M. Robert Tropeano. Ils n’ont pas beaucoup baissé !
M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques. … création de 40 000 emplois dans les deux ans, amélioration de la situation, notamment salariale, des salariés et engagement de nouveaux investissements.
La loi de 2009 a renforcé le dispositif, en prévoyant notamment son extension aux ventes à consommer sur place et la création d’un fonds de modernisation de la restauration, qui a cessé d’exister à ce jour.
Après de nombreux aménagements, et alors que le taux réduit de 5,5 % sera malheureusement relevé, au 1er janvier prochain, à 10 %,…
M. Jean-Michel Baylet. Il avait été relevé à 7 % par le précédent gouvernement !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il y a eu un « palier de décompression » !
M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques. … les créations d’emplois ont été au rendez-vous. (Marques de scepticisme sur les travées du RDSE.) Elles sont toujours très difficiles à quantifier, mais sont conformes aux objectifs fixés. Madame la ministre, vous l’avez d’ailleurs récemment reconnu.
Par ailleurs, qu’on le veuille ou non, le dialogue entre chefs d’entreprises et salariés a été renforcé, dans un secteur où il est, traditionnellement, extrêmement difficile, et le régime de prévoyance qui leur est applicable a été amélioré.
Pour ce qui est de l’évolution des prix, elle est très délicate à mesurer, au regard notamment de la diversité de l’offre – du repas à onze euros cinquante, vin et café compris, au dîner dans un restaurant de luxe. Néanmoins, si les résultats diffèrent selon les types de restauration, on peut tout de même considérer que des efforts ont été entrepris, étant entendu que l’importance des intrants n’a pas été neutre pendant la période d’observation – on sait très bien qu’ils ont subi des augmentations importantes. Pour l’heure, il est bien évident que l’on ne peut porter de jugement définitif sur ces niveaux de prix.
La baisse de la TVA ne constituait pas la seule mesure du texte relative à la restauration ; y figurait également la promotion du titre de maître-restaurateur, dont l’instauration devait engendrer une amélioration qualitative de l’offre de restauration.
Délivré pour quatre ans par l’autorité préfectorale à l’issue d’un audit mené par une entreprise privée, ce titre distinctif ouvre droit à un dispositif fiscal incitatif, sous forme d’un crédit d’impôt. À ce jour, le nombre de titres octroyés – 2 500 – est presque conforme aux objectifs fixés – à savoir 3 000 titres.
M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques. Cela dit, le dispositif souffre d’un manque de visibilité auprès du grand public : les consommateurs connaissent peu ce titre. Le Gouvernement a annoncé son intention de le renforcer et de le promouvoir, ce qui est positif.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles actions vous comptez mener à cet effet et quels sont vos objectifs en ce domaine ?
Pour notre part, nous considérons que deux obligations doivent être évoquées devant la profession et acceptées par elle : la reconnaissance de la capacité professionnelle de maître-restaurateur et l’obligation du respect des bonnes pratiques, autre dossier très important, à consolider.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tels sont les divers points que je voulais évoquer ce soir afin de lancer le débat sur ce beau sujet du soutien à l’industrie du tourisme dans notre pays. Le groupe d’études sénatorial du tourisme et des loisirs, que j’ai l’honneur de présider, a déjà mené plusieurs auditions sur ce point. Il continuera de le faire au cours des prochains mois, afin d’apporter sa contribution au débat.
Le tourisme est un atout majeur pour notre économie et nos territoires. Sachons mettre nos acteurs en condition d’apporter la meilleure offre et de valoriser au mieux notre signe distinctif concurrentiel : le formidable potentiel de la France en la matière ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, le tourisme peut se résumer à quelques chiffres simples : 83 millions de touristes en 2012, 7,1 % du PIB, un million d’emplois directs, un million d’emplois indirects. Au-delà, le secteur dispose de nombreux atouts, climatiques, historiques et patrimoniaux et sur un mode de vie que le monde entier nous envie.
Il constitue un secteur à la fois en pleine expansion et en pleine mutation.
En plein développement car, si l’Organisation mondiale du tourisme dénombrait 578 millions de touristes en 2006 – ce n’est pas si lointain –, le seuil du milliard a été dépassé en 2012, et ce chiffre devrait même doubler à l’horizon 2030.
Donc, madame la ministre, le potentiel, pour la France, en termes de croissance et de création d’emplois non délocalisables et en faveur de notre balance des paiements, apparaît donc clairement.
M. Robert Tropeano. C’est sûr !
M. Jean-Michel Baylet. Cependant, cette mondialisation du tourisme s’accompagne d’une compétition accrue entre les destinations, d’une évolution des habitudes en matière de vacances et d’un accroissement de l’exigence des clients.
La loi du 22 juillet 2009 est, selon l’excellent rapport d’information remis notamment au nom de notre commission pour le contrôle de l’application des lois, « applicable à 100 % ».
En tout cas, Atout France apparaît bien comme le bras armé de notre ambition touristique, en concentrant les leviers de promotion de la France au niveau international.
Et, messieurs les corapporteurs, j’ai relevé que votre première préconisation consistait en la création d’un observatoire économique du tourisme. Pour mémoire, un tel observatoire a déjà existé. Je l’avais moi-même créé, en tant que ministre du tourisme. C’était il y a bien longtemps… (Sourires.) Malheureusement, cet observatoire a par la suite disparu, alors que son utilité était avérée. Si, madame la ministre, vous décidiez de le ressusciter (Nouveaux sourires.), il permettrait d’éviter que des officines privées, dont la légitimité reste souvent à démontrer, n’imposent leurs propres statistiques, car vous auriez un outil susceptible de donner des informations fiables et incontestables. D’ailleurs, compte tenu des restrictions budgétaires actuelles, cette tâche pourrait, si nécessaire, être confiée à Atout France.
S’agissant de la gouvernance de la politique touristique, les rapporteurs évoquent des compétences « diluées ». En effet, les débats du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ont abouti à un statu quo. La compétence reste donc, et c’est heureux, partagée entre les différents échelons de collectivités territoriales, qui se sont tous – mais de manière complémentaire – grandement investis dans l’organisation touristique des territoires : la région, pour ce qui concerne la promotion, les conseils généraux, s’agissant de l’aménagement territorial touristique, et les communautés de communes.
Bien sûr, cette situation n’empêche pas des collaborations, entre l’État, les collectivités, mais aussi les acteurs du secteur privé – de telles collaborations sont, d'ailleurs, indispensables.
Le meilleur exemple en est les « contrats de destinations », que vous avez lancés, madame la ministre, et qui ont déjà été expérimentés en Alsace et dans le Tarn-et-Garonne, département qui nous est cher ! Je m’attarderai quelque peu sur ces contrats, dont la particularité tient au fait qu’ils relient un département, une région et un thème afin de mettre en valeur les atouts et la spécificité des territoires.
En Tarn-et-Garonne ont ainsi été mis en avant le tourisme d’itinérance – de Saint-Jacques-de-Compostelle au Canal du Midi –, mais aussi la gastronomie, les produits du terroir, ainsi que le patrimoine bâti et artistique.
Madame la ministre, j’approuve pleinement ce dispositif novateur, car il est souple et permet de densifier l’offre touristique. La « destination France », mes chers collègues, ne doit pas se limiter à Paris et à la Côte d’Azur !
Une autre dimension de l’industrie du tourisme concerne l’aménagement du territoire, en ce qu’elle est un levier pour l’économie locale et en ce qu’elle constitue un complément d’activité pour la ruralité, à travers les gîtes ruraux et les chambres d’hôtes.
L’attractivité des métiers du tourisme nécessite également d’être prise en compte. En effet, environ 50 000 emplois ne sont pas pourvus dans ce secteur d’activité, et ce dans un contexte où les problèmes d’emploi se posent avec une certaine acuité…
Madame la ministre, vous avez confié une mission à M. François Nogué, président du conseil d’administration de Pôle emploi, pour qu’il identifie les obstacles empêchant que ces emplois trouvent preneurs et afin qu’il trace des pistes pour la valorisation de ces professions. Nous attendons ses préconisations avec impatience.
La recherche de l’amélioration de l’accueil des touristes passe aussi par la garantie de leur sécurité. En effet, les touristes constituent malheureusement des proies faciles et l’on a vu, principalement autour des principaux monuments parisiens, s’accroître une délinquance liée à ce public. Nous avons en mémoire les vols subis par des touristes chinois : ces faits divers eurent un grand retentissement dans leur pays et des conséquences dommageables. En réaction, madame la ministre, vous avez œuvré, avec le ministre de l’intérieur, afin de déployer des dispositifs de protection de ces visiteurs. Cette mesure est positive.
Mais l’amélioration constante de notre offre touristique passe aussi par celle de nos établissements hôteliers. La loi de 2009, en refondant leur classification, a modernisé un indicateur obsolète. Cependant, en dépit des efforts, les rapporteurs ont ciblé « un sérieux retard en termes d’équipement et de confort ».
Nous constatons que, si les grands groupes ont bien naturellement les capacités de supporter le poids de cette mise à niveau, les petits établissements peuvent difficilement assumer de tels investissements et doivent faire face à l’accroissement incessant de normes, en particulier en matière de sécurité et d’accessibilité. (Marques d’approbation sur les travées du RDSE.) Sur ce point, je partage l’avis des collègues qui se sont exprimés avant moi à cette tribune.
Madame la ministre, mes chers collègues, internet et les réseaux sociaux ont également bouleversé le secteur, en particulier avec l’apparition de plateformes de réservation, qui entretiennent des relations difficiles avec les hôteliers, principalement à cause des commissions importantes qu’elles prélèvent. Le rapport préconise la définition d’une « véritable stratégie digitale ». Là encore, Atout France me semble être l’interlocuteur idoine.
Parallèlement se sont développées des formes alternatives d’hébergement, à l’instar des chambres d’hôtes ou, plus récemment, des sites de location de vacances entre particuliers, qui soulèvent tout de même des interrogations en matière de réglementation, de concurrence, mais également d’accès au logement.
Enfin, et c’est un sujet important, le problème de l’accessibilité aux vacances pour tous est également posé, et ce pour près d’un Français sur deux, cet été. Si nos compatriotes ne sont pas partis en vacances, c’est principalement pour des raisons économiques.
M. Robert Tropeano. C’est sûr !
M. Jean-Michel Baylet. La question des vacances pour nos compatriotes des milieux les plus populaires est un enjeu majeur. Madame la ministre, quelles actions envisagez-vous ?
En conclusion, ne nous y trompons pas, l’enjeu consiste à conforter notre rang de première destination touristique mondiale. J’ai entendu beaucoup de chiffres et, parfois, des critiques sur la situation de la France en la matière. Mais, quoi que l’on puisse dire, n’oublions pas que la France est, et depuis de nombreuses années, la première destination touristique mondiale. Elle doit naturellement le rester.
Pour ce faire, l’État ne doit pas être omniprésent et omnipotent ; il doit se faire stratège.
Dans ce cadre, le combat que vous avez mené, madame la ministre, pour préserver le budget du tourisme – certes, ce n’est pas le plus important des budgets de l’État, mais il est tout de même de ceux qui n’ont subi aucune réduction – est de bon augure non seulement pour conforter la prospérité du tourisme, que de nombreux autres secteurs d’activité lui envient, mais aussi pour que la France conserve un rang que nombre de ses concurrents lui envient tout autant.
En tout cas, l’attraction du monde, sinon sa fascination, pour la destination France doit sans cesse être amplifiée. Pour vous accompagner dans cette belle et noble ambition, madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien de tout le groupe du RDSE ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, la France est un pays qui compte énormément en matière d’accueil touristique, et ce secteur d’activité représente, pour elle, une ressource très importante. Par conséquent, ce sujet mérite la tenue du débat de ce jour et le rapport d’excellente qualité de nos collègues Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre.
Les aspects territoriaux et sociétaux, l’emploi et la formation aux métiers du tourisme, la notion de « tourisme et de développement durables », ainsi que le poids économique du tourisme selon les activités et les territoires sont autant de sujets incontournables qui ont été fort bien développés dans ce rapport.
Pour l’essentiel, nous partageons le diagnostic formulé. Néanmoins, mes chers collègues, acceptez que nous puissions, sur deux ou trois points, apporter quelques nuances d’ordre écologique.
On peut lire dans ce rapport, par exemple, que le modèle touristique français souffrirait d’un essoufflement dû à l’environnement technique et normatif. Nous l’entendons bien, mais nous tenons à rappeler que tout ne doit pas être possible pour autant : les normes sont également là pour protéger, notamment l’environnement touristique.
La concurrence accrue, qu’elle soit internationale ou qu’elle se niche dans un « marché gris », un marché parallèle, constitue un sujet extrêmement préoccupant, et nous jugeons indispensable de permettre à chacun de trouver sa place dans l’immense marché touristique.
Je ne vais pas reprendre ici tous les éléments de faiblesse que nos rapporteurs ont fort pertinemment répertoriés. Toutefois, il me semble important d’évoquer quelques points complémentaires, qui n’ont pas forcément été abordés jusqu’à présent ou qui ne seront pas repris ultérieurement.
Tout d’abord, vous le savez comme moi, le secteur touristique a parfois tendance à exercer une pression sur les milieux naturels dans le but d’accueillir un nombre plus important de touristes. Il convient d’être particulièrement vigilants sur ce point car, si nous maltraitons l’environnement par certains comportements inconsidérés, nous risquons de tarir à la source la ressource que nous voulons défendre ce soir.
Par ailleurs, certaines collectivités se sont fortement endettées dans une course dévastatrice au suréquipement, avec, dans certaines zones, des problèmes d’adéquation entre les postes à pourvoir et la main-d’œuvre indisponible.
Je ne développerai pas ici les problématiques liées au travail précaire ou à temps partiel, largement répandu dans le secteur, ou encore la question, cruciale, des saisonniers, qui, même si elle n’est pas frontalement abordée, se trouve en arrière-plan du rapport.
Je n’évoquerai pas non plus, cela a été fait, la dispendieuse course aux publicités dans laquelle se lancent les territoires dans le but d’attirer un nombre croissant de touristes. Plutôt que de placarder en tout lieu des affiches qui ne sont pas toujours très attractives, reconnaissons-le, ne faudrait-il pas réfléchir à mieux organiser la visibilité de nos territoires ?
Enfin, avec la crise, les habitudes des touristes ont fortement changé : en moyenne beaucoup plus âgés, les vacanciers recherchent un tourisme plus doux, plus écologique, plus « à la carte ». Chacun veut des vacances moins standardisées, plus naturelles. Peut-être faut-il, à ce niveau, trouver une adéquation entre ces attentes nouvelles et les offres existantes…
De nouveaux marchés prometteurs apparaissent, mais ils s’accompagnent de risques très importants, notamment pour notre environnement. Je pense, en particulier, au point noir que représentent les fameuses centrales de réservation, sans doute plus nocives que bénéfiques au tourisme. Sur ce sujet également, le rapport met en avant des pistes d’amélioration possibles.
Pour notre part, nous aimerions attirer votre attention sur plusieurs objectifs qui pourraient être fixés à une politique plus écologiste du tourisme.
Il faudrait tout d’abord favoriser le tourisme en milieu rural. Effectivement, il n’y a pas que Paris et la Côte d’Azur en France, même si Paris est une très belle ville et la Côte d’Azur une région magnifique ! De très nombreux territoires sont accueillants et ne demanderaient qu’à recevoir plus de touristes. Or certaines zones sont désertes, notamment l’été, alors que d’autres sont surpeuplées. Ne devrait-on pas travailler à améliorer les équilibres en la matière ?
Autre point très important, mais en arrière-plan du rapport, la question des modes d’accès au tourisme est posée. Ne devrions-nous pas, pour l’avenir, encourager des modes d’accès plus doux et collectifs et revoir la sacro-sainte place de l’automobile, qui reste le modèle dominant au moment des vacances d’été ?
Enfin, l’écotourisme, avec le tourisme social et solidaire, est un point qui nous tient particulièrement à cœur. Peut-être pourrez-vous y consacrer quelques développements, madame la ministre. Il convient, selon nous, d’améliorer encore la qualité et la sécurité des emplois dans ce secteur et, peut-être, de faire en sorte que l’écotourisme, qui est aujourd’hui une branche singulière du tourisme dans notre pays, en devienne une part très importante : nous aurions tous à y gagner !
Je souhaite revenir sur la question des normes et des règles, abordée dans le rapport. Nous sommes très vigilants dans ce domaine, notamment concernant les lois Mer et Littoral. Si l’on veut développer le tourisme, il faut évidemment assouplir certaines règles. Mais nous aimerions que ces assouplissements ne soient pas trop importants, car il s’avérerait totalement contre-productif de s’attaquer aux milieux les plus attractifs pour les touristes.
En outre, il nous semble important d’encourager les bonnes pratiques, cette démarche passant notamment par le développement des « chèques vacances écotourisme ».
L’éducation est un autre levier auquel nous croyons fortement. Pour nous, la mise en place, dans le cadre de la réforme de l’école, de parcours artistiques et culturels ou de dispositifs d’éducation à l’environnement est centrale pour permettre l’émergence de comportements citoyens nouveaux et esquisser, en tout cas à l’échelle de l’Hexagone, les contours d’un tourisme plus respectueux de l’environnement.
Pour conclure, et ce n’est pas qu’une anecdote, nous avons pris connaissance avec intérêt de la composition du conseil d’administration du bras armé du tourisme en France, Atout France. Un point nous a frappés, madame la ministre, et il n’a pas pu vous échapper : si nous nous réjouissons de la présence, au sein de ce conseil, de Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat, nous constatons que l’assemblée est à 80 % masculine. Cette surreprésentation masculine nous intrigue beaucoup dans un secteur qui, au demeurant, est entièrement mixte et se doit de l’être dans tous ses compartiments. Une réponse sur ce point sera donc la bienvenue.
Enfin, n’oublions pas que près de la moitié des Français ne partent jamais en vacances. Peut-être cette question représente-t-elle un vrai enjeu, car songez que ces personnes qui, aujourd’hui, ne sont pas des touristes pourraient, demain, être les acteurs d’un tourisme à la fois plus égalitaire et respectueux de l’environnement !
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons avec vous l’idée selon laquelle il est nécessaire de promouvoir et de consolider l’industrie du tourisme qui, comme le rappellent très justement dans leur rapport nos collègues Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre, est une activité structurante pour notre économie et nos territoires.
Deux millions d’emplois sont liés au tourisme et 235 000 entreprises exercent dans le secteur, pour une part de valeur ajoutée dans le produit intérieur brut de 41,6 milliards d’euros : ces chiffres montrent à quel point le tourisme pèse dans notre économie et participe pleinement à l’enjeu majeur que constitue l’aménagement de notre territoire.
Toutefois, au-delà des préoccupations tout à fait légitimes liées au poids économique de cette industrie, le débat qui nous occupe aujourd’hui ne saurait être satisfaisant si étaient ignorés les salariés du secteur, leur statut, leur formation, mais également le droit aux vacances. Vous ne serez donc pas étonnés, mes chers collègues, que j’insiste particulièrement sur ces deux points.
En effet, d’autres réalités s’imposent. Ainsi, un quart des jeunes âgés de cinq à dix-neuf ans, soit trois millions d’enfants, ne sont pas partis en vacances en 2011, selon une étude de l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes. Par ailleurs, le secteur du tourisme est l’un de ceux qui enregistrent une très forte proportion de bas salaires. À cela vient s’ajouter l’importance des emplois saisonniers.
Selon nous, mettre tout en œuvre pour que la France garde sa place d’excellence dans ce secteur aurait donc nécessité, dès 2008, d’intégrer dans la mise en œuvre de cette politique des exigences sociales et des objectifs environnementaux. Cela supposait de disposer de l’appui de l’État – et non son désengagement -, mais également de redéfinir en coopération étroite avec les collectivités territoriales un projet national d’ambition, ancré dans nos territoires.
C’est pourquoi nous ne sommes guère surpris que le bilan de la loi de 2009 soit jugé mitigé par certains, mauvais par d’autres.
Lors de l’examen du projet de loi, nous avions émis de fortes réserves sur des dispositions phare du texte. Je pense à la réforme des statuts des agences de voyages et à leur mise en conformité avec la directive Services. Je pense également au désengagement de l’État par le biais d’une toute nouvelle agence de développement touristique de la France, au transfert des missions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, à des réseaux d’audit au lieu d’un renforcement des moyens de cette administration. Je pense enfin à l’absorption de la Direction générale du tourisme par la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services.
En d’autres termes, nous avons déshabillé le ministère !
Au-delà des dissensions sur le fond, l’austérité budgétaire imposée depuis plusieurs années au tourisme dans les lois de finances a quelque peu neutralisé les annonces bienveillantes en faveur de ce secteur. Dès 2008, nous avions regretté l’absence de moyens pour financer un vaste plan de requalification, pourtant nécessaire, des équipements vieillissants, notamment dans le tourisme social.
On trouve dans le rapport d’information qui vient d’être adopté une autre illustration de cette situation, à travers le cas d’Atout France, agence dont l’insuffisance des moyens ne garantit pas l’effectivité de la mission promotionnelle à l’échelle européenne ou nationale. Mais je veux vous rassurer, madame la ministre, cela ne date pas d’aujourd’hui ! (Sourires.)
Les communes ont également besoin d’une aide financière et d’ingénierie pour mettre en valeur leur territoire. Elles sont maître d’ouvrage la plupart du temps. L’appui des départements et des régions est aussi nécessaire pour rendre visible et mettre en valeur la diversité des territoires dans leur offre touristique. À l’heure où l’on cherche à développer l’économie circulaire, ils ont un rôle à jouer dans la mise en cohérence de cette offre, en coordonnant, par exemple, les efforts d’hébergement, de transport et de restauration.
Au-delà de ces remarques, je voudrais aborder deux sujets en particulier, peu traités il est vrai dans la loi de 2009, si ce n’est à travers les chèques-vacances pour le second. Il s’agit, d’une part, du statut et de la formation des salariés et, d’autre part, du droit aux vacances.
S’agissant du premier point, nous avions regretté que la loi du 22 juillet 2009 n’aborde pas la question des conditions de travail et de la formation des salariés du secteur. Au contraire, elle soumet ces derniers au moins-disant social en prévoyant l’application du droit du pays d’origine. Or, dans le secteur du tourisme, le travail saisonnier demeure trop souvent synonyme d’atteintes au droit du travail, de précarité et de conditions de logement et de santé dégradées. Cette situation empire sous l’effet de la montée du chômage dans toute l’Europe.
Pourtant, cet état de fait est connu et des solutions existent. On pourrait, par exemple, appliquer le droit existant, dont on a trop souvent une connaissance insuffisante, contrôler sérieusement son effectivité et sanctionner sa violation. On pourrait encore réactiver les négociations collectives dans ce secteur très dispersé, où les conditions de véritables discussions ne sont pas toujours faciles à réunir. On pourrait enfin développer des partenariats nombreux entre l’État, les collectivités territoriales, voire d’autres institutions ou organisations.
Avec le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, vous avez initié, madame la ministre, une mission visant à « optimiser le potentiel emploi de la filière touristique française ». Cette mission a été confiée au président du conseil d’administration de Pôle emploi, François Nogué. Les premières conclusions étaient attendues avant l’été. Pouvez-vous nous donner des indications sur leur contenu ?
Par ailleurs, vous avez confié à Pôle emploi la mission d’identifier et pourvoir les 50 000 emplois aujourd’hui vacants dans le secteur du tourisme en France. Pouvez-vous nous donner des informations, cinq mois plus tard, sur les résultats de cette démarche ?
S’agissant maintenant du second point, je voudrais insister sur la nécessité de garantir à tous un droit aux vacances, aux activités touristiques et culturelles, qui sont vecteurs d’émancipation pour les individus.
Aujourd’hui, près d’un Français sur deux ne part pas en vacances. Ce taux est particulièrement élevé chez les enfants d’agriculteurs, 46 %, chez les enfants d’employés, 31 %, et chez les enfants d’ouvriers, 34 %, ces derniers étant beaucoup plus nombreux dans l’ensemble de la population. L’une des raisons principales de cette impossibilité de partir en vacances est le manque d’argent. La moitié des enfants des familles aux revenus modestes – moins de 1 500 euros nets mensuels – ne sont pas partis en vacances en 2011. À peine 6 % de ceux dont la famille perçoit un revenu annuel compris entre 9 000 et 12 000 euros bénéficient d’aides de la caisse d’allocations familiales pour espérer quitter leur domicile pendant les vacances solaires. Aucun de ceux-là ne reçoit d’aides de comités d’entreprise.
Face à ce constat, les collectivités territoriales ont de moins en moins de moyens pour porter une politique ambitieuse de tourisme social. Le recul de grandes entreprises publiques et de grands comités d’entreprise a eu également des conséquences sur les vacances des familles, particulièrement les moins aisées d’entre elles.
La fracture touristique que vous avez évoquée il y a un an, madame la ministre, est bien là. Le 12 novembre 2012, vous avez lancé une mission pour réduire les inégalités en matière d’accès aux vacances. Vous avez annoncé, au titre de vos priorités, vouloir rendre effectif le droit aux vacances pour tous. Allez-vous concrétiser cet objectif dans le projet de loi de finances pour 2014 et renforcer les moyens alloués au tourisme social ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)