M. Philippe Dallier. Bonne question !
Mme Mireille Schurch. Concernant la garantie universelle des loyers, la GUL, il existe actuellement deux types de dispositif pour les propriétaires : la garantie des loyers impayés et la garantie des risques locatifs. Ces deux mécanismes, vous l’avez vous-même souligné, ne fonctionnent que très partiellement. La GUL se veut donc un mécanisme universel de protection des bailleurs contre les impayés, ce qui, j’y insiste, est une bonne chose pour les petits propriétaires.
Toutefois, le présent projet de loi laisse planer de nombreuses incertitudes en renvoyant à une multitude de décrets ultérieurs. Il est sûr, en revanche, que cette « garantie » serait payée par les bailleurs et les locataires à hauteur de 1 % du montant du loyer chacun, sans que cela puisse faire l’objet d’une vérification.
Si les bailleurs disposent, avec la GUL, d’une réelle assurance en cas d’impayés, les locataires devront quant à eux rembourser leurs impayés dans tous les cas. Ce dispositif apparaît à ce titre particulièrement déséquilibré, d’autant que c’est à la GUL de déterminer si le locataire est de bonne foi ou non. C’est pourquoi nous proposerons l’intégration de représentants des locataires, qui détiennent une solide expertise, dans le conseil d’administration de la GUL, ainsi que la suppression des pénalités de retard pour impayés, véritable « double peine » appliquée à des personnes en situation déjà très difficile.
Enfin, la GUL risque de stigmatiser un peu plus les locataires fragilisés, puisque l’inspection générale des finances recommande la création d’un « fichier des baux » pour écarter les mauvais payeurs du dispositif et en garantir l’équilibre économique. Concrètement, avant de louer, le bailleur devra s’assurer que son futur locataire n’est pas inscrit au fichier des mauvais payeurs. En cas d’impayés, ce rapport recommande la saisie sur salaires, comptes bancaires ou allocations familiales. Après le fichier positif en matière bancaire, c’est donc un fichage des pauvres à grande échelle qui nous est proposé. Cette mesure nous paraît des plus dangereuses. Nous regrettons que les effets les plus dévastateurs de la loi Boutin n’aient pas été remis en cause, mais nous en reparlerons plus longuement au cours des débats.
Nous attendons beaucoup de ces derniers et nous serons très attentifs, dans les prochains jours, à l’évolution du présent projet de loi, même si nous pensons que ce n’est pas le secteur privé qui sortira le pays de la crise du logement que nous connaissons.
Un bilan d’étape serait opportun, madame la ministre, afin d’évaluer les conséquences de l’encadrement des loyers à la relocation ainsi que celles des différentes politiques fiscales incitatives, qui ont pesé sur les finances de l’État sans produire le moindre effet en termes de baisse effective des loyers ou de ralentissement de leur hausse.
Pour notre groupe, les politiques à mettre en place doivent fluidifier l’accès aux logements existants, stimuler la construction et s’appuyer sur un parc public renforcé. Pour construire plus, il faut donc mobiliser davantage de foncier non bâti, mais aussi densifier. Or, sur ce point, la déception est forte au regard des débats qui s’étaient tenus dans cet hémicycle l’an dernier. En effet, le projet de loi n’apporte aucune vraie réponse à la question foncière, car il se limite, pour l’essentiel, à des améliorations très techniques et très marginales, notamment sur le droit de préemption. Or la question foncière est décisive, car elle détermine les prix de l’immobilier et donc le niveau des loyers.
Sur le fond, les réformes successives de la fiscalité locale et la crise que nous traversons rendent de plus en plus difficile l’exercice du droit de préemption par les collectivités locales qui ne disposent tout simplement plus des ressources pour l’exercer. Il est donc difficile de croire que ces seules mesures permettront de dynamiser ce droit. Le projet de loi aurait dû s’engager à la création de nouveaux outils fonciers et à un travail réel sur la définition même de la valeur foncière. Il est urgent notamment de redéfinir le rôle de l’administration des domaines qui aujourd’hui fixe le prix des parcelles en fonction des prix du marché.
De plus, des mécanismes doivent être inscrits afin de lutter contre la spéculation foncière en bloquant la valeur des terrains au moment de la définition d’un projet d’aménagement. À cet égard, nous proposons de sanctuariser des terrains dans un but de construction de logement à travers la création d’une agence nationale foncière,…
M. Philippe Dallier. Une de plus !
Mme Mireille Schurch. … afin de figer les prix du foncier. Nous vous proposerons aussi d’encadrer l’enrichissement sans cause, dans le cadre d’opérations d’aménagement, et d’étendre le droit de préemption.
En ce qui concerne le volet urbanisme, ce texte confirme la volonté de renforcement des compétences des intercommunalités au détriment des communes, ce qui s’inscrit dans le projet de décentralisation proposé par le Gouvernement. Au final, toute la politique du logement et de l’utilisation des sols est confiée aux intercommunalités ou aux métropoles.
Nous sommes, à ce titre, opposés à la création d’un PLU intercommunal obligatoire. Les maires ne seraient-ils plus en capacité d’exercer ce droit pourtant fondamental qui leur est confié jusqu’à aujourd’hui ? Cette idée se nourrit d’une forme de déconsidération, voire de mépris pour ces élus, ce que nous ne pouvons accepter.
M. François Grosdidier. Très juste !
Mme Mireille Schurch. Nous pensons que le PLU intercommunal doit demeurer une possibilité, une compétence optionnelle comme aujourd’hui, fondée sur la création d’intercommunalités de projet et non de contrainte.
M. Jackie Pierre. Très bien !
Mme Mireille Schurch. La validation d’un PLU par les conseils municipaux doit rester la règle. Nous avons déposé des amendements en ce sens.
De plus, ce mouvement vers plus d’intercommunalité s’accompagne d’un désengagement de l’État qui rompt avec les précédentes expériences de décentralisation. J’en veux pour exemple le rehaussement du seuil à partir duquel les communes peuvent prétendre à un soutien de l’État pour l’instruction des autorisations d’urbanisme. Or l’État est le garant de l’égalité sur l’ensemble du territoire et, à ce titre, il doit soutenir les communes dans leurs politiques d’urbanisme. C’est pourquoi nous avons proposé de renforcer les moyens financiers des collectivités territoriales – une proposition de loi déposée par mon collègue Gérard Le Cam tendait à établir un traitement plus égalitaire entre les communes –, tout en rappelant que l’État doit rester le garant de l’égalité sur l’ensemble du territoire et qu’il doit, à ce titre, soutenir les communes dans leurs politiques d’urbanisme.
Dans le même ordre d’idées, nous avons déposé des amendements afin de maintenir la responsabilité de l’État à la fois sur le droit au logement opposable, ou DALO, et sur les politiques d’insertion et d’hébergement qui constituent des missions régaliennes.
En conclusion, nous serons attentifs à ce que ce projet de loi ne soit pas une simple mesure médiatique d’affichage de la bonne volonté du Gouvernement. En effet, outre le contexte économique et la nécessité de garantir à tous un accès au logement, il faut aussi garder à l’esprit que la Commission européenne a décidé de faire la guerre au logement social en censurant la politique universaliste pratiquée aux Pays-Bas. Cette question présente un intérêt particulier dans la mesure où, dans notre pays, l’Union nationale de la propriété immobilière a déposé en mai 2012 une plainte auprès de la Commission européenne dénonçant les distorsions de concurrence induites sur le marché du logement du fait des organismes d’HLM. Nos amendements visent toujours à garantir et renforcer le droit au logement, et à rappeler, madame la ministre, que le logement n’est pas une marchandise, mais un bien essentiel pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, et sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’emploi, l’éducation, la santé et la sécurité, le logement est pour nos concitoyens une priorité, pour nombre d’entre eux un problème du quotidien, accentué par la crise économique et financière. Cette crise du logement porte atteinte au pouvoir d’achat des Français, à leur mobilité professionnelle, à l’épanouissement de leurs enfants, souvent à leur santé.
Or que constatons-nous depuis longtemps ? Le bilan est le suivant : hausse des loyers et des prix du logement, réticence des propriétaires, demande en logement social exponentielle, DALO ineffectif, habitat indigne, copropriétés dégradées… Nous le savons, la plupart de ces problèmes trouvent leur origine dans l’insuffisance du nombre de logements. On n’a pas, dans notre pays, anticipé les évolutions démographiques et sociétales.
Pour nous, la solution, l’urgence, c’est d’abord de construire. Pour atteindre cet objectif, il faut plus de volonté, plus de financements, plus de foncier, plus de liberté, ce dernier point n’étant pas contradictoire avec une action forte de l’État. La France a abandonné la planification et l’aménagement du territoire, notre groupe ne cesse de le rappeler. S’il est un secteur exemplaire de cet abandon, ces dernières années, c’est bien celui du logement et de la construction.
C’est à l’État de planifier, d’avoir une vision prospective. Il ne l’a point fait, accumulant, à chaque nouveau ministre du logement, lois, décrets et circulaires, autour de dispositifs dont la caractéristique essentielle est de laisser le nom du ministre dans le catalogue desdits dispositifs.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pas le mien !
M. Jacques Mézard. Il est donc naturel et justifié de vous rappeler, madame, que vous êtes en titre d’abord ministre de l’égalité des territoires et ensuite du logement.
M. François Calvet. Bravo !
M. Jacques Mézard. Nous aurions ardemment souhaité que cet objectif d’égalité des territoires soit aussi au cœur de vos projets relatifs au logement, parce que la politique du logement est l’un des moyens essentiels susceptibles d’orienter une vraie politique d’aménagement du territoire. Force est de constater que tel n’est pas encore le cas.
Or notre pays souffre aujourd’hui d’une fracture territoriale aggravée : on n’en finit pas de concentrer les habitants là où il y en a déjà trop et de désertifier de vastes espaces où le sentiment d’abandon est devenu terrible. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Oui, il faut agir vite pour relancer la construction et faciliter les opérations visant les économies d’énergie ! Cependant, il est tout aussi urgent de définir les grandes lignes d’une politique prospective d’aménagement du territoire. Votre projet de loi, amendé par l’Assemblée nationale, comporte un certain nombre de dispositions que nous considérons comme positives, mais il souffre fondamentalement d’une enflure technocratique et bureaucratique, voire de contradictions.
Nous avons un impérieux besoin de simplification, afin de gagner du temps et de l’argent sur les processus administratifs. Votre projet simplifie un peu, mais ajoute tant de nouvelles contraintes ! À l’inverse, sur l’innovation qu’est la garantie universelle du logement, le projet se contente d’une affirmation de principe, nous laissant surtout des interrogations et renvoyant presque toutes les réponses à la partie réglementaire qui risque d’être une machine très compliquée.
Nous voulons bien vous donner quitus de votre volonté d’affronter cette terrible crise du logement. En un an, nous avons eu le Duflot 1, le Duflot 2, le Duflot 3, c’est-à-dire la loi d’habilitation visant à accélérer la construction, et nous voilà donc avec un Duflot 4 !
Vous le savez, une loi n’est pas une baguette magique et, si j’en juge par les derniers chiffres, malheureusement le succès n’est pas encore au rendez-vous, mais ce n’est pas de votre fait, puisque d’autres politiques ont été suivies pendant de nombreuses années. On évalue aujourd’hui le besoin autour de 450 000 logements par an. Au cours des douze derniers mois, on compte un peu plus de 300 000 mises en chantier, dont 160 000 concernant des logements collectifs.
Cela étant, je mesure les avancées qui ont été réalisées pour mobiliser les financements et les acteurs, notamment Action Logement et les organismes d’HLM avec qui une relation contractuelle apaisée a été rétablie, après une mise sous tutelle et une ponction injustifiable opérées par le Gouvernement précédent.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Toutefois, il faut aller plus loin. En matière de logement comme ailleurs, les questions budgétaires sont le nerf de la guerre ; nous devons revenir sur la baisse des aides à la pierre décidée antérieurement et sur certaines mesures fiscales.
Nous constatons également des avancées dans la lutte contre une maladie bien de chez nous, l’inflation normative et la bureaucratie. Suite au « choc de simplification » annoncé à la fin du mois de mars par le Président de la République, un moratoire a été décidé sur l’instauration des normes techniques. C’est une bonne chose, mais deux ans, selon nous, ne sont pas suffisants quand on connaît les délais de lancement et de réalisation des chantiers de construction.
Vous nous avez aussi présenté une loi d’habilitation à laquelle nous avons apporté notre soutien, malgré notre réserve sur le recours aux ordonnances.
Cependant, cette volonté de simplification s’est arrêtée à ce texte d’habilitation. Que dire en effet de celui que vous nous présentez aujourd’hui qui compte près de 150 articles et 330 pages ? La créativité de nos collègues députés y est certes pour beaucoup, puisqu’ils y ont ajouté plus de soixante-dix articles. Je tiens à ce propos à saluer nos rapporteurs qui ont imposé à ce texte une cure d’amaigrissement très souhaitable.
Ce projet de loi crée donc encore, malheureusement, un choc de complexification, en multipliant les documents types, les attestations, les procédures, les organismes, les accréditations… Nul doute qu’il rendra demain laborieuse et risquée la gestion d’une location ou d’une vente par le propriétaire lui-même. Nous défendrons plusieurs amendements visant à rétablir un peu de fluidité dans ce parcours.
Sur le plan local d’urbanisme intercommunal, le PLUI, bien que nous soyons favorables à son principe, nous ne pouvons que déplorer la manière dont vous avez initialement pensé l’intercommunalité, c’est-à-dire avec un bâton vis-à-vis des communes ! Votre projet de loi initial ne pouvait que susciter des blocages et la mise en concurrence des territoires. Une telle évolution, si elle est souhaitable, nécessite du temps et un dialogue entre les maires et l’intercommunalité.
L’amendement du rapporteur, adopté par la commission des affaires économiques, témoigne d’une écoute de l’inquiétude des maires en instaurant une minorité de blocage. Nous avons été tentés de faciliter encore l’action de cette minorité mais, si ce compromis a des chances d’être retenu par l’Assemblée nationale, nous en resterons là. La garantie que le texte restera inchangé après une deuxième lecture par l’Assemblée nationale est certes difficile à apporter – dans ce domaine, nous devons nous contenter d’espérer !
S’agissant toujours de l’urbanisme, nous sommes favorables aux dispositions visant à renforcer le rôle intégrateur des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, et la densification ainsi que, dans une certaine mesure, à celles visant à lutter contre l’étalement urbain.
Quant à l’urbanisme commercial, il n’y en a plus ! Je fais quoi qu’il en soit confiance à madame la ministre du commerce pour atteindre l’objectif de simplification.
En ce qui concerne la garantie universelle du logement, la GUL, nous reconnaissons qu’un tel dispositif présente un intérêt : répondre à l’inégalité d’accès au logement pour les locataires qui ne disposent pas de caution ou ne répondent pas aux exigences, parfois démesurées, de certains propriétaires, soutenir également les propriétaires dont certains sont aussi précarisés par un investissement locatif qui se transforme parfois en cauchemar, faute de paiement du loyer.
Cela étant, nous ne savons rien, dans ce texte, du financement de la GUL, de sa mise en œuvre, de ses effets sur les procédures d’expulsion et de résiliation. En outre, comment mutualiser sans déresponsabiliser ? Le projet de loi n’évoque même pas le recouvrement des impayés… Nous considérons que ce n’est pas raisonnable ! Dans l’attente de précisions de votre part, madame la ministre, sans adopter une position de principe négative, nous ne saurions voter en l’état le dispositif.
En ce qui concerne l’encadrement des loyers, nous admettons la nécessité de réguler les augmentations brutales de loyers pour protéger les ménages modestes, tout particulièrement dans les zones tendues, mais nous craignons que la complexité du dispositif, avec trois loyers médians de référence et un complément exceptionnel, ne provoque des incompréhensions et des contentieux.
Enfin, s’agissant des relations entre bailleurs et locataires, évitons de préjuger trop souvent de la culpabilité ou de la cupidité systématique des propriétaires. Nous avons besoin des propriétaires et de leur investissement !
MM. Jean-Claude Lenoir et François Calvet. Très bien !
M. Jacques Mézard. Quant au volet relatif à l’habitat indigne et aux copropriétés dégradées, il était temps d’agir contre les propriétaires indélicats et les marchands de sommeil ! Sur ce point, nous sommes satisfaits, même si nous pensons que la multiplication des documents à joindre à une promesse de vente ou la mise en place de procédures, telles que la déclaration de mise en location, ne sont pas forcément l’unique réponse ou tout du moins un gage d’efficacité ; nous y verrions plutôt une nouvelle source de complexité.
En ce qui concerne l’encadrement des professions immobilières, nous considérons que les dispositions du projet de loi sont excellentes. Dont acte.
S’agissant de l’hébergement d’urgence, chacun connaît le caractère extrêmement tendu de la situation sur tout le territoire. Il y a eu clairement des failles dans l’organisation de ce secteur, sans oublier les conséquences dramatiques du désengagement financier antérieur de l’État. En consacrant juridiquement le rôle des services intégrés de l’accueil et de l’orientation et en fusionnant les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion et les plans départementaux pour le logement de personnes défavorisées, le projet de loi conforte des outils indispensables à la prise en compte intégrée des questions d’hébergement et de logement.
Madame la ministre, nous l’avons dit, la France a besoin de construire 450 000 logements. Elle n’en réalise aujourd’hui que 300 000 ou un peu plus. L’inverse serait d’ailleurs beaucoup plus préoccupant ! Il nous appartient donc de prendre des mesures exceptionnelles pour faire face à ce défi. On a parlé du prix des terrains, du prix des logements. Je rappelle aussi que le prix de la construction s’est accru de 51 % en France entre 2000 et 2011, atteignant un niveau très supérieur à la moyenne européenne. Là, nous devons donner de véritables réponses !
Pour conclure, votre projet de loi apporte plusieurs améliorations que nous avons soulignées. Cependant, il n’est pas de nature à provoquer le choc de simplification ni la mobilisation de toutes les énergies indispensables. Notre groupe, madame la ministre, sera donc attentif aux améliorations que le Sénat pourra apporter, avec vous, à ce texte et se déterminera en conséquence. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en tant que sénateur non inscrit, je vote toujours librement,…
M. Jean-Claude Lenoir. Nous aussi ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Louis Masson. … en fonction de la qualité des textes et de l’intérêt général. J’essaie de m’abstraire des contraintes politiciennes qui amènent parfois à voter dans un sens ou dans l’autre, par respect des convenances ou à la recherche d’arrangements.
M. Jean-Claude Lenoir. Venez chez nous, alors !
M. Jean Louis Masson. C’est ainsi que, depuis le début de cette législature, comme auparavant, j’ai été amené à voter un certain nombre de textes émanant notamment de M. le ministre de l’intérieur.
En revanche, madame le ministre, je dois vous le dire, le présent texte me semble très mauvais, notamment pour ce qui concerne les PLU intercommunaux, et je voterai radicalement contre (Rires sur les travées de l’UMP et du RDSE.), parce que cette mesure me paraît tout à fait inadéquate à ce niveau.
M. Marc Daunis. Dommage !
M. Jean Louis Masson. En effet, actuellement, on essaie déjà d’étrangler les communes financièrement. Un des pouvoirs qui leur reste est l’élaboration du PLU, qui leur donne la possibilité de décider de leur avenir. Si on le leur enlève, les communes vont perdre la moitié des attributions qui leur restent. Par conséquent, si l’on veut tuer les communes, les faire disparaître, il faut que cela apparaisse clairement dans le texte.
L’amendement du PLU intercommunal n’est d’ailleurs pas spécifique à la gauche.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Exactement !
M. Jean Louis Masson. En effet, sous la précédente législature, le ministre de l’époque, Benoist Apparu, poussait comme un forcené pour faire passer ces dispositions. Je me suis battu contre celles-ci face à ce gouvernement de droite, et je ne change pas de position parce que le gouvernement a changé : je reste contre. En revanche, je constate que certains élus de gauche, qui, à l’époque, étaient contre, sont maintenant pour, et que certains élus de droite, qui étaient pour, sont maintenant contre ! (Rires sur les travées du groupe CRC.) On peut quand même se poser des questions…
Certains de nos collègues ont ri lorsque j’ai indiqué que, en tant que non-inscrit, je votais toujours en fonction de l’intérêt des textes. Ce projet de loi est vraiment le bon exemple, car sur cette affaire, je ne changerai pas d’un poil ma position. J’étais contre avant, et je maintiens ma position parce que c’est une mauvaise réforme.
Si demain le gouvernement venait à changer,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ça viendra bientôt ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Louis Masson. … je resterais également contre ces dispositions, quelle que soit la couleur de ce gouvernement.
Pourquoi, dans cette affaire, les gouvernements, de droite ou de gauche, essaient-ils de passer en force sur cette question ? Parce qu’il faut satisfaire des visions et des intérêts fort divergents ! (Exclamations sur les travées de l’UDI-UC.)
J’approuve totalement la position remarquable de l’Association des maires ruraux de France, qui s’est exprimée clairement, alors qu’il faut au moins dix minutes pour comprendre celle de l’Association des maires de France. Quand un texte n’est pas clair, c’est que ceux qui l’ont rédigé ne le sont pas eux-mêmes. Tel est le cas de l’Association des maires de France : elle est pilotée par des élus de grandes villes qui, de droite comme de gauche, sont tout à fait favorables à cette disposition, qui représente pour eux le moyen de maîtriser leur périphérie et d’imposer aux périphéries urbaines un certain nombre de positions.
J’ai lu la lettre que nous a adressée l’Association des maires de France, où l’on nous fait une « réponse de normand ». Quand on a fini de la lire, on ne sait toujours pas ce que veut l’association ! (Rires sur les travées du groupe CRC. – M. François Grosdidier s’exclame.) Si vous comparez cette lettre à celle de l’Association des maires ruraux de France, c’est le jour et la nuit !
Au moins, les maires ruraux disent ce qu’ils pensent : ils sont contre ces mesures. J’admettrais tout à fait que l’Association des maires de France se prononce pour, si elle avait le courage de le dire. C’est un peu ce qui s’est passé pour cet amendement, adopté au sein de la commission des affaires économiques et qui tend à reculer pour mieux sauter, c’est-à-dire à donner l’impression aux communes, notamment aux petites communes que, finalement, on fait quelque chose pour elles.
De toute façon, si cet amendement était adopté, dans quatre ou cinq ans, les communes seraient totalement spoliées de leur pouvoir d’élaborer leur PLU. Le petit arrangement que suggère l’Association des maires de France ne constitue pas un vrai choix. En fait, on habille le système pour étrangler les communes. Ce n’est pas acceptable ! Chacun doit se positionner : soit défendre les communes, soit, à l’inverse – ce qui serait tout à fait légitime, car nous sommes tous libres de nos avis –, s’engager en faveur de l’intercommunalité afin d’aboutir, à terme, à la disparition des communes.
Il s’agit d’un problème extrêmement grave, fondamental pour l’avenir des communes. Je tiens une nouvelle fois à féliciter l’Association des maires ruraux de France qui est à peu près la seule à avoir été vraiment claire.
M. Philippe Dallier. Ça sent les élections sénatoriales !
M. Jean Louis Masson. Personnellement, j’ai signé sa pétition, et je la soutiendrai totalement.
M. Jackie Pierre. Ils sont sauvés !
M. Jean Louis Masson. Si autant de maires de grandes villes n’étaient pas en même temps député ou sénateur, nous n’en serions peut-être pas là, car ceux qui ont intérêt à élaborer des PLU intercommunaux sont les maires de villes-centres assez importantes qui essaient de mettre la main sur la planification de l’urbanisme !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, ce projet de loi arrive à point nommé. Il constitue la troisième étape, cela a été dit, d’une politique nouvelle engagée par le Gouvernement pour assurer à nos concitoyens le droit au logement et pour réussir enfin ce grand défi républicain : offrir un toit à tous, dans des villes harmonieuses, et soutenir un développement durable.
Ce texte s’inscrit dans le cadre des engagements qu’avait pris le Président de la République à cet égard. Je souhaiterais le rappeler ici, afin d’éclairer le sens de cette nouvelle politique.
Oui, la France doit produire plus de logements, et c’est évidemment l’enjeu principal au regard des retards accumulés. Toutes les dispositions qui ont déjà été prises pour financer le logement social, à savoir la TVA à taux réduit, la suppression du prélèvement sur les organismes d’HLM, l’amélioration de l’aide à la pierre, vont dans le bon sens.
Le logement intermédiaire doit être relancé, j’en parlerai tout à l’heure, par les investisseurs institutionnels et grâce à des mesures fiscales qui ont été annoncées concernant le taux de TVA intermédiaire et l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, ou TFPB. Ces mesures étaient attendues par les opérateurs ; elles sont au rendez-vous.
Il faut maintenant que nous concrétisions ces promesses. À cet égard, M. le rapporteur Claude Dilain devrait présenter des amendements pour soutenir le retour des investisseurs institutionnels : nos collègues de l’opposition passent leur temps à l’invoquer, mais ils n’ont jamais réussi à le réaliser ! (Non ! sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, les terrains publics doivent être mis à disposition pour réaliser des opérations là où existe un besoin de logement social, dans une perspective de mixité sociale. Cet objectif est en cours de réalisation.
Le deuxième axe de la politique que proposait le Président de la République consistait à réguler les loyers et les coûts du logement. Ce défi est majeur, car la part de leur revenu que les Français doivent consacrer au logement atteint un niveau insupportable, non seulement pour les plus pauvres, mais aussi pour les couches moyennes et toute une série de jeunes qui souhaitent s’installer.