Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l'article.
Mme Élisabeth Lamure. Je ne suis pas certaine que nous ayons véritablement pris la mesure de cet article 23.
Tout commence avec le nouvel article L.721–2 du code la propriété intellectuelle, qui disposera que la qualité d’un produit ou sa réputation « peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique […] ».
L’adverbe « essentiellement » peut à la fois être compris comme très restrictif ou, au contraire, comme une porte ouverte. De la même manière, le terme « réputation » ne me paraît pas défini juridiquement. Je crois donc que cette expression servant à identifier un produit bénéficiant d’une indication géographique est très vague.
Ensuite, le même alinéa dispose que le produit doit se soumettre à d’autres critères : « Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l’extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué […]. » Cette formulation assez précise est plus claire, mais elle doit au préalable satisfaire la première condition pour obtenir une indication géographique où la qualité et la réputation du produit sont le fait d’une origine géographique.
La suite de l’article ne fait que confirmer mes craintes, notamment le nouvel article L. 721–7 du code de la propriété intellectuelle, qui précise le contenu du cahier des charges, et qui comprend comme quatrième information les caractéristiques qui peuvent être essentiellement rattachées à une zone géographique. Il faut ensuite préciser les étapes du processus de fabrication pour savoir si elles ont effectivement lieu dans la zone indiquée.
Or c’est justement de là que naît l’inquiétude. La conception d’un produit peut être issue d’un territoire, mais pour des raisons pratiques évidentes, la fabrication peut avoir été déplacée, y compris de quelques kilomètres.
Par exemple, le savon de Marseille peut-il être encore fabriqué uniquement sur le territoire de la commune de Marseille ? Cela me semble assez improbable. Il en est de même pour la porcelaine de Limoges, car seuls quatre fours à porcelaine subsistent sur le territoire de cette commune. Je n’ose évidemment parler des couteaux Laguiole…
En élaborant des critères qui semblent imprécis, lorsqu’ils ne sont pas restrictifs, vous mettez en danger des entreprises de taille intermédiaire qui ne sont pas diversifiées et qui ne sont pas prêtes à perdre cette indication géographique, car c’est justement cette dernière qui témoigne de la valeur ajoutée du produit.
J’ai donc peur que nous nous tirions une balle dans le pied, dans un monde ou tant d’usurpations géographiques sont possibles.
Enfin, cet article pose problème en ce qui concerne l’organisme privé qui assure la défense du produit, même si tout opérateur qui en fait la demande en est membre de droit s’il respecte le cahier des charges. Cette précaution me laisse assez perplexe.
Pour conclure, j’ai peur que nous n’ayons pas totalement compris les dommages collatéraux que peut entraîner l’adoption de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Néri, sur l'article.
M. Alain Néri. Je viens d’écouter avec beaucoup d’attention les propos de notre collègue Stéphane Mazars, et je comprends son inquiétude par rapport à la protection des activités artisanales ou industrielles locales.
J’ai été aussi très attentif à l’intervention de Mme Lamure, dont certaines observations ne peuvent que susciter notre interrogation sur la précision de cet article 23.
Si nous souhaitons la mise en place des indications géographiques protégées, c’est parce qu’elles existent depuis 1992 au niveau européen pour les produits agricoles. Reconnaissons ensemble que ce fut un franc succès pour nos productions agricoles et pour la défense de nos agriculteurs et de nos territoires ruraux.
Par conséquent, je suis très favorable à ce qu’une action équivalente soit engagée pour les produits industriels, manufacturés et artisanaux.
Je souhaite que cette indication géographique soit l’occasion pour nos artisans de se réunir et non de s’opposer, de se rassembler et non de se diviser ! Mme Lamure nous a rappelé quelques exemples, mais je pourrais aussi citer le cas du linge basque, qui, bien qu’on l’appelle ainsi, est produit dans le Tarn – chacun le sait. Il ne viendrait à l’idée de personne de dire que, parce qu’il est fabriqué ailleurs, il n’est plus du linge basque.
Je voudrais maintenant aborder la question spécifique des couteaux de Laguiole.
Ces couteaux sont bien connus, mais il faut savoir qu’il est un endroit en France qui est particulièrement connu pour la production des couteaux, à savoir Thiers, qui a même pris le pas sur Solingen, et dont les aciers ont une réputation mondiale liée à la géographie. Les artisans et les couteliers thiernois, depuis des siècles, ont la chance d’être à proximité de la nature, de la Durolle, en Auvergne. Les propriétés de ses eaux, leur degré thermique, permettent un trempage extraordinaire. La qualité de ces couteaux est reconnue unanimement, en raison non seulement de leur matière première, mais également du savoir-faire thiernois. D’ailleurs, mes amis de Laguiole, vous savez bien que l’on reconnaît vos couteaux grâce à cette petite mouche symbolique qui est l’œuvre de vos artisans ; ce sont eux qui l’ont façonnée !
Madame la ministre, vous êtes venue en Auvergne, vous avez visité une entreprise à Celles-sur-Durolle, et vous avez constaté le talent de nos artisans, qui sont presque des artistes et qui produisent des couteaux de très grande qualité. (Mme la ministre acquiesce.)
Ces couteaux sont fabriqués en grand nombre à Thiers : leur production représente 300 emplois pour les Thiernois et engendre un chiffre d’affaires très important. Heureusement qu’il existe une solidarité entre les Auvergnats et les Aveyronnais : la production thiernoise permet la vente, à Laguiole, d’un certain nombre de couteaux que les habitants de Laguiole n’auraient pas la capacité de fabriquer sur place !
Je le répète, il ne convient pas d’opposer, à travers une IGP, les Thiernois et les Laguiolais. Au contraire, il faut les réunir et les rassembler.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Néri. C’est pourquoi il me semblerait utile que l’article L. 721–2 apporte une précision : la zone de production constituant le territoire de l’IGP doit être définie en tenant compte de l’histoire et du savoir-faire historique de certains artisans. L’histoire démontre qu’à l’évidence les premiers couteaux de Laguiole ont été fabriqués grâce au savoir-faire thiernois ! Nous, les Auvergnats, sommes tout à fait prêts à partager avec les Aveyronnais !
La définition de l’IGP doit donc bien tenir compte de ces héritages, de ce passé et de ces traditions : car sans passé et sans traditions, il n’y a plus de valeur ajoutée à ces productions, qui font la richesse de la France – nombre d’entre elles ont été citées ! Dans le souci de rassembler et de réunir, il faut étendre le territoire de l’IGP du couteau de Laguiole au bassin de Thiers. Unissons nos forces pour mieux résister dans la bataille économique qui se livre actuellement, et pour défendre notre savoir-faire, garantie de qualité.
La qualité de la production est également – faut-il le rappeler ? – une garantie de ventes importantes. En effet, les consommateurs sont conscients que la qualité de leur achat est facteur de durée. De surcroît, la qualité va de pair avec le développement durable. C’est pour nous un gage de force pour nos productions et un argument de vente vis-à-vis des consommateurs !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Néri.
M. Alain Néri. J’espère que mes arguments seront pris en compte ! (MM. Martial Bourquin, Joël Labbé et Gérard Le Cam applaudissent.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 167 rectifié est présenté par MM. César et Paul.
L'amendement n° 385 rectifié est présenté par MM. Tandonnet, Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 4° Un organisme de défense et de gestion d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique reconnue ou homologuée ou dont la demande est en cours d’instruction par les institutions compétentes. » ;
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 167.
M. Gérard César. Madame la présidente, je défendrai, par la même occasion, les neuf autres amendements que j’ai présentés au titre du présent article, ce qui nous permettra de gagner du temps !
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Gérard César. Ces différents amendements ont tous pour objet de protéger les organismes de défense et de gestion, ou ODG, ainsi que les appellations d’origine et tout ce qui concerne les IGP.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° 385 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement est le même que le précédent, et je le défends aussi brièvement que vient de le faire mon collègue Gérard César !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La procédure de dépôt de marque auprès de l’INPI ouvre la possibilité aux tiers d’intervenir de deux manières.
D’une part, toute personne peut présenter des observations à l’INPI durant la procédure d’instruction. D’autre part, les propriétaires de marques antérieures et les bénéficiaires de droits exclusifs d’exploitation peuvent formuler une opposition à un dépôt de marque. L’INPI dispose de six mois pour statuer sur l’opposition. Du reste, cette procédure ne bloque pas le dépôt de marque : elle contraint simplement l’INPI à répondre.
Le présent projet de loi étend ce droit de formuler une opposition aux collectivités territoriales – pour protéger leur nom – et aux organismes de défense et de gestion des indications géographiques du domaine non alimentaire.
Les amendements nos 167 rectifié et 385 rectifié tendent à aller encore plus loin, en ouvrant ce droit d’opposition à toutes les appellations d’origine et indications géographiques, y compris dans le secteur alimentaire. Or il est indispensable que la procédure de dépôt de marque soit rapide. La procédure d’opposition impose un certain formalisme et reste assez longue, alors que la procédure d’observation est, elle, plus souple.
L’INPI, qui connaît aussi bien les marques que les indications géographiques non alimentaires puisqu’elle gère les deux procédures, pourra sans difficulté aller vite pour traiter des éventuelles oppositions dans le domaine des biens manufacturés. Il en va autrement pour les produits alimentaires, qui nécessitent des échanges techniques longs avec l’Institut national de l’origine et de la qualité, l’INAO. Je rappelle à cet égard que, faute de décision dans un délai de six mois, l’opposition est rejetée.
Au final, l’adoption d’une telle disposition n’améliorerait pas réellement la protection des appellations d’origine et des indications géographiques relevant du domaine alimentaire. Elle risquerait au contraire d’alourdir la gestion des dépôts de marques. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Je souscris aux observations de M. le rapporteur sur ces deux amendements identiques.
Quel est l’objet du dispositif législatif en question ? MM. Mazars et Néri notamment l’ont rappelé, il s’agit de permettre aux professionnels d’élaborer un cahier des charges et de le faire homologuer, afin de protéger nos savoir-faire, nos entreprises et nos emplois, qui plus est dans un souci de transparence vis-à-vis du consommateur.
Or ces deux amendements tendent à allonger les procédures, alors que le souci qui nous a guidés dans l’élaboration de ce texte, c’est bien la rapidité et l’efficacité de celles-ci, afin de protéger tous nos produits manufacturés liés à une zone géographique déterminée.
Aussi, comme M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable.
Aujourd’hui, un certain nombre de recours existent – notamment au titre des droits antérieurs – comme la possibilité de formuler des observations auprès de l’INPI. Nous ne voulons pas y ajouter de nouvelles procédures qui feraient perdre de son efficacité au dispositif d’ensemble. Je le répète, ce qui nous a guidés dans l’élaboration de ce texte, c’est le souci de protection de nos produits industriels et artisanaux. L’exemple de Laguiole est significatif. À l’issue de nos travaux, nous avons, en tout et pour tout, recensé plus de quatre-vingts productions locales qui attendent la création de ces IGP par la loi. J’espère que la Haute Assemblée saura saisir cette occasion.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167 rectifié et 385 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 73 rectifié est présenté par MM. Beaumont et Doligé et Mme Troendle.
L'amendement n° 102 rectifié est présenté par Mmes Deroche et Procaccia.
L'amendement n° 105 rectifié est présenté par M. César, Mme Des Esgaulx et MM. Pintat, Savary et Béchu.
L'amendement n° 358 rectifié est présenté par M. Tandonnet, Mme Férat, M. Détraigne, Mme Gourault, M. Roche et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Tout organisme qui a pour mission de contribuer à la protection d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique visées aux articles L. 641–10, L. 641–11 et L. 641–11–1 du code rural et de la pêche maritime, dès lors qu’il y a un risque d’atteinte au nom, à l’image, la réputation ou la notoriété de l’un de ces signes. » ;
Les amendements nos 73 rectifié et 102 rectifié ne sont pas soutenus.
La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 105 rectifié.
M. Gérard César. Il est défendu, madame la présidente !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour présenter l’amendement n° 358 rectifié.
M. Vincent Capo-Canellas. Nous considérons qu’il convient d’étendre, par souci de cohérence, le droit d’opposition aux organismes qui ont pour mission de contribuer à la protection des AOP et des IGP, tels que l’INAO.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Suivant la même argumentation que précédemment, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 105 rectifié et 358 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 654, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Après le mot :
intéressés,
insérer les mots :
du directeur général
La parole est à Mme la ministre.
Mme Sylvia Pinel, ministre. Il s’agit là d’un amendement de précision.
Lorsque l’INPI doit consulter les services techniques de l’INAO, nous proposons qu’il revienne au directeur général de cette dernière instance de rendre l’avis technique demandé sur les projets d’homologation des indications géographiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Favorable !
Mme la présidente. L'amendement n° 417 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 27, première phrase
Après le mot :
qualité
insérés les mots :
lorsque la dénomination de l'indication géographique définie à l'article L. 721–2 comprend la dénomination d'une indication géographique protégée ou d'une appellation d'origine protégée définies par le code rural,
La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Comme je l’ai déjà souligné en prenant la parole sur l’article, le dispositif de reconnaissance et de protection des indications géographiques pour les produits industriels et artisanaux constitue une très grande avancée pour la reconnaissance des produits de qualité de nos territoires.
Sur l’initiative de mon collègue et ami Alain Fauconnier, le Sénat a déjà adopté, en 2011, une disposition visant le même objectif. Le dispositif introduit par l’article 23 du présent texte est plus abouti et plus satisfaisant. Quelques améliorations nous semblent toutefois nécessaires.
Le présent amendement vise ainsi à faciliter et à préciser le travail de l’Institut national de l’origine et de la qualité et de l’Institut national de la propriété industrielle, dans le cadre de la procédure d’homologation des indications géographiques.
L’homologation des indications géographiques des produits industriels et artisanaux a été confiée à l’INPI, en raison de sa connaissance du secteur industriel et de ses compétences en matière de protection des droits de propriété industrielle.
Dans la rédaction adoptée par la commission des affaires économiques, l’alinéa 27 du présent article précise que la décision d’homologation est prise par l’INPI, mais seulement après consultation des collectivités territoriales, des groupements professionnels intéressés, de l’INAO et des associations de consommateurs. Or la consultation systématique de l’INAO, introduite en commission, ne nous semble pas nécessaire.
Pour notre part, nous jugeons préférable de préciser que la procédure de consultation de cette instance ne sera déclenchée que lorsqu’il existe un risque de confusion entre les indications géographiques industrielles, d’une part, et les IGP ou AOP agricoles, d’autre part.
Ainsi, l’INPI consultera l’INAO afin de bénéficier de son expérience en matière d’indications géographiques et d’appellations d’origine dans le secteur agricole. Cette disposition s’inscrit d’ailleurs dans le cadre d’une coopération déjà existante entre les deux organismes.
Je précise que l’INPI pourra facilement identifier ces risques de confusion entre indications artisanales et agricoles en consultant la liste des IGP et AOP agricoles, accessible gratuitement sur le site Internet de la Commission européenne.
Mieux cibler la consultation de l’INAO permettra également de ne pas freiner inutilement l’instruction et la délivrance des indications géographiques industrielles, ce qui nuirait aux petites entreprises et aux petits artisans, soucieux de protéger leurs productions le plus rapidement possible.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission a enrichi l’article 23 du présent texte en prévoyant, avant l’homologation par l’INPI d’une indication géographique du secteur non alimentaire, une consultation systématique de l’INAO.
M. Gérard César. Exact !
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Le présent amendement tend à limiter le recours à l’INAO aux seuls cas où il existe une communauté de dénomination entre l’indication géographique non alimentaire et l’indication ou appellation du secteur alimentaire.
Or l’INAO dispose d’une réelle expertise au sujet des appellations d’origine. Pourquoi restreindre le champ de ses avis, alors même que l’on consultera systématiquement les collectivités territoriales et les associations de consommateurs ?
En outre, l’INAO peut préparer la reconnaissance de nouvelles appellations d’origine et de nouvelles indications géographiques. Dans ce cas, l’adoption de cet amendement reviendrait à exclure l’avis de l’institut !
Je suis hostile à l’affaiblissement du rôle de cette instance, et je confirme la position de la commission en émettant un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Sylvia Pinel, ministre. Sur ce point, le Gouvernement n’est pas du même avis que la commission.
En effet, lors de la présentation du projet de loi initial, le Gouvernement a proposé de recourir aux avis de l’INAO lorsque cette consultation était nécessaire et en tant que de besoin – c’est-à-dire lorsque le nom de l’AOP ou de l’IGP alimentaire est proche de celui que l’INPI a à traiter.
Parmi les quelque quatre-vingts productions locales que nous avons recensées, un certain nombre n’ont pas de lien direct avec une AOP ou une IGP alimentaires. Il en est ainsi de la dentelle de Calais, de la porcelaine de Limoges, de la poterie de Vallauris ou de la tapisserie d’Aubusson !
Le Gouvernement a le souci de la rapidité de la procédure d’homologation ; c’est ce qui m’avait amenée à émettre un avis défavorable sur de précédents amendements.
Oui, nous pouvons bien entendu consulter l’INAO. Il existe d’ailleurs des liens très grands et des habitudes de travail communes entre l’INPI et l’INAO. Une commission les réunit régulièrement. L’objectif de cet amendement, que le Gouvernement soutient, c’est que la procédure soit efficace et rapide. Nous avons identifié onze IG potentielles qui correspondraient à certaines AOP ou IGP. L’INAO et l’INPI travailleront évidemment ensemble à leur sujet.
Il s’agit d’éviter que les coûts soient trop élevés et les délais trop longs pour les entreprises. Encore une fois – et l’exemple des couteaux de Laguiole et de Thiers le montre bien –, l’objectif du dispositif est de permettre à nos entreprises d’être protégées contre des produits de qualité inférieure fabriqués dans des pays très lointains qui ne possèdent pas le même savoir-faire. L’objectif est d’avoir un dispositif législatif et réglementaire qui protège nos entreprises et nos emplois.
Dans certaines situations, comme celles que vous avez évoquées, monsieur Mazars, il faut aller vite ; je pense notamment aux couteaux Laguiole. Utilisons l’INAO lorsque c’est nécessaire, mais laissons à l’INPI le soin d’en juger. Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Mazars, pour explication de vote.
M. Stéphane Mazars. On ne va pas tout ramener à l’exemple laguiolais, mais on sait qu’il existe une AOC Laguiole. Par conséquent, la consultation de l’INAO se fera naturellement et elle aura réellement du sens. En revanche, pour reprendre l’un des exemples cités, je ne vois pas trop l’intérêt de demander un avis à l’INAO sur la reconnaissance d’une IG pour la dentelle de Calais.
J’ai écouté M. le rapporteur, qui a souligné que l’INAO avait une habitude, une expérience, une expertise. Si l’INPI n’est pas en capacité d’avoir la même expertise, il ne fallait pas lui confier la charge de reconnaître les IG des produits manufacturés. L’INPI sera demain en capacité d’apporter le même niveau de service que l’INAO, et l’INAO viendra en complément lorsque ce sera nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. Je soutiens la position de notre rapporteur. Madame la ministre, vous venez, par l’amendement n° 654, de prévoir la consultation du directeur général de l’INAO. Par conséquent, la procédure peut aller très vite : on peut saisir en même temps l’INPI et l’INAO pour gagner du temps. Je ne vois pourquoi on ferait une différence entre l’une et l’autre. En saisissant les deux en même temps, on gagnerait en efficacité et cela nous éviterait d’avoir des problèmes plus tard.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.
M. Joël Labbé. À chacun son domaine et à chacun son expertise. Lorsqu’une expertise complémentaire est nécessaire, on se tourne vers l’expert concerné ; en l’espèce, il s’agira de l’INAO. Je suis sensible aux arguments de Stéphane Mazars et de Mme la ministre. Je voterai donc cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 607 rectifié, présenté par MM. Mazars, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 36
Compléter cet alinéa par les mots :
et est inscrit sur la liste des opérateurs figurant dans le cahier des charges ou sur la liste des opérateurs actualisée et publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle conformément au 5° de l’article L. 721–6
II. - En conséquence, alinéa 44
Remplacer les mots :
la transmet annuellement
par les mots :
transmet les mises à jour
La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Il est prévu que la défense et la gestion d’un produit industriel ou artisanal bénéficiant d’une IG soit assurée par un organisme privé doté de la personnalité morale. Aucun opérateur ne pourra se prévaloir d’une IG s’il n’est pas membre de cet organisme. Le présent amendement vise à préciser que l’opérateur doit également être inscrit sur la liste des opérateurs protégés que l’organisme de défense et de gestion, l’ODG, est chargé de mettre à jour. L’ODG doit aussi transmettre cette liste à l’INPI, qui la publie au Bulletin officiel de la propriété industrielle. Cette précision est essentielle pour garantir la bonne information du consommateur.
Mme la présidente. L'amendement n° 168 rectifié, présenté par MM. César et Paul, est ainsi libellé :
Alinéa 44
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5° Tient à jour la liste des opérateurs, qu'il transmet périodiquement à l'organisme de contrôle et à l'Institut national de la propriété industrielle ;
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. La commission est favorable à l'amendement n° 607 rectifié et, par conséquent, défavorable à l'amendement n° 168 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 168 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n° 169 rectifié, présenté par MM. César et Paul, est ainsi libellé :
Alinéa 46
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Participe aux actions de défense et de protection du nom, du produit, du savoir-faire et du territoire, à la valorisation du produit ainsi qu'à la connaissance statistique du secteur.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement vise à préciser ce que sont les missions de défense et de protection des IG confiées aux ODG. Il s’agirait de défendre et de protéger quatre éléments : le nom, le produit, le savoir-faire et le territoire.
Cette précision me paraît inutile car, à l’évidence, la défense du nom, du produit, du savoir-faire et du territoire fait partie des prérogatives des ODG. Il est même dangereux d’apporter une telle précision, dans la mesure où cela restreint les possibilités d’action des ODG : là où le texte qui nous est soumis leur attribue une mission générale de défense et de protection de l’IG, le texte que vous proposez ne prévoit que ces quatre cas et interdirait donc à l’ODG d’aller au-delà. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.