M. Christian Cambon. Nous le savons tous !
Comment peut-on continuer ainsi ? Nos collègues demandent un peu de cohérence ; je pense qu’il va se passer ce qui est annoncé dans les textes : la métropole va capter toutes les ressources parce que c’est elle qui a le plus de vitalité.
Pour ma part, ma commune appartient à la métropole du Grand Paris, et, dans ce débat, je me retrouve beaucoup dans les propos de M. Favier, président du conseil général du Val-de-Marne. Mais nos amis de la grande couronne doivent se méfier : ils vont effectivement se retrouver en dehors du débat parce que les lois de l’attractivité ne s’inventent pas ici, dans notre assemblée, de manière normative. Elles se règlent par la pratique, par les acteurs économiques. C’est ce qui nous préoccupe, et c’est ce que je voulais faire comprendre !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 244 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° 245 rectifié bis, présenté par MM. Caffet et Madec, Mmes Khiari et Lienemann et MM. Dilain, Eblé, Kaltenbach et Assouline, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La métropole du Grand Paris élabore un projet métropolitain. Ce projet définit les orientations générales de la politique conduite par la métropole du Grand Paris. Il participe à la mise en œuvre du schéma directeur de la région d'Île-de-France. Il comporte un diagnostic général, social, économique et environnemental du territoire métropolitain, des orientations stratégiques pour le développement de la métropole ainsi que des domaines d'intervention prioritaires. Le projet métropolitain peut être élaboré avec l'appui de l'Atelier international du Grand Paris et des agences d'urbanisme de l'agglomération parisienne.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Cet amendement tend à réintroduire dans le projet de loi une disposition figurant dans le texte initial, qui a été maintenue par l’Assemblée nationale et supprimée par la commission.
De quoi s’agit-il ? Il semble utile que la métropole du Grand Paris, compte tenu de son objet et de ses compétences, dont nous continuerons de débattre dans quelques instants, puisse élaborer un projet métropolitain, sur lequel elle appuie son action. Ce document, reposant sur un diagnostic précis, sera une sorte de projet d’aménagement et de développement durable, ou PADD ; il permettra de définir les orientations stratégiques de la métropole – c’est bien l’un des rôles principaux de cette dernière.
Je crois vraiment, mes chers collègues, que nous ne spolions personne en formulant une telle demande.
M. Roger Karoutchi. Il y va fort, quand même !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Depuis un arrêt que le Conseil d’État a rendu en 2005, dans une affaire concernant la commune de Saint-Cyr-en-Val, la différenciation a été très clairement posée entre syndicats mixtes et établissements publics de coopération intercommunale. Les syndicats mixtes sont des structures de moyens répondant à des besoins précis en termes d’exercice en commun de compétences, contrairement aux EPCI à fiscalité propre qui sont aussi, et surtout, des structures porteuses d’un projet commun de développement. (MM. Roger Karoutchi et Louis Nègre acquiescent.)
En première lecture, la commission des lois n’avait pas retenu la référence explicite, dans les compétences de la métropole du Grand Paris, à l’élaboration d’un projet de développement. Nous avions effectivement considéré – tous ceux qui sont aujourd’hui en charge d’une intercommunalité le savent bien – que le PADD, élément central du schéma de cohérence territoriale, le SCOT, constituait précisément le socle sur lequel l’agglomération pouvait appuyer son projet.
Toutefois, la redondance qui découlerait de l’adoption de cet amendement ne diminue en rien la portée juridique du projet de loi et, vous en conviendrez, mes chers collègues, une référence explicite au projet métropolitain peut se concevoir dès lors qu’il est question de favoriser l’affectio societatis dans le cadre de la construction de l’intercommunalité.
C’est pourquoi la commission des lois a fini par émettre un avis favorable sur cet amendement. Tout le monde n’est pas censé savoir qu’un SCOT doit inclure un PADD et que ce dernier est, en soi, le projet de l’agglomération ! Nous acceptons donc, une fois n’est pas coutume, que cette redondance figure dans le texte.
Si, pour mettre en avant le projet de développement, bien qu’il se trouve déjà au cœur du SCOT, nous avons émis un avis favorable sur cet amendement, nous avons néanmoins assorti ce dernier d’une demande de rectification. Connaissant la souplesse innée de M. Caffet, nous ne doutons pas qu’il accepte notre proposition… Il ne nous semble pas utile de prévoir, dans la loi, que « le projet métropolitain peut être élaboré avec l’appui de l’Atelier international du Grand Paris et des agences d’urbanisme de l’agglomération parisienne ». Cette précision n’apporte rien au débat.
Nous souhaitons donc que la dernière phrase du texte de cet amendement soit supprimée.
Mme la présidente. Monsieur Caffet, acceptez-vous de rectifier votre amendement comme vous le demande M. le rapporteur ?
M. Jean-Pierre Caffet. Je ne vois pas d’inconvénient à retirer cette dernière phrase, madame la présidente, et je remercie M. le rapporteur d’avoir rompu avec ses habitudes et d’avoir soutenu cet amendement.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 245 rectifié ter, présenté par MM. Caffet et Madec, Mmes Khiari et Lienemann et MM. Dilain, Eblé, Kaltenbach et Assouline, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La métropole du Grand Paris élabore un projet métropolitain. Ce projet définit les orientations générales de la politique conduite par la métropole du Grand Paris. Il participe à la mise en œuvre du schéma directeur de la région d'Île-de-France. Il comporte un diagnostic général, social, économique et environnemental du territoire métropolitain, des orientations stratégiques pour le développement de la métropole ainsi que des domaines d'intervention prioritaires.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je regrette infiniment que la commission ait changé de doctrine.
On nous dit que la métropole est un EPCI et que l’on portera la plus grande attention à ses compétences, afin d’éviter toute confusion et de faciliter son acceptation. D’ailleurs, la commission a bien veillé à ce que certaines compétences, qui ne sont normalement pas du ressort de la métropole, soient retirées du projet de loi, et j’en remercie M. le rapporteur.
En d’autres termes, on nous demande d’accepter la création de cette métropole, au motif qu’il existe des intérêts communs, tout en nous rassurant sur le fait que ses compétences seront clairement définies. Dans ces conditions, allons-y !... Mais, si l’on veut vraiment éviter de faire naître le doute ou de déclencher ultérieurement des batailles rangées au sujet de tout ce qui n’aura pas été précisément désigné comme étant une compétence de la métropole, il ne faut pas prendre des dispositions qui sèment la confusion.
Je comprends très bien que, en matière de logement ou d’aménagement, la métropole ait un projet, puisqu’on lui donne la compétence dans ces domaines. Mais si l’on commence à prévoir qu’elle peut intervenir de manière globale sur le diagnostic ou sur le développement, on ne sait plus très bien de quoi il s’agit… Ou plutôt, devrais-je dire, on sait très bien ce que cela signifie : comme tout le monde l’a souligné, mes chers collègues de la majorité, vous faites de cette métropole une quasi-collectivité !
C’est dans la nature des choses, en s’attaquant au projet métropolitain, la métropole du Grand Paris va rapidement en venir à suggérer que l’on développe telle ou telle activité économique, que l’on crée une ligne de bus, de métro ou de RER dans tel ou tel secteur mal desservi où l’on souhaitera implanter des logements ou des entreprises. En réalité, au travers de l’élaboration de ce projet, vous allez permettre à la métropole de s’approprier, tous azimuts, des compétences très éloignées de celles que vous lui attribuez aujourd’hui et qui entreront évidemment en concurrence avec les pouvoirs et les capacités des communes. Je ne parle même pas de celles de la petite couronne : elles regarderont passer les mouettes !
Le simple fait de créer la métropole, nous le savons, va engendrer un mouvement. C’est ainsi ! Mais ne vous faites pas d’illusions… Si en plus, vous lui donnez, en dehors de ses compétences, le pouvoir d’établir un projet global, elle aura très vite la capacité d’agir dans tous les domaines, y compris dans ceux qui ne lui auront pas été attribués par la loi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je constate que nous progressons dans nos débats, madame la présidente…
Pour ma part, j’avais l’impression, toute simple, qu’il y avait le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, et qu’il revenait ensuite aux intercommunalités de décliner ce schéma au travers des SCOT.
Il s’agirait, ici, d’élaborer un projet au niveau du territoire de la métropole… Mais les collectivités font ce qu’elles veulent, mes chers collègues ! Il n’est pas nécessaire de l’écrire dans la loi ! En revanche, si c’est un schéma de cohérence territoriale que l’on cherche à établir pour la métropole, celui-ci doit s’inscrire dans le schéma directeur de la région d’Île-de-France.
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Si tel n’est pas le cas, je ne pourrai que m’inquiéter de la situation et ne voterai plus aucune disposition concernant ce « bazar ».
M. Jean-Pierre Caffet. Cette disposition est prévue dans le texte de l’amendement !
M. Jean-Jacques Hyest. Mais, bon sang, pourquoi écrire ce qu’il est possible de faire ? Nous ne pouvons pas légiférer ainsi ! Laissez un peu d’autonomie et de liberté aux collectivités ! La métropole qui sera peut-être créée aura toute possibilité d’élaborer un tel projet si elle le souhaite ! Pourquoi donc l’écrire ? Dans la version précédente de l’amendement, on indiquait même avec qui ce projet pouvait être élaboré, peut-être pour s’assurer que l’on ferait travailler des personnes actuellement en manque d’activité…
Je me refuse à voter tous ces amendements de détail. Créons la structure et laissons aux acteurs locaux le soin de s’organiser !
Mais j’insiste sur ce point qui est le plus important : on ne peut pas prévoir que le projet métropolitain « participe à la mise en œuvre du schéma directeur de la région d’Île-de-France ». Non ! Il doit mettre en œuvre ce SDRIF, qui est prescriptif et s’impose à toutes les collectivités d’Île-de-France.
M. Roger Karoutchi. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest. Je rappelle d’ailleurs, à l’attention de ceux de nos collègues qui ne sont pas de la région d’Île-de-France, que la révision de ce SDRIF est régie par décret,…
M. Roger Karoutchi. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. … justement parce que, considère-t-on, l’importance de la région capitale implique de régler les questions d’urbanisme liées à ce territoire au niveau de l’État.
La disposition proposée me semble donc assez curieuse, et je ne voterai pas cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Je ne saurais mieux dire que Jean-Jacques Hyest, qui a présenté une excellente argumentation. Effectivement, le SDRIF s’impose, et la région n’est pas écartée. Arrêtons de nous faire peur ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
En outre, je trouve assez paradoxale l’attitude de ceux qui, auparavant, plaidaient pour la solution dite « de la marguerite », que j’ai toujours qualifiée de solution au petit pied.
Ce dispositif, reposant sur les EPCI, impliquait notamment le découpage de la Seine-Saint-Denis en trois ou quatre plaques de 400 000 à 500 000 habitants. Ces EPCI, qui avaient bien la compétence en matière de développement économique, étaient soumis aux décisions prises par la région dans le cadre du SDRIF. En créant cette métropole, nouvel EPCI venant remplacer des EPCI de moindre taille, nous restons dans la même logique. Dès lors, pourquoi trouver anormal, à l’échelle de la métropole, ce que l’on acceptait dans le modèle de la marguerite ? Un peu de cohérence, mes chers collègues de la majorité ! Encore une fois, vous vous faites peur !
En tant qu’élus locaux, tous autant que nous sommes, nous savons parfaitement que nous ne pouvons pas travailler en opposition avec la région, notamment parce qu’elle garde la compétence des transports, et que nos projets et nos schémas doivent être entièrement conformes aux dispositions du SDRIF.
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Je suis très surpris par ces débats, qui n’ont pas cours en Bretagne. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Venez en Île-de-France !
Mme Sophie Primas. On échange !
M. Edmond Hervé. Je veux dire par là – en m’appuyant sur mon expérience d’ancien maire de Rennes et d’ancien président d’une communauté d’agglomération qui fonctionne très bien, en parfaite entente avec la région – qu’on constate en Bretagne une certaine transparence et une certaine coopération, quels que soient les acteurs concernés et leur sensibilité.
S’agissant de la proposition de M. Jean-Pierre Caffet, je suis très surpris de voir certains membres de cette assemblée s’opposer à la notion de projet urbain. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Permettez-moi de poursuivre, mes chers collègues. Je vous ai écoutés et je ne vous importune pas, même lorsque certains de vos propos m’énervent !
Expliquez-moi donc… Comment voulez-vous faire fonctionner la démocratie, solliciter les suffrages des uns et des autres sans projet ?
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Edmond Hervé. Comment voulez-vous négocier avec la région ou les autres métropoles sans projet ? Vous tournez le dos, dans ce cas, à la transparence et au dialogue !
Je ne suis pas académicien, mais je sais tout de même distinguer un projet d’un programme ou d’une planification et de toute une série d’éléments de détail.
Lorsque les auteurs de l’amendement écrivent, à propos du projet métropolitain, qu’« il participe à la mise en œuvre du schéma directeur de la région Île-de-France », ils ne contestent en rien ce schéma : il s’agit bien d’une participation, d’une contribution.
Si j’étais président de la région d’Île-de-France, monsieur Karoutchi, je demanderai immédiatement aux représentants des différentes collectivités qui la composent quels sont leurs projets, pour que nous puissions travailler ensemble. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. C’est ce qu’il fait !
M. Christian Cambon. Appelez-le ! Ne vous gênez pas !
M. Edmond Hervé. Je voterai donc, d’emblée, cet amendement.
Chers collègues, ne perdez pas votre temps en vains procès !
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Cher collègue de Bretagne, la Côte d’Azur comprend vos propos ! (Sourires.)
Comme l’expliquait Roger Karoutchi, il existe des territoires, nous en sommes tous témoins, où l’on parvient à construire des ententes transversales. C’est la raison pour laquelle nous sommes très malheureux. En effet, Paris est une ville-monde qui intéresse non pas seulement les Parisiens, mais aussi le Sénat de la France. On ne peut donc que se désoler de voir Paris éclaté, Paris divisé, Paris en miettes... (Sourires.)
M. Christian Cambon. Paris humilié…
M. Jean-Pierre Caffet. Paris métropolisé...
Mme Sophie Primas. Mais Paris bientôt libéré !
M. Louis Nègre. J’étais certain que vous connaissiez vos classiques, mes chers collègues ! (Rires.)
M. Roger Karoutchi. On n’est pas en 1944 !
M. Louis Nègre. Ce Paris en morceaux se bâtit, sous nos yeux, de bric et de broc : on ajoute une brique, d’un côté, on en enlève une, de l’autre, tout en essayant de trouver un équilibre autant que faire se peut. La solution de fond est accouchée au forceps, mais on se rend bien compte que ce n’est pas la bonne.
M’occupant quelque peu de transports, je suis désolé – j’y insiste ! – de ce manque de cohérence, surtout venant de la gauche. Vous attribuez à deux entités différentes, d’une part, le logement, et, d’autre part, les transports. Chers collègues de la majorité, vous pouvez être certains que cela posera des problèmes !
Il manque dans cette région un leadership. Où sont, monsieur Hervé, les grands responsables capables de prendre la main, de rassembler, afin de fixer des objectifs et de construire un projet ?
M. Roger Karoutchi. Pourtant, ils ont le maire de Paris et le président de la région !
M. Louis Nègre. Comme l’a excellemment dit M. le rapporteur, le projet est déjà inclus dans la métropole. D’ailleurs, une métropole sans projet, il ne serait même pas la peine d’en discuter.
Cet amendement, déclamatoire, ne vise qu’à confirmer une position. On se fait plaisir, mais cela ne fait pas avancer le schmilblick. Il ne s’agit que d’un amendement supplémentaire, dont les dispositions n’apportent rien mais disent simplement ce qu’est une métropole. Le présent débat montre que l’on n’est pas encore tout à fait conscient des objectifs que doit porter une telle structure !
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. J’ajouterai seulement quelques mots rapides, car nous devons avancer.
J’ai dit hier soir que j’étais favorable à une métropole puissante, et je continue à suivre cette logique.
J’aurais préféré, monsieur Karoutchi, que l’on choisisse la région.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Vincent Capo-Canellas. Cela nous aurait en effet permis, comme l’a fort bien dit Louis Nègre, de régler à tout le moins les problèmes de l’économie, des transports et des territoires. Ce schéma n’a pas été retenu par le Gouvernement et par la majorité ; j’en prends acte.
Les dispositions de cet amendement, ainsi rectifiées, ne mangent pas de pain, si j’ose dire. Rappeler qu’il faut un projet, c’est simplement donner une direction. C’est un peu déclamatoire, comme l’a dit M. le rapporteur, mais ce n’est pas inutile en soi. J’y suis donc favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Voilà près d’une heure que nous discutons de deux amendements dont je considère, pour ma part, qu’ils sont totalement anodins,...
M. Roger Karoutchi. Mais bien sûr ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Caffet. ... dans la mesure où ils ne modifient pas fondamentalement le texte, et derrière lesquels je puis vous assurer qu’il n’y a aucune intention cachée.
S’agissant des compétences de la métropole, le texte dispose que celle-ci exerce de plein droit, en lieu et place des communes situées sur son territoire, les compétences suivantes : aménagement de l’espace métropolitain, schéma de cohérence territorial, schéma de secteur, etc. Certes, on peut toujours débattre pour savoir s’il faut inscrire ou non cette disposition dans la loi. Pour autant, est-il extravagant d’émettre l’idée qu’un document d’orientation générale peut être utile pour exercer la compétence d’aménagement de l’espace métropolitain ?
Quand une commune élabore son PLU, elle établit un projet d’aménagement et de développement durable, le PADD, afin de définir ses orientations. La loi lui en fait obligation. Il ne s’agit ici que de transposer dans le présent projet de loi relatif aux métropoles ce qui existe au niveau communal. Pourquoi y voir malice ?
Prévoir que le projet métropolitain « participe à la mise en œuvre du schéma directeur de la région d’Île-de-France », en quoi est-ce lancer une machine de guerre contre le SDRIF ?
M. Roger Karoutchi. Pourquoi l’écrivez-vous, alors ?
M. Jean-Pierre Caffet. Les normes juridiques sont pourtant extrêmement claires : le SDRIF s’impose à tous les documents qui lui sont subordonnés en matière d’urbanisme.
En outre, nous disons que ce projet participe à la mise en œuvre du SDRIF, et non à son élaboration.
M. Roger Karoutchi. Ah si, obligatoirement !
M. Jean-Pierre Caffet. Non, monsieur Karoutchi, seulement à sa mise en œuvre ! Si vous voulez détricoter le texte, notamment sur la question des compétences, allons-y !
Un EPCI, quand il est intégré – ce n’est pas le cas partout en Île-de-France –, n’a-t-il pas un projet pour son territoire, comme l’a fort justement dit M. Dallier ? La métropole devrait exercer une compétence, mais surtout ne pas avoir de projet métropolitain ? C’est totalement aberrant !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. René Vandierendonck, rapporteur. Le débat a eu lieu, et l’intérêt du Sénat est que l’article 12 soit voté.
J’ai clairement souligné le caractère redondant de cet ajout et donné, en toute déontologie, la position de la commission des lois, mais je persiste à penser que cet amendement est inutile.
Mme Isabelle Debré. Superfétatoire !
M. René Vandierendonck, rapporteur. À titre personnel, je ne le voterai donc pas.
M. Louis Nègre. Nous sommes d’accord !
Mme la présidente. Monsieur Caffet, l’amendement n° 245 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, si l’enjeu est le vote de l’article 12, j’accepte de retirer mon amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 245 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 419, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer les mots :
approbation du plan local d’urbanisme élaboré par le conseil de territoire
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Nous considérons que le PLU – sujet sensible, s’il en est, pour l’ensemble de nos communes – ne saurait être adopté à l’échelle de la métropole.
Faire approuver le PLU d’une commune par une métropole de 6,5 millions d’habitants, c’est quelque peu kafkaïen ! Selon nous, seul un SCOT est d’une échelle métropolitaine, et les PLU doivent rester des documents locaux, élaborés avec les populations.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Il est un article de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que j’adore, selon lequel la loi « est la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».
Nous n’avons fait que reprendre les termes exacts applicables à la métropole marseillaise. Je ne vois aucune raison de les retirer.
J’émets par conséquent un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Pour le coup, avec cet amendement, nous ne sommes plus dans le déclamatoire : nous entrons dans le vif du sujet, notamment en matière de logement.
Je rappelle une fois encore ce que j’avais proposé dans mon projet de 2008, que M. Favier trouvait trop simple, voire, comme il le disait parfois, simpliste. Peut-être pourrait-il changer d’avis a posteriori et considérer que mon idée était plus satisfaisante que celle qui nous est soumise à présent ?
J’estimais que, outre le SDRIF qui s’impose à tous les documents d’un niveau inférieur, il fallait un plan de développement du Grand Paris, opposable dans les mêmes conditions, et qui fixerait à chacune des communes – dans mon projet, il n’y avait ni EPCI intermédiaire ni conseil de territoire – des objectifs en termes de construction de logement social, de logement intermédiaire et d’accession à la propriété. C’était simple !
Puis, on aurait prévu un mécanisme supplémentaire : un contrat aurait été passé entre la métropole et les maires, ces derniers conservant la compétence en matière de permis de construire – c’est aussi le cas dans le présent texte, sauf dans certains cas, dont nous discuterons –, charge auxdits maires de remplir les objectifs sur le territoire de leur commune, un peu sur le principe de l’article 55 de la loi SRU. Si ces objectifs n’étaient pas atteints, on basculerait alors dans une autre logique.
Ce que je proposais dans mon rapport de 2008 me semblait donc simple et clair.
La logique suivie dans le texte qui nous est proposé par la commission est tout de même beaucoup plus contraignante pour les maires. On peut même parler à leur égard de perte de pouvoir, et je comprends que certains s’en inquiètent.
Pour ce qui est des documents d’urbanisme, il y aura donc, quoi qu’on en dise, un projet métropolitain, mais aussi un plan de développement – c’est prévu –, et les SCOT, avec des schémas de secteur. On nous annonce aussi que la métropole approuvera les PLU définis au niveau du conseil de territoire. Il s’agit d’ores et déjà d’une perte de pouvoir au niveau local.
Toutefois, il y a pire, et j’y reviendrai en présentant mon amendement suivant : on nous dit que le programme local de l’habitat, le PLH, va passer au niveau métropolitain. Cela me laisse pantois !
En effet, le PLH, que je viens d’achever dans ma commune et vais soumettre au comité régional de l’habitat, c’est tout de même de la dentelle ! On examine de manière très précise, sur le territoire de la commune ou de l’intercommunalité, tous les terrains qui peuvent muter, notamment. Or on nous propose ici de remonter son élaboration – pas seulement son approbation – au niveau métropolitain ! Cela me laisse songeur. Je ne vois pas comment cela pourra fonctionner. Je proposerai donc une autre solution dans un amendement qui sera examiné ensuite.
Nous sommes là dans le vif du sujet. Je crains que les solutions proposées ne soient extrêmement difficiles à mettre en œuvre. Pour le coup, les maires se sentiront effectivement dépossédés d’une grande partie de leurs pouvoirs.
Pour ma part, je suis favorable au contrat. Il faut que la métropole fixe des objectifs compatibles avec le SDRIF et que les maires gardent la responsabilité, sur le terrain, de la mise en œuvre de ces objectifs.
Comment répartir sur le territoire communal, par quartier, les objectifs de construction ? La métropole va-t-elle en décider ? C’est une véritable question ! Voilà dans quelle direction nous engage le texte qui nous est proposé.
Aux termes de l’amendement de M. Favier, le PLU serait élaboré au niveau du territoire, mais approuvé par la métropole. On peut considérer qu’il s’agit d’instaurer un dialogue, une co-élaboration : le travail est fait par le territoire, mais c’est la métropole qui le valide.
M. Philippe Dallier. Je peux l’accepter, mais, lorsque nous aborderons le détail du dispositif, j’aurai besoin, certes d’obtenir des précisions, mais aussi de pouvoir modifier le texte. Je trouve en effet que l’on va très loin : on sort de la contractualisation entre les différents échelons, et cela m’inquiète. (Mme Sophie Primas applaudit.)