M. Richard Yung. Ça, c’est vrai !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Insupportable !
M. Aymeri de Montesquiou. … issue d’une crise terrible, mais aussi d’erreurs. Cependant, vous l’avez aggravée,…
M. Richard Yung. Non !
M. Aymeri de Montesquiou. … alors que le contexte international s’est amélioré. Je rappelle que, en dix-huit mois, la dette a augmenté de 195 milliards d'euros.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Aymeri de Montesquiou. Saisissez l’occasion des Assises de la fiscalité en 2014 pour opérer la réforme fiscale attendue, au lieu de vous en tenir à une isofiscalité à résultante nulle. Donnez aux Français de l’espoir et surtout de l’envie, car rien ne se fait sans envie. Mettez un terme à l’instabilité et à l’incertitude fiscales, afin d’éviter que l’inquiétude des Français ne se convertisse en angoisse et cette angoisse en révolte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Claude Haut.
M. Claude Haut. Monsieur le ministre, vous venez de nous présenter un projet de budget qui se caractérise par son sérieux et sa rigueur – le discours change par rapport aux orateurs précédents… –, sans hypothéquer pour autant nos chances de reprise et de création d’emplois.
Mon propos portera plus particulièrement sur les collectivités locales. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Monsieur le ministre, nombre d’entre elles, tous niveaux confondus, sont disposées à vous aider. Elles prendront ainsi leur part à l’effort nécessaire de redressement des finances publiques. Elles souhaitent être des acteurs majeurs de la politique de croissance par le biais de l’investissement local.
Vous nous avez confirmé ce que nous savions depuis quelques semaines : il y aura une baisse de 3 milliards d'euros des dotations de l’État aux collectivités sur les deux prochaines années.
M. Francis Delattre. C’est plus !
M. Claude Haut. Certains ont dit qu’il s’agissait d’une diminution inédite. Inutile de le cacher, puisque nous sommes tous d'accord : cette baisse ne réjouit personne au sein des collectivités locales. Cependant, nous comprenons cet effort, et nous le jugeons légitime.
M. Francis Delattre. Nous aussi, car nous n’avons pas changé d’avis !
M. Claude Haut. En effet, vous avez dit que vous étiez d'accord.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais vous ne l’étiez pas ! Vous avez donc changé d’avis !
M. Claude Haut. Les collectivités locales pouvaient-elles s’exonérer d’un tel effort au moment où un effort – aussi inédit ; cela n’est pas suffisamment souligné – de 15 milliards d'euros est demandé à l’État et où un autre de 6 milliards d'euros est requis de la sécurité sociale ? Il paraissait difficile de ne solliciter en rien les collectivités locales.
En outre, je rappelle à ceux qui pourraient avoir la mémoire courte que cette diminution des dotations de l’État s’inscrit maintenant dans le temps : elle date non pas de ce gouvernement, mais du gouvernement précédent, qui avait décidé le gel en volume puis en valeur des dotations.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La baisse des dotations est beaucoup plus importante aujourd'hui !
M. Claude Haut. Certes, mais elle avait déjà commencé sous le gouvernement précédent !
Rappelons également que, fin 2011, le précédent gouvernement ambitionnait de baisser ces dotations de 2 milliards d’euros par an, et ce pendant cinq ans. Les chiffres actuels sont en deçà de ce niveau !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous avions prévu 200 millions d’euros !
M. Claude Haut. Ce qui change, et dans le bon sens, c’est que cette décision n’a pas été annoncée à la sauvette, comme cela a parfois été le cas par le passé. Je songe notamment à la réforme de la taxe professionnelle.
M. Francis Delattre. Ah !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Nous y avons consacré de longs et pénibles débats !
M. Claude Haut. La dernière mesure a été adoptée au terme d’un dialogue soutenu au sein du Comité des finances locales avec l’ensemble des associations d’élus, et décidée après qu’a été élaboré et conclu un pacte de confiance et de responsabilité entre l’État et les collectivités, intervenu au mois de juillet dernier.
Nous notons avec satisfaction que l’effort à consentir est justement réparti entre les différentes strates de collectivités, ce qui n’allait a priori pas de soi. Le président du conseil général que je suis apprécie bien sûr tout particulièrement la prise en compte des charges et des difficultés propres aux départements, dont la situation financière devenait de plus en plus intenable en raison de l’explosion des dépenses sociales contraintes résultant de l’augmentation de la précarité.
Le transfert des frais de gestion dynamiques aux départements et aux régions permettra, sinon de résoudre tous les problèmes, du moins d’apurer les situations difficiles et de mieux faire face aux dépenses obligatoires, qui sont le plus souvent des dépenses de solidarité.
Quoi qu’il en soit, les collectivités territoriales devront apprendre à faire aussi bien avec moins. Elles ont déjà largement progressé dans cette voie, en engageant une politique de rationalisation de la dépense publique. Elles n’ont pas attendu pour cela les recommandations de la Cour des comptes, dont les commentaires sont toujours extrêmement intéressants, mais qui se cantonne, hélas, un peu trop souvent dans une vision purement comptable de la situation financière des collectivités.
On ne le dira jamais assez : les collectivités territoriales sont confrontées à des dépenses relativement incompressibles,…
M. Albéric de Montgolfier. Eh oui !
M. Claude Haut. … et de nombreuses charges leur ont été transférées tout au long des dernières années – ce mouvement n’a pas commencé au mois de mai 2012 ! – sans pour autant être assorties des compensations nécessaires.
M. Albéric de Montgolfier. Il ne faut pas en rajouter !
M. Claude Haut. À l’heure où certains d’entre nous souhaitent s’engager dans les emplois d’avenir, qui servent avant tout à mettre le pied à l’étrier aux jeunes les plus en difficulté, à l’heure où il nous est demandé d’engager la réforme des rythmes scolaires – j’y reviendrai –, de prendre en compte la situation spécifique et peu avantageuse des personnels de catégorie C, ou encore de mettre en œuvre, avec, il est vrai, des délais supplémentaires, la loi relative à l’accessibilité, les efforts des collectivités locales doivent être pleinement reconnus.
Fort heureusement, le temps des attaques permanentes, du fait accompli et parfois même du mépris est désormais révolu grâce à l’actuel gouvernement.
Monsieur le ministre, nous avons particulièrement apprécié la volonté d’écoute que vous avez témoignée à l’Assemblée nationale au sujet du FCTVA, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée.
M. Francis Delattre. Cela ne coûte pas cher…
M. Claude Haut. Je crois me souvenir que, lors d’un précédent débat, l’ancienne majorité n’avait pas augmenté ce taux !
M. Richard Yung. Ça c’est vrai !
M. Claude Haut. Je le rappelle, les collectivités sont à l’origine de plus de 70 % de l’investissement public. Elles font vivre au quotidien nos entreprises sur le territoire. Voilà pourquoi nous avons souhaité l’augmentation du FCTVA. Il s’agit là d’un signal très fort d’encouragement à l’investissement donné à l’ensemble des collectivités territoriales. Le FCTVA est en effet une composante essentielle des budgets locaux et le symbole du soutien de l’État à l’investissement assuré par les collectivités. Le Premier ministre l’a d’ailleurs confirmé mardi dernier devant le Congrès des maires, et nous nous en réjouissons.
Enfin, le groupe socialiste du Sénat se satisfait de voir le projet de loi de finances conforter la mise en œuvre des dispositifs de péréquation : la péréquation verticale augmentera en 2014 de 119 millions d’euros, dont 109 millions d’euros pour les communes et 10 millions d’euros pour les départements.
Je le répète, les collectivités territoriales doivent se sentir encore plus soutenues dans leurs efforts, car la croissance est le gage du redémarrage de l’économie nationale. Nous devons collectivement faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les efforts à consentir ne se traduisent pas par une diminution des investissements des collectivités. Une baisse de 10 % des dépenses d’équipement de celles-ci représente peu ou prou 0,2 point de croissance en moins, sans compter toutes les répercussions en matière d’emploi !
Par ailleurs, la répartition de l’effort pour 2015 devra mieux prendre en compte la préservation de l’investissement local. Nous le savons, nous sommes à la veille d’élections municipales, que suivront des élections départementales. Les années 2014 et 2015 seront donc sans doute marquées par un ralentissement de l’investissement local. Dans la mesure du possible, évitons tout ce qui peut concourir à accentuer ce ralentissement.
Parallèlement, chacun en convient dans cet hémicycle, il faut mettre un terme à l’inflation normative. Des efforts ont déjà été accomplis en ce sens. Ils doivent être amplifiés, et chacun doit donner l’exemple un peu plus encore que par le passé.
Monsieur le ministre, je le répète, nous avons apprécié vos qualités d’écoute et votre volonté de concertation, ainsi que celle du Gouvernement tout entier. Les représentants des conseils généraux ont été reçus plusieurs fois par le Gouvernement, et même par le Président de la République au mois d’octobre 2012. Un accord relatif à la modulation des DMTO a été atteint et je m’en félicite. Mon collègue Gérard Miquel reviendra très certainement sur ce point.
Nous le mesurons tous dans nos départements, les temps sont difficiles et nombre de nos concitoyens s’interrogent sur l’avenir. Or assurer l’avenir, c’est redonner confiance à la jeunesse, ne plus la sacrifier par des politiques inexistantes, ce qui aboutit à un système éducatif qui ne remplit plus son rôle et n’assume plus ses missions : les élèves qui quittent le système scolaire sans diplôme sont sans cesse plus nombreux et le taux de chômage bat des records chez les jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans.
C’est pourquoi, face à l’abandon de l’école par l’ancien gouvernement – il faut bien le dire ! – (M. Roger Karoutchi manifeste son exaspération.), le ministre de l’éducation nationale a entrepris de corriger tous ces dysfonctionnements via la refondation de l’école de la République. Il s’agit là d’une politique concrète. Elle est souhaitée par tous les acteurs du système éducatif et se traduira notamment par la création de 60 000 postes dans l’enseignement au cours du quinquennat. Elle donne également toute sa place aux collectivités territoriales.
La refondation de l’école de la République, c’est aussi la réforme des programmes scolaires et surtout celle des rythmes scolaires,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Beau sujet !
M. Claude Haut. … qui, actuellement, font couler beaucoup d’encre. Au fond, nous ne pouvons que nous en réjouir ! Pour la première fois, ce sujet est à la une de tous les médias. On parle enfin de la réussite de nos enfants et de leur avenir !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. Claude Haut. Mobilisons toutes ces énergies, toutes ces interrogations, pour faire progresser ce chantier.
Certes, la question du financement de cette réforme est importante. En moyenne, le coût de celle-ci est évalué à 150 euros par élève. Toutefois, le Gouvernement a répondu pour partie à nos inquiétudes en reconduisant le fonds d’amorçage pour la rentrée 2014. Le Premier ministre a d’ailleurs annoncé que les crédits en question s’élèveraient à 370 millions d’euros pour l’année scolaire 2014-2015.
Le Gouvernement répond également à nos inquiétudes en assouplissant les normes d’encadrement. Néanmoins, une fois le cadre financier et réglementaire fixé, les élus locaux doivent opérer des choix politiques. Toutes nos actions ont un coût, mais l’avenir de nos enfants doit rester notre priorité.
Comme pour tout projet ambitieux, il faut se laisser du temps, notamment en vue d’assurer le dialogue. Vouloir tirer des conclusions hâtives trois mois après la rentrée des classes, alors même que toutes les communes n’ont pas adopté ces nouveaux rythmes, ce ne serait pas très productif. Poursuivons plutôt notre travail pour notre jeunesse, en bonne intelligence avec les parents d’élèves, les personnels de l’éducation nationale et les nombreuses associations qui acceptent de s’investir dans ce domaine.
Pour conclure, le projet de loi de finances pour 2014 est sérieux. Il se fonde sur des hypothèses économiques crédibles, que la Commission européenne vient de valider. Ce budget est juste, même s’il est rigoureux, et les efforts nous semblent équitablement répartis.
M. Albéric de Montgolfier. Bref, tout va très bien !
M. Claude Haut. Les mesures qu’il contient n’entravent pas les espoirs de croissance que nous formons tous pour 2014, et nous le soutiendrons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. -M. Yvon Collin applaudit également.)
M. Richard Yung. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques instants, Éric Bocquet a pointé du doigt la nécessité d’une action publique nouvelle, fondée sur le respect des engagements pris et marquée, bien sûr, par le souci de l’efficacité. Il a indiqué que la voie dans laquelle le Gouvernement s’est engagé n’était pas la plus conforme aux attentes de ceux-là mêmes qui ont ardemment désiré le changement et qui, aujourd’hui, s’interrogent à juste titre sur sa consistance réelle.
En effet, le paysage devant lequel nous nous trouvons est peu satisfaisant. Il est empreint d’une forme de résignation face à la loi des marchés financiers, aux desiderata du patronat, de la banque et de l’assurance ou aux oukases de la Commission de Bruxelles.
Au demeurant, dès lors que les membres du Gouvernement parlent de « coût du travail » et de « compétitivité », la preuve est faite d’une capitulation devant l’adversaire politique : voilà qui revient à accepter sa parole, ses concepts et sa vision de la société.
Lorsqu’on se retrouve aux côtés de celles et ceux qui oublient volontairement que les charges sociales ne sont rien d’autre que des éléments du revenu des ménages – qu’il s’agisse de retraites, de remboursements, de prestations médicales ou d’allocations familiales –, on perd effectivement en route ses convictions et ses principes.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il y a donc d’un côté les purs et de l’autre les mauvais ?
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, je suis tout disposé à débattre de ce sujet avec vous !
Notre fiscalité a besoin d’un sérieux coup de balai, tant elle est devenue opaque et surtout injuste.
Monsieur le ministre, voilà quelque temps, vous avez exprimé le souhait de vous attaquer aux niches fiscales de l’impôt sur le revenu, dont le coût s’élèverait à 33 milliards d’euros, dont 13 milliards d’euros pour le seul quotient familial. Mais c’est là oublier qu’il en existe beaucoup d’autres, autrement plus substantielles.
Comment résumer, en définitive, la fiscalité dans notre législation ? Le présent projet de loi de finances indique, grosso modo, que l’État va disposer de 285 milliards d’euros de recettes fiscales nettes pour faire face à ses obligations. Ces ressources seront majoritairement assurées par la TVA et la TICPE, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, bien que cette dernière soit de plus en plus partagée entre l’État et les administrations publiques territoriales. On le constate clairement avec les articles du texte que nous examinons relatifs aux collectivités.
L’impôt sur le revenu se révèle dynamique. Désormais, il dépasse largement les 70 milliards d’euros du fait, notamment, de l’intégration dans l’assiette des revenus soumis au barème progressif d’une bonne partie des revenus de capitaux mobiliers jusqu’à présent soumis à prélèvement libératoire.
L’impôt sur les sociétés, en revanche, se porte nettement moins bien avec un peu plus de 36 milliards d’euros, soit le niveau très faible de 1,8 % du PIB. Mes chers collègues, songez qu’une entreprise moyenne de notre pays sera libérée en six jours d’activité du poids de son impôt sur les sociétés !
Toutefois, ce n’est là qu’une partie du sujet qui nous préoccupe : au hasard des documents budgétaires – au demeurant toujours aussi complets et complexes –, nous apprenons qu’un certain nombre d’organismes divers et variés, allant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse à l’Office français de l’immigration en passant par le centre technique des industries de la maille, percevront, en 2014, quelque 245 milliards d’euros – rien que cela ! – de produits de fiscalité affectée.
De fait, depuis 2007 et l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, cette somme a progressé de 70 milliards d’euros, soit une augmentation quatre fois plus rapide que celle des ressources budgétaires nettes. En tête du hit-parade de cette fiscalité dédiée figure la CSG, avec ses 93 milliards d’euros. Il s’agit là d’une ressource fiscale majeure. Cet impôt modèle par excellence est suivi, à faible distance, des droits sur le tabac et les alcools, dont le produit a été versé au compte de la sécurité sociale.
La CSG, c’est l’impôt sur le revenu imposé aux plus modestes, c’est-à-dire aux travailleurs pauvres et aux retraités dotés de petites pensions. C’est aussi l’instrument qui, depuis vingt-cinq ans, justifie que l’on n’accroisse pas la contribution des entreprises au financement de la sécurité sociale ! C’est si facile de tirer parti d’un impôt dont le produit augmente sans douleur tous les ans…
Au reste, l’étatisation de la sécurité sociale est une réalité, avec plus de 156,4 milliards d’euros de recettes fiscales dédiées, soit une somme supérieure au montant de la TVA.
S’y ajoutent encore les niches fiscales et les modalités particulières de calcul de l’impôt, les remboursements et dégrèvements. La première mission budgétaire représente près de 102 milliards d’euros pour 2014. L’ensemble atteint la somme considérable de 230 milliards d’euros d’impôts et taxes, dont plus de 165 milliards d’euros au seul bénéfice des entreprises !
Songez, mes chers collègues, que, dans cet étrange pays, l’impôt sur les sociétés rapportera l’an prochain autour de 36 milliards d’euros, alors que nous allons, sous une forme ou sous une autre, rendre aux entreprises plus de 165 milliards d’euros, sans compter les exonérations de cotisations sociales, les interventions budgétaires directes sous forme de subventions, les allégements de fiscalité locale et l’acquis de trente années, ou peu s’en faut, de réduction des impôts.
Je ne sais plus qui parlait voilà encore peu de temps d’« assistanat ». Je nourris le sentiment que le secteur productif marchand de ce pays est très largement assisté : nous ne consacrons pas moins de 10 % du produit intérieur brut de la France à l’allégement de ses impôts et de ses obligations sociales ! À cette fin, il faut bien prélever ces 10 % ou, point encore plus discutable, les ponctionner sur les marchés, accroissant ainsi dette et déficit.
Et pour compléter ce tableau, n’oublions pas le manque à gagner considérable pour la France caché dans un coin sombre, lié à la fraude fiscale et s’élevant entre 60 et 80 milliards d’euros. Mon ami et collègue Éric Bocquet a largement évoqué ce sujet brûlant et coûteux.
En bref, 285 milliards d’euros de recettes fiscales nettes, 245 milliards d’euros de fiscalité dédiée, 230 milliards d’euros de dépenses fiscales et de remboursements divers, 80 milliards d’euros de fraude fiscale : voilà qui suffit amplement, selon moi, à déterminer l’ordre des priorités et à reconsidérer l’action que nous devons engager au plan budgétaire, afin de prendre les décisions susceptibles de restituer à la fiscalité d’État justice et équité, de réduire la fiscalité dédiée, d’alléger le poids des cadeaux fiscaux et de mener la lutte résolue et déterminée contre la fraude fiscale qui est indispensable. Ainsi, les dépenses publiques permettront de satisfaire les besoins de nos concitoyens.
Il est temps de passer de la résignation, qu’exhale le présent projet de loi de finances sans relief particulier, lequel s’inscrit dans le droit fil du traité budgétaire européen et de la loi de programmation des finances publiques, à l’audace et à l’initiative.
Au demeurant, le fait de prendre dans la poche des élus locaux 1,5 milliard d’euros pour réduire les déficits est parfaitement inutile, car cette somme, au lieu d’être inscrite en négatif dans les comptes de l’État le sera dans ceux des collectivités locales. Pour les comptables bruxellois, cela ne fait guère de différence dans le calcul du niveau de nos déficits publics : ces docteurs en austérité budgétaire confondent déjà besoin de financement des collectivités locales et endettement public !
Par ailleurs, alors même que l’austérité semble imprimer sa marque au projet de loi de finances, je me permets de faire observer que, eu égard aux dépenses d’investissement public des collectivités territoriales supérieures à 50 milliards d’euros en 2012 et en 2013, la situation des comptes publics est loin d’être aussi désastreuse que cela.
Si nous devions condamner par avance les mesures visant à réduire les dotations aux collectivités locales, nous relèverions que ce milliard et demi d’euros que l’on s’apprête à leur retirer aura une incidence non seulement sur la croissance et l’emploi, mais aussi sur l’investissement public. Ainsi, quand le Gouvernement décide, par exemple, de mettre à contribution France Télévisions pour réduire les déficits publics, ce groupe arrête un plan social mettant un terme à l’activité de plus de 360 personnes dans ses différentes sociétés !
Pour le reste, que dire ?
Solliciter encore les ménages et leur demander de payer plus d’impôt – le dégel du barème de l’impôt sur le revenu est littéralement annulé par les mesures concernant les mutuelles ou les majorations de pensions et n’oublions pas la dose de fiscalité écologique punitive contenue dans la révision des tarifs de la TICPE – revient à s’engager dans une impasse !
Par ailleurs, il y a du grain à moudre du côté des entreprises.
Cela étant, même si nous sommes convaincus que la fiscalité ne peut pas tout, nous pouvons cependant lui faire jouer un rôle incitatif à une juste et efficace allocation du capital, notamment en pénalisant les comportements spéculatifs des entreprises non financières et, a fortiori, des banques et des compagnies d’assurance. Nous formulerons des propositions en ce sens.
Tel est, pour l’heure, l’apport que nous entendons défendre durant la discussion de la partie relative aux recettes du projet de loi de finances pour 2014.
Si ce texte est profondément modifié, tous les efforts de la majorité de gauche de cette assemblée convergeront pour soutenir un budget de courage et de combat contre la crise et le chômage. Si tel n’est pas le cas, nous serons amenés à le rejeter sans ambages. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, redresser nos finances publiques, favoriser la croissance et l’emploi : tels sont les objectifs prioritaires et affichés du projet de loi de finances pour 2014.
Les membres du groupe RDSE, particulièrement les radicaux de gauche, les partagent et les soutiennent avec conviction.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien ! C’est faire preuve de clairvoyance !
M. Yvon Collin. Néanmoins, à l’heure où nous entamons l’examen de ce texte, une certaine inquiétude règne.
M. Yvon Collin. Pour la première fois, nous discutons d’un projet de budget dont on peut penser qu’il est en sursis, puisque le Premier ministre a annoncé une réforme fiscale complète dans le projet de loi de finances pour 2015.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà bien le problème, en effet ! Cela ne va pas !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le Président de la République a annoncé que cela se ferait d’ici à la fin du quinquennat. Alors…
M. Yvon Collin. Nous ne nions pas la nécessité d’une telle réforme, à laquelle nous sommes même très favorables. Nous l’appelons d’ailleurs de nos vœux depuis de nombreuses années.
Selon nous, elle doit inclure la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG en un unique impôt progressif. C’est une proposition que les radicaux de gauche soutiennent depuis longtemps, presque depuis l’instauration de l’impôt sur le revenu en 1907 par l’un des leurs, Joseph Caillaux, alors ministre des finances du cabinet Clemenceau.
Pour ma part, je me réjouis de la décision de saisine du Conseil des prélèvements obligatoires par la commission des finances afin d’obtenir un avis technique quant à la faisabilité de cette fusion.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, j’espère que l’ensemble de la majorité, voire au-delà, sera en mesure, dans un an, de présenter une réforme fiscale juste et ambitieuse, car l’annonce du Premier ministre suscite, à juste titre, de fortes attentes et des espoirs, y compris dans les entreprises et dans les collectivités locales. Nous apporterons notre contribution pour permettre à cette réforme d’aboutir et de marquer l’histoire de notre pays.
M. Vincent Delahaye. Il ne faut pas rêver !
M. Yvon Collin. De la même façon, nous préconisons un impôt progressif sur les sociétés, de manière à mettre fin à une aberration : le taux effectif d’impôt sur les sociétés versé par les grandes entreprises est deux à trois fois inférieur à celui qu’acquittent les PME et les TPE.
Ces nouveaux impôts devront avoir une assiette large, et non percée, progressivement, par une multitude de niches fiscales qui remettraient en cause l’égalité devant l’impôt et, par là même, le consentement à l’impôt, qui est le fondement de notre démocratie.
Une fois cette grande réforme fiscale adoptée et mise en œuvre, il faudra surtout respecter un autre impératif : celui de la stabilité. En effet, mes chers collègues, nous sommes nombreux à dénoncer et à regretter régulièrement, dans cette enceinte même, l’instabilité fiscale, qui constitue l’un des principaux handicaps de notre pays parce qu’elle empêche les ménages de prendre certaines décisions : épargner ou consommer plus ou moins, investir dans les entreprises, vendre ou acheter un bien immobilier. Elle freine également les entreprises dans leurs décisions d’investissement et, par conséquent, elle bride l’innovation et la croissance.
En attendant le projet de budget pour 2015, j’en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2014, qui nous occupe aujourd’hui et qu’il nous faudra approuver avant la fin de l’année.