M. Alain Néri. C’est grave !
M. Martial Bourquin. Chacun est libre de défendre cette opinion, mais ce n’est pas la nôtre ! Elle n’est pas davantage celle du Sénat, qui représente les élus locaux.
Nous devons donc trouver un compromis acceptable qui respecte la place des maires, préserve les initiatives intercommunales, les renforce, et en même temps n’entrave pas la capacité d'aménagement future.
Lors de la discussion du présent projet de loi, nous avons eu la chance d’avoir en la personne de la ministre un interlocuteur ouvert, qui a accepté des points de vue différents des siens et qui a essayé de trouver des compromis.
Nous avons eu, de même, la chance d'avoir un rapporteur ouvert, soucieux de promouvoir un équilibre entre un aménagement volontaire par les intercommunalités et la nécessité de s’appuyer sur des maires dans cette lutte contre le mal-logement, pour l'aménagement du territoire, pour des territoires durables !
En commission, nous avons voté l'amendement présenté par M. le rapporteur prévoyant une minorité de blocage au sein des intercommunalités – 25% des communes membres représentant au moins 10 % de la population administrée - : il s'agit d'un excellent compromis. Oui, chers collègues, excellent !
Je l'ai présenté moi-même au congrès national des maires ruraux : il a reçu une ovation. Ne faites pas la fine bouche ! Votez-le, parce que c'est la volonté des élus !
Mes chers collègues, la tentation de faire disparaître au cours de la discussion cet article 63 est grande. Pour être franc, je dois dire que j’ai moi-même été un peu tenté, au début.
Mais, au-delà des décisions et des postures politiques, il y a une réalité : le Sénat ne peut pas assumer la décision de créer un vide juridique, un vide législatif, un vide politique, que l'Assemblée nationale ne manquerait pas de combler en rétablissant l'article 63.
Le bicamérisme, mes chers collègues, ce n’est pas défaire d'un côté ce qui a été fait de l'autre ! C'est une élaboration commune de la loi. On se pose souvent, hors de ces murs, l’intéressante question de savoir à quoi sert le Sénat. Eh bien, le Sénat sert à cela !
L'Assemblée nationale a travaillé un peu trop rapidement sur ce texte. Le Sénat, lui, prend son temps. Le Sénat amende. Le Sénat fait en sorte que la volonté des maires et leur reconnaissance, au même titre que celles des conseils municipaux, soient effectives.
Donc, si nous supprimions aujourd’hui cet article 63, il s'appliquerait dans sa totalité : cela constituerait un échec cuisant. Et vous irez dire ensuite aux grands électeurs que vous l’avez supprimé, mais que l'Assemblée nationale l'a rétabli ?
Cela ne fait pas une politique ! Et cela ne correspond pas davantage à un bicamérisme assumé !
Il nous faut donc faire grandir le rôle du Sénat, assumer un bicamérisme solide, remplir notre devoir de Chambre Haute et représenter nos collègues élus.
Il faut voter l'amendement proposé par M. le rapporteur. Et faisons en sorte que cette position du Sénat ait de l'allure ! (Sourires et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs, je vais tenter de répondre de manière précise, mais sans doute assez ramassée, aux différentes interventions.
Je me tournerai dans un premier temps vers les deux rapporteurs.
Monsieur Dilain, vous l’avez à juste titre rappelé, car je n’ai peut-être pas assez insisté sur le fait, essentiel, que ce projet de loi est nourri de travaux parlementaires, de propositions de loi, de rapports parlementaires, dont celui que vous m’avez remis et qui est consacré aux copropriétés dégradées, et qu’il reprend beaucoup de dispositions sur lesquelles les parlementaires, et notamment les sénateurs, ont travaillé. Je tiens à vous dire toute ma reconnaissance, mesdames, messieurs les sénateurs.
Pour certaines, ces dispositions figuraient déjà dans des projets de loi de l'ancienne majorité mais n’avaient pas abouti, je pense notamment aux questions relatives aux professions immobilières. Vous avez donc eu raison de le rappeler : ces anciens projets de loi constituent une des vraies sources du présent projet de loi.
Monsieur Bérit-Débat, il vous a été rendu hommage ainsi qu’au président de la commission. J’y reviendrai.
Pour illustrer l’efficacité du travail d’élaboration et de synthèse que vous avez accompli, mesdames, messieurs les sénateurs, et faisant le lien avec la toute dernière intervention, celle de Martial Bourquin, je prendrai l’exemple du PLU. Je n’ai en effet qu’à me féliciter, et je le dis à chacune et chacun d'entre vous, du point que nous avons atteint aujourd’hui.
Je sais à quel point l'inquiétude était forte. Et vous avez eu la gentillesse, pour quelques-uns d'entre vous, de me remercier de cette prise de conscience.
Oui, j’ai parfaitement compris que ce sujet essentiel pour l'avenir de nos territoires et pour le travail de nos élus – j’ai bien entendu les orateurs du groupe UMP - aurait pu faire naître une bataille stérile et vaine.
J’ai compris également à quel point il était nécessaire que ces inquiétudes soient prises en compte, même si certaines d'entre elles pouvaient m'apparaître - ou sont apparues - infondées. C'est la raison pour laquelle la disposition s'est retrouvée dans la rédaction du projet de loi tel qu’amendé par l'Assemblée nationale mais avant le travail en commission.
J’ai donc été non seulement sensible à vos propos – c'est l'intention du Gouvernement que d'être à l'écoute des sénateurs -, mais aussi volontaire, au sens où, pour moi, je le dis en toute franchise, cette loi sera plus robuste, plus forte, plus précise, plus intelligente, une fois le travail parlementaire effectué qu’elle ne l'était au moment où la ministre que je suis l'a présentée au nom du Gouvernement. Pour moi qui suis très attachée au bicamérisme, c’est toute la force du travail parlementaire.
Ce projet de loi doit beaucoup aux uns et aux autres mais il doit beaucoup, aussi, à votre travail, monsieur le rapporteur.
Vous avez su trouver les voies qui répondent à l'objectif du Gouvernement - la bonne échelle est l'échelle intercommunale – sans pour autant laisser le moindre crédit à l'idée que l'on voudrait imposer aux élus locaux une vision supra-communale. Les élus locaux conservent la main sur leur avenir et, je le dis en cet instant non sans une certaine solennité à l’ensemble des élus siégeant sur toutes ces travées, je considère que cette disposition adoptée en commission par le Sénat constitue un point d’équilibre, non seulement par respect pour le travail du Sénat, mais aussi au nom de ces élus locaux dont vous avez relayé les inquiétudes.
C’est cette position que je défendrai devant les députés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.).
Bien sûr, parce que je suis éminemment respectueuse de la démocratie, je ne saurais anticiper, car ce sont les députés qui voteront, mais je ferai tout ce qu’il est possible afin d'expliquer le sens de cette position ainsi que celui du présent projet de loi qui, je l'espère - c'est en tout cas un vœu que je forme avant que nous commencions à en examiner un à un chacun des articles - sera adopté par les deux chambres.
Un tel vote montrerait aussi que cette priorité en faveur du logement est consacrée par l'ensemble des parlementaires et n’est pas seulement un sujet dont les uns se dessaisissent au profit des autres.
Je suis très attachée à cette démarche, et je voudrais sincèrement remercier celles et ceux d'entre vous qui ont su aussi dépasser un certain nombre d'a priori initiaux pour travailler dans un climat de confiance. Et je tiens à vous saluer, monsieur Bérit-Débat, vous qui avez été au cœur de ce travail.
Mme la rapporteur pour avis a proposé un certain nombre d'avancées au nom de la commission des affaires sociales ; certaines ont été introduites par voie d'amendement, d’autres sont simplement la traduction des engagements pris par le Gouvernement, dans un cadre partenarial avec les élus locaux et les associations, en application du plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale que le Premier ministre avait annoncé.
Ce travail avance et s’ il est souvent nécessaire de vérifier que les engagements pris sont tenus, en l'occurrence, je constate que tous les engagements relatifs à l'hébergement et à l'accès au logement pris à l'issue de cette conférence ont été tenus, dans le cadre budgétaire comme dans le cadre législatif.
M. Fichet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, a consacré son intervention à deux sujets, l’un relatif à la loi Littoral, nous y reviendrons longuement sans doute, l'autre sur la question des sites et sols pollués – je sais que, sur ce sujet aussi, des travaux parlementaires transpartisans ont été effectués.
Je suis disposée à ce qu’un certain nombre de ces propositions recueillent un avis favorable du Gouvernement afin qu’elles puissent être utilisées par les élus locaux. (Bravo ! au banc des commissions.)
Monsieur Vandierendonck, vous avez très utilement fait le lien avec d'autres textes présentés par mes collègues Marylise Lebranchu et Stéphane Le Foll. Vous avez parfaitement raison et je serai amenée, quand je donnerai l’avis du Gouvernement sur certains amendements, à dire qu’un certain nombre de sujets ont effectivement vocation à être traités dans les deux autres projets de loi de décentralisation portés par ma collègue Marylise Lebranchu ou dans le projet de loi d'orientation agricole porté par mon collègue Stéphane Le Foll. Je le dis en toute simplicité : nous avons réellement travaillé ensemble.
Ce n’est donc pas un engagement uniquement de principe que je prends devant vous, c’est un engagement sérieux, car Stéphane Le Foll et moi-même considérons qu’un certain nombre de dispositions, monsieur Labbé, ont vocation à s’intégrer dans ce texte.
Ma réponse n’est donc en rien dilatoire : ces questions seront bien prises en compte. Je pense notamment à la préservation des terres agricoles, question à laquelle Bernadette Bourzai a fait référence et sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir, sans doute de manière approfondie, lors de ce débat.
Ces sujets exigent de nous tous une importante mobilisation et il nous faudra trouver un point d’équilibre car, les syndicats agricoles le soulignent, la pression est extrêmement forte, en particulier pour les jeunes. La situation s’aggrave dans les territoires les plus tendus et les difficultés d’installation sont de plus en plus grandes.
Nous ne pourrons en rester aux positions de principe et il faudra des traductions juridiques pour matérialiser cet engagement. Chacun entrevoit peut-être déjà les limites et les freins que cela pourra susciter sur certains territoires. Il est toutefois impératif de franchir ce pas, même si je suis tout à fait ouverte à la discussion pour envisager les adaptations nécessaires, en particulier dans les territoires de montagne, sans introduire des dérogations à toutes les dispositions, mais en vérifiant bien, dès aujourd’hui, que nous n’aboutirons pas à des contradictions dans certains territoires spécifiques.
Monsieur Vandierendonck, vous avez évoqué la nécessaire articulation entre les EPF d’État et les EPF locaux. C’est également ce que nous voulons. Là aussi, je veux lever les inquiétudes qui se sont manifestées.
Vous avez parfaitement décrit la situation : les EPF locaux sont compétents ; en cas de carence, les EPF d’État prennent le relais, notamment pour des projets d’une plus grande ampleur où un outil d’État s’impose. Je ne vois là aucune opposition : au contraire, il y a bien complémentarité dans les modes d’intervention entre les établissements publics fonciers d’État et les établissements publics fonciers locaux.
Sur la préemption comme sur les copropriétés dégradées, vous avez raison, nous avançons grâce aux travaux parlementaires qui s’appuient beaucoup sur les expériences et les propositions d’élus locaux – je tiens à les saluer, eux qui, jour après jour, sont confrontés à ces situations. Ils ont nourri la réflexion parlementaire de cas concrets et souligné la nécessité d’y apporter des réponses.
Monsieur Calvet, selon vous, le Gouvernement ferait une loi pour les Parisiens, puisque, sur un grand nombre de territoires en France, il n’y aurait pas besoin d’encadrement. Je dois dire que c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur et je me réjouis que l’on ait pris l’exemple du prix du pain. Je prendrai, pour ma part, celui de la demi-douzaine d’escargots. (Sourires.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, si l’on décide d’encadrer le prix des six escargots pour qu’il ne dépasse pas 50 euros, cela ne posera de problème à personne. En effet, en l’absence de tension sur le marché, quand bien même un encadrement des prix serait prévu, personne n’y trouverait à redire ! En d’autres termes, l’encadrement a vocation à ne répondre qu’aux situations qui le nécessitent et c’est seulement à ce moment-là qu’il pose problème. C’est très logique ! (M. Philippe Dallier fait une moue dubitative.)
Je vous vois réagir, monsieur Dallier, je reviendrai sur ce sujet. J’ai d’ailleurs adoré votre propos sur « le marché contre le marché ». Si le marché ne marche pas, chers amis, utilisons le marché contre le marché ! C’est effectivement un argument imparable, car, si jamais le marché contre le marché ne donne pas de résultat, on pourra toujours envisager de recourir au marché contre le marché qui était contre le marché ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Lenoir. C’est le supermarché ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Cécile Duflot, ministre. À ce rythme, cela peut durer très longtemps ! (Applaudissements au banc des commissions.)
Plus sérieusement, ces dispositions ne s’appliqueront que sur les territoires où elles trouvent leur utilité.
De la même façon, l’argument selon lequel nous nous attaquerions aux conséquences et non aux causes est totalement réversible : nous nous attaquons et aux causes et aux conséquences, mesdames, messieurs les sénateurs.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, lorsqu’une personne est malade, on peut à la fois lui donner des antibiotiques pour traiter la maladie et du paracétamol pour faire baisser la fièvre. Ce que nous devons faire aujourd’hui, c’est soigner la fièvre. Cela ne nous interdit cependant pas – vous avez été plusieurs à souligner que nous avions commencé, puisque nous en sommes au troisième étage de la fusée – de mettre en place un certain nombre de mesures pour faciliter la transformation de locaux de bureaux en logements, pour favoriser la densification, pour mettre fin aux recours abusifs et mafieux contre les permis de construire.
Je le répète : nous nous attaquons aux conséquences, mais aussi aux causes, monsieur Calvet. Ce n’est pas incompatible, et c’est une erreur de croire que traiter les unes suffit à traiter les autres.
Daniel Dubois a opposé le corset à l’oxygène. Il est absolument erroné de considérer que l’on ne peut pas à la fois essayer de libérer du foncier public, favoriser dans les zones tendues l’accès au foncier et accélérer la construction. Tel est le sens de l’ordonnance sur les projets intégrés pour le logement qui permettront d’accélérer les opérations en zone tendue, mais aussi de contenir les loyers quand ceux-ci ont explosé, alors que les revenus n’ont pas suivi.
L’augmentation de 40 % en dix ans des loyers à la relocation est structurellement incompatible avec les revenus d’une grande partie des familles.
Nous avons eu de nombreuses heures de débat sur ces questions. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous avez tous été confrontés à ces familles ou à ces jeunes qui se trouvaient face au mur que constitue l’accès au logement, un obstacle qu’il leur était de plus en plus difficile de franchir. La situation s’aggrave et c’est pourquoi nous devons intervenir. Oui, je crois qu’il est de la responsabilité de la puissance publique de réguler un marché quand celui-ci ne fonctionne pas. C’est le cas du marché du logement.
Si, depuis trente ans, l’augmentation du montant des loyers avait eu pour résultat « naturel » l’augmentation du nombre de constructions, nous nous en serions rendu compte ! L’aggravation de la crise a elle-même engendré l’aggravation de la crise. En effet, l’augmentation du coût de l’immobilier a maintenu une clientèle solvable dans le marché locatif, alors même qu’elle aurait voulu accéder à la propriété.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Bien sûr !
Mme Cécile Duflot, ministre. La situation est bloquée, tous les acteurs en sont conscients. L’objectif de ce texte, c’est donc de faire baisser la fièvre, de rendre le logement accessible au plus grand nombre en contenant l’évolution des loyers.
Madame Schurch, vous avez regretté qu’il ne s’agisse pas d’un blocage ou d’une baisse de l’ensemble des loyers. Je pense qu’à ce stade nous devons aller vers la régulation et la contention de l’augmentation des loyers, pas vers le blocage. Cette orientation constituera déjà un grand changement. Grâce à l’instauration de cet encadrement dans les zones où les loyers ont fortement dérapé ces dernières années, 25 % à 30 % des loyers devront baisser au moment de la relocation ou du renouvellement du bail. Cela permettra également de contenir durablement l’évolution, puisque l’encadrement au renouvellement de bail ou à la relocation sera maintenu ; en d’autres termes, il n’y aura pas d’augmentation possible entre deux loyers au-delà de l’indice de référence des loyers, l’IRL.
D’aucuns ont avancé l’idée selon laquelle l’encadrement des loyers conduira à une augmentation des loyers. J’avoue être restée sans voix la première fois que j’ai entendu l’argument : comment imaginer que les loyers augmentent davantage dans un système encadré que dans un système totalement libre comme celui que nous connaissons ?
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Cécile Duflot, ministre. Ce raisonnement est tout à fait spécieux. Je le redis : non seulement une grande partie des loyers diminueront, mais le dispositif aura pour effet, sans bloquer les prix, de contenir, et de manière extrêmement forte, l’évolution des nouveaux loyers, évitant ainsi les effets pervers que l’on a pu connaître dans le passé, tout en ménageant une corrélation bien plus grande avec l’augmentation des revenus des ménages candidats à la location.
Madame Schurch, vous avez tenu à souligner le volontarisme de ce texte. En effet, si l’on peut formuler de nombreuses critiques à l’encontre de ce projet de loi, on ne peut certainement pas lui reprocher de manquer de volontarisme ! C’est d’ailleurs cela qui a permis d’aboutir à un équilibre. C’est aussi cela qui a fait que les critiques sur ce texte aient pu provenir de toutes parts.
Le Gouvernement a en effet fait un choix délicat et complexe, celui de cheminer sur une ligne de crête et d’équilibre, sans opter pour un camp ou pour un autre, si tant est que l’on puisse parler de camp en la matière. Cette position est sans doute inconfortable, mais elle me paraît, à moyen terme, la plus durable et la plus efficace. C’est cet équilibre que j’aurai l’honneur de défendre devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, amendement après d’amendement : équilibre entre propriétaires et locataires, équilibre entre régulation et évolution et, en matière d’urbanisme, équilibre entre simplification, efficacité des outils et respect des élus locaux.
Monsieur Mézard, vous avez avec raison souligné qu’une loi ne suffisait pas. Je ne prétendrai jamais que ce texte résoudra, à lui seul, la crise du logement que nous connaissons aujourd’hui. Ce projet de loi est la troisième étape d’un travail législatif qui prévoit des mesures d’urgence dans un premier temps, mais qui s’accompagnera aussi d’une mobilisation de tous les acteurs en faveur de la construction.
Madame Lienemann, les querelles de chiffres sont vaines. J’ai eu l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec mon prédécesseur, Benoist Apparu, et d’en sourire avec lui. Les mises en chantier d’une année sont en général la conséquence des dépôts de permis de construire sous un ministre précédent, qui sont eux-mêmes le résultat d’une politique menée trois ans auparavant, souvent par un autre ministre encore. En d’autres termes, les résultats effectifs de la politique du logement que mène ce gouvernement et que j’ai l’honneur de défendre devant vous seront sans doute présentés, je l’espère avec succès, par le ou la ministre qui me succédera !
C’est la règle en matière de logement, et c’est la règle pour ce ministère essentiel, puisqu’il est compétent sur un sujet absolument fondamental pour la vie de nos concitoyens, vous avez été nombreux à le souligner. Il est évident qu’il faut prendre des décisions structurelles, qui redonnent au marché du logement un certain nombre de règles et l’intègrent dans un mode de fonctionnement beaucoup plus simple.
Monsieur Mézard, vous avez également parlé de simplification. La création des documents types, tels que le bail type ou l’état des lieux type, va dans ce sens. Aujourd’hui, certains baux contiennent des clauses abusives, ce qui donne lieu à des contentieux. Par conséquent, disposer d’un document type sur lequel tout le monde, propriétaires comme locataires, pourra se baser est un outil de simplification, notamment de simplification administrative, non de complexité.
Il a beaucoup été question de la GUL. Je ne répondrai pas maintenant aux différentes remarques qui ont été formulées sur cette disposition : nous aurons l’occasion d’en débattre longuement. Toujours est-il que la GUL ne mérite ni cet excès d’honneur ni cette indignité : ce dispositif est le résultat d’une lente maturation et le fruit d’un travail engagé par Marie-Noëlle Lienemann sur la couverture logement universelle, qui a permis de franchir une première étape, avec la garantie LOCA-PASS, puis une autre, avec la garantie des risques locatifs, la GRL, dont Jean-Louis Borloo a souhaité une certaine généralisation. Par conséquent, il s’agit d’une réflexion commune qui avance et qui, grâce à cette disposition, permettra de passer un nouveau cap.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai maintenant de façon plus précise, de façon à balayer toutes les affirmations un peu fantasques que l’on a pu entendre sur ces milliers de fonctionnaires que ce dispositif susciterait, sur le taux d’impayés considérable qu’il entraînerait, puisque les locataires, se considérant couverts, ne payeraient plus leur loyer... Je m’emploierai, comme il est normal, à dissiper ces inquiétudes lors du débat.
Jean Louis Masson a évoqué la position de l’Association des maires ruraux de France. Certains d’entre vous lui ont déjà répondu. Après avoir constaté le nombre de signatures que la pétition lancée par cette association avait réunies, j’ai souhaité rencontrer son président, avec lequel j’ai eu une discussion extrêmement franche. Je tiens à dire que l’Association des maires ruraux de France et son président soutiennent le compromis trouvé par la commission des affaires économiques du Sénat. Je n’ai qu’à me féliciter de ce travail collaboratif et, pour cette raison aussi, souhaite le maintien de cette disposition dans le texte.
Madame Lienemann, vous avez longuement évoqué la question de la régulation et expliqué comment, grâce à des mesures très coûteuses, mais également très « court-termistes », qui ont eu des effets secondaires, la construction avait été artificiellement « dopée ». Nous avons choisi de mettre fin à ces dispositifs qui pouvaient donner le sentiment que la situation s’améliorait, alors que c’était très temporaire et s’apparentait à un feu de paille. Nous avons donc proposé des réformes de structure, mais aussi des dispositifs plus équilibrés. C’est un choix politique, vous l’avez parfaitement démontré. Ce choix, c’est celui du Gouvernement.
Monsieur Labbé, je vous ai répondu sur l’interpénétration des dispositions de la loi d’orientation agricole avec les mesures de ce projet de loi.
Madame Lamure, vous avez formulé des remarques à la fois de forme et de fond. Il est vrai et, pour ma part, cela ne me choque pas, car c’est le sens du débat politique, que nous pouvons avoir des désaccords. On peut ne pas souhaiter s’attaquer à la régulation de certains marchés et être, par principe, opposé à l’encadrement des loyers. Je ne critique pas cette position. Le Gouvernement a fait un choix différent, qui traduit en actes l’engagement du Président de la République. Nous nous y tiendrons, même si je peux concevoir que d’autres pensent différemment.
Madame Létard, vous avez fait état d’un autre système de garantie universelle des loyers qui reposerait sur une assurance obligatoire. Une telle proposition a déjà été avancée et on en a déjà constaté les limites, ne serait-ce qu’avec la GRL. Cette piste a été envisagée, puis écartée par le Gouvernement pour un certain nombre de raisons que je détaillerai lors de l’examen de l’article 8.
Monsieur Mirassou, vous faites partie de ceux qui ont travaillé de manière constructive sur la question des PLUI ; je m’en félicite et je vous remercie, vous et vos collègues, de m’avoir fait confiance – il n’est pas toujours facile de faire confiance à un ministre lorsqu’on est parlementaire ! – et d’avoir cru en la volonté du Gouvernement d’aboutir à une position partagée sur ce sujet.
Monsieur Collombat, vous avez évoqué le « club chic » du PLUI. Je vous précise que tout le sens de ce « club PLUI », qui ne s’apparente d’ailleurs en rien à un club, est de rassembler des élus, en particulier des élus de communes rurales – les plus nombreux –, afin qu’ils puissent travailler en commun pour se doter d’une meilleure ingénierie. J’invite d’ailleurs toutes celles et tous ceux qui sont intéressés par ces questions à rejoindre ce club très ouvert.
J’ajoute que, conscient des besoins en ingénierie que suscitera la mise en œuvre des PLUI dans un certain nombre d’intercommunalités, l’État s’organisera pour fournir un appui à ces collectivités locales, notamment aux collectivités rurales, qui aujourd’hui ne disposent d’aucune ingénierie et sont pour la plupart dépourvues de documents d’urbanisme.
Je voudrais aussi répondre sur la question de l’habitat léger et démontable, soulevée par certains d’entre vous. Je n’ignore pas que ce sujet peut facilement être caricaturé, voire folklorisé. Je pense pourtant qu’il ne mérite pas un tel traitement. Si nous avons travaillé sur ce sujet, c’est notamment pour sortir de l’insécurité juridique né d’un conflit de jurisprudences : sur certains territoires, ces habitats sont reconnus comme des tentes pouvant être légalement installées et, sur d’autres, ils sont déclarés illégaux au motif qu’ils ne s’appuient sur aucun permis de construire. Ces contradictions placent les élus face à de grandes difficultés et à des situations de conflit qui peuvent parfois durer des années.
L’objectif du projet de loi est donc d’apporter une réponse juridique aux élus, ce qui permettra de sortir de l’instabilité présente, mais aussi de reconnaître que les dispositions d’urbanisme doivent, qu’on le veuille ou non, prendre en compte l’ensemble des modes d’habitat.
Même si ces modes d’habitat sont numériquement très marginaux, et chacun convient qu’ils ont sans doute vocation à le rester, ils sont respectables, et nous devons donner aux élus la possibilité de faire en sorte qu’ils s’implantent dans de bonnes conditions.
Je le redis : le projet de loi ne prévoit cette implantation que sur les terrains constructibles ou sur les zones pastillées par les élus dans le cadre des documents d’urbanisme et ne vise qu’à clarifier sur le plan juridique l’installation de ce type d’habitat permanent démontable – j’insiste sur le terme « permanent », puisque cette disposition ne vise en aucun cas l’habitat touristique.