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Souhaits de bienvenue à une délégation de Canet-en-Roussillon
Mme la présidente. Madame la ministre, mes chers collègues, je salue la présence dans nos tribunes des membres du conseil municipal des enfants de Canet-en-Roussillon, invités par notre collègue François Calvet. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
M. Jean-Claude Lenoir. Je demande la parole, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Madame la présidente, je voulais simplement indiquer aux membres du conseil municipal des enfants de Canet-en-Roussillon que François Calvet a beaucoup travaillé sur le présent projet de loi et qu’il a déposé un grand nombre d’amendements.
Il a participé à nos travaux en séance pendant une bonne partie de la semaine. Simplement, ayant dû faire un aller-retour dans son département, les Pyrénées-Orientales, il ne se trouve pas dans l’hémicycle ce matin. Il doit en revanche nous rejoindre dans l’après-midi.
Sachez – je m’adresse aux membres du conseil municipal des enfants – qu’il s’agit d’un sénateur particulièrement actif. Il nous avait d’ailleurs signalé votre présence aujourd’hui. Je vous salue donc au nom de l’ensemble des sénateurs du groupe UMP.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà un homme élégant ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
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Accès au logement et urbanisme rénové
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
Article 47 (suite)
Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de l’article 47, de l’amendement n° 210.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Regardons la réalité actuelle en face : les commissions d’attribution de logements utilisent bien évidemment les préférences géographiques des personnes à la recherche d’un logement, en particulier dans les zones non tendues. Nous savons tous que c’est l’un des critères utilisés dans les CAL.
Il y a une hypocrisie : si l’expérimentation concerne les zones les plus tendues, beaucoup de personnes ayant véritablement besoin d’un logement seront mises de côté.
M. Philippe Dallier. Eh oui !
Mme Marie-France Beaufils. Introduire dans un projet de loi aussi important un critère ayant pour effet d’exclure une partie des demandeurs de logement social ne me semble pas forcément une démarche très positive…
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Autant j’étais d’accord avec ce qui a été dit à propos du scoring à l’amendement précédent, autant je suis réservé sur le sujet de cette discussion.
Je souhaite évidemment que nous recherchions des solutions efficaces. Encore faut-il qu’elles soient généralisables sur tout le territoire de la République.
Avec un tel système, dans les zones tendues, ce serait évidemment l’émeute. Cela ne contribuerait pas vraiment à résoudre les problèmes qui s’y posent déjà…
Mme Mireille Schurch. Bien sûr !
M. Philippe Dallier. Vous voulez expérimenter ? Soit. Expérimentons. Ce qui me gêne, c’est que je ne vois pas comment nous pourrons un jour généraliser un tel mécanisme.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Nous n’en sommes pas là !
M. Philippe Dallier. Engager une démarche de ce type dans les zones tendues risque de donner de faux espoirs à de nombreuses personnes et d’aboutir à une situation ingérable. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse, au bout du compte, d’une bonne idée…
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, rapporteur.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur de la commission des affaires économiques. Je le précise simplement, si l’on veut expérimenter un système de localisation choisie, il importe de le mentionner dans le plan partenarial. Le dispositif sera ainsi cadré. Il faut faire en sorte que toutes les parties prenantes se concertent.
Et, je le répète, c’est une expérimentation.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends les craintes de certains élus locaux des zones tendues. Mais ne tombons pas dans le travers que l’on nous reproche habituellement : ne penser qu’à la région parisienne.
Il s’agit d’une expérimentation. La question porte sur la possibilité de l’inscrire ou non dans le plan partenarial.
Il me semble intéressant que l’expérimentation puisse être différenciée selon les territoires. Là où il est possible d’aller vite, de manière transparente, il faut mettre le dispositif en place rapidement. En revanche, il est certain que c’est beaucoup plus compliqué en zones tendues, où la localisation choisie sera intenable.
M. Philippe Dallier. Bien sûr !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De surcroît, cela risque d’entraîner des effets pervers d’un autre ordre : les gens seront tentés de refuser l’appartement qui leur sera proposé, par exemple à Athis-Mons, arguant que c’est trop loin et qu’ils veulent rester dans Paris intra-muros. Or personne ne pourra garantir que les milliers de demandes de logement social émises à Paris seront satisfaites.
D’ailleurs, on constate déjà pour partie ce phénomène aujourd’hui ; entre nous, c’est parfois inacceptable. En même temps, nous n’allons pas assigner les gens à résidence !
Vous le voyez, ce sera très compliqué en zones tendues. Mais prévoir cette localisation permettra d’éclairer les CAL et de les aider à atteindre leurs objectifs. Nous sommes donc favorables au maintien de la possibilité prévue par le texte.
Chers collègues du groupe CRC, il est parfois bon d’instaurer une diversité de traitement et d’expérimentation pour mieux tirer des règles générales.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Je trouve le débat très intéressant. On ne peut pas dire que le processus d’attribution des logements sociaux fonctionne bien aujourd’hui. Il y a un sentiment d’iniquité, de flou, même si ce n’est pas toujours justifié.
Contrairement à Mme Lienemann, je pense justement que c’est en zones tendues, notamment dans l’agglomération parisienne ou dans d’autres grandes agglomérations, que le dispositif pourra être utile. C’est dans ces zones qu’il y a beaucoup de refus de logements. Là, les candidats savent que, quand on leur présente un logement, c’est celui-là ; s’ils l’acceptent, c’est terminé. Quand, au bout de huit ans, neuf ans ou dix ans, ils peuvent avoir un logement, il peut y avoir une sorte de crainte.
Surtout, en Île-de-France, il y a parfois des a priori contre les noms de certaines villes. Mais en voyant les photos d’un logement, dans un immeuble souvent neuf, à proximité d’un moyen de transport, on peut au moins avoir la tentation d’aller le visiter. On n’est pas du tout dans la même logique. Prenons le cas d’un logement proposé à Athis-Mons, votre ancienne commune, madame Lienemann.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ou dans votre ancienne commune ! (Sourires.)
Mme Cécile Duflot, ministre. Certes. Mais à Villeneuve-Saint-Georges, la situation est encore un peu différente. (Nouveaux sourires.)
Si l’on propose un logement à Athis-Mons, les gens vont peut-être tiquer. Mais si, notamment grâce aux possibilités qu’offre Internet, ils voient les photos, l’environnement du quartier, s’il y a ou non une école à proximité, ils seront au moins tentés d’aller visiter le logement.
Certes, il n’existe pas de solution magique en matière d’attribution, dès lors qu’il y a beaucoup plus de demandeurs que d’offres. Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle. Il faut tenter des expérimentations, sur la cotation comme sur l’anonymat.
Je n’ai pas de religion définitive. Mais, en tant que ministre chargée de logement, je m’interdis de dire que le système actuel fonctionne idéalement et qu’il ne mérite pas d’être revu.
Ces dispositions présentent des limites, mais elles permettent aussi de faire de la pédagogie sur le logement social : en montrant des photographies des logements sociaux d’aujourd’hui, de leur confort et des prestations qu’ils offrent, on en change l’image.
Je suis donc attachée aux possibilités d’expérimentation. Il nous reviendra d’en tirer le bilan, mais je ne pense pas a priori qu’il s’agisse d’un mauvais système. Au contraire, compte tenu de la volonté de dépasser les limites géographiques des communes en matière d’attribution, qui posent souvent beaucoup de problèmes, la démarche me semble adaptée.
Enfin, si vous me le permettez, madame la présidente, je voudrais aussi adresser un clin d’œil aux enfants du conseil municipal de Canet-en-Roussillon.
Nous examinons en séance publique depuis maintenant quatre jours un texte qui, chacun peut le constater, est assez technique, mais qui devrait – c’est l’objectif – avoir des effets dans les années à venir. Et puisque nos jeunes spectateurs ont de l’intérêt pour l’engagement politique, ce dont je les félicite, peut-être siégeront-ils sur ces travées ou seront-ils à ma place dans quelques années. Si tel est le cas, j’espère qu’ils pourront alors constater que nous avons fait œuvre utile pour lutter contre la crise du logement. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Je ne doute pas que les enfants de Canet-en-Roussillon seront sensibles à nos débats.
M. Jean-Claude Lenoir. On pourrait leur demander leur avis ! (Sourires.)
Mme la présidente. L'amendement n° 211, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Rédiger ainsi cet alinéa :
« II. – Le projet de plan doit faire l’objet d’un avis conforme des communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale. Si les avis n’ont pas été rendus dans un délai de trois mois de la saisine, ils sont réputés favorables.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement a un double objet.
D’une part, il s’agit de réaffirmer que la gestion des demandes de logement social ne peut pas se faire sans l’accord des communes, et ce même s’il existe un plan partenarial intercommunal. Nous considérons donc qu’il est important de permettre que ce plan soit soumis à un vote conforme de l’ensemble des conseils municipaux faisant partie de l’EPCI. En effet, la responsabilité de la politique d’attribution des logements incombant aux municipalités, un tel document ne peut être adopté sans le consentement de l’ensemble des communes membres de l’établissement public.
D’autre part, l’amendement tend à allonger le délai de réponse octroyé aux communes concernant le plan de gestion partenarial de gestion des demandes de logement social, en le portant de deux mois à trois mois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Monsieur Le Cam, la commission a voté à une large majorité, sur proposition du rapporteur, la proposition d’intégrer en amont dans l’élaboration du plan partenarial les communes, et même les bailleurs sociaux, pour qu’ils puissent donner leur avis. Ils sont donc pleinement associés à la procédure.
Vous proposez en outre que toutes les communes valident a posteriori le plan par un avis conforme, ce qui risque d’occasionner des blocages. Il suffira qu’une seule commune ne soit pas d’accord pour que cet instrument de planification, travaillé en amont avec les communes et les bailleurs sociaux, soit caduc. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 208, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Les plafonds de ressources pour l’attribution des logements locatifs sociaux fixés en application de l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation sont majorés de 10,3 % à compter de la date de publication de la présente loi.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Par cet amendement important, nous souhaitons poser la question des plafonds de ressources conditionnant l’accès au logement social.
Tout le monde s’en souvient, dans le cadre de la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, portée par Mme Boutin, les plafonds avaient été diminués de 10,3 %. Une telle mesure s’articulait avec l’instauration de surloyers correspondant à une vision des missions du logement social particulièrement restrictive.
Cela a entraîné la sortie du parc social de toute une partie de locataires solvables qui pouvaient antérieurement y accéder, aggravant de fait le défaut de mixité sociale de l’habitat, que le présent texte a pour objet de combler, et l’inflation des loyers dans le parc privé.
Pour nous, il s’agit non pas d’élargir l’accès au logement social – nous le savons, près de 70 % de la population y est aujourd’hui d’ores et déjà éligible –, mais essentiellement d’éviter de soumettre aux surloyers, comme aujourd’hui, des personnes qui ne peuvent pas assumer un tel supplément.
L’adoption de cet amendement constituerait un progrès pour le pouvoir d’achat des ménages qui restent fragiles financièrement et qui sont durablement touchés par la crise, ainsi que par la hausse progressive des loyers, y compris dans le parc public.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Madame Schurch, je comprends bien les motivations de votre amendement.
Certes, la hausse de 10,3 % des plafonds de ressources que vous réclamez est, normalement, de nature réglementaire. Mais la loi est déjà intervenue dans ce domaine ; pourquoi ne pas faire de même aujourd’hui ?
Pour autant, il faut tenir compte d’une réalité que tout le monde connaît sur ces travées, et je me tourne en particulier vers nos collègues de la majorité. Il y a aujourd’hui 1,7 million de demandes de logement qui ne sont pas satisfaites. Il est à parier que le vote d’un tel amendement aura pour effet d’augmenter d’autant en proportion le nombre de demandeurs insatisfaits.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, sachant que la réalité du secteur du logement social s’impose à nous et limite notre marge d’action. Mais je pense que Mme la ministre nous en dira un peu plus sur cette problématique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Certes, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut effectivement le défaire. Mais, aujourd’hui, 60 % des Français ont des revenus qui leur donnent accès à un logement social. C’est une proportion très importante.
Si le Gouvernement a bien pour objectif de favoriser la mixité sociale, il ne lui paraît pas opportun d’augmenter les plafonds de revenus ouvrant droit à l’attribution de logements sociaux alors que la demande pour ces logements est très nettement supérieure à l’offre, comme cela a été souligné précédemment.
Néanmoins, le Gouvernement, conscient de l’écart pouvant exister, en particulier en zones tendues, entre le revenu des ménages et le prix du marché, s’est attelé au développement de l’offre de logements intermédiaires, que ce soit par le dispositif d’incitation fiscale maintenant les loyers 20 % en dessous du prix du marché ou par le soutien, notamment à travers certaines dispositions de la loi de finances, à la création de véritables logements intermédiaires, rétablissant ainsi un parc intermédiaire entre le logement social et le logement de marché classique.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Il s’agit d’une question importante. Nous proposons non pas d’élargir le nombre d’accédants, mais de revenir à des dispositions qui avaient été mises en cause par la loi Boutin.
On peut aujourd’hui mesurer les effets de la loi : avec la mise en place de surloyers, qui concerne parfois des salariés très modestes, les seuils prévus restant extrêmement bas, un certain nombre de familles sont contraintes de quitter leur logement. Cela se traduit dans certaines communes par un appauvrissement très fort et une forme de ghettoïsation de plus en plus accentuée, avec des conséquences extrêmement lourdes à gérer.
Certes, libérer des logements permet d’accueillir les familles très modestes qui en ont le plus besoin. Mais une cité vit aussi par son équilibre. Il faut permettre à la fois d’accueillir les familles, notamment les plus modestes, mais aussi de préserver l’équilibre social, qui est aujourd’hui de plus en plus mis à mal.
Je tiens donc à attirer votre attention sur le sujet. D’aucuns peuvent peut avoir le sentiment de réaliser ainsi des économies. Mais je pense plutôt que l’on va vers des situations beaucoup plus compliquées, beaucoup plus tendues.
La question du surloyer est d’autant plus importante que les offres de logements restent très limitées en zones tendues, malgré le développement des logements intermédiaires, et que l’on voit des gens exclus du logement social contraints de quitter leurs communes pour essayer de trouver des logements moins chers.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 47, modifié.
(L'article 47 est adopté.)
Article 47 bis A (nouveau)
Le troisième alinéa de l’article L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation est complété par la phrase suivante : « À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de la date de publication de la loi n° … du … pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, en zone détendue, elle peut prendre ses décisions par voie électronique après accord du représentant de l’État dans le département, dans les conditions prévues par son règlement. » – (Adopté.)
Article 47 bis
(Non modifié)
Après l’article L. 441-3-1 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 441-3-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 441-3-2. – Pour permettre de satisfaire aux exigences du deuxième alinéa de l’article L. 441, et notamment de favoriser la mixité sociale des villes et des quartiers, le produit du supplément de loyer de solidarité peut être affecté au financement de remises sur le loyer acquitté par les locataires connaissant des difficultés économiques et sociales.
« Cette remise effectuée par le bailleur fait l’objet d’une mention expresse sur la quittance mensuelle délivrée au locataire. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Mireille Schurch, sur l'article.
Mme Mireille Schurch. Nous comptions sur l’arrivée au pouvoir de la « gauche » (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) pour mettre à plat l’ensemble des dispositifs ayant trait au logement et, disons-le clairement, revenir sur la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion de 2009, témoignage de la volonté de marchandisation du logement qui animait la précédente majorité gouvernementale. Le vote précédent me laisse, hélas ! peu d’espoir.
M. Jean-Claude Lenoir. On vous avait bien prévenus ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Mireille Schurch. En effet, cette loi a perverti durablement les missions du logement social, en soumettant les organismes HLM, au travers de la création de conventions d’utilité sociale, à des impératifs de viabilité économique.
Témoin d’une conception malheureuse, cette loi a contraint les offices à vendre une partie de leur patrimoine, à diminuer les plafonds de ressources permettant l’accès au logement social et a instauré le principe du surloyer, que nous venons d’évoquer, permettant de ponctionner davantage des locataires dont les ressources sont au-dessus de plafonds fixés extrêmement bas.
Et, comme vient de le rappeler mon collègue Christian Favier, ce sont les ménages modestes qui doivent partir et s’éloigner du centre des villes pour trouver un logement à leur portée.
L’objectif affiché par ces mesures était de recentrer l’accès au logement social sur les populations les plus fragiles, conformément aux directives européennes. Cependant, une telle démarche a conduit plus sûrement à chasser du parc social les classes moyennes – disons les « classes moyennes inférieures » –, en refusant de fait toute mixité sociale, sujet dont mon collègue vient de parler et qu’il connaît bien.
L’existence d’un droit au logement, reconnu constitutionnellement, indique à l’inverse que la puissance publique doit répondre à la diversité des demandes, et non soumettre les organismes HLM à une logique purement comptable.
Le présent article poursuit une telle logique, en prévoyant que les ressources liées aux surloyers pourront être utilisées pour financer des remises sur quittance des ménages les plus fragiles. Ainsi, la solidarité au sein du parc locatif social ne s’opèrera qu’entre les locataires eux-mêmes, les locataires pauvres étant mis à contribution au bénéfice de ceux qui sont encore plus pauvres.
Dans un contexte de disette budgétaire, nous comprenons bien le sens d’une telle disposition, qui répond aux autres questions laissées en suspens : très faible rehaussement des aides à la pierre et perte de pouvoir d’achat des locataires, notamment au travers du gel des aides personnalisées au logement, les APL.
Au final, on aboutira à un système où ce n’est pas la collectivité publique qui finance la solidarité pour garantir à tous le droit au logement dans des conditions acceptables ; c’est aux locataires eux-mêmes d’assumer entre eux cette solidarité.
Il y a quelque chose de choquant dans une telle logique, qui ne pose jamais la question de la solidarité et des moyens publics accordés pour répondre au droit de tous d’avoir un toit. Nous souhaitions le souligner ici et rappeler notre volonté d’aller jusqu’à l’abrogation de la loi Boutin.
Mme la présidente. L'amendement n° 442, présenté par M. Vandierendonck, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et aux personnes âgées bénéficiant d'une mutation pour répondre à une sous-occupation d’un logement d’habitation à loyer modéré
La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Il est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Cet amendement est complémentaire avec celui que notre collègue avait présenté précédemment, avec des conséquences un peu différentes.
Il s’agit d’opérer une ponction sur la partie de produit de supplément de loyer pour financer des mesures de réduction de loyers pour les personnes âgées.
Cela me sembler aller à l’encontre de ce qui est prévu dans le texte, l’Assemblée nationale ayant bien envisagé la possibilité d’une affectation en faveur des locataires dont la situation économique le justifie.
Ma crainte est que, en puisant dans cette réserve, on ne l’épuise trop rapidement. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission et émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Je suis tout à fait d’accord pour retirer mon amendement.
J’attire simplement l’attention de Mme la ministre sur le fait qu’il serait quand même formidable de disposer de moyens de financement de la compensation de loyer sur la base d’une telle disposition, même si la solution que je vous proposais n’était peut-être pas opportune.
Mme la présidente. L'amendement n° 442 est retiré.
Je mets aux voix l'article 47 bis.
(L'article 47 bis est adopté.)
Article 47 ter A (nouveau)
Le deuxième alinéa de l’article L. 441-4 du code de la construction et de l’habitation est supprimé.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 216, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les articles L. 441-3 à L. 441-15 du code de la construction et de l'habitation sont abrogés.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Le dispositif de supplément de loyer de solidarité est une mesure introduite dans le code de la construction et de l’habitation par la loi du 4 mars 1996, que la Haute Assemblée avait votée, sur présentation du rapport de notre collègue M. Larcher.
Il s’agissait à l’époque d’inciter les locataires à quitter les logements sociaux et de réduire les concours publics à la construction et à la réhabilitation du parc locatif social. Dans cette perspective, le parcours résidentiel des ménages salariés devenait une sorte de « parcours obligé », passant notamment par la case du logement privé, et bien souvent cher, ou par celle, quand c’était possible, de la construction ou de l’acquisition d’un pavillon.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. À Saint-Pierre-des-Corps !
Mme Marie-France Beaufils. J’allais le préciser pour compléter l’information. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Le débat est interactif ! (Nouveaux sourires.)
Mme Marie-France Beaufils. Tout à fait, mon cher collègue !
J’ai vécu concrètement la réalité de la loi de 1996 sur mon territoire, car ses conséquences sont d’une ampleur considérable.
En effet, la décision prise en 1996 a bien souvent éloigné les salariés des cœurs de villes, et surtout de leurs lieux de travail. On sait d’ailleurs quels effets pervers ont entraînés ces surloyers, en faisant partir des locataires dont la présence préservait nos quartiers de la ghettoïsation en permettant à des actifs, des retraités ou des demandeurs d’emploi de vivre dans le même ensemble.
De surcroît, le supplément de loyer de solidarité, ou SLS, appelé encore « surloyer », n’est pas vraiment, à l’usage, d’un grand rendement sur un plan financier. En effet, selon l’Union sociale pour l’habitat, en 2010, les organismes HLM le pratiquant en dégageaient 100 millions d’euros de recettes, c’est-à-dire l’équivalent de deux jours seulement d’activité locative du secteur.
De plus, sur l’ensemble des locataires, seuls 4 % d’entre eux sont susceptibles d’être concernés, soit moins de 200 000 foyers. Par ailleurs, les organismes peuvent très bien décider de ne pas appliquer le SLS, dès lors que le plan local pour l’habitat de la commune où ils sont implantés le prévoit expressément.
Il y a un aspect très positif. Fort heureusement, le surloyer n’est pas applicable aux logements situés en zones urbaines sensibles. Son application rendrait quasi inévitable son corollaire, à savoir la paupérisation renforcée des locataires et la déstructuration des équilibres souvent fragiles de ces quartiers sensibles.
Le surloyer est donc mal conçu, tend à opposer entre eux les locataires, dénigre la gestion locative des organismes bailleurs sociaux et se révèle à l’usage peu productif et intéressant au plan financier. Il est donc grand temps d’y mettre fin.