M. Michel Houel. … alors qu’auparavant les crues se produisaient tous les deux ou trois ans.
Ce système donne satisfaction depuis plusieurs années, mais nous ne perdons pas de vue que la grande inondation viendra un jour où l’autre. À cet égard, les travaux que nous avons entrepris, qui sont d’ailleurs préconisés par la proposition de loi, nous permettent de regarder les risques d’inondation à trente ans.
La couverture assurantielle des communes est généralement mal adaptée pour faire face à des inondations graves : soit la commune est en « auto-assurance », ce qui est un cas encore fréquent, soit les polices contractées prennent très mal en compte des dommages d’inondations, qui n’ont pas été analysés en détail au moment d’établir le contrat. Au final, la commune doit prendre à sa charge des dommages qui correspondent, en valeur, à plusieurs années d’investissement.
La proposition de loi va, à mon avis, dans le bon sens, et je la voterai. Cependant, bien qu’il soit aujourd’hui facultatif, l’article 35 B prévoit que les communes ou les EPCI à fiscalité propre peuvent instituer une taxe. J’espère simplement que cette taxe sera levée avec discernement, afin de ne pas apparaître comme un impôt nouveau.
M. Michel Houel. La prévention des risques d’inondation est un défi d’avenir que les maires doivent relever en ajoutant un volet « réduction des risques d’inondation » à chacune de leurs actions, tant à l’échelle communale qu’intercommunale. C’est un défi d’avenir, car il nous permettra de léguer aux générations futures des territoires mieux préparés à faire face aux menaces certaines des inondations. Pour y parvenir, anticiper s’avère vital, s’adapter est capital et ne pas aggraver le risque est essentiel. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC, du RDSE et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à la prévention
Article 1er
(Supprimé)
M. le président. La parole à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.
M. Pierre-Yves Collombat. Mme Lebranchu n’ayant pu assister à la présentation de cette proposition de loi, je souhaite revenir sur la signification de la suppression des articles 1er à 5 et 13 à 14, ainsi que sur les enjeux du texte.
Si les articles 1er à 5, présents dans la proposition de loi initiale, ne figurent plus ici, ce n’est pas parce qu’ils manquaient d’intérêt ou étaient superfétatoires, mais parce que les dispositifs qu’ils prévoyaient ont déjà été adoptés en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale, puis, sous une forme améliorée par la concertation entre notre commission des lois et le Gouvernement, en seconde lecture au Sénat lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dont ils constituent les articles 35 B à 35 E.
Au lieu d’un texte unique relatif à la lutte contre l’inondation, les hasards et les méandres de la discussion parlementaire ont donc fait que nous avons deux fers au feu : l’un relatif à la prévention des inondations, objet des articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, l’autre, le présent texte, essentiellement relatif à la gestion de la crise, de l’après-crise et de l’indemnisation.
Les articles 35 B à 35 E du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, parce qu’ils organisent la gouvernance de la politique de prévention de l’inondation et donnent les moyens d’une telle politique sur l’ensemble du territoire et dans la durée sont des éléments essentiels du dispositif. C’est pour cela, madame la ministre, que nous aurons besoin, dans trois semaines à l’Assemblée nationale, du même soutien que celui dont vous nous avez témoigné lors de leur examen au Sénat.
Avec ces propositions, nous ne disons pas aux acteurs de terrain qu’ils doivent s’organiser de telle ou telle façon si ce qu’ils ont mis en place les satisfait, pas plus que nous ne les contraignons à lever des ressources nouvelles s’ils ne le jugent pas nécessaire. Nous ne décidons pas pour eux ; nous leur donnons simplement le libre choix des moyens. Par conséquent, pas de faux procès, les enjeux sont trop graves !
J’ai rappelé ces enjeux en dressant la liste des inondations catastrophiques depuis février 2010 – voyez que je ne suis pas remonté au déluge ! –, à savoir huit catastrophes notables, quatre-vingts morts, entre 3 et 3,5 milliards d’euros de dégâts, et ce n’est pas parti pour s’arrêter, car ce qu’on sait n’est pas vraiment rassurant.
Comme je l’ai déjà dit, le prérapport de l’OCDE sur la situation de l’Île-de-France n’est pas non plus rassurant : la prochaine inondation centennale dans la région qui abrite le tiers du potentiel économique de la France coûterait 40 milliards d’euros ! Quant au nombre de victimes, mystère… Lorsqu’on sait que les zones inondables de l’Île-de-France sont urbanisées de 40 % à 90 %, il y a quelques soucis à se faire. La conclusion de l’OCDE est la suivante : aujourd’hui Paris est protégé, la banlieue non ! Précisions que Paris est préparé seulement pour l’inondation centennale et non pour une catastrophe de plus grande ampleur.
Voilà les enjeux, madame la ministre, mes chers collègues ! Ils sont tels que tous les reproches que l’on peut faire à nos propositions, même ceux qui sont justifiés, restent quand même un peu légers. Que valent en effet les objections juridiques devant l’étendue du défi ?
Je sais bien cependant qu’il ne suffit pas de voter une loi pour régler les problèmes ; si tel était le cas, cela se saurait ! La seule prétention de ce texte est de rompre avec le système « autobloquant » dans lequel nous nous sommes enfermés progressivement, d’ouvrir le possible à ceux qui le voudront bien. Pour le reste, l’avenir jugera.
Concertation ! Concertation ! Telle est l’urgence, nous dit-on. Personnellement, je pense non pas qu’il est urgent d’attendre, mais qu’il est urgent d’agir. Si ce soir, comme dans trois semaines à l’Assemblée nationale, nous pouvons donner les moyens d’agir, nous aurons fait une bonne action. La concertation s’affinera par la suite. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, de l’UMP et de l’UDI-UC.)
Articles 2 à 5
(Supprimés)
Article 6
Après l’article L. 215-7 du code de l’environnement, il est inséré un article L. 215-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 215-7-1. – Constitue un cours d’eau un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l’année.
« L’écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. »
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le I de l’article L. 562-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les plans de prévention des risques naturels prévisibles identifient la nature du ou des risques naturels prévisibles pour le territoire concerné et précisent la qualification du ou des risques conformément au II et aux décrets en Conseil d’État visés au VII. » ;
2° Le deuxième alinéa de l’article L. 562-3 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont associés à l’élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés, préalablement à la prescription du plan de prévention des risques naturels prévisibles et à chaque étape de son élaboration.
« La population concernée est informée et consultée sur le projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. »
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. L’une des conclusions de la mission commune d’information sénatoriale sur les inondations qui se sont produites dans le Var et plus généralement dans le sud-est de la France est qu’il faut changer la conception des PPRI. Or la commission du développement durable a lyophilisé mon texte. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement visant à rétablir la rédaction initiale.
Même si c’est un peu long, je veux vous lire ce qui est écrit à la page 263 du rapport intitulé Se donner les moyens de ses ambitions : « Le caractère antagonistique des relations État/élus, voire État/une partie de la population lors de l’élaboration des PPRI est une constante, plus ou moins affirmée certes, mais une constante. » – notre collègue Fournier l’a rappelé – « Cette opposition porte tantôt sur le principe du PPRI, tantôt sur les modalités d’application de celui-ci. En réalité, sous couvert de discussions techniques, ce sont généralement deux objectifs politiques qui s’affrontent : un objectif de protection maximale, porté par les services de l’État – au nom de leur interprétation de la loi, ce qui est dans leur rôle, voire de principes transcendants, ce qui l’est moins – contre un objectif de développement ou d’intérêt local, défendu par les élus.
« Cette opposition trouve généralement sa résolution au terme d’un marchandage, ce qui conduit parfois à douter de la cohérence de l’action de l’État dès lors qu’on se risque à comparer le traitement réservé à chaque territoire.
« Le sentiment de la mission que la seule manière de sortir de cet affrontement qui mène à une impasse, c’est de poser le problème autrement, de le poser sous l’angle de l’aménagement du territoire et non plus du seul point de vue de la sécurité, la sécurité devenant l’une des conditions du développement, condition essentielle mais d’autant moins unique qu’elle ne saurait […] être absolue.
« Loin de favoriser cette approche, les modèles mathématiques utilisés par les bureaux d’études dans l’élaboration des PPRI, la rendent plus difficile, leurs présupposés n’étant jamais mis sur la table et encore moins présentés pour ce qu’ils sont, des choix humains, choix raisonnables sans doute, mais choix. Un tel usage non scientifique des modèles de simulation est non seulement un abus de pouvoir, une cause de blocages ultérieurs. Si ce n’était pas le cas pourquoi pourrait-on trouver avec eux, comme Tartuffe avec le ciel, des accommodements au terme d’un marchandage ? » Que marchande-t-on ? Des droits à construire contre des risques ! Quelle allure cela a-t-il ?
« Il conviendrait, comme le soulignait lors de son audition M. Paul-Henri Bourrelier, de se souvenir que les modèles sont relatifs et que leurs résultats dépendent largement des données introduites en amont. » Le problème est qu’on ne sait jamais quelles sont les données introduites en amont !
« Pour sortir de cette impasse, la mission s’est demandé comment faire évoluer l’élaboration des PPRI. Probablement en creusant la voie indiquée par Mme Stéphanie Bidault, délégué générale du CEPRI, lors de son audition qui faisait observer qu’un "partenariat [entre État et collectivités territoriales] fonctionne mieux qu’une logique réglementaire descendante". »
La rédaction de l’article 7 que je propose répond à cette logique ainsi qu’à une forte attente des élus et de la population.
Premièrement, si les PPRN sont mis en application par l'État, qui garde le dernier mot, ils sont élaborés conjointement, c'est-à-dire dans le cadre d'un échange sur les modalités techniques d'élaboration des choix – d'où le décret en Conseil d’État –, ce qui n'a rien à voir avec les modalités actuelles d'association prévues à l'article L. 562-3 du code de l'environnement, qui se résument le plus souvent à une information sur les propositions des bureaux d'études missionnés et de l'administration qui les valide, le tout suivi du marchandage décrit plus haut. Je précise que le PPRI étant publié par arrêté préfectoral, la responsabilité des élus n’est pas plus engagée qu’aujourd'hui. L’objection qui m’a été faite au sujet de la responsabilité ne me paraît donc pas du tout pertinente.
Deuxièmement, les PPRN ne se limitent pas à affirmer une volonté générale aussi exigeante que vague de protection contre un risque, mais, sur le modèle des Pays-Bas, ils fixent le niveau de protection visé et les dispositifs à mettre en place pour assurer cette protection. C’est illusoire de penser que l’élaboration d’un plan d’urbanisme suffit à tout régler.
Troisièmement, si on admet que les PPRN définissent les règles de protection d’un territoire pour l’habiter en sécurité, il est logique que celles-ci puissent évoluer en fonction des efforts faits pour le sécuriser. Or, actuellement, l’élaboration d’un PPRN est si hasardeuse, si pénible, qu’une fois que la décision est arrêtée, personne n’a envie d’y revenir. Selon la doctrine officielle, les investissements qui peuvent être faits par les collectivités, produisant un faux sentiment de sécurité, sont dangereux ; voilà qui ne risque pas de stimuler l’initiative ! C’est à se demander pourquoi on dépense entre 250 et 350 millions d’euros par an pour assurer une protection active contre l’inondation.
Il ne faut donc pas s’étonner que notre système de prévention de l’inondation soit « autobloquant ». Comme l’a dit l’un de nos collègues, il est tout à fait essentiel de faire évoluer cette façon de pratiquer les PPRN. La rédaction retenue par la commission du développement durable est donc trop proche de la rédaction actuelle pour induire véritablement un changement d’attitude.
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l'article.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je souhaite intervenir sur cet article, non pas pour son fondement même, mais pour évoquer la situation particulière de Paris.
La proposition de loi de Pierre-Yves Collombat constitue une réelle avancée. Elle doit permettre une prise de conscience de l’enjeu financier et humain que représentent les inondations sur notre territoire. Notre collègue pointe deux grandes lacunes : notre absence de culture de la gestion des risques naturels et le manque de gouvernance qui en découle pour apporter une réponse pérenne à un tel enjeu.
Paris est symptomatique du déficit de gouvernance. Mais, de par son importance, je crois que la capitale aurait besoin d’une réponse spécifique. À ce titre, je voudrais saisir l’occasion pour évoquer le risque de crue centennale – il y a déjà été fait référence – dans la capitale. Cette problématique n’est pas simplement parisienne, ni même francilienne ; elle revêt un caractère national.
L’Île-de-France, c’est 29 % du PIB national. Or, malgré l’enjeu, chacun des acteurs, qu’il s’agisse de la ville de Paris, des communes, de la région et de l’État, tente de diluer les risques dans un activisme de façade qui n’est pas à la mesure des conséquences que provoquerait une inondation majeure.
Pourtant, tous les experts s’accordent. La question est de savoir non pas si une inondation comme celle de 1910 surviendra – à Paris, on voit encore la ligne qui indique le niveau auquel l’eau était montée –, mais quand elle se produira. Chaque année, la région capitale a 1 chance sur 100 d’être frappée par une telle catastrophe... Prague, qui dispose d’une géographie comparable à Paris, a eu sa crise centennale, avec des dégâts énormes.
Notre région capitale est vulnérable. Le plan ORSEC de la zone de défense de Paris et le plan Neptune du ministère de la défense visent davantage l’organisation des secours que la mise en place d’un dispositif de protection en amont limitant la montée des eaux. Nous sommes dans la gestion immédiate de la crise quand le véritable enjeu réside dans sa prévention. C’est d’ailleurs ce que relève le rapport de l’OCDE, qui pointe un manque de prise de conscience du risque et un défaut de gouvernance.
La région capitale a été épargnée depuis longtemps par des catastrophes de ce type. Les différents acteurs n’ont donc pas de mémoire en la matière, ni d’expérience face à ce genre d’événement. Pourtant, il suffit de regarder les inondations de New York en 2011 pour en prendre la mesure : 19 milliards de dollars de dégâts rien que pour Manhattan, 42 milliards de dollars pour l’État du New Jersey, 20 milliards de dollars au titre de perte de production, 26 000 entreprises touchées et 60 000 faillites.
À l’échelle du Grand Paris, selon l’OCDE, 5 millions de personnes et des dizaines de milliers d’entreprises seraient touchées. Les dégâts directs seraient de 11 milliards d’euros selon la préfecture de police et de 40 milliards d’euros selon l’OCDE. Monsieur Collombat, contrairement à ce que vous affirmez, la ville de Paris n’est pas protégée.
L’établissement public Seine Grands Lacs, qui a bien travaillé, a depuis longtemps identifié les risques et les conséquences. Il a proposé la construction d’un nouveau barrage-réservoir, celui de la Bassée, seul moyen de réduire de 30 % les dégâts éventuels en cas de crue centennale. Au sein du conseil d’administration siègent les quatre départements correspondant à l’ancien département de la Seine. Ils sont donc au plus près pour avoir connaissance des risques et des moyens de les limiter. Pourtant, depuis plusieurs années, le projet demeure à l’état d’embryon.
Au conseil de Paris, à plusieurs reprises, j’ai saisi le maire de la capitale sur le sujet ; il m’a répondu récemment qu’il commençait à s’y intéresser… Je me suis maintes fois adressé au préfet pour qu’il prenne la mesure de cet enjeu vital pour la région. Au sein même de cet hémicycle, j’ai interrogé les ministres des différents gouvernements pour qu’ils prennent le dossier en main. Je me souviens de ma première intervention voilà une dizaine d’années : il manquait 800 millions. Sauf que cela permettrait d’économiser 40 milliards d’euros de dégâts !
Personne ne bouge ! Aucune initiative n’a véritablement été prise, si ce n’est, après dix ans de réflexion, le lancement pour 2019 d’une expérimentation d’un seul casier test sur les dix que compte le projet de la Bassée, ce qui revient à ne rien faire. Une telle inaction des différents acteurs dans ce dossier est coupable, chacun se renvoyant la responsabilité de prendre la décision politique.
Passer d’une « logique de protection pour elle-même des territoires inondables à une logique d’aménagement de ces territoires » apparaît comme une ambition plus que souhaitable. J’émets toutefois un bémol : c’est difficile à mettre en pratique sur un territoire comme l’Île-de-France, dont la complexité a été renforcée par la loi sur la métropole de Paris, les compétences se chevauchant entre la métropole, la région, les départements et les communes...
Je veux conclure en rappelant que le risque de crue centennale dans la région capitale échappe à la logique classique de gestion des risques naturels. Plus qu’un problème de gouvernance, c’est une question de prise de conscience réelle des conséquences d’une telle catastrophe qui doit primer !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 7 nous permet d’aborder un point qui me paraît important : les modalités d’association des collectivités locales à l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation.
Certains de nos collègues ont rappelé les difficultés liées aux premiers PPRI. Dans ma commune, le premier date de 1998. C’est donc une problématique que nous connaissons bien. D’ailleurs, notre nouveau plan d’occupation des sols a été élaboré à partir des réflexions menées sur l’évolution possible de nos territoires qui sont soumis à des risques de grandes crues, comme celle de la Loire en 1866. Au demeurant, Saint-Pierre-des-Corps n’est pas la seule commune concernée. Notre collègue Jean-Jacques Filleul, qui est maire de Montlouis-sur-Loire, connaît également bien le sujet. (M. Jean-Jacques Filleul acquiesce.) En effet, en cas de rupture de digue, ma commune et plusieurs autres seraient recouvertes par plus de deux mètres d’eau !
La question de l’avenir de nos territoires a donc été au centre de nos réflexions au cours de cette période. Nos collectivités locales se sont constituées en associations, afin d’y travailler ensemble.
Je dois dire que, dans le cadre de la transposition en droit français de la directive européenne de 2007, un certain nombre d’interrogations que nous avions alors soulevées, en ayant du mal à être entendus, commencent à être prises en compte. Je vous renvoie à ce qui se fait actuellement au ministère de l’écologie. Le Gouvernement a ainsi lancé une consultation sur la stratégie nationale. Un débat a d’ailleurs eu lieu cet après-midi à la Commission mixte inondation, la CMI. Je n’ai pas pu y assister : on ne peut pas être au four et au moulin ! (Sourires.)
Telle qu’elle est conçue actuellement, la stratégie nationale a le grand intérêt, à mon sens, de poser non seulement la question de la protection, mais aussi celle de la situation des territoires. Nous le savons, un outil de protection peut constituer une fragilité. Par exemple, la digue qui avait été installée entre L’Aiguillon-sur-Mer et La Faute-sur-Mer s’est révélée être un véritable piège.
M. Charles Revet. Bien sûr ! C’est pour cela qu’il faut faire très attention aux travaux que l’on entreprend !
Mme Marie-France Beaufils. Il faut donc faire preuve de beaucoup de vigilance.
Les risques d’inondation auxquels nos territoires sont soumis peuvent revêtir de multiples formes : submersions marines, crues torrentielles, remontées lentes des eaux,… Ces situations très diverses complexifient encore la recherche de solutions. Nous devons donc nous interroger sur les instruments de protection les plus adaptés et sur leur financement. À cet égard, j’ai beaucoup de réserves sur la taxe envisagée, qui ne peut pas, me semble-t-il, être levée dans des territoires déjà soumis à un certain nombre de pressions et de règles réduisant leurs capacités financières. Et il ne me paraît pas non plus envisageable d’en faire porter la charge aux seules populations !
Dans le même temps, nous devons réfléchir au devenir des territoires concernés et voir comment les rendre moins vulnérables. Il faut trouver les moyens qui permettent aux habitants de revenir y vivre rapidement après une crue. Des travaux en ce sens sont en cours.
Les réponses qui sont proposées aujourd’hui sont peut-être pertinentes pour certaines parties du territoire, mais il faut, me semble-t-il, appréhender la gestion du risque d’inondation dans sa globalité ; l’approche actuelle me paraît trop étroite. C’est pourquoi j’aurais souhaité que l’on attende que le travail de la stratégie nationale soit plus avancé. Nous aurions ainsi pu aboutir à un dispositif plus rigoureux, plus solide, avec un meilleur contenu. C’était sans doute l’affaire de quelques mois. En effet, des progrès importants ont tout de même été réalisés. Par exemple, la CMI a été consultée.
Nous travaillons actuellement sur des initiatives, dont certaines concernent le type de constructions engagées dans nos communes. Il y a des exemples en ce sens. Mercredi dernier, le Gouvernement a lancé des ateliers de réflexion menés sur un certain nombre de territoires concernés par de tels risques. C’est le cas en Île-de-France ou sur les rives de la Loire. Des réflexions sur le sujet vont donc être menées dans plusieurs secteurs.
Je pense qu'adopter un tel dispositif à ce stade ne permettrait pas de répondre à la totalité des cas de figure. Il est évidemment important que les communes soient associées à la démarche, mais elles ne doivent pas se substituer à l’État. Car c’est bien à l’État qu’incombe la responsabilité de traiter le problème sur l’ensemble du territoire !
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. L’initiative de mon ami Pierre-Yves Collombat, que je tiens à féliciter, me permet d’évoquer les crues qui ont ravagé la vallée de la Garonne et la vallée des Gaves.
La montée des eaux liée à une fonte des neiges prématurée et à des températures très élevées a carrément arraché la roche-mère, à tel point que le village de Barèges ressemblait à certaines cités du Moyen-Orient après un bombardement. La route entre Barèges et Luz-Saint-Sauveur, longue de sept kilomètres, s’est littéralement effondrée sur quatre kilomètres. Comme ces vallées sont en cul-de-sac, les populations se sont retrouvées isolées du reste des Hautes-Pyrénées. Il a évidemment fallu panser les plaies rapidement. Madame la ministre, vous avez pu voir l’ampleur du désastre.
M. François Fortassin. Les relations ont très vite été rétablies. Un certain nombre de travaux ont été faits sur le lit majeur, en s’affranchissant totalement d’un certain nombre de règles. C’est la preuve que la loi sur l’eau est parfaitement inadaptée face à ce type d’événements.
De la même manière, les travaux ont été réalisés sans passation de marché. Au lendemain de la catastrophe, le président du conseil général a réuni les entreprises, qui ont réagi spontanément en prévoyant un bordereau de prix rigoureusement identique. C’est ainsi que nous avons cheminé, ce qui a permis de régler un certain nombre de problèmes.
Que dire de ce service qui, depuis deux mois, est pratiquement absent sur le secteur, je veux parler de l’ONEMA, l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques ? Voilà des gens bardés de certitudes, armés comme des shérifs américains et qui prennent les maires pour des délinquants,…
M. Jacques Mézard. Absolument !
M. François Fortassin. … au point de réclamer des peines de prison à leur encontre !
M. Yvon Collin. C’est vrai !
M. François Fortassin. Dans quelle République vit-on ?
M. Yvon Collin. Il a raison !
M. François Fortassin. Je crois qu’il faudrait profiter de l’occasion pour leur rappeler que, s’il y a des règles à respecter, trop c’est trop, si vous voulez bien me pardonner cette locution facile.
Nous ne pouvons pas accepter, nous qui sommes la représentation nationale, que des fonctionnaires interprètent les lois en fonction de leurs désirs. Je sais que, en disant cela, je ne vais pas me faire des amis au sein de ces services dans les Hautes-Pyrénées, mais cela ne me gêne pas. Je vous le dis très clairement, madame la ministre, si je les voyais disparaître, cela me gênerait encore moins.
M. Yvon Collin. Oh ! Oh !
M. François Fortassin. Nous continuerons bien entendu à réaliser des travaux sur les rivières pour tenter de régler le problème des crues.
Je dois dire que les services de l’État comme ceux du département, eux, ont été exemplaires. C’est grâce à eux, parce que les secours ont été conduits de manière remarquable, qu’il n’y a eu finalement que deux morts, même si c’est bien évidemment deux morts de trop. Vous le voyez, je ne suis pas négatif envers tous les services de l’État. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, sur l’article.