Mme Éliane Assassi. La plupart du temps, cette loi n’est pas respectée !
M. François Calvet. … et ce afin de tenter de se rapprocher du quota imposé de 25 % de logements sociaux.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas vrai !
M. François Calvet. Que va devenir la notion de mixité sociale et comment vont se loger les classes moyennes si le secteur privé ne prend pas le relais ?
Ce n’est pas la garantie universelle des loyers, deuxième pilier de votre dispositif de régulation des prix des loyers, qui réglera cette pénurie. Cette disposition est surtout perçue comme un nouvel impôt sur les loyers, payé par le locataire et le bailleur, suivant des modalités qui restent à définir, et géré par un nouvel établissement public administratif.
Cette garantie universelle des loyers n’est que la généralisation obligatoire de deux dispositifs successifs de garantie des risques locatifs qui n’ont pas fonctionné. Je ne pense pas, malgré son universalité, que ce nouveau dispositif fonctionne mieux que les précédents. Il va surtout créer de nouvelles complexités pour les propriétaires, qui seront de plus en plus obligés de passer par des intermédiaires coûteux pour louer leur bien. Il risque aussi d’engendrer un « effet CMU du logement » pour certains locataires.
Est-il pertinent de créer un dispositif obligatoire financé par une nouvelle taxe pour seulement 2 % d’impayés ? Pensez-vous sérieusement que ce nouveau dispositif empêchera les bailleurs de choisir les dossiers les plus solides ? Est-il légitime de créer un nouvel établissement public administratif pour gérer cette garantie universelle des loyers ?
Le remède nous paraît disproportionné au regard de ce qui ne ressemble en rien à une épidémie d’impayés, à moins que vous n’anticipiez un appauvrissement des Français tel qu’il ferait exploser le nombre d’impayés.
Une chose est certaine : ce dispositif ne rassure en rien les bailleurs privés qui vivront cette mesure comme une nouvelle contrainte fiscale et administrative, ni l’immense majorité des locataires qui paient leur loyer et devront s’acquitter d’une taxe supplémentaire.
Par ailleurs, la GUL ajoute au climat d’insécurité pour les investisseurs, qui attendront 2016 pour savoir comment s’appliquera la mesure et avec quel taux. Les effets disproportionnés de ce médicament provoquent déjà, pour un taux minime d’impayés, l’attentisme des investisseurs et la fuite des propriétaires.
Comme il faut bien trouver un peu d’optimisme…
M. François Calvet. … dans ce texte à la tonalité bien sombre, je précise que nous sommes favorables à un meilleur encadrement des professions de syndic et des professions de l’immobilier. Les marges de progrès en matière de déontologie dans ces secteurs sont réelles et se feront au bénéfice des locataires comme des propriétaires.
De même, le projet de loi comporte des propositions utiles pour lutter contre les copropriétés dégradées, même si le message retenu sera celui du renforcement des contraintes sur les bailleurs.
Une meilleure information des acquéreurs avant l’acte d’achat paraît à la fois légitime et nécessaire.
La clarification des relations entre le syndic et le syndicat de copropriété, la mise en concurrence des contrats de syndic et l’aménagement des règles en vue de prévenir la dégradation des copropriétés nous paraissent de bonnes mesures.
La possibilité d’intervention suffisamment en amont de la collectivité publique dans le cadre de copropriétés dégradées peut être un moyen de lutter efficacement contre la précarisation sociale, qui se traduit toujours par un mal-logement.
Nous pensons également que les dispositifs de lutte qui sont proposés contre les marchands de sommeil devraient permettre de faire reculer ce phénomène, sans régler, au demeurant, la situation des victimes.
Je voudrais juste rappeler, dans ce dédale de mesures, la création d’un nouvel établissement public – un de plus ! – chargé de gérer le futur registre d’immatriculation des copropriétés. Il est vrai que ce gouvernement fait preuve d’une appétence particulière pour créer de nouvelles structures, de nouvelles commissions et les impôts qui vont généralement avec ! (M. Charles Revet s’exclame.) Ce réflexe compulsif masque difficilement l’absence de réflexion sur l’optimisation des moyens existants et leur redistribution en fonction des priorités que vous défendez.
À titre d’exemple, dès lors que les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, se voient confier la délivrance des cartes professionnelles des métiers de l’immobilier, pourquoi ne pas leur confier également la gestion de l’immatriculation des copropriétés ? Pourquoi vouloir confier cette activité administrative à un nouvel établissement public, centralisé de surcroît, pour collecter et gérer des données purement locales ? Les CCI savent gérer des répertoires, des statistiques, et ont une vraie connaissance des territoires. Aussi, leur confier un registre des copropriétés paraîtrait pertinent et moins coûteux que de créer une nouvelle structure ad hoc.
Nous sommes également favorables à une plus grande transparence et à une meilleure connaissance de la gestion des demandes de logement, mais le calendrier que vous voulez imposer semble difficile à tenir, au vu de l’ampleur de la tâche. Ramener le délai de la mise en place du plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs du 31 décembre 2016 au 31 décembre 2015 ne me semble pas raisonnable.
Concernant le renforcement de la lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil, je ferai trois remarques.
Vous proposez le régime d’autorisation préalable de mise en location et de déclaration de mise en location de logements sur certains territoires sans aucune étude d’impact préalable, puisque nous ne disposons pas, à ce jour, du rapport qui était prévu sur le sujet par la loi du 18 janvier 2013. Cependant, j’ai noté que Claude Dilain, rapporteur de la commission des affaires économiques, a heureusement, supprimé cette autorisation préalable.
Concernant la lutte contre les marchands de sommeil, les actions pénales sont difficiles à engager et seules les actions de la police administrative sanitaire sont efficaces, mais elles demanderaient des mesures de simplification.
Le reproche majeur que je ferai à votre politique, c’est d’avoir de grandes ambitions avec les moyens des autres. Par exemple, vous voulez confier aux EPCI l’accueil et l’accompagnement au logement de toute personne éprouvant des difficultés d’accès au logement, sans vous interroger sur les moyens.
J’en profite pour rappeler ce qui se passe dans le cadre de la production de logement locatif social. L’ensemble des collectivités gestionnaires des aides financières à la pierre interviennent financièrement sur le volet production et, bien souvent, leur niveau d’investissement est supérieur à celui de l’État. À titre d’exemple, la communauté d’agglomération de Perpignan octroie en moyenne 5 000 euros d’aide directe par logement quand l’aide moyenne directe de l’État s’élève à 3 400 euros.
De même que vous comptez sur les collectivités locales pour financer la production de logements locatifs sociaux, vous comptez sur elles pour financer les dispositifs de veille sociale et d’hébergement. Vous organisez donc le transfert de charges de votre politique vers les collectivités, sans l’avouer.
Madame la ministre, à la lecture de votre texte, nous ne pouvons qu’être inquiets, comme le sont les Français : inquiets d’un État qui ne légifère qu’en fonction du prisme francilien ; inquiets comme ces propriétaires considérés comme des rentiers qu’il faut punir, alors que nos voisins allemands protègent leurs propriétaires,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mais ils régulent les loyers !
M. François Calvet. … car ils les considèrent comme des investisseurs producteurs de services – en conséquence de quoi, ils n’ont pas de problème de logement – ; inquiets d’une loi tentaculaire quand le Président de la République annonce un choc de simplification ; inquiets devant une loi qui va renchérir le coût de l’aide au logement alors que la France est déjà le troisième pays de l’OCDE par l’importance de ses aides au logement en pourcentage du PIB ; inquiets devant une loi qui va accroître l’inefficacité des dispositifs actuels puisqu’elle se concentre une fois de plus sur l’aide à la personne, alors que nos voisins européens se concentrent sur le soutien à l’offre, comme le recommandent tous les experts.
Le logement et la pierre nécessitent confiance et réassurance. Ce texte sème la défiance chez les investisseurs et l’incertitude chez les acteurs du secteur, du fait d’une instabilité juridique et fiscale qui étouffe l’initiative et la prise de risque en France.
Madame la ministre, on a l’habitude de dire que, quand le bâtiment va, tout va. Avec votre texte, on peut être sûr que rien ne va plus, ni pour les propriétaires ni pour les locataires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. C’est un peu excessif !
M. Marc Daunis. Tout en nuances !
M. François Calvet. Compte tenu du faible nombre d’amendements du groupe UMP adoptés par la commission, il est peu probable que nous votions ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous avez entrepris, madame la ministre, voilà dix-huit mois, le lancement d’une fusée à trois étages, dont nous découvrons aujourd’hui, avec le projet de loi ALUR, le dernier niveau.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exact !
M. Daniel Dubois. Je crains malheureusement que votre engin spatial, loin de décrocher la lune, ne reste coincé sur sa rampe de lancement ! (Exclamations amusées.)
M. Marc Daunis. L’image est osée !
M. Daniel Dubois. À chaque audition, chaque fois que la commission s’est réunie pour examiner ce projet de loi, je vous ai interpellée, avec constance, sur le même sujet : le niveau de construction et de rénovation des logements.
Madame la ministre, je suis très pessimiste quant à la situation du logement en France.
M. Charles Revet. Il y a de quoi !
M. Daniel Dubois. Notre pays ne construit pas assez de logements, il en construit moins que les années précédentes : l’objectif de 500 000 constructions annuelles fixé par le Président de la République ne sera pas atteint, vous le savez.
M. Charles Revet. On continue de reculer !
M. Daniel Dubois. Nous construirons cette année, péniblement, je le crains, entre 320 000 et 330 000 logements. Croyez bien que je le regrette, car construire plus est la seule réponse efficace et juste pour endiguer la crise du logement. (M. Charles Revet approuve.)
Madame la ministre, nous le savons, le logement représente, avec la santé et l’emploi, l’une des principales priorités des Français. Il apparaît comme le premier poste de dépense des ménages, particulièrement pour les familles les plus modestes et les classes moyennes.
Malheureusement, les chiffres ne sont pas bons. Au cours du premier trimestre de 2013, seulement 84 000 logements ont été mis en chantier sur l’ensemble du territoire français,…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Les permis de construire ont été délivrés il y a deux ans ! (Exclamations sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. Marc Daunis. L’argument n’est pas totalement faux !
M. François Calvet. Sortez de Paris ! Regardez le reste de la France !
M. Daniel Dubois. … soit 11 % de moins par rapport au premier trimestre de 2012.
M. François Grosdidier. Plus ça va, moins ça va !
M. Daniel Dubois. D’avril 2012 à mars 2013, seulement 315 000 logements ont été mis en chantier, soit une baisse d’environ 18 % par rapport à l’année précédente.
L’opinion des Français est encore plus sévère que la mienne : 83 % d’entre eux jugent qu’il est difficile aujourd’hui de se loger, soit une hausse de 5 points par rapport à l’année dernière. Pis, ils ont le sentiment que la situation s’aggrave.
M. Charles Revet. Oui !
M. Daniel Dubois. Madame la ministre, vous présentez ce texte comme le résultat d’un compromis équilibré et efficace ; pour ma part, j’ai tendance à penser que les mesures proposées sont au contraire injustes et inefficaces.
Tout d’abord, s’agissant des rapports entre locataires et propriétaires, vos propositions ne me semblent pas équilibrées. Je crains que cette loi ne décourage définitivement les investisseurs et je m’en expliquerai à l’aide de trois exemples.
Les locataires, dans un certain nombre de cas, auront désormais six mois pour s’opposer au niveau de loyer fixé d’un commun accord dans le bail. Une demi-année ! C’est long ! Est-ce là ce que vous appelez « une mesure équilibrée » ?
L’acquéreur d’un logement occupé pouvait, à la fin du bail en cours, reprendre celui-ci pour lui-même ou sa famille. Dorénavant, ce n’est qu’à la fin du bail suivant qu’il sera autorisé à habiter le logement qui lui appartient. Est-ce là ce que vous appelez « une mesure équilibrée » ?
De même, alors qu’il était impossible de reprendre un logement à un locataire de soixante-dix ans, vous abaissez aujourd’hui cette limite à soixante-cinq ans, alors que, dans le même temps, le propriétaire devra quant à lui attendre d’avoir soixante-cinq ans, au lieu de soixante ans actuellement, pour être autorisé à habiter son bien !
M. Claude Dilain, rapporteur. Sous condition de ressources !
M. Daniel Dubois. Est-ce là ce que vous appelez « une mesure équilibrée » ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Tout à fait !
M. Daniel Dubois. En matière d’encadrement des loyers, je tiens aussi à vous dire que je suis profondément opposé à la mesure qui figure à l’article 3 du projet de loi pour différentes raisons.
Il s’agit tout d’abord, qu’on le veuille ou non, d’une forme d’étatisation de la relation entre propriétaires et locataires,…
M. Daniel Raoul. Allons-y !
M. Daniel Dubois. … alors que nous sommes face à des contrats de droit privé. Qu’en est-il de la liberté individuelle et du respect de la propriété ?
Ensuite, la création d’observatoires locaux et la responsabilisation des préfets dans la fixation des loyers médians me semblent impraticables. C’est ignorer l’existence des structures observant aujourd’hui le niveau des loyers et qui réunissent les professionnels du secteur.
Enfin, cette mesure d’encadrement risque d’avoir des effets pervers mal mesurés, notamment de conduire à une hausse des loyers pour les ménages les plus modestes dans des zones de grande diversité de loyers. Malgré le tunnel « plus vingt-moins trente » qui est proposé, on imagine que ceux qui sont actuellement sous la fourchette risquent de voir leur loyer augmenter.
Pour ce qui est des fameuses situations exceptionnelles, nous entrons dans un champ de contentieux judiciaire absolument infini entre propriétaires et locataires. Plutôt que d’équilibrer ces relations, madame la ministre, vous êtes en train de les complexifier et de les judiciariser. Comme souvent dans ce cas, c’est le plus faible qui se trouve encore mis en difficulté.
Objectivement, c’est non pas d’un corset qu’a besoin le logement, mais d’oxygène !
M. Charles Revet. Exactement !
M. Daniel Dubois. Concernant la garantie universelle des loyers, je laisserai mes collègues s’exprimer, notamment pour rappeler que, si nous en soutenons la philosophie, nous ne soutenons pas le dispositif complexe et coûteux que vous proposez.
Sur la question des propriétés dégradées et du traitement de l’habitat indigne, je ne peux que saluer, comme la plupart de mes collègues, sur quelque travée qu’ils siègent, les mesures prises, qui reflètent l’urgence de la situation, le constat partagé par tous et la volonté de trouver des solutions efficaces.
Avant de conclure, je souhaiterais naturellement évoquer les questions d’urbanisme abordées par ce projet de loi. Les articles concernés reflètent le manque de confiance que ce gouvernement accorde aux élus locaux et je pèse mes mots, madame la ministre. Une recentralisation forcée, rampante de la compétence urbanisme est en cours et vous êtes aux manettes !
Bien sûr, il y a le fameux article 63 et la question des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI. Vous le savez, je me suis opposé au transfert obligatoire de la compétence urbanisme aux intercommunalités. Je ne suis pas hostile, je l’ai toujours dit, à l’élaboration du plan local d’urbanisme au niveau communautaire, mais cette évolution doit relever de l’initiative locale, elle doit venir d’une volonté commune des maires constituant les EPCI. Vous avez senti, madame la ministre, mes chers collègues de la majorité, la fronde monter dans les territoires et parmi tous les maires, à qui vous proposiez finalement de se dessaisir de l’une de leurs compétences fondamentales. Si notre rapporteur a modifié le dispositif prévu à cet article, je le trouve, mon cher collègue, encore pire, parce qu’il prévoit toujours un transfert obligatoire, auquel s’ajoute une minorité de blocage tellement basse qu’elle sera sans cesse utilisée. Pourquoi ne pas en rester à la situation actuelle, en faisant confiance, tout simplement, à la volonté des élus locaux ? Je ne comprends pas cette obstination.
Concernant les relations avec les collectivités locales, un certain nombre de transferts s’opèrent de façon déguisée, ou à retardement, sans les financements qui devraient y être liés. Je pense notamment à l’hébergement en centre d’accueil de demandeurs d’asile.
Enfin, je crois que l’article 58 sur les schémas de cohérence territoriale, les SCOT, aura des conséquences négatives sur l’urbanisation. Certaines mesures vont définitivement geler des territoires, toujours les mêmes : les territoires ruraux. J’en reparlerai au cours de la discussion.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Daniel Dubois. Là encore, je crois qu’à vouloir réglementer toutes les communes comme si elles étaient en Île-de-France, on bloque les initiatives et on ne fait pas progresser les territoires.
En conséquence, j’ai déposé un certain nombre d’amendements répondant aux craintes que je viens d’évoquer. Mes collègues du groupe UDI-UC en ont fait de même. Nous vous offrons ainsi, madame le ministre, un large spectre de propositions. Nous souhaitons être entendus avant de nous prononcer définitivement sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP – M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis, applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans un contexte de crise économique et financière, l’accès au logement pour tous est aujourd’hui en France au cœur de toutes les inquiétudes.
En effet, le logement est devenu au fil des dernières décennies un facteur de discrimination, de paupérisation, voire d’exclusion. Ainsi, les locataires, outre que leur taux d’effort est le plus élevé parmi toutes les catégories d’occupants, ont vu leur situation se dégrader nettement.
Quelque trois millions d’entre eux connaissent en effet un taux d’effort supérieur à 35 %, cet effort pouvant représenter jusqu’à la moitié de leur revenu. Le taux d’effort d’un quart des ménages les plus modestes est deux fois plus important que celui des ménages les plus aisés. C’est considérable !
Certes, il existe des disparités géographiques, mais le problème du logement ne concerne pas que les grandes métropoles. Ainsi, 11 % des ménages vivant dans des villes de moins de 100 000 habitants présentent un taux d’effort qui atteint également le seuil de 50 %.
Face à la persistance de situations de « non-logement », de « mal-logement » et de hausse exorbitante des loyers du parc privé, vous avez pris, madame la ministre, deux mesures concernant ce parc.
La première, un décret du 20 juillet 2012, porte sur l’encadrement de l’évolution des loyers à la relocation. La seconde est un nouveau dispositif d’incitation fiscale à l’investissement locatif. Ce dispositif se veut, certes, plus social que ceux qui l’ont précédé, puisqu’il vise à proposer à la location des logements à loyers plafonnés. Il n’en reste pas moins qu’il coûtera plus d’un milliard d’euros aux finances publiques. Vous confirmez ainsi que l’engagement de l’État pour la construction repose sur le recours aux investisseurs privés. Est-ce la meilleure façon, madame la ministre, de s’attaquer à ce que vous nommez « l’économie de la rente » ? Nous ne le pensons pas.
De plus, ces deux mesures n’ont pas répondu aux besoins existants, au regard des objectifs contradictoires des acteurs concernés. Alors que les propriétaires bailleurs sont en quête du meilleur rendement pour leur investissement, les locataires doivent quant à eux concilier recherche de la qualité de vie et contrainte budgétaire. L’État, pour sa part, doit éviter les dérives d’un marché concurrentiel et assurer la justice sociale. Satisfaire à l’ensemble de ces contraintes n’est pas chose aisée, nous en convenons. C’est pourquoi nous attendons beaucoup de ce troisième volet législatif, bien que vous ayez annoncé que ce projet de loi ne coûterait rien.
Toutefois, madame la ministre, nous tenions à saluer votre volontarisme, dont le présent projet de loi porte la marque. En particulier, poser le principe d’un encadrement des loyers et d’un rééquilibrage des relations entre bailleurs et locataires, c’est reconnaître l’existence d’un marché malade, malade sous l’effet de la spéculation et de la recherche effrénée du profit, parfois au détriment du plus élémentaire respect de la dignité humaine. Ce phénomène a nourri ces dernières années un renchérissement excessif des quartiers centraux et péricentraux, qui oblige les classes moyennes et populaires à quitter ces zones et à s’installer toujours plus loin, renforçant ainsi l’étalement urbain.
De plus, la hausse du prix du foncier, et par conséquent celle des prix immobiliers, s’avère défavorable à la compétitivité de l’économie française. Le projet de loi de finances pour 2013 souligne en effet que les prix de l’immobilier sont à l’origine de surcoûts pour les entreprises, car, au-delà de la menace que fait peser le risque d’un effondrement de l’immobilier sur l’ensemble de l’économie, la croissance urbaine de plus en plus étalée, l’augmentation de la durée des déplacements quotidiens, les freins à la mobilité, ou encore les taux d’effort élevés consentis par les ménages pour se loger représentent des coûts individuels, mais aussi collectifs.
Ces prix anormalement élevés conduisent à l’endettement excessif de certains propriétaires modestes qui n’ont plus la capacité de faire face à leurs obligations, ce qui entraîne des tensions dans la gestion des copropriétés ainsi que leur dégradation, au profit de syndics et de gestionnaires de biens parfois peu scrupuleux. À cet égard, nous saluons les mesures qui ont été prises pour mieux encadrer la profession immobilière et pacifier les relations au sein des copropriétés. Nous nous associons également à votre volonté de développement et de valorisation de l’habitation participative.
En matière de protection des plus démunis, l’extension de la trêve des expulsions, mais sans la variation géographique, est une bonne chose, de même que le maintien de l’APL, l’aide personnalisée au logement, en cas d’impayés, ou le renforcement des procédures de prévention des expulsions. Nous nous réjouissons, à ce titre, de l’adoption en commission de notre amendement visant à interdire les expulsions manu militari.
Toutefois, des progrès restent à accomplir dans ce domaine, aussi avons-nous déposé des amendements tendant à interdire les expulsions de personnes confrontées des difficultés économiques et à étendre l’obligation de saisine des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, ou CCAPEX, à tous les bailleurs.
Par ces amendements, nous voulons également revenir sur le dispositif permettant l’expulsion de locataires solvables en cas de sous-occupation d’un logement social introduit par la loi Boutin, loi que vous n’avez d’ailleurs pas remise en cause, madame la ministre, alors qu’elle a autorisé la perception de surloyers pour les locations de logements en HLM, un abaissement des plafonds de ressources pour l’accès à ce parc, ou encore la vente du patrimoine de logements sociaux.
Pour mettre fin à l’envolée des prix, qui amenuise le pouvoir d’achat des locataires, vous proposez la définition d’un loyer médian qui serait variable sur l’ensemble du territoire, avec deux tempéraments.
S’il part d’un bon présupposé, la réussite de ce mécanisme n’est cependant pas assurée. Ainsi, pour nous, ce dispositif présente l’inconvénient majeur de graver dans le marbre l’état du marché locatif à un moment où le niveau des loyers est anormalement élevé.
De plus, la définition du loyer médian de référence pose problème et restera de fait trop élevée, car elle s’appuie uniquement sur des données transmises par les professionnels de l’immobilier. Pour le diminuer, nous vous proposerons que ce calcul prenne également en compte les loyers du parc public, en excluant ceux des meublés et des micrologements.
Par ailleurs, madame la ministre, ce mécanisme, par un effet de ricochet, risque à terme d’entraîner un renchérissement des loyers s’il n’est pas bien verrouillé. Selon nous, le risque est que les propriétaires qui réclamaient des loyers bas se sentent autorisés à les augmenter au niveau des loyers médians et, pourquoi pas, au niveau du loyer médian majoré. En effet, rien n’indique dans le texte que le plafonnement spécifique pour les loyers à la relocation résultant de la loi de 1989, qui ne peuvent dépasser l’ancien loyer majoré de l’évolution de l’indice de référence des loyers, l’IRL, primera sur le dispositif législatif proposé. À moins que vous puissiez nous apporter des assurances sur ce point, nous vous proposerons donc d’intégrer dans ce projet de loi le principe du décret d’encadrement à la relocation.
Nous vous proposerons en outre de supprimer les majorations du loyer médian, car cet effet d’aubaine risque d’entraîner à terme le renchérissement des loyers dans toutes les zones concernées et pour tous types de logement. L’effectivité de l’encadrement des loyers en serait gravement affaiblie, ce dispositif se contentant d’accompagner la hausse des loyers, ce que nous pourrions fortement regretter !
Enfin, madame la ministre, il faut garder à l’esprit que ce mécanisme repose sur une démarche du locataire. Or celui-ci, notamment en zone tendue, n’entreprendra que très rarement les recours nécessaires, étant donné la difficulté de se reloger ; qui plus est, votre texte ne prévoit aucun moyen humain pour s’assurer que l’encadrement que vous proposez est bien respecté.
Au vu de la situation actuelle, il faut que les loyers baissent, ne serait-ce que par comparaison avec les autres capitales européennes. C’est pourquoi nous vous proposerons un gel des loyers, pendant trois ans, tant dans le secteur public que dans le secteur privé.
À cet égard, comme le souligne le Conseil constitutionnel, le droit de propriété a connu une certaine plasticité à travers notre histoire et n’est donc pas absolu. En effet, la jurisprudence du Conseil distingue la privation du droit de propriété de la limitation des conditions de son exercice. L’article XVII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’exclut pas que le législateur puisse apporter des limitations à l’exercice de ce droit.
De surcroît, vous le savez, madame la ministre, près de 72 % des Français sont aujourd’hui favorables à un gel des loyers limité dans le temps. Comme vous l’avez rappelé, les propriétaires privés possèdent « un patrimoine moyen plus de trois fois supérieur à celui de l’ensemble des ménages » et « deux tiers d’entre eux jouissent d’un niveau de vie supérieur à celui de 80 % de la population. » Avouez qu’un gel des loyers ne serait donc qu’une juste contribution de leur part à la solidarité nationale, après des années de cadeaux fiscaux !
Fondamentalement, la crise du logement actuelle ne pourra être contenue que par une régulation contraignante du marché et le problème principal reste le renforcement de l’offre, qui n’est malheureusement pas prévu par le présent projet de loi. Qu’en est-il aujourd’hui de la volonté du Président de la République de construire 500 000 logements en 2013 ?