif » constitue un autre exemple. Pour Benoît Hamon et moi-même, ainsi que pour le Gouvernement tout entier, il s’agit là d’un sujet majeur. En effet, ce fichier est l’un des piliers de la politique du Gouvernement contre le surendettement des ménages. Ce sera une conquête tout à fait majeure, une réalisation extrêmement importante. Mais ce sera également un instrument efficace pour stimuler la concurrence entre établissements financiers : ce fichier contribuera, j’en suis sûr, à ouvrir davantage à la concurrence le secteur du crédit à la consommation dans notre pays. Les consommateurs ne peuvent que bénéficier d’une telle mesure, et s’en féliciter.
Là aussi, je tiens à rassurer d’emblée certains ici : nous avons pris toutes les précautions nécessaires pour que ce fichier soit constitué dans le respect des libertés individuelles. Cela allait sans dire, mais cela va encore mieux en le disant, évidemment ! La création de ce fichier positif était un engagement fort du Gouvernement. Nous l’avons assumé lors des débats organisés, notamment, dans le cadre de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté. Parole tenue !
Par ailleurs, j’ai pris connaissance des amendements déposés par les membres de la Haute Assemblée : je constate avec plaisir que certains d’entre eux participent de cette ambition de rendre du pouvoir d’achat aux ménages. Je songe notamment à un amendement qui tend à permettre la libre commercialisation de certains produits sous monopole. Voilà une piste intéressante pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages, et dont vous aurez à débattre.
J’en suis convaincu, la lutte contre les rentes est un combat pour le pouvoir d’achat, donc un combat pour la majorité, mais ce doit être aussi un combat pour la Haute Assemblée tout entière !
Ensuite, le présent texte a pour ambition de soutenir les petites et moyennes entreprises françaises. À ce titre, il comporte plusieurs avancées importantes pour les PME. Il participera, à n’en pas douter, à un véritable rééquilibrage entre les grandes donneurs d’ordre et leurs fournisseurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs débutent en ce moment même. Chaque année, elles donnent lieu à des tensions, et parfois à des affrontements : vous le savez, pour l’éprouver au sein de vos territoires. Aussi souhaitons-nous, à travers ce texte, favoriser plus de solidarité économique au sein des filières et plus d’équilibre dans les relations commerciales.
Aujourd’hui – pourquoi ne pas le dire, puisque c’est la vérité ? – des pratiques abusives persistent. Par exemple, certains distributeurs refusent de répercuter les hausses de prix demandées par les industriels qui finissent étranglés par de fortes augmentations des prix des matières premières, dans les secteurs du lait, de la confiserie, ou de la charcuterie, notamment. Ce projet de loi impose donc à la grande distribution – entre autres ! – une clause de renégociation obligatoire des prix dans les contrats portant sur certains produits alimentaires, afin de faire face à la volatilité des prix des matières premières.
L’idée est la même : éviter que de petites structures, notamment des PME de taille modeste, dont le pouvoir de négociation est limité, ne se voient imposer des contrats léonins qui déséquilibrent profondément les relations économiques. Il s’agit là d’un combat à la fois économique et de justice !
Au demeurant, l’équilibre des relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs est une préoccupation constante du Gouvernement, au-delà même du champ du projet de loi que vous examinez aujourd’hui.
Il y a quelques semaines, certaines fédérations professionnelles ont alerté le Gouvernement et le médiateur inter-entreprises quant à la captation abusive du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, par de gros acheteurs. Ces derniers exigeraient de leurs fournisseurs qu’ils en répercutent directement les bénéfices sur leur politique de prix. J’ai immédiatement réagi, de même qu’Arnaud Montebourg, et écrit à l’ensemble des fédérations professionnelles. Par ailleurs, mes services ont largement communiqué aux entreprises les voies de recours qui leur sont ouvertes.
Je le dis à cette tribune : en la matière, nous ne tolérerons aucun abus, aucun excès de position dominante, aucune forme de racket ! Ces difficultés constituent certes un phénomène marginal, mais nous n’en serons pas moins parfaitement intraitables sur le sujet !
Cela étant, l’examen par le Sénat sera sans doute l’occasion d’aller encore plus loin. À cet égard, je tiens à saluer, en toute objectivité, le rapport que l’un des rapporteurs, Martial Bourquin, a remis avant l’été au Premier ministre, consacré aux relations de sous-traitance.
Monsieur le sénateur du Doubs (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), les conclusions de votre rapport, qui seront transposées dans le cadre de l’examen par le Sénat du présent projet de loi, seront l’occasion d’avancées majeures, notamment pour une meilleure organisation des rapports entre filières.
En outre, je suis convaincu que nous pouvons réaliser, ensemble, des progrès essentiels dans la lutte contre les délais de paiement. Il s’agit là d’un combat microéconomique essentiel : dans notre pays, 10 milliards d’euros peuvent être rendus aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI. Toutefois, veillons à éviter de fragiliser des secteurs entiers par des évolutions trop massives de la réglementation. Sur ce sujet, je m’en remets sans la moindre crainte à la sagesse de la Haute Assemblée. J’en profite pour remercier également M. Fauconnier ainsi que l’ensemble des rapporteurs pour avis de leur travail constructif sur ce texte.
Enfin, troisième ambition, le présent projet de loi a pour but de donner de nouveaux droits aux consommateurs. En effet, il fait des consommateurs des acteurs de la relance, par la confiance, sans laquelle l’économie n’est rien. C’est une évidence, les ménages sont d’autant plus enclins à consommer que le cadre contractuel dans lequel ils s’engagent est transparent et leur assure des voies de recours efficaces. En clair, ce projet de loi garantit aux citoyens une information effective et engage l’État à leur côté pour restaurer leur confiance et leur permettre de consommer.
C’est cette volonté de conférer de nouveaux pouvoirs aux consommateurs et d’atteindre un juste équilibre dans les relations économiques qui sous-tend la mesure phare du texte : l’action de groupe. Il ne s’agit pas là, bien entendu, d’ouvrir la boîte de Pandore et de susciter des comportements de chasseurs de primes. Aussi le présent texte pose-t-il plusieurs garde-fous pour que les dérives constatées dans d’autres pays, que nous avons tous à l’esprit et qui feraient sourire si elles n’emportaient parfois de graves conséquences pour les entreprises, n’apparaissent pas en France.
Pour autant, ce n’est pas une action de groupe pâlichonne ou délavée que nous proposons ici : c’est une véritable conquête démocratique, une avancée essentielle qui fait de ce projet de loi un texte extrêmement important. D’autres, avant nous, avaient promis cette mesure, sans jamais la mettre en œuvre. C’était l’un des engagements de campagne de François Hollande lorsqu’il était candidat à l’élection présidentielle, et c’est sous sa présidence, sous ce gouvernement, que cette réforme voit le jour.
Je m’en tiendrai là. Je signale simplement que ce projet de loi a été élaboré dans un esprit de concertation, sous la houlette de Benoît Hamon, qui s’est énormément investi, et dans un souci constant de privilégier le consensus. Ce texte est le résultat, non d’une visée idéologique – cela ne l’empêche pas d’être étayé par des idées et par une volonté politique ! – mais bel et bien d’une construction pragmatique et ambitieuse.
Ce texte est le fruit de plusieurs mois de travaux avec les associations de consommateurs et les représentants des entreprises, permettant d’atteindre le juste équilibre indispensable pour chaque mesure.
Ce projet de loi est au surplus pleinement assumé au niveau politique : nous savons tous à quel point certains lobbies se sont déchaînés contre ce texte, mais Benoît Hamon et moi-même avons pris nos responsabilités. Je réfute en bloc l’accusation, fausse, selon laquelle ce projet de loi serait « anti entreprises » ou nuirait à l’activité. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) On me reproche même parfois l’inverse,…
M. Raymond Vall. C’est vrai !
M. Pierre Moscovici, ministre. … c’est-à-dire d’être trop « pro entreprises » ou « pro activité ». Non ! Nous avons la volonté de faire en sorte que, dans notre pays, les PME puissent agir en liberté, dans la concurrence et avec efficacité. (M. Alain Bertrand acquiesce.) Dans cette perspective, le présent texte fixe des règles justes.
Je donne rendez-vous dans quelques années aux détracteurs de ce projet de loi : comme souvent, ils pourront constater, après coup, à quel point il s’agissait d’une réforme structurante et importante.
Mesdames, messieurs les sénateurs, au total, je suis persuadé que le projet de loi qui vous est aujourd’hui présenté est un texte marquant, un texte majeur du début de ce quinquennat.
Pour conclure en élargissant quelque peu la focale, je souligne qu’il ne s’agit pas seulement d’un projet de loi pour les consommateurs, d’un projet de loi destinée à lutter contre certaines rentes. Ce texte ne se résume pas à ses mesures phare – même si chacun songe évidemment à l’action de groupe ou au fichier positif. Non, ce projet de loi est bien au-delà un texte politique, un texte sur la liberté. Voilà pourquoi il mérite à la fois l’approbation de la majorité et l’attention de l’ensemble de la Haute Assemblée, qui, j’en suis sûr, contribuera, comme elle le fait toujours, à le perfectionner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe écologiste.) .)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement de l’intervention de Pierre Moscovici, je récapitulerai les grands axes du présent projet de loi.
M. le ministre de l’économie et moi-même avons eu l’honneur de présenter ce texte en conseil des ministres le 2 mai dernier, de le défendre ensemble devant l’Assemblée nationale en juillet, puis devant la commission des affaires économiques du Sénat, avant que nous ne prenions les uns et les autres quelques vacances.
À ce titre, le Gouvernement n’est pas parti de rien : il s’est fondé sur le travail considérable accompli par le mouvement consumériste lui-même, par bon nombre de fédérations professionnelles, qui se préoccupent aujourd’hui des conditions dans lesquelles il est possible de soutenir la demande et la consommation dans notre pays, mais aussi – et je commencerai par là – par la Haute Assemblée.
De fait, le Sénat nous avait laissé un texte, à savoir le projet de loi défendu par mon prédécesseur, Frédéric Lefebvre (Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois acquiesce.), qu’il avait considérablement amendé. C’est sur cette base que nous avons travaillé.
Je le répète, nous ne partons pas de rien. Sur un certain nombre de points, nous prolongeons un travail parlementaire antérieur dont nous n’avons pas l’ambition de faire table rase. Certains sujets avaient été amplement défrichés par le précédent gouvernement, puis par les assemblées, dont le Sénat. C’est pourquoi je tiens à saluer le travail important effectué par votre collègue Richard Yung et par votre ancien collègue M. Laurent Béteille, même si des divergences existent sur certains points de procédure, en particulier au sujet de l’action de groupe. Leur rapport nous a largement inspirés au moment de construire la charpente de ce texte sur la consommation.
En plusieurs points, ce projet de loi prend la suite de combats anciens menés par certains d’entre vous. Je pense en particulier à Mme Valérie Létard, à propos du registre national du crédit aux particuliers, et à M. Martial Bourquin, concernant les délais de paiement ou les évolutions à venir en matière de relations entre les entreprises, rendues possibles par l’aménagement de la loi de modernisation de l’économie, la LME. Ce texte, à bien des égards, s’inspirait beaucoup de vos réflexions, avant même de vous être soumis.
Je voudrais saluer tout particulièrement l’excellent travail mené avec la commission des affaires économiques sous l’égide de son président, M. Daniel Raoul, ainsi que la très fructueuse collaboration avec les deux rapporteurs au fond, MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier et, bien entendu, les rapporteurs pour avis, Mmes Nicole Bonnefoy, pour la commission des lois, et Michèle André, pour la commission des finances, ainsi que M. Jean-Luc Fichet, pour la commission du développement durable, à qui j’adresse mes amitiés tout particulièrement.
On distingue dans ce texte quelques grands blocs ; je vais les reprendre devant vous.
Le premier d’entre eux marque la volonté du Gouvernement de lutter contre les rentes économiques. À cette fin, nous avons décidé de créer une procédure d’action de groupe, procédure dont on dit qu’elle est « à la française », comme il est bien normal, puisqu’elle sera votée par le législateur français et qu’elle s’inscrit dans notre droit et dans notre tradition, avec pour objectif de réparer les préjudices économiques qui touchent des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de consommateurs. Il s’agira d’un instrument précieux de lutte contre la rente économique.
La même ambition nous conduit à autoriser, demain, le consommateur français à résilier plus facilement son contrat d’assurance, dès le terme de la première année. Cette disposition a suscité beaucoup de débats, mais, aujourd’hui, le marché est lui-même en train de répondre à cette préoccupation et, sans doute, de valider notre intuition.
La lutte contre la rente économique se traduit également dans les acquis de la discussion parlementaire à l’Assemblée nationale. Un service d’aide à la mobilité bancaire a ainsi été créé, et la réflexion a été engagée sur la question de la portabilité du numéro de compte, prolongement des acquis du mouvement consumériste concernant la portabilité du numéro de téléphone. J’espère que nous l’enrichirons ensemble.
Le deuxième bloc touche à l’information du consommateur. Dans les relations économiques entre le professionnel et le consommateur apparaît en effet une asymétrie d’information qui rend difficile, pour ce dernier, l’exercice effectif de ses droits, quand ils existent.
L’amélioration de l’information du consommateur trouve plusieurs traductions ici : la garantie légale, les indications géographiques protégées, ou IGP, le « fait maison », ainsi que l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés, qui sera probablement, grâce au rapporteur Alain Fauconnier, un des points forts de ce texte.
La volonté de renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique constitue le troisième bloc. Cela passe par une augmentation du quantum des peines, pour rendre les peines et les pénalités proportionnelles au montant des bénéfices indus réalisés par ceux qui, trichant délibérément, trompent le consommateur. Il s’agit également de travailler sur une distribution plus responsable du crédit, par la création du registre national du crédit, impliquant ainsi plus profondément la société de crédit et un peu moins le client, qui restera tout de même responsable.
Enfin, j’évoquerai rapidement, après Pierre Moscovici, les blocs consacrés au crédit et au rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises. Le passage d’un régime de sanctions pénales à un régime des sanctions administratives vise à améliorer l’effectivité de la loi, notamment en ce qui concerne les délais de paiement. Nous cherchons également à garantir les conditions, le cas échéant, d’une renégociation des prix lorsque le prix des matières premières a particulièrement augmenté.
Pour ce qui est du premier bloc, la lutte contre la rente économique, l’un des grands acquis de ce texte, si vous le votez, sera probablement la création d’une action de groupe en France.
Cette disposition est une Arlésienne du débat politique : on en discute depuis plus de vingt ans ! Nous devons incontestablement à l’activisme de quelques parlementaires que cette idée, qui figure dans tous les programmes présidentiels, celui de Jacques Chirac, celui de Nicolas Sarkozy, comme celui de François Hollande, voie enfin le jour et offre aux consommateurs français une voie de recours collectif pour les cas de préjudices économiques.
Nous avons souhaité une procédure simple, concentrée, à cette étape, sur les préjudices économiques. Dans ce projet de loi, elle ne sera pas ouverte aux champs de la santé et de l’environnement. Je rappelle toutefois que Mme la ministre de la santé et des affaires sociales a d’ores et déjà annoncé sa volonté de proposer, au début de l’année 2014, une procédure d’action de groupe dédiée aux questions de santé, à l’évidence différente de la procédure, plus simple, que nous allons créer ici. En effet, il s’agit d’obtenir réparation d’un préjudice économique dont on peut facilement déterminer le montant, ce qui, pour un préjudice corporel, suppose un travail plus lourd d’expertise individuelle des dommages corporels subis par telle ou telle personne ; on pense, par exemple, à la consommation de certains médicaments qui ont fait l’actualité récente.
Nous vous proposons aujourd’hui, en quelque sorte, le premier étage de la fusée, consacré aux préjudices économiques, c’est-à-dire aux conséquences de pratiques anticoncurrentielles. Je vous rappelle qu’en France, jusqu’à maintenant, ceux qui se rendaient coupables de pratiques anticoncurrentielles devaient payer une amende, à laquelle ils consentaient, mais n’indemnisaient jamais les victimes de leurs pratiques, quand bien même on estime à 20 %, pour les consommateurs, le surcoût engendré sur le marché par ces pratiques. Permettre, demain, que le consommateur soit indemnisé du préjudice économique qu’il a subi constitue ainsi une avancée considérable.
Il s’agit donc, selon nos vœux, d’une procédure simple. L’action sera introduite par l’une des seize associations de consommateurs, ce qui soulagera le consommateur, qui n’aura pas à engager les frais ni à dépenser l’énergie nécessaires pour obtenir réparation du préjudice qu’il aura subi. Il reviendra au juge de fixer le montant de la réparation, les modalités de la liquidation, donc de la réparation et, le cas échéant, les modalités de publicité de sa décision.
L’Assemblée nationale a souhaité améliorer encore ce texte, et a proposé d’accélérer cette procédure en permettant, notamment, l’exécution provisoire, dès la première instance, de l’action de groupe, dans le champ des pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une avancée importante, mais nous restons attachés à ce que l’action ne puisse être introduite qu’une fois la décision de l’Autorité de la concurrence devenue définitive. Nous entendons ainsi éviter le risque de créer une situation où, comme dans un cas sur dix quand une décision de l’Autorité de la concurrence est remise en cause, le consommateur ayant perçu une indemnisation devrait la rembourser, ce qui poserait d’importantes difficultés.
L’Assemblée nationale a également souhaité mettre en place une procédure de liquidation accélérée de l’action de groupe, notamment dans les nombreuses situations où l’on connaît à l’avance le fichier des clients concernés. Il est alors inutile de recourir à la publicité afin d’identifier ces derniers. Un simple courrier, ou un message électronique, leur permettra de se signaler et de s’agréger aux autres afin d’être indemnisés.
Je le répète, permettre à des consommateurs, qui ont parfois le sentiment d’être les dindons de la farce face à de grands groupes, d’obtenir réparation du préjudice économique qu’ils ont subi constitue un progrès démocratique extrêmement important. Ce préjudice peut ne représenter que quelques euros comme il peut se chiffrer en centaines, voire en milliers d’euros dans un certain nombre de contrats, qui seront détaillés durant le débat.
Cette mesure est capitale pour faire en sorte que, demain, le bouclier du droit français protège efficacement le consommateur français. J’espère que notre discussion sera riche et qu’elle trouvera son aboutissement, sur ce sujet, dans le soutien du Sénat.
Je voudrais revenir sur d’autres dispositions visant également à lutter contre la rente économique. La première concerne les assurances. Que n’ai-je entendu, quand nous avons voulu mettre en place le principe de la résiliation du contrat d’assurance au-delà d’un an, à la date souhaitée par le consommateur ! On nous a dit que cette procédure entraînerait des frais de gestion considérables, qui auraient comme conséquence de faire augmenter le prix des assurances.
Pourtant, dès maintenant, anticipant à bien des égards la mise en œuvre de cette loi, qui va introduire de la fluidité dans le marché, un certain nombre de grands assureurs mutualistes, que je salue, ont décidé de faire baisser le prix de l’assurance automobile et demain, j’espère, de l’assurance multirisque habitation.
Savez-vous que ces dépenses obligatoires atteignent 5 % des dépenses des ménages ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-François Husson. Et pour l’énergie, que proposez-vous ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Voilà le coût de la multirisque habitation, auxquels s’ajoute le coût de l’assurance automobile. Or il existe aujourd’hui des clientèles captives. Nous nous proposons donc de favoriser davantage la fluidité sur ces marchés. (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)
M. Jean-François Husson. Vive le marché !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. En effet, la fluidité, et je suis heureux de l’apprendre à un certain nombre d’entre vous, renforce la concurrence sur ces marchés, et fait parfois baisser les prix ! (Exclamations renouvelées sur les travées de l'UMP.) Oui, c’est moi qui vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, et je suis heureux de confirmer devant vous ce principe de l’économie moderne !
M. Jean-François Husson. C’est une révolution ! (Sourires.)
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cela étant, les assureurs, soucieux de maintenir leurs revenus, n’ont pourtant pas souhaité nous soutenir dans cette voie. Ils se sont tous regroupés pour dire que les prix allaient augmenter, mais le fait que ceux-ci baissent en réalité indique d’ores et déjà que l’intuition du Gouvernement était sans doute juste.
Cette mesure, en tout cas, est soutenue par 90 % des Français interrogés à son sujet.
M. Roland Courteau. C’est évident !
Mme Catherine Procaccia. Demandez-leur aussi s’ils soutiennent l’augmentation de leurs impôts !
M. Jean-François Husson. Assumez !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous engage donc à vous mettre au diapason de l’opinion publique française sur ce point !
La troisième mesure sur laquelle le Gouvernement engage le débat, dans le sillage de l’Assemblée nationale, est l’aide à la mobilité bancaire. Il s’agit de permettre à un consommateur qui le souhaite de changer plus facilement de banque. Dans la réalité, quand vous souhaitez changer de banque, vous êtes confrontés à la difficulté de devoir modifier tous vos virements et tous vos prélèvements, et la tâche ne vous est pas rendue très aisée par la banque que vous quittez, même si celle que vous lui avez préférée vous assiste peut-être un peu plus.
L’Assemblée nationale a permis la création d’un service gratuit d’aide à la mobilité bancaire, afin de faciliter la circulation du client d’une banque à une autre, de mieux faire jouer la concurrence et, ainsi, dans la ligne des dispositions de la loi bancaire visant à la réduction des frais, de permettre une nouvelle diminution des frais dus aujourd’hui par les détenteurs de compte en banque dans notre pays.
Nous avons voulu que cette mobilité bancaire s’accompagne d’une réflexion sur la portabilité du numéro de compte. On peut imaginer qu’en France, sous réserve, évidemment, d’une investigation technique, un numéro de compte soit attaché à une personne, de sorte que l’on puisse passer d’une banque à une autre en le conservant. Cela permettrait de circuler plus facilement entre les établissements et ainsi, là encore, d’améliorer la fluidité du marché, à l’avantage du consommateur.
La réflexion est en cours et nous avons souhaité qu’elle se prolonge. Nous voulions nous garder de légiférer trop tôt, parce que nous ne disposons pas aujourd’hui de l’expertise technique suffisante pour confirmer cette intuition, ou l’infirmer si nous devions conclure que ce qui a donné des résultats dans la téléphonie ne serait pas applicable à la banque.
Il s’agit, là encore, de lutter contre la rente, qu’il s’agisse de banque, d’assurances ou de pratiques anticoncurrentielles, avec pour objectif de favoriser la fluidité du marché.
Le deuxième bloc de propositions du Gouvernement tend à une meilleure information du consommateur. Nous avons ainsi décidé d’augmenter ce que l’on appelle la durée de la présomption d’antériorité de défaut : elle était de six mois ; le Gouvernement l’avait, dans son projet de loi initial, portée à un an, l’Assemblée nationale l’a fixée à dix-huit mois et je sais que des amendements ont été déposés qui envisagent de la prolonger jusqu’à deux ans, c’est-à-dire de l’aligner sur la durée des garanties légales. Nous sommes ouverts à ce débat.
J’insiste également sur une mesure importante de ce texte, à laquelle je suis très attaché, qui entend favoriser la réparation des biens au moment où l’on fait jouer la garantie légale.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quand un bien électroménager, par exemple, ne fonctionne plus, nous souhaitons encourager sa réparation plutôt que son échange et son remplacement. Cette pratique développera des emplois sur place, non délocalisables, et sera ainsi favorable à notre tissu d’entreprises, en même temps qu’elle sera beaucoup plus respectueuse de l’environnement et du développement durable. Cette orientation découle tout à la fois des engagements pris par le Gouvernement en matière de protection de l’environnement et du travail effectué par le groupe Europe écologie-Les Verts, dans le domaine de la lutte contre l’obsolescence programmée, que je salue.
Cette question a déjà été débattue en commission, ainsi qu’à l’Assemblée nationale ; elle fait actuellement l’objet de nombreuses réflexions. En ce qui nous concerne, nous avons voulu, non seulement ouvrir un débat, mais commencer à apporter des réponses.
Une autre mesure, qui sera portée par ma collègue Sylvia Pinel, consiste à créer des indications géographiques pour les produits manufacturés. À n’en pas douter, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous peut avoir à l’esprit telle ou telle production qui, liée à son territoire, souffre de la concurrence, dans certains cas déloyale, d’acteurs parfois extérieurs à la France, voire à l’Union européenne : Quimper et ses faïences, Limoges et sa porcelaine, Laguiole et ses couteaux, et bien d’autres. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Le Gouvernement propose d’étendre aux produits manufacturés un dispositif qui fonctionne dans l’alimentation et l’agriculture, avec les AOC et les IGP. En distinguant ainsi la qualité du made in France, liée à des territoires, nous donnerons à nos PME et à nos artisans les moyens de lutter à armes égales contre des acteurs qui leur font une concurrence déloyale, et qui parfois envahissent nos marchés au détriment des productions locales. L’indication géographique protégée sera, pour nos entreprises, l’instrument de la reconquête de l’emploi et des marchés !
Par ailleurs, l’examen du projet de loi au Sénat marquera peut-être un progrès très important de la transparence en ce qui concerne la traçabilité des produits entrants dans la composition des plats préparés.
La semaine dernière, je me suis rendu à Bruxelles en compagnie des sénateurs Jean Bizet, Anne Emery-Dumas et Leila Aïchi, ainsi que de cinq députés. En effet, j’avais proposé au Sénat et à l’Assemblée nationale de constituer une délégation française composée de membres du Gouvernement, mais aussi du Parlement – chose assez rare, m’a-t-on dit à Bruxelles. Nous nous sommes entretenus avec M. Borg, commissaire chargé de la protection des consommateurs, des conséquences que, à nos yeux, l’Europe doit tirer de l’affaire dite « de la viande de cheval ».
L’objectif est, je crois, partagé sur la plupart des travées : que le consommateur dispose demain de la même information lorsqu’il achète un plat préparé contenant de la viande et lorsqu’il achète de la viande fraîche – en réalité, du bœuf, même si la législation européenne va étendre à la volaille, au porc et aux petits ruminants l’obligation d’indiquer, pour la viande fraîche, le lieu où l’animal est né, celui où il a été élevé et celui où il a été abattu.
Au cours de cet entretien, M. Borg nous a présenté l’état du droit européen ; incontestablement, il faut faire évoluer le règlement « INCO », en vertu duquel il n’est pas obligatoire que l’étiquetage des plats préparés comporte l’indication de l’origine de la viande. M. Borg nous a confirmé que le nombre des États et des parlements favorables à cette position augmentait et que la France, Parlement et exécutif réunis, avait joué un rôle important pour faire bouger les lignes.
Dans ces conditions, le Gouvernement se déclare prêt à examiner tout amendement tendant à inscrire d’ores et déjà dans la loi française, dans le respect des règles européennes à venir, le principe de l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés – je sais que M. le rapporteur Alain Fauconnier a beaucoup travaillé sur ce sujet. La Françe serait ainsi le premier pays à inscrire dans sa loi ce progrès essentiel en matière d’information du consommateur.
Ce progrès fait suite à l’élévation par le Gouvernement du niveau des sanctions, afin de le proportionner à la tromperie commise. Je vous rappelle que nous avons également mis sous surveillance la filière « viande » et la filière « poisson », avec des tests particulièrement drastiques, pour éviter que ne se renouvellent les mauvaises surprises des mois passés.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures du projet de loi qui touchent à l’information des consommateurs.
Le Gouvernement entend aussi renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique, notamment en ce qui concerne l’effectivité des règles.
Pour le dire rapidement, bon nombre de PME se plaignent du fait que, en raison du déséquilibre des forces dans la négociation avec la grande distribution, elles ne sont pas toujours en mesure de faire respecter leurs droits. Parce que nous voulons que ces droits soient parfaitement respectés, nous proposons de doter la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de pouvoirs accrus, notamment par la mise en place d’un régime de sanctions administratives qui lui permettra de poursuivre beaucoup plus facilement les contrevenants.
Nous proposons également de permettre aux agents de cette administration d’agir sous l’uniforme du « client mystère », c’est-à-dire d’aller au terme d’un acte d’achat, de manière à débusquer ceux qui cherchent à abuser des consommateurs vulnérables. Cette action est particulièrement nécessaire dans le domaine du commerce en ligne, car des pratiques tout à fait scandaleuses se développent sur l’Internet, contre lesquelles nous voulons lutter plus efficacement.
Je le répète : nous augmenterons le quantum des peines pour qu’elles soient mieux proportionnées au niveau des bénéfices indûment réalisés par les entreprises qui ne respectent pas le droit.
J’évoquerai, pour finir, les deux derniers blocs du projet de loi.
En premier lieu, nous souhaitons une distribution plus responsable du crédit pour lutter contre le surendettement. Mesdames, messieurs les sénateurs, songez que 200 000 dossiers de surendettement supplémentaires sont déposés chaque année ! Or nous avons constaté que, dans 87 % des cas, le crédit à la consommation est impliqué, tandis que seuls 4 % des dossiers sont liés uniquement au crédit immobilier.
C’est pourquoi nous voulons mettre en place un registre national des crédits aux particuliers, concentré sur la population qui recourt au crédit à la consommation et parfois bascule dans le surendettement après avoir acheté le crédit de trop, ce crédit qui sert non pas à acheter un bien, mais à payer un loyer, des factures, ou à préparer une rentrée scolaire. Or les crédits à la consommation ont été pensés pour soutenir la consommation des biens dans notre pays.
Le Gouvernement a travaillé avec le Conseil d’État, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, mais aussi avec le Sénat et l’Assemblée nationale, pour concevoir un registre national du crédit qui soit proportionné à l’objectif qui est le nôtre : il s’agit non pas d’éliminer le surendettement, mais d’en finir avec la solvabilité factice de centaines de milliers de familles françaises, sur laquelle prospèrent un certain nombre d’établissements de crédit.
Aujourd’hui, il est juste que ces établissements soient davantage responsabilisés. Sans doute, tous n’en sont pas contents ; ils ont participé au débat avec vigueur, et je les en remercie. Reste que l’engagement pris par le Premier ministre à la suite de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale est, à mes yeux, un engagement fort, puisqu’il permettra de vérifier la solvabilité d’un client désireux d’acheter un crédit à la consommation, évitant ainsi à la personne le crédit de trop dont je parlais.
Dans le domaine du surendettement, d’autres mesures ont été adoptées par l’Assemblée nationale, comme la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de désendettement des ménages. Je sais que Mme la rapporteur pour avis de la commission des finances, Mme André, souhaite que le projet de loi soit amendé sur ce point ; nous aurons l’occasion d’en débattre.
L’Assemblée nationale a aussi réduit à un an, au lieu de deux, la durée d’inactivité au terme de laquelle un crédit renouvelable est automatiquement clos. Cette mesure permettra de supprimer environ 8 millions de crédits renouvelables. Mises à la disposition d’un certain nombre de familles, souvent associées à une carte de fidélité, ces réserves d’argent, en période de crise, peuvent susciter des tentations. Quand elles servent d’appoint dans une situation difficile, ou pour un investissement, c’est bien ; mais, en cas de difficultés durables, elles peuvent aussi enclencher la spirale du surendettement.
En second lieu, nous voulons un rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises – Pierre Moscovici a insisté sur cet aspect du projet de loi et je n’y reviens pas longuement.
En particulier, une clause de renégociation est prévue lorsque le prix des intrants, lui-même lié au prix des matières premières, évolue brutalement. Nous rappelons aussi que les conditions générales de vente doivent être la base de la négociation entre la grande distribution et les fournisseurs. En clair, les commandes doivent être passées au prix convenu et la négociation doit être transparente. Nous avons beaucoup travaillé avec Martial Bourquin pour que ces dispositions correspondent aux besoins des PME.
En fin de compte, mesdames, messieurs les sénateurs, il est incontestable que ce projet de loi contient des avancées. En tout cas, il rompt avec la prétendue liberté de la fameuse poule dans un poulailler où vagabonderait un renard libre ; nous ne croyons pas à ce mythe-là !
C’est pourquoi nous essayons de fixer des règles lorsqu’une asymétrie est manifeste entre les pouvoirs des entreprises et ceux des consommateurs. Il ne s’agit pas d’opposer les premières aux seconds, mais il ne faut pas être dupe de la façon dont ces relations se nouent, parfois clairement au détriment des consommateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi comporte des mesures fortes, des avancées démocratiques considérables. Dans le cours du débat, je serai ouvert, disponible et concret, comme Pierre Moscovici et moi-même essayons de l’être pour tous les textes économiques. Je souhaite que le Sénat apporte sa contribution à l’élaboration de ce projet de loi, pour que, demain, le consommateur français soit encore mieux protégé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Robert Tropeano. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce projet de loi a le mérite d’échapper au travers qui caractérise souvent les textes sur la consommation : il n’est pas un simple catalogue de mesures sectorielles. Fondé sur une approche transversale du champ de la consommation, il est porteur d’une véritable ambition : devenir une loi de régulation économique, une loi qui renforce la confiance, aujourd’hui fragilisée, entre consommateurs, producteurs et distributeurs.
La confiance entre consommateurs et professionnels est l’huile qui fait tourner les rouages de l’économie de marché. Elle est aussi un bien collectif fragile, et doit reposer sur une information transparente et loyale, elle-même garantie par un système de contrôles et de sanctions crédibles.
Ce sont ces fondements institutionnels de la confiance que le projet de loi vise à consolider, pour rendre notre économie à la fois plus juste et plus efficace. Je regrouperai les dispositions proposées en trois ensembles.
Un premier ensemble de mesures concerne les moyens de faire respecter l’ordre public économique, c’est-à-dire les règles relatives à la protection et à la sécurité du consommateur ainsi qu’à la régulation concurrentielle des marchés.
La mesure phare en est évidemment l’action de groupe. Il s’agit d’une action collective conçue de manière non pas punitive, mais dissuasive. Elle vise à créer un droit à réparation pour le consommateur, tout en évitant les dérives d’une judiciarisation de la vie économique. Martial Bourquin, corapporteur, étant plus précisément chargé de cette question, je lui laisse le soin de l’aborder de manière plus approfondie.
Cette partie du projet de loi comprend également un renforcement des compétences de la DGCCRF, notamment de ses pouvoirs d’enquête ; elle prévoit aussi la création ou le durcissement des sanctions administratives. Il s’agit de mettre en place une police économique modernisée, plus diligente et plus efficace, dont les procédures et le rythme soient davantage adaptés à la dynamique du monde économique que ceux des institutions judiciaires.
Enfin, ce premier volet du projet de loi comprend une mesure innovante et forte : le renforcement des pouvoirs du juge en matière économique, avec l’extension à tous les contrats du pouvoir de supprimer les clauses abusives.
Le deuxième ensemble de mesures vise à mieux défendre les intérêts et les droits des consommateurs dans les domaines du crédit et de l’assurance, qui représentent des postes de dépense à la fois importants et contraints.
La principale disposition est la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Le dispositif se concentre sur les cas de surendettement liés au crédit à la consommation, en suivant les recommandations du Conseil d’État, de la CNIL et de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. Même s’il n’est pas parfait, j’approuve le dispositif proposé, car il constitue une réponse législative attendue depuis longtemps pour enrayer la spirale du surendettement.
Cette réforme est complétée par toute une série de mesures, certes moins médiatiques, mais susceptibles d’avoir des effets importants sur le pouvoir d’achat des ménages. Je pense en particulier à la possibilité de résilier à tout moment les contrats d’assurance au-delà de la première année suivant leur conclusion, ainsi qu’au renforcement des mesures de protection contre la multiassurance par l’ouverture d’un délai de rétractation de quatorze jours.
Enfin, le troisième ensemble de mesures est destiné à accroître la transparence de l’information et à renforcer les droits contractuels des consommateurs.
Mes chers collègues, je vous fais observer que ces mesures créeront les conditions d’une montée en gamme de nos productions nationales, car une meilleure identification de la qualité des produits par les consommateurs constitue, pour les producteurs et les distributeurs, une incitation forte à offrir des biens et des services de meilleure qualité.
À ce stade, je mentionnerai, sans entrer dans les détails, les principales mesures qui constituent ce volet du projet de loi : la réforme du régime des garanties légales, le renforcement de la qualité et de la transparence de l’information relative aux plats servis dans la restauration et l’extension du régime des appellations géographiques protégées aux biens non alimentaires.
Permettez-moi une dernière remarque pour conclure cette présentation générale : ce texte a été bâti sur la recherche d’un équilibre entre défense des consommateurs et compétitivité de notre économie. Cet équilibre, Martial Bouquin et moi-même avons veillé, en tant que rapporteurs au fond, à le préserver. Ce principe nous a guidés dans notre travail d’amendement et dans l’examen des amendements que vous avez présentés. Au demeurant, et je reviens ainsi à ma remarque initiale, l’ambition de ce texte étant de rétablir la confiance entre les acteurs du marché, il raterait son objectif s’il apparaissait comme une loi pour les consommateurs et contre les entreprises.
J’en viens maintenant rapidement au détail des mesures du texte dont j’avais la charge et à la présentation des principaux amendements adoptés par la commission des affaires économiques.
Le chapitre II du projet de loi concerne l’amélioration de l’information et le renforcement des droits contractuels du consommateur. Il vise notamment à transposer la directive 2011/83 relative aux droits des consommateurs, dont la plupart des dispositions sont soumises à une obligation de transposition maximale.
La commission des affaires économiques a adopté quelques amendements de fond importants sur cette partie du texte.
Ainsi, la durée de la présomption d’antériorité du défaut de conformité a été élevée à dix-huit mois, en assortissant cette mesure d’un délai d’entrée en vigueur, afin de laisser le temps aux entreprises d’adapter leur modèle économique.
Le dispositif de lutte conte le démarchage commercial téléphonique proposé par le Gouvernement a été renforcé par des mesures fortes et concrètes.
Concernant les foires et salons, la commission a renforcé l’information des consommateurs, sans aller jusqu’à instaurer un délai de rétractation.
Dans cette partie du texte, la principale question sur laquelle il me semble que nous devons encore avancer est le « fait maison » dans les restaurants. Les débats ont été animés en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront aussi en séance…
Enfin, la commission a introduit des dispositions relatives à l’optique-lunetterie : il s’agit de reprendre l’esprit des dispositions adoptées par le Sénat en décembre 2011, à l’occasion de la discussion d’un projet de loi présenté par Frédéric Lefebvre ; nous y avions notamment travaillé avec Gérard Cornu.
Je dirai quelques mots sur le chapitre III, relatif au crédit et à l’assurance, notamment sur le registre positif des crédits introduit par l’Assemblée nationale. Avec la création de ce registre positif, qui permettra de responsabiliser les prêteurs, on dispose désormais de mesures solides renforçant la lutte contre le surendettement sans pour autant interdire le crédit et donc nuire à la consommation et à la croissance.
J’ai d’ailleurs relevé que le président du comité de configuration avait salué la pertinence du rapport réalisé début 2013 par notre groupe de travail sénatorial à propos de la probable émergence d’un « mal-endettement invisible », contre lequel les dispositifs existants ne sont pas suffisants.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission soutient donc pleinement la démarche du Gouvernement dans ce domaine, qui vise, résumée en deux mots, à calibrer le registre pour le ramener à l’essentiel et répondre ainsi aux exigences constitutionnelles de proportionnalité. Ce dispositif désamorce également tout risque d’utilisation mercantile ou d’interconnexion avec d’autres fichiers en évitant d’utiliser le numéro de sécurité sociale, le NIR.
Afin de dynamiser le processus et de veiller à son caractère évolutif, nous proposons que le comité de suivi du registre des crédits comprenne deux députés et deux sénateurs. Pour accélérer la mise en œuvre de la réforme, le texte adopté prévoit que les mesures d’application réglementaires seront regroupées dans deux décrets seulement. Il conviendra enfin de mesurer de façon claire l’efficacité du dispositif, ce qui justifie une définition plus précise du ciblage des rapports d’évaluation de la mise en place du registre.
Le volet « crédit » du projet de loi, initialement assez modeste, a été renforcé par les députés, avec des mesures comme la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement, l’extinction au bout d’un an des lignes dormantes de crédit renouvelable ou la suppression, pour les particuliers comme pour les professionnels, de l’hypothèque rechargeable.
Afin de tenir compte des pans entiers de notre économie que la crise a fragilisés et qui auraient bien du mal à résister à un resserrement du crédit, la commission a estimé opportun de différer la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de surendettement en synchronisant l’entrée en vigueur de cette disposition avec la date de mise en place effective du registre des crédits.
S’agissant du volet « assurance », le projet de loi initial vise à favoriser la liberté de choix du consommateur « captif » ou de celui qui manque de temps pour mener à son terme le véritable parcours du combattant que peut représenter actuellement la résiliation. La seconde idée est de donner la possibilité aux consommateurs de regagner du pouvoir d’achat en réduisant les situations de multi-assurance. Les députés ont notamment décidé d’inclure les assurances « affinitaires », comme les assurances liées aux téléphones mobiles ou aux voyages, dans le champ d’application des modalités de résiliation de droit commun.
La commission des affaires économiques a adopté plusieurs mesures en privilégiant le principe de liberté de choix de l’assuré et la simplicité. Cette partie du texte contient de substantielles marges de réduction des dépenses contraintes des ménages, alors même que la question du pouvoir d’achat est au centre des préoccupations dans notre pays.
Le chapitre IV du projet de loi crée des indications géographiques protégées dans le secteur des biens manufacturés. C’était déjà une proposition du précédent projet de loi sur la consommation, mais le dispositif prévu par le présent texte est plus complet et plus abouti. Il précise notamment la procédure d’homologation des cahiers des charges des futures indications géographiques.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Il reprend les modifications que nous avions introduites il y a deux ans, en articulant mieux le droit des marques et le nouveau droit des indications géographiques. Je me félicite que l’apport du Sénat soit ainsi reconnu.
Concrètement, il s’agit de ne pas empêcher les entreprises bénéficiant d’une indication de la possibilité de l’exploiter, même lorsqu’il existe une marque voisine. Je pense en particulier aux couteaux de Laguiole, chers à certains d’entre nous. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
La commission a amélioré la rédaction du texte transmis par l’Assemblée nationale en adoptant quelques amendements rédactionnels et de précision, et a veillé à associer davantage l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO, qui s’occupe des appellations du domaine alimentaire, à l’Institut national de la propriété industrielle, l’INPI, qui sera chargé de gérer les nouvelles indications géographiques non alimentaires.
Je cède maintenant la parole à mon collègue rapporteur au fond, Martial Bourquin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est en effet à M. Martial Bourquin, rapporteur.
M. Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’associe bien entendu aux propos tenus à l’instant par Alain Fauconnier s’agissant des grandes orientations et des principales dispositions du présent projet de loi.
Nous avons réalisé de nombreuses auditions, qui se sont déroulées de manière pluraliste, dans le cadre d’un groupe de travail. Nous avons conduit une véritable réflexion, souhaitant que l’examen de ce projet de loi soit préparé non seulement par des auditions, mais également par une concertation maximale.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui est salué par les associations de consommateurs. Il est bien compris et accepté par les représentants du monde économique, qui le jugent équilibré. C’est une réforme du droit de la consommation qu’il prévoit. Il changera donc la vie quotidienne de nos concitoyens.
Faute de temps, je ne reviendrai pas sur l’ensemble des dispositions dont j’ai la charge. Je me contenterai d’aborder trois sujets importants : l’action de groupe, les pouvoirs de la DGCCRF, les délais de paiement et les relations inter-entreprises.
S’agissant tout d’abord de l’action de groupe, je rappelle que l’introduction d’une telle procédure en droit français fait l’objet d’un débat récurrent depuis près de trente ans. Notre Haute Assemblée a pris part à ce débat : le rapport rédigé en 2010 par Richard Yung et Laurent Béteille, au nom de la commission des lois, fait référence sur la question, et a beaucoup contribué à faire avancer le débat. Le projet de loi s’inspire d’ailleurs largement du dispositif voté en décembre 2011 par le Sénat sur la base du rapport Yung-Béteille.
La commission des affaires économiques se félicite que le Gouvernement propose l’introduction d’une telle procédure dans le droit français. L’action de groupe est une avancée majeure que nos concitoyens attendent. Une procédure de ce type est indispensable, car les modes individuels de réparation des dommages ne sont pas suffisamment satisfaisants pour les consommateurs. En effet, si le consommateur dispose de la possibilité d’une action individuelle, il en est souvent dissuadé, parce que, pour résumer, le gain potentiel n’en vaut pas les inconvénients.
Vous connaissez tous les différents éléments de la procédure prévue par le projet de loi ; je n’y reviendrai donc pas. Je souhaite seulement formuler quelques observations.
Premièrement, la crainte de dérives à l’américaine a longtemps justifié le refus d’introduire une procédure d’action de groupe en France ; or elle n’est pas fondée. Le filtre des associations de consommateurs, la limitation de l’action de groupe à la réparation des préjudices matériels ou encore le choix du système de l’opt in constituent autant de garanties.
La procédure instituée par le projet de loi est limitée à la consommation et à la concurrence. La question de l’institution d’une action de groupe en matière de santé et d’environnement est tout à fait légitime. Pour autant, la commission des affaires économiques juge qu’il n’était pas souhaitable d’étendre à ces secteurs la procédure d’action de groupe prévue par le présent texte. La prise en compte des préjudices moraux ou corporels nécessite en effet une individualisation de l’évaluation de l’indemnisation, et donc un dispositif adapté.
À l’occasion de l’examen des amendements déposés sur le sujet, je pense que vous pourrez, monsieur le ministre, confirmer les engagements pris par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, à savoir la présentation dans les prochains mois d’un dispositif d’action de groupe en matière de santé…
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur. … et le lancement d’une réflexion quant à la mise en place d’une action de groupe en matière d’environnement.
Enfin, la procédure proposée par le Gouvernement est équilibrée. Elle reprend d’ailleurs les principales recommandations formulées en décembre 2012 par le Conseil national de la consommation, une instance respectée et entendue qui se compose de représentants des consommateurs et des professionnels.
Nos auditions nous ont permis de constater que les associations de consommateurs saluent le dispositif, tandis que les organisations professionnelles, dont certaines restent cependant opposées à l’institution d’une procédure d’action de groupe, en reconnaissent le caractère globalement équilibré.
Les députés ont profondément amendé le dispositif initial, en adoptant près d’une cinquantaine d’amendements. Le principal d’entre eux porte sur l’introduction d’une action de groupe simplifiée, afin d’accélérer la procédure dans le cas de préjudices sériels.
La commission des affaires économiques du Sénat a, à son tour, adopté plusieurs amendements en juillet dernier. Je pense, par exemple, aux amendements de notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis au nom de la commission des lois, qui visaient à préciser la procédure de médiation. Par ailleurs, sur mon initiative, la commission a clarifié les conditions de déclenchement de l’action de groupe simplifiée.
Près de quatre-vingt-dix amendements ont été déposés sur les articles relatifs à l’action de groupe. La commission des affaires économiques a été défavorable à l’ensemble des amendements remettant en cause l’équilibre de la procédure proposée par le Gouvernement.
J’en viens au deuxième sujet important que je souhaitais aborder : les pouvoirs de la DGCCRF.
Le projet de loi repose sur une idée force : renforcer les pouvoirs de la DGCCRF au service du consommateur et faire respecter la loi de modernisation de l’économie, la LME.
Le chapitre V du projet de loi prévoit l’application d’amendes administratives en cas de non-respect des dispositions du code de la consommation imposant des obligations formelles dans les domaines des informations précontractuelles, des règles de publicité des prix et des publicités illicites pour des ventes réglementées comme les soldes. Une amende administrative pourrait également sanctionner la présence d’une clause abusive interdite – figurant sur la « liste noire » –, ce qui n’est pas prévu aujourd’hui.
Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques tendent à répondre à deux objectifs : d’un point de vue rédactionnel, il s’agit d’améliorer la qualité et la fluidité de la loi ; par ailleurs, il convient de clarifier le texte en confortant le principe du respect du contradictoire et en perfectionnant l’arsenal de mesures permettant de lutter contre les ententes secrètes.
De façon sous-jacente aux dispositions parfois très techniques de ce texte, nous devons nous efforcer de trouver le bon équilibre entre deux exigences contradictoires : d’une part, il existe une demande sociale forte et croissante de contrôle de la sécurité et de la conformité des produits, demande à laquelle la représentation nationale ne peut être sourde ; d’autre part, il importe de garantir l’équité ainsi que la proportionnalité de la sanction.
À cela s’ajoute la difficulté pour la DGCCRF de faire face à des tâches croissantes avec des moyens dont la diminution a été opportunément interrompue par le nouveau gouvernement. Beaucoup de sénateurs de toutes tendances ont demandé que cette direction ait justement les moyens…
M. Gérard Le Cam. Eh oui ! C’est très important !
M. Martial Bourquin, rapporteur. … de faire appliquer la loi, notamment la LME, ainsi que celle que nous nous apprêtons à voter.
Cela implique de rechercher des procédures juridiques et des sanctions à la fois efficaces et dissuasives pour les professionnels indélicats.
Le troisième sujet qui, vous le savez, me tient à cœur, concerne les délais de paiement et les relations inter-entreprises, sujet absolument fondamental.
Le projet de loi instaure des sanctions administratives comme alternatives aux sanctions pénales et civiles en cas de non-respect de ces délais et des règles de formalisme contractuel. Les propositions que j’ai formulées en commission convergent vers un seul objectif, simple et clair : faire en sorte que la LME soit appliquée et que les délais de paiement entre entreprises soient mieux respectés.
Le projet de loi tend également à améliorer les relations inter-entreprises, notamment entre la grande distribution, d’une part, les industries agroalimentaires et les agriculteurs, d’autre part, qui paraissent en effet très dégradées. C’est parce que ces relations sont difficiles et qu’elles peuvent avoir des conséquences sur le consommateur que le projet de loi comporte des dispositions nouvelles, en particulier une obligation de prévoir une renégociation en cas de variations importantes des prix des matières premières agricoles.
Nos agriculteurs sont souvent spoliés !
Nos PME, nos TPE sont parfois spoliées par des groupements d’achat qui leur imposent une loi d’airain !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Pour faire face à ce phénomène, ce projet de loi contient des propositions très importantes.
La commission des affaires économiques a apporté plusieurs améliorations au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, elle a souhaité rendre plus effectives les dispositions sur les délais de paiement entre entreprises, tous secteurs confondus, avec la volonté, comme l’ont dit précédemment M. le ministre de l’économie et des finances et M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, à la fois de faire respecter ces délais et de tenir compte des situations de toutes les filières.
De la même façon, nous souhaitons faire en sorte que ces délais de paiement soient raccourcis, ce qui représente une somme d’environ 10 milliards à 11 milliards d’euros injectée au profit de nos PME.
Par ailleurs, si les amendements que nous présentons sur ce sujet sont votés, plus de pouvoirs seront donnés aux commissaires aux comptes pour informer sur ces délais de paiement et alerter en cas de non-respect de ceux-ci. Ces propositions s’inspirent du rapport que j’avais remis à M. le ministre de l’économie et des finances et à M. le ministre du redressement productif.
Dans le même esprit, je vous proposerai d’adopter un dispositif de contrat-type pour rééquilibrer les relations entre sous-traitants et grands donneurs d’ordre. Il y va de l’avenir de nos PME, lesquelles investissent peu, car elles n’en ont pas les moyens, cette façon de faire du cash à leurs dépens les empêchant d’innover, de grandir pour devenir des entreprises de taille intermédiaire, ou ETI. C’est pourquoi nous nous attaquons à ce fléau.
En conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je forme le vœu que le Sénat adopte à une très large majorité le présent projet de loi, enrichi des amendements de la commission des affaires économiques et des amendements auxquels elle est favorable.
Comme l’indiquait Alain Fauconnier, ce texte important permet de mieux réguler l’économie en assurant un équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des entreprises. La France doit rester un pays producteur et les consommateurs doivent y être respectés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Luc Fichet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission du développement durable s’est saisie pour avis des articles relatifs à l’action de groupe, des articles relatifs à l’information du consommateur sur la réparabilité des produits et la durée des garanties légales, des articles concernant la protection des indications géographiques, ainsi que de deux mesures ponctuelles relatives aux transports.
Premier sujet : l’action de groupe. Les articles 1er et 2 du projet de loi introduisent dans notre législation une action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. C’est l’aboutissement d’un débat de près de trente ans auquel le Sénat a largement contribué.
À l’heure de la crise économique, il est plus que jamais essentiel de rétablir la confiance des consommateurs dans les mécanismes, y compris contentieux, de régulation du marché. L’action de groupe est une procédure démocratique en ce qu’elle facilite l’accès de chacun à la justice. Le dispositif, considérablement amélioré par le travail en commission, encadre correctement les risques de dérives pour les entreprises.
Nous aurons l’occasion de débattre largement des améliorations restant à apporter au texte, mais une problématique me semble fondamentale, celle des délais dans le cadre de la procédure d’action de groupe.
Il est prévu, dans le dispositif, que le juge statue dans une seule et même décision sur la responsabilité du professionnel et sur les modalités de constitution du groupe et de réparation des consommateurs lésés. Cependant, les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre aux frais du professionnel qu’une fois que cette décision n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.
Faut-il nécessairement attendre l’extinction de toutes les voies de recours ? Nous savons tous que cela peut prendre de nombreuses années. Or, plus ce délai sera long, moins le consommateur aura conservé les éléments de preuve nécessaires, et moins il aura envie de s’engager dans une procédure judiciaire pour obtenir réparation.
J’ai conscience de l’équilibre délicat que le texte cherche à trouver entre sécurité juridique pour les entreprises, d’une part, et garantie des droits des justiciables, d’autre part. Je suis néanmoins convaincu que nous pouvons encore affiner le texte sur ce point.
En tout état de cause, cette réforme est l’occasion pour la commission du développement durable d’affirmer fortement la nécessité d’une extension, à moyen terme, de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.
Certes, certaines problématiques environnementales pourront d’ores et déjà se trouver incluses dans le champ d’application du dispositif prévu. Ainsi, un contentieux se développe actuellement autour des démarches de responsabilité sociale et environnementale des entreprises, la fameuse RSE. Trois associations ont par exemple déposé plainte, en février dernier, contre l’entreprise coréenne Samsung. Elles estiment que les engagements éthiques de la marque induisent le consommateur en erreur, dans la mesure où des violations sévères du droit du travail ont été constatées dans les usines de ses fournisseurs en Chine. Or, à partir du moment où les démarches RSE deviennent un argument dans la vente de biens, une action de groupe pourra tout à fait être engagée par une association sur le fondement du non-respect de ces démarches éthiques, qui constitue une pratique commerciale trompeuse.
Cela reste toutefois insuffisant. Il faudrait que trois types de dommages au moins soient ouverts à l’action de groupe.
Tout d’abord, je citerai les dommages résultant des activités de santé : les exemples récents sont nombreux, du sang contaminé aux prothèses PIP en passant par le Mediator.
Ensuite, nous pensons aux dommages résultant des produits alimentaires : les victimes de scandales alimentaires de masse, comme l’affaire de la vache folle, ou, plus récemment, de la viande de cheval, pourraient demander réparation par ce biais.
Enfin, les dommages résultant des atteintes environnementales devraient être concernés : il s’agirait non seulement des atteintes à la santé des personnes du fait d’une catastrophe environnementale, mais aussi des dommages matériels éventuellement subis. Les exemples sont, là encore, nombreux, du scandale de l’amiante aux marées noires sur nos plages bretonnes.
Pour éviter une multiplication des recours abusifs et un risque de déstabilisation des entreprises, il faudrait bien entendu prévoir un filtre. On pourrait, sur le modèle de l’action de groupe proposée dans le texte, donner l’intérêt à agir aux associations environnementales. Dans ce cas, il importerait de régler la question de leur représentativité, qui fait aujourd’hui souvent débat.
L’intérêt à agir pourrait également être donné aux agences sanitaires et environnementales de l’État, voire, dans certains cas, aux collectivités territoriales. Cette question devra être tranchée.
Pour faire avancer la réflexion sur le sujet, nous avons donc tenu à faire adopter par la commission des affaires économiques un amendement à l’article 2 tendant à réduire le délai de remise du rapport sur le bilan de l’action de groupe de quatre ans à trente mois. Il est expressément précisé que, dans ce document, devra figurer l’étude des modalités de l’extension de l’action de groupe à la santé et à l’environnement.
Deuxième sujet : l’information du consommateur.
L’article 4 met à la charge du professionnel une obligation générale d’information du consommateur sur les lieux de vente. Un point important est à noter : le fabricant doit également informer le vendeur de la période pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est retransmise par le vendeur au consommateur.
Deux amendements à cet article, proposés par notre commission, ont été adoptés.
Le premier a pour objet de rendre obligatoire l’information du consommateur non plus sur la période pendant laquelle les pièces détachées sont disponibles, mais sur la date jusqu’à laquelle elles seront disponibles. La référence à une date offre une plus grande simplicité de gestion pour l’industriel et, surtout, une meilleure lisibilité pour le consommateur.
Le second vise à rétablir la confirmation par écrit, au moment de l’achat du bien, de cette date de disponibilité. L’information, certes, est déjà communiquée au consommateur avant l’achat, mais il est nécessaire de prévoir une confirmation par écrit, dans le contrat, notamment pour des motifs d’opposabilité.
L’article 6 impose de mentionner, dans les conditions générales de vente applicables aux contrats de consommation, la mise en œuvre et le contenu de la garantie légale de conformité et de la garantie relative aux défauts de la chose vendue. Il s’agit d’un apport important pour l’information du consommateur, lequel ne risquera plus d’acheter, dans le cadre d’une garantie commerciale, des prestations déjà couvertes par les obligations légales du vendeur.
L’article 7 a pour but de consolider les dispositions relatives aux garanties applicables aux contrats de consommation. La garantie légale de conformité, que le consommateur peut mettre en œuvre en cas de non-conformité du bien dans un délai de deux ans, est renforcée.
Nous avons porté, avec MM. les rapporteurs des affaires économiques, un amendement tendant à allonger la période de présomption d’antériorité du défaut de douze à dix-huit mois, et à la fixer à six mois pour les biens d’occasion.
Cette période de présomption de non-conformité permet au consommateur de ne pas avoir à faire la preuve de la défectuosité du bien pour obtenir son remplacement ou son remboursement. La durée totale de la garantie légale est actuellement de deux ans. En pratique, cependant, une fois la période de présomption achevée, il est presque impossible pour le consommateur de faire jouer la garantie légale. Au-delà, il lui faut des moyens d’expertise qu’il n’a généralement pas ou qui sont coûteux. L’allongement de la période de présomption est donc un apport important pour l’effectivité de la garantie légale.
Lors de la discussion des articles, je défendrai à titre personnel un amendement visant à étendre encore cette période de présomption pour l’aligner sur la durée totale de la garantie légale, à savoir deux ans, comme c’est d’ailleurs le cas dans d’autres pays européens – le Portugal, par exemple – sans que cela place les metteurs sur le marché de biens de consommation dans une situation problématique. L’alignement de la durée de présomption sur la durée de garantie légale paraît, de surcroît, plus lisible du point de vue du consommateur.
Je crois qu’il faut faire le lien entre, d’une part, ces réflexions sur la disponibilité des pièces détachées et l’information du consommateur quant à l’existence et au contenu des garanties légales et, d’autre part, le travail en cours concernant l’affichage environnemental.
La commission du développement durable a organisé, le 10 juin dernier, une table ronde afin de faire le point avec Jean-Paul Albertini, commissaire général au développement durable, sur l’expérimentation lancée à l’issue de la loi Grenelle 2 et à laquelle 168 entreprises ont participé. L’analyse des résultats indique le grand intérêt de la démarche, malgré des difficultés techniques indéniables, notamment dans certains secteurs comme l’agroalimentaire ou la filière « jouets ». Ce bilan plaide toutefois pour une extension assez prompte de l’affichage environnemental.
De son côté, la Commission européenne a annoncé le lancement d’une expérimentation de trois ans en vue de l’établissement d’un cadre réglementaire au niveau européen.
La France a donc un temps d’avance sur ces sujets. Il faut que nos acteurs économiques nationaux puissent en profiter, car nous sommes en position de faire de cet affichage environnemental un atout pour notre compétitivité.
Troisième sujet : les indications géographiques.
L’article 23 prévoit, d’une part, la mise en place d’indications géographiques pour les produits manufacturés, d’autre part, un mécanisme préventif de protection des noms des collectivités territoriales. Ces dispositions sont attendues de longue date.
Ce n’est pas la première fois que nous avons l’occasion d’évoquer ces questions. Un projet de loi examiné en 2011 par la commission des affaires économiques du Sénat et une proposition de loi déposée en 2012 à l’Assemblée nationale n’avaient pu aboutir, faute de dispositifs suffisamment précis. Sont proposés ici des mécanismes complets et cohérents, dont la mise en œuvre rapide permettra de répondre à des besoins de plus en plus pressants.
Les indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux pourraient concerner plus d’une centaine de produits français, qu’il s’agisse des dentelles de Calais, de la tapisserie d’Aubusson ou encore du granit de Bretagne.
Nul n’ignore ici le succès des indications géographiques protégées, mises en place depuis vingt ans à l’échelle européenne pour les produits agroalimentaires. Elles représentent aujourd’hui près de 20 % du chiffre d’affaires des industries agroalimentaires françaises et 30 % de la valeur de leurs exportations.
L’extension de ce dispositif aux produits manufacturés répond à une demande forte des producteurs, dans un contexte où la pression concurrentielle liée à la mondialisation accroît l’importance de la différenciation des produits comme moyen d’attirer la clientèle, en mettant en avant les qualités des savoir-faire locaux et, donc, en soutenant le tissu économique rural.
Cette démarche est également dans l’intérêt des consommateurs, qui sont de plus en plus attachés à l’authenticité et à la qualité de ce qu’ils achètent.
Quant au dispositif préventif de protection des noms des collectivités territoriales que tend à instaurer le projet de loi, il repose sur deux éléments : un mécanisme d’alerte des collectivités, à l’occasion du dépôt d’une demande d’enregistrement d’une marque contenant leur dénomination, et un droit d’opposition auprès de l’INPI, l’Institut national de la propriété industrielle.
Ce dispositif viendra soutenir les collectivités territoriales qui, actuellement, ne peuvent jouer à armes égales avec certains acteurs économiques cherchant à usurper leur dénomination pour tirer profit de leur réputation. Aujourd’hui, elles peuvent seulement engager une procédure judiciaire, avec les coûts et les incertitudes que cela comporte. Nous avons tous en tête les difficultés du village de Laguiole qui, après maintes procédures devant le juge, n’a toujours pas obtenu gain de cause face à l’entrepreneur qui a fait enregistrer la marque Laguiole dans trente-huit des quarante-cinq catégories de produits répertoriées par l’INPI.
En ce qui concerne le mécanisme d’alerte, il est prévu que les collectivités qui souhaitent en bénéficier se signalent auprès de l’INPI. Sans doute aurait-il été préférable de mettre en place un système plus automatique, en particulier à destination des petites collectivités. Mais toutes les solutions envisageables se heurtent à la question des moyens de l’INPI et à un problème de droit international des marques. Nous nous en tenons donc à la solution proposée par le Gouvernement, qui paraît raisonnable.
L’article 24 garantit l’effectivité des dispositions que je viens d’évoquer par la mise en place de sanctions pénales renforcées en cas de fraude aux indications géographiques pour les produits manufacturés.
Quatrième sujet : la mise en place de sanctions administratives dans le secteur des transports. Notre commission s’est en effet saisie des articles 56 et 69, qui concernent ce secteur.
L’article 56 définit, de façon similaire pour chaque mode de transport – ferroviaire, routier, fluvial, maritime et aérien –, un régime de sanctions administratives en cas de manquement aux obligations communautaires relatives à la protection des droits des passagers. Il s’agit d’une disposition à caractère essentiellement technique, que nous approuvons.
L’article 69 définit également un régime de sanctions administratives, mais pour la profession récente de moto-taxi. Il permet notamment le retrait de la carte professionnelle en cas d’infraction à la réglementation.
Le régime de stationnement de l’ensemble des taxis est, par la même occasion, revu pour tirer les conséquences d’une récente décision du Conseil constitutionnel. Je ne m’y attarderai pas, soulignant simplement que le régime des taxis motos diverge encore fortement de celui des taxis voitures, pour un service presque identique rendu à l’usager. Sans doute faudra-t-il un jour envisager une certaine forme de convergence.
La commission du développement durable ne voit pas d’opposition à l’adoption de ces deux articles en l’état.
La philosophie de ce projet de loi est de rétablir la confiance entre les différents acteurs de l’économie, car cette confiance est au cœur de la reprise économique. Rétablir la confiance passe par l’amélioration de l’information des consommateurs sur leurs droits et sur la nature des biens et services achetés. Cela passe aussi par la garantie de l’existence d’une voie de recours efficace, peu coûteuse et collective lorsque les consommateurs sont victimes des manquements de certains professionnels. Cela passe enfin, de manière plus générale, par un rééquilibrage des relations entre consommateurs et entreprises.
Avec ce texte, le consommateur devient un acteur clé de la régulation et nous nous en félicitons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, rapporteur pour avis.
Mme Michèle André, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous entamons aujourd’hui la discussion en séance publique est sans doute l’un des plus importants du début de ce quinquennat.
Alors que notre pays lutte depuis plusieurs années contre une stagnation de son économie, que la consommation des ménages ne parvient plus à porter vers l’avant, cette réforme a l’ambition de fournir à nos concitoyens les garanties et les outils qui peuvent seuls leur redonner confiance dans leur capacité à consommer pour investir, pour se restaurer et pour s’équiper.
Cette ambition, le projet de loi la porte dans chacun de ses grands volets : l’action de groupe, pour rééquilibrer le rapport de forces entre le consommateur individuel et les grandes entreprises ; les indications géographiques ou le renforcement des pouvoirs de la DGCCRF – Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes –, pour mieux assurer l’information du consommateur.
C’est également le cas pour les deux volets sur lesquels la commission des finances a souhaité se pencher : l’encadrement du crédit à la consommation et la prévention du surendettement, d’une part, la régulation des jeux en ligne, d’autre part.
S’agissant du crédit à la consommation, le projet de loi comble les lacunes laissées par la loi, incomplète, du 1er juillet 2010. Cette réforme était ambitieuse, mais elle s’était souvent cantonnée aux aspects techniques du crédit à la consommation, notamment du crédit renouvelable, sans créer les outils nécessaires pour s’attaquer au problème fondamental : la capacité des prêteurs à vérifier la solvabilité réelle des candidats à l’emprunt.
C’est pourquoi je me félicite que le Gouvernement ait proposé et que l’Assemblée nationale ait adopté le registre national des crédits aux particuliers.
Ce registre est attendu par les uns, redouté par les autres. Je crois, quant à moi, qu’il ne faut en attendre ni miracles ni calamités, mais qu’il faut l’analyser objectivement, dans le format raisonnable et proportionné proposé par le Gouvernement, comme le chaînon manquant de l’évaluation de la solvabilité des emprunteurs.
Je voudrais, à cet égard, rendre hommage aux travaux du Sénat, qui a été en pointe depuis 2010 en la matière : c’est la Haute Assemblée qui avait inscrit dans la loi Lagarde la demande de rapport qui a conduit au rapport du comité Constans ; c’est un groupe de travail commun à nos différentes commissions, dont j’ai fait partie même si ma participation n’a pas été aussi importante que je l’aurais souhaité, qui en a analysé les résultats pour mieux préparer les projets du Gouvernement.
Le registre rendra plus robuste et plus globale la protection des consommateurs en matière d’accès au crédit à la consommation. Pour ce faire, il n’était nul besoin de recenser les crédits immobiliers non plus que les découverts bancaires, qui répondent les uns et les autres à des logiques très différentes du crédit à la consommation. En ce sens, je me réjouis du choix fait par le Gouvernement de limiter le fichier aux seuls crédits à la consommation, en ciblant notamment les crédits renouvelables, qui sont présents dans plus de 80 % des dossiers de surendettement.
Par ailleurs, le registre ne reprend pas le stock de crédits existants, mais sera alimenté au fur et à mesure. Les crédits à la consommation ayant en moyenne une maturité de cinq ans au maximum, il reprendra rapidement l’ensemble du stock.
L’essentiel des propositions que j’ai faites au nom de la commission des finances ont été adoptées par la commission des affaires économiques. J’en remercie nos collègues. Il s’agissait, notamment, de limiter le champ du registre pour ce qui est des personnes se portant caution, ainsi que de préciser que le coût du registre est pris en charge par une tarification de la consultation par les établissements de crédit.
En revanche, la commission des affaires économiques a écarté un amendement portant sur l’identifiant qui sera utilisé pour le registre. Le texte du projet de loi indique qu’un identifiant spécifique sera créé sur la base, notamment, de l’état civil. Même si j’entends tous les arguments en matière de proportionnalité et que je suis moi-même très sensible au principe de la protection des données personnelles, je continue de m’interroger sur la possibilité de constituer un identifiant fiable sur une base encore incertaine. Comment éviter les erreurs liées aux homonymies ? À supposer qu’un tel identifiant soit constitué, comment faire en sorte que chacun le connaisse et soit en mesure de le communiquer au prêteur qui le lui demande ?
Monsieur le ministre, nul ne peut aujourd’hui répondre à ces questions. En revanche, il serait utile que vous nous précisiez les conditions dans lesquelles les travaux d’élaboration de l’identifiant seront menés et selon quel calendrier ; l’identifiant étant la clé de voûte du registre, il faut la préparer le plus en amont possible, en tenant compte des positions de l’ensemble des parties prenantes.
La création du registre des crédits modifiera en profondeur le secteur du crédit à la consommation. Certains encadrements instaurés ces dernières années, en particulier par la loi du 1er juillet 2010, perdront sans doute de leur pertinence lorsque cette protection supplémentaire contre le « mauvais » crédit ou le « crédit de trop », auquel vous avez fait allusion, monsieur le ministre, sera pleinement opérationnelle.
En conséquence, le projet de loi initial du Gouvernement se limitait, s’agissant du crédit à la consommation, à des ajustements de la réforme de 2010. En effet, les bilans de l’application de cette loi dressés par Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier ainsi que par les parties prenantes dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier ont montré des lacunes et des possibilités de contournement utilisées par les établissements.
L’Assemblée nationale a poursuivi dans cette voie, faisant passer la section concernée de deux à seize articles dans la version actuelle.
Je citerai notamment : un encadrement de la publicité des regroupements de crédits ; un élargissement de l’interdiction de mentionner des avantages promotionnels dans une publicité pour un crédit ; une pérennisation du comité de suivi de la réforme de l’usure ; une extension de l’encadrement des cartes dites « liées » aux cartes associant paiement et crédit – les cartes « double action ».
En revanche, deux amendements ont été adoptés qui, plus fondamentaux, touchent à l’équilibre du secteur, sans cohérence avec la création du registre des crédits.
Le premier, insérant un article 18 D, réduit de huit à cinq ans la durée maximale des mesures de redressement dans le cadre des procédures de surendettement. Cet article pourrait avoir des conséquences néfastes à la fois pour les personnes surendettées et pour la distribution du crédit. Je vous en proposerai donc un aménagement.
Le second amendement, à l’article 19, réduit de deux à un an le délai au terme duquel tout compte de crédit renouvelable est automatiquement résilié. Cette disposition réduirait drastiquement le nombre de comptes, sans véritablement atteindre son objectif de prévention du surendettement. Je vous proposerai donc une formule alternative.
Sur ces deux articles, je comprends l’intention de nos collègues députés, mais je crois que la création du registre des crédits rebat les cartes du crédit à la consommation : la protection supplémentaire qu’il offre, qui n’est pas idéale mais qui est bien réelle, ne doit pas être doublée de nouvelles contraintes qui pèseraient inutilement sur la consommation.
Le crédit à la consommation, lorsqu’il n’est pas adapté à la situation financière du ménage ou lorsqu’il lui permet non pas de s’équiper, mais d’échapper temporairement à l’insolvabilité, est, nous le savons tous, un piège qui conduit au surendettement. Mais le crédit à la consommation bien utilisé, ponctuellement, pour investir dans une voiture, du mobilier ou un appareil électroménager, dont les mensualités sont bien insérées dans le budget d’un ménage, est un atout à la fois pour les ménages concernés et pour la consommation en France.
Or, en 2012, la consommation des ménages français en biens durables a connu une baisse historique de 3,4 %. Ce sont pourtant ces biens-là qui contribuent à l’amélioration de la vie quotidienne de nos concitoyens et dont le crédit à la consommation peut faciliter l’acquisition. Des réformes non coordonnées, ajoutant des contraintes à la frilosité des consommateurs et des prêteurs, pourraient freiner les achats de tels biens. Je crois donc que, dans le contexte économique actuel, il ne faut pas confondre les intentions et les effets d’une réforme ; mieux vaut avancer pas à pas que dans la précipitation.
Sous réserve de ces deux modifications, je suis pleinement favorable aux dispositions relatives au crédit à la consommation contenues dans ce projet de loi. Je crois non seulement qu’elles offrent des garanties supplémentaires aux emprunteurs, mais qu’elles apportent, avec le registre national des crédits aux particuliers, un outil nouveau qui saura faire ses preuves contre le phénomène du surendettement en France.
Enfin, l’Assemblée nationale a introduit au sein de ce projet de loi un volet complet relatif aux jeux d’argent et de hasard, composé de neuf articles additionnels. La plupart d’entre eux apportent des retouches à la loi du 12 mai 2010, chère à notre collègue François Trucy, relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
M. Ladislas Poniatowski. Excellente loi !
Mme Michèle André, rapporteur pour avis. Sans revenir en détail sur l’ensemble de ces articles, comme j’ai pu le faire dans le rapport écrit, je dirai simplement qu’ils visent, pour l’essentiel, à harmoniser la définition des jeux d’argent et de hasard – c’est nécessaire, car plusieurs définitions coexistent actuellement, créant une insécurité juridique pour l’ensemble des parties prenantes –, à renforcer la protection des personnes interdites de jeu ou auto-exclues, à imposer à tous les opérateurs de justifier de l’existence d’un mécanisme garantissant, en toutes circonstances, le reversement de la totalité des avoirs exigibles des joueurs – l’affaire Full Tilt Poker a montré, en 2011, que cette protection n’était, pour l’heure, pas complètement assurée – et à renforcer les pouvoirs contentieux de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL.
Toutes ces dispositions sont bienvenues. C’est pourquoi la commission des finances a soutenu leur adoption, sous réserve de quelques améliorations qu’a intégrées le texte de la commission des affaires économiques : une précision à l’article 72 sexies, afin d’expliciter que les évolutions du montant de la garantie que pourra exiger l’ARJEL devront être en rapport avec l’évolution des avoirs exigibles des joueurs ; la soumission de la nomination du président de l’ARJEL à la procédure d’avis public des commissions des finances des deux assemblées, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Cette dernière mesure, qui figure à l’article 72 quinquies A de ce projet de loi, devra trouver un support de nature organique, raison pour laquelle le rapporteur général François Marc et moi-même avons déposé une proposition de loi organique en ce sens.
Monsieur le ministre, vous pouvez donc aussi compter sur le soutien de notre commission concernant le volet « jeux » de ce texte. Il conviendrait simplement d’apporter quelques éclaircissements afin de rassurer l’ensemble des acteurs sur la volonté du législateur.
D’une part, concernant l’objet de l’article 72 septies, qui supprime l’obligation de mise en demeure des opérateurs fautifs par l’ARJEL avant l’engagement de la procédure contentieuse, vous pourriez confirmer qu’il ne s’agit évidemment pas de multiplier les contentieux sur tous les sujets, mais uniquement de permettre de sanctionner les infractions les plus graves dès la première fois, ce que ne permet pas la procédure actuelle.
D’autre part, le nouveau dispositif concernant les obligations d’archivage des données relatives aux comptes joueurs sera-t-il totalement fiable quant à la protection des données personnelles des joueurs ?
La commission des finances a voulu, sur un texte aussi vaste, se limiter à ses domaines de compétence historiques, le crédit à la consommation et la régulation des jeux en ligne. Je suis heureuse de pouvoir faire part en son nom d’un avis favorable, car ce projet de loi comporte des avancées importantes pour le consommateur, qu’il soit joueur en ligne ou emprunteur au titre d’un crédit à la consommation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le ministre, avant de présenter la position que la commission des lois m’a chargée de défendre devant le Sénat, je souhaite vous féliciter, et à travers vous, le Gouvernement tout entier, d’avoir eu le courage d’intégrer dans ce projet de loi relatif à la consommation cet instrument juridique indispensable, tant attendu par les associations de consommateurs, qu’est l’action de groupe : il s’agit bien là d’une innovation majeure.
Sur proposition de la commission des lois, le Sénat avait adopté, en décembre 2011, un dispositif analogue d’action de groupe dans le domaine de la consommation. Celui que le Gouvernement propose de mettre en place aujourd’hui s’apparente au schéma sur lequel nous avions travaillé. Je veux ici rappeler les travaux de nos collègues Richard Yung et Laurent Béteille, à l’origine de l’amendement que j’avais présenté en 2011 pour introduire dans notre droit une action de groupe dite « à la française », respectueuse des principes de notre droit civil, assortie de garanties procédurales empêchant l’apparition de dérives à l’américaine, attentive aux droits légitimes des entreprises comme des consommateurs et limitée, dans un premier temps, aux litiges de consommation.
Complémentaire de la médiation, qui doit être développée, l’action de groupe permettra de proposer aux consommateurs lésés, par le biais de leurs associations représentatives, une solution pour tous les petits préjudices en série dont ils peuvent être victimes, qui pèsent sur le pouvoir d’achat, mais pour lesquels le montant des frais de procédure est dissuasif.
Le moment venu, au regard de l’expérience acquise dans le domaine de la consommation, l’action de groupe pourra être étendue aux champs de la santé ou de l’environnement, dans lesquels les questions sont plus complexes : je sais que les attentes sont fortes – mon collègue Jean-Luc Fichet l’a lui-même rappelé – et que le Gouvernement a pris des engagements, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre.
Après cette mention particulière de l’action de groupe, disposition phare de ce texte du point de vue de la commission des lois, et que celle-ci approuve pleinement, je veux présenter un peu plus en détail l’état d’esprit dans lequel notre commission a abordé ce projet de loi et a adopté un certain nombre d’amendements, pour une large partie d’ores et déjà intégrés au texte de la commission des affaires économiques.
Notre commission intervient de manière traditionnelle dans le domaine du droit de la consommation, au titre de sa compétence en matière de droit civil et de justice civile, avec, bien entendu, un souci d’efficacité et de rigueur juridique, ainsi qu’une attention naturelle aux interrogations constitutionnelles, mais aussi une exigence de cohérence avec ses positions antérieures. À ce titre, nous nous étions saisis, à la fin de 2011, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs ; je me félicite, monsieur le ministre, que le Gouvernement, attentif au travail du Sénat, ait repris des dispositions du texte de 2011 telles qu’elles avaient été introduites ou modifiées sur notre initiative, et dont mon rapport écrit fait état de manière plus précise.
Ainsi, sans dénaturer ni, bien sûr, remettre en cause les dispositions du projet de loi que nous avons examinées dans le cadre de notre avis, nous avons eu le souci d’améliorer le texte et de lui apporter toutes les garanties juridiques et de cohérence qui nous paraissaient utiles pour lui permettre d’atteindre ses objectifs dans l’intérêt du consommateur. Tel est le sens des amendements que je présenterai lors de la discussion des articles.
Concernant l’action de groupe, au regard de ses travaux antérieurs de 2006, 2010 et 2011, en particulier, la commission des lois a évidemment été attentive aux modalités de cette nouvelle forme d’action civile introduite dans notre droit. Je dois reconnaître que la procédure simplifiée, telle qu’elle résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale, a suscité de notre part, pour des motifs d’ordre constitutionnel, de réelles interrogations. Néanmoins, je prends acte des améliorations apportées par la commission des affaires économiques et je veux bien, aujourd’hui, faire confiance au Gouvernement, qui nous dit avoir procédé à toutes les vérifications juridiques nécessaires. Il faudra toutefois mettre à profit la navette pour poursuivre la réflexion. À cet égard, il est heureux que le Gouvernement ait décidé de ne pas engager la procédure accélérée sur ce texte.
Concernant les dispositions relatives au droit des assurances, nous avons veillé à la clarté de leur périmètre d’application et à la sécurité juridique, tout en saluant la liberté nouvelle de résiliation du contrat que le texte offre aux assurés.
S’agissant du registre national des crédits aux particuliers, autre innovation majeure du projet de loi soumis à notre examen, nous savons bien que son efficacité fait débat au regard de l’objectif de lutte contre le surendettement, car nous n’arrivons pas à la mesurer. Je n’entre pas dans la discussion sur les causes du surendettement et sur le rôle qui est prêté de manière sans doute un peu simpliste à ce qu’on appelle les « accidents de la vie » : sur cette question, nous manquons d’une analyse statistique et sociologique réellement fouillée.
Dans le cadre du groupe de travail inter-commissions mis en place au Sénat en 2012 sur la question du « fichier positif », dont Alain Fauconnier faisait notamment partie, nous avons vu qu’il n’était pas facile de forger une réponse définitive ni de dégager un consensus. Je pense en particulier à notre déplacement en Belgique, pour mieux connaître le fonctionnement de la centrale belge des crédits aux particuliers : nous n’avons pas pu revenir avec des certitudes suffisantes, permettant de dépasser nos seules convictions.
Pour autant, le Gouvernement a fait le choix de trancher ce débat, lui aussi très ancien, comme celui sur l’action de groupe, tout en veillant à la préoccupation juridique principale, à savoir la proportionnalité de ce dispositif, le juste équilibre à respecter entre les questions qu’il faut poser en termes de libertés publiques et les objectifs qui lui sont assignés : cette attitude courageuse doit être saluée.
Aujourd’hui, il est certain que le registre des crédits, tel qu’il figure dans le texte, sera un outil précieux pour mieux apprécier la solvabilité des emprunteurs – obligation incombant aux prêteurs –, pour éviter le « crédit de trop » que l’on accorde trop facilement et pour responsabiliser davantage les établissements prêteurs. Je me souviens, en particulier, des déclarations de magistrats qui nous expliquaient qu’ils n’arrivaient pas, en l’état du droit, à mettre en jeu la responsabilité de certains prêteurs, pourtant de mauvaise foi, dans l’octroi excessif de crédit à des personnes en situation de fragilité financière. Le registre des crédits devrait changer les choses devant les tribunaux.
Concernant le renforcement des pouvoirs d’enquête de la DGCCRF, comme les modifications apportées aux sanctions pénales dans le domaine de la consommation, nous avons proposé un meilleur encadrement de ce qui figure dans le texte, au regard de ce qui est prévu, notamment, pour d’autres agents publics dotés de pouvoirs coercitifs, sans nuire évidemment à l’efficacité de l’action publique.
Nous n’avons pas repris, en séance publique, certains des amendements que nous avions présentés en juillet, afin de nous limiter aujourd’hui aux seuls amendements visant à garantir la cohérence juridique globale des dispositifs que nous avons examinés : je cite, pour mémoire, le dispositif Pacitel, bien connu, la définition du consommateur, à l’article 3, ou encore certains aspects de la transposition de la directive du 25 octobre 2011 concernant la vente à distance.
Avant de conclure, tout en me félicitant à nouveau de l’avancée tant attendue que constitue l’introduction de l’action de groupe, mais aussi de la reprise de certains acquis du vote émis par Sénat en décembre 2011, j’insiste sur le fait que la protection des consommateurs relève au premier chef de la responsabilité des pouvoirs publics. Le dévouement des agents de la DGCCRF doit être salué alors que, ces dernières années, leurs conditions de travail ont eu tendance à se dégrader, en raison des importantes réductions d’effectifs et des restructurations administratives qu’ils ont eu à subir en raison de la révision générale des politiques publiques et de la réforme des services déconcentrés. Aujourd’hui, nous devons redonner confiance aux agents de la DGCCRF et leur redonner les moyens d’accomplir leur mission au service des consommateurs. Mais je sais, monsieur le ministre, que vous y œuvrez avec détermination, et ce projet de loi y contribue indéniablement. C’est la raison pour laquelle il faut le voter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, la commission des lois s’est déclarée favorable à l’adoption des articles dont elle s’est saisie pour avis, tout en proposant au Sénat un certain nombre d’amendements, lesquels ont fait l’objet de discussions approfondies avec mes collègues rapporteurs de la commission des affaires économiques, ce dont je les remercie tout particulièrement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi relatif à la consommation est examiné dans un contexte de crise, une crise qui dure et dont on peine encore à entrevoir l’issue.
« La crise, c’est quand le vieux se meurt et que le jeune hésite à naître. » Cette pensée d’Antonio Gramsci, qui date des années 1930, garde toute sa force et toute son actualité : notre modèle de société, en bout de course, tente de sortir de son interminable crise, mais il a du mal à s’affranchir des schémas du passé.
Crise grave et profonde, mais crise attendue et nécessaire, crise d’un vieux monde qui se meurt et qui s’accroche à son passé alors que le nouveau monde hésite encore à naître. Comment réussir son avènement avec suffisamment de lucidité, de courage, de responsabilité ? Notre rôle, à nous les politiques, est précisément d’assurer la transition sans rupture, de prendre en compte les attentes immédiates en gardant toujours à l’esprit, en toile de fond, le global, le long terme, l’intérêt des générations à venir, bref, l’intérêt général.
S’il faut évidemment assurer l’équilibre économique, il faut aussi s’intéresser à l’intérêt direct des consommateurs. Ces derniers, qui se trouvent au cœur du présent projet de loi, sont avant tout des citoyens et doivent être considérés comme tels. Le consommateur subit, le citoyen choisit ! Toutes les avancées vers la transparence, par l’étiquetage et l’affichage, donneront aux citoyens des outils pour forcer à une amélioration de la qualité.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, doit être un des textes permettant l’avènement de la nécessaire transition que, nous, écologistes, appelons de nos vœux depuis longtemps. Il doit prendre en compte et favoriser le développement de solutions alternatives.
Parmi les nombreux chantiers qui s’ouvrent pour la transformation de notre économie, il y a le développement d’une économie locale et collaborative permettant une consommation également collaborative, éthique et, de ce fait, responsable. À cet égard, des mesures essentielles du projet de loi nous paraissent aller dans le bon sens, et nous les approuvons.
Je pense à la création d’un dispositif similaire à celui de l’action de groupe pour les produits de consommation – nous aimerions aller plus loin dans ce domaine, mais, si j’en crois ce qui nous a été annoncé, ce sera fait à travers d’autres textes. Je pense également au premier encadrement du crédit à la consommation et du crédit renouvelable, à la création du registre national du crédit, au renforcement des indications géographiques, étendues aux produits manufacturés, au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF et, enfin, à la révision de la loi de modernisation de l’économie s’agissant de la transparence dans la négociation entre producteurs, acheteurs, fournisseurs et distributeurs, l’intérêt des producteurs devant être remis au cœur de ces discussions.
Mais nous pouvons et nous devons être collectivement plus ambitieux encore.
À l’Assemblée nationale, les interventions des écologistes ont permis des avancées notables quant à l’encadrement plus strict des crédits renouvelables, au dispositif d’homologation des nouvelles indications géographiques, à la reconnaissance des potentialités des circuits courts et de l’économie circulaire, dont l’économie de la fonctionnalité fait partie, mais aussi à la prise en compte de la nécessité de soutenir la durabilité et la réparabilité des produits. Sur ces sujets, nous avons été écoutés et suivis ; nous en remercions le Gouvernement et la majorité, une majorité à laquelle, au demeurant, nous appartenons… (Sourires et marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Deroche. C’est bien de le préciser ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Joël Labbé. Durant ce débat au Sénat, les écologistes entendent poursuivre leurs efforts pour convaincre, afin que soient adoptées des dispositions qui leur apparaissent nécessaires, qu’il s’agisse de l’étiquetage des produits, notamment alimentaires, de la lutte contre l’obsolescence programmée ou encore de l’émergence d’une action de groupe plus ambitieuse. J’ai bien noté, monsieur le ministre, ce que vous avez déclaré tout à l'heure sur ces sujets.
Je ne procéderai pas à un inventaire exhaustif des amendements que nous avons déposés, mais je tiens à m’exprimer sur deux points essentiels : la nécessité de défendre la transparence par un étiquetage exigeant des produits, en particulier dans le domaine de l’alimentation, et la lutte contre l’obsolescence programmée.
S’agissant du premier point, nous sommes nombreux à dresser un constat alarmant. Dans notre économie mondialisée, les pratiques des entreprises de nombreux secteurs constituent les possibles scandales de demain : non-respect des exigences sanitaires, sociales et environnementales ; présence, dans de nombreux produits, de substances dangereuses et interdites selon le classement retenu dans la directive REACH ; organismes génétiquement modifiés ; « effet cocktail » des pesticides, perturbateurs endocriniens et antibiotiques administrés aux animaux d’élevages. La liste est encore bien longue !
Sur les produits tant alimentaires que non alimentaires, il devient nécessaire d’encadrer strictement ces pratiques en exigeant au minimum une traçabilité et une information claire du consommateur sur l’origine et les modes de production des biens.
Vous l’avez signalé, monsieur le ministre, la France est étroitement liée aux décisions européennes et n’a pas une pleine marge de manœuvre pour légiférer. Néanmoins, nous sommes nombreux à défendre, dans le cadre de ce projet de loi, un étiquetage transparent et exigeant. Si, comme vous l’avez donné à penser, la France peut devenir, en Europe, un leader dans ce domaine, nous en serons très fiers.
À titre d’exemple, et pour aller au-delà de notre amendement tendant à défendre un étiquetage exigeant des produits carnés, je voudrais évoquer la question de l’étiquetage des huîtres. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Comme tous les êtres vivants naturels, l’huître creuse est diploïde. Son matériel génétique est constitué de dix paires de chromosomes. L’huître triploïde, issue d’une manipulation chromosomique en écloserie, par le croisement entre une huître tétraploïde et une huître diploïde, est une huître stérile qui, ne fabriquant pas de laitance, est donc commercialisable tout au long de l’année. De plus, sa stérilité lui permet de se développer beaucoup plus rapidement – en dix-huit à vingt-quatre mois – alors qu’il faut attendre au moins trois ans pour pouvoir commercialiser l’huître diploïde, c'est-à-dire l’huître traditionnelle.
M. Alain Bertrand. Comme pour les truites !
M. Joël Labbé. La production d’huîtres triploïdes ne cesse de croître. Ces dernières représentent désormais 30 % à 40 %, au moins, de la production française, même si le marché est un peu à la baisse depuis les séries de mortalité estivale.
Il ne s’agit surtout pas pour nous de pointer du doigt la profession d’ostréiculteur, ni de dresser les uns contre les autres. Mais la généralisation de cette méthode d’élevage pose un certain nombre de questions, soulevées à la fois par les professionnels ayant choisi de poursuivre la culture de l’huître traditionnelle et par des scientifiques qui estiment que l’on manque de recul sur l’impact de cette culture sur le milieu naturel dès lors qu’elle est entreprise de manière importante.
Nos interrogations sont nombreuses. Qui peut affirmer aujourd’hui qu’il n’y a aucun risque pour l’environnement et la santé ? Les ostréiculteurs ne risquent-ils pas de devenirs trop dépendants des écloseries, à l’image des agriculteurs face aux semenciers ?
Nous pensons donc que la poursuite de la production d’huîtres triploïdes doit faire l’objet d’un débat aussi large que possible, associant la profession ostréicole, la communauté scientifique, les consommateurs, les protecteurs de l’environnement et les pouvoirs publics.
Dans le cadre du présent texte de loi, nous souhaitons simplement demander qu’un étiquetage soit prévu pour différencier l’huître traditionnelle de l’huître triploïde.
Toujours dans le domaine alimentaire, je voudrais aussi évoquer la restauration. Après les débats à l’Assemblée nationale, l’importance du « fait maison » semblant admise, je n’ai pas déposé d’amendement sur le sujet. Mais il semble que la discussion va être relancée dans cette enceinte. Je tiens donc à dire, au nom de mes collègues écologistes, que je défendrai avec force le « fait maison ».
Je conclurai mon propos en évoquant cet enjeu essentiel que constitue la lutte contre l’obsolescence programmée.
L’ADEME, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, définit celle-ci comme « un stratagème par lequel un bien verrait sa durée normative sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique ».
De fait, l’obsolescence programmée est une réalité portant préjudice à la fois à l’environnement et aux consommateurs, et souffrant d’un vide juridique en droit français. Afin de lutter contre cette pratique scandaleuse, nous défendrons un ensemble d’amendements déposés par notre collègue Jean-Vincent Placé.
Monsieur le ministre, nous mesurons toute l’importance de ce projet de loi, qui contient de réelles avancées. Aussi nous comptons bien, au fil des débats, être entendus et suivis sur les enjeux essentiels que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce projet de loi soit bon ou mauvais, qu’il soit efficace ou qu’il ne le soit pas, il doit être considéré pour ce qu’il est, c’est-à-dire un outil au service de la justice commerciale, et non la promesse d’un pouvoir d’achat retrouvé.
J’ai souhaité commencer mon intervention par cette précision, car il m’a semblé, en entendant différents échos médiatiques suscités par ce projet de loi, que le Gouvernement et la majorité faisaient de ce texte la tête de proue de la relance de la consommation en France. Ce projet de loi vient donc répondre à un défi très ambitieux…
Mais ce n’est pas la hausse de 0,5 % de la consommation au second trimestre qui peut permettre au Gouvernement de crier victoire : ce chiffre n’est que le pendant du chiffre du premier trimestre, au cours duquel la consommation reculé de 0,4 %. Quel record !
Ainsi, pour répondre au défi affiché, le texte s’attache à promouvoir les droits des consommateurs face à de nouvelles pratiques commerciales qui détruisent la confiance. Il tend également à rationaliser des secteurs d’activité dans leur ensemble, allant de ce fait bien au-delà du simple respect de ces droits.
Tout cela est fort louable…
Malheureusement, pour répondre à l’appétit médiatique de certains, le Gouvernement et la majorité versent dans l’exagération et parlent d’un projet destiné à relancer la consommation ! Si ce texte doit permettre de créer les conditions d’un retour à une hausse de la consommation, il n’est qu’un outil parmi d’autres et ne peut en aucun cas avoir l’influence directe que pourraient avoir les dispositions fiscales attendues par les ménages et les entreprises françaises.
Toutefois, les membres du groupe UMP et moi-même ne souhaitons pas être injustes. Votre projet de loi, monsieur le ministre, doit également se voir comme la conclusion de travaux entamés par le Sénat lors de la précédente législature, travaux qui ont mobilisé tous les groupes politiques de notre assemblée. Ainsi a-t-on pu s’inspirer, au cours de l’élaboration et de l’examen de ce texte, que vous nous promettez si structurant pour notre économie, de travaux antérieurs tels que la réflexion entreprise, en 2009 et 2010, par Richard Yung et Laurent Béteille sur l’action de groupe ou le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, présenté par Frédéric Lefebvre en 2011 et abandonné avant la fin de la législature précédente.
Pour ces raisons, le groupe UMP accueille le présent projet de loi sans suspicion mal placée. Pour autant, cet accueil ne saurait nous exonérer d’une analyse plus critique.
À cet égard, la nôtre ne pourra que connaîtra des limites puisque le Gouvernement a déposé trente-cinq amendements le samedi 7 septembre, soit trois jours avant le début de la discussion générale et trois jours après la date butoir de dépôt des amendements. Cela montre la faible considération qu’il a pour le travail parlementaire !
Mme Isabelle Debré. C’est triste !
Mme Élisabeth Lamure. Je pense tout d’abord, et je ne suis sans doute pas la seule, que la relance de la consommation en France ainsi que la prévention et la répression de pratiques frauduleuses ne sont pas liées à l’adoption d’une action collective telle que celle qui est proposée dans le projet de loi ni même au recours aux dispositifs existant dans d’autres ordres juridiques.
Les actions collectives sont un outil au service de la justice et, plus particulièrement, du droit des consommateurs, non un levier macroéconomique au service de la relance de la consommation. Ne faisons pas de l’action de groupe ce qu’elle n’est pas !
En fait, si ce n’est pas sans quelque justesse qu’il est assené que la demande en matière de droits est importante et insatisfaite, il convient de préciser que cette demande est notamment due à une certaine ignorance de notre ordre juridique. Il existe en effet la procédure d’action en représentation conjointe, prévue aux articles L 422-1 et suivants du code de la consommation, ainsi que l’action en réparation d’un préjudice collectif, prévue aux articles L 421-1 et suivants du même code.
L’introduction d’une action de groupe dans notre droit doit donc constituer un véritable saut qualitatif par rapport au dispositif d’action en représentation conjointe, qui permet d’ores et déjà à une association de consommateurs d’agir en justice pour assurer la défense des intérêts des consommateurs. Si cette introduction a lieu, elle doit permettre de combler les lacunes de ce dispositif, en particulier remédier au fait que les associations de consommateurs ne peuvent pas utiliser ce type d’action du fait des risques juridiques et financiers qu’il fait peser sur elles. Or ces dernières ont déjà prévenu qu’elles ne seront probablement pas capables de recourir à l’action de groupe que vous proposez, monsieur le ministre, et ce pour les mêmes raisons juridiques et financières.
Une solution pouvait être envisagée pour pallier les limites auxquelles les associations de consommateurs sont confrontées : permettre aux avocats de déclencher ces actions de groupe et de les accompagner jusqu’à la liquidation. Mais, par souci des dérives dites « à l’américaine », vous avez écarté les avocats de ces actions. D’ailleurs, seuls quelques cabinets auraient sans doute eu les moyens financiers et humains d’en assumer le coût.
L’action collective qui est aujourd’hui soumise à notre examen est donc largement insuffisante en ce sens qu’il est difficile de la distinguer de l’action en représentation conjointe.
Plus inquiétante encore est l’introduction d’une procédure d’action de groupe simplifiée. Cette création nous apparaît comme un aveu. Ainsi, l’action de groupe de droit commun sera un long chemin de croix pour les associations, les consommateurs et les entreprises…
Évidemment, il n’est pas question de remettre en cause les deux phases de l’action de groupe : le jugement et la liquidation. Toutefois, vous avez fait le choix que la phase de jugement soit d’abord l’occasion de statuer sur la responsabilité du professionnel, avant que les consommateurs soient identifiés et le préjudice évalué. Or d’autres formules étaient envisageables et avaient été élaborées. Il aurait été possible de concevoir une première phase à l’issue de laquelle l’action aurait été déclarée recevable, avant de procéder à l’identification du groupe de consommateurs et, enfin, au jugement sur le fond.
Cette chronologie était d’ailleurs celle de la proposition de loi visant à instaurer les recours collectifs de consommateurs, déposée par notre collègue député Luc Châtel en avril 2006. Elle rejoint également l’amendement déposé par notre collègue Philippe Marini.
Cette formule, outre le gain de temps qu’elle apporte à toutes les parties, ne nécessite pas, de surcroît, l’introduction d’une procédure d’action de groupe simplifiée puisque l’identification du groupe de consommateurs est réalisée antérieurement au jugement porté sur le fond.
Mais votre choix fut donc tout autre, et c’est pour cette raison que le rapporteur du projet de loi à l’Assemblée Nationale fut contraint de déposer un amendement en commission afin de contourner la lourdeur du mécanisme de droit commun.
Cependant, l’impréparation qui a présidé à l’élaboration de ce texte ne s’arrête pas là puisque le rapporteur a dû réécrire cette procédure d’action de groupe simplifiée via le dépôt d’un amendement lors de la séance publique.
De plus, la rédaction en l’état de la section 2 bis relative à la procédure d’action de groupe simplifiée n’est pas acceptable. En effet, vous renvoyez les conditions d’application de cette section à un décret en Conseil d’État, alors même que votre texte reste silencieux sur le sujet des droits de la défense. Il s’agit donc d’un cas manifeste d’incompétence négative.
Outre notre refus de voir adopter cette action de groupe simplifiée dans la précipitation, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas attendu la directive européenne relative à l’introduction d’actions en dommages et intérêts par les victimes de pratiques anticoncurrentielles.
Ainsi, si notre groupe politique demeure bienveillant quant à l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, nous sommes plus que jamais préoccupés par la forme que cette action de groupe est en train de prendre, car la formule simplifiée que vous proposez risque d’être détournée pour devenir subrepticement la procédure de droit commun.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
Mme Élisabeth Lamure. Aussi, je crois qu’il aurait été préférable d’attendre un retour d’expérience sur la procédure ordinaire d’action de groupe avant de permettre aux associations de contourner ce dispositif.
Votre action de groupe pose donc un problème de forme, par son timing, et de fond, eu égard à la procédure simplifiée.
Autre exemple de dispositions qui nous paraissent relever du bon sens mais que le Gouvernement vient parasiter : celles qui concernent les assurances. Là encore, vous faites croire que la régulation de ce secteur d’activité pourra libérer nos compatriotes de charges injustifiées. Mais c’est faux : en matière d’assurance, le risque a toujours un coût et c’est in fine à l’assuré qu’il reviendra d’assumer celui-ci.
Ainsi, la possibilité de résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance n’est pas une mesure dépourvue de tout risque. Elle est certes inspirée par une préoccupation éthique recevable, mais la possibilité ouverte au consommateur de résilier son contrat en permanence va perturber le modèle économique de ce secteur d’activité, car elle a toutes chances d’engendrer des tensions sur les primes du fait des incertitudes sur les provisions que devront constituer les assureurs. En dernier ressort, cette incertitude pèsera financièrement sur les assurés, car elle ne manquera pas de se traduire par une augmentation des primes d’assurance : là, le risque est certain.
En ce qui concerne l’extension de cette possibilité aux contrats d’assurance affinitaires, introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, le risque est moins élevé puisque les sinistres sont moins graves, moins coûteux, et ne nécessitent donc pas de réserves importantes, contrairement aux contrats d’assurance habitation ou automobile.
Au-delà des conséquences incertaines de votre projet de loi, je suis au regret de vous dire que vous manquez votre cible. La demande des consommateurs ne portait pas sur la résiliation des contrats d’assurance, mais sur le renversement de la charge de la preuve au profit de l’assuré dans les cas de modification du risque.
J’en viens à ce qui est désormais l’un des principaux chantiers de votre réforme et aussi l’une de nos principales réserves à l’endroit de ce projet de loi : la création du « fichier positif ».
Notre premier grief tient à la méthode : ces dispositions ont été introduites par la voie d’un amendement gouvernemental, de sorte que les conditions d’un examen approfondi n’ont pas été respectées.
Ensuite, l’efficacité d’un tel fichier n’est pas établie. Comme cela a été souligné lors des débats à l’Assemblée nationale puis, ici, en commission, les exemples étrangers montrent qu’il n’y a pas de lien entre diminution du surendettement et existence d’un fichier positif. Ce lien de causalité incertain a été évoqué par notre collègue Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a reconnu que « l’efficacité d’un tel instrument en matière de prévention du surendettement demeure controversée » et que « l’exemple belge, depuis dix ans, ne lève pas tous les doutes ».
En outre, ce type de fichier pose de véritables questions en matière d’atteinte au respect de la vie privée, impératif constitutionnel auquel il ne peut être dérogé qu’à la condition qu’un autre impératif constitutionnel soit en jeu, comme le précise la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Aussi, pour éviter la censure, les crédits immobiliers et les autorisations de crédit non utilisées ont été écartés du registre pour que le nombre de personnes enregistrées, qui serait de l’ordre de 24 millions à 25 millions, ne soit plus que de 10 millions à 12 millions. Cette décision illustre bien les incertitudes du Gouvernement, qui hésite toujours entre protection de la vie privée et prévention du surendettement, alors que ces deux objectifs ne sont pas intrinsèquement incompatibles : il suffisait que les dispositions du projet de loi identifient des critères d’enregistrement au fichier plus sélectifs.
Le fichier positif que vous proposez sera trop restrictif parce qu’il ne prendra pas en compte les crédits immobiliers, qui sont pourtant les plus importants en termes de nombre de clients et de volume. Mais il sera aussi beaucoup trop large, car il s’adressera potentiellement à 12 millions de Français alors que le surendettement ne concerne que 200 000 personnes dans notre pays. (M. Alain Néri le conteste.)
Mme Élisabeth Lamure. Autre problème que pose le fichier positif : l’identification. En effet, les dossiers personnels ne seront pas accompagnés de numéros uniques.
Enfin, le fichier positif risque d’être détourné de sa finalité par certains professionnels qui y verront un moyen de prospection supplémentaire.
En résumé, le fichier positif tel qu’il a été élaboré par le Gouvernement reste à la merci de l’appréciation du juge constitutionnel, sans fournir de véritables garanties de réussite en matière de lutte contre le surendettement. Nous sommes donc bien loin de l’époque où François Hollande fustigeait la stigmatisation que suscite ce type de fichier et où il affirmait que « cela ne peut se faire que dans des conditions très particulières, protectrices de l’individu », conditions qui ne semblent pas réunies aujourd’hui... (M. Alain Néri s’exclame.)
Malgré ces différents griefs, il nous apparaît que le présent projet de loi comporte un certain nombre de dispositions susceptibles de garantir une protection accrue du consommateur, grâce, notamment, au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF. J’ajoute que le resserrement de la coopération entre celle-ci et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, dans le but de garantir la protection des données personnelles des consommateurs, est une mesure qui relevait de l’urgence.
Il en va de même du renforcement des pouvoirs de la DGCCRF dans le domaine du commerce électronique : lui est reconnu le droit de saisir le juge, aux fins de le voir ordonner toute mesure propre à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage. Cette mesure nous semble également de nature à sortir l’administration de l’impasse dans laquelle elle se trouve parfois.
En revanche, notre groupe politique reste très circonspect quant à la possibilité donnée à l’autorité administrative chargée de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de prononcer des sanctions administratives en cas de non-respect des injonctions qu’elle formule. En l’espèce, les droits de la défense ne nous semblent pas complètement assurés. Il convient d’évoquer sur ce point l’article 25 du projet de loi, qui permet aux agents de la DGCCRF de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ». Cette possibilité induit une rétroactivité potentielle.
Pour les mêmes raisons, nous serons vigilants lors de l’examen de l’article 28, qui permet aux associations de consommateurs de demander à une juridiction de déclarer une clause « réputée non écrite ».
Quant à l’habilitation donnée aux agents de la DGCCRF de rechercher et constater les infractions et manquements aux dispositions du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale encadrant la commercialisation à distance de services financiers, elle relève de l’évidence. Il en va de même de la possibilité qui est donnée à ces agents d’enjoindre à un vendeur à distance dans l’incapacité manifeste de faire face à ses obligations de livraison de ne plus prendre de paiement à la commande pendant une période déterminée.
Dans un esprit identique, nous sommes favorables à la possibilité donnée aux agents de la DGCCRF d’utiliser un nom d’emprunt pour le contrôle de la vente de biens ou de la fourniture de services sur internet : il s’agit en effet de répondre à l’explosion de ces nouveaux modèles économiques.
Nous souscrivons en outre à la possibilité nouvelle offerte à ces agents de ne pas décliner immédiatement leur identité lors des contrôles qu’ils effectuent, afin d’en augmenter l’efficacité, ce que chacun comprendra aisément. Cependant, cette possibilité doit être davantage encadrée.
Enfin, nous accueillons favorablement l’augmentation des contrôles exercés par ces agents à l’importation de certaines denrées alimentaires et matériaux présentant des risques particuliers pour la santé du consommateur. Notre groupe est également favorable aux dispositions simplifiant la procédure de prélèvement d’échantillons.
Par souci de transparence, je tiens à rappeler que bon nombre de ces dispositions s’inspirent du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, présenté par Frédéric Lefebvre en 2011.
Ces différentes mesures relatives au renforcement des pouvoirs de la DGCCRF, je crois essentiel de le souligner, n’ont pas pour unique vocation de défendre le droit des consommateurs : elles ont aussi pour finalité de réguler des activités économiques, souvent en pleine mutation, dont l’absence de contrôle pénalise aussi bien le consommateur que le producteur français.
Alors, même si ces mesures ne suffiront pas à enrayer la chute de la consommation, elles constituent sans nul doute une première pierre indispensable.
Enfin, on peut regretter que ce texte ait été utilisé par le Gouvernement comme voiture balai ou comme véhicule législatif de substitution : bon nombre de dispositions auraient pu faire l’objet d’un projet de loi à elles seules ou être rattachées à d’autres projets de loi. Je pense ici à la cigarette électronique que vous souhaitez interdire à la vente pour les moins de dix-huit ans, à la restauration et à l’appellation « fait maison », qui doit permettre de distinguer la cuisine industrielle de la cuisine authentique – à cet égard, la rédaction de l’article 4 bis A ne me semble pas encore achevée –, au commerce de l’or, et notamment aux contrats de rachat d’or – à la suite, là encore, d’un amendement adopté à l’Assemblée nationale sur l’initiative du rapporteur –, ainsi qu’à l’extension des indications géographiques protégées aux produits manufacturés.
Toutes ces mesures, sur lesquelles je n’émets que quelques réserves d’ordre rédactionnel, me semblent justifiées. Cependant, il est dommage que certaines d’entre elles n’aient pas été intégrées dans de plus vastes débats : c’est notamment le cas des indications géographiques protégées, qui posent la question de la multiplication des labels, pourtant nécessaires afin de garantir la valeur ajoutée de nos produits, ou encore à la cigarette électronique, sujet qui devra être pleinement pris en compte lors de nos discussions à venir concernant la santé publique.
Pour résumer la position de notre formation politique vis-à-vis de ce texte relatif à la consommation, et sans faire de mauvais jeu de mots, je dirai qu’on y trouve, selon nous, « à boire et à manger » ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
En effet, je l’ai indiqué, nombre de ces dispositions s’inscrivent dans la continuité des travaux déjà réalisés par le Sénat alors que d’autres dispositions, que nous approuvons dans le principe, ont été altérées au cours de leur élaboration, le Gouvernement ayant accepté des amendements qui défigurent complètement le projet de loi initial ; je songe, bien sûr, à l’action de groupe et à sa version simplifiée.
Cependant, nombre des réserves que j’expose aujourd’hui pourront être levées si les amendements que mon groupe défendra sont adoptés.
En revanche – et c’est là un regret qu’aucun amendement ne viendra corriger –, ce projet de loi témoigne d’un profond manque de confiance, de la part du Gouvernement, à l’endroit du monde de l’entreprise.
Qu’on soit attentif à la consommation relève du bon sens. Cependant, il faut garder en tête l’idée que la bonne santé de la consommation, dans un monde où la division internationale du travail est poussée à son maximum, n’est pas une condition suffisante du retour à la croissance. Vous n’ignorez pas, en effet, que bon nombre des produits et services dont il est question dans le présent texte sont fabriqués à l’étranger. Par conséquent, il n’est pas compréhensible que vous soyez si insensibles à la question de la relance de l’investissement, qui semble pourtant au moins aussi importante que celle de la relance de la consommation. Or la création des conditions du redressement de l’investissement ne peut être entreprise si vous restez éternellement tributaires d’une méfiance à l’égard du monde de l’entreprise.
Malheureusement, comme souvent, la peur vient de l’ignorance !
Dès lors qu’on passe plus de temps à parler du monde de l’entreprise de manière abstraite, comme s’il s’agissait d’un corps étranger à notre société, qu’à essayer de le connaître, il n’est pas étonnant que la complexité de celui-ci apparaisse insurmontable et que l’ignorance devienne ainsi suspicion.
Pour conclure, je dirai que notre groupe politique reste très réservé sur ce projet de loi et notre position finale sera grandement déterminée par le sort que le Gouvernement et la majorité réserveront à nos amendements. Ces amendements, je le crois, peuvent lever bon nombre de nos griefs légitimes, qu’il s’agisse de l’action de groupe ou des nouvelles mesures coercitives à l’encontre des entreprises que vous n’avez pas pu vous empêcher d’insérer dans le présent texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Henri Tandonnet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, consommer, c’est pouvoir consommer et savoir consommer.
Le projet de loi que nous examinons, en ce jour de mobilisation contre la réforme des retraites, ne prend pas la mesure de ces deux composantes essentielles de la politique de consommation.
Or le pouvoir d’achat ne cesse de reculer, obligeant les titulaires des revenus les plus modestes à renoncer à des droits essentiels tels que le droit à l’énergie, le droit à la santé, le droit à la culture. L’augmentation de la précarité, de la pauvreté, dans lesquelles on abandonne les individus au nom de l’austérité, ébranle les fondements de notre pacte social.
Limiter la consommation à la mise en œuvre d’une réglementation en éludant la question du « pouvoir consommer », c’est oublier une grande part des problèmes que rencontrent nos concitoyens dans leur vie courante.
Consommer, c’est aussi savoir. Affronter la vie quotidienne n’est pas au programme de nos écoles. Introduite en commission des affaires économiques, la séance annuelle d’information sur les droits des consommateurs dans les collèges et lycées est utile, mais insuffisante. Il serait nécessaire de mettre en place une véritable formation transdisciplinaire, dès le plus jeune âge, pour apprendre aux futurs adultes à consommer mieux et différemment, à acheter sans tomber dans les pièges de la consommation de masse.
Il convient de leur montrer comment ils sont conditionnés à travers la publicité, de leur indiquer quel produit acheter en fonction de la place dans les rayonnages.
Enfin, il faudrait leur expliquer tout simplement comment gérer un budget. À ce sujet, le rapport du Sénat du 22 janvier 2013 relatif au répertoire national des crédits faisait le constat récurrent de « la méconnaissance des plus simples règles de tenue et de gestion du budget familial, en particulier chez les personnes connaissant de grandes difficultés financières ». Il préconisait, à juste titre, l’introduction d’un module d’éducation budgétaire. Sans cette éducation, un consommateur sera-t-il en mesure de se prévaloir de ses nouveaux droits face aux professionnels ?
Je rappelle que nous avions voté à l’unanimité dans cette assemblée, lors de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture, un titre Ier définissant et mettant en œuvre une politique publique de l’alimentation. Il était prévu, par exemple, que le programme national pour l’alimentation définirait les actions à mettre en œuvre pour «l’éducation et l’information notamment en matière d’équilibre et de diversité alimentaires, de règles d’hygiène, de connaissance des produits, de leur saisonnalité et de l’origine des matières premières agricoles, ainsi que des modes de production, de l’impact des activités agricoles sur l’environnement ».
Il devient urgent de concrétiser ces propositions qui sont présentées depuis longtemps. Il est tout aussi urgent que le ministre de l’éducation fasse, lui aussi, des propositions.
Dans ce projet de loi relatif à la consommation, le choix a été fait de limiter la politique de consommation à sa dimension technique et réglementaire par la transposition ou la recodification de mesures protectrices pour un consommateur que l’on présume formé et aisé.
Nous approuvons et saluons ces dispositions protectrices renforçant l’information précontractuelle, encadrant le démarchage et la vente à distance, le paiement, la livraison, ou portant sur la durée de la garantie commerciale, de même que les articles transposant les dispositions communautaires sur les pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs.
Nous vous présenterons néanmoins des amendements afin de renforcer ces nouveaux droits accordés aux masses consuméristes.
L’action de groupe constitue également une mesure positive du texte. Nous regrettons toutefois que cette procédure soit limitée aux préjudices subis à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles. Elle devrait, selon nous, être étendue au-delà de la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs.
Le texte du projet est même en retrait par rapport à la recommandation de la Commission européenne de juin dernier, qui préconise l’instauration de telles procédures dans les domaines « tels que la protection des consommateurs, la concurrence, la protection de l’environnement et les services financiers ».
Nous présenterons des amendements pour élargir l’action de groupe, comme nous le faisons depuis plusieurs années sous forme de proposition de loi.
Il est important de ne pas faire jouer à l’action de groupe le rôle de police économique. Elle ne saurait pallier le retrait des contrôles étatiques. C’est pourquoi nous militons pour un renforcement parallèle des moyens de police économique, celle-ci étant seule capable d’éviter, en amont, que le consommateur ne soit lésé.
En effet, au-delà du défaut majeur de ce projet de loi, qui laisse de côté la question des revenus et celle de la régulation des prix, il pose des règles, certes positives, mais dont on sait qu’elles seront difficilement appliquées et contrôlées.
Ma collègue Evelyne Didier avait dénoncé, dans un avis sur la mission budgétaire « Économie », le manque flagrant de moyens humains et financiers qui entrave gravement les missions de la DGCCRF. La même observation vaut pour les moyens alloués aux contrôles sanitaires ou à la justice.
Toutes ces réserves hypothèquent largement la traduction de ces nouveaux droits dans la vie des gens.
Ensuite, se pose le problème redoutable de la consommation absurde et de la dette à vie, devenue un véritable boulet pour les travailleurs. Le philosophe André Tosel le dit fort bien : « Aujourd’hui la véritable carte d’identité est la carte de crédit. "Tu n’existes que parce que tu t’endettes et pour autant que l’on te permet de t’endetter" ! ».
La consommation de masse détruit le bien commun, dégrade la vie quotidienne de chacun et produit des sentiments d’exclusion.
Si nous approuvons les mesures proposées pour encadrer le crédit à la consommation et la plupart de celles visant à lutter contre le surendettement, nous pensons qu’il faut aller beaucoup plus loin.
Dans le cadre du rapport de 2013 sur le « fichier positif », notre collègue Nicole Bonnefoy avait relayé les arguments des associations de consommateurs, soulignant que « le problème de fond du surendettement réside dans le développement de la société d’hyperconsommation, qui incite à consommer toujours plus et qui, pour cela, a besoin de développer et de faciliter le crédit ».
Faciliter le crédit, c’est d’ailleurs la voie que vous défendez, monsieur le ministre ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Nous proposons, quant à nous, d’interdire le crédit dit « revolving », les cartes confuses. Nous demandons aussi de revoir le calcul du taux d’usure.
« C’est d’une augmentation des salaires plutôt que d’un développement du crédit que notre société a besoin » : telle était la conclusion à laquelle vous arriviez, madame la rapporteur pour avis, et nous y souscrivons entièrement.
Nous reviendrons sur le fichier positif, l’une des mesures phares du texte, mais une mesure que nous désapprouvons totalement. En une semaine, vous allez à la fois supprimer le fichier de 144 000 créateurs d’entreprises ayant fait faillite et créer un nouveau fichier pour 25 millions de consommateurs ! C’est aussi choquant qu’incohérent !
Nous pensons que ce fichage, au-delà des atteintes aux libertés publiques, ne sera pas de nature à prévenir les situations de surendettement. Pour cela, il faut être au plus près des gens. C’est ce que nous faisons, avec des moyens en diminution, dans nos départements, dans nos communes, par le biais des centres communaux d’action sociale.
Si vous voulez lutter contre le surendettement, mettez un terme à la fermeture des bureaux d’accueil et d’information du service surendettement de la Banque de France ! Renforcez l’accès aux services publics sur l’ensemble du territoire ! On doit soustraire l’énergie, l’eau et la santé des logiques marchandes ! Cela implique de conduire d’autres politiques que celles qui sont menées depuis des années, des politiques dirigées non pas seulement vers le consommateur, mais avant tout vers le citoyen usager.
Enfin, depuis le début de l’examen du projet de loi, on ne cesse de nous rappeler qu’il doit se limiter aux relations entre consommateurs et professionnels. Pourtant, certaines dispositions introduisent des mesures interprofessionnelles, dans la continuité de la loi de modernisation de l’économie. Vous semblez ignorer le bilan plus que mitigé de cette loi quant à ses effets prétendus, sauf en matière de délais de paiement – mais, là encore, on peut aller plus loin pour les produits agricoles frais. D’autres mesures s’inscrivent dans le cadre de la loi de modernisation agricole. Toutefois, sur fond de crise récurrente des revenus agricoles, elles se situent à la marge.
Nous devons nous donner les moyens d’une réindustrialisation et d’une relocalisation de l’agroalimentaire afin d’agir en faveur d’une alimentation de qualité, saine et accessible à tous, assise sur des filières de production relocalisées, de construire des coopérations agricoles refondées sur l’intérêt des consommateurs.
La situation des abattoirs montre à quel point nous prenons le chemin inverse. Avec la disparition de nombreux abattoirs, ce sont désormais plusieurs centaines de camions qui quittent chaque jour notre pays pour emmener les porcs bretons se faire découper outre-Rhin. La grande distribution développe la compétitivité de ses propres abattoirs et met la pression sur les prix des produits qu’elle achète.
Le 22 août dernier, une vente solidaire de fruits et légumes a été organisée par le Mouvement de défense des exploitants familiaux, le MODEF, et le parti communiste. Des milliers de Franciliens étaient présents : une cinquantaine de tonnes de fruits et légumes ont été écoulées en quelques heures. Les producteurs nous alertaient, une fois encore, sur leur situation, qui devient intenable. N’est-il pas de notre responsabilité de maintenir un secteur agricole français et d’offrir aux consommateurs des produits de qualité à travers une agriculture de proximité ?
Cette année, les prix moyens des fruits et légumes ont flambé. La grande distribution gonfle ses marges malgré les importations massives. Les producteurs peinent à rémunérer leur travail. La recommandation de consommer cinq fruits et légumes par jour reste vaine pour près d’un Français sur deux.
Si les réformes successives n’arrivent pas à équilibrer les rapports de force dans les relations commerciales, alors, il faut en tenir compte et prendre des mesures plus ambitieuses ! Nous vous proposerons des amendements et nous espérons une présentation rapide du projet de loi d’avenir agricole.
Mes chers collègues, je n’ai pas pu aborder l’ensemble des articles du projet de loi, mais vous aurez compris que les sénateurs du groupe CRC restent très réservés sur certains articles que nous considérons comme essentiels, qu’il s’agisse du fichier positif ou de la suppression des tarifs réglementés du gaz pour certains clients non résidentiels. Cette concession faite à la Commission européenne ne met pas, contrairement à ce qui nous est dit, les consommateurs domestiques à l’abri. Au contraire, elle poursuit la destruction des tarifs réglementés, déjà bien altérés par les modalités de leur fixation.
Nous comptons sur les débats pour améliorer ce texte, notamment en ce qui concerne les mesures financières et nous espérons que l’argument tiré de la « transposition maximale ou de la contrariété au droit européen » n’entravera pas trop souvent les propositions légitimes d’un Parlement souverain. Un texte qui reste donc, pour l’instant, « à consommer avec modération » ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. André Reichardt. Il nous laisse surtout sur notre faim ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici aujourd’hui au terme d’un processus législatif qui s’est inscrit dans une durée longue, en raison notamment de l’alternance de mai 2012. Le contexte qui a environné nos travaux a malheureusement peu évolué puisque notre pays n’a cessé de s’enfoncer dans une crise économique et sociale majeure.
M. Charles Revet. Et il s’enfonce encore !
Mme Valérie Létard. Or la consommation constitue, avec l’investissement, un moteur puissant de notre économie. Ce projet de loi arrive donc à point nommé devant notre assemblée.
Afin de contribuer au retour de la confiance, gage d’une consommation plus dynamique, il doit améliorer la protection des consommateurs, mieux encadrer les nouveaux modes de consommation et se préoccuper des plus fragiles, pour qui l’accès à certains biens et services de première nécessité est de plus en plus difficile.
Dans le même temps, nous savons bien qu’une reprise durable de la croissance repose aussi sur la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à investir et à innover. Nous devons donc trouver le point d’équilibre entre davantage de protection pour les consommateurs et un environnement de contraintes réglementaires raisonnables pour les entreprises.
Le groupe UDI-UC a été largement sollicité par l’ensemble des acteurs de terrain. Nous avons beaucoup reçu et écouté. En règle générale, notre regard sur le projet de loi a été bienveillant et constructif, à la recherche de ce point d’équilibre.
C’est ainsi que nous avons été, par exemple, sensibles aux arguments des fédérations du commerce. Nous vous proposerons donc de réajuster le dispositif qui oblige à rembourser une marchandise avant même que le vendeur ne soit parfaitement assuré qu’elle lui a bien été renvoyée, et en bon état.
Nous avons aussi jugé que certaines amendes prévues par le texte présentaient parfois un caractère excessif. Nous vous proposerons notamment de revoir celles qui sont prévues à l’article 10 dans le cas d’une annulation de livraison d’un bien ou de fourniture d’un service. En effet, vouloir punir certains comportements délictueux ne doit pas aboutir à mettre en péril la survie économique d’une entreprise.
De même, concernant le « délai Châtel », il nous a semblé qu’une durée de deux ans était un compromis raisonnable, qu’il fallait maintenir. Le secteur de la vente à distance, très présent dans mon département, m’a alerté sur la manière dont certaines familles au budget serré étalent leurs achats de rentrée ou d’équipement en utilisant ponctuellement une carte d’enseigne et sur la difficulté qu’elles pourraient rencontrer pour la souscrire à nouveau périodiquement. Au départ, j’étais plutôt favorable à un délai d’un an. Cependant, après avoir entendu les arguments exposés et les exemples donnés, nous estimons qu’un laps de temps de deux ans constitue un bon compromis.
Dans le même temps, nous sommes restés très attentifs au consommateur. En effet, notre groupe soutient résolument une autre mesure, qui est un peu le pendant de la précédente : je veux parler du raccourcissement à cinq ans de la durée des plans de redressement personnel pour les personnes surendettées. Pendant la durée du plan, elles n’ont plus que quelques centaines d’euros de reste-à-vivre par mois ; dès lors, cinq ans, c’est déjà bien long pour des familles qui doivent, après avoir fait cet effort, reconstruire un projet de vie pour l’ensemble de leurs enfants, et ce avec des moyens extrêmement réduits. Cinq ans me paraissent suffisants pour leur permettre d’évacuer leurs difficultés financières, de régler bon nombre de problèmes et d’éteindre leurs dettes de consommation.
Bien évidemment, dans cette lutte contre les abus en matière d’octrois de crédits excessifs, la création, à l’article 22 bis, du registre national des crédits est un outil précieux. Il y a plus de dix ans que notre famille politique porte cette demande au Parlement ! Le 26 avril 2012, je déposais encore une proposition de loi à ce sujet, tandis qu’en novembre de la même année une proposition de loi du groupe UDI était rejetée à l’Assemblée nationale.
Toutefois, nous avions alors avancé puisque vous reconnaissiez, monsieur le ministre, que ce fichier positif serait « un moyen concret de lutter contre le surendettement et que le Gouvernement y était désormais favorable » ; vous en apportez d’ailleurs la preuve aujourd’hui.
Je le dirai très simplement : indépendamment des tribulations législatives et politiques de nos demandes, nous nous félicitons que ce dispositif figure dans ce projet de loi. Il s’agit d’une avancée majeure, car les travaux de notre groupe de travail sur le surendettement ont mis en lumière que, au-delà des personnes qui entrent dans une procédure de surendettement, il y a désormais un phénomène plus général de « malendettement », qui traduit la fragilisation financière des classes moyennes. La fuite en avant par le crédit renouvelable n’en est que l’un des révélateurs.
La Banque postale le constate aussi à travers son taux élevé de refus de rachats de crédits. Elle ne donne pas suite à 60 % des dossiers qu’elle reçoit, les emprunteurs qui les déposent étant déjà trop endettés pour qu’un rachat de crédits puisse les aider.
Savoir stopper la spirale du crédit de trop, avant l’incident de paiement, est donc bien devenu une véritable nécessité.
C’est pourquoi notre souci, dans ce débat, est de construire un dispositif simple et efficace. Or il faut bien avouer que, malgré le travail tout à fait pertinent de la commission des affaires économiques et de ses rapporteurs, le texte actuel conduit à s’interroger sur la faisabilité de sa mise en œuvre. Bien sûr, il est incomplet puisqu’il ne recensera pas les crédits immobiliers. Mais c’est un bon début, et rien n’empêche de penser que nous pourrons combler cette lacune ultérieurement.
Ce qui nous inquiète davantage, c’est l’économie même du dispositif de l’article 22 bis, qui nous apparaît encore bien trop complexe pour être rapidement opérationnel. Voilà pourquoi nous avons cherché à l’améliorer.
En introduisant l’article 22 septies, notre commission a justement souhaité apporter une simplification en réduisant à deux le nombre de décrets d’application. Nous nous proposerons de compléter son travail en toilettant l’article 22 bis de tous les autres décrets qui restent apparents dans le texte.
Nous avions prévu de ramener à deux ans, plutôt que trois, le délai de publication des décrets d’application, sachant qu’il faudra ensuite aux établissements de crédit environ deux ans et demi, en moyenne, pour procéder aux ajustements techniques nécessaires et sachant aussi que, bien sûr, tous ces délais s’additionnent. Curieusement, cet amendement est tombé sous le coup de l’article 40. C’est bien dommage, car cette addition de délais, qu’il convient de réduire, ne correspond ni au temps du consommateur ni à celui de la crise. Il nous faut faire en sorte que chaque mois gagné permette un meilleur accompagnement des milliers de ménages qui ont besoin d’être mieux protégés.
Pour accélérer encore l’efficacité immédiate du fichier, nous vous proposerons de reprendre le stock de crédits existants, afin que le registre national dispose d’emblée de l’historique des crédits souscrits. Comment pourrions-nous justifier devant l’opinion et les ménages les plus fragiles qu’il faille attendre encore vingt-quatre ou trente-six mois, le temps de la montée en puissance du fichier ? Aider les personnes en difficulté financière, c’est agir en urgence dans la crise, et non se fixer un objectif à l’horizon de six, huit ou dix ans !
Désormais, monsieur le ministre, nous portons collectivement cette responsabilité. Une fois le « fichier positif » voté, il doit être utile très vite.
Voilà pourquoi nous souhaitons que ce fichier recense aussi tous les rachats de crédits et prenne en compte le montant de tous les crédits renouvelables, y compris les réserves non utilisées : cela permettra d’aider les personnes au bon moment, et non lorsqu’il est déjà trop tard, et de responsabiliser définitivement les établissements de crédit.
Certes, le fichier positif ne sera pas un remède miracle contre toutes les fragilités financières de nos concitoyens. D’autres mesures seront également utiles dans ce combat contre le malendettement et le surendettement. Nous vous en proposerons.
Cependant, l’exemple de la Belgique, l’expérience de la fondation CRESUS et nos auditions au sein du groupe de travail me conduisent à penser que ce répertoire est réalisable techniquement, viable financièrement, respectueux de nos libertés et surtout, ainsi amendé, utile socialement, ce qui est l’essentiel.
Je souhaite que le Sénat soit sensible à nos arguments et que nos amendements puissent être adoptés.
C’est d’ailleurs en fonction du sort réservé aux amendements que l’UDI-UC aura présentés, en particulier sur l’action de groupe, le registre national et le crédit à la consommation, que nous déterminerons notre position sur l’ensemble de ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Alain Bertrand applaudit également.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 2008, nos concitoyens subissent les effets dévastateurs d’une succession de crises qui ont toutes pour conséquence directe ou indirecte la hausse du chômage et de la précarité, la baisse du pouvoir d’achat et du niveau de vie.
Cette spirale récessive a fortement et durablement affecté notre économie, mais la majorité plurielle et le Gouvernement conjuguent leurs efforts pour restaurer le plus rapidement possible une croissance durable et génératrice d’emplois.
Le projet de loi relatif à la consommation est une pierre supplémentaire de cet édifice. Il ne vise pas seulement à redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens ; il rééquilibrera aussi les relations entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que les relations interentreprises.
L’introduction de l’action de groupe dans le droit français, qui figure à l’article 1er, a fait et fera encore couler beaucoup d’encre. Il y a ceux qui y sont opposés, le plus souvent par scepticisme, et ceux qui trouvent que le dispositif ne va pas assez loin.
Les membres du groupe RDSE cosignataires d’une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Plancade déposée le 5 avril dernier souhaiteraient, pour leur part, un dispositif qui soit dès à présent plus large et plus ambitieux. D’où nos amendements.
De notre point de vue, l’action de groupe est nécessaire pour permettre la réparation de dommages de masse et pour favoriser une meilleure régulation économique. Il nous semble urgent de l’introduire non seulement dans le domaine de la consommation et de la concurrence, mais aussi dans celui de la santé. N’en déplaise à nos partenaires écologistes, nous sommes encore réservés pour ce qui concerne l’environnement.
Le Gouvernement a annoncé une action de groupe en matière de santé mais, pour l’instant, aucun texte n’a été présenté. Pourquoi attendre ? Le scandale du Mediator et bien d’autres justifient l’application rapide de l’action de groupe aux produits de santé.
Ces grands scandales sont incompréhensibles pour nos concitoyens, qui ont confiance, à juste titre, dans les mécanismes mis en place aux niveaux national et européen pour les protéger. Pourtant, malgré des règles et des contrôles stricts, de telles affaires sont fréquentes, notamment dans le domaine alimentaire... Celle de la viande de cheval a récemment marqué les esprits.
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Robert Tropeano. Elle m’avait conduit à vous interroger, monsieur le ministre, le 11 avril dernier, à l’occasion d’une séance de questions d’actualité, sur les moyens de la DGCCRF.
Les agents de la DGCCRF font un travail aussi essentiel que remarquable. Sans eux, la sécurité des produits, qu’elle soit générale, alimentaire ou sanitaire, ne serait pas garantie. Or cette direction souffre depuis plusieurs années, vous le savez, d’une réduction drastique et inacceptable de ses moyens, alors que les besoins sont de plus en plus importants. Je rappelle les chiffres, qui sont accablants : 560 postes ont été supprimés depuis 2007, ce qui a conduit à une baisse de 13 % du nombre de contrôles effectués sur le terrain. On ne peut pas continuer ainsi !
Ce projet de loi renforce les pouvoirs et élargit encore les missions des agents de la DGCCRF. Ainsi, ceux-ci pourront désormais effectuer des contrôles « mystères ». Les matériaux et objets importés destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires seront davantage contrôlés.
Toutes ces mesures vont dans le bon sens, mais elles seront dénuées d’efficacité si les moyens de cette administration ne sont pas significativement renforcés. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, que le projet de loi de finances pour 2014 tiendrait compte de cette nécessité. J’espère que ce sera le cas, et nous vous y aiderons.
Il est parfois délicat d’arbitrer entre l’intérêt du consommateur et celui des entreprises. Où est l’intérêt de notre économie ?
De nombreux lobbys s’adressent à nous pour nous avertir du risque que fait peser telle ou telle disposition sur le maintien de l’emploi dans un secteur particulier. Pour autant, il nous semble qu’il faut parfois faire des choix clairement favorables aux consommateurs. C’est aussi faire le pari d’une nouvelle économie, plus juste et plus responsable, mais également créatrice d’emplois.
Notre devoir est également de protéger nos concitoyens, notamment les plus vulnérables d’entre eux. C’est l’objectif poursuivi au travers de plusieurs amendements du groupe RDSE.
Nous souhaitons, par exemple, un dispositif véritablement efficace pour lutter contre le démarchage téléphonique, une pratique par laquelle de nombreuses entreprises s’immiscent de manière répétée dans la sphère privée des consommateurs, sans leur accord.
L’article 5 du projet de loi prévoit la création d’une liste d’opposition au démarchage téléphonique. Le dispositif proposé a certes été amélioré par nos deux rapporteurs en commission des affaires économiques. Ils ont notamment renforcé l’information des consommateurs quant à l’existence d’une telle liste et précisé que l’interdiction de contacter les personnes figurant sur celle-ci s’applique également si le démarchage est réalisé depuis l’étranger.
Pour autant, ce dispositif reste insuffisant, car il suppose une démarche volontaire du consommateur, que chacun n’est pas nécessairement en mesure d’effectuer.
En outre, même avec une information renforcée, certains consommateurs continueront d’ignorer l’existence de cette liste. C’est pourquoi nous proposons de reprendre les dispositions de la proposition de loi de plusieurs membres du groupe RDSE qui, déposée sur l’initiative de son président, Jacques Mézard, a été adoptée à l’unanimité par le Sénat, le 28 avril 2011.
Faut-il rappeler que notre collègue Nicole Bonnefoy, déjà rapporteur pour avis du projet de loi Lefebvre, avait repris et fait adopter une seconde fois par la majorité sénatoriale cette disposition en décembre 2011 ?
La liste d’opposition au démarchage existe déjà : il s’agit de Pacitel. Mais, nous le voyons bien, cela ne fonctionne pas. Ce n’est pas en créant une sorte de Pacitel amélioré que nous protégerons mieux les consommateurs. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à confirmer votre vote de 2011 et à adopter l’amendement n° 118 du RDSE.
Ce projet de loi prône également de nouveaux moyens de consommation et met en œuvre une valorisation accrue des produits de qualité, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
La mention « fait maison » dans la restauration, défendue par la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, permettra aux consommateurs de choisir en toute connaissance de cause le repas pris en dehors de leur domicile.
De la même façon, l’extension des indications géographiques aux produits non alimentaires est une mesure très attendue pour valoriser les produits de qualité de nos territoires et permettre d’y maintenir des activités de tradition.
Enfin, je tiens à apporter mon soutien aux amendements à l’article 62 qui ont été adoptés en commission et qui sont favorables aux viticulteurs.
Cet article est désormais conforme à l’esprit du projet de loi qui vise, rappelons-le, à rééquilibrer les relations commerciales, trop souvent défavorables aux producteurs, et à lutter contre les pratiques abusives ou déloyales. Or c’est bien de cela qu’il s’agit puisque, comme l’a précisé mon collègue et ami Roland Courteau devant notre commission, certains négociants laissent le vin en cuve pendant des mois en attendant une baisse des prix afin de renégocier les contrats. Pourtant, le droit prévoit que l’acheteur doit verser un acompte de 15 % dans les dix jours suivant la vente. Il est actuellement permis de déroger à cette règle, qui figure dans le code rural et de la pêche maritime, par un accord interprofessionnel. Mais de tels accords sont très défavorables aux viticulteurs, qui doivent supporter l’ensemble des coûts de stockage de leur marchandise alors que celle-ci est déjà vendue. C’est pourquoi il est tout à fait justifié de supprimer cette possibilité de dérogation.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi a le mérite de constituer un ensemble plutôt cohérent de mesures renforçant les pouvoirs des consommateurs et favorisant le bon fonctionnement de notre économie.
Bien sûr, il reste perfectible sur de nombreux points, et c’est pourquoi nous vous proposerons des amendements qui, je l’espère, emporteront le plus souvent possible l’adhésion de notre Haute Assemblée. Dans ces conditions, le groupe du RDSE apportera alors son entier soutien au texte coproduit par le Gouvernement et le Sénat. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate avec plaisir que le débat est ouvert. La majorité soutient ce texte, ce qui est la moindre des choses, tandis que la plupart des autres groupes ont déclaré qu’ils se détermineraient à l’issue de la discussion. Telle est bien la finalité du travail parlementaire !
M. Charles Revet. Cela dépend de vous !
M. Richard Yung. C’est un dialogue, mon cher collègue !
J’insisterai sur deux points : la mise en place d’une action de groupe, qui est la mesure phare de ce projet de loi, et la création des indications géographiques à vocation industrielle, dont on parle moins mais qui mérite d’être évoquée.
En ce qui concerne l’instauration de l’action de groupe, je tiens à souligner l’importance et la rapidité de l’action du Gouvernement, la discussion du présent texte intervenant un peu plus d’un an après votre prise de fonctions, monsieur le ministre. Sans vouloir polémiquer, je relèverai que les gouvernements précédents ont mis plus de dix ans pour ne pas aboutir sur cette question !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski. C’est bien parti…
M. Richard Yung. Je me rappelle ce tango argentin permanent, mené tour à tour par MM. Chirac, Chatel et Lefebvre. Quel était le fond du problème ? Le MEDEF était –et il est toujours – contre l’action de groupe.
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. François Calvet. Le MEDEF n’a pas tort !
M. Richard Yung. La discussion montrera peut-être qu’il a tort ; à mon avis, c’est bien le cas !
J’ai eu plusieurs fois l’occasion de m’en expliquer avec des responsables du MEDEF : les garanties figurant dans le texte présenté par le Gouvernement font que l’action de groupe, telle qu’elle est conçue ici, ne constituera en aucun cas un danger pour les entreprises.
M. François Calvet. On verra !
M. Richard Yung. Une action de groupe existe dans la plupart des grandes économies européennes.
M. François Calvet. Ce n’est pas la même !
M. Richard Yung. Que je sache, l’économie néerlandaise ne s’est pas effondrée à la suite de la création de l’action de groupe !
Le MEDEF a une position doctrinaire en la matière.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Richard Yung. Voilà le fond du problème ! Vous nous reprochez souvent d’avoir une attitude doctrinaire, mais je vous retourne cette critique, chers collègues de l’opposition !
Ces atermoiements nous ont fait perdre beaucoup de temps. Nous sommes le dernier grand pays européen à ne pas avoir mis en place une action de groupe.
Mme Lamure nous a offert un florilège des arguments invoqués pour justifier cet attentisme. Ainsi, il faudrait attendre les propositions de la Commission européenne : voilà déjà cinq ans que nous patientons, et il y en a encore pour trois ans ! À trop attendre, nous arriverons après la revue, tandis que tous les autres pays se seront dotés, pendant ce temps, d’une législation en la matière.
Vous avez également affirmé, madame Lamure, que tous les moyens nécessaires existent déjà en droit français, notamment la représentation conjointe. Or, depuis dix ans que ce dispositif est en vigueur, il n’a été utilisé que dans un seul cas… Quel formidable outil ! Cette démarche est beaucoup trop coûteuse et compliquée : personne ne s’y retrouve, personne ne l’utilise.
Vous avez par ailleurs parlé d’investissement, mais il s’agit ici d’un projet de loi de structure, et non de relance de la consommation ou de politique économique ! Il ne faut pas déplacer le débat sur des terrains qui ne relèvent pas du champ du texte.
Mme Élisabeth Lamure. Il ne faut pas non plus être trop restrictif !
M. Richard Yung. Enfin, je ne relèverai pas vos propos désobligeants sur notre prétendue ignorance de la vie des entreprises. Sur quoi vous fondez-vous pour affirmer une telle chose ? Auriez-vous le monopole de la représentation des entreprises ?
M. Ladislas Poniatowski. Ce n’est pas le ministre Hamon qui nous répond, c’est le ministre Yung !
M. Richard Yung. En quelque sorte, le MEDEF, c’est vous ! Nous ne polémiquerons pas (Rires.), mais je tenais tout de même à vous répondre !
Ce projet de loi répond à une demande sociale relayée depuis de nombreuses années par les grandes associations de consommateurs. La création d’une action de groupe permettra une mutualisation des coûts et des risques, et constituera une avancée en termes de démocratisation de l’exercice des recours dans le domaine de la consommation.
Le dispositif conçu par le Gouvernement est équilibré et compatible avec notre tradition juridique. Je note qu’il s’inspire largement des nombreux travaux que j’ai menés dans le passé avec nos anciens collègues Nicole Bricq et Laurent Béteille. Le fait que ce dernier appartenait au groupe UMP témoigne de notre ouverture en la matière.
Il faut souligner quelques avancées importantes : la désignation d’une association « chef de file » en cas de concurrence d’actions portant sur les mêmes faits, grâce à l’adoption en commission d’un amendement présenté par Mme Bonnefoy, la réparation en nature du préjudice et la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel, mesures introduites par le biais de deux amendements défendus à l'Assemblée nationale par M. Hammadi, enfin l’instauration d’une clause de revoyure, disposition sage et intelligente instaurée par un amendement de Mme Pascale Got.
À l’issue de longues discussions, nous avons choisi la voie de l’opt-in, conformément à notre tradition juridique. Ce dispositif renforcera l’effectivité du droit à réparation pour les « petits » litiges.
Je comprends que la définition du champ d’application de la procédure fasse débat. Faut-il le restreindre à la seule consommation ou l’étendre à d’autres domaines ? Il me semble plus sage, plus conforme à notre tradition de le circonscrire à la consommation dans un premier temps, d’autant qu’est prévue une clause de revoyure.
Il a ainsi été envisagé d’étendre le champ de l’action de groupe au domaine de la santé, mais il existe déjà des dispositifs spécifiques d’indemnisation pour les préjudices de masse relevant de ce dernier, notamment le Fonds d’indemnisation des transfusés et hémophiles et l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’ONIAM. En outre, la santé intéressant le corps même de l’individu, chaque cas est éminemment particulier : l’action de groupe ne paraît pas constituer une voie très appropriée en la matière, même si les scandales récents du Mediator et des prothèses PIP incitent à l’ouverture. À cet égard, Mme la ministre des affaires sociales et de la santé s’est prononcée en faveur de la création d’une action de groupe dans le domaine de la santé, mais il devrait s’agir d’une procédure spécifique.
Je constate que le choix de réserver l’initiative de l’action de groupe aux seules associations de défense des consommateurs agréées ne fait pas l’unanimité. Je pense pour ma part que cela permettra d’éviter toute dérive procédurière. Nous savons que ces associations, grâce à leur expertise, jouent un rôle éminent dans la défense de l’intérêt collectif et des intérêts individuels des consommateurs.
Nous aurons à faire preuve de pédagogie, car il s’agit ici d’une approche nouvelle en droit français, mais je suis persuadé que ce dispositif connaîtra le succès. J’ajoute que, dans les pays où existe l’action de groupe, on constate que, dans la plupart des cas, les entreprises choisissent de recourir à la médiation : la procédure va très rarement jusqu’à son terme. D’une certaine façon, l’action de groupe a des incidences bénéfiques pour les entreprises, qui se trouvent incitées à améliorer la qualité de leurs produits ou services et à remédier à certains dysfonctionnements.
J’en viens maintenant à la création d’indications géographiques pour les produits non alimentaires.
Force est de constater que si la procédure nationale de protection des appellations d’origine est très efficace pour les produits alimentaires, elle n’est pas adaptée aux produits artisanaux ou industriels.
Cette situation contraint souvent les professionnels concernés à déposer des noms géographiques en tant que marques – je pense notamment à l’exemple de Laguiole –, ce qui n’est pas de bonne pratique, la marque étant un concept commercial. Que des entreprises puissent utiliser les marques pour protéger des appellations d’origine, quelles qu’elles soient, n’est donc pas une bonne chose. Il s’agit là d’une lacune de notre législation ; pour y remédier, le projet de loi prévoit des filtres, qui permettront à l’INPI de saisir l’exécutif de l’aire géographique concernée de toute demande de dépôt d’une marque reprenant la dénomination d’une commune, d’un pays ou d’une région avant de prendre une décision.
Rendre accessible le dispositif de protection des indications géographiques aux produits industriels ou artisanaux me semble une excellente initiative, qui contribuera à la valorisation de nos produits, ainsi qu’à la relocalisation en France de certaines productions. Cela permettra, d’une certaine façon, de promouvoir le made in France.
Je pense que ce dispositif remportera un grand succès. On estime qu’entre quatre-vingt et cent demandes d’indication géographique pour des produits industriels ou artisanaux pourraient être déposées. Cette démarche est conforme à notre culture, à notre tradition.
Cela nous placera en position forte à l’égard tant de la Commission européenne que des Américains, qui utilisent pour leur part un système tout à fait critiquable de marques dites « collectives ». Je pense que la protection que nous allons mettre en place sera très efficace.
Pour toutes ces raisons, je vous remercie, monsieur le ministre, de nous soumettre ce texte de progrès. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. En préambule, je tiens à saluer la démarche de M. le ministre, qui a souhaité associer à son déplacement à Bruxelles, le 6 septembre dernier, pour défendre devant la Commission européenne la position de la France en matière d’étiquetage de produits alimentaires, une délégation de parlementaires issus de l’ensemble des formations politiques.
J’ai toujours milité pour doter notre système judiciaire d’un mécanisme permettant aux citoyens lésés individuellement d’agir collectivement en justice, afin de rééquilibrer un rapport de force inégal.
Monsieur le ministre, votre projet de loi a le mérite d’introduire, par le biais de son chapitre Ier, ce formidable outil dans notre système juridique, comme le souhaitaient depuis longtemps les écologistes. C’était l’un des soixante engagements de la campagne présidentielle du candidat François Hollande.
Toutefois, le modèle d’action de groupe que vous proposez est bien en deçà des enjeux et de l’immense potentiel que son mécanisme devrait recéler.
Tout d’abord, il est regrettable que le champ d’application de ce projet de loi soit limité au droit de la consommation et exclue le droit des sociétés, le droit boursier et, surtout, les préjudices en matière de santé et d’environnement.
Qui plus est, ce texte ne prévoit qu’une indemnisation des préjudices matériels, à l’exclusion des dommages corporels, du préjudice écologique et du préjudice moral. L’action de groupe se trouve ainsi vidée d’une grande partie de sa substance.
Monsieur le ministre, est-il utile de rappeler que bien des affaires, comme celles du Mediator, des prothèses PIP ou de l’amiante, révèlent précisément des préjudices physiques et moraux ?
Mes chers collègues, prenons un exemple concret : si les victimes du Mediator formaient une action de groupe comme celle-ci semble se dessiner au travers du texte, elles seraient dédommagées du prix du médicament, alors que les multiples conséquences avérées sur leur santé, telles que les problèmes cardiovasculaires, voire les décès, seraient exclues en droit.
Une seconde critique tient au monopole accordé à quelques associations de protection des consommateurs, qui seraient seules habilitées à saisir la justice. Cette restriction du droit d’agir semble s’opposer au principe de libre et égal accès à la justice reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme. Officiellement, il s’agit d’éviter les dérives des actions de groupe « à l’américaine ».
Mais j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les mécanismes suivants et sur certaines lacunes du texte qui nous est soumis.
Ainsi, aucun dispositif n’est prévu pour financer ces actions très lourdes.
Selon le texte du projet de loi, les consommateurs ne sont pas tenus d’adhérer à l’association qui engage l’action de groupe. Si l’association les représente, ils ne sont pas éligibles à l’aide juridictionnelle, et l’association non plus. Or, si une association agit au nom de tous, elle devra faire payer ceux qui lui donnent pouvoir, ou se faire financer par d’autres sources. Le risque est que des fonds de pension ou autres organismes « investissent » dans un procès ! En clair, un fonds de pension américain pourra gagner de l’argent grâce aux dommages-intérêts issus d’une action de groupe visant une entreprise française ! Et s’il est possible que les consommateurs bénéficient de l’aide juridictionnelle, en cas de sollicitation, un fonds de pension, par exemple, avancera l’argent et se paiera sur l’aide juridictionnelle, ce qui favorisera une forme de spéculation financière.
Ainsi conçue, on le comprend, l’action de groupe perd une large partie de sa raison d’être.
Certes, monsieur le ministre, nous avons bien pris acte de l’engagement du Gouvernement de créer ultérieurement deux actions de groupe spécifiques au domaine de la santé et à celui de l’environnement. Toutefois, cette perspective ne nous satisfait pas, car cela affaiblit l’efficacité de l’action de groupe que vous entendez mettre en place.
L’exécutif fait le choix de segmenter l’action de groupe et veut imposer le filtre des associations. Ne cède-t-il pas un peu vite aux industriels et au MEDEF, qui disent craindre les effets d’une action de groupe « à l’américaine », avec ses dérives ?
Il est facile d’objecter que les class actions les plus spectaculaires outre-Atlantique – je pense notamment à celles qui ont visé les industries du tabac ou des cas de pollution de l’eau – n’ont en rien affaibli les entreprises ; elles les auront rendues plus responsables !
J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que les abus constatés outre-Atlantique sont induits par le système judiciaire américain, dont le mécanisme des « dommages-intérêts punitifs » expose les entreprises et fait de l’action de groupe un marché très lucratif, en particulier pour les cabinets d’avocats.
En France, il n’en va nullement de même. L’action de groupe en matière de santé ou d’environnement serait un processus gagnant-gagnant de co-construction, puisqu’il permettrait aux citoyens d’aider les acteurs économiques à améliorer la qualité de leur offre, et finalement à gagner en compétitivité.
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas oser présenter un projet de loi ambitieux, au champ d’application étendu à tout type de préjudice, à tout type de juridiction, qui permettrait aux citoyens de se regrouper sans passer par l’intermédiaire d’une association agréée et serait profitable à l’ensemble des personnes lésées ?
Je terminerai en disant qu’il est essentiel que l’action de groupe soit un véritable outil juridique. Nous devons pouvoir soutenir un projet de loi solide, pérenne et universel, et travailler à élaborer des solutions pour le financement des procédures. Alors, et seulement alors, l’engagement pris par le Président de la République sera respecté.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà cinquante ans s’ouvrait le premier hypermarché de France, à Sainte-Geneviève-des-Bois, selon le concept novateur d’un centre commercial situé à la périphérie de la ville et accessible uniquement en voiture.
Il y a vingt et un mois, Frédéric Lefebvre essayait de faire voter au Sénat son projet de loi relatif à la consommation, succédant à la loi Chatel, qui a permis de réelles avancées en matière de téléphonie mobile. Aujourd’hui, monsieur le ministre, si vous nous présentez le troisième texte sur ce thème en cinq ans, c’est parce que nous demeurons toujours autant impliqués dans la défense des Français, de leur pouvoir d’achat, ainsi que dans le soutien aux entreprises, moteurs de l’économie et de l’emploi.
En moins de deux ans, les modes d’achat ont évolué presque autant que depuis l’apparition des premiers hypermarchés. Au cours du premier trimestre de cette année, plus de 5 millions de Français ont utilisé un smartphone pour réaliser des achats : ce « m-commerce » a progressé de plus de 10 % au deuxième trimestre. Choisir, commander et se faire livrer un bien, un service, souscrire un abonnement se fait de plus en plus sur internet, par un simple « clic ». Sur la Toile se réalisent les comparaisons et se développent des sites et applications qui ne sont malheureusement ni aussi informatifs ni aussi transparents qu’il serait souhaitable.
Avec l’explosion du e-commerce, en se plaignant, le consommateur peut devenir contributeur et, en quelques phrases assassines, ébranler l’e-réputation d’un produit. Le consommateur devient un « consom’acteur ».
Mais il n’en va pas toujours ainsi ! Les spams et les SMS, ces véhicules du porte-à-porte virtuel, poussent à des achats irréfléchis. Heureusement, il existe des délais de rétractation, mais il s’avère souvent plus difficile de se désister ou de résilier un contrat que d’acheter.
Force est de constater que les services clients ne sont pas exempts de critiques. Bientôt, c’est sur leur qualité que les marques seront jugées.
Nous avons tous, ministres, parlementaires, rapporteurs, associations, le même objectif : rendre plus harmonieux les rapports entre les consommateurs et les entreprises, protéger les premiers, mais en les rendant plus responsables. C’est dans cet esprit, en tout cas, que je me suis penchée sur certaines dispositions de ce texte.
Je ne conteste pas que certains professionnels recourent à des pratiques abusives, notamment en faisant appel presque systématiquement et immédiatement à des sociétés de recouvrement. Mais ne soyons pas manichéens : la malhonnêteté n’est pas dans un seul camp. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
En matière d’assurances, les fausses déclarations et les fraudes font partie du quotidien ; leur coût a été chiffré à 2,5 milliards d’euros en 2011, ce qui équivaut à 5 % du montant des primes d’assurance. C’est la raison pour laquelle je trouve dangereuse l’une de vos propositions phares : permettre la résiliation infra-annuelle des polices d’assurance dès après la première année.
D’abord, vous partez du postulat que la concurrence va entraîner une baisse des prix de l’assurance ; non : la concurrence va alourdir les coûts d’acquisition des nouveaux clients, les frais de gestion et de publicité.
Vous affirmez ensuite que l’assuré va y gagner en pouvoir d’achat. Mais les assurances habitation, responsabilité civile ou automobile ne pèsent que 2,1 % dans le budget d’un ménage – et non pas 5 %, monsieur le ministre. Sincèrement, combien allons-nous gagner au petit jeu des résiliations permanentes ?
Vous allez surtout permettre une amélioration du chiffre d’affaires des comparateurs d’assurances, qui se rémunèrent au nombre de « clics » et aux affaires, et qui cherchent à se faire une place. Mais vous avez ouvert la porte de la bergerie au « grand méchant loup américain » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), puisque Google vient de lancer son comparateur en France. Qui va y gagner ? Faisons les paris : sans doute pas l’assuré !
J’aurai l’occasion de présenter divers amendements sur ce thème. Je veux ici insister sur ce qui me paraît être préjudiciable au consommateur : la signification de la résiliation de son contrat par lettre simple. Comment pourra-t-il justifier de la réalité de l’envoi de celle-ci ? Un courrier peut être perdu par la poste, égaré dans les services, resté en poche ou dans le sac à main… Je rappelle que, dorénavant, les lettres recommandées peuvent aussi être envoyées par internet. Soyons sages plutôt qu’idéalistes : évitons de futures contestations et organisons mieux la sécurisation de l’assuré.
Cela étant, monsieur le ministre, pourquoi restreindre la résiliation annuelle des contrats à tacite reconduction aux seules assurances, si vous croyez tant en sa vertu ? Passons à la « maxi dose », et rendons applicable ce principe à tous les contrats de même type qui pèsent aussi lourd sur le budget des ménages.
Il y a deux ans, je citai le cas de Canal Plus : le coût de l’abonnement est de 400 euros par an au minimum… Mais que dire des contrats de fourniture de gaz en citerne ou des abonnements de dix-huit mois aux salles de sport, sans oublier les cartes d’abonnement au cinéma pour une durée de douze mois, qui coûtent entre 240 et 400 euros, soit davantage que les assurances obligatoires ?
Je suis confiante. Si votre intime conviction est que la modification des règles de résiliation sera un bienfait pour les Français, à défaut de l’être pour l’humanité, vous ne pourrez que donner un avis favorable à mon amendement visant à étendre le champ d’application de votre dispositif à tous les contrats à tacite reconduction. À défaut, cette focalisation sur les seules assurances pourrait paraître suspecte…
Sans me livrer à un inventaire à la Prévert des amendements que je défendrai, je citerai celui concernant les comparateurs d’assurances en ligne, qui ne peuvent naturellement pas tout comparer. En la matière, je proposerai de suivre l’avis du Comité consultatif du secteur financier du 10 mai 2012 les définissant comme des intermédiaires d’assurance et améliorant leur transparence et leur efficacité. Certains comparateurs français m’ont écrit qu’ils y étaient favorables, mais, naturellement, je n’ai reçu aucun courrier de la part de Google !
Concernant les achats immobiliers, je suggère que la célèbre loi de mon ami député Gilles Carrez ne soit plus bafouée sur les sites en ligne d’annonces immobilières, mais aussi, et surtout, que le libre choix de l’assurance emprunteur voulu par Christine Lagarde puisse enfin devenir effectif, au moyen de quelques précisions.
J’évoquerai aussi les modes d’emploi, car, dans ce domaine, la politique de préservation de l’environnement permet surtout aux fabricants de réduire leurs coûts d’impression. S’ils restent dans la légalité, ils laissent bon nombre de consommateurs sans accès à l’information indispensable à l’usage du bien.
Enfin, je souhaiterais que nous avancions sur l’encadrement du motif légitime de résiliation, qui, dans les faits, est la légitimation du refus du professionnel d’accepter la résiliation. Il s’agit en la matière d’un véritable « parcours du combattant », dont sont encore venus attester des courriers que j’ai reçus ce matin.
Chacun des précédents textes relatifs à la consommation a apporté – ou aurait pu apporter, si l’opposition de l’époque n’y avait pas fait obstruction –, son lot d’améliorations. C’est dans cet esprit d’ouverture que, pour ma part, j’ai travaillé sur ce projet de loi, et j’ose espérer que le Gouvernement acceptera les amendements de l’opposition, qui ont pour objet de rendre le texte plus utile et complet.
Je conclurai sur ce qui a constitué une avancée depuis l’adoption du dernier projet de loi sur la consommation : l’information des abonnés à Canal Plus en matière de résiliation. Partie seule, j’ai rallié soixante-dix cosignataires à ma proposition de loi, et le groupe Canal Plus a fini par mettre en place des pratiques conformes à l’article 136-1 du code de la consommation, et ce sans intervention d’une loi. Un député socialiste que je ne connais pas, M. Barbier, a même présenté les dispositions de ma proposition de loi sous forme d’amendements à l’Assemblée nationale… (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) L’information préalable sur la possibilité de résilier, qui devrait devenir effective concernant le groupe Canal Plus, pourra s’appliquer aux autres professionnels. Cela montre que l’acharnement, avec le soutien des réseaux sociaux et des journalistes, peut déboucher sur des progrès, dans l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons, fidèle à l’engagement du Président de la République, est particulièrement attendu par nos concitoyens.
Ce projet de loi prévoit la mise en place ou l’amélioration de règles générales régissant le droit des consommateurs, sans toutefois négliger les intérêts de nos entreprises. Il concerne donc tous nos concitoyens et reflète une vision ambitieuse de nos relations économiques.
Dans le contexte actuel de stagnation de la croissance et de baisse de la consommation des ménages, les mesures proposées doivent justement permettre de relancer la consommation, et donc de stimuler notre économie nationale, la consommation demeurant l’une des composantes majeures de la croissance, puisqu’elle représente les deux tiers du PIB.
Toutefois, la défiance à l’égard des produits de consommation, qu’il s’agisse des biens ou des services, est générale et continue à s’amplifier. Ce regain de défiance des consommateurs va même croissant dans toute l’Europe et porte autant sur la protection de leurs droits que sur leur sécurité.
Le mécanisme de défiance se répercute sur les entreprises et les marques, qui ne sont plus des repères en matière de qualité. Les différents scandales alimentaires ou sanitaires qui ont suscité la polémique ces dernières années ont nourri les peurs, les angoisses, les égoïsmes et même le repli sur soi. Il y a quelques jours encore, l’association 60 millions de consommateurs a épinglé, dans son numéro de septembre, les cent produits les plus risqués pour notre santé, qui sont aussi les plus courants et en vente dans les grandes surfaces. Les révélations sur les ententes et le manque de transparence dans des secteurs tels que celui de la téléphonie alimentent également les inquiétudes.
Dans le même temps, il est demandé aux consommateurs d’être responsables. Pourtant, quel est le pouvoir de négociation d’un consommateur isolé ? Que peut-il faire, seul, face à un manquement du fabricant ou à un service après-vente insatisfaisant ? Lui fournir des informations pour lui permettre d’acheter en meilleure connaissance de cause, lui offrir un nouveau dispositif d’action collective en vue d’assurer sa protection et augmenter l’efficacité des contrôles, c’est assurément permettre de restaurer sa confiance. Tel est l’objectif du présent texte.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Delphine Bataille. Dans notre pays, les comportements des agents économiques ont également évolué face à la crise que nous connaissons depuis plusieurs années. Avec des salaires en baisse ou stagnants et une augmentation des dépenses contraintes, les consommateurs ont tendance à privilégier les prix bas et à rechercher les offres les moins chères. Cependant, ce choix du discount a des conséquences néfastes, en matière tant économique et sociale que de qualité de l’environnement. En effet, la plupart de nos entreprises se sont adaptées en conservant leurs rentes et leurs monopoles, au détriment, le plus souvent, des producteurs, des salariés et de la qualité des produits.
Les coûts de fabrication ont été tirés vers le bas, et la qualité des produits s’en ressent, de même que leur sécurité. Pour les produits bas de gamme, il n’est pas possible de rivaliser avec les pays à bas coût salarial, tant et si bien que l’on fabrique de moins en moins en France. Le phénomène se développe dans de nombreux secteurs de l’économie nationale, tels le transport aérien, l’automobile, l’alimentaire, l’habillement, l’ameublement, la téléphonie et bien d’autres encore. Force est de constater que la France perd de plus en plus en compétitivité et se positionne mal, en termes de ratio qualité-prix, face à ses voisins européens, même si certains secteurs restent performants à l’international, grâce à une vraie démarche qualité.
D’autres phénomènes viennent ajouter à ces difficultés : nos entreprises, sur le marché intérieur, ne sont guère performantes en termes de délais de livraison, de service après-vente ou, plus globalement, de réactivité. Il devenait donc urgent de les remobiliser autour de la qualité des produits et des services, gage de réussite en matière de compétitivité, sur le marché intérieur comme à l’international. Elles doivent se tourner vers la satisfaction du client et miser sur la qualité, dans un rapport gagnant-gagnant.
Une consommation responsable qui tire la qualité des produits vers le haut sera génératrice à la fois d’emplois et de meilleures performances commerciales et financières pour nos entreprises.
Ce projet de loi répond à ces enjeux en renforçant les moyens de lutte contre les mauvaises pratiques, en instituant plus de transparence et d’information entre les opérateurs et en rééquilibrant les relations interentreprises ou entre professionnels et consommateurs. Il vise à apporter des droits nouveaux aux citoyens et à influer de manière positive sur les dépenses contraintes des ménages.
Parmi les propositions contenues dans ce texte très complet, qui compte 130 articles, la création de l’action de groupe est, avec celle du registre national des crédits aux particuliers, l’une des mesures phares. Cela a déjà été dit, mais je veux le souligner de nouveau : si beaucoup l’avaient promis auparavant, c’est ce gouvernement, c’est vous, monsieur le ministre, qui, après trois décennies de débats, plusieurs textes et rapports, concrétisez l’engagement pris ! Les consommateurs apprécieront qu’il soit tenu, car, selon le Conseil d’analyse économique, plus de 80 % des Français se disent favorables à l’introduction de ce dispositif. Ils ont conscience que cet instrument permettra de mieux équilibrer les rapports de force entre professionnels et particuliers. Ils savent bien qu’il s’agit là d’une avancée considérable, contribuant à assainir notre économie.
Les consommateurs ayant subi le même type de préjudice pourront désormais se défendre collectivement en justice. Qu’il s’agisse de pratiques abusives ou frauduleuses, d’allégations mensongères ou de pratiques anticoncurrentielles, c’est un mode de recours efficace, qui permettra aussi de regrouper en une seule procédure les demandes de réparation, même pour de petits montants, d’un grand nombre d’individus qui ne pouvaient jusqu’alors qu’agir de manière isolée.
Les experts le reconnaissent, l’expérience de nombreux autres pays européens dans lesquels ce recours collectif est opérationnel depuis de nombreuses années, comme le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Italie, témoigne d’un impact socioéconomique positif du dispositif.
De surcroît, ce mode de recours va probablement se généraliser dans toute l’Europe. En effet, le 11 juin dernier, la Commission européenne a émis une recommandation encourageant les États membres à se doter de mécanismes de recours collectif pour garantir à leurs justiciables un accès effectif à la justice. Ils sont invités à adopter les mesures appropriées dans un délai de deux ans. On peut, sur cet aspect, partager les propos de la vice-présidente de la Commission, Mme Viviane Reding, laquelle a déclaré que cette recommandation procède d’une démarche équilibrée, évitant la mise en place d’un système d’action de groupe inspiré du modèle américain, ainsi que le risque de demandes fantaisistes et de procédures judiciaires abusives.
La Commission européenne a aussi établi un certain nombre de principes à respecter. Ainsi, les États devront veiller à ce que les procédures soient objectives, équitables et rapides, sans que leur coût soit pour autant prohibitif. Les procédures devront également reposer sur le principe du consentement exprès. Enfin, la Commission recommande que les demandeurs potentiels soient informés et que le rôle pivot revienne au juge.
Il est à noter que le dispositif proposé par le Gouvernement correspond aux préconisations européennes. Encadré, équilibré, il évite les écueils des class actions à l’américaine. Seules les seize associations de défense des consommateurs agréées et représentatives au niveau national auront qualité pour agir devant un tribunal compétent.
Par ailleurs, le champ d’action de ce recours sera circonscrit à la réparation de préjudices individuels et matériels. Toutefois, comme vous avez eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, la procédure pourra être adaptée et étendue aux domaines de la santé et de l’environnement, sur la base du rapport prévu à l’article 2 du texte, qui permettra d’évaluer sa mise en œuvre.
Un autre volet de portée considérable de ce projet de loi est consacré à l’amélioration de l’information, au renforcement des droits contractuels du consommateur et à la promotion de la durabilité et de la réparabilité des produits. Moins médiatisées que la création de l’action de groupe et du registre national des crédits aux particuliers, les mesures contenues dans ce chapitre important, qui comporte 25 articles, devront également être relayées efficacement auprès de nos concitoyens. Outre la définition proposée de la notion de consommateur, qui vient combler une lacune de notre droit, ce chapitre contient de notables améliorations quant aux obligations générales d’information par les professionnels et renforce les garanties données aux consommateurs.
Ainsi, pour faire son choix, le client aura désormais une connaissance précise de la date jusqu’à laquelle il pourra disposer des pièces détachées nécessaires à l’utilisation de son bien et le fabricant sera dans l’obligation de fournir celles-ci jusqu’à la date annoncée. Cette mesure permettra de lutter contre l’obsolescence des biens de consommation courante et d’augmenter la durée de vie des produits. Toutefois, il vous sera proposé, mes chers collègues, de préciser la notion d’obsolescence programmée dans notre code de la consommation, afin de permettre des actions judiciaires contre cette pratique frauduleuse.
Dans ce même chapitre, l’article relatif à la restauration paraît également essentiel. Il s’agit de la création de la mention « fait maison », votée à l’Assemblée nationale. Ce nouveau label, prévu pour les plats proposés dans les restaurants, ne peut qu’améliorer la transparence, de plus en plus recherchée par les consommateurs, sur la qualité des produits qu’ils consomment. Il va dans le sens de ce que l’on peut qualifier de véritable prise de conscience de nos concitoyens, qui cherchent à mieux s’alimenter et veulent connaître le contenu de leurs assiettes.
Cependant, il existe, au sein de la profession de restaurateur, de grandes disparités. Peu d’établissements pratiquent encore une cuisine traditionnelle et proposent une carte de plats préparés entièrement sur place avec des produits frais. En dehors des restaurants étoilés ou recommandés, il leur est difficile de se faire connaître et de rentabiliser leur activité, qui demande de surcroît beaucoup de main-d’œuvre.
Cette restauration artisanale est aujourd’hui difficilement identifiable et ne peut valoriser son savoir-faire. C’est pourquoi nous vous proposerons, monsieur le ministre, la création du titre d’artisan-restaurateur, qui, à l’instar de celui de boulanger, conférera un statut permettant d’identifier et d’honorer ce métier. La cuisine traditionnelle française mérite cette promotion, qui permettra une mise en valeur des produits de nos terroirs.
Dans la même perspective, le dispositif prévu aux articles 23 et 24, tendant à étendre les indications géographiques protégées aux produits manufacturés, permettra de valoriser nos terroirs et nos savoir-faire locaux. Ces marques de reconnaissance permettront à nos producteurs de mieux se défendre contre la concurrence. Ce sont aussi des outils destinés à soutenir le développement économique et l’emploi dans nos territoires.
Le texte dont nous débattons contient encore de nombreuses autres avancées en termes de droit de la consommation et de rééquilibrage des relations commerciales. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de l’institution, dans les contrats entre fournisseurs et distributeurs, d’une clause de renégociation obligatoire en cas de variation des prix des matières premières agricoles et alimentaires.
On peut également se réjouir de la teneur du chapitre V du projet de loi, qui vise à moderniser les moyens de contrôle et les pouvoirs dévolus à l’État par le biais de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, de la disposition visant à rendre possible la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance et des nombreuses mesures dont l’objet est de renforcer les moyens de contrôle et de lutte contre les abus en matière de crédit, dans le domaine du e-commerce et dans celui de la vente à distance.
Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est particulièrement dense et représente une avancée considérable en matière de consommation. Il sera proposé, au cours de la discussion, de compléter ou de renforcer encore certaines mesures.
Ce texte politique, qui parle aux Français et concerne leur quotidien, est donc sous-tendu par une vision juste et ambitieuse pour notre société. Il prévoit de réelles avancées pour relancer notre économie dans un cadre plus équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est mentionné, dans l’étude d’impact du projet de loi, que l’arsenal de sanctions à disposition des pouvoirs publics sera renforcé.
L’autorégulation des entreprises ne suffisant pas, vous souhaitez, monsieur le ministre, doter les services de l’État de compétences accrues pour sanctionner plus rapidement, plus efficacement et plus durement les infractions au code de la consommation.
C’est un objectif que, bien évidemment, nous partageons. Toutefois, augmenter sur le papier les pouvoirs de la DGCCRF ne restera qu’une mesure d’affichage si, dans le même temps, ce service jadis redouté ne dispose pas des moyens humains et matériels nécessaires à son action. Comment les objectifs de rapidité et d’efficacité pourront-ils être atteints si rien ne bouge ?
Les effectifs de la DGCCRF ont été réduits à hauteur de 15 % en six ans, soit une perte de 561 emplois. La DGCCRF ne regroupe plus aujourd’hui que 3 000 agents, dont à peine 2 000 enquêteurs ! Quarante-huit départements comptent moins de douze agents, vingt-huit moins de huit agents. Les baisses d’effectifs ont isolé les enquêteurs, forcés à la polyvalence, au détriment d’une réelle protection du consommateur.
Or rien n’indique que la tendance sera inversée. En effet, il ne suffit pas de « sanctuariser les effectifs existants », comme vous l’avez indiqué, monsieur le ministre ; il s’agit de défaire ce qui a été fait, de remettre en cause une architecture qui ne fonctionne pas et de donner des moyens humains et financiers, mais aussi organisationnels, à la DGCCRF.
À cet égard, le rapport de la Cour des comptes de juillet dernier est sans appel : « Il doit être mis fin à des dysfonctionnements nés de l’inadaptation de certaines structures nouvelles. » S’agissant de la dispersion des agents de la DGCCRF entre 120 unités, la Cour des comptes observe que « le maillage territorial de certaines administrations n’a pas été adapté à la mobilité internationale accrue des flux de produits ».
Enfin, en matière de marchés publics, nous ne comprenons pas le rejet de notre amendement prévoyant la présence automatique au sein des commissions d’appel d’offres d’agents de la DGCCRF, sur leur demande. Cela aurait pourtant été un signal fort en termes de renforcement des pouvoirs de ces agents et de reconnaissance de leur expertise.
Par ailleurs, ce projet de loi prévoit d’alourdir les sanctions pour fraude économique, de créer des sanctions dans les domaines où elles n’existaient pas et de renforcer certaines sanctions pénales existantes. Nous partageons cette orientation.
Toutefois, ce texte s’inscrit dans l’objectif de dépénalisation du droit économique. Il substitue une procédure de sanctions administratives à certaines sanctions pénales. Sont notamment concernés des manquements à l’obligation d’information des consommateurs sur les prix ou certaines clauses abusives figurant dans les contrats de consommation.
Or la dépénalisation du droit de la consommation nous inquiète. En effet, les amendes administratives sont très souvent anticipées par les entreprises, qui provisionnent le montant de l’amende probablement encourue. Cela rend la sanction quasiment indolore, alors que la sanction pénale permet la mise en cause personnelle des dirigeants et se révèle de ce fait plus efficace. Nous considérons que le droit pénal possède un caractère dissuasif dont l’amende administrative est dépourvue.
De même, nous ne comprenons pas la remise en cause de l’unité contentieuse en la matière. C’est pourquoi nous soutiendrons les amendements de la rapporteur de la commission des lois tendant à unifier le contentieux de la consommation devant l’ordre judiciaire.
Enfin, nous nous interrogeons sur la frilosité du Gouvernement quant à la question de l’indication d’origine de certains produits alimentaires. Alors que plus de 70 % de nos concitoyens jugent important de connaître l’origine précise des produits qu’ils consomment, que les syndicats paysans et organisations de producteurs des différentes filières se sont exprimés sur cette exigence d’indication du pays d’origine, le projet de loi ne contient aucune mesure forte à cet égard.
Pourtant, il ne fait plus de doute aujourd’hui qu’il est indispensable de rendre obligatoire l’indication du pays d’origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l’état brut ou transformés. L’article 3 de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche avait introduit la possibilité de faire figurer l’indication du pays d’origine pour ces produits, mais cette disposition facultative n’a jamais trouvé de traduction réglementaire. En outre, vous avez refusé, monsieur le ministre, l’inscription de ce principe dans le projet de loi lors des débats à l’Assemblée nationale. Nous devons, sans attendre une action européenne en la matière, envoyer un signal à nos partenaires européens sur la position française en matière d’étiquetage et de traçabilité. Continuons d’être, dans ce domaine, précurseurs et exigeants.
À cet égard, la réorganisation de l’INAO inquiète les viticulteurs du saint-pourcinois, qui m’ont alertée sur ce point. En effet, ils observent un éloignement et un affaiblissement du service public rendu, qui entraîne des difficultés en matière de procédure et une hausse de leurs coûts de production. Cet exemple local illustre la nécessité de préserver tous les acteurs et un maillage territorial à même de renforcer une véritable politique en faveur des consommateurs.
Monsieur le ministre, les consommateurs sont en droit d’attendre de l’État, garant de l’intérêt général, la conduite d’une politique de protection des consommateurs qui soit à la hauteur des enjeux nouveaux issus de la mondialisation des échanges. Nous présenterons, au cours de ce débat, des amendements visant à renforcer l’administration en réseau chargée de la protection économique des consommateurs, à garantir l’équilibre des échanges commerciaux entre les consommateurs et les professionnels, ainsi que l’accès à des produits de qualité, contrôlés par les pouvoirs publics. Enfin, nous veillerons à la préservation de l’équité des contrats commerciaux, y compris dans le domaine du e-commerce. Monsieur le ministre, nous écouterons bien évidemment vos réponses avec attention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Létard a présenté la position de notre groupe sur ce texte. Quant à moi, je souhaite centrer mon propos sur le crédit à la consommation et le surendettement.
Nouvellement élue sénatrice, ce sont deux des premiers sujets sur lesquels je suis intervenue en séance publique, en septembre 2004. J’ai aussi interpellé le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, dès décembre de cette même année, sur la prévention du surendettement. Il aura fallu presque dix ans pour que ces questions trouvent enfin une réponse.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Enfin un aveu !
Mme Muguette Dini. Les deux grandes lois Scrivener, adoptées à la fin des années soixante-dix, la loi Neiertz du 31 décembre 1989, la loi Borloo du 1er août 2003 et la loi du 28 janvier 2005 ont, successivement ou conjointement, abordé les questions de l’information du consommateur, de sa protection, de son surendettement, de la publicité sur les crédits, en particulier sur les crédits renouvelables.
Mais c’est la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », qui, sans nul doute, est la plus structurante en matière de crédit à la consommation.
C’est la première conclusion générale du rapport d’information que j’ai produit, en juin 2012, avec Anne-Marie Escoffier, sur l’évaluation de cette loi Lagarde, rapport élaboré au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
En effet, la loi Lagarde s’est intéressée à toutes les étapes de la distribution du crédit : publicité, conditions de la souscription sur le lieu de vente, conclusion du contrat, durée et évolution du crédit souscrit.
Votre projet de loi, monsieur le ministre, vient compléter cette dernière, en instituant notamment le registre national des crédits aux particuliers. Mais, sur certains points, votre texte reste timide ; je le regrette.
Les amendements que j’ai déposés prévoient donc d’aller plus loin, en reprenant les recommandations de notre rapport d’information.
Permettez-moi de présenter mes principaux amendements, en insistant sur quatre points.
Premièrement, l’encadrement de l’entrée dans le crédit reste inachevé.
Les publicités sont encadrées, mais des sollicitations commerciales sont toujours présentes. La publicité passive que constitue le démarchage commercial n’est pas suffisamment mise en cause. Les établissements de crédit ou leurs intermédiaires peuvent relancer leurs clients, en particulier lorsque ceux-ci n’ont pas atteint le plafond d’utilisation de leur ligne de crédit.
Ces sollicitations commerciales constituent une méthode récurrente, voire agressive, qui laisse croire au consommateur qu’une certaine quantité d’argent est à sa disposition auprès de tel ou tel établissement.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !
Mme Muguette Dini. Cette démarche prend souvent pour cible les clients financièrement fragilisés.
Dans cette perspective, je défendrai deux amendements, visant l’un à mettre fin au démarchage commercial pour un crédit renouvelable, l’autre à interdire, dans toute publicité, de proposer, sous quelque forme que ce soit, des lots promotionnels et/ou des remises de prix liés à l’acceptation d’une offre de crédit.
Deuxièmement, la principale porte d’entrée dans le crédit demeure les cartes dites « confuses », qui sont à la fois des cartes de crédit et des cartes de fidélité.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Eh oui !
Mme Muguette Dini. Ces cartes concernent le crédit sur le lieu de vente, mais aussi le crédit dans la vente par correspondance, particulièrement active en matière de crédit renouvelable.
Du fait de l’adossement à une carte de fidélité, les souscriptions de crédit renouvelable sont parfois liées à la simple volonté de disposer d’une carte de fidélité du magasin ou à celle d’obtenir un avantage promotionnel. Il convient de recentrer la carte de fidélité sur ce qu’elle doit récompenser : la fidélité d’un client.
Pourquoi tergiverser sur ce sujet ? Il convient d’interdire les cartes « confuses » en découplant cartes de paiement, avec crédit renouvelable ou non, et cartes de fidélité.
Troisièmement, pour éviter que les vendeurs n’orientent le client vers le crédit renouvelable plutôt que vers une offre amortissable, la loi interdit que le vendeur soit rémunéré en fonction du type de crédit souscrit.
En effet, la commission doit être la même pour la vente d’un crédit renouvelable ou pour celle d’un crédit amortissable. Mais ce garde-fou porte uniquement sur les crédits souscrits pour l’achat d’un bien immobilier ou mobilier, à l’exclusion des crédits contractés pour le financement de prestations de services.
Le projet de loi prévoit d’étendre à l’ensemble des crédits les règles applicables en matière de rémunération des vendeurs. Néanmoins, ces dispositions ne règlent que partiellement le problème. La souscription d’un crédit, amortissable ou renouvelable, ne devrait pas être le résultat d’une pratique commerciale ; elle doit être la solution proposée, par défaut, par le vendeur lorsque le consommateur ne peut ou ne veut pas acheter au comptant. Mon amendement prévoit d’interdire toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement choisies par l’acheteur.
J’en viens maintenant à mon quatrième point : le renforcement de la vérification de la solvabilité de l’emprunteur.
La loi actuelle ne prévoit que l’évaluation des ressources de l’emprunteur, sans prise en compte de ses charges, grâce à une fiche de dialogue et, dans le cas d’un crédit supérieur à 1 000 euros, à des pièces justificatives corroborant cette fiche.
Ce projet de loi suit la même logique au travers de l’instauration du registre national des crédits aux particuliers.
Ma position sur ce point a évolué grâce à mon travail de contrôle. J’étais à l’origine très favorable à la création de ce répertoire, car j’y voyais la solution pour assurer une vérification de la solvabilité de l’emprunteur, jusque-là très lacunaire. Mais la prise en compte progressive de l’ensemble des éléments qui déterminent la conclusion d’un contrat de crédit, dont la vérification de la solvabilité n’est qu’une étape, m’a conduite à penser que ce fichier n’était pas suffisant.
Le registre national des crédits aux particuliers sera sans nul doute un outil fondamental pour l’appréciation du niveau d’endettement de l’emprunteur. En revanche, il ne donnera d’informations ni sur ses revenus, ni sur ses charges, ni sur ses habitudes de consommation. C’est pourquoi je propose de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte bancaire. Même si une personne a plusieurs comptes bancaires, elle n’a généralement qu’une seule source principale de revenus. Les transferts d’argent entre les différents comptes sont visibles et permettent de poser les bonnes questions.
Je sais, monsieur le ministre, que vous avez été attentif au rapport d’information qu’Anne-Marie Escoffier et moi-même avons produit. Quelques-unes de nos recommandations ont été reprises dans la loi bancaire. Je souhaite que celles qui trouvent une traduction dans mes amendements connaissent le même succès. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.
M. Alain Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la consommation dont nous débutons l’examen aujourd’hui correspond à un engagement du Président de la République.
Il s’agit d’un texte important, qui doit permettre d’améliorer profondément et durablement le quotidien de nombreux consommateurs, mais pas seulement. En effet, il ne vise pas uniquement à mieux protéger les consommateurs ; il est aussi porteur de régulation économique, de dispositions favorables à nos producteurs, et donc à la croissance. L’objectif est, à juste titre, de rééquilibrer les relations commerciales, aujourd’hui encore très – ou trop – à l’avantage de la grande distribution.
Notre arsenal législatif et réglementaire en matière de protection des consommateurs est d’ores et déjà très développé ; il est également très complexe. Pourtant, il est nécessaire de le compléter et de le parfaire, pour tenir compte des évolutions du droit européen, mais aussi, parfois, pour aller de l’avant à notre échelon national, sans attendre nos voisins européens.
Monsieur le ministre, je ne crois pas plus que vous à ce que vous avez appelé, avec un humour bienvenu en cette période, la « liberté de la poule au milieu d’un poulailler libre où vagabonde un renard libre ». (Sourires.)
Nos concitoyens sont certes des consommateurs lucides et responsables, mais même les plus avertis d’entre eux sont souvent impuissants face aux manipulations de certaines entreprises, de certains « vendeurs » qui ne reculent devant rien pour accroître leur chiffre d’affaires ou leurs profits.
Il nous faut donc saluer l’ambition de ce projet de loi, qui vise à conférer un véritable pouvoir aux consommateurs, comme l’ont souligné les membres de la dream team des rapporteurs réunis autour de M. le président de la commission des affaires économiques ! La mesure phare du présent texte, à savoir l’introduction de l’action de groupe dans notre droit, va bien dans ce sens.
Pour que ce nouveau recours soit véritablement utile et efficient, nous défendrons plusieurs amendements directement inspirés d’une proposition de loi déposée au Sénat le 5 avril dernier par plusieurs membres du RDSE.
Protéger le consommateur, c’est aussi mieux l’informer. De nombreux articles du présent texte visent cet objectif. Ils concernent par exemple les informations devant être obligatoirement fournies lors de l’achat d’un bien ou lors de la souscription d’un crédit.
Je tiens à saluer l’insertion de l’article 3 ter dans le texte élaboré par notre commission. Il tend à introduire dans les programmes de l’éducation nationale des notions de droit des consommateurs, ainsi qu’une formation à la gestion du budget d’un ménage.
Une telle mesure peut paraître anodine, mais il n’en est rien. De fait, si l’école de la République doit former des citoyens, il lui incombe désormais également de former des consommateurs responsables. Cela correspond d’ailleurs à l’une des propositions du rapport sénatorial de juin 2012 sur le crédit à la consommation et le surendettement rédigé par Anne-Marie Escoffier et Muguette Dini.
Par ailleurs, il me paraît essentiel d’accorder une protection particulière aux plus vulnérables. Le texte s’y attache ; c’est une bonne chose.
Les membres de notre groupe défendront plusieurs amendements à ce sujet. L’un d’eux vise à protéger les personnes âgées qui ont recours à des services à domicile. En effet, contrairement aux employés des maisons de retraite, les professionnels intervenant au domicile des personnes âgées ne sont pas concernés par les dispositions relatives aux abus de faiblesse. Nous souhaitons remédier à une situation aussi dangereuse qu’inexplicable, bien connue des élus de terrain.
Toujours afin de mieux protéger les plus vulnérables de nos concitoyens – particulièrement les mineurs et les personnes en état de sujétion psychologique –, susceptibles d’être victimes de mouvements à caractère sectaire, nous proposerons de préciser l’article 8 du code de procédure pénale, lequel fait courir le délai de prescription, en cas d’abus de faiblesse à l’encontre d’une personne vulnérable, à compter du jour où l’infraction apparaît à la victime elle-même.
Pour leur part, nos collègues Jacques Mézard et Alain Milon ont présenté deux amendements inspirés des excellents travaux de la commission d’enquête, créée sur l’initiative du RDSE, sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé. Ces amendements visent notamment à mieux contrôler les appareils et les prestations de services à finalité thérapeutique, ainsi que l’importation de produits dangereux comme la niacine, notamment utilisée par les scientologues.
Le chapitre du projet de loi consacré au crédit et à l’assurance a été enrichi de plusieurs dispositions relatives au surendettement. Ainsi, la réduction de la durée des plans conventionnels de redressement est une mesure importante : elle permettra à des personnes bien souvent détruites de voir abrégé leur temps d’épreuves ; elles pourront ainsi mieux rebondir.
Quant à la création, par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, d’un registre national du crédit aux particuliers, communément appelé « fichier positif », mon collègue Robert Tropeano l’a déjà indiqué : s’ils ne doutent pas de l’utilité d’un tel fichier, les membres du RDSE ne sont pas convaincus de l’opportunité de sa mise en place.
Nous ne sommes pas opposés au principe même de ce fichier : s’il peut aider à prévenir le surendettement en évitant le « crédit de trop », il sera évidemment un outil utile et bienvenu. Néanmoins, compte tenu de l’importance de ce sujet, qui touche à la liberté de chacun, il nous semble que l’introduction d’une mesure d’une telle ampleur mériterait de faire l’objet d’une réflexion plus approfondie, monsieur le ministre. À cet égard, nous n’ignorons pas l’excellent rapport sénatorial publié en janvier 2013 sur le sujet. Mais, je le répète, avant de créer un tel registre, une étude d’impact ou, du moins, une réflexion plus élaborée nous paraît nécessaire. C’est pourquoi nous présenterons des amendements tendant à prévenir toute atteinte aux libertés individuelles, même si nous savons que le Gouvernement n’a évidemment aucune intention de cet ordre. Cela étant, en la matière, la plus grande précision est requise !
Par ailleurs, le projet de loi comporte des avancées importantes pour les consommateurs dans le domaine des assurances, dont le coût pèse lourdement sur le budget des ménages. Si permettre la résiliation infra-annuelle est une bonne chose, il faut également songer aux assurances accessoires que l’on tente de « fourguer » à tous les consommateurs lors d’un achat. Ces assurances sont associées à des biens ou à des cartes de paiement. Elles sont très lucratives pour ceux qui les proposent – souvent en prétendant qu’elles sont obligatoires ! –, mais très peu avantageuses pour les consommateurs. Sur ce sujet, nous présenterons également des amendements.
Pour conclure, je souligne que ce projet de loi est un bon texte, qui va bien au-delà des seules mesures nécessaires au renforcement de la protection des consommateurs. Il augure également l’avènement d’une nouvelle consommation, plus responsable, plus équitable et davantage tournée vers la qualité.
En effet, il est temps de changer, de tourner la page de la consommation exclusivement low cost : consommer toujours moins cher, souvent pour pouvoir consommer plus, n’est pas une fin en soi. Les Français le savent : ils sont particulièrement sensibles, outre aux prix, à la sécurité et à la qualité des produits, qu’ils soient alimentaires ou industriels.
L’article 23 du présent texte, qui étend les indications géographiques aux produits manufacturés, constitue une avancée majeure, que nous soutiendrons. En 2011, la France comptait plus de 300 AOC viticoles et 107 IGP agroalimentaires. Ce système fonctionne bien. Pour ma part, mes chers collègues, je vous recommande vivement l’excellente IGP « agneau de Lozère », lequel n’est toutefois pas entièrement protégé des loups ! (Sourires.)
Au total, la France sera le premier pays à mettre en place une telle protection. Je ne doute pas que nos voisins européens nous emboîteront le pas. Grâce à ces mesures, qui répondent à un engagement du Président de la République et profiteront à tous les Français, nous serons à l’avant-garde de l’Europe ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. Robert Tropeano. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Élisabeth Lamure a déjà exposé la position du groupe UMP sur l’ensemble du projet de loi aujourd’hui soumis à notre examen.
Ce texte est supposé participer à l’organisation efficace de la consommation et au développement de l’innovation, comme il est indiqué dans son exposé des motifs. Hélas, il semble malheureusement faire totalement l’impasse sur un sujet à mon avis pourtant essentiel, et qui me tient particulièrement à cœur en tant que co-président du groupe sénatorial d’études sur l’énergie : celui de la facture énergétique, laquelle représente près de 10 % de la consommation des Français, soit, en moyenne, une dépense annuelle de 2 300 euros par ménage.
Plus grave encore, en matière de consommation énergétique, les inégalités se sont accrues depuis plus de vingt ans entre ménages modestes et ménages riches, entre villes et campagnes, entre types d’habitat et entre ménages âgés et ménages jeunes.
Or, monsieur le ministre, votre projet de loi ne fait que survoler cette question. Vous me répondrez que le sujet a déjà été traité via la proposition de loi relative à la tarification progressive de l’énergie de notre collègue député François Brottes, mais nous savons tous ce qu’il est advenu de ce texte et du bonus-malus qu’il instituait : son caractère inégalitaire n’a pas échappé au Conseil constitutionnel. Il s’agissait, par cette loi, de cacher derrière de nobles considérations environnementales la hausse des tarifs de l’énergie. Heureusement pour nos compatriotes, sa disposition centrale a été censurée, ce qui a obligé le Gouvernement à dévoiler son jeu !
Les tarifs de l’électricité connaissent des augmentations successives : 5 % le 15 août dernier, encore 5 % à venir le 15 août 2014, sans oublier une hausse, au 1er janvier, de 1,2 % à 1,5 % de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE ; je tiens à rappeler ce dernier point au passage, car on n’en a pas beaucoup parlé !
Mme Évelyne Didier. Et vous, vous n’auriez pas pris une telle mesure ?
M. Ladislas Poniatowski. Aussi, permettez-moi de m’interroger : que prévoit votre projet de loi en ce qui concerne l’énergie ? Que proposez-vous aux Français pour limiter leur facture énergétique ? Quelles mesures permettront de réguler ce secteur stratégique de notre économie ? Je ne peux que constater, à regret, que votre œuvre législative est désespérément pauvre en la matière…
Je ne ferai pas d’ironie mal placée en constatant que seules deux questions afférentes à l’énergie ont retenu votre attention, avec la mise en place de deux dispositifs qui, par ailleurs, ne concerneront que les professionnels, et non les consommateurs.
Le premier porte sur les tarifs réglementés du gaz naturel. L’article 11 bis du texte prévoit en effet la suppression progressive de l’accès aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation est supérieur à 30 000 kilowattheures par an. Fort heureusement, les consommateurs finals consommant moins de 30 000 kilowattheures, c’est-à-dire les consommateurs résidentiels et les petits professionnels, ne seront pas concernés par cette mesure.
M. Gérard Le Cam. Pour combien de temps ?
M. Ladislas Poniatowski. Étant donné que cette disposition est inspirée par les négociations menées entre le Gouvernement et la Commission européenne, nous n’avons pas jugé nécessaire de proposer de mesures alternatives, même si certains regretteront, avec raison, que les critères d’accès aux tarifs réglementés soient fixés en fonction de volumes de consommation arbitraires et non de la fragilité des secteurs qui consomment ces volumes. Nous en sommes conscients, introduire des dispositions d’une telle nature ouvrirait la voie à de lourds contentieux.
Le second dispositif relatif au secteur de l’énergie concerne les petits distributeurs de liquides inflammables.
L’article 5 bis vise en effet à repousser le délai pour enterrer les réservoirs pour les stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes de ces produits par an.
Cet article tend donc à donner un peu de temps aux petits professionnels de la distribution d’essence et d’autres liquides inflammables, qui, depuis l’arrêté du 16 décembre 2010, étaient dans l’obligation d’enterrer leurs réservoirs, pourvu que le volume distribué par leurs soins soit inférieur à 3 500 mètres cubes par an.
Monsieur le ministre, sur ce point, le Gouvernement me semble bien timoré. En effet, les stations-service concernées par cet arrêté – y compris celles distribuant plus de 500 mètres cubes par an – sont presque toutes situées en zone rurale, c’est-à-dire dans une partie du territoire que vous connaissez mal… Il s’agit souvent d’entreprises familiales. Elles concourent au développement de territoires difficilement accessibles et sont souvent indispensables au maintien d’une activité économique dans les zones rurales.
Pour ces raisons, la Haute Assemblée doit aller plus loin que les propositions du Gouvernement. Tel sera l’objet d’un amendement que l’ensemble de mes collègues du groupe UMP ont signé avec moi. Il tend à repousser de 2016 à 2020 l’échéance pour la mise aux normes. Ce report rendra d’ailleurs service au Gouvernement, car cette mise aux normes exige une aide financière de l’État !
Mme Élisabeth Lamure. Exactement !
M. Ladislas Poniatowski. Or, monsieur le ministre, vous n’auriez pas les moyens de couvrir la totalité des demandes si toutes les stations-service devaient se mettre aux normes d’ici à 2016 !
Mme Élisabeth Lamure. Bien vu !
M. Ladislas Poniatowski. Cet allongement du délai ne doit pas concerner les seules stations-service distribuant moins de 500 mètres cubes par an : le seuil doit être porté à 3 500 mètres cubes, comme c’était initialement prévu.
Enfin, j’évoquerai l’article 5, qui vise le régime juridique applicable au démarchage et à la vente à distance. En réécrivant l’article L. 121-19-4 du code de la consommation, cet article prévoit que « le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient exécutées par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services ». Son dispositif concerne donc les contrats de fourniture d’énergie. Malheureusement, il est en contradiction avec le code de la consommation, qui dispose que le gestionnaire de réseau reste directement responsable à l’égard du client des prestations techniques qu’il réalise. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement à cet article.
En résumé, eu égard à l’absence de dispositions afférentes à la facture énergétique des Français, je blâmerai le Gouvernement non pas pour ce qu’il y a dans son texte, mais plutôt pour ce qui n’y figure pas.
M. François-Noël Buffet. Très bien !
M. Ladislas Poniatowski. Monsieur le ministre, j’espère que vous entendrez nos propositions ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens avant toute chose à saluer l’excellent travail de nos rapporteurs, Martial Bourquin et Alain Fauconnier, qui se sont fortement investis dans l’examen de ce texte à un moment difficile de l’année et dans des conditions particulièrement délicates, compte tenu des délais imposés. Il aura fallu à l’un et à l’autre ainsi qu’aux rapporteurs pour avis, Michèle André, Nicole Bonnefoy et Jean-Luc Fichet, beaucoup de patience, d’abnégation et de travail. Qu’ils en soient remerciés !
Beaucoup ont rêvé de la mise en place de l’action de groupe en France ainsi que de la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Eh bien, nous allons le faire !
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Yannick Vaugrenard. C’est à nous qu’il est donné aujourd’hui de réaliser cette belle ambition. Voilà un premier motif de satisfaction. Nous nous apprêtons ainsi à rejoindre les nombreux pays de l’Union européenne – près de la moitié d’entre eux aujourd’hui – qui ont déjà adopté l’action de groupe. Rappelons en outre qu’un registre du crédit a été créé en Allemagne dès 1928.
Le projet de loi relatif à la consommation a pour objet de favoriser le respect de l’ordre public économique par ses différentes parties prenantes, au profit du consommateur, auquel seront accordés de nouveaux droits. Toutefois, selon une approche gagnant-gagnant, ce texte prend également en compte l’intérêt des entreprises. Ces dernières ont non seulement besoin d’une progression de la consommation pour garantir leur croissance, mais elles doivent aussi proposer des produits de meilleure qualité afin de gagner en compétitivité.
Cependant, de nombreux scandales ont fragilisé ce pilier de notre système économique qu’est la confiance du consommateur à l’égard des produits qu’il achète comme de ceux qui les produisent et les lui fournissent. Je pense ici, entre autres exemples, à l’affaire Spanghero…
M. Jean-Jacques Mirassou. J’allais le dire !
M. Yannick Vaugrenard. … ou aux escroqueries dans le domaine de la vente en ligne de voyages. Or, sans une confiance renouvelée du public envers les produits qui lui sont destinés et les acteurs qui les commercialisent, la reprise de la consommation sera incontestablement plus difficile. Il était donc temps de remédier à cette situation de défiance. Votre projet de loi, dont je salue, monsieur le ministre, le caractère à la fois équilibré et complet, tend à mettre en place des dispositifs qui y contribueront.
Parce que ce texte est important et que nous devons nous assurer de son applicabilité, je me félicite par ailleurs que les actions de groupe dans les secteurs de la santé et de l’environnement soient appelées à faire l’objet de projets gouvernementaux ultérieurs. L’engagement en est pris, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre. J’y tiens tout particulièrement, dans la mesure où, dans mon département, la Loire-Atlantique, de nombreux salariés sont notamment confrontés à de gros problèmes liés à l’amiante. Il est vrai cependant que, dans un tel contexte, nous avons affaire bien plus à des patients, à des usagers ou à des salariés qu’à des clients.
Une action de groupe menée à la suite de la vente d’un médicament aux effets délétères sur la santé de patients abusés ne peut reposer sur les mêmes ressorts qu’une autre action concernant la pollution massive d’une nappe phréatique par un site industriel ou encore qu’une démarche liée à une pratique abusive concernant la facturation de forfaits de téléphones portables. La distinction entre les différents types d’action de groupe en fonction de la nature des préjudices subis était donc nécessaire, voire indispensable. Nous ne devions pas brouiller notre démarche législative en abordant conjointement des problématiques appelant à l’évidence des réponses spécifiques et adaptées.
Ce texte s’adresse par ailleurs à un consommateur qui ne doit pas être seulement perçu comme un agent économique, mais aussi, et surtout, comme un citoyen. En tant que tel, il doit être non seulement mieux informé, mais aussi mieux formé ! Je me félicite donc que le projet de loi examiné et modifié par la commission des affaires économiques dispose qu’une information des jeunes consommateurs sera intégrée dans les programmes de l’éducation nationale. C’est un outil indispensable pour les sensibiliser à leurs nouveaux droits. À quoi servirait-il en effet de disposer de nouveaux droits sans en avoir connaissance ? Rappelons du reste que, dans un avis rendu le 21 décembre 2000, le Conseil national de la consommation donne pour objet à l’éducation à la consommation de « former l’esprit, développer les aptitudes intellectuelles, faire acquérir des principes aux jeunes, afin de leur permettre de satisfaire leurs besoins au mieux et à bon escient, en utilisant les biens et les services mis à leur disposition ».
Or la France présente aujourd’hui une carence en la matière. Le seul texte qui aborde le sujet est une circulaire du ministère de l’éducation nationale datée du 17 décembre 1990. Très peu la connaissent, et il en est peu fait état dans les circulaires de rentrée. Il s’agit pourtant également d’un important sujet de préoccupation européen. La Commission européenne a ainsi lancé au printemps 2013 le réseau Consumer Classroom, dont les acteurs principaux sont les professeurs des écoles, des collèges et des lycées. II fournit des ressources afin d’aider les enseignants à concevoir les cours portant sur l’éducation à la consommation. Dans le cadre d’une compétition organisée pour déterminer les meilleurs projets, ce site internet a d’ailleurs vu concourir plus de cinquante écoles issues de douze pays européens. Ils sont en effet nombreux à promouvoir des formations à cette problématique. Au Royaume-Uni, par exemple, les écoles auront ainsi l’obligation, dès la rentrée de septembre 2014, de proposer aux élèves une formation sur les questions financières et sur la gestion du budget d’un ménage. II serait donc positif que la France avance également dans la direction d’une telle formation, offrant un éclairage indispensable pour soutenir une démarche de consommateur citoyen responsable et pas seulement de simple agent économique.
Je l’évoquais au début de mon intervention, la mise en place du registre national des crédits aux particuliers est une avancée précieuse pour la protection du consommateur. Introduit dans le texte lors de son examen à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, il s’agit d’un instrument de lutte contre le surendettement, dont l’utilité a été démontrée dans les pays qui l’ont déjà adopté. Sachez qu’un certain nombre de garde-fous ont été mis en place afin de lutter contre les éventuelles dérives que pourrait entraîner cette création. Ainsi, la consultation de ce fichier à des fins commerciales sera durement sanctionnée.
Reste qu’une autre dérive doit faire l’objet d’une vigilance particulière : la mise en place de ce registre ne saurait être utilisée par les établissements prêteurs comme prétexte afin de se soustraire à leurs responsabilités. En effet, la consultation de ce fichier ne doit pas les dispenser du travail de recherche et de conseil auprès des consommateurs qui s’adressent à eux. Cela constitue en théorie, faut-il le rappeler, leur cœur de métier. Il est anormal que les démarches nécessaires à la fourniture des services proposés par les établissements de crédit soient si notoirement, et si fréquemment, insuffisantes.
Concernant la question des services financiers, la mobilité bancaire est un enjeu crucial pour mettre fin au fort déséquilibre existant entre les établissements bancaires, d’une part, et les consommateurs – réellement démunis –, d’autre part. La portabilité du numéro de compte bancaire serait un excellent outil en vue de rééquilibrer la situation. L’amendement adopté par l’Assemblée nationale, qui vise à mandater le Parlement afin d’explorer les modalités opérationnelles de la mise en œuvre d’une telle mesure, ouvre d’intéressantes perspectives. Je pense que la contribution du Sénat sur cette question pourra également être précieuse. Notre commission des affaires économiques propose notamment que les services d’aide à la mobilité avancés par la banque d’arrivée soient gratuits et sans conditions. Par ailleurs, nous avons bien noté que la portabilité bancaire fera l’objet d’un rapport du Gouvernement au Parlement avant le 31 décembre 2014, ce qui est une bonne chose.
Dans un registre voisin, je salue la possibilité offerte aux consommateurs de résilier leur assurance sans frais, au bout d’un an au lieu de deux.
J’observe enfin que ce texte de loi témoigne d’un arbitrage en faveur d’une stratégie dissuasive plutôt que punitive. Cette démarche, gage d’une plus grande efficacité, me semble être la meilleure manière de procéder. Nous travaillons en effet dans le sens d’une meilleure régulation de notre modèle économique, afin d’en accroître les performances.
De manière complémentaire, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes va pouvoir recourir, dans le cadre de certaines infractions au code de la consommation, à des sanctions administratives plutôt qu’à des sanctions pénales. Ces dernières étaient en effet jusqu’à présent insuffisamment appliquées et intervenaient généralement dans des délais beaucoup trop importants. Cette disposition renforcera la dissuasion et donc le bon fonctionnement de notre système. Mais pour être efficace, il faut des moyens ! Or la désorganisation de la DGCCRF, issue, faut-il le rappeler, de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques en 2010, a été justement relevée par la Cour des comptes dans son rapport du 4 juillet dernier concernant l’administration territoriale de l’État.
Les contrôles, notamment sur le plan alimentaire, sont essentiels, et la dissuasion repose aussi sur la force de ceux qui sont susceptibles d’être réalisés. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur l’évolution des effectifs et sur l’efficacité de l’organisation de la DGCCRF après le vote de ce projet de loi ?
Les qualités du présent texte sont incontestables, mais il ne faudrait pas que des délais trop importants de mise en application viennent en relativiser la portée. Je note donc avec intérêt que le nombre de décrets d’application prévus pour sa mise en œuvre a été réduit. C’est un gage d’efficacité renforcée, comme pourrait l’être la fixation de leur parution à des dates butoirs. Indépendamment de la circulaire du 29 février 2008, selon laquelle les ministères sont tenus de publier les décrets de toute nouvelle loi dans un délai maximum de six mois, le présent projet de loi pourrait en effet inclure un délai maximum de publication différent pour chacun de ces décrets. Je crois ainsi rejoindre des préoccupations déjà évoquées.
En complément, je pense qu’un suivi et une évaluation de l’application du texte sont absolument indispensables. La commission des affaires économiques pourrait s’en charger, en partenariat avec la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, dont c’est le rôle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en conclusion, je voudrais rappeler ici que nous avons une responsabilité importante avec l’examen de ce texte. Par ses nombreux et riches apports, il peut contribuer – je dis bien « contribuer », soyons modestes – à relancer la consommation, qui reste la clef de voûte de notre croissance économique, ainsi qu’à rétablir la confiance, dans une société circonspecte et souvent en proie au doute.
Gardons à l’esprit ces objectifs de redressement du pays et de protection du consommateur, ainsi que le rôle positif que le projet de loi pourra jouer lorsque les nouvelles exigences qu’il contient rencontreront la volonté de réaliser des produits de meilleure qualité, et donc plus compétitifs. Il s’agit donc bien d’un rapport gagnant-gagnant, comme je l’évoquais au début de mon propos, qui, j’en suis convaincu, pourra découler de la mise en œuvre de cette loi tant attendue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dès que l’on évoque le sujet de la consommation, un défi s’impose : protéger le consommateur, tout en ne nuisant pas au développement de l’activité économique des entreprises. La mesure phare du projet de loi, l’action de groupe, illustre parfaitement cette difficulté de trouver un équilibre juste et satisfaisant pour l’ensemble des acteurs. Mes deux collègues, Valérie Létard et Muguette Dini, s’étant déjà exprimées sur les autres points du projet de loi, je concentrerai mon propos sur ce sujet.
L’action de groupe est une procédure civile permettant à plusieurs victimes ayant subi un même préjudice de se regrouper pour confier une action en réparation à un tiers, en l’occurrence une association de consommateurs agréée. L’originalité de cette action est qu’elle déroge au principe de droit français selon lequel nul ne plaide par procureur. Cette action offre une nouvelle façon d’obtenir réparation en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Cependant, elle doit faire l’objet d’un encadrement très rigoureux, afin de ne pas devenir un facteur de déstabilisation permanent de la compétitivité des entreprises.
II est important de corriger certains raccourcis que nous avons pu lire ou entendre. L’action de groupe ne crée pas de nouveaux droits ; elle constitue seulement une nouvelle manière d’agir, par procureur. Elle ne modifie pas le droit de la réparation, mais permet le regroupement des mêmes victimes d’une violation de la loi ou d’une obligation contractuelle ayant subi un même préjudice dont l’origine est identique. L’action de groupe doit donc être conçue comme s’inscrivant autant que possible dans le droit commun, que ce soit en matière de procédure ou dans le domaine du droit de la réparation. C’est dans cet esprit de simplification que je proposerai des amendements.
Sur le terrain de la procédure, d’abord, pourquoi créer des tribunaux d’exception ? La spécialisation de quelques tribunaux de grande instance est inutile, puisque tous sont capables de connaître des affaires de la consommation – c’est même aujourd’hui leur quotidien. Je suis d’autant plus opposé à cette spécialisation qu’elle aurait plusieurs conséquences négatives. Elle entraînerait un éloignement de la justice, alors que la consommation est une matière qui touche tous les Français. En outre, elle créerait une nouvelle source de contentieux, que les juristes spécialisés ne manqueraient pas d’exploiter : ceux-ci s’opposeraient aux actions de groupe, souvent au détriment des consommateurs, en soulevant des exceptions de procédure sur la compétence. Enfin, elle obligerait à délocaliser des contentieux locaux vers des métropoles régionales.
Avec le même objectif de rapprocher l’action de groupe du droit commun, nous avons déposé un amendement visant à anticiper la constitution du groupe avant l’expiration du recours en cassation : il s’agit de permettre au juge de mettre en œuvre une exécution provisoire des mesures de publicité. Le projet de loi prévoit en effet que le pourvoi en cassation est suspensif, ce qui est contraire au droit commun de la réparation. C’est dire qu’une action de groupe ne pourra pas voir se concrétiser la moindre condamnation avant l’épuisement de toutes les voies de recours, c’est-à-dire avant environ cinq ans lorsque l’affaire est portée jusqu’en cassation. Un tel système rend attractifs les recours dilatoires. Notre proposition vise donc à réduire ce handicap en favorisant la constitution du groupe le plus tôt possible, afin d’éviter aux consommateurs une information tardive et de prévenir la perte des preuves ou des biens.
Au fond, j’approuve l’action de groupe. Alors que la lourdeur et le coût d’une action individuelle devant la justice étaient jusqu’à présent un obstacle totalement décourageant, ce dispositif permettra la réparation de préjudices de faibles montants à travers une mutualisation des coûts. Les victimes pourront ainsi recourir à des expertises onéreuses et à des tests aux coûts souvent très élevés, qui viendront nourrir les débats judiciaires. Cette procédure constitue donc une réelle avancée.
Pourtant, je rappelle que le but poursuivi n’est pas d’ouvrir la voie à de multiples procédures. C’est pourquoi il me semble important de prévoir dans la loi un processus facultatif de médiation, autorisant le recours à un accord amiable tout au long de la procédure.
Au-delà de l’objectif final de réparation du préjudice, la mise en place de l’action de groupe aura, à mon avis, un effet préventif assez fort ; en conséquence, elle sera un moyen d’assainissement des activités commerciales. En effet, si les entreprises veulent échapper au risque d’une action de groupe, elles n’auront pas d’autre choix que de garantir la qualité des produits fabriqués en grande quantité et des services proposés.
Par ailleurs, il me paraît essentiel que la nouvelle action de groupe ne prenne en aucune manière l’apparence d’une procédure d’exception, qui pourrait être source de certaines dérives. À cet égard, la création d’une action de groupe dite simplifiée ne se justifie pas ; j’ai déposé un amendement visant à supprimer cette procédure, que je considère comme inadaptée. Monsieur le ministre, pourquoi encourager la mise en place d’une action de groupe simplifiée et mal encadrée, qui dénaturerait totalement la procédure normale ?
Pour ma part, je pense que le juge saura s’adapter à chaque circonstance et décider de mesures de réparation appropriées à chaque situation. Il faut laisser le juge décider de la manière dont il conduira l’action de groupe. La procédure classique lui laisse suffisamment de latitude, par exemple pour simplifier, s’il le faut, la constitution du groupe de consommateurs lésés. Le code de procédure civile et toutes ses dispositions relatives à la mise en état de la procédure devant le TGI offrent au juge un arsenal de moyens d’instruction qui lui permettra de s’adapter aux circonstances de chaque litige, petit ou grand, simple ou complexe.
Le fond du droit est celui du droit contractuel et du droit de la réparation ; il n’y a aucune nécessité d’innover ou de créer un particularisme. Je le répète, n’ouvrons pas des voies de contentieux en créant de nouvelles juridictions ou de nouvelles procédures, sinon, au lieu de simplifier, ce dispositif aura l’effet inverse ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Calvet.
M. François Calvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je concentrerai mon propos sur l’action de groupe, présentée par le Gouvernement, à juste titre, comme une avancée majeure pour les consommateurs et pour les associations qui les défendent, lesquelles suivent avec gourmandise les avancées du projet de loi.
Je tiens à souligner que, aujourd’hui pas plus qu’hier, je ne suis favorable à la poursuite d’une politique européenne et française purement consumériste. À l’exception de l’Allemagne, qui a su conserver une politique industrielle de l’offre grâce à laquelle elle exporte aujourd’hui ses produits dans le monde entier, l’Europe – la France en tête, toujours désireuse de montrer l’exemple – a multiplié les textes consuméristes.
M. Charles Revet. Exactement !
M. François Calvet. Cette politique, européenne et française, beaucoup plus consumériste qu’industrielle, notre économie la paie aujourd’hui, car elle a surtout favorisé les importations, en particulier de produits asiatiques.
Pour illustrer mon propos, je rappellerai les nouvelles propositions de Bruxelles, plus précisément de la commissaire à l’économie numérique. Mme Kroes nous explique que, en imposant des baisses de prix chez les opérateurs européens et en permettant aux fonctionnaires de Bruxelles de voyager sans payer de surcoût pour leurs communications et pour leurs données, elle va réaliser le grand marché unique des télécoms et réindustrialiser l’Europe des télécoms. Personne ne comprend le pourquoi du comment, mais la presse et les associations de consommateurs relaient ce message qui flatte les oreilles du plus grand nombre. Pourtant, cette politique du tout-consumérisme dans le domaine numérique témoigne d’un grand échec européen. De fait, en vingt ans, l’Europe a tout perdu : tous les grands équipementiers sont désormais asiatiques, malgré les tentatives de maintien sous perfusion de ce qui fut un grand équipementier français, et toutes les plateformes de services ainsi que toutes les grandes réussites numériques sont aux États-Unis.
Malgré cette situation désastreuse, personne ne remet en cause ni les instances de Bruxelles ni les gouvernements européens qui sont responsables.
Il en va exactement de même avec l’action de groupe. On nous explique que cette grande innovation juridique, débattue depuis trente ans, va relancer la consommation en redonnant aux consommateurs de la confiance et du pouvoir d’achat. En réalité, elle va surtout affecter les quelques secteurs et les quelques grandes entreprises qui gagnent encore de l’argent. En effet, nous savons très bien que les associations agréées s’intéresseront d’abord aux secteurs capables de leur assurer de nouvelles sources de financement et d’améliorer leur notoriété médiatique. En fin de compte, la seule retombée positive du projet de loi sera médiatique, car les actions de groupe vont relancer notre sport national, qui consiste à jeter en pâture aux médias nos trop rares entreprises qui arrivent à dépasser le stade de la TPE ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Bérit-Débat. Caricature !
M. François Calvet. Monsieur le ministre, permettez-nous, d’une part, de douter de l’efficacité de votre recette phare pour relancer la consommation. Permettez-nous, d’autre part, de vous rappeler que la seule préoccupation des Français aujourd’hui n’est pas de savoir s’ils pourront récupérer quelques euros dans le cadre d’une procédure judiciaire, mais s’ils pourront encore trouver demain une entreprise en mesure de les embaucher.
Il existe suffisamment de moyens dans notre droit pour réprimer les entreprises fautives et pour indemniser les victimes. De même que je doute de l’efficacité de la baisse de prix à marche forcée proposée par Bruxelles pour relancer une économie européenne du numérique en panne, ainsi je doute des résultats de cette recette franco-française.
Si l’action de groupe est un peu l’arlésienne du droit de la consommation depuis vingt ans, ce n’est pas sans raison. Sur le plan du signal économique, nous pensons que le moment est mal choisi : dans la compétition des lois et des normes à laquelle se livrent les États, à commencer par ceux de l’Union européenne, il est peu probable qu’une loi sur les recours collectifs améliore l’attractivité de la maison France pour les entreprises.
Certes, on me répondra que quelques pays européens ont déjà adopté une législation sur l’action de groupe ; mais, curieusement, ce n’est pas le cas de l’Allemagne, qui reste notre principal partenaire et concurrent. Cessons de croire que l’Union européenne est une union des Bisounours, alors que le Gouvernement observe, impuissant, la lutte fratricide des États membres sur le terrain de l’attractivité fiscale et sociale.
Une fois de plus, le Gouvernement a un sens du timing décalé.
La Commission européenne propose une nouvelle directive régissant les actions en dommages et intérêts en droit interne pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l’Union européenne. Cette proposition de directive va être adoptée d’ici à la fin du mandat de la Commission européenne, et la France aura deux ans pour la transposer. Dès lors, nous aurions pu attendre l’adoption de ce texte européen pour ne légiférer qu’une fois et éviter d’exposer nos entreprises à une innovation juridique bien plus sévère que celles auxquelles nos principaux concurrents européens seront soumis. De fait, légiférer aujourd’hui n’a pas grand sens, puisqu’il faudra bientôt recommencer. Par votre méthode, monsieur le ministre, vous laissez prospérer le sentiment d’insécurité juridique, qui est la première cause de rejet de la France par les investisseurs industriels.
Vous allez certainement expliquer, comme le font toujours les gouvernements français, que la France donne l’exemple. Cet argument avait déjà été avancé à propos d’autres mesures emblématiques, comme l’instauration du principe de précaution – vous voyez que je ne suis pas sectaire.
M. Jean-Jacques Mirassou. Un peu quand même !
M. François Calvet. Seulement, le reste de l’Europe et du monde ne s’intéresse pas aux leçons économiques que la France estime encore pouvoir donner, surtout lorsqu’elles pourraient nuire à la compétitivité.
Monsieur le ministre, votre majorité aime tellement la complexité qu’elle a introduit une action de groupe simplifiée, qui témoigne de la grande confiance qu’elle accorde au dispositif initial proposé par le Gouvernement, dont on nous assure pourtant qu’il résulterait d’un consensus…
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est le choc de simplification !
M. François Calvet. Cette procédure simplifiée, qui s’ajoute à la procédure normale, ne manque pas de saveur : on se demande où donc est le choc de simplification annoncé par le Président de la République !
Au total, monsieur le ministre, nous regrettons la logorrhée législative que vous avez présentée et l’orientation purement consumériste de la politique économique qui en découle. Surtout, l’action de groupe, présentée comme la mesure phare du projet de loi, si elle peut être acceptable en période de prospérité, se transforme en mauvais signal pour des investisseurs déjà frileux. En outre, son instauration devance de manière maladroite la future directive européenne visant à faciliter l’introduction d’actions en dommages et intérêts.
J’ajoute que, comme beaucoup d’autres textes, celui-ci entraînera des coûts supplémentaires difficiles à supporter pour ma région et mon département des Pyrénées-Orientales, confrontés à la concurrence de la Catalogne espagnole et de son économie dynamique.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre le projet de loi. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
Motion d’ordre
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, en application de l’article 49, alinéa 2, du règlement, la commission des affaires économiques souhaiterait que l’amendement n° 156 rectifié bis à l’article 1er soit disjoint des amendements en discussion commune.
Mes chers collègues, il s’agit tout simplement de clarifier l’examen de l’article 1er et d’éviter une discussion commune de plus de 80 amendements.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est être efficace !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je consulte le Sénat sur cette demande.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Je rappelle à nos collègues que la commission des affaires économiques va se réunir dès la suspension de séance.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Conférence des présidents
M. le président. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
TROISIÈME SESSION EXTRAORDINAIRE 2012-2013
Mercredi 11 septembre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Jeudi 12 septembre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la consommation (texte de la commission, n° 810, 2012-2013)
Vendredi 13 septembre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge (n° 817, 2012-2013)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 11 septembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 septembre, à 17 heures).
Il a été décidé de fixer :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le jeudi 12 septembre, à 17 heures ;
- au jeudi 12 septembre, à 17 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le vendredi 13 septembre, à 9 heures.)
2°) Suite du projet de loi relatif à la consommation
Lundi 16 septembre 2013
À 15 heures et le soir :
- Projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes (texte de la commission, n° 808, 2012-2013)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps de parole de dix minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 13 septembre, à 17 heures ;
- fixé au mercredi 11 septembre, à 13 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le jeudi 12 septembre matin.)
Mardi 17 septembre 2013
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Éloge funèbre de Jean-Louis Lorrain
2°) Suite du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes
Mercredi 18 septembre 2013
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (n° 734, 2012-2013) et projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (n° 733, 2012-2013)
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 11 septembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 10 septembre, à 13 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à cinq heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 17 septembre, à 17 heures ;
- au mardi 17 septembre, à 14 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 18 septembre matin.)
En outre,
De 14 heures 30 à 15 heures 30 :
Scrutins pour l’élection d’un membre titulaire et d’un membre suppléant représentant la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en remplacement de Jean-Louis Lorrain
(Ces scrutins secrets se dérouleront, pendant la séance, dans la salle des conférences.)
Jeudi 19 septembre 2013
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Éventuellement, vendredi 20 septembre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen
SESSION ORDINAIRE 2013-2014
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 1er octobre 2013
À 9 heures 30 :
1°) Ouverture de la session ordinaire 2013-2014
2°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 82 de M. Jean-Pierre Chauveau transmise à M. le ministre chargé du budget
(Groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification)
- n° 366 de M. Daniel Reiner à M. le ministre de l’intérieur
(Avenir de la CRS 39 à Jarville-la-Malgrange (Meurthe et Moselle))
- n° 428 de M. Claude Bérit-Débat à M. le ministre de l’éducation nationale
(Promouvoir les langues régionales)
- n° 455 de M. Martial Bourquin transmise à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Inquiétudes des maires quant à l’avenir de leurs compétences territoriales en matière de droit des sols)
- n° 473 de M. François-Noël Buffet à M. le ministre de l’éducation nationale
(Avenir des centres de formation de musiciens intervenant à l’école)
- n° 484 de M. Hervé Maurey à Mme la ministre chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique
(Couverture du territoire par la téléphonie mobile et critères de mesure)
- n° 487 de M. Jacques Mézard à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Affichage environnemental et avenir des élevages)
- n° 490 de M. Jean-Jacques Filleul à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Situation de l’hébergement d’urgence dans le département de l’Indre-et-Loire)
- n° 493 de M. Yannick Vaugrenard à Mme la ministre de la culture et de la communication
(Diffusion des rencontres sportives sur les chaînes à péage)
- n° 499 de Mme Laurence Cohen à M. le ministre chargé du budget
(Taxe sur la valeur ajoutée et transports publics)
- n° 512 de M. Jean-Paul Amoudry à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Accueil des enfants handicapés en Haute-Savoie)
- n° 515 de M. Dominique de Legge à M. le ministre de l’économie et des finances
(Fiscalité des ports de plaisance)
- n° 517 de M. Christian Cambon à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Conditions de travail des surveillants du centre pénitentiaire de Fresnes)
- n° 527 de M. Michel Boutant à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Avenir des laboratoires publics départementaux)
- n° 528 de M. Alain Dufaut à M. Premier ministre
(Dépenses engagées par la Banque publique d’investissement)
- n° 529 de Mme Catherine Procaccia à M. le ministre chargé du budget
(Délai de dépôt de déclaration de succession)
- n° 531 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre de l’économie et des finances
(Imposition de la plus-value en cas de crédit-vendeur)
- n° 534 de Mme Mireille Schurch à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Compteurs communicants fabriqués en France)
- n° 542 de M. Marc Laménie à M. le ministre de la défense
(Menaces de fermeture du troisième régiment du génie à Charleville-Mézières)
- n° 547 de M. Gérard César à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt
(Sinistre des orages de grêle du 2 août 2013 sur la vigne et autres cultures de l’Entre-deux-Mers)
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Projet de loi et projet de loi organique, adoptés par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public (nos 816 et 815, 2012-2013)
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La commission de la culture se réunira pour le rapport et les deux textes le mardi 17 septembre, à 15 heures 15 (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 12 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 30 septembre, à 17 heures ;
- au lundi 30 septembre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mardi 1er octobre, à 9 heures 30.)
Mercredi 2 octobre 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Suite du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public
2°) Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (n° 796, 2012-2013)
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 18 septembre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 16 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 1er octobre, à 17 heures ;
- au lundi 30 septembre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 1er octobre matin.)
En outre,
À 14 heures 30 :
- Désignation des vingt-sept membres de la mission commune d’information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales
- Désignation des douze membres de la commission spéciale chargée du contrôle des comptes et de l’évaluation interne
(Les candidatures à cette mission commune d’information et à cette commission spéciale devront être remises au secrétariat de la direction de la législation et du contrôle avant le mardi 1er octobre, à 17 heures.)
Jeudi 3 octobre 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Vendredi 4 octobre 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :
- Suite de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles
SEMAINE SÉNATORIALE
Lundi 7 octobre 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 15 heures et le soir :
1°) Suite éventuelle de la deuxième lecture du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (demande de la commission des lois)
2°) Sous réserve de sa transmission, deuxième lecture de la proposition de loi portant création d’un Conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes applicables aux collectivités locales (A.N., n° 658)
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 2 octobre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 4 octobre, à 17 heures ;
- au lundi 7 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le lundi 7 octobre après-midi.)
Mardi 8 octobre 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Sous réserve de leur transmission, nouvelle lecture du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (A.N., n° 1293) et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier (A.N., n° 1294) (demande conjointe de la commission des lois et de la commission des finances)
(La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
La commission des lois se réunira pour le rapport et les deux textes le mercredi 2 octobre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale commune, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 7 octobre, à 17 heures ;
- au lundi 7 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 8 octobre matin.)
2°) Sous réserve de son dépôt, projet de loi autorisant la ratification du traité sur le commerce des armes (demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées)
(La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le jeudi 3 octobre matin.
La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 7 octobre, à 17 heures.)
Mercredi 9 octobre 2013
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Proposition de loi relative aux missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime, présentée par Mme Bernadette Bourzai et Mme Renée Nicoux (n° 819, 2012-2013)
(La commission des affaires économiques se réunira pour le rapport le mardi 1er octobre, à 15 heures 30 (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 septembre, à 11 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 8 octobre, à 17 heures ;
- au lundi 7 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le mercredi 9 octobre matin.)
2°) Proposition de loi visant à l’indemnisation des personnes victimes de prise d’otages, présentée par Mme Claudine Lepage et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 657, 2012-2013)
(La commission des lois se réunira pour le rapport le mercredi 2 octobre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 8 octobre, à 17 heures ;
- au lundi 7 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 8 octobre matin.)
À 18 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Proposition de loi organique relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, présentée par M. François Marc et Mme Michèle André (n° 812, 2012-2013) (demande de la commission des finances)
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mercredi 2 octobre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : mardi 1er octobre, à 15 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 8 octobre, à 17 heures ;
- au mardi 8 octobre, à 15 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mercredi 9 octobre matin.)
4°) Proposition de résolution visant à créer une station de radio française « Radio France Europe », RFE, destinée à mieux faire connaître, dans tous les domaines, la vie quotidienne de nos partenaires européens, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par M. Pierre Bernard-Reymond et plusieurs de ses collègues (n° 459, 2012-2013) (demande de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe)
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.)
Jeudi 10 octobre 2013
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
1°) Proposition de loi visant à établir un contrôle des comptes des comités d’entreprises, présentée par Mme Catherine Procaccia et plusieurs de ses collègues (n° 679, 2011-2012)
Est jointe à cette proposition de loi la proposition de loi relative à la gestion des comités d’entreprises, présentée par Mme Caroline Cayeux et plusieurs de ses collègues (n° 724, 2011-2012) (Inscription envisagée dans le cadre de la mise en œuvre du protocole social)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 2 octobre, à 9 heures 30 (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 9 octobre, à 17 heures ;
- au mardi 8 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 9 octobre matin.)
De 15 heures à 15 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques sur la situation des universités françaises à l’heure de la rentrée 2013
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
De 16 heures à 20 heures :
Ordre du jour réservé au groupe CRC :
3°) Proposition de loi tendant au traitement équilibré des territoires par une réforme de la dotation globale de fonctionnement, présentée par M. Gérard Le Cam et plusieurs de ses collègues (n° 814, 2012-2013)
(La commission des finances se réunira pour le rapport le mardi 1er octobre ou mercredi 2 octobre après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 30 septembre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 9 octobre, à 17 heures ;
- au lundi 7 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mercredi 9 octobre après-midi.)
En outre, la conférence des présidents a pris acte de la demande du groupe CRC d’inscrire, à l’ordre du jour de son espace réservé, la proposition de résolution tendant à la maîtrise publique du système ferroviaire national, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mme Mireille Schurch et les membres du groupe CRC (n° 752, 2012-2013).
Cette proposition de résolution pourra être inscrite à l’ordre du jour à l’issue du délai prévu par l’article 4 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
Mardi 15 octobre 2013
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
2°) Débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l’industrie du tourisme en France (demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de trente minutes à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois ;
- fixé à une heure trente, la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 14 octobre, à 17 heures.)
À 17 heures :
3°) Débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage (demande de la commission d’enquête)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de trente minutes à la commission d’enquête ;
- fixé à une heure trente, la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 14 octobre, à 17 heures.)
À 21 heures 30 :
4°) Débat sur les perspectives d’évolution de l’aviation civile à l’horizon 2040 : préserver l’avance de la France et de l’Europe (demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de trente minutes à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- fixé à une heure trente, la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 14 octobre, à 17 heures.)
Mercredi 16 octobre 2013
Ordre du jour fixé par le Sénat :
À 14 heures 30 :
1°) Proposition de résolution européenne sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs présentée, en application de l’article 73 quater du règlement, par M. Éric Bocquet (n° 528, 2012-2013) (demande du groupe CRC)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 15 octobre, à 17 heures ;
- au mardi 15 octobre, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 16 octobre matin.)
2°) Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de dix minutes, un temps d’intervention :
- de huit minutes à chaque groupe (cinq minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe) ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 15 octobre, à 17 heures ;
- puis, de huit minutes à la commission des finances et à la commission des affaires européennes.
À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes.)
À 21 heures 30 :
3°) Débat sur la place des femmes dans l’art et la culture (demande de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ;
- fixé à une heure trente, la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 15 octobre, à 17 heures.)
Jeudi 17 octobre 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
1°) Débat sur la protection des données personnelles (demandes de la commission des lois et de la commission des affaires européennes)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de quinze minutes à la commission des lois et de quinze minutes à la commission des affaires européennes ;
- fixé à une heure trente, la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 16 octobre, à 17 heures.)
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
À 16 heures 15 :
Ordre du jour fixé par le Sénat :
3°) Débat sur le marché du médicament et des produits de santé (demande du groupe RDSE)
(La conférence des présidents a :
- attribué un temps d’intervention de vingt minutes au groupe RDSE ;
- fixé à une heure trente, la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 16 octobre, à 17 heures.)
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 21 octobre 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 11 heures, à 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
1 °) Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et la fortune (n° 517, 2012-2013)
(La conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée. Selon cette procédure, le projet de loi est directement mis aux voix par le président de séance. Toutefois, un groupe politique peut demander, au plus tard le jeudi 17 octobre, à 17 heures, que le texte soit débattu en séance selon la procédure habituelle.)
2°) Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale (n° 822, 2012-2013)
(La commission des affaires étrangères se réunira pour le rapport le mardi 8 octobre après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 3 octobre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 18 octobre, à 17 heures ;
- au mardi 15 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements le jeudi 17 octobre matin.)
Mardi 22 octobre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Mercredi 23 octobre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Jeudi 24 octobre 2013
À 9 heures 30, à 16 heures et le soir
Vendredi 25 octobre 2013
À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (A.N., n° 1179)
(La commission des affaires économiques se réunira pour le rapport le mercredi 9 octobre matin, après-midi et soir et, éventuellement, jeudi 10 octobre (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 4 octobre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 21 octobre, à 17 heures ;
- au vendredi 18 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le mercredi 22 octobre, à 13 heures 30, à la suspension de l’après-midi et mercredi 23 octobre matin.)
En outre,
Jeudi 24 octobre 2013
De 15 heures à 15 heures 45 :
- Questions cribles thématiques sur la politique énergétique européenne
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
Lundi 28 octobre 2013
À 15 heures et le soir
Mardi 29 octobre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Mercredi 30 octobre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Jeudi 31 octobre 2013
À 9 heures 30, à 16 heures 15 et le soir
Lundi 4 novembre 2013
À 15 heures et le soir
Mardi 5 novembre 2013
À 14 heures 30 et le soir
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Sous réserve de son dépôt et de sa transmission, projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 23 octobre matin (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 21 octobre, à 12 heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 25 octobre, à 17 heures ;
- au vendredi 25 octobre, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 28 octobre, à 14 heures, à la suspension de l’après-midi et le mardi 29 octobre matin.)
En outre,
En outre, mardi 29 octobre 2013
À 9 heures 30 :
- Questions orales
Et jeudi 31 octobre 2013
À 15 heures :
- Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
Mercredi 6 novembre 2013
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
- Projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire (n° 805, 2012-2013)
(La commission des affaires économiques se réunira pour le rapport le mercredi 16 octobre matin et, éventuellement, l’après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 11 octobre, à 12 heures).
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 5 novembre, à 17 heures ;
- au jeudi 31 octobre, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le mercredi 6 novembre matin.)
Jeudi 7 novembre 2013
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire
De 15 heures à 15 heures 45 :
2°) Questions cribles thématiques
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant 11 heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
La prochaine réunion de la conférence des présidents aura lieu le mercredi 9 octobre 2013, à dix-neuf heures.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?….
Ces propositions sont adoptées.
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Consommation
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la consommation.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me revient avant toute chose de remercier les rapporteurs, Martial Bourquin et Alain Fauconnier, qui ont effectué avec talent et opiniâtreté un travail très important. Ce travail, qui date d’avant les vacances d’été, nous permet d’avoir aujourd’hui ce débat fort intéressant malgré un calendrier législatif contraignant.
Comme cela a été dit, le projet de loi comporte une dimension véritablement historique, car il se propose ni plus ni moins que de conforter le consommateur dans ses droits, en inscrivant pour la première fois ces droits dans un texte qui regroupera, selon un éventail relativement élargi, toutes les embûches et tous les pièges auxquels le consommateur est confronté au quotidien.
Le consommateur est, chacun le sait, un acteur central de notre système économique. Il reste, maintenant plus que jamais, particulièrement vulnérable. Précédemment, notre collègue François Calvet a évoqué l’insécurité juridique ; j’ai l’impression qu’une réflexion de bon sens devrait nous inciter à penser que, si insécurité juridique il y a, c’est plutôt du côté du consommateur qu’il faut la chercher. Ce sera du reste beaucoup moins vrai désormais grâce à la création de l’action de groupe à la française, qui est sans doute la mesure la plus emblématique du projet de loi.
Monsieur le ministre, je veux également saluer votre travail, qui a permis de créer les conditions nécessaires à la réalisation de l’une des promesses de campagne de François Hollande. Le texte que vous nous présentez aujourd’hui, amendé par l’Assemblée nationale, témoigne de votre détermination à lever les obstacles, à passer à travers un maquis d’intérêts contradictoires pour finalement aboutir à la mise en place de mesures très attendues par les Français, qui ont compris qu’elles étaient aussi destinées à les protéger.
Pour ma part, il est cependant un sujet dont je déplore qu’il soit abordé de façon relativement discrète, même si nous en avons déjà parlé cet après-midi : il s’agit de l’obsolescence programmée, sujet qui devrait, à mon sens, trouver toute sa place dans ce débat. Cela permettrait à votre projet de loi de répondre encore mieux aux attentes des consommateurs que je viens d’évoquer.
J’ai du reste déjà eu l’occasion de m’exprimer ici même sur ce sujet, à l’occasion de la question orale avec débat inscrite à l’ordre du jour sur l’initiative de nos collègues du groupe écologiste. Le constat que je faisais, mais que je n’étais pas le seul à faire, puisqu’il semblait largement partagé, était celui d’une dimension véritablement sociétale sur laquelle nous devons nous pencher. Nous semblons en effet collectivement victimes d’une sorte de fatalité qui nous pousse vers un consumérisme aveugle, dépourvu de sens et de conscience, qui prend malheureusement de plus en plus d’ampleur.
Cette tendance nous entraîne lentement mais sûrement dans une impasse avec, à la clé, l’appauvrissement des ressources et l’affaiblissement très préoccupant des écosystèmes dans le cadre d’un fonctionnement économique qui apparaît de plus en plus dépassé, en tout cas pas en mesure d’affronter les enjeux du XXIe siècle. Ce constat révèle en fait une incapacité à inventer un modèle économique qui soit non seulement plus vertueux, plus porteur d’innovations, mais également plus créateur d’emplois, comme vous le souhaitez, monsieur le ministre.
L’innovation consiste aujourd’hui à proposer des solutions aux consommateurs, aux entreprises et à la puissance publique susceptibles de satisfaire non plus les objectifs définis unilatéralement par le marché et le profit, mais ceux qui le sont par les peuples, lesquels marquent de plus en plus leur attachement à une consommation davantage raisonnée et donc durable. Cela pourra se faire en réalisant des efforts bien plus importants en ce qui concerne l’éco-conception des produits de consommation, tout en préservant la dynamique de nos filières industrielles. Ce défi de taille passe par une nouvelle relation qui doit exister entre les consommateurs, les distributeurs et les industriels.
Pour nous engager dans cette voie, nous devons d’abord identifier les pratiques douteuses au moyen d’un diagnostic le plus précis possible et les sanctionner lorsqu’elles constituent une démarche pénalisante vis-à-vis du consommateur. Tout le monde aura compris que je fais ici précisément allusion aux stratégies dites d’obsolescence programmée : il s’agit de l’ensemble des techniques qui visent à mettre sur le marché un produit dont la durée de vie ou l’utilisation potentielle est délibérément raccourcie, notamment par sa conception, afin d’en augmenter le taux de remplacement.
Au cours des débats, j’espère – j’en suis même sûr – que nous aurons l’occasion d’y revenir de manière plus approfondie, car il y a là une réalité que chacun a le sentiment d’avoir vécu, sans pouvoir toujours en démontrer l’existence.
Au passage, je précise que je ne fais pas de procès d’intention aux entreprises vertueuses, nombreuses, qui se comportent bien ou à celles qui commercialisent des produits technologiquement très performants que leur extrême sophistication est susceptible de rendre fragiles.
En revanche, quel que soit le niveau de fabrication, il ne saurait servir à dissimuler des pratiques, que je qualifierai, pour être sympathique, d’expéditives et de simplistes, afin d’en raccourcir la durée de vie. Ces comportements existent, et nous avons tous en tête de nombreux exemples. Le cas le plus typique et le plus banal se présente lorsque nous achetons un produit électroménager tout en sachant, en sortant du magasin, qu’il ne fonctionnera plus dans trois ans et que l’idée même de sa réparation éventuelle ne nous traversera pas l’esprit. À mon sens, c’est une insulte au bon sens et à l’intelligence.
Quelles en sont les conséquences ? Je pense bien sûr, comme il a été dit précédemment dans le débat, à l’épuisement des ressources naturelles, qui s’accompagne d’un renchérissement du prix des matières premières. Je pense également à la saturation de l’environnement par la surproduction de déchets toxiques et son corollaire qui est le coût croissant du retraitement.
Lutter contre l’obsolescence programmée, c’est aussi, dans un registre beaucoup plus positif, promouvoir le secteur de la réparation. Monsieur le ministre, vous avez démontré votre attachement à ce sujet en expliquant que, plutôt que d’échanger ou de remplacer dans le cadre d’une garantie, il convenait avant tout d’essayer de réparer. À la clé, c’est le maintien, voire la création d’emplois qui est en jeu. On sait d’ailleurs que, lorsque des professions n’existent plus, on atteint le seuil de l’irréversibilité.
Pour toutes ces raisons, et parce qu’il importe d’atteindre ces objectifs, votre texte est un outil précieux. Nous devons donc l’étudier non seulement avec le souci d’en préserver l’équilibre initial, mais également avec celui de l’enrichir, autant que faire se peut. Au reste, j’ai cru comprendre que, dans le registre que je viens d’évoquer, à savoir l’obsolescence programmée, vous étiez disposé à entrouvrir la porte. J’espère que cet état d’esprit permettra de laisser toute sa place au débat, notamment sur ce sujet éminemment sociétal. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais également m’associer aux louanges exprimées par bon nombre d’orateurs à l’adresse de MM. les rapporteurs de la commission des affaires économiques, Alain Fauconnier et Martial Bourquin, pour saluer la qualité de leur travail. Je sais qu’ils ont travaillé dans des conditions contraintes et je mesure bien l’ampleur de leur tâche face à un texte où chacun a à cœur de défendre son sujet, ce qui entraîne l’examen de nombreux articles additionnels. L’épaisseur de leur rapport après la discussion à l’Assemblée nationale en rend bien compte.
Il aura quand même fallu presque deux ans pour que soit à nouveau inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée un texte ayant trait à la consommation, au pouvoir d’achat, à l’ajustement du droit aux nouvelles pratiques commerciales liées au commerce électronique notamment. Presque deux ans, en effet, puisque c’est en décembre 2011 que nous discutions dans cet hémicycle du projet de loi présenté par Frédéric Lefebvre, alors en charge, notamment, du commerce et de la consommation.
Il aura encore fallu attendre un an après l’élection du Président Hollande pour qu’enfin des sujets de fond intéressant la vie des Français nous soient soumis. En effet, nous avons consacré toute la session ordinaire à alourdir la fiscalité des ménages et des entreprises (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et à voter des textes totalement déconnectés de la réalité avec, in fine, un véritable tripatouillage électoral.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Et allez donc !
M. Antoine Lefèvre. Ce n’est pas faux !
M. Gérard Cornu. Pendant ce temps, les Français déchantent avec un Président de la République hésitant et la France ne sort pas de cette crise dans laquelle elle est encore engluée. Les mesures économiques ambitieuses qui devraient soutenir la croissance ne viennent pas.
Cela étant, ce projet de loi reprend en réalité en partie le texte du précédent gouvernement qui était parti des problèmes concrets rencontrés par les consommateurs dans leur vie quotidienne pour parvenir à des mesures complétant utilement la loi Chatel. De ce point de vue, je ne peux que me satisfaire de certaines de ses dispositions. Je constate toutefois que près de la moitié du texte est consacrée à créer de nouvelles sanctions pour les entreprises. Elles apprécieront… D’ailleurs, on peut se demander si la consommation et le consommateur y gagneront.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui comporte un sujet majeur : l’action de groupe, que l’actuelle majorité avait déjà défendue et fait adopter en décembre 2011, mais dans une version bien plus large.
Le dispositif qui nous est ici proposé, très complexe au passage, encadre l’action de groupe. C’est déjà mieux, mais la question de sa rétroactivité inquiète les entreprises. Nous aurons bien sûr l’occasion d’en discuter et je ne m’étendrai donc pas, puisque, durant les cinq minutes qui me sont imparties, je souhaite parler d’un sujet qui me tient à cœur : l’encadrement de la profession d’opticien-lunetier.
En 2011, avec Alain Fauconnier, déjà rapporteur du projet de loi présenté par Frédéric Lefebvre, nous avions construit, après consultation des différents intéressés, un dispositif équilibré que nous avions fait adopter en commission. Dans le cadre du présent projet de loi, MM. Fauconnier et Bourquin ont souhaité reprendre à l’identique ce dispositif, qui a été adopté en commission. Je tiens à leur redire mon soutien à cet amendement, qui avait d’ailleurs été voté à l’unanimité du Sénat en décembre 2011.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Exact !
M. Gérard Cornu. L’une de ses dispositions est particulièrement sensible, alors que la désertification médicale se poursuit : il s’agit de celle qui consiste à relever de trois à cinq ans la durée pendant laquelle les opticiens-lunetiers peuvent adapter une prescription de verres correcteurs. Les ophtalmologistes étant de plus en plus rares et les délais de rendez-vous de plus en plus longs, il est impératif de rendre possible ce relèvement dans l’intérêt des patients consommateurs.
Pour moi, un projet de loi relatif à la consommation n’est ni de droite ni de gauche. Il doit relever du simple bon sens et ses auteurs doivent être à l’écoute des problèmes rencontrés par les consommateurs, tout en veillant à ne pas pénaliser l’économie et les entreprises. Il s’agit d’un équilibre subtil respectant à la fois les acheteurs et les vendeurs, équilibre que nous défendrons lors de la discussion des articles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’occasion de cette discussion générale, je tiens moi aussi à féliciter Mmes et MM. les rapporteurs de leur travail sur un projet de loi relatif à la consommation qui touche à de nombreux et délicats sujets. Pour ma part, je ne m’exprimerai que sur la partie qui concerne la gestion de jeux d’argent et de hasard.
N’ayant pas de goût particulier pour défendre des amendements d’appel dont le sort est réglé par avance et qui font perdre un temps précieux, je vais ici, en quelques brèves minutes, tenter de vous convaincre, monsieur le ministre, sur quelques points qui me semblent importants.
Si l’adoption de la loi relative à l’ouverture du marché français aux jeux en ligne a efficacement contribué à légaliser et réguler un marché jusqu’ici totalement illégal, elle a aussi créé et mis en place des outils nouveaux et importants pour aider et conseiller les gouvernements, pour peu qu’ils acceptent d’écouter les experts dans un domaine où, jusqu’à présent, l’État est resté complètement sourd à tout ce qui lui était dit et qui était susceptible de contrarier sa démarche autoritaire et lucrative. C’est ainsi que les très graves problèmes sociaux et médicaux liés à l’addiction au jeu n’ont jusqu’ici pas bénéficié de l’attention et des moyens de l’État qu’ils méritaient.
La loi a donc créé l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, dont les analyses et les conseils débordent efficacement du cadre strict de jeux en ligne. Elle a aussi créé le Comité consultatif des jeux, que j’ai l’honneur de présider pour l’instant, et qui a pour vocation de conseiller le Gouvernement, même si celui-ci ne réclame pas les conseils.
Dans ce projet de loi, monsieur le ministre, vous avez abordé plusieurs problèmes. À l’article 72 quater, vous apportez des précisions utiles sur la définition des jeux. À l’article 72 quinquies est prévu un accroissement du temps de réponse de l’ARJEL.
Vous avez par ailleurs, et c’est une très bonne chose, renforcé les garanties que les opérateurs doivent donner à leurs joueurs par des dispositions qui manquaient dans la loi de 2010.
En revanche, s’agissant des sanctions que l’ARJEL est susceptible d’avoir à prononcer à l’égard de certains opérateurs, permettez-moi de vous dire que je les trouve relativement lourdes et excessives. J’ai appelé l’attention de Mme Michèle André, notre excellent rapporteur pour avis de la commission des finances, sur ce point, car, jusqu’ici, je n’ai jamais observé que la procédure instaurée par la loi de 2010 ait montré des défaillances. II m’est apparu, au contraire, que les rares incidents que l’ARJEL a eu à connaître ont été correctement sanctionnés, et ce dans des délais raisonnables. Mais passons sur ces procédures que vous mettez en place ; il nous appartiendra à tous de vérifier qu’elles ne sont pas contre-productives.
En outre, vous avez eu parfaitement raison d’interdire aux opérateurs de « relancer » par leurs publicités ou leurs offres d’avantages divers des joueurs qui se sont mis sous la protection de l’interdiction volontaire de jeux. Dernier recours des joueurs fragiles et dépendants quand ils ne maîtrisent plus leur comportement, l’interdiction est indispensable. Elle est parfaitement gérée par le ministère de l’intérieur et, si elle n’est pas encore adaptée aux paris hippiques et aux loteries de la Française des jeux, elle joue parfaitement son rôle pour les jeux de casino et les jeux en ligne. Encore fallait-il qu’elle soit respectée par les nouveaux opérateurs ; c’est maintenant le cas, et c’est très bien ainsi !
À l’Assemblée nationale comme devant la commission des affaires économiques du Sénat, vous avez refusé d’admettre les skill games dans le champ de la régulation française. En l’état actuel des choses, je ne vous désapprouve pas, car ce champ des jeux est pour l’instant beaucoup trop flou et l’on voit mal comment il pourrait d’ailleurs s’adapter aux contraintes nombreuses et rigoureuses que l’État impose à tous les opérateurs agréés.
Cela étant, il serait regrettable de ne pas étudier le problème des skill games avec attention. Je ne saurais trop vous conseiller de faire réaliser ces études par l’ARJEL et par l’Observatoire des jeux, qui, au sein du Comité consultatif des jeux, a une très bonne maîtrise des études et des travaux liés. En effet, si le refus de toute extension du domaine des jeux rassure les services et les fonctionnaires de l’État, qui ainsi n’ont rien à changer à leur travail, les professions du jeu ne se portent pas si bien qu’elles puissent indéfiniment se passer de jeux nouveaux, innovants, attractifs, mais bien entendu légaux et contrôlés.
J’en dirai tout autant du refus que vous opposez, dans le jeu de poker en ligne, à ce que les opérateurs agréés soient autorisés à ouvrir leurs tables de poker « à des jeux de cercle avec des joueurs inscrits sur le site d’un opérateur contrôlé par une autre autorité en charge de la régulation du secteur des jeux en ligne d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ».
La définition complète que je viens de citer est importante. Elle mérite attention. À partir du moment où les conventions nécessaires seraient passées dans des conditions rigoureuses, cette formule donnerait à l’industrie du poker en ligne de solides arguments pour lutter contre les jeux illégaux ou contre l’hémorragie que l’on constate quand les principaux joueurs dits « professionnels » quittent le jeu en ligne français pour retourner au secteur illégal.
Cette situation n’est pas bonne ! Il ne s’agit nullement d’aller vers une augmentation intempestive du jeu, que personne ne souhaite dans les milieux responsables, mais de donner à cette industrie des chances de se développer face à la concurrence illégale. C’est dans cet esprit que la sous-direction des libertés publiques du ministère de l’intérieur et la commission consultative des jeux de cercles et de casinos autorisent actuellement plusieurs expérimentations dans ces établissements – il s’agit du punto banco, de la bataille, du bingo sous une forme ou sous une autre, et même du pittoresque et, paraît-il, traditionnel jeu réunionnais qui s’appelle le devant-derrière. (Marques d’amusement sur diverses travées.) Ce n’est qu’un nom de jeu, n’y voyez aucune connotation... (Sourires.)
Monsieur le ministre, examinez, s’il vous plaît, mes observations. Elles ne visent qu’à conforter un secteur industriel majeur de notre pays, mais en difficulté dans les domaines que j’ai évoqués, sans affaiblir, à aucun moment, le contrôle que l’État a le devoir de maintenir sur les activités à risques pour les individus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens avant tout à vous remercier du ton très constructif que vous avez adopté sur toutes les travées à l’égard du projet de loi, en distinguant les aspects qui vous agréent et ceux qui suscitent encore des débats. Je reviendrai en quelques mots sur deux chapitres qui ont fait l’objet de l’essentiel des interventions, à savoir la création d’un registre national des crédits aux particuliers et l’action de groupe. Je dirai également quelques mots de la résiliation des assurances et de la question des pouvoirs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF.
Je souhaite tout d’abord procéder à une mise au point concernant l’évolution des effectifs de la DGCCRF, puisque la question a été abordée par M. Tropeano et Mme Schurch. Il est clair que le présent projet de loi aura des conséquences importantes sur les pouvoirs dont disposera la DGCCRF pour remplir correctement sa mission. Il me semble que l’on se réjouit, sur toutes les travées, à l’idée que les contrôleurs de la DGCCRF disposent demain de davantage de pouvoirs pour mieux protéger les consommateurs. Encore faudrait-il que leurs effectifs soient suffisants ! Incontestablement, cette administration a été très ébranlée, voire abîmée, par cinq ans de réduction de ses effectifs, puisque, sur les cinq dernières années, ceux-ci ont décru de 16 %, si bien qu’un certain nombre de départements ne disposent plus que de cinq agents en capacité d’effectuer des contrôles.
Au regard des exigences nouvelles liées aux directives européennes ou tout simplement des exigences des consommateurs qui souhaitent être correctement protégés, il a fallu développer la polyvalence, parfois au détriment de la qualité et de la fréquence nécessaire des contrôles sur le terrain, aux dires mêmes des syndicats et des agents de la DGCCRF. Les contrôleurs passent moins de temps dans les entreprises, effectuent des contrôles moins approfondis qu’auparavant et ne sont pas aussi efficaces qu’il le faudrait pour débusquer les tentatives de tromperie et de tricherie – j’y reviendrai tout à l’heure à la lumière d’une actualité récente concernant l’ex-entreprise Spanghero à Castelnaudary, dans l’Aude.
Je peux simplement vous dire que j’ai obtenu, l’année dernière, que les effectifs de la DGCCRF soient stabilisés, alors que la quasi-totalité des administrations étaient mises à contribution, à l’exception de l’éducation nationale, de la police et de la gendarmerie. L’année prochaine, la DGCCRF, au même titre que l’éducation nationale, la police ou la gendarmerie, sera la seule administration de Bercy à voir ses effectifs augmenter, même si cette augmentation reste modeste au regard des besoins enregistrés sur le terrain : elle ne sera pas considérable, mais nous avons obtenu que cette administration dispose de quelques moyens supplémentaires pour mieux remplir ses missions.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économique. C’est l’inversion de la courbe !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cette augmentation ne réglera pas tous les problèmes, car, au-delà de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP, ce service a été également concerné par la réforme de l’administration territoriale de l’État, ou RÉATE, qui a réorganisé les missions des services déconcentrés. La DGCCRF a besoin de retrouver une chaîne de commandement beaucoup plus efficace et, à la demande du Premier ministre, nous avons engagé, depuis la réunion du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, un travail spécifique sur l’organisation des services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans les territoires, pour améliorer l’efficacité de ces services en fonction de la variété des missions de leurs agents : ceux-ci sont amenés à se rendre aussi bien dans un restaurant que dans un centre de loisirs sportifs, voire dans une entreprise, pour contrôler des activités très différentes, quand on ne leur demande pas de vérifier les pratiques du commerce en ligne…
Même si l’annonce n’est pas encore tout à fait officielle, je peux malgré tout vous dire que les effectifs de la DGCCRF devraient modestement augmenter en 2014. Je tenais à vous en informer en ouverture de notre débat.
Je souhaite revenir sur la question du registre national des crédits aux particuliers, le RNCP, et élargir le débat aux autres questions relatives au crédit, comme l’a fait Mme Dini, qui a rendu un rapport important que j’ai lu et dont le Gouvernement s’est inspiré pour construire sa politique à l’égard du crédit.
Nous avons voulu adopter une approche complète et cohérente de la politique du crédit. Il ne faut pas se contenter d’examiner mesure par mesure le dispositif proposé par le Gouvernement, mais avec un peu de recul, pour l’embrasser dans sa totalité comme s’il s’agissait d’un tableau impressionniste.
La mesure phare proposée par le projet de loi est effectivement la création du registre national des crédits aux particuliers. Je tiens à affirmer que jamais je n’ai dit ou pensé que la création de ce registre éliminerait le problème du surendettement en France. Il s’agit d’un instrument qui nous permettra de détecter de manière plus précoce les ménages qui pourraient basculer dans le surendettement. Reste que c’est un instrument d’encadrement de l’activité de crédit parmi d’autres, qui a pour principe d’être équilibré, car on peut vouloir encadrer l’activité de crédit sans pour autant remettre en cause le principe du crédit à la consommation. Ce dispositif, je le répète, interviendra parmi plusieurs autres et il ne faut pas lui attribuer davantage de vertus que ne l’ambitionne le Gouvernement lui-même : ce dispositif est important à nos yeux, mais il ne réglera pas la question du surendettement. Je le dis d’autant plus que j’ai parcouru un chemin inverse du vôtre, madame Dini : je n’étais pas très favorable à la création de ce registre lorsque je suis devenu ministre, mais c’est à l’écoute des principaux acteurs de la lutte contre le surendettement et des différentes expertises des administrations de Bercy que je me suis rangé à l’idée que la création de ce registre était nécessaire.
Pour répondre à M. Le Cam, le registre, tel que nous l’avons construit, ne recensera pas 25 millions de personnes, sinon nous ne vous le proposerions pas. Notre réflexion embrassait, au départ, les découverts, les crédits à la consommation, les crédits immobiliers, mais le Conseil d’État comme la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, nous ont objecté que ce fichier serait disproportionné au regard de l’objectif visé, à savoir la lutte contre le surendettement et qu’il n’échapperait pas, par conséquent, à la censure du Conseil constitutionnel. Nous avons donc retravaillé notre copie pour définir un fichier proportionné à notre objectif initial.
J’indique donc à Mme Lamure que nous avons adopté une attitude exactement contraire à celle du précédent gouvernement lorsqu’il a voulu créer un fichier des cartes nationales d’identité biométriques ou électroniques : la censure du Conseil constitutionnel était tombée, parce que le gouvernement de l’époque n’avait pas écouté les remarques qui lui avaient été présentées. Le gouvernement actuel a revu sa copie, parce qu’il a voulu présenter un texte équilibré : je ne tiens pas à faire passer une mesure en force devant les deux assemblées, avec toute la détermination du Gouvernement, pour qu’elle soit ensuite censurée par le Conseil constitutionnel ! Je veux doter notre pays d’un instrument supplémentaire qui permette de vérifier la solvabilité des ménages avant de leur attribuer le crédit de trop.
J’en viens au désaccord qui nous oppose, monsieur Le Cam. Regardez qui est pour ou qui est contre ? Qui veut aujourd’hui du registre national des crédits aux particuliers ? Le Secours catholique, la fédération CRESUS et le Secours populaire. Qui n’en veut pas ? La BNP, la Société générale et le Crédit agricole !
Ceux qui sont aux côtés des ménages surendettés souhaitent la création du registre national des crédits, mais ils ne pensent pas que nous allons éliminer ainsi le surendettement. En revanche, ce registre leur évitera, demain, d’avoir à gérer les dossiers de quelques dizaines de milliers de familles supplémentaires ; je rappelle que 200 000 nouveaux dossiers de surendettement sont déposés chaque année ; en stock – bien que le mot ne soit pas joli –, 700 000 à 800 000 familles sont concernées, d’où la question des plans de désendettement et de la durée de ces plans.
Cette réalité va croître avec les conséquences de la crise, et je sais que vous allez déposer un amendement sur la question du salaire minimum, parce que vous menez un combat pour augmenter la rémunération du travail. En raison de la crise, parce que le chômage est élevé et parce que les pensions et les salaires sont modestes, nous savons que les plus défavorisés, en premier lieu les familles monoparentales – souvent des mamans seules –, vont souscrire un crédit à la consommation, sur internet ou dans une grande surface, non pas pour procéder à un achat, mais pour régler des factures.
M. Alain Néri. Eh oui !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Demain, grâce au registre national des crédits aux particuliers – parce que le crédit à la consommation est le principal facteur de surendettement –, celui qui accorde le crédit aura l’obligation de vérifier la solvabilité de l’emprunteur. Je pense que cette aide est indispensable aujourd’hui. En effet, la maman seule, même si elle sait qu’elle est endettée, parce qu’elle doit nourrir ses enfants, ira souscrire ce crédit,…
M. Alain Néri. C’est de l’abus de faiblesse !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. … alors qu’il est possible de l’accompagner dans un processus lui permettant d’éviter de basculer dans cette spirale dont on ne sort pas et qui produit, chaque semaine, des drames dans nos cités, nos villages et nos villes. Telle est la raison pour laquelle nous avons proposé cette mesure.
Mais nous ne nous sommes pas contentés de la seule création de ce registre, et vous m’excuserez si je reprends les autres mesures figurant dans le texte.
Nous diminuons la durée des plans de redressement de huit à cinq ans ; cela ne fait pas plaisir aux créanciers, et il ne vous aura pas échappé que la presse économique n’a pas chanté les louanges de cette loi, au motif qu’elle serait favorable à la politique du crédit !
Nous renforçons l’encadrement, dans le sillage de la loi Lagarde – vous avez eu raison d’y voir la démonstration du fait que ce gouvernement est tout sauf sectaire, car nous avons repris tous les progrès de la loi Lagarde. À l’Assemblée nationale, j’ai même dit que nous nous appuyions sur ce socle parce que nous avions enregistré que la loi Lagarde sur l’offre alternative de crédit avait permis des progrès, dès lors que le montant de l’achat dépasse 1 000 euros, en obligeant les organismes de crédit à proposer le choix entre un crédit amortissable et un crédit renouvelable. Nous voulons aller plus loin, parce que l’esprit de la loi Lagarde n’a pas été respecté partout sur le terrain. Il a été constaté que cette offre alternative n’était pas systématiquement présentée lorsque le montant de l’achat dépassait 1 000 euros.
En outre, nous portons le délai de résiliation des lignes « dormantes » de deux ans à un an. Combien de crédits renouvelables supprimons-nous grâce à cette mesure, qui tient en un alinéa ? Sachez-le : 8 millions ! Il n’y aura plus non plus de subprimes à la française si le projet de loi est voté, puisque nous y avons inscrit la suppression des hypothèques rechargeables.
Enfin – j’ai déjà évoqué cette mesure d’un mot, mais je vous prie de croire qu’elle hérisse quelques poils chez celles et ceux qui exercent le métier de banquier –, nous mettons en place un service d’aide à la mobilité bancaire et une réflexion sur la portabilité du numéro de compte.
Nous avons là des mesures qui, véritablement, nous permettront de mieux encadrer la politique de crédit, sans pour autant être dans l’ignorance d’une réalité qui a été décrite sur toutes ces travées : nous avons aussi besoin du crédit à la consommation ! Parce qu’on ne peut pas réaliser certains achats avec son seul salaire – l’achat d’un canapé, d’une télévision, d’une voiture, etc. –, on peut avoir besoin du crédit à la consommation. Ce dernier est donc indispensable pour soutenir la demande, au travers de la consommation des ménages. Au même titre que l’investissement des entreprises, qui est aussi une composante de cette demande, c’est un instrument important.
Notre objectif est donc d’encadrer ce système de crédit.
Si je tenais à vous apporter ces précisions, c’est pour insister sur le fait que le registre national des crédits aux particuliers n’est pas la seule mesure prise par le Gouvernement. Je ne résiste toutefois pas à la tentation de vous rappeler, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce jour où, dans une célèbre émission animée par Jean-Pierre Pernaut, Paroles de Français, le candidat à l’élection présidentielle que vous souteniez s’est prononcé en faveur d’un tel registre. Nicolas Sarkozy, répondant à M. Jean-Louis Kiehl de la Fédération CRESUS, qui l’interrogeait, avait dit : « Je le ferai ! ». Il ne l’a pas fait, puisqu’il n’a pas été élu… Pour ma part, je considère que c’est une mesure de bon sens politique !
Par ailleurs, pour répondre à Mme Dini – je m’étais déjà exprimé sur ce point, mais je vais de nouveau préciser ma position –, il est une mesure à laquelle, après y avoir réfléchi, notamment avec les associations, je ne suis pas favorable. Il s’agit du recours aux trois derniers relevés de compte. Pourquoi ? Tout d’abord, il faudrait penser à se promener avec ses relevés de compte bancaire au cas où – il peut encore y avoir un peu d’achat compulsif – on souhaiterait faire un crédit. Ensuite et surtout, on se met beaucoup plus à nu en montrant le détail de ses relevés plutôt qu’en ayant précisé, sur une fiche, la totalité des crédits à la consommation que l’on a déjà contractés.
S’agissant maintenant de l’identifiant – la question a été soulevée par Mme Lamure, me semble-t-il, ainsi que par plusieurs autres orateurs –, nous avons aussi été interpelés sur le sujet par le Conseil d’État et par la CNIL, et avons répondu à leurs demandes. Nous n’utiliserons pas le numéro d’inscription au répertoire, le NIR, qui sera réservé à la sphère sociale, et nous avons commencé, en lien avec la Banque de France, un travail de réflexion sur un identifiant qui comprendrait des éléments d’état civil, ainsi que d’autres éléments afin d’éviter au maximum les risques d’homonymie. Cet identifiant, me semble-t-il, pourrait être demain l’identifiant de la sphère bancaire ou financière et pourrait peut-être nous être utile dans le cadre de la réflexion sur la portabilité du numéro de compte bancaire, si jamais nous la prolongeons. Quoi qu’il en soit, nous travaillons sérieusement sur cette question, évidemment en veillant à prévoir toutes les garanties en matière de préservation des libertés individuelles.
Vous n’avez pas à me croire sur parole, mesdames, messieurs les sénateurs, mais je n’ai pas proposé ce registre national des crédits aux particuliers pour ficher les pauvres de ce pays ! Ce n’est pas non plus pour cela que les associations le proposent ! D’ailleurs, on estime à 10 ou 12 millions le nombre de personnes qui, ayant recours au crédit à la consommation, seront concernées par le dispositif. Celui-ci ne se restreint donc pas aux plus pauvres. L’objectif est bien sûr d’éviter le crédit de trop !
Nous débattrons de ce sujet, mais il me semblait important, en ouverture de nos discussions, de rappeler l’approche qui a été la nôtre : elle ne peut se résumer à cette seule question du RNCP.
Par ailleurs, j’ai promis de répondre à Mme Procaccia, qui n’est pas parmi nous ce soir, mais qui m’a assuré qu’elle me regarderait sur internet. Elle doit donc suivre la séance en streaming, ce qui me permet, en passant, de la saluer ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est interactif !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je crois fondamentalement que la fluidité que nous allons instaurer sur le marché des assurances, en particulier des assurances obligatoires, permettra de faire baisser les prix.
Assez naturellement, je ne m’attendais guère à autre chose, les assureurs nous ont abreuvés d’arguments contraires. En toute logique, ils ont fait leur travail : ils gagnent de l’argent en délivrant des assurances et il est assez normal que la perspective d’en gagner un peu moins ne les réjouisse pas spécialement. Mais alors que, comme l’affirmaient les assureurs, nous devions obtenir l’effet contraire, j’observe – ou plutôt je le lis dans la presse spécialisée, car c’est ce que la plupart des experts du milieu constatent – que, par anticipation, deux grandes entreprises, la MAAF et la MAIF, ont décidé de geler, voire de baisser leurs tarifs ou de proposer des ristournes sur leur assurance automobile. Il reste à voir ce qu’elles feront en matière de contrat multirisque habitation ou ce que leurs concurrentes entendent faire à leur tour. J’ai donc l’impression que les faits contredisent ce qui nous était annoncé et qu’il y aura bien un impact à la baisse sur les tarifs de ces assurances obligatoires.
À cet égard, Mme Procaccia doutait du chiffre de 5 %... Voici quelques éléments : le budget annuel pour les assurances s’élève à 1 400 euros, pour un revenu médian des ménages français situé autour de 29 000 euros. Ainsi environ 4,84 % de ce revenu médian, soit près de 5 %, est aujourd’hui consacré aux dépenses d’assurance. Bien sûr, la réalité veut que plus les revenus sont bas, plus la part des assurances obligatoires dans le budget est importante et plus ils sont élevés, plus cette part est faible. Il nous revient donc d’agir sur ce poste des dépenses d’assurance.
J’ai compris que Mme Procaccia n’y était pas favorable, mais que, dans le même temps, elle souhaitait l’extension, à tous les domaines des services à reconduction tacite, de ce principe auquel elle s’oppose pour les assurances.
Elle a parlé de « mini dose » et de « maxi dose ». Mon problème n’est pas celui-là ! Il s’agit pour moi d’identifier les marchés sur lesquels il est justifié de remettre en cause ce qui relève d’une rente et d’examiner leur fonctionnement.
Je ne suis partisan ni de la doctrine de la concurrence ni de celle de la non-concurrence ! Jouons le jeu de la concurrence lorsque celle-ci peut objectivement faire baisser les prix dans l’intérêt du consommateur et de la société. Soyons prudents vis-à-vis d’elle quand son impact, que ce soit sur le consommateur ou sur la société, apparaît négatif. Cela explique d’ailleurs que je suis plutôt opposé à l’idée de concurrence des systèmes sociaux ou des systèmes fiscaux entre eux, comme c’est le cas au sein de l’Union européenne, et plutôt favorable à un accroissement de la concurrence entre les compagnies d’assurance en matière d’assurances obligatoires. Mais nous en reparlerons… Mme Procaccia doit être en ce moment même en train de prendre des notes et de fourbir ses arguments. Ce sera un plaisir pour moi de revenir, dès demain, en séance, sur le sujet.
Avant de conclure par la question des actions de groupe, je voudrais dire un mot sur les pouvoirs de la DGCCRF.
Nous sommes d’accord, me semble-t-il, sur la question des « clients mystères » et, après l’intervention de Mme Lamure et de plusieurs d’entre vous sur le sujet, je suis heureux de constater qu’un consensus se construit autour de l’idée selon laquelle, demain, nous pourrions octroyer à la DGCCRF les moyens lui permettant d’aller au bout d’un acte d’achat, notamment s’agissant du commerce par internet.
Ce dernier – on me corrigera si mes souvenirs ne sont pas bons – représentait l’année dernière autour de 45 milliards d’euros, dont environ 9 milliards d’euros pour la seule période des achats de Noël. C’est donc, on le voit, un commerce qui se développe considérablement, d’où l’importance de la transposition en droit français de la directive relative aux droits des consommateurs.
À ce titre, je souligne qu’il s’agit d’une directive d’harmonisation maximale, ce qui me vaudra, souvent, d’être défavorable à certains amendements, et ce même si nous avons nous-mêmes interrogé la Commission européenne sur la pertinence de son texte sur des points tels les délais en cas d’achats étalés dans le temps sur la même commande. Nous estimons effectivement que les dispositions prises risquent de poser de véritables problèmes aux fournisseurs. La Commission a reconnu que ce serait peut-être le cas, mais nous a rappelé que, s’agissant d’une directive d’harmonisation maximale, nous ne pouvions déroger à la règle. Je reconnais donc qu’il est assez frustrant de devoir examiner ensemble certaines dispositions, sans possibilité de les amender. Toutefois, le sujet est important.
Nous renforcerons donc les moyens accordés aux enquêteurs de la DGCCRF pour aller débusquer les tricheurs et, à ce titre, je tiens à évoquer la question du quantum des peines.
Pour répondre à certains des orateurs du groupe UMP, nous allons montrer du doigt, non pas les entreprises, mais les tricheurs. Quand sur ces travées, quelles qu’elles soient, on propose d’augmenter le quantum des peines pour un délit donné, on ne prétend pas montrer du doigt les Français : ce sont bien les voyous qui sont visés ! Il y va de même quand nous augmentons le quantum des peines pour tromperie économique : nous désignons, non pas toutes les entreprises, mais seulement celles qui trichent.
M. Marc Daunis. Eh oui !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. On ne peut avoir une vision laxiste, angélique, naïve de la réalité des pratiques actuelles de tromperie, mais pourquoi une telle affirmation ?
La presse fait aujourd’hui état d’interpellations dans le cadre des suites de l’affaire dite « Spanghero ». Depuis qu’il a été transmis au parquet, le dossier est suivi par le Service national des enquêtes, sous l’autorité des juges, et les gendarmes de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP. Je n’en sais donc pas plus, mais, à l’époque, nous estimions à 500 000 euros le bénéfice indu. L’affaire a mis au tapis une entreprise de plus de 300 salariés et, je le rappelle, on a ciblé dans le débat politique la responsabilité du Gouvernement dans la chute de la société, alors que, selon toutes probabilités, cette chute est largement due aux choix et à la stratégie de ses dirigeants.
En réalité, si nous avions dû appliquer le quantum des peines tel qu’il existe aujourd'hui, ces derniers auraient été responsables à hauteur de 185 000 euros, montant maximum de la peine, alors que le bénéfice indu atteint, de nouveau pour ce que nous en savons à l’heure actuelle, 500 000 euros. En d’autres termes, la peine n’a aucun caractère dissuasif.
Nous cherchons donc à la fois à répondre aux exigences de la Commission européenne, qui demande à tous les États membres de l’Union européenne d’élever le niveau des pénalités pour pratiques commerciales trompeuses et à rendre la pénalité proportionnée au montant des bénéfices indus. Je n’y vois là qu’esprit de justice et volonté d’instaurer un arsenal répressif beaucoup plus dissuasif qu’il ne l’était jusqu’ici à l’égard des tricheurs. Il est bien question, ici, de sanctionner les tricheurs, et seulement les tricheurs.
J’ai eu l’occasion de discuter avec bon nombre de chefs d’entreprise travaillant dans le même secteur que la société que je viens d’évoquer. Alors qu’ils travaillent correctement, ils ont vu l’image de toute une filière – 400 000 emplois dans l’industrie agroalimentaire ! – affectée par cette affaire. Quand, comme eux, on fait bien son travail, on étiquette correctement, on respecte les normes sanitaires, on satisfait à tous les contrôles de la DGCCRF et l’on voit son chiffre d’affaires plonger parce qu’à cause d’un ou deux les consommateurs n’ont plus confiance dans les acteurs de la filière, on plaide pour un niveau des sanctions empêchant la récidive.
M. Jean-Claude Frécon. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il a raison !
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Car, pardonnez-moi de le dire, on a pu constater qu’un certain nombre d’acteurs avaient déjà « fauté » et recommençaient à le faire.
Cette affaire des sanctions ne vise donc en aucun cas à stigmatiser les entreprises. Je trouve d’ailleurs toujours amusant que l’on fasse des distinctions entre ceux qui connaissent les entreprises et ceux qui ne les connaissent pas. Si ceux qui prétendent les connaître les connaissaient si bien, nous aurions vécu une belle période de croissance pendant dix ans, avec des entreprises florissantes. Or il est impossible d’établir un lien entre croissance et direction du pays par ceux qui, prétendument, connaissent les entreprises.
Il faut arrêter de se jeter l’anathème. À titre personnel, j’ai une expérience dans le secteur privé que, peut-être, plusieurs d’entre vous n’ont jamais eue. Chacun peut parler de ce qu’il connaît et, en l’occurrence, je ne prétends pas mieux connaître les entreprises, alors que j’ai travaillé en entreprise, que d’autres qui n’y ont jamais mis les pieds.
En outre, en tant que responsables politiques, nous devons pouvoir nous mettre en situation de défendre l’intérêt général. Il n’est pas nécessaire d’être médecin pour parler de santé, d’être chef d’entreprise pour parler d’entreprise, d’être membre d’un syndicat pour parler des intérêts des salariés. C’est le rôle des sénateurs et, plus généralement, des représentants de la République d’être en capacité d’évoquer tous ces sujets, sans que l’on n’ait auparavant à examiner leur curriculum vitae. Je tenais à le dire car ce genre d’approche me dérange un peu.
J’en viens enfin à l’action de groupe. Il me semble, madame Lamure, que vous avez évoqué à ce sujet une certaine impréparation. J’ai trouvé que vous étiez un peu sévère et, dans le même temps, je pense honnêtement que nous avons tous cheminé parallèlement sur la question, même si – c’est de bonne guerre – on pourra toujours vous reprocher d’avoir annoncé que vous vouliez le faire et de ne pas l’avoir fait. Richard Yung l’a d’ailleurs souligné avec une certaine légitimité…
Que nous efforçons-nous de faire ? Le Gouvernement n’a pas pour objectif de créer une charge supplémentaire pour les entreprises. Le projet de loi ne comporte pas une seule ligne – j’y insiste ! – portant sur une quelconque procédure administrative supplémentaire à la charge des entreprises françaises. Ce projet de loi ne change rien au quotidien des entreprises de notre pays.
Quel est l’apport du présent texte ? Désormais, parce qu’elles seront exposées à de nombreux clients potentiellement lésés, les entreprises tenteront de prévenir une éventuelle action de groupe en améliorant, en amont, leur relation avec leurs clients et, plus globalement, avec les consommateurs. J’estime cela positif.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué – il me semble que c’est M. Alain Fauconnier qui l’a fait le premier –, pour qualifier l’action de groupe que ce projet de loi a pour ambition de créer, une « arme de dissuasion ». C’est exactement cela ! L’action de groupe va multiplier les médiations, améliorer la qualité de la relation avec les clients, conduire les entreprises à être attentives à construire une médiation intelligente avec les associations de consommateurs, dès lors qu’elles s’estimeront potentiellement exposées à une procédure incontestablement coûteuse en termes d’image.
En revanche, lorsqu’il n’y a pas de médiation possible, parce qu’un fait délictueux a été objectivement constaté, une pratique anticoncurrentielle détectée ou encore un contrat de consommation rompu, le présent texte permettra – enfin ! – au consommateur lésé d’être indemnisé du préjudice économique qu’il a subi.
Nous allons discuter de tous les aspects de cette action de groupe. Le travail effectué dans cette perspective par la commission des lois et par M. le rapporteur Martial Bourquin nous sera très utile.
J’entends dire que l’instauration d’une action de groupe dite « simplifiée » serait un aveu, celui que l’autre dispositif créé par ce projet de loi serait trop complexe à mettre en œuvre. Cet argument est fallacieux ! Le Gouvernement souhaite simplement établir une distinction entre deux types de situation : celui dans lequel les clients faisant l’objet d’un préjudice ne sont pas identifiés et celui dans lequel ces derniers sont connus à l’avance, parce que l’entreprise responsable d’un fait délictueux dispose du fichier des clients lésés.
Cette distinction est assez simple. Un opérateur téléphonique, par exemple, dispose d’un fichier de clients. S’il fait l’objet d’une condamnation, il connaît donc parfaitement l’identité de ceux qui sont en droit d’être indemnisés d’un préjudice subi. En revanche, dans le cas, par exemple, des barquettes de lasagne, que j’ai évoqué tout à l’heure, il n’était pas possible d’identifier ceux qui avaient acheté ces produits. Ce second type de cas exige par conséquent une démarche de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se faire connaître.
Il est donc logique que les modalités de liquidation de l’action de groupe soient adaptées. Le Gouvernement a de ce fait souhaité qu’une procédure dite « accélérée » puisse être mise en œuvre dans les cas où le fichier des clients lésés est connu à l’avance. Il s’agit tout simplement d’améliorer la protection des consommateurs. En tout cas, je me réjouis du débat que nous aurons sur ce sujet.
Je terminerai par un sujet qui a été évoqué par M. Richard Yung, par Mme Bonnefoy et par Mme Aïchi : la question du périmètre. L’action de groupe, c’est avant tout une « procédure valise » – je ne sais pas si l’expression est juste –, en ce sens qu’il y a plusieurs types d’actions de groupe. Il n’y a pas un type unique d’action de groupe, dont le Gouvernement étendrait progressivement le champ à la santé, puis à l’environnement.
Nous créons une action de groupe dans le champ spécifique de la consommation. Et elle s’épanouira strictement dans ce domaine. Je le répète, lorsque Marisol Touraine vous présentera un texte, au début de l’année 2014, celui-ci traitera du champ de la santé. Les victimes du Mediator, par exemple, ne demandent pas à être exonérées du prix de ce médicament : elles demandent à être remboursées du préjudice corporel qu’elles ont subi.
Or, en l’occurrence, le juge a besoin d’être éclairé par une expertise au cas par cas sur les conséquences, par exemple, de l’exposition à l’amiante, ou de l’absorption du Mediator, ou encore de la pose d’une prothèse PIP sur un individu à chaque fois différent, souffrant de telle ou telle pathologie, ayant tel ou tel âge, et présentant d’autres caractéristiques qui exigent que l’on mesure, par exemple, les conséquences de l’absorption d’un médicament sur sa santé. Nous créons donc plusieurs procédures différentes, dont une qui sera spécifique à la santé.
S'agissant de l’environnement, prenons l’exemple de la pollution. Celle-ci a des conséquences écologiques sur l’écosystème, des conséquences économiques sur le tourisme, des conséquences sanitaires sur les personnes chargées de nettoyer les plages goudronnées. La pollution peut donc entraîner trois effets bien différents. C’est la raison pour laquelle les engagements qui avaient été pris par Delphine Batho et qui ont été confirmés par Philippe Martin lors des états généraux de la modernisation du droit de l’environnement consistaient à mettre en place des groupes de travail consacrés à l’action de groupe dans le champ particulier de l’environnement.
Nous sommes donc sur une fusée à trois étages. Par principe, il est nécessaire qu’un premier étage se détache : c’est l’action de groupe dans le champ de la consommation. L’action de groupe en matière sanitaire viendra ensuite, suivie elle-même par une procédure en matière d’environnement.
Le mieux est l’ennemi du bien : à vouloir aller trop vite, nous nous serions heurtés à une absence de consensus et à un défaut de réponse commune. Les débats, certes, ont été particulièrement animés. Il en est d'ailleurs allé de même à l’Assemblée nationale. Pour autant, nous avons connu des débats bien plus clivés : chacun reconnaît, en effet, que la procédure d’action de groupe prévue par le présent texte permettra de mieux protéger le consommateur et répondra à l’objectif d’aboutir à une solution dans un contexte où l’action en représentation conjointe n’a absolument pas donné satisfaction, puisqu’elle a été très marginalement utilisée, jusqu’ici, dans le droit français.
Voilà ce que je voulais vous indiquer, mesdames, messieurs les sénateurs. Je n’ai pas répondu, loin de là, à toutes vos interrogations. Je reviendrai, avec Bernard Cazeneuve, sur les remarques qui ont été faites par M. François Trucy et Mme Michèle André sur les jeux en ligne. Je répondrai également aux autres remarques qui ont été faites.
Nous aurons l’occasion de débattre dans le détail des mesures sectorielles qui ont été évoquées. Je répondrai également aux interrogations de M. Poniatowski sur la question de l’énergie et sur l’existence, que je confirme, de mesures dérogatoires concernant les distributeurs d’énergie dans le code de la consommation, qui demeurent applicables en dépit des nouvelles dispositions prises pour la transposition en 2013 de la directive européenne relative aux droits des consommateurs.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quel que soit le groupe politique auquel vous appartenez, je tiens en tout cas à saluer, pour avoir écouté attentivement vos conclusions, l’esprit d’ouverture dont vous avez témoigné concernant votre attitude au moment du vote final. Je ferai montre du même esprit d’ouverture lors de l’examen des différents amendements.
Il y a plusieurs points sur lesquels nous ferons évoluer le texte. Et je m’appliquerai à être le plus constructif possible, guidé par le souci de dégager de larges majorités. Certes, il m’arrivera, sur ce banc, d’être battu quelquefois, hélas. Je ne l’espère pas, mais j’accepte l’éventualité de cette configuration. En tout cas, tel est l’esprit du Gouvernement.
Je voulais vous remercier pour la qualité des arguments échangés, toujours adossés à une analyse de fond : cela montre qu’il est possible d’adopter, même sur un sujet tel que la consommation, des approches de gauche ou de droite, ce qui est plutôt sain, d’ailleurs, dès lors que ces approches sont fondées sur des arguments ancrés dans la réalité. Je serai très heureux de poursuivre le débat avec vous pendant de longues heures encore. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
Chapitre Ier
Action de groupe
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 438, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement un rapport avant le 31 décembre 2013 sur les conséquences de la très faible revalorisation du salaire minimum interprofessionnel de croissance ces dernières années sur le pouvoir d'achat des salariés à revenu modeste.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Avec cet amendement de principe, nous abordons une question qui me paraît emblématique des lacunes de ce projet de loi.
En effet, il me semble qu’en abordant ce sujet de manière uniquement technique, en se concentrant seulement sur les rapports commerciaux et sur la formation des prix, ce projet de loi fait l’impasse sur les raisons réelles de la baisse de la consommation. Ainsi, il ne s’attaque pas à la question du pouvoir d’achat : par conséquent, il ne pourra apporter une réponse suffisante au problème de la relance de notre économie.
D’après l’INSEE, le pouvoir d’achat des Français a subi une perte de 0,9 % en 2012. Toutefois, à y regarder de plus près, cette chute est encore plus importante. En effet, le poids des dépenses incompressibles, celles que l’Insee appelle « pré-engagées », c’est-à-dire le logement, le chauffage, l’électricité, les services de télécommunication, les frais de cantine, la redevance télévisuelle ou encore les frais d’assurance est considérable et de plus en plus important. C’est le résultat, notamment, des politiques de libéralisation des entreprises menées par les précédents gouvernements. De ce fait, le budget restant à la fin du mois, si l’on tient compte des dépenses incompressibles, dégringole en réalité de 2,2 %.
Malgré cela, depuis de trop nombreuses années, le SMIC n’est que très faiblement revalorisé. Pour cette raison, nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un premier rapport annuel avant le 31 décembre 2013 sur les conséquences de la très faible revalorisation du SMIC au cours des dernières années sur le pouvoir d’achat des salariés à revenu modeste.
Relancer la consommation passe prioritairement à nos yeux par l’augmentation du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Cet amendement tend donc à rappeler au Gouvernement cette équation de base, sans exonérer de leurs responsabilités les gouvernements précédents.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, j’ai bien entendu vos propos. Je souscris à la fois à l’esprit de cet amendement et à la position de principe que vous exprimez. Nous voyons, dans nos cités, la précarité s’approfondir et une pauvreté inquiétante se développer. Il est évident que, dans cette situation, nous ne pouvons pas rester inactifs.
Pour autant, ce que je ne comprends pas, dans le texte de cet amendement et dans votre demande d’un rapport annuel au Parlement, c’est votre focalisation sur le seul SMIC alors que le chômage, la précarité, de la hausse des loyers, qui devient véritablement un problème très grave, et, tout simplement, la vie chère, sont autant de facteurs de cette précarité.
Or ce sont autant de questions qui dépassent le cadre de cette loi. J’ai bien entendu votre intervention. Je dois vous dire que j’y souscris quant au fond. Je m’inquiète moi aussi de voir cette pauvreté importante se développer. Toutefois, ce problème n’entre pas dans l’objet de ce projet de loi, qui tend à conférer une efficacité à l’action collective de groupe, pour les consommateurs lésés, le crédit, le fichier positif, le répertoire national des certifications professionnelles et les relations inter-entreprises, entre autres questions.
Tout en ayant bien entendu votre message, je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Si je comprends bien, la réflexion du groupe CRC qui sous-tend cet amendement est que, aujourd’hui, le problème de la compétitivité de nos entreprises ne peut se résumer à la question du coût du travail.
En conséquence, améliorer l’environnement des entreprises ne peut pas simplement consister à baisser les salaires, au motif que notre économie serait moins compétitive que celle de l’Allemagne. En effet, la démonstration a été faite, par des expertises extérieures d'ailleurs, que depuis la mise en œuvre du crédit d’impôt compétitivité emploi l’industrie manufacturière française est plus compétitive, en termes de coût, que l’industrie manufacturière allemande.
Cela dit, pour les mêmes raisons que le rapporteur, l’avis du Gouvernement est défavorable, même si les questions des salaires, du salaire minimum et, demain, des négociations salariales reviendront très vite à l’ordre du jour, à mesure, d’ailleurs, que nous aurons commencé à satisfaire notre objectif prioritaire, à savoir lutter contre le chômage, favoriser le retour à l’emploi et soutenir la création d’emplois. Ces éléments conditionnent d’ailleurs l’état de la demande.
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 438 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Je continue de penser que le SMIC est le salaire des plus modestes, même si certaines personnes gagnent moins que cela, notamment les retraités. Il reste une référence de base pour tout projet de relance de la consommation.
Cela dit, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 438 est retiré.
Article 1er
Le titre II du livre IV du code de la consommation est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Action de groupe
« Section 1
« Champ d’application de l’action de groupe et qualité pour agir
« Art. L. 423-1. – Une association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut agir devant une juridiction civile afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation similaire ou identique et ayant pour cause commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles :
« 1° À l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ;
« 2° Ou lorsque ces préjudices résultent de pratiques anticoncurrentielles au sens du titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
« Seule la réparation des préjudices matériels résultant d’une atteinte au patrimoine des consommateurs et résultant d’une des causes mentionnées aux 1° et 2° peut être poursuivie par cette action.
« Lorsque plusieurs associations introduisent une action portant sur les mêmes faits, elles désignent l’une d’entre elles pour conduire celle qui résulte de la jonction de leurs différentes actions. À défaut, cette désignation est effectuée par le juge.
« Art. L. 423-2. – (Non modifié) L’action de groupe est introduite selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État.
« Section 2
« Jugement sur la responsabilité
« Art. L. 423-3. – Dans la même décision, le juge constate que les conditions de recevabilité mentionnées à l’article L. 423-1 sont réunies et statue sur la responsabilité du professionnel. Il définit le groupe des consommateurs à l’égard desquels la responsabilité du professionnel est engagée et en fixe les critères de rattachement.
« Le juge détermine les préjudices susceptibles d’être réparés pour chaque consommateur ou chacune des catégories de consommateurs constituant le groupe qu’il a défini, ainsi que leur montant ou tous les éléments permettant l’évaluation de ces préjudices. Lorsqu’une réparation en nature du préjudice lui paraît plus adaptée, le juge précise les conditions de sa mise en œuvre par le professionnel.
« À cette fin, à tout moment de la procédure, le juge peut ordonner toute mesure d’instruction légalement admissible nécessaire à la conservation des preuves et de production de pièces, y compris celles détenues par le professionnel.
« Le juge ordonne, aux frais du professionnel, les mesures adaptées pour informer, par tous moyens appropriés, les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe, de la décision rendue.
« Les mesures de publicité du jugement ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois que la décision sur la responsabilité n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.
« Le juge fixe les délais, qui ne peuvent être inférieurs à deux mois ni supérieurs à six mois à compter des mesures de publicité ordonnées par lui, et les modalités selon lesquels les consommateurs peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice. Il détermine notamment si les consommateurs s’adressent au professionnel soit directement, soit par l’intermédiaire de l’association ou du tiers mentionné à l’article L. 423-4. Il fixe le délai dans lequel les contestations portant sur les demandes d’indemnisation individuelle lui sont adressées. L’adhésion au groupe vaut mandat au profit de l’association requérante aux fins d’indemnisation ; elle ne vaut ni n’implique adhésion à celle-ci.
« Lorsqu’il statue sur la responsabilité, le juge peut condamner le professionnel au paiement d’une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par l’association, y compris ceux afférents à la mise en œuvre de l’article L. 423-4.
« Il peut ordonner, lorsqu’il la juge nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire, la consignation à la Caisse des dépôts et consignations d’une partie des sommes dues par le professionnel.
« Art. L. 423-4. – (Non modifié) L’association peut s’adjoindre, avec l’autorisation du juge, toute personne appartenant à une profession judiciaire réglementée dont la liste est fixée par décret en Conseil d’État, pour l’assister, notamment afin qu’elle procède à la réception des demandes d’indemnisation des membres du groupe et plus généralement afin qu’elle représente les consommateurs lésés, auprès du professionnel, en vue de leur indemnisation.
« Section 2 bis
« Procédure d’action de groupe simplifiée
« Art. L. 423-4-1. – Lorsque l’identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d’un même montant ou d’un montant identique par période de référence, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu’il fixe.
« Préalablement à son exécution par le professionnel et selon des modalités et dans le délai fixé par le juge, cette décision, lorsqu’elle n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation, fait l’objet de mesures d’information individuelle des consommateurs concernés, aux frais du professionnel, afin de leur permettre d’accepter d’être indemnisés dans les termes de la décision.
« En cas d’inexécution par le professionnel, à l’égard des consommateurs ayant accepté l’indemnisation, de la décision rendue dans le délai fixé, les articles L. 423-6 et L. 423-7 sont applicables et l’acceptation de l’indemnisation dans les termes de la décision vaut mandat aux fins d’indemnisation au profit de l’association.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application de la présente section.
« Section 3
« Liquidation des préjudices et exécution
« Art. L. 423-5. – (Non modifié) Le professionnel procède à l’indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur, dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement mentionné à l’article L. 423-3.
« Art. L. 423-6. – (Non modifié) Le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s’élèvent à l’occasion de la phase de liquidation des préjudices.
« Il statue dans un même jugement sur toutes les demandes d’indemnisation auxquelles le professionnel n’a pas fait droit.
« Art. L. 423-7. – L’association requérante représente les consommateurs membres du groupe qui n’ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés, aux fins de l’exécution forcée du jugement mentionné au second alinéa de l’article L. 423-6.
« Section 4
« Médiation
« Art. L. 423-8. – Seule l’association requérante peut participer à une médiation, dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, afin d’obtenir la réparation des préjudices individuels mentionnés à l’article L. 423-1.
« Art. L. 423-9. – Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge, qui vérifie s’il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s’appliquer et lui donne force exécutoire. Cet accord précise les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs concernés de la possibilité d’y adhérer, ainsi que les délais et modalités de cette adhésion.
« Section 5
« Modalités spécifiques à l’action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence
« Art. L. 423-10. – Lorsque les manquements reprochés au professionnel portent sur le respect des règles définies au titre II du livre IV du code de commerce ou des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’action mentionnée à l’article L. 423-1 ne peut être engagée devant le juge que sur le fondement d’une décision constatant les manquements, qui n’est plus susceptible de recours et qui a été prononcée à l’encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne compétentes.
« Dans ces cas, les manquements du professionnel sont réputés établis de manière irréfragable pour l’application de l’article L. 423-3.
« Art. L. 423-11. – L’action prévue à l’article L. 423-1 ne peut être engagée au-delà d’un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la décision mentionnée à l’article L. 423-10 n’est plus susceptible de recours ordinaires ou de pourvoi en cassation.
« Art. L. 423-11-1 (nouveau). – Le juge peut ordonner l’exécution provisoire du jugement mentionné à l’article L. 423-3 pour ce qui concerne les seules mesures de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti.
« Section 6
« Dispositions diverses
« Art. L. 423-12. – (Non modifié) L’action mentionnée à l’article L. 423-1 suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement prévu aux articles L. 423-3 ou L. 423-4-1.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle, selon le cas, le jugement rendu en application des articles L. 423-3 ou L. 423-4-1 n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l’homologation prévue à l’article L. 423-9.
« Art. L. 423-13. – (Non modifié) Les décisions prévues aux articles L. 423-3 et L. 423-4-1 ainsi que celle résultant de l’application de l’article L. 423-9 ont également autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres du groupe dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure.
« Art. L. 423-14. – L’adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d’agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ défini par la décision du juge mentionnée à l’article L. 423-3 ou d’un accord homologué en application de l’article L. 423-9.
« Art. L. 423-15. – N’est pas recevable l’action prévue à l’article L. 423-1 lorsqu’elle se fonde sur les mêmes faits, les mêmes manquements et la réparation des mêmes préjudices que ceux ayant déjà fait l’objet du jugement prévu à l’article L. 423-3 ou d’un accord homologué en application de l’article L. 423-9.
« Art. L. 423-16. – (Non modifié) Toute association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l’article L. 411-1 peut demander au juge, à compter de sa saisine en application de l’article L. 423-1 et à tout moment, sa substitution dans les droits de l’association requérante, en cas de défaillance de cette dernière.
« Art. L. 423-17. – (Non modifié) Est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe.
« Section 7
« Dispositions relatives aux outre-mer
« Art. L. 423-18. – (Non modifié) Le présent chapitre est applicable dans les îles Wallis et Futuna. »
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Avant d’entamer la discussion de cette innovation majeure que représente l’action de groupe, je souhaite préciser dans quel état d’esprit la commission des lois a travaillé.
Je ne reviendrai pas sur la pertinence de cette nouvelle procédure, ni sur les nombreux travaux que nous avons conduits sur ce point par le passé. Tout cela a été évoqué lors de la discussion générale. Je me félicite que le Gouvernement ait pris ces éléments pour base.
Notre souci constant, que traduisent nos amendements, a été d’améliorer l’efficacité du dispositif chaque fois que cela était possible et, surtout, d’en garantir la sécurité juridique. En effet, il serait très dommageable que cette réforme ô combien attendue et nécessaire – cela a été dit à maintes reprises – n’atteigne pas pleinement ses objectifs faute de garanties suffisantes.
Dans sa cohérence globale, et sous réserve de quelques amendements que nous vous soumettrons, la procédure générale paraît tout à fait répondre aux exigences en la matière.
Les principales modifications que je vous proposerai, mes chers collègues, porteront sur l’existence d’un recours devant le juge à tout moment de la procédure et sur l’assurance qu’une action de groupe puisse être engagée en matière de concurrence.
Votre commission s’est, en revanche, longuement interrogée sur la procédure simplifiée. Cette inquiétude était fondée sur l’observation que le professionnel risquait d’être jugé avant d’avoir pu faire valoir l’ensemble de sa défense.
La commission des affaires économiques a levé, sur l’initiative de ses rapporteurs, une première difficulté. Afin d’en tenir compte et pour prendre en considération également les assurances données par le Gouvernement, la commission des lois a retiré l’amendement plus général qu’elle avait déposé sur ce point.
Toutefois, une interrogation demeure. Il faudra mettre à profit la navette pour y répondre totalement. L’enjeu est trop important pour que cette question ne soit pas pleinement éclaircie.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l'article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC est bien évidemment favorable à l’action de groupe à la française.
Cependant, il faut dire qu’il serait illusoire de croire que la création d’une telle procédure destinée à faire respecter les droits des consommateurs puisse pallier les défaillances de la police économique qui seraient causées par le manque de moyens. Nous souhaitons réaffirmer ici l’importance des missions qu’il appartient à l’État d’assurer pour prévenir ou sanctionner les comportements illégaux dans le domaine de la consommation et de la concurrence. Vous avez annoncé, monsieur le ministre, une légère augmentation des effectifs. Nous savons tous que cela ne suffira pas !
Accroître la prévention des contentieux et, donc, la protection en amont des consommateurs, passe inévitablement par un renforcement des moyens de la répression des fraudes, mais également par l’assurance d’une indépendance et d’une expertise publique, notamment dans le cadre des contrôles sanitaires ou de sécurité des produits.
Cette précision est importante, car il serait faux de penser qu’un nouveau recours contentieux pourrait lutter contre toutes les dérives et les pratiques commerciales abusives.
De plus, force est de constater que la privatisation d’un certain nombre de secteurs de l’économie a entraîné une baisse de la qualité de service pour les usagers devenus consommateurs, dans le domaine de la téléphonie, en particulier, mais également dans les domaines des transports ou de l’énergie. J’ai, d’ailleurs, été très heureuse d’entendre des collègues de l’UMP livrer leur pensée selon laquelle la concurrence libre n’a pas toujours apporté que des baisses de tarifs !
Renforcer les droits du consommateur, c’est bien. Assurer son droit d’accès aux services ou aux biens, c’est mieux. Or la hausse des tarifs de l’énergie, l’augmentation de la TVA sur la billetterie d’entrée des sites de loisirs et des lieux culturels, pour ne citer que ces deux exemples, vont, de fait, à l’encontre des intérêts des consommateurs et de leur pouvoir d’achat.
C’est donc sous ces réserves que nous approuvons la création en droit français de l’action de groupe. En effet, celle-ci s’inscrit dans un marché où la mondialisation et la dérégulation sont redoutables pour le consommateur.
Lors du projet de loi Lefebvre, nous avions soutenu la version équilibrée de l’action de groupe, alors présentée par notre collègue Mme Bonnefoy au nom de la commission des lois. Notre préférence va encore aujourd’hui à ce texte, plus qu’à celui du Gouvernement tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, même si l’on peut comprendre les motivations qui ont conduit à créer une action de groupe dite « simplifiée ».
Nous partageons les critiques et les recommandations formulées sur l’article 1er par la commission des lois. Celle-ci a déposé en séance publique de nouveaux amendements qui nous semblent tout à fait opportuns. Il en va ainsi du fait d’attribuer au juge, et non à l’association, les conditions dans lesquelles sont gérées les indemnités.
Le travail mené au Sénat revient également sur la volonté du projet de loi de confier à l’association des missions qui relèvent de la juridiction. C’est bien ! Quant à l’homologation par le juge de l’accord négocié entre le consommateur et l’association, elle est une bonne mesure.
Il ressortira sans aucun doute de ce travail, mené au sein de plusieurs commissions, un texte qui protège des recours abusifs et qui est protecteur pour le justiciable. Dès lors, pourquoi ne pas élargir la procédure au-delà des domaines de la consommation et de la concurrence ? Vous avez donné, monsieur le ministre, des éléments dans votre intervention. Nous avons eu ce débat au sein de la commission du développement durable. Il ressort du rapport du sénateur Jean-Luc Fichet des propositions allant dans le sens d’un élargissement à court terme de l’action de groupe dans les domaines sanitaire et environnemental.
Comme vous le savez, les sénateurs du groupe CRC ont déposé en janvier dernier une proposition de loi reprenant le dispositif adopté par le Sénat en 2011 en l’élargissant notamment au domaine de la santé et de l’environnement. Et comme le rappelle le rapporteur de la commission des lois, quelques mois plus tard, le groupe du RDSE a déposé une proposition de loi reprenant également la procédure en l’élargissant à la santé. Les députés du groupe GDR, c'est-à-dire Gauche démocrate et républicaine, ainsi que certains députés Verts, ont déposé des amendements allant dans ce sens.
Dans ses conclusions, la mission commune d’information sur les pesticides, dont Mme Bonnefoy était rapporteur, estime « qu’introduire l’action de groupe est une solution préférable à l’inversion systématique de la charge de la preuve lorsque survient une pathologie connue pour être provoquée par les pesticides. » En bref, il est préconisé d’élargir cette action au secteur de la santé. Par ailleurs, nous défendons depuis longtemps cet élargissement au domaine de l’environnement.
Nous avons déjà entendu des explications. Sans doute y reviendrons-nous à l’occasion de la discussion des amendements. En tout cas, nous souhaitions aller aujourd’hui au fond de cette question, puisqu’un consensus semble se dégager pour l’avenir.
M. le président. L'amendement n° 156 rectifié bis, présenté par MM. Plancade, Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après le chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE Ier bis
« L’action de groupe
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. 26. – L’action de groupe est ouverte, dans les cas et conditions définis par la loi, à toute association habilitée à l’exercer en vue de faire reconnaître la responsabilité civile d’une personne agissant en tant que professionnel à l’égard d’un groupe de personnes physiques, identifiées ou non identifiées, qui ont subi de son fait des dommages individuels ayant une origine commune.
« Lorsque plusieurs associations habilitées introduisent une action portant sur les mêmes faits, elles désignent l’une d’entre elles pour exercer les actes de procédure incombant au demandeur. À défaut, cette désignation est effectuée par le juge.
« Art. 26-1. – Le juge statue sur la responsabilité du défendeur au vu de cas individuels présentés par l’association demanderesse.
« Art. 26-2. – S’il juge que la responsabilité du défendeur est partiellement ou totalement engagée, le juge ordonne par la même décision les mesures nécessaires pour informer les personnes susceptibles de faire partie du groupe des plaignants, en fonction de critères qu’il détermine.
« Ces mesures sont à la charge du défendeur. Elles ne peuvent être mises en œuvre avant que la décision du juge soit devenue définitive.
« Le juge fixe le délai dont disposent les intéressés pour se faire connaître et présenter une demande d’indemnisation.
« Art. 26-3. – À l’expiration du délai mentionné au dernier alinéa de l’article 26-2, le juge statue par une seule décision sur les demandes d’indemnisation individuelles. Il peut soit évaluer le montant du préjudice de chaque victime, soit définir les éléments permettant de procéder à cette évaluation. Il précise les conditions de versement de l’indemnisation.
« S’il prononce des mesures de réparation en nature, le juge précise les conditions de leur mise en œuvre par le défendeur.
« Le juge statue en dernier ressort sur les demandes individuelles dont le montant est inférieur à une somme fixée par décret.
« Art. 26-4. – À l’expiration du délai de recours contre la décision mentionnée à l’article 26-3, le jugement devient exécutoire pour les indemnisations individuelles qui n’ont pas été contestées.
« Art. 26-5. – L’association qui a introduit l’action, ou l’association désignée en application du second alinéa de l’article 26, a compétence pour accepter ou contester au nom et pour le compte des victimes, sauf opposition de leur part, l’évaluation du préjudice et les propositions d’indemnisation faites en fonction des éléments définis par la décision mentionnée à l’article 26-3.
« Art. 26-6. – L’introduction d’une action de groupe dans les conditions définies à l’article 26 suspend le délai de prescription des actions individuelles en responsabilité fondées sur la même cause.
« Art. 26-7. – Les décisions prononcées en application des articles 26-2 et 26-3 et devenues définitives n’ont l’autorité de la chose jugée qu’à l’égard du défendeur, de l’association qui a introduit l’action de groupe, ou des associations mentionnées au second alinéa de l’article 26, et des plaignants dont la demande d’indemnisation a été déclarée recevable par le juge.
« Toute victime qui n’a pas participé à une action de groupe ou dont la demande n’a pas été jugée recevable peut agir individuellement en réparation de son préjudice.
« N’est pas recevable l’action de groupe ayant même objet qu’une action de groupe précédemment engagée.
« Section 2
« La médiation judiciaire dans le cadre d’une action de groupe
« Art. 26-8. – Dans les conditions prévues à l’article 22 de la présente loi, le juge peut proposer une médiation en tout état de la procédure.
« Seule l’association ayant introduit l’action ou l’association désignée en application du second alinéa de l’article 26 est recevable à participer à une médiation au nom du groupe.
« Art. 26-9. – Tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l’homologation du juge, qui vérifie s’il est conforme aux intérêts des victimes auxquelles il a vocation à s’appliquer.
« Toutefois, les termes de l’accord ne sont pas opposables aux membres du groupe qui n’y ont pas expressément consenti.
« L’accord homologué constitue pour les membres du groupe auxquels il s’applique un titre exécutoire au sens du 1° de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution.
« Art. 26-10. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent chapitre. »
II. - Après l’article L. 211-14 du code de l’organisation judiciaire, il est inséré un article L. 211-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-15. – Des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions de groupe définies au chapitre Ier bis du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
III. – Le livre IV du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre Ier est complété par un article L. 411-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-2. – Les conditions dans lesquelles les associations de défense des consommateurs représentatives sur le plan national et agréées en application de l’article L. 411-1 peuvent être habilitées à exercer une action de groupe dans les conditions définies à l’article L. 422-1 sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le chapitre II du titre II est ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Exercice de l’action de groupe
« Section 1
« Dispositions générales
« Art. L. 422-1. – Lorsque plusieurs consommateurs, identifiés ou non identifiés, ont subi des dommages matériels individuels qui ont été causés par le fait d’un même professionnel et qui ont une origine commune, toute association de défense des consommateurs habilitée dans les conditions prévues à l’article L. 411-2 est recevable à exercer l’action de groupe définie au chapitre Ier bis du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, en vue de faire reconnaître la responsabilité du professionnel à l’égard de tous les consommateurs victimes de ces dommages.
« Art. L. 422-2. – Tout consommateur ayant participé à une action de groupe exercée en application de l’article L. 422-1 peut, s’il a subi des dommages n’entrant pas dans le champ de cette action, exercer une action individuelle pour en obtenir réparation.
« Section 2
« L’action de groupe en matière de concurrence
« Art. L. 422-3. – Lorsque le fait dommageable imputé au défendeur constitue une pratique prohibée par les dispositions des titres II et IV du livre IV du code de commerce, le juge saisi d’une action de groupe consulte l’Autorité de la concurrence dans les conditions définies à l’article L. 462-3 du même code.
« Art. L. 422-4. – Lorsque le fait dommageable imputé au défendeur fait l’objet d’un examen par l’Autorité de la concurrence au titre des articles L. 462-5 ou L. 462-6 du code de commerce, le juge saisi d’une action de groupe sursoit à statuer soit jusqu’à la remise de l’avis de l’Autorité de la concurrence, soit jusqu’au moment où une décision qu’elle a prise est devenue définitive. »
IV. – Le livre Ier de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 1114-2, il est inséré un article L. 1114-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1114-2-1. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles peuvent être habilitées à exercer une action de groupe dans les conditions définies au chapitre III du titre IV :
« – les associations agréées au niveau national dans les conditions prévues à l’article L. 1114-1 ;
« – les associations de défense des consommateurs représentatives sur le plan national et agréées dans les conditions prévues à l’article L. 411-20 du code de la consommation.
« Les associations régulièrement déclarées qui ont pour objet statutaire la défense des victimes de dommages ayant pour origine un produit de santé et qui regroupent plusieurs victimes peuvent également être habilitées à exercer une action de groupe relative à ces dommages, ou à des dommages de même nature.
« L’habilitation ne peut être accordée qu’à des associations ne recevant aucun soutien, sous quelque forme que ce soit, de la part de producteurs, exploitants ou fournisseurs de produits de santé définis au II de l’article L. 5311-1. » ;
2° Le chapitre III du titre IV est ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Exercice de l’action de groupe en matière de réparation des dommages liés à un produit de santé
« Art. L. 1143-1. – Lorsque plusieurs personnes, identifiées ou non identifiées, ont subi des dommages individuels ayant pour origine un produit de santé mentionné au II de l’article L. 5311-1, toute association habilitée dans les conditions prévues à l’article L. 1114-2-1 est recevable à exercer l’action de groupe définie au chapitre Ier bis du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, en vue de faire reconnaître la responsabilité civile du producteur, de l’exploitant ou du fournisseur de ce produit à l’égard de toutes les victimes de ces dommages. » ;
3° Le titre IV est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV
« Dispositions communes
« Art. L. 1144-1. – Les modalités d’application du présent titre sont déterminées, sauf dispositions contraires, par décret en Conseil d’État. »
V. – Trois ans après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant l’action de groupe et la pertinence de son champ d’application.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. L’introduction de l’action de groupe en droit français est un véritable serpent de mer. Il en est question depuis au moins trente ans !
Actuellement, lorsqu’un consommateur subit un préjudice de faible montant, il renonce souvent à engager une action en justice, car la procédure lui semble trop coûteuse ou trop longue.
Or ce même préjudice peut être répété à grande échelle sur des milliers, voire des millions de consommateurs. Cela signifie que le professionnel à l’origine du dommage peut, en toute impunité, dégager un bénéfice important de pratiques condamnables, sans avoir à craindre un recours des victimes.
Seule une procédure d’action de groupe, correctement encadrée pour éviter les dérives des class actions américaines, permettra de répondre à ce type de situations. Il s’agit, d’ailleurs, d’une mesure attendue et plébiscitée par les consommateurs.
Les auteurs de ce projet de loi ont au moins le mérite de proposer enfin la création de l’action de groupe. À l’origine, le dispositif prévu à l’article 1er était très largement inspiré de la version de l’action de groupe adoptée par le Sénat dans le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs en décembre 2011. Celle-ci reprenait elle-même les propositions de nos collègues Laurent Béteille et Richard Yung de 2010.
Toutefois, cet article a assez significativement évolué à l’Assemblée nationale. Nos collègues députés ont notamment introduit le dispositif d’action de groupe simplifiée, qui n’est pas sans poser de difficultés.
Avec notre amendement n° 156 rectifié bis, nous proposons un dispositif d’action de groupe alternatif, à la fois simple et efficace, qui pourrait s’appliquer à différents domaines, à commencer par ceux de la consommation, de la concurrence et de la santé.
Cet amendement vise à reprendre une proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Plancade, qui va plus loin que le dispositif adopté par le Sénat en 2011 et que la rédaction actuelle de l’article 1er de ce projet de loi. En effet, circonscrire l’action de groupe à la réparation de dommages matériels trouvant leur origine dans un manquement contractuel ou précontractuel ou d’un manquement aux règles de la concurrence aurait un intérêt très limité pour les consommateurs.
Notre amendement a donc pour objet de proposer une action de groupe véritablement ambitieuse, qui couvrirait la réparation des dommages individuels de toute nature et l’ensemble du contentieux de la responsabilité civile.
Autre différence importante avec le dispositif de l’article 1 er, nous proposons un agrément spécifique des associations autorisées à exercer des actions de groupe.
Enfin, nous proposons un dispositif qui nous semble tout à fait crédible et applicable pour l’application de l’action de groupe aux produits de santé, la santé étant un domaine où un tel type de recours est particulièrement nécessaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Cet amendement vise à reprendre la proposition de loi de M. Plancade. Ses dispositions diffèrent, sur certains points de façon secondaire et sur d’autres de façon plus importante, du projet de loi présenté par le Gouvernement, mais aussi de la rédaction issue des débats de l’Assemblée nationale.
Dans la proposition qui est formulée ici, les dommages visés ne sont pas uniquement matériels. Une habilitation spéciale des associations de défense des consommateurs représentatives sur le plan national et agréées est prévue pour permettre à ces dernières d’engager une action de groupe. En matière de concurrence, le dispositif proposé est très différent de celui du projet de loi.
Enfin, comme notre collègue Tropeano vient de l’indiquer, l’action de groupe est étendue à la santé. Cela a été dit au cours de la discussion générale, la question de la santé va se poser. Elle sera abordée dans le cadre d’un projet de loi qui sera présenté ici par la ministre de la santé. Je vous propose d’attendre ce moment pour poser ces problèmes et aborder l’extension de l’action de groupe à la santé.
Dans cette attente, j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cet amendement tend à proposer une rédaction tout à fait différente de celle qui a été privilégiée par le Gouvernement, monsieur Tropeano, ne serait-ce que parce que votre choix – il est d'ailleurs parfaitement compréhensible, puisque la réflexion du Gouvernement est assez proche, avec une méthode quelque peu différente – est de prendre en compte tous les préjudices individuels, qu’ils soient ou non matériels. Cela veut dire qu’on ouvre au champ des préjudices corporels ceux qui sont liés aux discriminations. C’est donc un champ extrêmement large.
Dans le cadre de cette loi portant sur la consommation, qui est un texte économique, nous avons voulu privilégier une action de groupe dans le champ économique. Cela justifiait que, pour ce texte, qui va modifier le droit de la consommation, nous réservions l’action de groupe au champ de la consommation.
Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de vingt-six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 155 rectifié, présenté par MM. Plancade, Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin, Hue, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 423-1.- L'action de groupe est ouverte à toute association de défense des consommateurs représentative au niveau national et agréée en application de l'article L. 411-1, habilitée à l’exercer en vue de faire reconnaître la responsabilité civile d'une personne agissant en tant que professionnel à l'égard d'un groupe de personnes physiques, identifiées ou non identifiées, qui ont subi de son fait des préjudices individuels ayant une origine commune.
II. - Alinéas 7 à 9
Supprimer ces alinéas.
III. - Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 423-1-1. - Les conditions dans lesquelles les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l'article L. 411-1 peuvent être habilités à exercer une action de groupe dans les conditions définies au chapitre III du livre IV du titre II du présent code sont fixées par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Le présent amendement fait partie d’une série d’amendements directement inspirés de la proposition de loi portant création d’une action de groupe en matière de consommation, de concurrence et de santé, déposée par notre collègue Jean-Pierre Plancade le 5 avril dernier.
L’amendement n° 155 rectifié a pour objet de proposer une définition générale de l’action de groupe qui viserait à faire reconnaître la responsabilité civile d’une personne agissant en tant que professionnel – producteur, vendeur, prestataire de service... –, à l’égard d’un groupe de personnes physiques – acheteurs, consommateurs, usagers... –, qui ont subi de son fait des préjudices individuels ayant une origine commune.
Il s’agit d’une définition beaucoup plus large que celle qui est prévue par l’article 1er. Tout d’abord, elle inclut tous les types de dommages individuels, et pas seulement les dommages matériels. Ensuite, elle couvre l’ensemble du contentieux de la responsabilité civile : responsabilité contractuelle, délictuelle ou du fait des produits défectueux.
Cet amendement a, en outre, pour objet de proposer une double habilitation pour les associations de consommateurs autorisées à exercer des actions de groupe, afin d’éviter toute dérive et de sécuriser au maximum le dispositif.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement, qui tend à proposer une action de groupe à la fois ambitieuse et sécurisée.
M. le président. L'amendement n° 116, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
défense des consommateurs
insérer les mots :
dûment saisie
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Cet amendement vise à consolider l’opt in. Nous souhaitons, en effet, que l’association soit dûment saisie par les consommateurs pour éviter qu’une association de défense ne soumette des cas au juge de sa propre initiative sans que les consommateurs concernés en aient fait la demande expresse.
Mes chers collègues, vous comprendrez qu’il s’agit d’un amendement qui tend à consolider le texte, en aucun cas à le dénaturer.
M. le président. L'amendement n° 445, présenté par MM. Vergès et Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 6 et 52
Après le mot :
national
insérer les mots :
ou dans les départements d’outre-mer et les collectivités territoriales des outre-mer
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je souhaite me faire ici le porte-parole de Paul Vergès.
L’article 1er de ce projet de loi évoque une représentativité au niveau national. En clair, cela veut dire que seules les associations de consommateurs agréées à cet échelon national sont autorisées à ester en justice.
Par voie de conséquence, en sont exclues les associations de consommateurs représentées seulement outre-mer.
Pourquoi existe-t-il de telles associations « locales » ? Bien évidemment parce que les départements et collectivités d’outre-mer connaissent des situations profondément différentes de celles qui existent ici, en France métropolitaine. C’est un point fondamental qui, je l’espère, ne sera pas remis en cause.
Ici même, nous avons voté un certain nombre de textes spécifiques à l’outre-mer. Je pense notamment à la loi relative à la régulation économique outre-mer. Permettez-moi de faire un simple rappel : cette loi a été élaborée dans le but, louable, d’agir sur les prix et les marges, qui sont plus élevés outre-mer. Remarquons au passage qu’ils sont toujours aussi hauts !
Ici même, nous avons évoqué la question des abus constatés et des positions anticoncurrentielles, qui sont liés au nombre limité d’acteurs sur la plupart des marchés ultramarins et qui facilitent le maintien de cartels, d’arrangements ou de collusion. Il s’agissait bien d’une reconnaissance de la spécificité économique des outre-mer, qui entraîne, de fait, une reconnaissance de toutes les associations, institutions des outre-mer.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pensez-vous vraiment que ces seize associations de consommateurs vont s’intéresser aux problèmes spécifiques que rencontrent quelques-uns des 840 000 Réunionnais ou des 404 000 Guadeloupéens ?
Pis, en Guyane, il n’y a pas d’antenne locale effective d’une association nationale ! Est-ce à dire que les Guyanais seront privés de la possibilité de former une action de groupe ? Le plus efficace n’est-il pas de mobiliser les forces existantes déjà en place ?
Les associations ultramarines de défense des consommateurs existent légalement. Elles sont agréées au sens de l’article L. 411-1 du code de la consommation, fonctionnent au quotidien et personne, jusqu’à présent, n’a soulevé la moindre objection quant à leur existence ou à leur rôle. Lors des débats à l’Assemblée nationale, cependant, a été abordée la question de la compétence et de l’expertise des associations ultramarines.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous souhaitiez que les associations pouvant mener des actions de groupe aient des capacités d’expertise, des savoir-faire et des compétences. Les associations nationales peuvent mener ces actions, selon vos propres dires, car elles ont les « épaules suffisamment larges ». Cela veut dire, de fait, que vous déniez à ces associations ultramarines un savoir-faire, une compétence ! Pas plus que nos collègues députés, nous ne pouvons accepter cet argument.
Monsieur le ministre, je dois aussi souligner une profonde contradiction dans les positions prises par le Gouvernement sur l’outre-mer.
Selon les termes de l’étude d’impact, l’article 3 de la loi relative à la régulation économique outre-mer « donne la possibilité aux collectivités territoriales d’outre-mer détenant une compétence économique de saisir l’Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles. Compte tenu de leur implication dans la vie économique locale, il apparaît légitime de donner aux exécutifs locaux cette possibilité dès lors que des pratiques de nature à altérer le jeu de la concurrence existent sur leur territoire. » Ainsi, ce que vous accordez, d’un côté, aux collectivités locales au motif d’une compétence, vous le refusez aux associations de consommateurs au motif d’une supposée incompétence !
En outre, et cette dernière contradiction est encore plus « pointue », on n’a jamais entendu invoquer, lors de la discussion de la loi relative à la régulation économique outre-mer, l’argument fondé sur le caractère « un et indivisible de la République », qui, aujourd’hui, est pourtant mis en avant. Ce caractère serait-il à géométrie variable ?
M. le président. L’amendement n° 154 rectifié, présenté par MM. Plancade, Mézard, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin, Hue, Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Après la référence :
L. 411-1
insérer les mots :
, habilitée à exercer une action de groupe,
II. - Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 423-1-... - Les conditions dans lesquelles les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées en application de l'article L. 411-1 peuvent être habilités à exercer une action de groupe dans les conditions définies au chapitre III du livre IV du titre II du présent code sont fixées par décret en Conseil d'État. »
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Cet amendement, qui se situe dans la droite ligne des précédents, tend à proposer que les associations de consommateurs autorisées à exercer des actions de groupe fassent l’objet d’une habilitation spéciale qui s’ajouterait à l’agrément des associations de consommateurs représentatives au niveau national, prévu à l’article L. 411-1 du code de la consommation.
Cette mesure permettrait de rendre le dispositif, à la fois véritablement effectif et sûr, en habilitant les seules associations capables et légitimes pour porter des actions de groupe au nom des consommateurs.
M. le président. L’amendement n° 441, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Après la référence :
L. 411-1
insérer les mots :
ou représentative au niveau national dans le domaine de l’environnement
2° Remplacer la seconde occurrence du mot :
consommateurs
par le mot :
personnes
II. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’atteintes à l’environnement
III. – En conséquence, dans l'ensemble de l'article
Remplacer le mot :
consommateurs
par le mot :
personnes
et le mot :
consommateur
par le mot :
personne
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Notre collègue Jean-Luc Fichet explique, dans le rapport pour avis de la commission du développement durable, que « certaines problématiques environnementales pourraient de fait se trouver incluses dans le champ d’application du dispositif proposé ».
Il cite ainsi l’affaire Samsung, dans laquelle trois associations françaises, INDECOSA-CGT, Peuples solidaires et Sherpa, ont décidé d’attaquer l’entreprise coréenne au motif que celle-ci n’a pas respecté les normes minimales en matière de conditions de travail, alors même qu’elle met en avant le respect de ces normes comme argument de vente. L’enjeu de cette procédure est donc de déterminer si les engagements éthiques de nature mensongère peuvent être considérés comme une pratique commerciale trompeuse.
Il est ainsi avancé dans le rapport que le non-respect des démarches éthiques permettrait à la protection de l’environnement de s’inviter dans la procédure.
Or nous ne sommes pas aussi optimistes. D’une part, même si le consommateur s’estime lésé par une pratique commerciale trompeuse, quel préjudice pourra-t-il invoquer ? Le préjudice matériel sera difficile à établir ; quant au préjudice moral, il n’est pas indemnisable en l’état actuel du projet de loi. D’autre part, il nous semble essentiel de ne pas se satisfaire du vecteur de la consommation pour défendre l’environnement.
Par notre amendement, nous vous demandons de ne pas attendre et d’inclure dès à présent le domaine environnemental dans la procédure. Comme le notent plusieurs associations environnementales, « l’accès à la justice pour les riverains victimes d’un dommage causé par un site industriel reste contraint ».
Nous invitons donc tous les parlementaires sensibles à la défense de l’environnement à voter cet amendement, qui tend à élargir l’action de groupe au préjudice écologique et à prévoir, en conséquence, que des associations compétentes en ce domaine puissent porter de telles actions.
M. le président. L’amendement n° 443, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Après la référence :
L. 411-1
insérer les mots :
ou représentative au niveau national dans le domaine de la santé
2° Remplacer la seconde occurrence du mot :
consommateurs
par le mot :
personnes
II. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
ou d’atteintes à la santé
III. – En conséquence, dans l'ensemble de l'article
Remplacer le mot :
consommateurs
par le mot :
personnes
et le mot :
consommateur
par le mot :
personne
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Madame Bonnefoy, dans votre rapport d’information intitulé Pesticides : vers le risque zéro, fait au nom de la mission commune d’information sur les pesticides et déposé le 10 octobre 2012, on peut lire, au titre des recommandations, qu’il est nécessaire d’introduire l’action de groupe en droit français.
Je vous cite : « L’intérêt d’un tel dispositif pour la protection de la santé face aux dangers des pesticides tient au fait que l’utilisation des produits phytopharmaceutiques par des milliers, parfois même par des dizaines de milliers d’agriculteurs ne provoque pas nécessairement de dommages très graves pour chacun, mais peut occasionner un grand nombre de dommages limités. Il en va de même pour les paysagistes ou les particuliers utilisant des produits destinés au jardinage. L’action de groupe a précisément pour objet d’être utilisée en pareille situation. »
Comme le note le Syndicat de la magistrature, l’élargissement de l’action de groupe à la santé présenterait quelques avantages dans le cadre de la conduite d’une procédure équitable au regard de l’effectivité du principe d’égalité des armes. L’affaire du Mediator, par exemple, a mis à jour les difficultés rencontrées par les victimes, qui se retrouvent démunies, lors des expertises, face à des équipes d’avocats qui soulèvent tous les points de droit possibles.
Le ministre nous a opposé l’argument selon lequel sa collègue chargée des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, pourrait présenter prochainement un texte sur l’action de groupe en matière de santé. Nous pensons que cette attente n’est pas nécessaire et qu’elle ne permettra pas d’obtenir le recul prétendument utile.
Pourquoi, d’ailleurs, ne pas regarder les expériences étrangères ? En Suède, le champ d’application de l’action de groupe s’étend essentiellement au droit de la consommation, au droit de l’environnement et au droit du travail. Au Portugal, il concerne plus particulièrement le droit de la consommation, le droit de la santé publique, le droit de l’environnement, mais aussi la défense du patrimoine culturel et celle des biens de l’État, des régions autonomes et des communes. Ces points figuraient dans un rapport remis dès 2005 à Thierry Breton et Pascal Clément, à cette époque respectivement ministre de l’économie et garde des sceaux.
Puisque le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour objet l’introduction de la procédure d’action de groupe, il est à nos yeux le vecteur législatif par excellence pour inscrire la santé dans ce type de procédure. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 444, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
1° Après la référence :
L. 411-1
insérer les mots :
ou représentative au niveau national dans le domaine financier
2° Remplacer la seconde occurrence du mot :
consommateurs
par le mot :
personnes
II. – Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
ou résultant d’infractions boursières ou financières
III. – En conséquence, dans l'ensemble de l'article
Remplacer le mot :
consommateurs
par le mot :
personnes
et le mot :
consommateur
par le mot :
personne
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Nous souhaitons élargir l’action de groupe aux infractions boursières et financières.
M. Jean-Pierre Jouyet, en tant que président de l’Autorité des marchés financiers, avait défendu l’application de cette action au champ bancaire et boursier. Il faisait valoir que « les personnes pénalisées par des infractions boursières ou financières sont des victimes comme les autres et méritent d’être indemnisées pour le préjudice subi ». Or plusieurs affaires récentes trouvant leur origine dans des manquements à la législation bancaire ou boursière ont entraîné des préjudices massifs pour les épargnants.
Je pense notamment à l’affaire Bénéfic, qui portait sur la commercialisation par La Poste, entre septembre 1999 et novembre 2000, d’un fonds à formule auprès de plus de 300 000 épargnants. En l’absence de toute procédure d’action de groupe et du fait de l’inefficience des procédures actuelles, ces épargnants ont été dissuadés d’agir. Ainsi, l’affaire Bénéfic n’a donné lieu qu’à 94 procès civils et deux procédures pénales, alors même que le manquement de l’entreprise à ses obligations était avéré.
M. Jean-Pierre Jouyet s’est par ailleurs inquiété de ce que, faute d’un mécanisme de réparation adéquat, les épargnants ou les actionnaires lésés portent leur litige dans d’autres pays où la société en cause pourrait être cotée, afin de bénéficier alors d’une procédure d’action de groupe. Une telle hypothèse est loin d’être théorique, ainsi que le montre le procès actuellement en cours aux États-Unis contre la société Vivendi.
Mme Colette Neuville, présidente de l’Association de défense des actionnaires minoritaires, qui s’était elle aussi déclarée favorable à l’introduction d’une procédure d’action de groupe en matière financière et boursière, a par ailleurs estimé qu’une telle procédure aurait un effet dissuasif, d’autant plus important que la responsabilité des dirigeants des sociétés incriminées pourra être engagée.
Les représentants des entreprises, en revanche, ont marqué leur opposition à l’extension du champ de l’action de groupe au droit financier et boursier, en estimant que l’ensemble des dispositifs existants permettait d’ores et déjà d’assurer la protection des petits actionnaires et des épargnants.
Comme le notaient nos collègues Laurent Béteille et Richard Yung dans un rapport de 2010, « les mêmes raisons qui justifient l’introduction d’une action de groupe en matière de consommation ou de concurrence s’appliquent en matière bancaire et financière ». C’est aussi notre point de vue.
Une même infraction à la législation bancaire ou financière peut causer un nombre élevé de préjudices identiques dont le montant individuel reste trop faible pour justifier l’introduction d’une action en responsabilité, ce qui permet à la société fautive d’échapper à l’indemnisation qu’elle devrait pourtant verser.
Pour nous, vous l’aurez compris, le recours à la procédure d’action de groupe devrait aussi concerner les manquements aux règles du droit financier et boursier. Nous en avons discuté en commission précédemment et nous attendons votre avis sur ce point, monsieur le ministre.
M. le président. L’amendement n° 442, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après la référence :
L. 411-1
insérer les mots :
ou une association ad hoc spécialement constituée à cette fin
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 442 est retiré.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 274 est présenté par Mme Aïchi, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 507 rectifié est présenté par Mme Jouanno, M. Deneux et Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
1° Après le mot :
civile
insérer les mots :
, administrative ou pénale
2° Après le mot :
professionnel
insérer les mots :
, personne physique ou personne morale de droit public ou privé, à l’exception de l’État,
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l’amendement n° 274.
Mme Leila Aïchi. Dans une logique d’élargissement de la procédure de l’action de groupe, l’objet de cet amendement est d’étendre cette procédure à d’autres juridictions et de permettre aux citoyens lésés de lancer une action de groupe contre une personne morale de droit public.
Afin de rester en cohérence avec l’article 121-2 du code pénal relatif à la responsabilité pénale des personnes morales, cette extension ne concerne que les personnes publiques autres que l’État : régions, départements, communes, établissements publics. En effet, pour que l’action de groupe constitue un réel progrès, qui profite aux citoyens, il convient que ces derniers puissent y recourir dans tout type de situation.
Or nombreux sont les citoyens lésés du fait de décisions politiques non justifiées. C’est le cas, par exemple, de certains contrats de marchés publics, dans l’hypothèse où une commune n’aurait pas respecté les règles de mise en concurrence et confierait la gestion d’un service à une entreprise sans vraiment privilégier l’intérêt général. Les administrés concernés pourraient ainsi se trouver lésés du fait de factures d’eau anormalement élevées. L’action de groupe est une réponse à ce type de situation.
Par cette disposition, nous créons un nouvel outil pour réduire les déséquilibres entre les pouvoirs publics et les citoyens.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l’amendement n° 507 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement est effectivement identique à l’amendement n° 274, même si je n’appartiens pas au même groupe que mes collègues écologistes. Et ce n’est pas une faute de frappe !
Cette proposition participe d’une volonté, exprimée depuis déjà plusieurs mois, de créer un forum des écologistes, c’est-à-dire des personnes concernées par ces sujets, quelle que soit leur appartenance politique, et qui ont décidé, sur certaines questions – ce fut le cas pour les lanceurs d’alerte comme pour l’action de groupe –, de soutenir les mêmes positions.
Cet amendement vise à élargir l’action de groupe, d’une part, en élargissant le nombre de personnes qui peuvent exercer cette action à l’encontre de personnes morales de droit public, et, d’autre part, en augmentant le nombre de juridictions qui peuvent être saisies : s’ajoutent donc aux juridictions civiles les juridictions pénales et administratives.
Pour rester dans la cohérence des dispositions relatives à la responsabilité pénale, nous avons exclu l’État du champ de cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 538, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
subis par des consommateurs
par les mots :
subis par un groupe significatif de consommateurs
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Quelques consommateurs seulement, par exemple deux ou trois, ne peuvent suffire à constituer un « groupe » en l’espèce. Le groupe initial de consommateurs concernés par l’action de groupe doit avoir une consistance suffisante, c’est-à-dire avoir une taille significative.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 229 rectifié est présenté par M. Tandonnet, Mmes Dini, Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC.
L'amendement n° 537 est présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Supprimer les mots :
similaire ou
La parole est à M. Henri Tandonnet, pour présenter l’amendement n° 229 rectifié.
M. Henri Tandonnet. Nous examinons l’article 1er du projet de loi, qui introduit l’action de groupe dans notre droit. Il s’agit donc, avant tout, de bien définir ce que nous entendons par l’action de groupe, son périmètre ou encore son champ d’application.
Or pour qu’une action soit engagée, il faut un préjudice ; pour qu’un groupe se constitue, il faut plusieurs consommateurs ayant subi un « même préjudice ». La difficulté réside dans la définition de cette dernière expression.
Le Gouvernement a considéré que les consommateurs devaient être placés dans une situation « identique ou similaire ». L'Assemblée nationale a supprimé les mots « ou identique » pour réduire les conditions à une situation « similaire ». La commission saisie au fond a choisi de revenir au texte initial.
J’avoue avoir du mal à comprendre. D’une part, à mon sens, une situation identique est forcément similaire ; la double qualification semble inutile, l’une étant incluse dans l’autre. D’autre part, le terme « similaire » est trop imprécis et peut devenir une source de recours et d’insécurité dans la procédure d’action de groupe. Dès lors qu’ils sont dans une situation uniquement similaire, l’évaluation individuelle de la situation de chaque consommateur devient nécessaire pour s’assurer de la consistance du groupe.
En conséquence, même si le terme « identique » peut paraître plus restrictif, il est plus sûr juridiquement à la fois pour les consommateurs lésés et pour les entreprises visées.
Cet amendement vise donc à restreindre l’action de groupe aux situations identiques.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour présenter l'amendement n° 537.
Mme Élisabeth Lamure. Il s’agit d’un amendement identique,...
M. Ladislas Poniatowski. Non, similaire ! (Sourires.)
Mme Élisabeth Lamure. ... qui vise, pour les mêmes raisons, à supprimer le mot « similaire » au profit du seul mot « identique ».
M. le président. L'amendement n° 539, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
et ayant pour cause commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles
par les mots :
et trouvant une cause commune dans une faute contractuelle ou dans un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à mieux distinguer la faute contractuelle, d’une part, et le manquement à des obligations légales, d’autre part.
M. le président. L'amendement n° 401 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Cointat, D. Laurent, Milon et Türk, Mme Bruguière et M. Longuet, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Après les mots :
commune un
insérer le mot :
même
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Cet amendement vise à apporter une précision à première vue mineure, mais qui peut avoir son importance. L’action de groupe ne peut être engagée que lorsque les consommateurs sont victimes d’un seul et même manquement de la part d’un professionnel.
Ce faisant, il s’agit de s’appuyer sur l’article L. 124-1-1 du code des assurances, selon lequel « un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ».
Cela devrait logiquement permettre de clarifier certaines situations et de disposer d’un cadre juridique plus clair : un seul mot, mais plus de clarté !
M. le président. L'amendement n° 440, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° À l’occasion de la vente, de la location de biens, ou de la fourniture de services ;
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous souhaitons, tout en nous situant dans l’hypothèse d’un manquement du professionnel à ses obligations contractuelles ou légales, préciser les opérations concernées. En effet, dans la rédaction actuelle, il n’est pas établi que l’action de groupe puisse être engagée dans le cadre d’une opération de location ou dans celui de la vente de crédits à la consommation.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, certaines associations de consommateurs ont regretté que la proposition d’inclure les charges locatives dans l’action de groupe n’ait pas été retenue.
À l’occasion des débats, vous avez déclaré que le locataire pouvait être considéré comme un consommateur, l’action de groupe lui étant dès lors ouverte. À l’Assemblée nationale, un amendement a été présenté afin que les facturations litigieuses de charges locatives soient expressément mentionnées par le texte. Était mis en avant le fait que, en l’absence de lien contractuel direct entre le fournisseur de fluide et le consommateur locataire, les litiges opposant ce dernier à un professionnel bailleur ne seraient pas considérés comme des litiges de consommation au sens de l’article 1er du projet de loi et échapperaient ainsi à l’action de groupe.
Selon vous, monsieur le ministre, « aucun secteur d’activité n’est exclu du champ d’application du dispositif d’action de groupe. En l’espèce, les locataires sont bien des consommateurs quand ils agissent en tant que personnes physiques. Par l’action de groupe, ils peuvent obtenir réparation des préjudices subis du fait de manquements par un bailleur professionnel ou un syndic de ses obligations légales ou contractuelles en particulier en matière de charges locatives ». Ces précisions sont précieuses pour le juge qui aura à interpréter la loi. Toutefois, pourquoi ne pas les transcrire plus nettement dans le texte ?
Nous pensons plus largement que le texte, en ne visant que la réparation des préjudices du manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services, présente des ambigüités sur la prise en compte des situations de location. Or il est également important que le consommateur dans ce type d’opération soit protégé. Cela concerne non pas simplement des contrats de location immobilière, mais tous les contrats où le consommateur loue pour une courte période un objet.
C’est pourquoi nous vous proposons de faire figurer expressément aux côtés de la vente la location de biens. Tel est le sens de cet amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 230 rectifié, présenté par M. Tandonnet, Mmes Létard, Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
effectivement réalisée
La parole est à M. Henri Tandonnet.
M. Henri Tandonnet. Afin de bien délimiter le champ d’application de l’action de groupe, il est nécessaire de préciser que seule la phase contractuelle est visée. Il faut donc que la vente du bien ou du service soit effective.
À défaut d’une telle clarification, des actions portant par exemple sur la non-disponibilité de produits annoncés dans le cadre de promotions pourraient être intentées, ce qui ne correspond pas à l’objectif du projet de loi et à la légitime attente de sécurité juridique des professionnels.
Dans le texte, l’expression « à l’occasion » est source d’imprécision. Il convient de pallier cette difficulté par cet ajout.
M. le président. L'amendement n° 327, présenté par MM. Fouché, Milon et Houpert, Mme Farreyrol et MM. Pierre, Cointat, Grignon, Couderc, Houel, Grosdidier, Gaillard, Reichardt, P. Leroy, Cornu, Pointereau, du Luart et Retailleau, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par les mots :
, dès lors que ce manquement est intervenu à compter de la date de la publication de la présente loi
La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Le respect du principe de non-rétroactivité de la loi impose que le manquement du professionnel susceptible de permettre le déclenchement d’une action de groupe soit intervenu après la publication du présent texte.
L’absence de précision dans le texte sur le caractère rétroactif ou non de l’application de l’action de groupe portant sur la vente de biens ou de services conduit à une possible application pour des manquements à des contrats en cours, intervenus antérieurement à la publication de la loi. Une telle application serait contraire à la Constitution, dans la mesure où une disposition répressive nouvelle – c’est le cas avec la création de l’action de groupe – ne devrait pas pouvoir être d’application rétroactive, les auteurs du manquement n’en ayant pas connaissance au moment des faits.
M. le président. L'amendement n° 540, présenté par Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 8
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« La recevabilité de l’action est soumise à la réunion des conditions suivantes :
« - la preuve par l’association d’une assurance de responsabilité civile ;
« - l’acceptation expresse des consommateurs dont le cas est soumis au tribunal par l’association de consommateurs.
La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. La recevabilité de l’action doit être soumise à deux conditions. D’une part, l’association de consommateurs doit apporter la preuve qu’elle dispose d’une assurance de responsabilité civile, ce qui paraît assez simple. D’autre part, dans la logique de l’opt in, cette même association doit disposer d’un mandat exprès de la part des consommateurs dont le cas est soumis au tribunal.
M. le président. L'amendement n° 439, présenté par M. Le Cam, Mmes Schurch, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Par cet amendement, nous souhaitons que l’ensemble des préjudices puissent être réparés dans le cadre de l’action de groupe, notamment les préjudices moraux et corporels.
Si l’on ne procède pas à cette modification, on limitera la responsabilité du professionnel fautif à la seule obligation de réparer le dommage matériel. Il devra au mieux remplacer le matériel défectueux ou rembourser les sommes qu’il aurait indûment perçues de la part du consommateur.
D’une part, des dommages corporels peuvent être la traduction du manquement du professionnel à ses obligations. Cela peut être le cas pour une exposition à un produit susceptible de provoquer de petits dommages physiques sur une multitude de consommateurs. Dans cette hypothèse, quel consommateur agirait individuellement ?
D’autre part, le consommateur peut également subir des répercussions morales. Cette reconnaissance n’empêcherait pas le juge de dissocier des cas particuliers plus graves ou différents de l’action dès le stade de la recevabilité. Rappelons également que l’action de groupe n’empêche pas le consommateur d’intenter une action individuelle s’il l’estime nécessaire au regard de la protection de ses droits.
Dans un souci de protection optimale du consommateur, nous vous demandons d’adopter cet amendement, afin que les préjudices corporels et moraux soient réparables au même titre que les préjudices matériels.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 275 est présenté par Mme Aïchi, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 609 rectifié est présenté par Mme Jouanno, M. Deneux et Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Les préjudices dont la réparation est poursuivie par cette action peuvent être matériels, corporels, moraux ou écologiques, dès lors qu’ils résultent d’une des causes susvisées.
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l'amendement n° 275.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à élargir la portée de l’action de groupe en l’ouvrant à de nouveaux préjudices. En effet, restreindre l’action de groupe à la réparation du seul préjudice matériel a pour conséquence de limiter l’impact du dispositif et d’exclure de nombreux citoyens lésés de la possibilité d’obtenir réparation.
L’action de groupe appliquée aux seuls dommages matériels ne serait qu’une version tronquée des différents modèles de recours collectifs existant à l’étranger et n’apporterait pas de réponse adaptée aux victimes de scandales sanitaires, notamment.
Pensons aux victimes des prothèses PIP. A priori, les multiples consommatrices victimes d’un même dommage auraient intérêt à lancer une action de groupe. Pourtant, en l’état, une action de groupe ne permettrait de rembourser que les prothèses, en aucun cas les dommages corporels.
Dans de nombreux secteurs économiques, cet élargissement de l’action de groupe à la santé et à l’environnement fait peur. Il est vrai que certains groupes industriels, conscients des nuisances sanitaires et environnementales qu’ils suscitent par leur activité, pourraient avoir des raisons de se méfier de cette procédure.
L’action de groupe étendue à la santé et à l’environnement permettrait en effet aux citoyens de dénoncer certaines pratiques d’entreprises sourdes au principe de précaution, qui devraient alors assumer les dommages qu’elles ont causés.
Cette crainte sur le court terme n’est pas justifiée à long terme. Prenons l’exemple de la téléphonie mobile. Les opérateurs peuvent craindre qu’une action de groupe ne soit le moyen pour certains citoyens de mettre en exergue la nocivité des ondes électromagnétiques. Le nombre d’individus lésés à dédommager serait considérable.
Pour éviter de nouvelles condamnations, les opérateurs seraient donc contraints de changer leur méthode d’implantation d’antennes, en faisant en sorte de réduire le seuil d’exposition sur tout le territoire à un niveau acceptable par l’organisme humain. (M. Bruno Retailleau s’exclame.) Pour conserver la qualité du réseau, il suffirait de compenser par un maillage plus dense du territoire en micro-antennes.
L’action de groupe n’aurait donc pas pour conséquence l’asphyxie d’un secteur économique. Elle permettrait simplement de mieux le réguler à long terme, en incitant les entreprises à prendre en compte les enjeux de santé publique plus en amont.
L’action de groupe en matière de santé-environnement est donc un processus constructif, puisqu’elle permet aux citoyens d’aider les acteurs économiques à améliorer la qualité de leur offre et, finalement, à gagner en compétitivité.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 609 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Il s’agit d’un amendement clef, puisque son adoption permettra d’étendre l’action de groupe aux questions environnementales et sanitaires, sans sortir du code de la consommation.
Le rapport d’information sur le Mediator est très important. Voté à l’unanimité, il prévoyait la création d’une action de groupe dans le domaine sanitaire. C’est donc l’occasion de donner à cet engagement une traduction concrète.
La proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil, remarquablement défendue par notre collègue Bruno Retailleau, a également été adoptée à l’unanimité. Si le préjudice écologique n’est pas aujourd'hui définitivement intégré dans notre droit, je ne doute pas qu’il le sera demain, compte tenu de cette adhésion commune. Là encore, nous avons aujourd'hui l’occasion de concrétiser, dans le cadre de l’action de groupe, cet engagement du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mme Bonnefoy, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’action de groupe ne peut porter que sur la réparation des préjudices patrimoniaux résultant des dommages matériels subis par les consommateurs.
La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.
En convoquant la notion de « préjudice matériel », le texte entretient une confusion terminologique. En principe, le préjudice, qui correspond à l'intérêt lésé est soit patrimonial, soit extrapatrimonial. Seul le dommage, qui correspond à l'atteinte portée à quelqu'un, est susceptible d'être matériel ou corporel.
En l’espèce, le champ d’application de l’action de groupe est limité à la réparation des préjudices patrimoniaux résultant d’un dommage matériel subi par le consommateur.
En outre, l’amendement tend à supprimer la mention redondante selon laquelle ce dommage doit résulter d’une des causes mentionnées précédemment.
M. le président. L'amendement n° 405 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Cointat, D. Laurent, Milon et Türk, Mme Bruguière et M. Longuet, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Après le mot :
préjudices
insérer les mots :
, d'un montant égal ou inférieur au seuil fixé par décret en Conseil d'État,
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. L’objet de cet amendement est de réserver les actions de groupe à la réparation des petits litiges, conformément à l’exposé des motifs, qui précise que, « eu égard à la faiblesse des montants sur lesquels portent ces litiges, les consommateurs renoncent souvent à toute action individuelle sur le terrain judiciaire ».
Il est proposé d’encadrer le montant des préjudices indemnisable et de les limiter à un montant inférieur ou égal à 2 000 euros, afin de restreindre les risques économiques majeurs pour les entreprises.
En effet, à défaut de plafonnement, les entreprises, notamment les PME et les TPE, voire les artisans, ne pourront faire face au coût d’une assurance reflétant un tel risque et seront donc contraintes de s’assurer avec des plafonds de garantie insuffisants au regard du risque encouru. Les entreprises exposées ainsi sur leur patrimoine propre verront leur risque de défaillance accru.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 273 rectifié est présenté par Mme Aïchi, M. Labbé et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 511 rectifié bis est présenté par Mme Jouanno, M. Deneux et Mme N. Goulet.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Après l’alinéa 9
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« L’action définie au premier alinéa est également ouverte à tout groupement de consommateurs dont l’objet est d’obtenir la réparation des préjudices individuels subis par chacun d’entre eux et ayant pour cause commune un manquement d’un même professionnel à ses obligations légales ou contractuelles, dès lors que les membres du groupement se sont trouvés placés dans une situation similaire ou identique à l’égard de ce professionnel.
« Le groupement de consommateurs est constitué de cinquante personnes physiques au moins, qui désignent l’un de ses membres pour assurer sa représentation en justice. Les conditions de sa création, de son fonctionnement et de sa dissolution sont fixées par décret en Conseil d’État.
II. – Alinéa 10
1° Après le mot :
associations
insérer les mots :
ou groupements de consommateurs
2° Remplacer les mots :
elles désignent l’une d’entre elles
par les mots :
ils désignent l’un d’entre eux
La parole est à Mme Leila Aïchi, pour présenter l'amendement n° 273 rectifié.
Mme Leila Aïchi. Il semble assez inopportun de créer une action de groupe sans la destiner aux premiers intéressés, à savoir des groupes d’individus lésés.
Au lieu de cela, le texte actuel réserve la procédure à quelques associations de consommateurs agréées au niveau national et leur confère un monopole, alors même que, pour la plupart, celles-ci n’ont pas de véritable vocation à l’action juridique.
Cet amendement vise donc à supprimer ce monopole en ouvrant la possibilité d’agir à un groupe d’au moins cinquante consommateurs, concernés par le même préjudice.
Il s’agit là, d’une part, de supprimer le filtre qu’instaure le texte entre le justiciable et le juge et qui va à l’encontre du principe d’égalité d’accès à la justice, figurant à l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ou à l’article 6, alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, selon lequel « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial ». Ce filtre est d’autant plus contestable que son efficacité n’est pas garantie.
En effet, au nom de quoi les associations agréées incarneraient-elles un intérêt général ? Parce qu’elles sont nationales, ne risquent-elles pas, par exemple, de déconsidérer certains groupes d’individus lésés habitant dans des zones géographiques délimitées ?
Je ne conçois pas que le Sénat puisse voter une telle disposition, alors que le rôle de filtre pourrait tout à fait revenir au juge. C’est ce qui se fait déjà au Québec.
Il s’agit également, par cet amendement, de supprimer une disposition qui exprime une véritable défiance à l’égard des avocats. Dans la configuration proposée par le texte, ceux-ci seraient confinés dans un rôle de représentation, privés de leur rôle d’initiateur ou de coordinateur et ne pourraient plus présenter aux citoyens leur expertise sur les questions touchant à la consommation et à la concurrence.
Pourquoi écarter ainsi une profession dont les compétences permettent justement de garantir le fonctionnement et la réussite des actions de groupe ? Les avocats sont tenus à une déontologie stricte. Ils sont indépendants et exercent leur mission préservés de toute influence, politique ou économique.
Les dérives dénoncées à juste titre aux États-Unis ne sont pas le fait de la procédure de la class action, ni du métier d’avocat, mais du système judiciaire américain. En effet, l’existence de dispositions spécifiques, telles que les punitive damages, par exemple, ces « dommages et intérêts exemplaires », encourage des comportements abusifs de la part de certains avocats. De tels excès ne sont pas concevables dans le système français.
Mes chers collègues, l’action de groupe peut être un grand progrès de notre système juridique. En adoptant cet amendement, donnons-nous les moyens de le réaliser !
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 511 rectifié bis.
Mme Chantal Jouanno. Cet amendement venant d’être fort bien défendu par notre collègue, j’ajoute simplement que le rapport du Sénat sur les procédures d’actions de groupe en droit comparé témoigne de l’absence de monopole des associations dans la plupart des pays européens qui ont été étudiés, à savoir l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède.
Chez nos voisins, l’action de groupe peut être engagée par des individus et, dans la plupart des cas, il suffit que deux personnes engagent une action pour qu’elle soit qualifiée comme telle.
L’amendement que nous proposons fixe un minimum de cinquante personnes, ce qui constitue déjà un seuil élevé, qui n’existe pas dans ces autres pays.
Tout en permettant d’éviter les abus, cette proposition devrait aussi permettre d’éviter que des affaires, jugées insuffisamment intéressantes par les associations de consommateurs, ne soient pas portées, ce qui pourrait arriver, dans certaines zones géographiques ou pour des sujets donnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. L’adoption de l’amendement n° 155 rectifié, dont l’objet est d’étendre l’action de groupe à la réparation des dommages individuels de toute nature et à l’ensemble du contentieux de la responsabilité civile, remettait en cause l’équilibre du dispositif proposé à l’article 1er.
Il paraît souhaitable à la commission d’en rester à la réparation des préjudices matériels trouvant leur origine dans un manquement contractuel ou précontractuel. Toute extension à d’autres préjudices, moraux ou physiques, pourrait ouvrir la voie à des excès.
Pour ce qui concerne les associations, la commission estime que le filtre introduit par le projet de loi est suffisant : seize associations de consommateurs seront en mesure d’engager une action de groupe. Il ne paraît pas utile de créer une habilitation, sorte de « super-agrément » permettant d’engager une action de groupe. Au cours de la soixantaine d’auditions que mes collègues, de toutes tendances politiques, de la commission des affaires économiques et moi-même avons menées, nous n’avons pas constaté de rejet de ce filtre exercé par les seize associations, mais au contraire un réel intérêt pour cette action de groupe à la française.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 116, présenté par notre collègue Élisabeth Lamure, vise à préciser que l’association de défense des consommateurs doit être dûment saisie par les consommateurs pour engager une procédure d’action de groupe.
Nous nous sommes interrogés sur la signification des termes « dûment saisie ». Est-ce que cela signifie que des consommateurs doivent, de leur propre chef, saisir une association de consommateurs de leur situation, en précisant qu’ils souhaitent le déclenchement d’une action de groupe ? Si tel était le cas, ce serait très restrictif et cela empêcherait les associations de consommateurs de prendre une initiative à partir des « remontées du terrain ».
Par ailleurs, il est évident que les consommateurs devront manifester leur volonté explicite de participer à l’action de groupe, le principe de l’opt out n’étant pas conforme à la Constitution, comme l’indique la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable sur cet amendement.
Au travers de l’amendement n° 445, notre collègue Paul Vergès se soucie légitimement de la situation des Ultramarins : ces derniers trouveront-ils les associations de consommateurs leur permettant d’engager une action de groupe ?
Nous avons fait le point sur la présence des associations de consommateurs dans les territoires ultramarins. Nombre d’entre elles sont présentes outre-mer : UFC-Que Choisir est particulièrement active dans le département de la Réunion ; la CLCV est présente en Guyane, en Martinique, à la Réunion et en Guadeloupe ; par ailleurs, l’absence de certaines associations de consommateurs des outre-mer n’empêchera pas les associations locales ultramarines de saisir une association représentative au niveau national.
C’est pourquoi je demande le retrait de cet amendement, qui me semble en grande partie satisfait, à la fois par la présence d’associations nationales sur le terrain et par la possibilité, pour une association locale, de servir de relais.
L’amendement n° 154 rectifié de notre collègue Jean-Pierre Plancade vise à créer une habilitation spéciale pour les associations pouvant exercer une action de groupe. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je ne suis pas favorable à cet amendement : le filtre prévu par le projet de loi me paraît suffisant. Je rappelle en effet que seize associations de consommateurs seront en mesure d’engager une action de groupe. Pourquoi limiter cette dernière à certaines de ces associations seulement ?
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements nos 441 et 443 visent tous deux un thème que nous avons déjà abordé en discussion générale : l’extension de l’action de groupe au domaine de l’environnement et de la santé.
Le Parlement adoptera peut-être ce projet de loi relatif à la consommation, que nous attendons depuis trente ans. Nous veillons à ce que le texte soit équilibré, à ce que l’action de groupe défende les consommateurs tout en respectant l’équilibre entre les professionnels et les consommateurs. Dans ces conditions, l’extension à la santé et à l’environnement ne pourra intervenir que dans un second temps.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 444, nous avons pu voir tout à l’heure en commission qu’il existait une demande d’extension de l’action de groupe aux domaines boursier et financier.
Cet amendement peut sembler partiellement satisfait, puisque le droit bancaire entrera en effet dans le champ de l’action de groupe telle qu’elle est prévue par l’article 1er. Toutefois, au regard des scandales qui ont conduit, dans le passé, à la spoliation de petits épargnants, la question mérite débat. En conséquence, je souhaite cependant entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 274 et 507 rectifié visent à étendre la procédure de l’action de groupe aux juridictions administratives et pénales et aux manquements des personnes morales de droit public autres que l’État.
Là encore, ces amendements visent à remettre en cause l’équilibre du projet de loi, pour ce qui concerne la juridiction devant laquelle l’action de groupe peut être engagée.
Pour ce qui concerne la seconde partie de ces amendements identiques, j’avoue que je suis un peu sceptique : j’ai du mal à voir dans quelle mesure les régions, les départements ou les communes pourraient être responsables d’un manquement à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services. En effet, en cas de vente d’un bien, ce dernier est inévitablement évalué par le service des domaines. Quant aux autres produits, ils sont inévitablement déclassés. Et de surcroît, le contrôle de légalité s’exerce.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’amendement n° 538, présenté par Élisabeth Lamure, vise les préjudices subis par un groupe significatif de consommateurs.
La notion de « groupe significatif » paraît assez floue. Par ailleurs, le filtre des associations de consommateurs semble suffisant. En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 229 rectifié et 537 réduiraient considérablement l’intérêt de la procédure de l’action de groupe. Pourquoi avoir prévu l’application aux consommateurs placés dans une situation similaire ?
Prenons l’exemple de consommateurs ayant subi un préjudice du fait d’un manquement d’un opérateur téléphonique. Si on limite l’action de groupe aux situations identiques, une telle action ne pourrait pas être lancée par des consommateurs n’ayant pas, par exemple, un abonnement depuis la même date, et donc n’ayant pas subi un préjudice d’un même montant.
Pour ces raisons, je demande à nos collègues de bien vouloir retirer leurs amendements. À défaut, la commission y sera défavorable.
L’amendement n° 539 tend à procéder à une modification rédactionnelle. Il vise à distinguer davantage la faute contractuelle et le manquement à des obligations légales.
Le texte du projet de loi me paraît suffisamment clair et la modification ne me semble pas de nature à améliorer sa rédaction. Par ailleurs, sur la forme, le texte de l’amendement pose un problème d’enchaînement avec les alinéas 7 et 8 qui suivent.
En conséquence, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
L’amendement n° 401 rectifié bis tend à préciser que l’action de groupe est engagée pour réparer les préjudices subis par des consommateurs situés dans une situation identique ou similaire et ayant pour cause commune un même manquement d’un professionnel.
Le texte de cet amendement me semble trop restrictif : il vise en effet à exclure la possibilité d’engager une action de groupe si les manquements ne sont pas tout à fait identiques. Le projet de loi évoque d’ailleurs bien les consommateurs situés dans une situation similaire ou identique.
Dans ces conditions, je serai défavorable à cet amendement s’il n’est pas retiré.
En ce qui concerne l'amendement n° 440, je demanderai également l’avis du Gouvernement. L’alinéa 7 de l’article 1er du projet de loi vise à limiter l’action de groupe en matière de consommation aux manquements d’un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles intervenus à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services. Nos collègues du groupe CRC proposent, par cet amendement, d’étendre le dispositif aux manquements intervenus à l’occasion de la location de biens.
Cet amendement me paraît satisfait : à mes yeux, la location d’un bien constitue une fourniture de services. À ce titre, elle est concernée par le mécanisme de l’action de groupe. Je souhaite cependant entendre l’avis du Gouvernement sur ce point, pour en avoir la confirmation.
L’amendement n° 230 rectifié tend à limiter la procédure de l’action de groupe mise en place par l’article 1er à la phase contractuelle.
M. Jean-Jacques Mirassou. Là, c’est grave ! (Sourires.)
M. Martial Bourquin, rapporteur. Il me semble que les dispositions de cet amendement vont à l’encontre du projet de loi, qui vise à intégrer la dimension précontractuelle au sein du mécanisme de l’action de groupe.
Si cet amendement était adopté, il serait par exemple impossible d’engager une action de groupe dans une affaire semblable à celle des prêts Helvet Immo, distribués par BNP Paribas : dans cette affaire, il y a eu un manquement à des obligations précontractuelles quant aux risques encourus avec ce type de placements en devises étrangères.
Pour autant, après de longs débats, la commission a souhaité entendre l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
L’amendement n° 327 vise à prévoir la mise en œuvre de l’action de groupe uniquement pour les manquements intervenus à compter de la publication de la loi.
Je souhaite souligner qu’il n’y a aucun problème de conformité de l’article 1er au principe de non-rétroactivité de la loi ni à la Constitution. En effet, cette disposition ne crée pas de nouveaux manquements ou de nouvelles peines. Elle a simplement pour objet d’instituer une nouvelle procédure pour sanctionner des manquements qui sont déjà sanctionnables aujourd’hui par le biais d’actions individuelles.
Autrement dit, si nous votions le présent amendement, il s’agirait d’une forme d’amnistie ! Vous comprendrez donc aisément, mes chers collègues, que je ne puisse être favorable à cette disposition.
L’amendement n° 540 vise à conditionner l’action de groupe à l’existence d’un mandat exprès de la part des consommateurs dont le cas est soumis au tribunal.
Il s’agit de préciser que la recevabilité de l’action est soumise à la réunion de deux conditions : la preuve que l’association est assurée civilement et l’acceptation expresse des consommateurs dont le cas est soumis au tribunal.
Je ne suis pas favorable à cet amendement. D’une part, il est évident que les consommateurs dont le cas est soumis au tribunal devront avoir accepté de participer à l’action de groupe. D’autre part, la rédaction de l’amendement laisse à penser que la recevabilité de l’action n’est soumise qu’à ces deux conditions. Or il est indispensable que d’autres conditions de recevabilité soient réunies, telles que l’agrément de l’association, la similarité ou l’identité des situations des consommateurs et le caractère matériel des préjudices.
L’amendement n° 439 vise à ne pas restreindre l’action de groupe aux préjudices matériels. En cohérence avec la position qui a été celle de la commission sur les amendements précédents, notamment sur l’extension de l’action de groupe aux domaines de la santé et de l’environnement, je suis défavorable à l’extension des préjudices pouvant donner lieu à une action de groupe. Les préjudices moraux ou corporels nécessitent, je le répète, une évaluation individualisée, qui n’est pas envisageable dans le cadre de la procédure créée par le projet de loi.
La commission souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
Les amendements identiques n° 275 et 609 rectifié visent à étendre l’action de groupe aux préjudices corporels, moraux ou écologiques. Par cohérence avec la position de la commission sur les amendements précédents, la commission demande leur retrait ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 3 de Mme Bonnefoy vise à différencier le préjudice et le dommage. Même si la formulation du projet de loi me paraissait suffisamment claire, je suis favorable à cet amendement, dont le texte introduit précision et clarté.
L’amendement n° 405 rectifié bis a pour objet de limiter l’action de groupe aux préjudices d’un montant inférieur à un seuil fixé par décret. Je comprends bien l’intention de notre collègue Jean-François Husson : l’intérêt de la procédure de l’action de groupe est bien évidemment de répondre à la situation actuelle, qui voit les consommateurs renoncer à une action individuelle du fait du faible montant des litiges de la consommation. Pour autant, pourquoi fixer un plafond pour le montant des préjudices ? Quelle en serait la justification ?
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Les amendements identiques nos 273 rectifié et 511 rectifié bis visent à supprimer le monopole des associations de consommateurs représentatives au niveau national et agréées pour engager une action de groupe. S’ils étaient adoptés, les groupements de consommateurs d’au moins cinquante personnes physiques pourraient engager une action de groupe.
Ces amendements ont pour objet de remettre en cause l’équilibre du projet de loi. Le monopole des associations de consommateurs a fait l’objet d’un quasi-consensus – j’ai entendu une seule profession s’ériger contre ce monopole, me semble-t-il – au cours des auditions menées par Alain Fauconnier et moi-même.
Afin d’éviter d’éventuels abus, la commission des affaires économiques souhaite que le projet de loi limite l’engagement de l’action de groupe aux seize associations de consommateurs agréées. Elle émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’essaierai, monsieur le président, d’être le plus concis possible.
Sur l’amendement n° 155 rectifié, le Gouvernement a émis un avis défavorable, puisqu’il s’agit d’élargir le champ de l’action de groupe, que nous avons voulu limiter au traitement des contentieux de consommation de masse.
À ce stade, je veux redire la conviction générale du Gouvernement, qui n’a pas évolué depuis mon intervention au cours de la discussion générale. Nous considérons que ce projet de loi porte sur la consommation. À ce stade, il convient donc de limiter le champ de l’action de groupe aux litiges en matière de consommation et aux préjudices qui s’inscrivent dans le champ de la concurrence. Nous reviendrons tout à l’heure sur les services financiers, à propos desquels j’aurai l’occasion d’apporter des précisions.
Sur l’amendement n° 116, qui vise à préciser que l’association de défense des consommateurs doit être « dûment saisie », le Gouvernement émet également un avis défavorable. On peut en effet supposer qu’une association de consommateurs, qui se fondera, pour saisir le juge, sur des cas précis, fournira suffisamment d’éléments pour que celui-ci puisse apprécier la recevabilité de la demande. A contrario, si cet amendement était adopté, les dispositions introduites seraient sources d’interprétations contradictoires, donc de contentieux, éventualité qui justifie à nos yeux cet avis défavorable.
Sur l’amendement n° 445 de M. Vergès, la Gouvernement émet un avis identique à celui de la commission. Je considère en effet que rien n’empêche une association de consommateurs née outre-mer de construire un contrat d’affiliation ou de partenariat lui permettant de rejoindre l’une des seize associations agréées.
Une telle situation se rencontrera d’ailleurs dans toute une série de territoires, en dehors de l’outre-mer : des associations de consommateurs non affiliées à l’une des seize associations agréées pourraient se juger exclues de la possibilité de lancer une action de groupe. Elles auront toutefois la possibilité, dès lors qu’elles rejoignent une association agréée, qui fait donc l’objet d’un examen particulier, de déclencher une action de groupe.
Sur ce sujet, le débat qui a eu lieu à l’Assemblée nationale a été assez houleux, certains ayant jugé qu’il s’agissait d’une approche coloniale, ce qui avait entraîné une vigoureuse réaction de notre part. Notre volonté n’est pas d’exclure qui que ce soit ! Je rappelle par ailleurs que des associations nationales agréées sont présentes dans les outre-mer.
L’amendement n° 154 rectifié de M. Plancade vise à réserver le droit d’exercer l’action de groupe aux associations nationales de consommateurs agréées habilitées à cette fin, c'est-à-dire à créer un « super-agrément ». Or nous ne voulons pas instaurer un filtre supplémentaire. Seize associations feront l’objet d’un nouvel agrément. Un « super-agrément » aurait pour conséquence de limiter le nombre d’associations agréées, ce qui ne nous paraît pas conforme à l’esprit de la loi, raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Sur l’amendement n° 441 de M. Gérard Le Cam, qui vise à étendre l’action de groupe aux litiges intervenant dans le domaine de l’environnement, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Il est également défavorable à l’amendement n° 443, dont l’objet est similaire, pour ce qui concerne le domaine de la santé.
Sur l’amendement n° 444, à propos duquel vous m’avez demandé l’avis du Gouvernement, monsieur le rapporteur, j’émets un avis défavorable. À mes yeux, la préoccupation qui est la vôtre est satisfaite, dans la mesure où les préjudices résultant de manquements de professionnels intervenant dans la commercialisation de produits financiers, qu’il s’agisse d’établissements de crédits, de prestataires de services d’investissement ou de conseillers financiers, peuvent faire l’objet d’une action de groupe.
Dans ce cas, le préjudice est lié à des prestations de service. L’action de groupe permet en effet la réparation de préjudices nés à l’occasion du manquement d’un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles, à l’occasion de la vente de biens ou de services.
Je vous rappelle que, selon la directive communautaire du 23 septembre 2002 sur la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, les investisseurs, dès lors qu’ils n’agissent pas à des fins professionnelles, sont considérés comme des consommateurs et peuvent donc faire valoir leurs droits en matière d’action de groupe. En conséquence, les pratiques commerciales trompeuses, par omission de mentions sur les risques de pertes financières en capital investi, ou les fautes contractuelles peuvent faire l’objet d’une action de groupe.
Permettez-moi de prendre l’exemple du dossier Helvet Immo, dont on a beaucoup parlé. On observe dans ce cas un manquement au devoir d’information et de conseil à l’égard de ceux qui avaient réalisé un placement financier en devises étrangères, en l’occurrence en francs suisses. Si, demain, un cas similaire se produit, il sera tout à fait possible de déclencher une action de groupe.
C’est la raison pour laquelle je suis amené à demander le retrait de cet amendement, qui me semble satisfait par le projet de loi, tel qu’il est rédigé. À défaut, je me verrai contrait d’émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable aux amendements identiques nos 274 et 507 rectifié. Il considère en effet que le champ de l’action de groupe n’exclut aucun secteur ni domaine d’activité, ni les services publics industriels et commerciaux, ni les régions, ni les départements, ni aucune collectivité territoriale dès lors qu’elle est prestataire d’un service, agissant dans le cadre d’une activité commerciale et noue des rapports de droit privé. Par conséquent, pour le Gouvernement, la précision que cet amendement vise à introduire est inutile.
Par ailleurs, s’agissant d’une action en réparation, qui est fondée sur le droit de la responsabilité civile, il n’y a pas lieu à nos yeux de viser la juridiction pénale.
Je demande donc le retrait de ces amendements identiques ; à défaut, je me verrai contraint d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 538 vise à introduire la notion de « groupe significatif de consommateurs ». Or certains n’étaient pas forcément favorables à une telle action émanant d’un groupe qui serait constitué au préalable pour obtenir une indemnisation. Que sera un « groupe significatif » ? Nous n’en savons rien. L’association de consommateurs appréciera, en fonction du nombre de réclamations qui auront été déposées et des cas dont elle aura été saisie, s’il lui paraît souhaitable ou non d’enclencher une procédure et de demander au juge de se prononcer sur la recevabilité de celle-ci.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, qui vise à restreindre la portée de l’action de groupe telle que nous la souhaitons.
Les amendements identiques nos 229 rectifié et 537 tendent à permettre, dans le cadre d’une action de groupe, la réparation des seuls préjudices identiques.
Nous avons choisi une formulation différente, pour des raisons que j’illustrerai par un exemple : en cas de fourniture de services dans le cadre d’un abonnement, la durée de celui-ci, par exemple six mois ou un an, a des répercussions sur le préjudice, qui n’est pas forcément identique bien qu’il soit semblable. Nous préférons notre rédaction, car elle permet de couvrir un champ plus large.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 539 tend à mieux distinguer la faute contractuelle et le manquement à une obligation légale. Nous pensons qu’il est préférable de conserver la notion d’« obligation contractuelle », plutôt que celle de « faute contractuelle », qui est plus restrictive. Ainsi, un manquement à une obligation contractuelle pourra recouvrir les manquements aux devoirs de conseil ou d’information au moment de la conclusion du contrat, ce qui dépasse la simple faute contractuelle.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet, là encore, un avis défavorable.
L’amendement n° 401 rectifié bis de M. Husson tend à permettre l’exercice de l’action de groupe en vue de la réparation des seuls préjudices individuels nés d’un même manquement.
Si cet amendement était adopté, il est à craindre que des consommateurs lésés par l’inexécution ou la mauvaise exécution, par le même professionnel, de ses obligations contractuelles, ne puissent obtenir réparation de leur préjudice dans le cadre de l’action de groupe dès lors qu’il ne s’agirait pas exactement du même manquement.
C’est pourquoi le texte précise que l’action de groupe a pour objet la réparation de préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation identique ou similaire. Pour un même type de contrats, et selon les consommateurs concernés, l’inexécution de plusieurs obligations contractuelles incombant au professionnel, qui peuvent en outre ne pas avoir le même objet, peut être totale ou partielle.
Je serai donc contraint de solliciter le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 440, j’avais eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à l’Assemblée nationale. Je vous le redis aujourd’hui, les locataires sont bien concernés par l’action de groupe, dans le cadre de la relation contractuelle qui les lie avec les propriétaires, ce qui pourra concerner demain, par exemple, un certain nombre d’offices d’HLM.
Par conséquent, je sollicite le retrait de cet amendement, car il est satisfait.
Concernant l’amendement n° 230 rectifié, M. le rapporteur a souhaité connaître l’avis du Gouvernement. Il est défavorable, car cet amendement limite de manière trop restrictive le champ de l’action de groupe.
En effet, en ne retenant que des manquements aux obligations légales ou contractuelles relatives à l’exécution de contrats de vente ou de fourniture de services comme cause des préjudices subis par des consommateurs, cet amendement a pour effet d’empêcher l’exercice de l’action de groupe à l’encontre d’un professionnel qui a manqué à son devoir de conseil ou d’information au moment de la conclusion du contrat ou qui est responsable de pratiques commerciales trompeuses.
L’amendement n° 327 vise à autoriser l’exercice de l’action de groupe pour la réparation des seuls préjudices matériels nés de manquements intervenus postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.
Or il n’est pas question d’une obligation légale ou contractuelle supplémentaire qui incomberait aux professionnels ; il s’agit juste d’une nouvelle règle procédurale, qui doit pouvoir s’appliquer à tous les manquements non prescrits au moment de l’entrée en vigueur de la loi.
Par conséquent, cet amendement n’étant pas justifié, j’en sollicite le retrait.
L’amendement n° 540 tend à conditionner la recevabilité de l’action à l’existence d’une assurance de responsabilité civile souscrite par l’association requérante et un mandat exprès donné par les consommateurs à celle-ci pour qu’elle les représente. Cet amendement vise également à restreindre le champ de l’action de groupe. Surtout, il a pour objet d’en rapprocher l’économie générale de l’action en représentation conjointe, dont on a pu mesurer jusqu’ici l’inefficacité.
C’est la raison pour laquelle je sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement n° 439 vise à supprimer, à l’article 1er, l’alinéa 9, qui limite le champ de l’action de groupe au seul préjudice matériel.
Le Gouvernement est, là encore, défavorable à cet amendement, non sur le fond, mais à cause de la méthode retenue. On peut sans doute le regretter, mais dans la mesure où il s’agit d’un texte sur la consommation, nous jugeons préférable de réserver le champ de l’action de groupe au préjudice matériel.
Les dispositions des amendements identiques nos 275 et 609 rectifié vont dans le même sens, à savoir l’extension du champ de l’action de groupe. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Cet avis ne retire rien à la force et à la pertinence des arguments que vous avez développés, mesdames les sénatrices. Toutefois, je réaffirme les engagements que le Gouvernement a tenus concernant l’action de groupe dans le champ de la consommation et qu’il entend tenir également dès le début de l’année prochaine dans le domaine de la santé, puis dans les mois à venir, à partir d’un travail très ciselé que vous ne pouvez méconnaître, dans le domaine de l’environnement.
Ce travail suscite les passions et nous préférons construire du consensus, même si nous n’y arriverons pas totalement, puisque, même dans le champ de la consommation, nous n’avons pas dégagé de consensus avec tous les acteurs économiques. Cela dit, je rappelle que notre position s’appuie sur un avis du Conseil national de la consommation qui incluait les fédérations professionnelles, d’accord sur le principe de l’action de groupe.
Évidemment, le MEDEF, qui avait voté cet avis, ne se retrouve pas aujourd’hui dans le projet du Gouvernement. Néanmoins, nous avons voulu au départ instaurer un dialogue entre un mouvement consumériste et des acteurs qui ne se parlaient pas forcément. Il en sera ainsi dans le domaine de la santé comme dans le domaine de l’environnement, où il est nécessaire d’élaborer une méthode afin d’obtenir l’accord le plus large. Toutefois, je le répète, ce ne sera pas le cas avec ce texte.
L’engagement du Gouvernement est d’agir en ce sens. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous renvoie pas aux calendes grecques, puisque, d’après les engagements de la ministre de la santé, un texte sera soumis au conseil des ministres dès le début de l’année prochaine.
L’amendement n° 3 de la commission des lois vise à préciser que l’action de groupe ne peut porter que sur la réparation de préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels.
Le Gouvernement n’est pas favorable à ces dispositions, pour les raisons suivantes.
Tout d’abord, la notion de préjudice matériel, par opposition aux préjudices corporels ou moraux, est désormais clairement reconnue. Elle est d’ailleurs reprise dans l’amendement que le Sénat a voté lors de l’examen, en première lecture, du précédent projet de loi relatif à la consommation, qui introduisait déjà, après les conclusions du rapport d’information de MM. Yung et Béteille, une procédure d’action de groupe dans notre droit. C’est à partir de vos travaux que nous avons aussi construit nos réponses.
Enfin, la formulation de préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels peut poser un véritable problème d’interprétation s’agissant de la prise en compte de préjudices économiques nés d’une atteinte au droit des consommateurs. Certains cas particuliers justifient que le Gouvernement émette un avis défavorable : je pense à ceux qui sont prévus notamment par le code de la consommation, qu’il s’agisse du non-respect du droit de rétractation pour certains contrats ou encore de la possibilité de ne pas reconduire des contrats de services tacitement reconductibles.
Les dispositions du présent amendement présentent donc des lacunes qui expliquent l’avis défavorable du Gouvernement.
L’amendement n° 405 rectifié bis tend à fixer un seuil au-delà duquel la réparation des préjudices matériels dans le cadre d’une action de groupe ne serait pas possible.
Le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet, lors d’un placement financier, un manquement au devoir de conseil de la part du professionnel peut entraîner un préjudice pour celui qui a souscrit à ce placement, qui peut être de quelques centaines, voire de milliers d’euros.
Dans la mesure où plusieurs milliers de contrats ont pu être signés dans ce domaine, il faut éviter de poser un seuil et de réserver la réparation des préjudices seulement aux petits litiges. Ces contentieux peuvent parfois être très simples à régler, même s’ils entraînent des pertes importantes pour le consommateur.
Enfin, sur les amendements identiques nos 273 rectifié et 511 rectifié bis, le Gouvernement émettra aussi un avis défavorable. Soyez sans inquiétude, mesdames, messieurs les sénateurs : nous émettrons des avis favorables ultérieurement au cours du débat !
Ces amendements identiques ont pour objet d’élargir à des groupements de consommateurs la possibilité d’engager une action de groupe. Nous considérons que le filtre que nous avons choisi, à savoir l’association de consommateurs agréée, permettra la mise en œuvre d’une action de groupe, avec d'ailleurs une période d’évaluation à l’issue de laquelle le législateur déterminera si ce filtre était le bon ou pas.
Pourquoi avons-nous décidé d’exclure les associations ad hoc ? Parce qu’aux États-Unis, notamment, un certain nombre d’entreprises cachées derrière une association de consommateurs ad hoc sortie de nulle part déclenchaient opportunément une procédure contre l’un de leurs concurrents, avec les atteintes à sa réputation qui pouvaient naître d’une procédure s’apparentant à une forme de flibusterie.
Nous avons voulu éviter ce type de risques. L’objectif n’est pas de déstabiliser des entreprises qui ne trichent pas. C’est la raison pour laquelle nous préférons passer à cette étape par les associations de consommateurs agréées. Ce point fait débat, et d’aucuns pensent qu’il posera des problèmes. Peut-être des recours de constitutionnalité seront-ils déposés à ce sujet, mais, à nos yeux, l’affirmation de ce principe dans le champ de la consommation, qui est l’objet social de ces associations, donnera le maximum de rendement et d’efficacité à cette action de groupe.
Tels sont les avis du Gouvernement sur les amendements à cet article 1er
M. le président. Monsieur Tropeano, l'amendement n° 155 rectifié est-il maintenu ?
M. Robert Tropeano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 155 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 116.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Le Cam, l'amendement n° 445 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 445 est retiré.
Monsieur Tropeano, l'amendement n° 154 rectifié est-il maintenu ?
M. Robert Tropeano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 154 rectifié est retiré.
Monsieur Le Cam, l'amendement n° 441 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 441 est retiré.
Qu’en est-il de l’amendement n° 443, monsieur Le Cam ?
M. Gérard Le Cam. Je le retire également.
M. le président. L’amendement n° 443 est retiré.
Et qu’en est-il à présent de l'amendement n° 444, monsieur Le Cam ?
M. Gérard Le Cam. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Madame Aïchi, l'amendement n° 274 est-il maintenu ?
Mme Leila Aïchi. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Madame Jouanno, l'amendement n° 507 rectifié est-il maintenu ?
Mme Chantal Jouanno. Oui, je le maintiens également, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 274 et 507 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 538 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Tandonnet, l'amendement n° 229 rectifié est-il maintenu ?
M. Henri Tandonnet. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Madame Lamure, l'amendement n° 537 est-il maintenu ?
Mme Élisabeth Lamure. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 229 rectifié et 537.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Monsieur Husson, l’amendement n° 401 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-François Husson. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 401 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 440 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l'amendement n° 327.
M. Bruno Retailleau. Pour avoir cosigné, avec Alain Fouché, le présent amendement, il me semble que, contrairement à ce qu’affirme M. le rapporteur, la disposition en question ne conduit pas, directement ou non, à amnistier des faits. C’est un problème de procédure et non de fait générateur !
Cela dit, monsieur le ministre, je souhaite obtenir un éclairage sur un point précis : sauf erreur de ma part, il me semble que le présent projet de loi permet un encadrement de cette nature pour les problèmes nés du droit de la concurrence. Pourquoi traiter de manière différente les problèmes qui résultent du droit de la concurrence et ceux qui sont issus du droit de la consommation ?
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. Comme M. Retailleau, je ne peux pas accepter l’emploi du mot « amnistie » par M. le rapporteur. Il ne s’agit pas du tout de cela ! En fait, si, contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, on estime que les mesures considérées constituent des dispositions répressives nouvelles, il s’agit d’une question de principe de notre droit.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de droit de la concurrence, le Gouvernement considère qu’il faut attendre le jugement définitif de l’Autorité de la concurrence, ou, en tout cas, éviter toute cassation de ce jugement. C’est d’ailleurs ce qui me conduira, dans la suite de nos débats, à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 15 de la commission des lois. Aux yeux de la commission des lois, il s’agit là d’un problème, eu égard aux délais d’attente imposés au consommateur.
Nous n’avons pas voulu introduire de clause de grand-père pour ce qui concerne les contrats de consommation car, à nos yeux, cette disposition ne se justifie pas : je le répète, nous n’ajoutons pas une obligation en la matière, nous ne prenons pas les entreprises en défaut. Nous créons simplement une procédure nouvelle. Dès lors que seront constatés des manquements à cet égard, le déclenchement d’une action de groupe se justifiera pleinement !
M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 439 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 439 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 275 et 609 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Madame la rapporteur pour avis, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteur pour avis de la commission des lois. J’ai bien entendu les remarques de M. le ministre au sujet de cet amendement. Toutefois, je précise que la rédaction adoptée par la commission des lois et approuvée par la commission des affaires économiques tient compte des travaux que la Chancellerie mène actuellement au sujet du droit de la responsabilité civile. Elle est donc juridiquement actualisée.
En conséquence, je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Pour appuyer Mme le rapporteur pour avis sur ce point précis, je souligne que, lorsque nous avons débattu en commission des lois de la proposition de loi visant à inscrire la notion de préjudice écologique dans le code civil, nous avons évoqué la distinction entre les notions de préjudice, d’atteinte et de dommage. Le groupe de travail réuni à la Chancellerie a plus précisément approfondi cette question.
Je suis sincèrement convaincu que, par cet amendement, la commission des lois nous propose des dispositions utiles, dans la mesure où celles-ci tendent à clarifier le sens juridique de ces différents termes.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
M. Alain Fouché. Ah !
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote sur l'amendement n° 405 rectifié bis.
M. Jean-François Husson. J’ai bien entendu l’avis de M. le ministre. Autant dire tout de suite qu’il ne me satisfait pas !
En effet, je ne comprends pas l’exemple qui m’a été opposé, dans la mesure où il porte sur un litige financier d’un tout autre montant. Le plafond répond à un autre objectif, que je me permets de rappeler une nouvelle fois : protéger les entreprises via le système assuranciel, lequel est particulièrement utile, non seulement pour le recours, mais aussi pour la protection.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 405 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 273 rectifié et 511 rectifié bis.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 407 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Cointat, D. Laurent, Milon et Türk, Mme Bruguière et M. Longuet, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 423-1- ... – L’association de défense des consommateurs dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile du professionnel envers lequel elle agit par application de l’article L. 423-1.
II. - Alinéa 47
1° Après le mot :
individuelles
insérer les mots :
tant à l’égard du professionnel que de son assureur de responsabilité civile,
2° Supprimer les mots :
ou L. 423-4-1
III. - Alinéa 48
Remplacer les mots :
des articles L. 423-3 ou L. 423-4-1
par les mots :
de l'article L. 423-3
IV. - Après l'alinéa 48
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 423-12-... - L’action mentionnée à l’article L. 423-1 suspend la prescription des actions du professionnel à l’égard de son assureur de responsabilité civile en garantie des préjudices résultant des manquements constatés par le jugement prévu à l’article L. 423-3 à la condition que l’action de l’association ait été portée à la connaissance de l’assureur dans les conditions de l’article L. 113-2 du code des assurances.
« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour, selon le cas, où le jugement rendu conformément à l’article L. 423-3 n’est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou de l’homologation prévue à l’article L. 423-9. »
La parole est à M. Jean-François Husson.
M. Jean-François Husson. Cet amendement a un double objet.
Premièrement, il s’agit de rappeler que le code des assurances autorise une action directe de la victime contre l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage. Cette action – faut-il le rappeler ? – est personnelle à la victime et relève partant du droit commun.
Il me semble que le présent projet de loi a omis d’étendre cette action directe à l’association qui, dans un premier temps, agit au nom du particulier. Or cette mise en cause directe de l’assureur de responsabilité civile est nécessaire pour rendre le jugement opposable à celui-ci et permettre, de ce fait, une indemnisation plus rapide des victimes. Ainsi, on évitera de reporter à une date parfois lointaine, et en tous les cas ultérieure, le débat éventuel sur la garantie d’assurance.
Deuxièmement, compte tenu des délais de prescription entre un particulier assuré et son assureur, lesquels sont relativement courts – deux ans –, il s’agit de réduire à cinq ans cette même prescription de droit commun entre victime et assureur. On sait quels sont les délais de procédure prévisibles, lorsqu’il y a recours, entre la première instance, l’appel et la cassation, avant de connaître les victimes et de pouvoir procéder à leur indemnisation.
En conséquence, je propose, à travers cet amendement, de rendre possible la suspension des prescriptions tant que l’action de groupe est en cours.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Martial Bourquin, rapporteur. Cet amendement vise à étendre aux associations l’action directe qui, dans la rédaction actuelle du présent texte, peut être engagée par une victime contre l’assureur de responsabilité de l’auteur du dommage. Il tend à permettre aux associations de défense des consommateurs qui engagent une action de groupe de disposer d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile du professionnel.
La commission des affaires économiques considère que cette mesure va bien au-delà des dispositions prévues en matière d’action de groupe au titre de l’article 1er. En conséquence, j’émets un avis défavorable.
Je le répète, cet amendement s’inscrit dans une logique d’assurance. Or nous sommes ici pour voter un texte permettant la création d’une action de groupe !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 407 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
12
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 11 septembre 2013, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la consommation (n° 725, 2012 2013) ;
Rapport de MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 809, tomes I et II, 2012 2013) ;
Avis de Mme Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission des lois (n° 792, 2012 2013) ;
Avis de M. Jean-Luc Fichet, fait au nom de la commission du développement durable (n° 793, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michèle André, fait au nom de la commission des finances (n° 795, 2012 2013) ;
Texte de la commission (n° 810, 2012 2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 11 septembre 2013, à zéro heure vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART