M. Yvon Collin. Néanmoins,…
M. Jean-Vincent Placé. Ah ! (Sourires.)
M. Yvon Collin. … le président de la commission du développement durable, M. Raymond Vall, et moi-même, convaincus par les arguments de l’auteur du texte, voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en tant que présidente de la mission commune d’information du Sénat qui a conduit ses travaux en 2012 et dont notre collègue Nicole Bonnefoy, que je salue, était rapporteur, je souhaite rappeler que l’objectif principal de cette mission était d’établir des recommandations afin de mieux protéger les utilisateurs des produits phytosanitaires.
Je veux une nouvelle fois saluer l’ensemble de l’équipe qui a travaillé dans le cadre de cette mission, dans l’esprit qu’a très bien décrit notre collègue Joël Labbé.
Une centaine de recommandations a été ainsi approuvée à l’unanimité. Bien entendu, des nuances entre les groupes politiques se sont plusieurs fois exprimées, notamment sur des questions de fiscalité ; nous aurons l’occasion d’y revenir ultérieurement. Toutefois, notre volonté commune était d’envoyer un message sanitaire fort, et c’est ce que nous avons fait, de manière responsable.
La mission a étudié tous les secteurs d’activité et tous les domaines dans lesquels l’utilisation des produits phytosanitaires est avérée. Les collectivités territoriales et les usages individuels non professionnels des particuliers ont donc été ciblés, même si, bien entendu, les enjeux liés aux tonnages utilisés, à la nature des molécules et aux raisons d’utilisation sont très éloignés des enjeux sanitaires importants rencontrés dans d’autres secteurs.
Je comprends donc la nature symbolique et politique de la proposition de loi déposée par le groupe écologiste, même s’il faut bien admettre que nous ne traitons pas ici le cœur des enjeux sanitaires pointés à l’occasion des travaux de la mission. Cela a été dit plusieurs fois, et chacun en est conscient.
Je sais que certains points majeurs seront intégrés dans le projet de loi d’avenir de l’agriculture que nous examinerons en début d’année prochaine, bien que les premiers éléments dont nous disposons me semblent aller à l’inverse de nos recommandations. Mais cela fera partie d’un second temps du débat…
Je le dis solennellement, je souhaite également que les ministères de la santé et du travail s’engagent plus fortement sur des questions qui nous sont, à tous, parues cruciales, comme la mise en place d’une épidémiologie plus large et plus coordonnée, le suivi sanitaire des populations exposées, la reconnaissance de certaines maladies au tableau des maladies professionnelles…
Enfin, les questions juridiques autour de la fraude, voire du grand banditisme devront également être traitées, tant les dangers sont considérables en termes sanitaires et environnementaux. (Mme Corinne Bouchoux opine.)
Nous examinons donc aujourd'hui une proposition de loi visant à mieux encadrer l’utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national, texte qui concerne principalement les collectivités territoriales et les particuliers.
Je veux saluer très sincèrement le travail de M. Joël Labbé, auteur de la proposition de loi, et de M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission, ainsi que leur volonté respective d’aboutir à un texte consensuel.
Chers collègues, vous avez écouté et pris en compte un certain nombre de remarques, adopté plusieurs amendements qui ont amélioré et précisé le texte initial, voire, parfois, donné plus de temps aux publics visés.
J’adhère donc pleinement à l’esprit de ce texte.
Néanmoins, je considère que ce dernier ne peut être voté en l’état, car sa rédaction me semble comporter encore trop d’insécurités juridiques, notamment à l’article 1er, et ne pas permettre une bonne interprétation par les maires.
Par ailleurs, la proposition de loi est, à mon sens, porteuse de quelques sources d’incompréhensions potentielles.
Enfin et surtout, elle n’a pas été évaluée financièrement pour les communes, ce qui, nous l’admettrons tous assez facilement, est une faute que nous ne pouvons éternellement répéter au fil des lois.
La proposition de loi s’articule autour de deux axes principaux.
Premièrement, le texte vise à une interdiction, à l’horizon 2020, de l’utilisation des produits phytosanitaires par les personnes publiques.
Pour ma part, je suis absolument certaine que le zéro phyto dans les collectivités est surtout affaire de motivation et d’une forme de courage politique, car il nécessite, auprès de la population, beaucoup de communication et d’esprit de persuasion. Il est nécessaire de faire savoir aux habitants que l’utilisation ou non de produits phytosanitaires ne donnera pas, au final, le même résultat et qu’il faut accepter de nouvelles formes d’espaces verts.
Le zéro phyto est d’ores et déjà mis en œuvre, de façon volontaire, voire volontariste, dans de nombreuses communes de France, de toutes tailles et très diversement dotées sur le plan administratif.
Je veux une nouvelle fois citer l’exemple de Versailles, dans mon beau département des Yvelines. Dans les royales rues et avenues de cette commune, le plan zéro phyto est appliqué depuis déjà un certain nombre d’années – depuis 2005 si je ne m’abuse –, en ayant recours à des méthodes qui font maintenant école.
Mais je veux aussi évoquer l’exemple de communes rurales, comme il en existe aussi beaucoup dans mon département. Ces communes ont souvent un seul employé municipal, qui ne travaille parfois qu’à temps partiel, et elles pratiquent presque le zéro phyto partout sur leur petit territoire communal, à l’exception des endroits que les maires considèrent comme présentant des dangers pour la circulation automobile ou pour la circulation des piétons.
Je pense au maire d’une petite commune du Vexin, située dans le parc naturel, que je suis allée voir la semaine dernière. Cette commune a un seul cantonnier, mais son maire mène à cet égard une politique très volontariste : il pratique le zéro phyto dans sa commune et a repensé l’engazonnement de ses espaces verts et de ses trottoirs pour prendre en compte le ruissellement de son village. Cependant, il ne se résout pas à faire marcher les enfants sur des trottoirs glissants ou mal dégagés dans leur trajet quotidien entre la cantine et l’école. Il ne se résout pas non plus à ne pas désherber les étroites voies de desserte de sa commune, car il ne veut pas ajouter du danger à la circulation des véhicules. Il utilise donc du désherbant de manière raisonnée et raisonnable.
Par ces deux exemples locaux, je veux souligner la volonté des maires, quelle que soit leur appartenance politique. Cette volonté est bien réelle, mais elle n’exclut pas pour autant le bon sens.
Par conséquent, je salue le fait que, dans le texte qui nous est proposé, le champ d’application de l’interdiction du recours aux produits phytosanitaires ait été plus justement encadré, notamment à l’occasion des travaux de la commission. En effet, cette interdiction porterait seulement sur « l’entretien des espaces verts, forêts ou promenades accessibles ou ouverts au public ». Ainsi, les cimetières et les terrains de sport seraient exclus du champ du dispositif. Cette avancée est de nature à permettre l’acceptation du texte, tant le cimetière, en particulier, reste un endroit sensible.
Par ailleurs, les actions de désherbage menées par les collectivités ou les établissements publics, dans un objectif de sécurisation de la voirie, par exemple, semblent être également exclues du dispositif ; je souhaiterais que l’auteur de la proposition de loi et le rapporteur puissent me le confirmer. Cette exclusion aurait le mérite de rassurer les collectivités rurales qui mènent des actions de sécurisation sur les voies communales, parfois très étendues, par exemple entre deux hameaux, et qui s’inquiètent d’un dispositif de retrait total de toute action chimique, sans aucune alternative autre que mécanique, l’alternative toute mécanique posant un autre souci, celui du personnel nécessaire et donc des coûts afférents.
Cela étant, il me semble qu’il n’existe pas, à cette date, de définition juridique stricto sensu de l’« espace de promenade ». Un talus pourrait-il être considéré comme un espace de promenade ? Quid d’un bord de route ? Un stade ne pourrait-il pas finalement, lui aussi, être requalifié par un juge comme espace de promenade ? On voit bien ici l’insécurité juridique et le nombre de recours possibles auxquels les maires pourraient s’exposer dès lors que la loi serait votée.
Par ailleurs, malgré le travail de qualité, j’y insiste, effectué par nos collègues Joël Labbé et Ronan Dantec, un certain nombre de questionnements restent en suspens. Nous avons d’ailleurs eu de très longs débats en commission et envisagé moult réécritures de l’article 1er...
Ainsi, il semblerait que la distinction proposée entre personne publique et personne privée ne résistera que difficilement à l’épreuve des faits.
Peut-on, par exemple, interdire à une collectivité d’avoir recours aux produits phytosanitaires sur son territoire alors qu’un bailleur privé pourra continuer à les utiliser librement sur les espaces verts de son parc de logements sociaux ? Une personne publique pourrait-elle faire appel à un prestataire de service privé, professionnel qui, lui, serait autorisé à utiliser les produits phytosanitaires ? Je sais que M. Ries a déposé un amendement pour régler ce problème, qui est réel.
Comment un maire un peu récalcitrant peut-il comprendre qu’il faille respecter l’interdiction du recours aux produits phytosanitaires, par exemple dans une zone industrielle, quand, quelques mètres plus loin, au sein du parc privé d’une entreprise, derrière le grillage qui sépare espace privé et espace public, l’entretien des espaces verts, non concernés par cette proposition de loi, serait réalisé avec des produits phytosanitaires, lesquels pourraient éventuellement contaminer les espaces publics ?
À mon sens, la confusion de ces différentes politiques de gestion des espaces au sein même d’un seul territoire peut conduire au brouillage du message que nous souhaitons faire passer et, surtout, à des recours éventuels de particuliers, qui, me semble-t-il, seront très difficiles à trancher.
Ces questions, auxquelles s’ajoutent celles qui sont relatives à l’impact budgétaire de ces mesures pour les collectivités, nécessitent une plus grande et une plus large réflexion avec l’ensemble des acteurs concernés.
Ainsi, même si l’objectif affiché est louable, il ne pourra être atteint que si tout est fait que si le texte fait en sorte d’assurer les conditions du succès, ce qui suppose préparation suffisante, et cela est particulièrement vrai dans la période contrainte que nous traversons.
Dans son deuxième axe, la présente proposition de loi vise à une interdiction, à l’horizon 2022, de la commercialisation de produits phytopharmaceutiques pour un usage non professionnel. Cet objectif est tout à fait estimable, et j’y adhère totalement.
Néanmoins, je souhaite rappeler la dynamique engagée dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
Les mesures concernant la vente de produits phytosanitaires en grande distribution viennent tout juste d’entrer en vigueur. Vous avez certes souligné, monsieur le ministre, que les objectifs n’étaient pas encore atteints, mais vous reconnaîtrez qu’il est encore un peu tôt pour qu’ils le soient.
Ainsi, depuis le 1er octobre 2013, la vente de ces produits ne peut se faire qu’en présence d’un personnel formé. Tous les points de vente doivent être certifiés conformes par un organisme certificateur, sur la base de référentiels élaborés par la direction générale de l’alimentation, la DGAL.
Le référentiel spécifique à la distribution au grand public comprend plusieurs types d’exigences. Tout d’abord, il comprend des exigences sur les conditions de vente au client, notamment l’information par un vendeur certifié, la présentation des méthodes alternatives ou encore les zones clairement balisées. Il comporte des exigences quant aux procédures internes : stockage des produits en réserve, gestion des déchets, vérification automatique de la validité de l’autorisation de mise sur le marché… Enfin, il comporte des exigences en termes de proximité avec les produits alimentaires, des zones minimales de distance entre produits phytosanitaires et produits alimentaires étant obligatoires.
Nous devons nous féliciter de ces avancées et, parallèlement, remarquer les efforts des entreprises de la distribution, spécialisée ou non, pour permettre une information efficace du consommateur et une gestion plus sécurisée des produits.
Même si nous pouvons avoir a priori certaines réserves sur la réalité opérationnelle de certaines exigences, il faut accorder un peu de temps au temps. Aussi, face au caractère très récent de ce nouvel encadrement de la vente de produits phytosanitaires à usage non professionnel, nous pouvions nous interroger sur l’opportunité de nous prononcer, dès aujourd’hui, sur l’interdiction immédiate de leur commercialisation.
Je remercie donc la commission d’avoir accepté de repousser l'échéance à 2022, ce qui laissera à ces entreprises de distribution le temps de rentabiliser les investissements réalisés pour répondre aux exigences du Grenelle de l’environnement et de mettre en place, avec les industriels, de nouvelles gammes non seulement alternatives aux produits phytosanitaires, mais aussi efficaces. Effectivement, pour que de nouveaux produits soient acceptés dans la durée par les particuliers, notamment par les jardiniers amateurs, qui sont très attachés à la réussite de leur production personnelle, l’efficacité doit être au rendez-vous.
De surcroît, fixer le terme de l’interdiction à 2022 permettra aux industriels du secteur de continuer à développer l’ensemble des produits alternatifs qui font actuellement l’objet de recherches. Je pense naturellement aux produits de bio-contrôle, qui doivent être soutenus, comme l’avait clairement mentionné notre collègue député Antoine Herth dans son excellent rapport.
Je salue l’article 3 de la présente proposition de loi qui nous permettra de considérer la façon qui soit la plus efficace et la plus sûre de faire pénétrer sur le marché des produits de bio-contrôle, mais également la plus rapide, la plus économique que prévu.
Mais demeurera le souci premier des particuliers : le désherbage. Sur ce sujet, ne nous trompons pas ; n’interdisons pas tout au motif qu’est ciblé un produit particulier – que je ne nommerai pas – contenant des glyphosates. C’est bien le rôle de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, d’évaluer les risques. Lors du renouvellement de l’homologation, les produits visés doivent faire l’objet d’une grande vigilance et donner lieu ou non à une autorisation qui, en dernier ressort, relève encore de la responsabilité politique du ministre chargé du dossier.
Eu égard à l’ensemble de ces réserves et tout particulièrement, vous l’avez compris, en raison des risques juridiques et financiers qui résultent de l’article 1er, les membres du groupe UMP s'abstiendront sur le texte que nous examinons, même si, je le répète, ils partagent les objectifs poursuivis. (Mme Françoise Boog et M. Henri Tandonnet applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les écologistes apprécient la proposition de loi de Joël Labbé et le climat constructif dans lequel elle a été accueillie.
Sans doute est-ce en raison de l’heureuse conjonction des convictions de l’auteur et du riche travail collectif de la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, dont la présidente était Sophie Primas et le rapporteur Nicole Bonnefoy. Et personne n’ignore dans cette enceinte la contribution permanente des associations d’apiculteurs, de paysans soucieux des générations futures, ou de promoteurs d’alternatives compatibles avec notre santé et la biodiversité, pas plus que le rôle précurseur d’élus courageux qui ont – sans jeu de mot – défriché le terrain avec leurs collaborateurs en affrontant le doute des riverains devant quelques plates-bandes qui n’affichaient pas la coupe et l’uniformité réglementaires.
Avant d’aborder le fond de la question, il n’est pas inutile de se remémorer de quelle manière le champ sémantique des substances toxiques a été manipulé.
L’étymologie du mot « pesticide » signale d’emblée sa finalité mortifère à destination des « pestes » – ce sont les sales bêtes, les vilains parasites ou les mauvaises herbes et autres connotations révélatrices, dont il reste une scorie dans le présent texte qui comporte le terme « nuisibles ».
Puis furent étudiés plus attentivement ces molécules et leurs effets sur la santé humaine. Phtalates, perturbateurs endocriniens, neurotoxiques et inhibiteurs de croissance ont aussi, évidemment, des effets sur l’homme.
Leur mauvaise réputation devenant universelle, les fabricants ont fait valoir auprès des institutions une nouvelle expression consacrée, celle de « produits phytosanitaires ». Mais ces derniers furent aussi l'objet de quelques études accablantes mettant en perspective, à la suite de contaminations directes ou indirectes, des lymphomes, des myélomes, des maladies de Parkinson… Aussi sont-ils maintenant dénommés « produits phytopharmaceutiques », sans toutefois que leur composition soit modifiée. Ces substances restent polluantes pour l’environnement et dangereuses pour la santé, ce de façon durable.
Et les fabricants le savent : ils ont dû retirer certains produits de la vente et ont fait évoluer tant les contenants que les modes d’emploi.
Les soignants des centres hospitaliers régionaux et des zones agricoles fruitières le savent, eux qui accueillent en urgence les personnes intoxiquées après chaque campagne de pulvérisation.
La Mutualité sociale agricole le sait, elle qui a mis en place la collecte des signalements de contaminations et des portails d’explication des risques de mauvaises manipulations, de contacts avec la peau, ou d’inhalation.
Les applicateurs, salariés autorisés des entreprises ou des services à pulvériser ces pesticides, le savent, eux qui doivent enfiler des combinaisons et mettre des masques. Je tiens à votre disposition un cliché pris depuis le restaurant du Sénat sur lequel on voit dans le parc un jardinier habillé comme dans un film de science-fiction en train d’épandre un mystérieux aérosol sur les gazons… (Sourires.)
Nos agences de sécurité sanitaire le savent, elles qui ne sont pas promptes à sonner l’alarme sans avoir vérifié plusieurs fois la certitude d’un danger…
Et cette toxicité, connue et reconnue, nous la laisserions déployer ses effets dans les parcs et jardins où gambadent les petits ? Ceux-ci respirent à pleins poumons, touchent les feuilles, cueillent les pâquerettes, s’allongent dans l’herbe. Or les conséquences des pesticides sur les organismes en croissance sont décuplées ; certaines molécules perturbent le système hormonal et engendrent des dysfonctionnements, parmi lesquels l’hyperactivité.
Cette toxicité reconnue, nous la laisserions, si je puis dire, en vente libre à destination des potagers domestiques ? Il est fréquent que le jardinier de la famille, jaloux de sa future récolte de choux, de laitues ou de fraises et peu avare des moyens qu’il y consacre, applique sans nuance le principe « quand on aime, on ne compte pas » et double la dose de produit, qu’il répand sans gants, pour faire disparaître – à jamais, espère-t-il – limaces, pucerons et chenilles. (Nouveaux sourires.)
La première bonne nouvelle, c’est ce premier pas que nous permet d'accomplir la présente proposition de loi. La seconde, c’est que ce texte peut être adopté…
Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault n’a-t-il pas souhaité que nous allions vers la suppression des produits phytosanitaires en ville ? L’ex-Premier ministre Fillon n’avait-il pas approuvé le rapport du député Herth sur l’existence d'alternatives ? N’était-ce pas une conclusion unanime du groupe du Grenelle de l’environnement consacré à la biodiversité ? Une grande enseigne, Botanic, n’a-t-elle pas pris l’initiative vertueuse d’éradiquer les pesticides de ses rayons, sans crainte pour sa compétitivité ?
Tous les ministres chargés de l’environnement qui se sont succédé dans cet hémicycle se sont aussi accordés pour reconnaître qu’il était vraiment aberrant que le purin d’ortie ou l’ail pulvérisé soient traités comme le glyphosate et que leurs promoteurs doivent passer sous les fourches caudines d’une inscription dont le coût – prohibitif – peut atteindre 200 000 euros !
Monsieur le ministre, le Parlement va vous laisser choisir les modalités d’une autorisation facile pour les préparations peu préoccupantes. Faites vite, et soyez celui qui nous sortira du ridicule !
Enfin – car il y a une fin, mais pas que de bonnes nouvelles – nous, écologistes gardons une petite part d’amertume. Nous comprenons que l'on retienne l'année 2020 pour les collectivités en vue d'une transition réussie. Mais nous sommes atterrés par les freins de l’industrie qui, quoi qu’elle en dise, tourne le dos à la compétitivité en réclamant huit ans au lieu de six pour continuer à nous empoisonner. C’est le progrès à reculons !
Moins grave, mais quand même absurde, est la limitation aux seuls espaces ouverts au public, ce qui tourne le dos à la science et à la connaissance – comme l’indiquait M. Collin –, et ignore le fait que les polluants ne restent pas sur place.
Néanmoins, ne boudons pas une avancée qui est à notre portée : c'est bien sûr avec plaisir que nous voterons le texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.– Mme Évelyne Didier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 10 octobre 2012, la mission commune d’information sur les pesticides et leur impact sur la santé et l’environnement, dont j’ai demandé la création et été le rapporteur, rendait ses conclusions. Son rapport, auquel Joël Labbé s’est associé, a été adopté à l’unanimité.
Au terme de sept mois de travail et d’une centaine d’auditions, ce document dressait un tableau assez alarmant de la situation sanitaire liée aux pesticides en France. Il établissait cinq constats majeurs, que je veux rappeler en cet instant : les dangers et les risques des pesticides pour la santé sont encore sous-évalués ; le suivi de ces produits, après leur mise sur le marché, n’est qu’imparfaitement assuré au regard de leur incidence sanitaire réelle ; les protections contre les pesticides ne sont pas à la hauteur des dangers et des risques qu’ils font peser sur leurs utilisateurs comme sur le reste de la population ; les pratiques industrielles, agricoles et commerciales actuelles ne prennent pas suffisamment en compte la problématique de la santé ; le plan Ecophyto, lancé dans le cadre du Grenelle de l’environnement, qui établissait pour objectif, à l'horizon de 2018, la réduction de 50 % de la quantité de pesticides utilisés dans le pays, ne sera vraisemblablement pas respecté, puisque l’usage des pesticides a au contraire continué d’augmenter depuis son lancement.
Au mois de juin dernier, une étude des experts scientifiques de l'INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, renforçait à son tour les conclusions et les préconisations de la mission commune d’information.
En effet, l’expertise collective identifiait très clairement le lien entre l’utilisation de certains pesticides et la survenue de plusieurs pathologies graves telles que la maladie de Parkinson et les cancers de la prostate, de la moelle osseuse ou de la vessie. De plus, elle soulignait que les expositions aux pesticides semblent particulièrement à risque pour le développement de l’enfant.
La nécessité d’une réaction rapide, du fait de la dangerosité de nombreux produits pesticides, ne fait donc plus aucun doute.
C’est pourquoi, pour ma part, j’ai déposé, au mois de juillet dernier, une proposition de loi visant à encadrer le recours à des produits pesticides présentant un risque pour la santé. Ce texte reprend une partie des recommandations de la mission qu’il convient, et qu’il est possible, d’appliquer rapidement : le renforcement des moyens de contrôle des produits mis sur le marché, l’interdiction des pesticides dans les zones non agricoles, la meilleure protection des riverains de zones d’épandage, l’interdiction de la vente de produits phytosanitaires au grand public, la meilleure reconnaissance des maladies professionnelles induites, ou encore le développement des techniques agricoles alternatives.
Aussi, je me réjouis que notre collègue Joël Labbé, à travers son initiative, reprenne ces différents travaux pour essayer d’inscrire dans la loi quelques dispositions qui permettront d’encadrer davantage l’usage des pesticides, de réduire leur consommation et d’atténuer les dangers sanitaires qu’ils font peser sur la population.
Cela a été rappelé, de nombreuses collectivités ont déjà pris les devants et adopté des mesures fortes pour aboutir au zéro phyto. Ainsi, depuis le lancement du plan Ecophyto, 60 % des villes de plus de 50 000 habitants se sont fixé l’objectif d'un recours intégral aux méthodes alternatives aux pesticides. En Charente, dans mon département, nombre de communes, y compris rurales, ont décidé d’adhérer à la charte régionale Terre saine dans la perspective de renoncer progressivement à l’usage des pesticides, sans attendre que la législation les y contraigne.
De même, des centrales d’achats ont récemment entrepris d’arrêter de vendre des produits phytosanitaires dans leurs grandes surfaces pour commencer à accompagner les consommateurs vers un nécessaire changement d’habitudes.
Je me félicite de ces initiatives, qui démontrent qu’il est d’ores et déjà possible d’engager la transition vers un autre modèle. Mais je n’oublie pas que les zones non agricoles, que cible particulièrement le texte que nous examinons et sur lesquelles portent ces initiatives, ne représentent que 5 % à 10 % des lieux où sont répandus des pesticides. Il sera donc important d’aller plus loin en poursuivant la transposition dans les textes législatifs des nombreuses recommandations de la mission commune d’information.
Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt devra constituer l’une des occasions de cette transposition, afin de développer un autre modèle agricole, plus économe en intrants et plus respectueux de l’environnement.
La stratégie nationale de santé, dont la mise en œuvre devrait aussi être amorcée en 2014, sera une autre occasion importante, celle du développement des outils à disposition des politiques publiques de santé sur les questions relatives aux pesticides.
Nous devrons saisir toutes les opportunités qui se présenteront à nous pour faire reculer les risques que fait peser sur la santé et l’environnement l’usage irraisonné des pesticides. J’espère bien, mes chers collègues, que, sur cette question cruciale pour la qualité de vie de nos concitoyens, nous pourrons continuer à travailler de concert, par-delà la diversité de nos sensibilités politiques, pour une défense réelle de l’intérêt commun. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Cornano.
M. Jacques Cornano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois d’avril dernier, un article du journal Le Monde avait pour titre : « Guadeloupe : monstre chimique ».
En effet, la Guadeloupe est devenue un laboratoire à ciel ouvert d’une pollution diffuse et, malgré la mobilisation des pouvoirs publics et des organismes de recherche, aucune solution réparatrice n’apparaît pour l’avenir. C’est la raison pour laquelle je me félicite de toute initiative, notamment législative, qui nous permet de lutter contre l’utilisation de produits chimiques dans nos collectivités ultramarines, à condition toutefois que nos spécificités soient bien prises en compte.
Ce qui vaut pour la Guadeloupe vaut malheureusement pour les autres collectivités d’outre-mer. Vous l’avez compris, nous sommes face à une catastrophe environnementale sans précédent qui va s’inscrire dans le temps. J’en veux pour preuve la durée de vie du tristement célèbre chlordécone qui est estimée à sept siècles.
La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui concerne singulièrement les outre-mer dans la mesure où leurs collectivités territoriales sont plus investies que celles de métropole dans la lutte contre des parasites se développant dans des milieux tropicaux. De plus, il est notable, d’un point de vue socio-économique, que des familles modestes tirent une partie de leurs revenus de la vente informelle et de l’échange des produits de leurs jardins.
Monsieur le ministre, je souhaite donc attirer tout particulièrement votre attention sur la nécessité de prendre en compte, au cours de nos discussions, le caractère spécifique des outre-mer dans le cadre d’une approche globale de lutte contre l’utilisation des pesticides.
Par ailleurs, des modes alternatifs de production doivent être envisagés et il me semble nécessaire que soit soulignée l’importance du renforcement et de l’organisation du maillon recherche-expérimentation-transfert pour la mise au point de cultures peu consommatrices de pesticides en vue de promouvoir de nouveaux modes de production intégrée dans les départements d’outre-mer. (Applaudissements.)