M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l’amendement n° 19.
M. Thierry Foucaud. Le débat que nous venons d’avoir sur la manière dont doit être calculé le montant des retraites en rapport ou proportionnellement aux revenus tirés de l’activité professionnelle est plus important qu’il n’y paraît.
Avec l’amendement n° 18, nous entendions renforcer les deux piliers de notre système en conservant son aspect contributif, c’est-à-dire assis sur les cotisations sociales, et ses dimensions redistributive et solidaire.
M. Thierry Foucaud. Permettez-moi de revenir un instant sur l’amendement précédent : ne dites pas que l’expression « au moins en rapport » est réductrice par rapport à la rédaction initiale du projet de loi, alors que tel n’est pas le cas !
J’en reviens à l’amendement n° 19 : un système qui ne serait que contributif, c’est-à-dire dans lequel les pensions dépendraient étroitement de la somme des cotisations versées par le salarié, donc du montant des salaires, aurait immanquablement pour effet de reproduire sur les pensions les inégalités de revenus qui existent entre actifs.
À l’inverse, en faisant intervenir d’autres sources de financement que les salaires, nous serions en mesure de favoriser un système plus redistributif susceptible de gommer les inégalités existantes qui pèsent sur les salariés aux carrières incomplètes ou aux faibles revenus.
Nous connaissons bien la tentation de certains parlementaires de tendre un peu plus vers le « big-bang social » et de faire primer les retraites par points, à savoir un régime dans lequel toute contribution, c’est-à-dire toute cotisation, doit se traduire par l’obtention mécanique de points de retraite qui servent de base de calcul pour les droits à pension, celle-ci étant au final en proportion directe avec les efforts réalisés par les salariés.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons l’amendement n° 19.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 40, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
À ce titre, il est progressivement mis fin, dans un délai de deux ans, aux mécanismes individuels ou collectifs, de retraite faisant appel à la capitalisation.
La parole est à M. Dominique Watrin.
M. Dominique Watrin. Notre pays a fait de longue date le choix de la retraite solidaire par répartition, ce dont nous nous félicitons, en raison du constat plus que mitigé ayant résulté de l’échec des régimes par capitalisation qui existaient avant la Seconde Guerre mondiale. Le législateur, à la Libération, s’est donc tourné vers la mutualisation.
M. Gérard Longuet. Il y a quand même eu des circonstances historiques particulières, notamment le pacte germano-soviétique ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Monsieur Longuet, voulez-vous qu’on vous rappelle votre histoire personnelle dans les années soixante ?
M. le président. Mes chers collègues, seul l’orateur a la parole !
M. Dominique Watrin. Nous parlons vraiment du sujet des retraites ! Vous voudriez sans doute nous voir revenir vers les pensions de retraite du début du siècle dernier, mais nous avons un autre projet de société. Nous souhaitons que notre pays fasse le choix intégral du système par répartition, qui est un gage de solidarité. Vous ne nous détournerez pas de cet objectif par des affirmations complètement hors sujet.
Certes, ce système de répartition ne fait pas que des heureux, et votre réaction en est la preuve.
M. René-Paul Savary. Pas du tout !
M. Dominique Watrin. Dans notre pays, comme dans d’autres, les marchés financiers exercent leur emprise et ils n’abandonnent pas. Bien évidemment, ils lorgnent toujours sur les milliards d’euros qui sont en jeu, au-delà d’ailleurs, de toute autre considération, notamment des prétextes démographiques qui occultent la persistance du chômage dans notre pays. Et c’est bel et bien ce qui fait enrager les libéraux ! Ah, ce serait tellement mieux si, comme au Chili en 1973, tous les salariés étaient soumis à un régime par capitalisation !
Je vous propose une brève analyse de ces « pousses » de capitalisation qui existent dans notre système français, c’est vrai. Un certain nombre de produits d’épargne retraite sont proposés : je pense, par exemple, aux PERCO issus de la loi Fillon de 2003. C’est un fait, cette formule, fondée notamment sur l’alimentation du compte des salariés par des versements de l’entreprise, entre en concurrence directe avec le mode de financement de notre système de retraite fondé sur des cotisations mutualisées.
Dix ans après le lancement de cette formule, quel est le bilan ? Selon des sources concordantes, à la fin de 2011, l’encours total des PERCO atteignait environ 5 milliards d’euros, partagés parmi un million de porteurs, soit une moyenne de 5 000 euros par souscripteur ; 5 187 euros par porteur, pour être tout à fait exact ! Il n’y a pas là de quoi faire face, malheureusement, le moment venu, à la modification de la situation financière d’un salarié qui accuserait une baisse de ses revenus au moment de partir à la retraite ! Ce n’est pas donc pas la solution.
Dans ce contexte, il est souhaitable de faire disparaître ces dispositifs d’épargne retraite qui privent le système de répartition des sommes placées dans le système capitalisation.
Selon nous, garantir la pérennité de nos systèmes de retraite par répartition doit passer aussi par l’extinction progressive des mécanismes de capitalisation, qui représentent autant de sommes retirées à notre régime de retraite solidaire.
M. le président. L’amendement n° 246, présenté par MM. Longuet et Cardoux, Mmes Boog, Bruguière, Bouchart, Cayeux, Debré et Deroche, M. Dériot, Mme Giudicelli, MM. Gilles et Husson, Mme Hummel, MM. Fontaine, de Raincourt, Laménie et Milon, Mme Kammermann, M. Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Karoutchi et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le système de retraite français est composé des régimes de base obligatoire par répartition, des régimes de retraite complémentaire obligatoire et le cas échéant des régimes par capitalisation à travers notamment l’épargne retraite collective ou individuelle.
La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Cet amendement, qui vise à insérer un alinéa après l’alinéa 4, va complètement à l’encontre des thèses défendues par M. Watrin. Il est donc sans rapport aucun avec ce que nous venons d’entendre !
Pour notre part, nous souhaitons rappeler, contrairement à M. Watrin, que le système des retraites repose sur trois piliers.
Le premier pilier est celui de la répartition, que nul ne conteste, et qui est constitué par les régimes obligatoires de base.
Le deuxième pilier est constitué des régimes de retraite complémentaires, collectifs, dédiés à certaines professions ou installés au niveau de l’entreprise.
Enfin, le troisième pilier est celui de l’épargne retraite individuelle qui passe, soit par un plan d’épargne retraite populaire, soit par un contrat d’assurance-vie, soit par une formule de capitalisation comme le PERCO, mis en place dans le cadre d’un plan d’épargne retraite populaire en application de la réforme précédente.
Ces amendements témoignent d’approches fort différentes, qui méritent d’être débattues au sein de cette assemblée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Christiane Demontès, rapporteur. Ces deux amendements sont, en effet, très antinomiques, ai-je envie de dire.
Au sujet de l’amendement n° 40, qui prévoit l’extinction progressive de la retraite supplémentaire par capitalisation, je rappelle que la retraite supplémentaire constitue le troisième étage de notre système d’assurance vieillesse. Elle n’a pas vocation à se substituer à la retraite obligatoire de base ni à la retraite complémentaire, auxquelles elle s’ajoute à titre facultatif. J’émets donc, au nom de la commission, un avis défavorable.
Quant à l’amendement n° 246, qui tend à mentionner l’existence des trois étages du système de retraite, les retraites de base, les retraites complémentaires et les retraites supplémentaires, il précise non les objectifs du système de retraite, mais son organisation, qui est un moyen au service de ces objectifs. Pour cette raison, j’émets également, au nom de la commission, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, dont les objectifs sont radicalement, diamétralement opposés.
Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de mettre en place un système de retraite par capitalisation, pas même de façon partielle. L’enjeu du projet de loi qui vous est soumis est bien de consolider notre système fondé sur la répartition, de telle sorte qu’il garantisse à chacun, au regard de sa carrière professionnelle et des mécanismes de solidarité qui interviennent, un niveau de retraite décent et digne.
Dans le même temps, si nos concitoyens souhaitent pouvoir constituer une épargne complémentaire dans la perspective de leur retraite, nous n’avons aucune raison de nous y opposer, dès lors que ces mécanismes de retraite, tels que les PERCO en entreprise, sont souscrits individuellement et ne viennent pas se substituer à la retraite par répartition.
Nous ne voulons pas aller à l’encontre de la liberté contractuelle, de la liberté individuelle de nos concitoyens, qui peuvent constituer une épargne destinée à venir en complément de la retraite qui lui sera servie par notre mécanisme par répartition.
C’est la raison pour laquelle j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’amendement n° 40.
M. Dominique Watrin. Cela fait déjà quelque temps qu’une certaine partie du patronat, notamment les représentants de la banque et de l’assurance, et quelques idéologues, réunis au sein de l’Institut de l’entreprise ou de l’Institut Montaigne, présentent la capitalisation comme la panacée aux maux rédhibitoires de notre système de retraite par répartition, dont l’avenir serait indéfiniment voué à un déficit grandissant.
Je crois qu’il faut, à un moment donné, revenir aux fondamentaux mêmes de la capitalisation, des fondamentaux exactement inverses de ceux de notre système solidaire de retraite.
En effet, dans le système de la capitalisation, l’intérêt des actifs qui veulent épargner est de disposer de revenus élevés qui leur permettent de soustraire des sommes au-delà de leur consommation. Dans le même temps, l’intérêt des rentiers-retraités est d’obtenir la meilleure rémunération immédiate de leur capital investi.
En clair, le système par capitalisation oppose donc les actifs aux retraités. La persistance des outils de capitalisation conduit à pérenniser non notre système de retraites, mais cet antagonisme entre actifs et retraités.
De plus, la capitalisation dessert l’intérêt général, car sa logique globale tient dans un accroissement continu du capital et dans une progression du rendement du capital. À ce titre, c’est un système qui joue contre la consommation et contre l’emploi. Le prélèvement opéré à un moment donné sur les richesses produites est retiré de la consommation et n’y revient qu’après un circuit long et fortement hasardeux.
Le système par capitalisation est, en effet, plein d’aléas. Les placements opérés aujourd’hui peuvent ne pas se révéler judicieux quelques années plus tard. Il s’agit bel et bien de confier sa retraite à la bourse, ce qui n’est pas très rassurant. Tout le monde peut en juger aujourd’hui au vu des fluctuations, voire des crises boursières.
Ainsi, la capitalisation peut paraître rentable pendant la montée en puissance du système. Tel est le cas, par exemple, quand la demande d’actifs financiers est importante, c’est-à-dire quand les actifs sont nombreux en période d’épargne-capitalisation.
À l’inverse, quand les personnes arrivent à l’âge de la retraite, elles ont tendance à vouloir liquider leur pension. Elles souhaitent, très logiquement, vivre sur leur capital et vont vendre une partie de leurs avoirs, qui sera offerte sur les marchés. Supposons qu’il y ait alors moins de jeunes et de revenus pour acheter ces titres, la tendance du marché sera à la baisse. En conclusion, ces titres vont s’effondrer et ni les retraités ni les actifs ne pourront bénéficier des bienfaits supposés de la capitalisation.
Il ressort donc de ce qui précède que le recours à la capitalisation n’empêche pas les effets du fameux « choc démographique », on y revient, auquel vous vous référez pour l’imposer. La capitalisation n’est efficace ni pour créer de la solidarité, ni pour répondre aux variations démographiques, ni pour engendrer du revenu. Elle n’est efficace que pour organiser sa disparition !
C’est bel et bien pour ces motifs de fond que nous vous proposons l’adoption de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’amendement n° 246.
M. Gérard Longuet. Nous arrivons à un rendez-vous important de la réflexion collective sur l’avenir de nos retraites.
Il n’est pas complètement inutile de revenir en arrière. Si les régimes par capitalisation ont connu, dans notre pays, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une image négative, c’est parce que, rappelons-le, deux événements importants ont marqué l’histoire monétaire française : la Première Guerre mondiale, dont l’année prochaine marquera le centenaire du déclenchement, puis, la Seconde Guerre mondiale que j’évoquais à titre incident.
La Première Guerre mondiale a mis fin à un siècle de stabilité monétaire pendant lequel les travailleurs, qu’ils soient salariés, alors minoritaires, ou travailleurs indépendants, dans le monde agricole, mais aussi dans le monde commercial et artisanal, ont pu se constituer des retraites par capitalisation. On les appelait les rentiers et ils étaient d’ailleurs assez nombreux dans notre pays. En plaçant leurs économies en rente d’État, d’une part, et dans l’immobilier, d’autre part, ils accédaient, après une période de vie de labeur, à une certaine indépendance.
Cette retraite par capitalisation, qui n’était pas formalisée, a évidemment été balayée par l’inflation issue de la Première Guerre mondiale et toutes les tentatives de stabilisation ont tué le rentier, qui a disparu sociologiquement de notre pays.
M. Jean-Pierre Caffet. Hélas, non !
M. Gérard Longuet. En 1945, en effet, le CNR a lancé une sorte de nouveau contrat social. La répartition est l’enfant de l’inflation, puisqu’il s’agit de payer immédiatement, sans attendre, des retraites avec les ressources des cotisations – ce qu’a évoqué René-Paul Savary précédemment – et de faire en sorte que les retraites versées correspondent aux cotisations immédiatement versées. À l’époque, en effet, la fuite devant la monnaie, en raison du risque permanent d’inflation, rendait tout système de capitalisation à peu près impossible.
Ce qui n’a d’ailleurs pas empêché un certain nombre de nos compatriotes, qui avaient des revenus suffisants pour dégager une marge ou qui pouvaient accéder au crédit, d’échapper à l’inflation et de se constituer ainsi une retraite par l’accumulation d’actifs – notamment d’actifs immobiliers – qui, eux, étaient des biens réels, protégés de l’inflation. Pendant ce temps, le salarié ou le retraité, lui, courait après l’inflation, faisant dire aux syndicalistes que « les prix prennent l’ascenseur et les salaires prennent l’escalier. »
Aujourd’hui, la situation a complètement changé en France et ce, pour deux raisons.
La première, c’est que nous avons une monnaie nouvelle, l’euro, dont l’objectif est la stabilité – on peut regretter cet objectif ; on peut, au contraire, s’en féliciter. C’est un fait que, depuis la mise en place de l’euro – et la majorité de cette assemblée souhaite maintenir l’appartenance de la France à la zone euro –, nous connaissons la stabilité. Le regard de nos compatriotes face à la sécurité des vieux jours change, parce que change également la relation qu’ils ont avec la monnaie, dans la mesure même où l’inflation a disparu. C’est un premier élément dont vous ne pouvez pas ne pas tenir compte.
La seconde raison extrêmement importante de ce changement – et je suis très surpris, madame le ministre, que vous ne lanciez pas une réflexion publique sur ce thème – est la globalisation.
La globalisation économique mondiale présente des avantages et des inconvénients. Le régime de répartition est nécessairement exclusivement national, puisque l’autorité de la loi ne peut jouer qu’à l’intérieur d’un espace, de l’espace national, qui est l’espace de l’imperium de la loi.
Pourquoi priver les générations actuelles de Français des bienfaits des performances économiques, du développement et de la croissance que connaissent d’autres parties du monde, et que seul l’investissement français, réalisé à l’extérieur par le biais de la capitalisation, permettrait de rapatrier dans notre pays ?
Après tout, la France vieillit, contrairement à ce que vous pensez. Or, dans le même temps, des pays jeunes deviennent puissants et connaissent une expansion économique. L’intérêt bien compris des jeunes générations françaises serait d’associer leurs économies et leur prévoyance au développement de pays qui ont des perspectives affichées de croissance que nous n’avons pas, puisqu’il est prévu – c’est indiqué dans le rapport – que le taux de croissance de notre pays serait de l’ordre de 1,5 % par an dans les vingt prochaines années. Ce taux est certes extrêmement raisonnable, comme l’a rappelé M. Caffet en commission, mais il est aussi très largement inférieur à la performance économique réalisée ailleurs dans le monde.
Je ne nie pas qu’il y ait dans la démarche de capitalisation la perspective d’un risque, mais il y a également celle d’un succès. Lorsque nous rappelons le principe de la capitalisation, nous ne voulons pas simplement énoncer l’évidence qui est, comme vous l’avez rappelé, madame le ministre, que chacun d’entre nous a le droit à se constituer une épargne, si possible non taxée, dès lors que l’on a déjà acquitté l’impôt sur le revenu. Nous nous demandons simplement pourquoi on devrait priver la société française de la perspective d’être associée, au travers de placements collectifs judicieux, à la réussite d’autres pays, auxquels nous souhaitons d’ailleurs qu’ils connaissent une forte croissance.
Prolétaires et consommateurs de tous les pays, unissez-vous pour une croissance mondiale harmonieuse et pacifique ! (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que je partage l’analyse de Gérard Longuet.
Je veux redire l’importance que j’accorde à ces trois piliers, et ce d’abord pour une raison pratique : les tabourets à trois pieds sont les plus stables ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Pourquoi pas quatre ?
M. Jean-François Husson. Mais restons sérieux...
Le premier de ces piliers auxquels nous sommes attachés est le principe de la répartition.
Le deuxième pilier est formé par les régimes de retraite collectifs réservés à certaines professions, comme la Préfon pour les fonctionnaires.
Or ceux qui ont cotisé à la Préfon, dispositif présenté comme particulièrement vertueux, ont été victimes au cours des dernières années d’erreurs de gestion – et cela fait penser aux préoccupations que soulève le système de retraite par points – qui ont grandement diminué les prestations qu’ils en attendaient, prestations qui étaient donc loin d’être « définies ». Cela ne manque pas de nous interroger.
Les contrats Madelin, en revanche, me semblent répondre parfaitement à l’objectif d’un complément de retraite. Ils s’adressent en effet aux professionnels indépendants, auxquels leurs cotisations dans le cadre du seul régime par répartition ne permettent pas, compte tenu de la pyramide des âges, de s’assurer des pensions décentes globalement proportionnelles à leurs revenus. L’avantage de ces contrats Madelin est de prévoir une sortie obligatoire en rente. Il s’agit donc bien d’un système collectif de retraite complémentaire.
Le troisième pilier auquel nous sommes attachés regroupe divers dispositifs de retraite individuels, parmi lesquels je citerai le plan d’épargne retraite populaire, le PERP, qui permet également des sorties en rente. Dans la mesure où il s’agit de rente et non de sortie en capital, nous parlons bien d’un système de retraite, et non d’un dispositif de capitalisation.
Si l’on regarde dans le rétroviseur, il y avait encore mieux que le PERP voilà quelques années : le PEP, le plan d’épargne populaire. Le PEP était plus intéressant que le PERP car, tout en s’inscrivant dans une même logique, il permettait de récompenser les efforts de ceux qui, tout au long de leur vie, faisaient un effort d’épargne individuelle par le versement d’une rente nette d’impôt.
J’espère, madame la ministre, que vous allez nous rassurer et ne pas remettre en cause la spécificité de ces contrats, à savoir la possibilité d’obtenir une sortie en rente nette d’impôt. Ce serait une mauvaise nouvelle, qui s’ajouterait aux mesures que vous avez annoncées, et qui me paraissent aller dans un très mauvais sens, sur la nouvelle fiscalité applicable à certains contrats d’assurance-vie retraite. À mon humble avis, de telles dispositions ne seraient d’ailleurs pas constitutionnelles.
Il est donc possible que coexistent le régime de retraite par répartition, les régimes de retraite complémentaire qui permettent le versement d’une rente par le biais de l’entreprise – ce sont les deux premiers piliers, qui ressortissent de l’effort collectif et, me semble-t-il, d’une forme de solidarité bien comprise – et les dispositifs de retraites individuels dont bénéficient ceux de nos concitoyens qui ont souhaité se constituer, par leur propre arbitrage et en fonction de leurs capacités contributives, un complément de retraite. Les investissements immobiliers donnent bien droit à des avantages fiscaux !
Quoi qu’il en soit, il me paraît normal, sain et salutaire d’autoriser la capitalisation personnelle, notamment en actions, car ce type de produit offre une meilleure rentabilité dans le temps.
Enfin, dois-je rappeler que la capitalisation contribue au financement de l’économie française, et donc à son bon fonctionnement ?
Je ne doute pas, madame la ministre, mes chers collègues, que vous saurez vous ranger à nos arguments et soutenir notre amendement n° 246.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Caffet. Avec ces deux amendements, le n° 40, qui a été repoussé, et le n° 246 que nous examinons, nous sommes en plein débat dogmatique et idéologique.
Je n’étais pas favorable à l’amendement n° 40, car je ne vois pas pourquoi ne pourraient pas exister un certain nombre de produits d’épargne faisant appel à la capitalisation.
Cette proposition posait, par ailleurs, un certain nombre de questions. Comment mettre fin aux contrats qui existent déjà ? Fallait-il rembourser, et dans quelles conditions, ceux qui n’avaient plus le droit de cotiser à tel ou tel produit ? Le Gouvernement aurait dû dénouer cette situation compliquée.
Enfin, où aurait-on mis la barre ? Comment définir ce qui ressortit, ou non, à la capitalisation ? L’assurance-vie, par exemple, relève-t-elle de la capitalisation ? Fallait-il mettre fin à l’ensemble des contrats d’assurance-vie, ou à un certain nombre d’entre eux ?
L’amendement n° 40 posait donc des problèmes inextricables.
S’agissant de l’amendement n° 246, j’ai bien entendu le plaidoyer de Gérard Longuet, dont j’ai préféré la fin au début. J’ai cru en effet, à un moment donné, qu’il était nostalgique du rentier d’avant-guerre !
M. Jean-Pierre Caffet. Et même d’avant la guerre de 1914, et non d’avant celle de 1940 ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Cela dépend pour qui !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous avez fait une véritable apologie du rentier avisé de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle, avant qu’il ne soit ruiné, dans l’entre-deux-guerres, par la crise des années 1930.
Je ne partage pas votre point de vue, monsieur Longuet, sur les raisons de cette ruine. Elle n’était pas due, selon moi, à l’inflation, mais à la baisse du rendement des actifs. C’est d’ailleurs la limite des régimes par capitalisation : leur problème n’est pas l’érosion de l’épargne par l’inflation, mais précisément le rendement des actifs, car personne n’a réussi à démontrer jusqu’à présent que le rendement des actifs, donc le régime par capitalisation, était supérieur à long terme, sous ce rapport, au régime par répartition.
M. Jean-Pierre Caffet. Je suis d’accord avec Mme la ministre : qu’un certain nombre de produits d’épargne puissent être utilisés pour la retraite ne me gêne absolument pas !
M. Jean-Claude Lenoir. Heureusement !
M. Jean-Pierre Caffet. Ce que je conteste, c’est que le régime par capitalisation ait, comme vous le dites, des performances supérieures, ou tout au moins équivalentes, à celles du régime par répétition. Ce n’est pas vrai ! Sur le long terme, le rendement des actifs est, au mieux, nul.
M. Jean-François Husson. Mais non !
M. Jean-Pierre Caffet. Sur une vie de cotisation, ce que vous pouvez tirer de ces placements tend a priori vers zéro. Regardez le rendement de la Préfon !
M. Jean-François Husson. C’est le mauvais exemple !
M. Jean-Pierre Caffet. Est-ce un régime particulièrement compétitif ? Non ! Or il s’agit bien de capitalisation.
M. Jean-Pierre Caffet. Pas simplement...
Encore une fois, que l’on propose des produits d’épargne pouvant servir à améliorer la retraite d’un certain nombre de nos concitoyens, je n’y vois aucun inconvénient. Mais écrire dans la loi – car il s’agit de cela ! – que la capitalisation est un étage presque obligatoire de notre système de retraite, même si vous prenez la précaution d’ajouter les mots « le cas échéant », c’est un pas que je ne saurais franchir personnellement.